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SOMMAIRE
présidence de M. Rudy Salles
1. Libertés et responsabilités des universités. – Suite de la discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence (nos 71, 80)
Suspension et reprise de la séance
discussion générale (suite)
Mme Valérie Rosso-Debord,
MM. Armand Jung,
Daniel Fasquelle,
Laurent Hénart,
Mme Monique Boulestin,
MM. Yves Bur,
Michel Diefenbacher,
Régis Juanico,
Alfred Almont,
Mme Gabrielle Louis-Carabin,
MM. Simon Renucci,
Damien Meslot.
Clôture de la discussion générale.
Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
motion de renvoi en commission
Motion de renvoi en commission de M. Jean-Marc Ayrault : M. Yves Durand, Mme la ministre, MM. Benoist Apparu, rapporteur de la commission des affaires culturelles, Frédéric Reiss, Mme Jacqueline Fraysse, MM. Alain Claeys, Yvan Lachaud. – Rejet.
Rappel au règlement
MM. Pierre Cohen, le président.
Suspension et reprise de la séance
discussion des articles
Article 1er
MM. Jean-Frédéric Poisson, Lionel Tardy, Mme Chantal Berthelot.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles.
Mme la ministre.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Ordre du jour des prochaines séances
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence
Nous allons suspendre la séance en attendant que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ait terminé ses travaux.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue, est reprise à vingt-deux heures.)
La parole est à Mme Valérie Rosso-Debord.
Mis en lumière lors de la crise du CPE, ce malaise, qui confine parfois au mal-être, peut s’expliquer non seulement par des conditions de vie pas toujours satisfaisantes et des difficultés d’insertion dans l’emploi, mais aussi par un manque de confiance dans l’avenir. Comment une société moderne comme la nôtre peut-elle accepter cela ?
Les années qui suivirent Mai 68 ont suscité d’immenses espoirs pour les jeunes générations, dont la mienne : espoirs d’une société plus harmonieuse, plus équitable, une société du savoir qui valoriserait le mérite de chacun sans reproduire les modèles de caste.
Force est de constater que l’augmentation régulière des personnes fréquentant les bancs de l’université n’a pas permis une réelle et efficace démocratisation de l’enseignement supérieur. Nous rencontrons encore trop souvent des jeunes dont l’orientation est subie et qui sont à l’université par défaut. Ce constat établi, que faut-il faire ?
Notre ambition est double : permettre à chacun de réussir et inscrire positivement nos universités dans l’économie mondiale de la recherche et de la connaissance.
Aujourd’hui, madame la ministre, vous avez eu le courage de poser le bon diagnostic. Trop souvent, nous constatons des moyens dont la répartition est à revoir, des locaux vétustes ou peu fonctionnels, et, surtout, des statuts inadaptés à la mise en œuvre d’une stratégie. Dans ces conditions, la réforme de l’université française, trop longtemps différée, est une exigence nationale.
En donnant aux universités les moyens de leur modernisation par une gouvernance refondée, une autonomie réelle, de nouveaux leviers de financement, le projet de loi relatif aux libertés des universités va dans la bonne direction. Il s’agit pour nous d’une première étape de cette cathédrale, qui verra suivre cinq chantiers : l’orientation, le logement, la santé, le statut des enseignants et des chercheurs, la lutte contre l’échec.
Je souhaiterais aujourd’hui insister sur une des conséquences attendues de cette réforme : le lien très étroit et trop souvent négligé qui existe entre une orientation adaptée et les conditions de vie proprement dites.
L’absence de repères est la première source de malaise, dont les implications directes sur la santé sont nombreuses et particulièrement dangereuses : conduites addictives, comportements à risque, dépression pouvant aller jusqu’au suicide.
Ces éléments ont été clairement démontrés par la mission d’information sur la santé et la protection sociale des étudiants menée par Laurent Wauquiez au cours de la dernière législature. Les médecins de la santé U confirment d’ailleurs le nombre considérable de consultations motivées en fait par un problème de mauvaise orientation.
C’est pourquoi il était urgent d’agir en amont, dès le lycée, au moment où il est encore possible, ou du moins plus facile, de changer de voie. A cet égard, la mise en place d’une procédure de pré-inscription pour l’accès à l’université, établie en concertation avec les lycées, dès la classe de seconde, constitue une avancée importante.
Par ailleurs, l’obligation pour les établissements de rendre publiques les statistiques, avec des indicateurs de réussite aux examens et aux diplômes, ainsi que la création d’un bureau d’aide à l’insertion professionnelle sont autant d’éléments positifs qui vont dans le sens du respect des étudiants et de leurs familles.
Dans le même sens et pour aller plus loin, il serait utile d’indiquer, pour chaque cycle, le nombre exact d’étudiants sortis du supérieur sans diplôme et quels moyens seront à l’avenir mis en place pour prévenir ce gâchis qu’il nous faut combattre avec détermination.
Ainsi, mes chers collègues, ce texte apporte davantage de liberté pour davantage d’efficacité.
Parce que derrière chaque étudiant en difficulté, il y a une famille qui souffre, qui doute et qui perd pied, la transparence de l’offre et l’accompagnement doivent rester les clés de voûte de notre démarche d’orientation active conditionnant un bon équilibre psychologique, un fort degré de confiance en soi et, au-delà, l’accès à l’emploi et le bon déroulement d’une carrière professionnelle.
Par ses objectifs ambitieux et l’étendue de son champ d’action, ce texte pose indiscutablement la première pierre d’un édifice visant à redonner confiance à l’ensemble de nos concitoyens.
C’est avec enthousiasme, madame la ministre, que je soutiens ce projet de loi, car il est temps de donner tort à Paul Nizan. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Notre pays compte à l’heure actuelle quatre-vingt-cinq universités, presque autant que de départements. « C’est énorme ! », avez-vous dit en commission des affaires culturelles. Seules trois universités françaises figurent à l’heure actuelle parmi les 100 premières dans le classement de Shanghai des 500 meilleures universités mondiales, classement qui, à tort ou à raison, nous sert de référence. Il s’agit de Paris VI, de Paris XI et de Strasbourg I.
Si l’objectif du Gouvernement, et nous pouvons le rejoindre sur ce point précis, est de favoriser la création de campus de réputations européenne et mondiale, il convient donc forcément de se poser la question du regroupement et de la fusion de nos universités, seule à même d’attirer les meilleurs enseignants et chercheurs du monde entier et de leur offrir des conditions de travail, de carrière et de rémunération valorisant le talent et la compétence.
Votre projet de loi, qui se concentre sur la gouvernance des établissements, ne favorise pas suffisamment et explicitement la fusion de nos universités. Il peut même être un frein pour celles de nos universités qui ont d’ores et déjà décidé de se regrouper en une université unique.
Le découpage actuel de nos établissements entre universités spécialisées est incompréhensible pour les étrangers. Il complique les relations de partenariat avec eux et handicape donc les universités françaises. C’est pourquoi il faut construire en France quelques universités pluridisciplinaires et généralistes, tout au plus une dizaine, comparables aux grandes universités européennes et mondiales.
La pluridisciplinarité apparaît aujourd’hui comme un enjeu fondamental. En permettant une grande richesse de combinaisons et de synergies, elle favorisera la création de nouveaux objets de recherche, de nouvelles filières de formation, de nouvelles possibilités d’options dans les filières existantes.
Qui peut croire aujourd’hui que l’on peut s’attaquer aux problèmes de l’environnement sans mobiliser à la fois des géographes, des géologues, des démographes, des juristes, des sociologues, des urbanistes, des chimistes ?
Même pluridisciplinarité nécessaire pour les problèmes d’éthique – des affaires, des relations internationales, de bioéthique –, pour la place de l’image et des techniques de l’image, pour la conquête de l’espace, pour les relations entre les peuples, les cultures, les religions, dans le cadre de la mondialisation. Aucune science ne peut plus prétendre avoir le monopole des réponses sur quelque problème que ce soit.
La constitution de pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES –, qui se limitent à une coopération volontaire et incitative, ne me semble pas répondre à l’objectif de création de grandes universités intégrées.
L’université unique, c’est le choix de l’audace et du progrès contre la résignation et la stagnation : une seule université sur un seul site, une présentation unifiée de l’offre de formation et des activités de recherche, un seul site informatique, un seul service de valorisation de la recherche, une seule politique, une seule équipe présidentielle avec qui négocier tous les partenariats.
Dans un discours remarqué, prononcé à Strasbourg le 2 juillet dernier, le Président de la République a déclaré : « II faut montrer que Strasbourg est la capitale de l’Europe et s’en donner les moyens. »
II n’y a pas de capitale européenne sans université européenne. La future université unique de Strasbourg, qui regroupe les trois universités strasbourgeoises actuelles, pourrait être créée dès le 1er janvier 2009. Les neuf conseils des trois universités ont voté à une forte majorité en faveur de ce projet.
Cette université, qui deviendra l’une des grandes, sinon la plus grande, de notre pays, comptera 43 000 étudiants, dont près de 20 % d’étrangers, et 4 000 à 5 000 enseignants, chercheurs et personnels administratifs. Ce projet de fusion, véritable laboratoire expérimental, rendra service à toute la communauté universitaire de France en constituant un modèle dont pourront s’inspirer d’autres sites universitaires. Je pense notamment aux universités d’Aix-Marseille qui ont annoncé leur intention de se réunifier.
Le projet strasbourgeois d’une université unique peut parfaitement intégrer les nouvelles dispositions de votre projet de loi, mais l’article 30 de votre texte bouleverse l’échéancier du projet de fusion, pourtant validé par votre ministère, qui prévoit la création de la nouvelle université au 1er janvier 2009.
Devoir recomposer un conseil pour chaque « ancienne » université, à quelques mois de la réalisation de la nouvelle université, avec ce que cela implique de remise au bon niveau d’information de ses nouveaux membres, serait générateur de risques forts pour l’avancement de la démarche et du respect du calendrier négocié avec l’administration centrale.
Le site de Strasbourg, si on lui en donne les moyens, a la capacité d’être l’un des campus « de réputation mondiale » réclamés par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pourquoi plus de libertés et de responsabilités – certains diront plus d’autonomie – pour nos établissements d’enseignement supérieur ? La raison principale réside, sans aucun doute, dans la nécessité de pouvoir prendre les bonnes décisions au niveau le plus pertinent. Plus libres, nos universités pourront mieux répondre aux attentes des étudiants et du monde professionnel. Elles seront en capacité de relever les défis de l’économie de la connaissance et de la mondialisation. Plus responsables, elles pourront être plus réactives et elles construiront les partenariats qui leur permettront d’aller résolument de l’avant. Plus de libertés et plus de responsabilités pour nos universités, c’est une bonne nouvelle pour notre pays qui, à l’instar de l’Irlande dont on connaît les succès économiques, fait désormais de l’enseignement supérieur et de la recherche une priorité absolue.
Mais, alors que l’on dénonce depuis des années les entraves qui empêchent nos universités de se moderniser, pourquoi n’a-t-on pas abouti plus tôt ? Hormis le fait qu’elle a été la victime collatérale de crises universitaires à répétition, l’autonomie des universités ne pouvait aboutir faute d’un nouvel état d’esprit dans notre pays. Cette nouvelle vision des choses s’impose enfin depuis l’Élysée et depuis l’élection de Nicolas Sarkozy. Il s’agit de bâtir une société plus libre et plus responsable. Il s’agit aussi de redonner aux Français le goût du travail, du mérite, de l’audace, et de leur rendre la fierté de leur pays.
C’est sur ces bases nouvelles que vous aurez, madame la ministre, forte de la loi que vous proposez et que nous allons voter, à construire une relation différente entre l’administration centrale et les universités, fondée sur la confiance, la culture du résultat et l’évaluation plutôt que sur la défiance, la bureaucratie et un corps de règles par trop complexe et contraignant.
Vous l’avez compris : nouveau député mais fort de l’expérience de mon parcours universitaire, j’adhère sans hésiter aux principes contenus dans la loi que vous défendez avec talent et conviction.
Avec vous, madame la ministre, je veux également rappeler que si autonomie il doit y avoir, elle ne peut être sans limite. La réforme s’inscrit en effet dans la tradition française qui combine cadre national et autonomie des établissements d’enseignement supérieur.
Libertés et responsabilités, cadre national et autonomie nécessaire des établissements : on l’aura bien compris, tout est ici affaire de dosage et de réglages. A ce sujet, et pour compléter ce qui a été dit au cours de cette journée, je voudrais attirer votre attention sur deux points d’équilibre à trouver, sur deux défis à relever.
Le premier consiste à faire en sorte que l’autonomie conduise au regroupement des universités sans pour autant remettre en cause leur présence sur l’ensemble du territoire national.
Doyen d’une faculté de droit dans une université créée en 1992, j’entends les critiques qui sont régulièrement formulées à l’encontre des universités de proximité. Il ne faudrait pas que, sous prétexte de rationalisation, l’autonomie nouvelle conférée aux établissements conduise ceux-ci à remettre en cause le maillage universitaire du territoire national.
En effet, les universités de proximité participent activement à la démocratisation de l’enseignement supérieur. Elles jouent un rôle d’ascenseur social, comme, en leur temps, les écoles normales d’instituteurs. Par ailleurs, comment atteindre sans elles l’objectif de 50 % d’étudiants en licence, contre 37 % seulement aujourd’hui ?
À taille humaine, ces universités ont su innover au plan pédagogique. Elles enregistrent des résultats très encourageants car elles ont su également développer des formations nouvelles qu’attendait le monde professionnel. Elles sont devenues, au fil du temps, un atout pour le développement régional, permettant de rapprocher l’enseignement supérieur de l’emploi, d’innover et de créer des partenariats durables avec le monde économique, à travers la constitution de pôles d’excellence.
Je ne nie pas que telle ou telle réorganisation peut être nécessaire ici ou là. De même, il est évident que ces universités doivent travailler en réseau et non pas vivre isolées. Mais, ensemble, faisons en sorte que la réforme nécessaire de l’université française conduise non pas à fragiliser, mais au contraire à renforcer les établissements dont notre pays, dont nos territoires ont absolument besoin.
Nous avons un autre défi à relever, un autre équilibre à trouver, que je n’évoquerai que brièvement, car il sera au cœur de nos débats. Il s’agit, dans les universités pluridisciplinaires cette fois-ci, de concilier le renforcement du pouvoir central de décision et la nécessité de permettre aux disciplines et aux universitaires de mener un dialogue indispensable, qu’il faut sinon organiser, du moins encourager.
Nul ne doute de la nécessité de mettre fin à la multiplication des centres de décision, sources de paralysie, de perte d’énergie et de temps. Le projet de loi, en ce qu’il donne aux présidents et aux conseils d’administration de vrais moyens pour agir, doit sans aucun doute être encouragé. Cependant, cette évolution nécessaire ne doit pas conduire à la domination d’une ou de plusieurs disciplines sur les autres ; elle ne doit pas non plus conduire à prendre des décisions à un niveau qui ne serait pas nécessairement le plus pertinent.
Si, au nom de l’efficacité et de la subsidiarité, il doit y avoir déconcentration depuis le ministère vers les universités, ou tout du moins à l’intérieur des universités, quand elles sont pluridisciplinaires, il faut également une répartition des rôles entre le pouvoir central et les composantes, dans le respect des disciplines et des universitaires.
À l’image de la France d’aujourd’hui, qui veut associer tradition et modernité, fierté nationale et appartenance européenne, liberté économique et protection sociale,…
La parole est à M. Laurent Hénart, pour cinq minutes.
Madame la ministre, vous vous attaquez, pour commencer, à la réforme qui était la plus mûre dans l’esprit de la communauté universitaire et de ses partenaires, ainsi que des parlementaires, comme en témoigne l’excellent rapport de M. Claeys et M. Bouvard, rédigé en juin 2006. Ce rapport, adopté à l’unanimité, tant de la mission d’évaluation et de contrôle que de la commission des finances, forme le socle de ce projet de loi.
Mais celui-ci va plus loin, puisqu’il propose une architecture efficace, fort bien décrite par notre rapporteur. Celle-ci définit des responsabilités claires. Il prévoit, d’un côté, un président rééligible, aux pouvoirs renforcés. À cet égard, le mode de scrutin choisi, sur le modèle des élections municipales, me paraît de nature à permettre au président de conduire un mouvement politique dans son université, afin que le contrat soit encore plus clair au soir de son élection. De l’autre côté, le texte prévoit un conseil d’administration resserré, aux pouvoirs renforcés.
Je tiens d’ailleurs à souligner les avancées du projet de loi vis-à-vis du rapport de la MEC. Le projet d’établissement universitaire est pris par le conseil d’administration, lequel crée les UFR, ce qui n’était pas envisagé par la MEC. Autant de manières de lui donner un poids réel et incontournable dans l’animation de l’établissement.
Face à ces pouvoirs, les décisions se prendront dans la transparence, avec le contrepoint de l’État. Tout est public, en effet, dans les délibérations des instances. Le contrôle de légalité du recteur sera effectué de manière annuelle. Quant au contrepoint de l’État, la politique contractuelle prendra, je l’espère, un nouveau tour. L’État disposera ainsi d’une meilleure évaluation en matière de recherche et d’insertion professionnelle des étudiants, comme il pourra aussi affiner ses critères de péréquation. Ainsi, l’intégration de données socio-économiques permettra aux universités qui consentent, pour recruter leurs étudiants, un effort en matière de diversité socioculturelle, d’être payées de retour par la dotation d’État. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est là un point essentiel qu’il fallait aborder, avant d’ouvrir des chantiers plus difficiles à délimiter, comme les cinq qui ont été énumérés et qui nécessitent une longue concertation, ainsi que des moyens. Il fallait revoir les règles du jeu. Voilà quinze ans maintenant que nous parlons de la gouvernance des universités et que nous souhaitons que les nôtres soient pilotées comme les autres grandes universités européennes.
C’est pourquoi il est bon de commencer par ce point. Vous montrez ainsi, madame la ministre, la volonté du Gouvernement d’agir avec ambition. Vous donnez aussi aux universités les moyens de participer à ce mouvement au rythme qu’elles choisiront, au cours des cinq années qui viennent. Vous posez ainsi la première pierre de l’édifice.
J’ai été particulièrement sensible au fait que, dans ce projet de loi, vous ajoutiez, aux missions de l’université, l’insertion professionnelle des étudiants. Certes, l’université a pour but la recherche, l’innovation et le transfert des savoirs. Mais, nous mesurons, quand nous recevons dans nos permanences des étudiants et leurs parents, que, dans l’esprit de nos concitoyens, l’université a aussi pour but de favoriser, par des diplômes toujours plus élevés, l’accès à l’emploi et de le rendre plus rapide et plus sûr.
Or, depuis 2000, les statistiques du CEREC, produites conjointement par le ministère de l’éducation nationale et celui du travail, montrent bien qu’il n’en est rien. Parfois, il vaut mieux être titulaire d’un DUT spécialisé et professionnalisé que d’une maîtrise générale ou d’un master de recherche.
De ce point de vue, un effort important doit être fait. À cet égard, madame la ministre, je rejoins vos propos sur la sélection, ou plutôt sur le fait qu’une sélection par numerus clausus n’est ni républicaine ni efficace. Dans le domaine de la santé, notamment, l’État maîtrise le numerus clausus ; mais l’expérience a montré qu’il n’était pas nécessairement à même de pronostiquer les débouchés professionnels qu’offrent les filières.
Je crois plutôt à la professionnalisation des études, que nous devons organiser ensemble, en rendant plus transparents les débouchés professionnels des diplômes, comme nous y a invité Mme Rosso-Debord. Un décret de 1986 prévoit la publication de ce qu’on appelle le « placement » des diplômes, c’est-à-dire le taux d’emploi, un ou trois ans après l’obtention du diplôme. Or, dans la quasi-totalité des universités, ce décret, pris il y a vingt et un ans, n’est pas appliqué.
La première chose est de donner aux étudiants une information dans ce domaine. Ils pourront ainsi s’inscrire en connaissance de cause. La seconde est d’allouer des moyens afin que l’université puisse offrir des filières en alternance. Je crois beaucoup à ce moyen d’apporter aux étudiants une expérience professionnelle. Non seulement ils pourront vérifier qu’ils sont bien faits pour le secteur professionnel vers lequel ils s’orientent. Mais surtout, c’est le meilleur moyen de rapprocher l’offre de formation et les besoins des employeurs privés et publics.
Tout ce qui pourra soutenir le développement de l’alternance dans l’université sera bienvenu. Ce doit être une des priorités de la contractualisation de l’État.
Enfin, en même temps que vous allez développer l’aide sociale et consolider le statut social des étudiants – ce qui est nécessaire –, il faut continuer à faciliter, pour eux, l’exercice d’une profession, notamment l’activité professionnelle à temps partiel, qui leur offre un bon moyen non seulement de découvrir la vie professionnelle dans la filière dans laquelle ils préparent leur diplôme, mais aussi, plus largement, de se confronter à la réalité du travail.
Tout cela ne se fera pas sans moyens supplémentaires. Le chef de l’État a d’ailleurs annoncé un objectif de 50 % d’augmentation des crédits, et je souhaite que cet objectif quinquennal soit fixé dans le cadre d’une loi de programmation. L’Assemblée assurerait ainsi une meilleure lisibilité de ses travaux et garantirait l’efficacité de la réforme qu’elle vote aujourd’hui.
L’autonomie elle-même aura besoin d’être alimentée par des emplois de catégorie A, c’est-à-dire des emplois qualifiés. Nous aurons d’autant plus de mérite à la permettre, avant d’ouvrir d’autres chantiers et de les conduire à terme, que nous le ferons dans le cadre d’une programmation annoncée, concertée et dont le Parlement se portera garant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
J’évoquerai trois points, déjà évoqués au cours du débat, qui représentent autant de freins à la mise en œuvre de ce qui devait être, selon les mots du Président de la République, une « mission absolument prioritaire au sein du Gouvernement ».
Le premier est la lutte contre la précarité dont souffrent étudiants et jeunes chercheurs, à laquelle s’ajoute la dérive induite par la création d’emplois contractuels. La précarité financière oblige les plus démunis à travailler dans des conditions difficiles, qui les privent d’une réelle implication dans leurs études. Les difficultés sociales imposent d’autres mesures et d’autres moyens d’accompagnement que ceux qui sont proposés, notamment un accompagnement médical et paramédical, pratiquement inexistant aujourd’hui au sein de l’université. Quant aux problèmes d’hébergement, ils appellent déjà un investissement de la part des villes, des agglomérations et des régions.
Le second point tient à la nécessité, pour garantir de meilleurs cursus, de clarifier la lisibilité de notre système éducatif et universitaire à différents niveaux, notamment pour ce qui est du rôle des différentes composantes de notre université et de celui de l’État. N’oublions pas que la recherche des fonds propres accroîtra non seulement les disparités entre les universités mais aussi la distance entre l’université et les missions de service public qui sont aujourd’hui les siennes. Les fusions annoncées ne feront qu’aggraver les inégalités territoriales, alors que les PRES, initialement prévus, devaient permettre une mise en cohérence des universités.
Le troisième point concerne l’échec du premier cycle, qui impose que les dispositifs annoncés passent par des conditions exigeantes pour l’État. Dans ce domaine, une réforme est attendue tant par les enseignants que par les étudiants, qui, tous, rejettent ce parcours de l’échec.
La mauvaise orientation dénoncée par tous appellerait d’autres réponses, et le faible niveau d’encadrement impose d’autres moyens. Nous savons aujourd’hui que celui des universités est inférieur à celui des lycées. Les difficultés d’insertion professionnelle, quel que soit le diplôme obtenu, sont à prendre avec davantage de considération, pour ne citer que cet exemple.
Madame la ministre, une gouvernance moderne, puisque tel est le thème central de cette réforme, ne peut s’appuyer uniquement sur le renforcement du rôle du président de l’université. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour réussir, celui-ci doit être en phase avec l’ensemble de la communauté universitaire, ce qui ne sera plus le cas, dans le cadre de ce nouveau projet. Par ailleurs, le désengagement global de l’État constitue un recul, qui pèsera lourd sur les collectivités territoriales et ne répondra pas à l’ambition affichée par le Gouvernement en termes de développement économique et d’aménagement du territoire. Mais les critères de Shanghai sont sans doute devenus les lois universelles derrières lesquelles nous devons désormais nous aligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous devons y parvenir en engageant le chantier de l’enseignement supérieur, confronté au défi de la masse des étudiants dont nous savons bien qu’ils n’ont pas tous vocation, même s’ils sont bacheliers, à poursuivre un cursus universitaire qui se doit de rester exigeant. Beaucoup d’enseignants considèrent qu’il est plus que temps de proposer des solutions au défi de la démocratisation et de la massification de l’université, une massification, qui pour nombre de spécialistes, va à l’encontre d’une réelle démocratisation.
Je suis fier que le Président de la République ait placé ce chantier, qui conditionne l’avenir, au cœur de son engagement pour la France. En effet, plutôt que d’affronter cette réalité qui dérange, notre pays et les responsables que nous sommes se sont faits trop longtemps complices d’un gâchis humain considérable.
Comment sortirons-nous de ce gâchis qui touche massivement le premier cycle ? Une meilleure orientation suffira-t-elle ? Un accompagnement pédagogique renforcé sous forme de tutorat – comme vous le proposez, madame la ministre – et destiné à prendre en compte le niveau des étudiants est-il la réponse à ce constat ?
Je considère que c’est bien la qualité même de notre cursus scolaire qui est en cause et qui, dans les enquêtes d’évaluation PISA, place notre pays juste au-dessus de la moyenne de ceux de l’OCDE, alors que nous dépensons plus qu’eux. C’est bien de son amélioration que nous pourrons obtenir une meilleure préparation des élèves au passage à l’université.
La sélection reste un des tabous qu’il semble impossible de briser. Il en est de même des frais d’inscription, pourtant moins onéreux qu’un abonnement de téléphone mobile !
Puisque l’État ne semble pas en mesure d’assumer seul le coût des études supérieures, j’espère que la dynamique de l’autonomie aboutira tôt ou tard à briser ce dernier tabou pour permettre à l’Université de remplir dignement ses missions et de tenir son rang dans le contexte mondialisé.
Nous apprécions, madame la ministre, votre volonté d’engager avec détermination les chantiers qui, pour conforter l’objectif d’excellence universitaire, devront accompagner cette autonomie nouvelle. Il faudra que l’État consente dans les meilleurs délais un effort financier indispensable. Il permettra de garantir la réussite de cette nouvelle organisation de nos universités et de renforcer notre compétitivité pour attirer et fixer sur le territoire national les talents de demain. Il confortera ainsi le rang de puissance mondiale qui est encore celui de la France.
Concernant l’architecture de la réforme, dès lors que ce texte élargit l’autonomie et octroie de nouvelles libertés et donc de nouvelles responsabilités, nous devons éviter la tentation de vouloir tout organiser et tout préciser dans la loi. Je voudrais saluer le travail de notre rapporteur, qui a bien compris que cette réforme est d’abord un acte de confiance dans nos universités. Elles sauront tirer le meilleur parti du cadre que nous leur proposons.
Au carrefour de ces deux exigences, plus de moyens financiers et plus de libertés, figure la nécessité d’optimiser l’organisation de l’État. Je forme le vœu que cette réforme s’accompagne d’une adaptation des services centraux afin de générer, d’une part, des économies qui pourront être employées au service de l’université, et, d’autre part, d’impliquer une moindre pression bureaucratique, ce qui allégera la mise en œuvre des initiatives.
Enfin, avant de conclure et en vous renouvelant, madame la ministre, mon soutien actif, je voudrais vous sensibiliser, au nom de mes collègues alsaciens, comme l’a fait avant moi Armand Jung, à la contrainte excessive que pourrait faire peser sur la fusion des trois établissements universitaires strasbourgeois, l’application stricte des dispositions de l’article 30 du projet de loi. L’échéancier du projet de fusion validé par le ministère prévoit que la nouvelle université de Strasbourg sera créée au 1er janvier 2009. Devoir recomposer un conseil pour chaque « ancienne » université à quelques mois de la création de la nouvelle université serait générateur de risques forts pour les progrès, et peut être même pour l’issue de ce projet ambitieux et original, dont la finalité est de créer un campus à vocation mondiale. Je vous remercie par avance de bien vouloir porter une attention particulière à cette question. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nos universités sont donc vitales, mais elles sont malades d’une massification mal maîtrisée et d’une mondialisation à laquelle elles ne s’étaient pas préparées. Déclassées par rapport à leurs concurrentes européennes, asiatiques et américaines, elles n’assurent plus à leurs étudiants les perspectives qu’ils attendent.
Je voudrais ensuite vous féliciter, madame la ministre, pour cette ouverture d’esprit et ce pragmatisme dont vous faites preuve depuis que ce dossier est entre vos mains. Trouver des solutions suffisamment fortes pour avancer et suffisamment raisonnables pour éviter tout emballement, ce n’est pas un exercice facile. Vous y réussissez excellemment. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le texte que vous présentez et qui nous arrive du Sénat, suffira-t-il à lui seul à « refonder l’université française », pour reprendre l’expression que vous avez utilisée tout à l’heure ? À lui seul, sûrement pas. Mais il marque un premier pas essentiel car, au-delà de ses dispositifs techniques, cette réforme vise à faire évoluer les mentalités, ce qui est plus important que tout.
En effet, l’autonomie n’est pas seulement un ensemble de règles mais c’est surtout un nouvel état d’esprit…
Je prendrai l’exemple de l’homogénéité des diplômes. Ce dogme n’est jamais contesté mais personne n’y croit vraiment, ni les étudiants, ni les enseignants ni les employeurs. En réalité, même sous des appellations semblables, les diplômes ne sont pas identiques. En l’absence de procédure transparente d’évaluation et de comparaison entre les filières, les programmes et les établissements, des effets opaques de réputation ou de réseaux génèrent des hiérarchies dépourvues d’objectivité et d’équité.
Cette hypocrisie ne sera levée que lorsque – comme l’a proposé la MEC – toutes les universités seront tenues de publier leurs résultats sur la réussite aux diplômes et sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés. C’est aux universités d’en décider. Ce sera l’un des enjeux de l’autonomie. Mais comment ne pas se féliciter que l’orientation fasse désormais partie, de manière explicite, des missions prioritaires du service public de l’enseignement supérieur ?
Le second tabou que l’autonomie permettra de lever, c’est la question des frais d’inscription. Il faut regarder l’université telle qu’elle est, c’est-à-dire, trop souvent, dans un état d’indigence inacceptable. L’État, c’est son rôle, s’est engagé à faire plus et il le fera, vous l’avez rappelé, madame la ministre. Un rattrapage financier vigoureux s’impose en effet. Mais l’État ne pourra pas corriger seul toutes les conséquences de trente ans d’hésitation et de conservatisme. D’autres fonds publics ou privés seront nécessaires – d’où l’importance des fondations – ainsi qu’un effort des étudiants eux-mêmes qui devra bien sûr tenir compte de la capacité contributive des familles et s’accompagner d’un renforcement du système des bourses. Il faut dire clairement que jamais nous n’accepterons une sélection par l’argent, mais, sincèrement, un effort supplémentaire n’est pas hors de portée.
Une intéressante étude de la fondation Concorde établit qu’une augmentation des droits annuels d’inscription de 300 euros, appliquée uniquement aux deux tiers des étudiants les plus aisés, permettrait d’injecter 450 millions d’euros dans les universités, soit près d’un quart de leurs dépenses autres que leurs charges fixes.
Vous avez d’ailleurs fait l’aveu de cette précipitation, durant votre audition par la commission des affaires culturelles en affirmant avoir reçu plus de partenaires sociaux en six semaines – vos fameuses soixante heures – que vos prédécesseurs en cinq ans.
Autre preuve de cette impréparation : le titre même de votre projet de loi a changé trois fois en l’espace d’un mois. Dans sa dernière version, le projet de loi sur la gouvernance s’intitule « libertés et responsabilités des universités ». Je ne suis pas sûr que le fait de reprendre à un mot près l’intitulé de la loi du 13 août 2004 de Jean-Pierre Raffarin qui organisait le transfert de nombreuses charges financières vers les collectivités locales sans en assurer la compensation par l’État, soit de nature à rassurer les élus locaux que nous sommes (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) et encore moins les présidents d’université qui se débattent déjà souvent dans de considérables difficultés budgétaires. Ce titre est au mieux une maladresse, au pire une faute élémentaire de psychologie, voire un aveu pour l’avenir. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le socle sur lequel vous souhaitez construire vos réformes a sérieusement rétréci au lavage. C’est en ce sens que ce texte est étriqué, sans vision claire des objectifs et des finalités au service desquels vous souhaitez mettre en place cette nouvelle gouvernance. De ce point de vue, vous auriez même pu intituler ce texte « service minimum pour les universités », puisque ces termes sont à la mode. (« Excellent ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Enfin, le plus inquiétant dans ce projet de loi c’est l’absence de garanties, dans la durée, en termes de programmation des moyens financiers et humains. Or nous le savons tous : sans reforme du calcul de la dotation de fonctionnement, sans péréquation des mécanismes de solidarité, sans plan de rattrapage pour les établissements les moins bien dotés ou les plus dégradés, le renforcement de l’autonomie des universités, c’est la loi de la jungle et le chacun pour soi.
Vous annoncez cinq hypothétiques milliards d’euros supplémentaires en cinq ans pour le budget de l’enseignement supérieur. Soit 20 % d’augmentation alors que le candidat Sarkozy avait promis une hausse de 50 %.
Madame la ministre, comment comptez vous concilier les besoins supplémentaires en personnels formés et qualifiés – par exemple dans le secteur la gestion des ressources humaines des universités – et l’engagement, rappelé avec force dans la lettre de mission que vous a adressée le Président de la République, de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux lors des départs en retraite ?
Madame la ministre, ce que redoutent plus que tout les acteurs de la vie universitaire que j’ai rencontrés à Saint-Étienne, pôle universitaire pluridisciplinaire de taille moyenne avec ses 14 000 étudiants et ses 1 300 personnels – je pense en particulier au personnel IATOSS dont nous avons peu parlé ce soir –, c’est que l’État se désengage, qu’il ne joue pas son rôle de garant de la solidarité et de l’aménagement harmonieux du territoire,
Madame la ministre, si, comme vous le dites, ce texte est une première étape avant d’autres réformes, nous avons alors de sérieuses raisons d’être inquiets pour la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Du fait de sa position géographique, l’université des Antilles et de la Guyane – l’UAG – présente la spécificité d’être implantée, depuis vingt-cinq ans cette année, sur trois pôles géographiques : la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, trois départements qui sont aussi trois régions et trois académies. Six collectivités locales sont donc concernées. J’ajoute que les différents sites sont éloignés de plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres. Cette université dispose par ailleurs de trois IUFM, dont il est prévu qu’ils seront intégrés prochainement.
L’université des Antilles et de la Guyane a cherché à résoudre ses difficultés par ses propres moyens. Ainsi a-t-elle instauré au sein de son conseil d’administration le système dit de la parité, qui consiste à accorder une représentation égale à chacun de ses trois pôles, ce qui a notablement facilité son fonctionnement. Dans le même esprit, afin de favoriser une gestion de proximité par les pôles et pour les pôles, elle a créé statutairement trois conseils universitaires régionaux – CUR – ayant chacun à sa tête un vice-président, de sorte que chaque site bénéficie d’une relative autonomie.
Néanmoins, bon nombre de ses difficultés ne pouvaient être résolues par l’université des Antilles et de la Guyane elle-même et appelaient une intervention du législateur. Votre projet de loi répond à cette nécessité, madame la ministre, en proposant de réformer l’organisation et le fonctionnement de nos établissements d’enseignement supérieur. En effet, c’est bien l’absence d’autonomie qui, jusqu’à présent, les a privés de leur capacité d’initiative, de leur vitalité et d’une réelle efficacité non seulement pour adapter la formation aux besoins de nos économies, mais encore pour soutenir et promouvoir la recherche. Votre projet de loi libère ces énergies et donne à nos universités les moyens de devenir plus réactives et plus modernes. Il faut en faire de véritables pôles d’excellence et de compétitivité dans leur environnement régional.
Toutefois, ces dispositions ne pouvaient s’appliquer sans une adaptation de la loi à la situation particulière des universités d’outre-mer. Il est apparu nécessaire de mener une concertation avec l’ensemble des parties concernées, notamment les départements et les régions d’outre-mer ainsi que l’université des Antilles et de la Guyane, pour envisager les adaptations aux spécificités de cette université et la rendre pleinement opérationnelle. Conscient de ces difficultés réelles, le Gouvernement a donc fait adopter par la Haute assemblée un amendement l’autorisant, sur le fondement de l’article 73 de la Constitution, à agir par voie d’ordonnance dans un délai de six mois pour adapter la loi à ces particularités et organiser les consultations nécessaires.
L’ordonnance à venir ne portera que sur l’adaptation du titre II, consacré à la gouvernance de l’université. Or d’autres dispositions de la loi sont difficilement applicables à l’outre-mer. Je pense notamment à celle qui concerne le comité de sélection prévu dans le titre III. Actuellement, les commissions de spécialistes, auxquelles va se substituer le comité de sélection, doivent comporter au moins un tiers de membres extérieurs. Cette règle contraint déjà l’UAG à financer le déplacement depuis la métropole de ces membres extérieurs, ce qui représente chaque année une dépense substantielle. Il a pu arriver, en outre, que ceux-ci ne se déplacent pas jusqu’aux Antilles et en Guyane, sans que leur absence empêche pour autant les recrutements, puisqu’au moins deux tiers des membres des commissions appartenant à l’UAG étaient sur place.
Or le projet de loi tel qu’adopté par le Sénat pourrait conduire à aggraver la situation au sein de l’UAG. Tout d’abord, l’article 21 dispose que le comité de sélection doit être composé pour moitié au moins de membres extérieurs à l’université, ce qui augmenterait très significativement les frais de déplacement acquittés par l’UAG lors des recrutements. Ensuite, il existe un risque non négligeable que, comme par le passé, les membres extérieurs ne fassent pas toujours le déplacement. Or l’article 21 posant pour règle que la moitié au moins des membres présents devra être extérieure à l’université pour que le comité siège valablement, celui-ci pourrait se trouver dans l’impossibilité de délibérer et donc de recruter.
Pour que votre projet de loi n’aille pas à l’encontre du souci de réactivité des universités qui inspire votre réforme, il me paraît indispensable que l’ordonnance à venir voie son champ d’application étendu au moins au titre III de la loi. Nous n’avons pas, comme nous l’aurions souhaité, la possibilité de présenter un amendement en ce sens. Seul le Gouvernement le peut. C’est pourquoi je sollicite votre engagement sur ce point. Le député-maire de Fort-de-France, qui nous rejoindra tout à l’heure et avec lequel je travaille au sein de la communauté d’agglomération du centre de la Martinique, défendra lui-même des amendements sur ce sujet.
J’espère, madame la ministre, que ma demande sera entendue, ce qui me donnerait toutes les raisons de voter ce texte dont l’importance n’aura échappé à personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Il est, certes, urgent de rénover une législation qui a plus de vingt ans, mais il est tout aussi urgent de donner des moyens suffisants et adéquats aux universités qui assurent outre-mer une mission de service public qui ne se limite pas à la formation générale. En effet, l’université des Antilles et de la Guyane, forte de ses 13 117 étudiants et de ses formations en médecine, géographie, histoire, chimie, mathématiques, informatique, langues, littérature étrangère, droit et sciences économiques notamment, assume déjà et de manière importante une mission fondamentale de préparation des jeunes à l’emploi et à une insertion professionnelle plus valorisante.
Ces deux missions complémentaires font de l’université Antilles-Guyane un bâtisseur d’avenir et un partenaire incontournable de la mobilisation générale pour assurer un meilleur accès à l’emploi des jeunes. Il importe donc qu’elle fonctionne de façon ouverte, en tenant compte des demandes et des besoins de notre économie et de notre société.
L’UAG fait de l’environnement caribéen un atout. En incluant dans sa mission de service public les dimensions de coopération et de codéveloppement, elle tisse en effet des liens avec les universités de la Caraïbe, où elle favorise l’implantation du savoir-faire français, qui peut apporter des solutions à la régulation des flux migratoires en aidant les pays voisins à élaborer des projets de développement durable.
Vous comprendrez que l’UAG, vitrine d’une France riche de sa diversité, veuille, au même titre que les universités métropolitaines, saisir l’opportunité de cette réforme pour accroître dès à présent son attractivité et développer des filières qui font l’objet d’une forte demande. Elle veut rompre avec une image parfois négative et largement erronée, car ses résultats sont la preuve d’un potentiel très honorable, notamment dans les filières scientifiques. En raison de ce déficit d’image, des formations dispensées par l’UAG sont assurées, en Guadeloupe, dans des organismes privés par des universités métropolitaines, ce qui en augmente le coût pour nos compatriotes.
Madame la ministre, l’université des Antilles et de la Guyane de demain doit se construire aujourd’hui. L’enseignement supérieur local y gagnerait en efficacité et en compétitivité. C’est pourquoi j’accorde un intérêt certain à la disposition adoptée au Sénat à l’initiative du Gouvernement, qui permet d’adapter, dans un délai de six mois et conformément aux articles 38 et 73 de la Constitution, la gouvernance rénovée aux caractéristiques et contraintes particulières des régions et départements d’outre-mer.
Cet ajustement de la réforme est primordial pour l’université Antilles-Guyane, dont je vous rappelle qu’elle est un établissement public pluridisciplinaire à caractère scientifique, culturel et professionnel présent sur le territoire de trois départements et de trois régions – Guadeloupe, Martinique et Guyane – distantes de 1 300 km, de trois rectorats, et placé sous l’autorité de trois représentants de l’État.
Le resserrement du conseil d’administration prévu à l’article 6 remet en cause la représentativité à égalité de chaque pôle, qui est la clef de l’unité affirmée de notre université. L’application de la version actuelle de l’article 6 provoquera donc l’éclatement de l’UAG, alors que, sur le territoire métropolitain, les universités font l’effort d’être unes et indivisibles, comme celles de Marseille ou de Strasbourg. De plus, la proportion de personnes extérieures devant siéger au sein du comité de sélection prévue dans le titre III du projet peut être source de dépenses supplémentaires dans la mesure où ces membres extérieurs viennent de l’Hexagone.
J’attire donc votre attention sur le fait que le Gouvernement ne doit pas se contenter d’adapter le titre II de la loi consacré à la gouvernance des universités : le titre III doit également comporter des mesures spécifiques. Aussi, il importe, madame la ministre, que vous nous confirmiez l’engagement que le Gouvernement a pris devant le Sénat de faire du « sur-mesure » pour l’université Antilles-Guyane. L’adaptation de la loi doit se faire dans la concertation la plus totale avec les différents acteurs de l’enseignement supérieur local comme avec les élus, qui sont au fait des réalités et auxquels vous affirmiez faire confiance.
Madame la ministre, c’est l’intérêt de notre jeunesse qui est en jeu. Aussi, je vous renouvelle ma confiance afin qu’ensemble, tout devienne possible pour répondre à ses légitimes attentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Or le malaise ne fait que s’aggraver. Les enseignants-chercheurs assument des charges administratives de plus en lourdes et travaillent dans des conditions d’encadrement indignes d’un grand pays. Les personnels administratifs et techniques supportent la pénurie des moyens. Les étudiants vivent de plus en plus durement la précarisation de leurs conditions de vie et le risque de l’échec, souvent dû à une mauvaise orientation. Ainsi, chaque année, 90 000 jeunes quittent l’enseignement supérieur sans diplôme.
Je suis convaincu que le monde universitaire est prêt : le moment de cette grande réforme, de cette grande ambition commune est venu. Mais, dans ce contexte, la première urgence, dans le cadre de la réforme de l’université, aurait dû être d’élaborer un collectif budgétaire en faveur notamment des universités.
Par équité, et pour dissiper ces craintes, l’urgence commande donc, en premier lieu, que l’on procède à un rattrapage en faveur des universités les moins bien dotées, les moins encadrées et les plus dégradées. Il s’agit de corriger les inégalités entre les établissements avant l’absorption de toute compétence nouvelle. La même urgence exige un audit puis une loi de programmation, afin de financer les dispositions de votre projet de loi visant à transférer la propriété des bâtiments dévolus aux universités, dont la réhabilitation préalable par l’État, s’impose. Comment entendez-vous financer ces travaux massifs de remise à niveau ?
Si l’autonomie universitaire – utile et nécessaire, je le répète – consiste à établir une concurrence entre des universités de tailles différentes et disposant, surtout, de moyens très dissemblables, on aboutira inéluctablement à l’aggravation des inégalités de chances entre les étudiants, mais aussi entre les territoires. Il suffit d’imaginer un instant les abondements privés dont bénéficieront les fondations de certaines universités d’un département où sont installés les sièges sociaux de grandes entreprises en comparaison de petites universités – celle de Corte, par exemple – pour comprendre qu’il est impératif que l’État assume pleinement son rôle.
L’autonomie est toujours une perspective à la fois enthousiasmante et risquée. Elle ne sera un succès que si l’État fixe un cadre qui garantisse l’équité et la complémentarité entre les établissements. À défaut, nous risquons une concurrence dévastatrice entre les universités et l’aggravation de la compétition à laquelle se livrent nos territoires, qui coûte si cher à nos budgets. C’est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir lorsque les universités opèrent des rapprochements.
Mes chers collègues, l’autonomie peut, nous en sommes tous conscients, contribuer à l’émergence d’une université du xxie siècle. Encore faut-il, par ailleurs, que cette autonomie ne contredise pas le principe d’une gestion déconcentrée, qui seule pourra efficacement responsabiliser les acteurs. Nous évoquerons notamment cette question lors de la discussion des articles relatifs au renforcement du pouvoir exorbitant du président de l’université – les articles 12 et 16 en particulier.
Globalement, c’est bien d’un effort national qu’il s’agit. Nous avons besoin d’un saut substantiel de la qualité de la formation et du niveau de l’ensemble de nos étudiants ; 1 % du PIB consacré à nos étudiants : c’est bien des moyens supplémentaires qu’il faut pour mettre en œuvre les ambitions de votre projet et de la nouvelle gouvernance. Votre démarche nous semble d’autant plus courageuse, madame la ministre, que nous ne savons pas si les arbitrages budgétaires ultérieurs vous seront favorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
En effet, depuis plus vingt ans, les conditions de vie des étudiants se sont dégradées. Cela a entraîné un taux d’échec parmi les plus importants d’Europe. 60 % des 900 000 étudiants en licence ne terminent pas leurs études, et 20 % des étudiants quittent l’université sans aucun diplôme.
Il est également regrettable que nos étudiants ne soient pas suffisamment préparés à l’entrée sur le marché du travail. Quelques chiffres éloquents résument la situation : sur les 50 % de jeunes diplômés de l’université qui parviennent à s’insérer professionnellement – contre 65 % des étudiants diplômés d’une grande école –, seuls 44 % sont embauchés en CDI.
Cette situation justifie pleinement le caractère d’urgence attribué à l’examen de ce texte sur les libertés et les responsabilités des universités, pour donner à nos établissements supérieurs les moyens d’affirmer leur excellence scientifique et d’offrir aux étudiants les conditions d’une réussite sociale et personnelle fondée sur le travail et le mérite.
Ces conditions de réussite, vous en faites précisément l’un des cinq grands chantiers de la réforme, à côté de la réussite en licence, pour lutter contre l’échec en premier cycle universitaire, la modernisation des conditions matérielles de l’exercice des missions de l’enseignement supérieur et de l’université, l’amélioration des carrières des personnels ainsi que l’amélioration de la condition des jeunes chercheurs et des enseignants-chercheurs.
Après une intense concertation avec l’ensemble des acteurs de la communauté universitaire sur les conditions de vie étudiante, vous avez pris un certain nombre d’engagements qui répondent efficacement à leurs besoins dans le domaine des aides sociales, de la santé et du logement.
À travers la nécessité de « réformer en profondeur le système d’aides sociales afin de le rendre plus juste, plus lisible et plus efficace », vous marquez votre volonté de simplifier et de moderniser le système des aides sociales. Votre projet de loi permettra d’obtenir le versement des bourses plus rapidement, d’étendre le bénéfice des bourses aux étudiants issus des classes moyennes, conformément à la recommandation de notre ancien collègue Laurent Wauquiez, auteur d’un rapport sur la santé et la protection sociale des étudiants, et de récompenser le mérite tout au long de la scolarité.
Pour ce qui est de la santé étudiante, j’encourage vivement la réflexion que vous menez actuellement avec la ministre de la santé, Mme Roselyne Bachelot, visant à offrir à tous les étudiants en licence un « pack santé gratuit » comprenant plusieurs consultations parmi les plus onéreuses – auxquelles renoncent malheureusement nombre d’étudiants qui leur privilégient les dépenses de matériels scolaires et de besoins alimentaires. L’ophtalmologie, les soins dentaires et la gynécologie ne seront désormais plus un luxe.
Enfin, en matière de logement, la communauté étudiante vous est reconnaissante d’avoir été entendue sur l’ouverture du parc locatif à des bailleurs privés et l’intégration du logement social étudiant dans le cadre d’une réforme de la loi SRU. Ces propositions constituent la traduction d’idées formulées au sein des groupes de travail qui ont rencontré auprès de vous un écho favorable.
En outre, l’écoute mutuelle et la volonté des acteurs de ce texte ont permis de trouver des solutions innovantes, telles que la création d’un système de prêt étudiant ou encore la création sur les campus de postes de contractuels réservés aux étudiants, qui permettront à ceux-ci de combiner un travail rémunéré avec leurs études. Le projet de loi prévoit en effet la possibilité pour les présidents d’université de recruter des étudiants pour des activités de tutorat ou de service en bibliothèque. Or on sait que le nombre de stages a un impact déterminant sur l’insertion professionnelle : 63 % des étudiants ayant effectué au moins quatre stages trouvent un emploi, contre 58 % pour ceux qui n’en ont effectué que deux, et 47 % pour ceux n’en ayant effectué aucun.
Le volet de votre projet de loi relatif au nouveau statut d’autonomie des universités aura, me semble-t-il, un impact direct sur la qualité de l’enseignement dispensé aux étudiants. Nous savons déjà que, dans un délai maximum de cinq ans, toutes les universités accéderont à l’autonomie dans les domaines budgétaire et de la gestion des ressources humaines ; elles pourront également bénéficier du transfert du patrimoine immobilier.
Plus encore, elles disposeront dans un délai d’un an de la possibilité d’effectuer des recrutements d’enseignants-chercheurs dans des délais raccourcis – actuellement, un processus de recrutement peut durer plus de 18 mois – et de la possibilité de créer des fondations universitaires et partenariales qui encourageront notamment la solidarité des anciens étudiants issus d’une même formation.
Socle d’un projet ambitieux pour l’université, ces nouvelles mesures contribueront à doter nos étudiants de moyens conséquents pour affronter la concurrence internationale à armes égales. Dans ce contexte, je me félicite que les mesures relatives à la condition de vie étudiante trouvent leurs premières traductions dans le projet de loi de finances pour 2008 et que soit ainsi tenu l’un des engagements du Président de la République.
En conclusion, je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour cet excellent texte qui va permettre à nos universités de rejoindre le peloton de tête des universités mondiales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Françoise Guégot et Damien Meslot ont tous deux souligné avec beaucoup de justesse que cette réforme était d’abord faite pour les étudiants. Les étudiants seront effectivement les premiers bénéficiaires de la loi d’autonomie, à travers les dispositions sur l’orientation, la formation et l’insertion. Ils en seront également les premiers acteurs : je rappelle que le projet de loi prévoit la création d’un vice-président étudiant dans le cadre du conseil des études et de la vie étudiante. Les étudiants conservent au sein du conseil d’administration une proportion équivalente à celle actuellement en vigueur. Par ailleurs, il leur est proposé de bénéficier de contrats étudiants pour le tutorat ou pour des emplois en bibliothèque, ce qui leur permettra d’être actifs et de gagner leur vie au sein de l’université.
Monsieur Le Déaut, vous m’avez demandé comment on peut croire que les engagements de Nicolas Sarkozy seront tenus. Il vous suffit de regarder la session extraordinaire pour en avoir une idée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, vous indiquez que le CNESER ne m’a pas été favorable. Permettez-moi de vous rappeler qu’en 1999 le CNESER a voté contre le projet de loi sur l’innovation et la recherche présenté par Claude Allègre, et qu’il a également voté contre le processus de Bologne dans sa phase initiale, c’est-à-dire l’harmonisation européenne et la réforme LMD. C’est un fait, les forces hostiles au changement existent dans la société française, et elles s’expriment.
En ce qui concerne la perspective de l’autonomie pour les petites universités, j’ai plutôt tendance à penser que, contrairement à l’idée reçue, les petites universités seront sans doute les premières à s’approprier l’autonomie. D’une part, le passage à la gestion d’un budget global est beaucoup plus facile pour une université qui ne compte que quelques centaines d’enseignants et quelques milliers d’étudiants. D’autre part, leur structure relativement simple, par rapport aux établissements composés d’une multitude d’éléments stratifiés, ne constituera pas un frein à cette évolution.
Vous avez souhaité que je vous précise les moyens qui seraient affectés à la lutte contre l’échec en premier cycle, aux jeunes chercheurs, aux étudiants, aux liens entre l’université et la recherche. En réponse, je vous répète ce qu’a dit Nicolas Sarkozy : « Faisons la réforme d’abord, les moyens suivront ! » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame Mazetier, j’ai bien peur que l’idée de faire siéger des étudiants dans les comités de sélection qui recrutent les professeurs ne soit pas très conforme au principe constitutionnel de l’indépendance des enseignants-chercheurs. Par ailleurs, la massification des effectifs dans l’université sans réforme et sans pilotage ne me paraît pas possible.
Monsieur Braouezec, vous avez parlé d’un président aux pouvoirs exorbitants. Mais vous n’avez pas pu dresser la liste de ces pouvoirs car ils ne sont pas si nombreux. Il s’agit simplement de faire en sorte que le président préside. Il aura les mêmes pouvoirs qu’un directeur d’IUT. Celui-ci a-t-il des pouvoirs exorbitants ? En abuse-t-il ? Le président sera en outre sous le contrôle d’un conseil d’administration stratège et resserré qui l’aidera à piloter l’université et qui l’accompagnera avec les deux autres conseils, le conseil scientifique et le conseil de la vie étudiante. Cela ne ressemble pas à la présidentialisation que vous redoutez.
M. Bayrou a visiblement une certaine fascination pour le modèle américain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il a regretté que les pouvoirs ne soient pas répartis de la même façon dans les universités françaises et américaines. Qu’il sache que, dans l’université autonome, outre le président, qui sera le stratège, porteur de projets, il y aura un secrétaire général qui aura vocation à devenir un vrai directeur général d’université, c’est-à-dire un vrai gestionnaire universitaire – Claude Goasguen l’a fort justement souligné. C’est la compétence manageriale que réclamait M. Bayrou. Il ne faut pas oublier non plus les directeurs des unités, des écoles et des composantes auxquels certains des amendements tendent à donner leur place dans l’université. Cela correspond aux dean cités par M. Bayrou. Il y aura également, mais il ne s’en souvenait visiblement pas,…
En outre, avec les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, c’est-à-dire en cas de regroupement d’universités, plusieurs présidents d’université seront appelés à collaborer, comme cela se fait, par exemple, dans une communauté de communes ou d’agglomération. Donc, si l’on veut faire un parallèle avec le modèle américain, on peut dire qu’il y aura aussi des pouvoirs dispersés dans notre nouvelle université.
Yves Jego a dit qu’il voulait s’opposer aux forces hostiles au changement et qu’il refusait les corporatismes. Je le suivrai sur cette voie.
Pierre Cohen ne souhaite pas qu’on attire les moyens du secteur privé dans l’université. Mais, monsieur le député, le danger, c’est de ne pas attirer l’ensemble des moyens disponibles.
Mme Bello m’a reproché de parler de gouvernance au prétexte que celle-ci ne s’appliquerait qu’aux entreprises. Je suis désolée : pour moi, la bonne gouvernance doit être également possible dans les services publics administratifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Claude Goasguen a parlé d’une autonomie réelle à créer. Je le rejoins complètement à ce sujet. De même que lorsqu’il appelle l’attention sur la nécessité de respecter les disciplines dans le cadre de cette autonomie. Il nous a également mis en garde contre la syndicalisation excessive. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La loi que nous élaborons vise à dépasser tous les clivages du passé et à rassembler la communauté universitaire qui, jusqu’à présent, restait enfermée dans ses UFR. Elle est invitée à demander un mandat autour d’un projet d’établissement et à mettre en place une équipe. C’est un vote de confiance que nous accordons à la communauté universitaire. Nous faisons le pari que, si on lui donne de nouvelles libertés et de nouvelles compétences, elle saura prendre en main son destin. Un certain nombre d’enseignants-chercheurs constitueront alors des listes et se présenteront aux élections. Aujourd’hui, seuls 10 % des enseignants-chercheurs votent pour l’élection de leur président. Mais il n’y a là aucune fatalité. Ce sera d’autant plus vrai que nous donnerons de réels pouvoirs à ce président, avec des majorités de gouvernement stables et qu’on ouvrira les perspectives d’action de l’université au-delà de la simple gestion du quotidien et de la négociation de bouts de chandelles au sein d’un conseil d’administration aux responsabilités complètement diluées.
Hervé Gaymard a appelé mon attention sur l’orientation active – chantier déjà ouvert dans ce projet – et aussi sur l’insertion internationale. C’est là un point crucial que je n’ai pas suffisamment développé. Alors que la France se situait au troisième rang mondial pour l’accueil des étudiants étrangers, il y a quelques années, nous voici aujourd’hui quatrième, et nous sommes même en passe de devenir cinquième, dépassés par l’Allemagne et peut-être bientôt l’Australie, qui mène une politique extrêmement dynamique en la matière, sur des campus de grande qualité.
S’agissant de la réforme des études médicales, monsieur Gaymard, nous attendons les conclusions de trois groupes de travail, celui de l’Académie de médecine, celui de l’Académie des sciences et celui de l’Ordre des médecins. Ils doivent rendre leur contribution sur la question de l’évolution des études médicales, qui est essentielle puisque celles-ci ne peuvent être laissées de côté dans le cadre de l’harmonisation européenne des diplômes.
Jean-Pierre Giran, quant à lui, a appelé mon attention sur les risques de politisation, de marchandisation et de localisme dans l’université. Je dois à la vérité de lui répondre que ces risques existent déjà aujourd’hui. Je serai pour ma part particulièrement attentive au risque de balkanisation, laquelle se traduirait par un affaiblissement de l’université. Il faut absolument que les universités soient autonomes et puissantes dans la bataille mondiale de l’intelligence. Notre loi ne doit donc pas être uniquement fondée sur la défiance.
Claude Birraux a dit qu’il fallait un pilote dans l’avion. Je le rejoins tout à fait et c’est pour cela qu’il faut un président à l’université. À cet égard, certains amendements visant à revenir à la loi Savary sacralisent l’immobilisme, ce qu’il faut absolument éviter. M. Birraux a également insisté sur la nécessaire revalorisation des carrières. C’est en effet un chantier qu’il va falloir ouvrir. Il y a trente ans, un professeur d’université gagnait autant qu’un général ou un conseiller d’État, contre 20 % de moins aujourd’hui. La carrière de l’ensemble des personnels de l’université doit donc être réévaluée.
Monsieur Goldberg, vous avez parlé de présidentialisation. Je rappellerai que les contre-pouvoirs sont nombreux : le conseil d’administration, le conseil scientifique, le conseil des études et de la vie étudiante, et l’État, contre-pouvoir majeur au pouvoir du président, dans le cadre du contrat pluriannuel. Quant à votre crainte de localisme, je vous rappelle que 50 % des membres seront extérieurs à l’université, ce qui pose du reste un problème aux Antilles. Ils apporteront du sang neuf au recrutement parce qu’ils viendront d’ailleurs.
J’en viens à Jean-Pierre Door. Vous avez très bien résumé, monsieur le député, l’objectif de cette loi. C’est en effet un « outil stratégique » pour rénover les universités. Le docteur Door a identifié les symptômes, et notamment celui de la sclérose administrative. Il a souligné que ce texte n’était que le début de la thérapie et je suis tout à fait d’accord avec lui.
Valérie Rosso-Debord a fort justement établi un lien entre ce texte et la lutte contre l’échec universitaire. Ce projet de loi est précisément un outil destiné à lutter contre l’échec universitaire.
Monsieur Jung, vous avez, avec Yves Bur, appelé mon attention sur le regroupement et la fusion des universités de Strasbourg. C’est un projet essentiel pour la communauté nationale, car ce pôle universitaire sera sans précédent. C’est le pôle européen que nous appelons tous de nos vœux. Pour tenir compte des contraintes très particulières de cette fusion, qui aura lieu le 1er janvier 2009, qui a été avalisée par mon ministère et qui fait actuellement l’objet de l’élaboration d’un contrat pluriannuel, je serai favorable, cher Yves Bur, à un amendement reportant de six mois la désignation du conseil d’administration.
Daniel Fasquelle a insisté à juste titre sur l’indispensable dialogue qui doit exister entre les différentes disciplines. Mais il a également souligné la nécessité de mettre fin à la multiplicité des centres de décision dans l’université et, sur ce point-là aussi, il a raison. Voilà les deux objectifs conjugués qu’il faudra poursuivre.
Laurent Hénart, dont la connaissance en matière d’insertion professionnelle des jeunes est exceptionnelle, s’est félicité que cette dernière devienne la troisième mission de l’université. Il a aussi noté la nécessité de développer l’alternance. Surtout, et je l’en remercie, il a insisté sur l’intérêt du mode de scrutin prévu, qui donnera une majorité stable au président de l’université. Tel est bel et bien, en effet, l’esprit du projet de loi. Il a également montré que les critères fondant la dotation globale de fonctionnement des universités devaient évoluer, en tenant compte notamment des difficultés sociales des étudiants. Le groupe socialiste du Sénat l’avait lui-même souhaité et un amendement en ce sens a été adopté. Nous réexaminerons donc ces critères.
Madame Boulestin, comment pouvez-vous parler de désengagement de l’État quand celui-ci s’apprête à affecter plus de 5 milliards d’euros en cinq ans à l’université ? C’est au contraire un engagement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Yves Bur et Michel Diefenbacher ont soulevé la question des frais d’inscription. Mais la vraie question, aujourd’hui, c’est celle de l’engagement de l’État aux côtés de ses universités. Nous dépensons à l’heure actuelle 6 000 euros par étudiant et 10 000 euros par lycéen, et l’État ne doit pas donner l’impression qu’il se décharge de sa responsabilité en transférant le coût de la formation sur les familles.
Qui va payer en effet ? Il y a, dans notre pays, 40 % d’étudiants boursiers, qui ne paient pas les frais d’inscription, et mettre les familles à contribution signifierait pour nombre d’entre elles un surcroît de difficultés. Il faut donc réformer le système des bourses avant de pouvoir toucher aux frais d’inscription, d’autant que, dans notre modèle – auquel je suis profondément attachée –, c’est la solidarité nationale qui finance l’inscription à l’université et, plus globalement, les études et l’éducation nationale. L’État donnerait donc un très mauvais signal en se désengageant de sa responsabilité financière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Yvan Lachaud a apporté le soutien du Nouveau Centre à un projet de loi qui arme les universités pour la bataille de l’intelligence, en soulignant à juste titre combien cette bataille était mondiale, nos rivaux les plus dangereux étant indiens et chinois.
Michel Bouvard, je rends de nouveau hommage au travail remarquable de la mission d’évaluation et de contrôle qui, sous votre direction et celle d’Alain Claeys, a proposé vingt et une mesures sur la gouvernance des universités, reprises, pour dix-neuf d’entre elles, dans le projet de loi.
Monsieur Juanico, vous souhaitez des moyens pour l’université : je vous réponds oui. Vous souhaitez un chantier sur l’ensemble des carrières des personnels : il sera ouvert et, contrairement à ce que vous pensez, les universités les plus petites se saisiront rapidement de la réforme. J’espère que Saint-Étienne entrera rapidement dans le pôle de recherche et d’enseignement supérieur de Lyon.
Monsieur Renucci, vous avez parlé du soutien de l’État, mais vous savez qu’il est tout acquis à l’université de Corte, que le Président de la République a tenu à sortir des critères de San Remo, de façon à lui permettre un développement qui corresponde véritablement à la culture de la Corse et à la vitalité de son développement économique. Vous pouvez témoigner, je crois, que M. Sarkozy tient ses engagements quand il en prend vis-à-vis de l’université. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mesdames et messieurs les députés, j’espère avoir ainsi répondu à l’ensemble des questions que vous m’avez posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Yves Durand.
Pour vous convaincre de prendre le temps d'un nouvel examen en commission, je voudrais rappeler rapidement l'histoire de ce texte, avant qu'il n'arrive devant le Parlement. Il est issu à l’origine d'une ambition partagée par tous ici, celle de la nécessité d'une vraie et grande réforme de nos universités, au service d’un objectif sur lequel nous sommes unanimes : la compétition mondiale se gagnera par l'intelligence et la construction, en France et en Europe, d'une puissante société de la connaissance.
Or, aujourd'hui, la France manque d'étudiants, ce qui discrédite définitivement, me semble-t-il, tous ceux qui considèrent que la sélection est une solution à l’échec – je reviendrai sur les engagements que vous avez pris à ce sujet. Les causes de cette pénurie sont connues : l'hécatombe, dès la première année, qui touche presque uniquement des jeunes mal préparés, issus de milieux défavorisés ; un encadrement pédagogique insuffisant en licence ; des conditions de vie et de santé des étudiants déplorables qui accentuent les inégalités – il est inadmissible qu'aujourd’hui, en France, un étudiant sur deux soit obligé de travailler à temps plein pour payer ses études ; des enseignants peu et mal considérés ; des doctorants sans véritable statut et sans moyens suffisants pour poursuivre leurs travaux de recherche ; des classes préparatoires, en marge de l’université, qui drainent à la fois les meilleurs élèves et la majorité des moyens d'encadrement, dans un enseignement qui reste largement pluridisciplinaire et n'oblige donc pas – ce qui est le cas, au contraire, pour les étudiants des universités – à une orientation précoce, dès la première année.
Au fond, nous avons une université qui marche à l’envers. Et c'est parce que nous avons tous pris conscience de la nécessité de la remettre sur ses pieds qu'un consensus, enfin, se dégageait pour enclencher une vraie réforme de l'enseignement supérieur, aussi ambitieuse que le fut la démocratisation, ou du moins la massification, de l'enseignement secondaire, il y a une trentaine d’années. C'est bien pourquoi tous les candidats à la présidence de la République ont mis en avant la nécessité et l'urgence d'une telle réforme. Au sein du monde universitaire, les plus rétifs, il y a quelques mois encore, y étaient prêts.
Or que nous propose votre projet de loi ? Une simple réforme de la gouvernance. Vous faites de ce sujet, certes important, le verrou qu'il faudrait faire sauter pour permettre d'engager une réforme globale de l'université. En engageant la réforme de la sorte, vous prenez très exactement le contre-pied de la démarche que suggèrent les deux auteurs du rapport de la MEC – auquel vous vous référez pourtant en permanence –, selon lesquels le préalable à une réforme efficace de la gouvernance commande de partir de la situation d'échec de nombreux étudiants, notamment en premier cycle, et du déblocage de nouveaux moyens financiers, sans lesquels il ne peut y avoir de démarche crédible.
Alors, quand vous nous annoncez l'ouverture de cinq chantiers, qui concernent effectivement les grands sujets du débat sur l'université, on ne peut qu'être sceptique sur leur conduite et leur aboutissement, et même si, madame la ministre, on ne doute pas de votre volonté personnelle de les mener à bien, on ne peut qu'avoir des doutes sur les moyens dont vous allez réellement disposer.
Nous avons entendu votre plaidoyer pour l'université comme acteur essentiel de l'ascenseur social. Pourquoi, dans ce cas, avoir réduit cette grande ambition au simple problème de la gouvernance ? Pourquoi ne pas avoir tout de suite affronté le vrai sujet, celui de l'inégalité sociale devant la réussite universitaire ? Cela nous aurait conduits à poser le problème des relations entre l’université et les classes préparatoires, et du recrutement de ces dernières, qui les assimile davantage à un lieu de reproduction sociale qu'à un ascenseur social.
Nos doutes sont d'autant plus forts que la lettre de mission que le Président de la République vous a envoyée ne vous laisse en fait aucune marge de manœuvre, puisqu'il vous demande – en conclusion de ce document, ce qui n’est pas un hasard – de « vous impliquer personnellement et sans réserve, dès cet été, dans l'exercice de la révision générale des politiques publiques mettant en œuvre l'engagement présidentiel de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». Cette lettre nous rend d'autant plus inquiets sur les moyens dont vous disposerez que, depuis son élection, le Président de la République n'a fait qu'accumuler les promesses et les dépenses, au-delà même des 13 milliards dilapidés en cadeaux fiscaux offerts aux plus riches. Comment croire à la réalité des chiffres que vous nous annoncez, alors qu'aucun collectif budgétaire n'est prévu et que le budget de 2008 sera élaboré dans le cadre d'une saignée annoncée de l'emploi et de la dépense publics ?
En réponse à nos collègues Jean Yves Le Déaut et Pierre Cohen, qui vous interrogeaient en commission sur les moyens financiers dont vous disposerez, vous avez répondu, en citant le Président de la République : « Faites d'abord les réformes, les moyens suivront. » Je vous avais avertie que nous ne manquerions pas de vous rappeler cette injonction présidentielle. Je commence dès maintenant, car quand Nicolas Sarkozy dit-il vrai ? Lorsqu'il parle ainsi ou lorsqu'il écrit, dans sa lettre de mission, exactement le contraire ?
Sans moyens supplémentaires crédibles, vous ne donnez aucun calendrier réel à vos cinq chantiers annoncés, et il est fort à craindre, comme l’a noté Alain Claeys dans son excellente motion d’irrecevabilité, que la grande ambition affichée lors de la campagne électorale ne se réduise à cette simple évolution de la gouvernance.
Dans ces conditions, était-il si urgent de présenter au Parlement un texte qui, même s'il n'aborde qu'un aspect du fonctionnement des universités et de leurs rapports avec l'État, aurait mérité une plus grande concertation avec les acteurs du monde universitaire ? Alors que le candidat Nicolas Sarkozy avait fait du dialogue social un des arguments forts de sa campagne électorale, il faut bien reconnaître que l'élaboration de ce projet de loi n'en a pas été la meilleure illustration. Après un rejet de tout le monde universitaire…
Trois dispositions ont provoqué le rejet du texte initial : la sélection au niveau du master, la composition des conseils d'administration et, surtout, le caractère optionnel de l'autonomie sur cinq ans et de l'aide financière de l'État. Si vous avez abandonné la sélection…
Si vous avez abandonné la sélection – nous nous permettrons, comme à propos des moyens, de vous rappeler vos paroles à ce sujet –, sur les deux derniers points, votre texte remanié en urgence laisse la porte ouverte aux dérives que pouvait faire craindre le texte initial.
Concernant le conseil d'administration, resserré dans sa composition, il ne permet pas une répartition équilibrée des différents collèges et des différentes composantes. À l'article 6, il nous paraît important d'éviter les disparités de représentation, en définissant la place des personnels IATOS – abandonnée dans votre projet de loi – dans les bureaux des conseils d'administration, et en confirmant le rôle du vice-président étudiant, afin que l'équipe présidentielle soit représentative de l'ensemble de la communauté universitaire. On ne peut en effet renforcer les pouvoirs du président si, en contrepartie, la représentativité de tous les acteurs n'est pas assurée à leur juste niveau au sein de l'exécutif.
Concernant le président lui-même, il nous apparaît nécessaire de préciser son mode de désignation et sa nature. Cela a été noté par nombre d’intervenants tout au long de cet après-midi, et vous y avez répondu un peu rapidement, madame la ministre ; mais nous y reviendrons, je l’espère, en commission puis dans l’hémicycle dans le cadre de la discussion des articles. Ainsi, à l'article 5, il convient d'éviter que des membres nommés par le président lui-même puissent voter pour sa propre désignation. En outre, il apparaît essentiel de préciser que la fonction présidentielle est réservée aux personnels qui exercent des fonctions liées au rôle premier des établissements d'enseignement et de recherche. En ce sens et sur ce point précis, monsieur le rapporteur, il conviendrait de revenir au texte du Gouvernement, et je pense que vous y êtes favorable.
Mais c'est surtout sur la marche vers l'autonomie et sur l'éventuelle évolution des personnels que nos inquiétudes sont les plus grandes et que nous souhaitons une série de clarifications par un nouvel examen en commission.
Nous sommes tous pour l'autonomie des universités ; le débat ne se situe donc pas entre ceux qui la revendiqueraient et ceux qui la refuseraient. La véritable question est de savoir ce que nous mettons les uns et les autres derrière ce mot un peu magique d’« autonomie » et, surtout, comment on la construit – avec quels moyens et selon quelle démarche. La vraie question est de savoir si la démarche pour l'autonomie des universités sera un élément de dynamisme et d'égalité des chances entre les étudiants, ou, au contraire, un facteur d'inégalités entre les jeunes et les territoires où ils vivent. Certes, vous proclamez votre attachement au rôle prépondérant de l'État – je pense, comme Alain Claeys, que l’État est pourtant le grand absent de votre projet de loi, et ce n’est pas un hasard – ainsi qu’au caractère national des diplômes. Dont acte, madame la ministre, mais vous n'empêcherez pas les disparités dans la valeur reconnue des diplômes si vous laissez se créer, d’un côté, des universités d'excellence, riches en moyens financiers et pédagogiques, devenant inéluctablement sélectives parce qu’elles choisiront elles-mêmes leurs étudiants, et, de l’autre, des universités laissées pour compte. Je rejoins ainsi la première préoccupation exprimée par François Bayrou cet après-midi à la tribune.
Si la démarche pour l’autonomie aboutissait à cette cassure entre deux types d’université, le principe républicain d'égalité devant le savoir serait bafoué et l'égalité des chances ne serait qu'une proclamation formelle, cachant de profondes inégalités, avec toutes les conséquences sociales que cela peut entraîner.
Vous avez abandonné la démarche optionnelle sur cinq ans qui était inscrite dans votre texte initial et qui menait inévitablement à une université à deux vitesses. Dont acte, également. Et nous ne pouvons que nous féliciter de la mobilisation de l'ensemble du monde universitaire qui, même en plein été, vous a amenée à plus de retenue sur le sujet.
Mais si nous voulons vraiment bâtir un enseignement supérieur et, au centre de celui-ci, une université de l'excellence pour tous, il faut aller plus loin dans les moyens donnés à l'État pour jouer son rôle de régulation en faveur du développement de toutes les universités et pour offrir aux jeunes étudiants une égalité réelle devant la connaissance. En effet, même si nous pensons, comme vous, que l’université doit contribuer aussi à l'insertion professionnelle, sa première mission est la transmission de la connaissance et la recherche.
Pour cela, il faut affirmer clairement, et votre texte ne le fait pas, deux principes.
Le premier est qu’il est nécessaire d'affirmer, dès maintenant et officiellement, que l'État doit accompagner chaque université dans sa démarche d'autonomie en pratiquant, s'il le faut, un traitement inégalitaire. Cet effort pour une véritable égalité ne peut se faire que sur plusieurs années et devrait donc reposer sur un programme pluriannuel de recrutement de l'emploi scientifique et universitaire – totalement absent, lui aussi, de votre texte – visant à améliorer l'encadrement tant des établissements d'enseignement que des organismes de recherche.
Le second principe est qu’il est essentiel de définir clairement les critères de financement des universités en considérant leurs besoins réels. L'effort que chaque université consent pour l'encadrement du premier cycle, et notamment de la première année, devrait être pris en compte. Ainsi, à côté du nombre d'étudiants inscrits, le type de diplômes délivrés, le nombre de doctorants et de thèses soutenues devraient constituer des critères de financement permettant de répondre à la double exigence d'égalité et d'efficience de la dépense publique.
Des critères de financement clairs et reconnus par tous devraient constituer le socle – dont nous avons tant parlé cet après-midi –…
Le dernier point, mais non des moindres, qui avait provoqué la colère et donc le rejet du monde universitaire était celui, essentiel, des personnels et du maintien de leur statut. Or, à ce sujet, votre texte amendé, avec votre accord, par la majorité sénatoriale nous inquiète tout autant, si ce n'est davantage, que les sujets précédents.
L'article 15 dispose que « le contrat pluriannuel d'établissement fixe le pourcentage maximum de la masse salariale que l'établissement peut consacrer au recrutement d'enseignants-chercheurs contractuels », et l'article 16 que « le président peut recruter, pour une durée déterminée ou indéterminée, des agents contractuels ».
Tout le monde est d'accord pour considérer que le recrutement de contractuels peut être nécessaire pour résoudre des problèmes ponctuels ou attirer vers l'université des chercheurs étrangers sans pour autant les enfermer dans un emploi statutaire.
Mais vous nous permettrez, madame la ministre, de rapprocher ces deux dispositions des articles 15 et 16 et la lettre de mission du Président de la République, qui exige le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comment ne pas craindre le risque énorme de voir l'emploi contractuel se substituer à l'emploi statutaire, déchargeant ainsi le budget de l'État d'un nombre important de salaires ? Car vos déclarations à l’issue de la discussion générale et notamment en réponse à Alain Claeys et à M. Mamère n’ont pas été rassurantes.
Dans ces conditions, il est impossible de laisser au seul président d'université le soin de recruter des contractuels sans bornes légales. À l'interpellation de notre collègue Alain Claeys en commission sur ce point précis, vous n'avez pas répondu franchement. Or il s'agit d'un point central puisqu'il touche, au-delà de l’université, au statut même de la fonction publique. Quelle dérive peut en effet s'opérer si un président d'université a la possibilité d'employer un cadre administratif de catégorie A contractuel, comme le texte le permet, alors que le même métier, la même mission peut être remplie par un agent titulaire dans l'une des fonctions publiques ? Pour nous, et nous ne voulons pas faire preuve d’immobilisme mais au contraire de bon sens, les dispositions de la loi de 1984 sont la garantie que la reconnaissance du statut de la fonction publique est unanimement partagée sur tous ces bancs, y compris par vous-même, ce dont je ne doute pas, madame la ministre.
De même, pour les enseignants-chercheurs, il paraît nécessaire de poser un verrou dans la loi en prévoyant un décret qui fixe la part maximale de la masse salariale afin qu'elle s'impose à tous. Contrairement à ce que vous avez affirmé au Sénat, en réponse à un amendement du groupe socialiste, le décret ne nous paraît pas une précaution inutile, mais un gage d'égalité entre universités.
Ces dispositions du projet, en dehors des problèmes de constitutionnalité qu’elles peuvent présenter, marqueraient une évolution sans précédent dans la fonction publique tout entière, évolution que nous ne pouvons accepter. Sur ce sujet majeur de l'emploi contractuel, nous avons entendu vos déclarations en réponse à M. Claeys, mais à partir du moment où est introduite dans la loi cette possibilité d’emploi de contractuels, et toujours en regard de cette fameuse lettre de mission, avouez que votre seule bonne volonté qui, je n’en doute pas, est réelle, ne peut suffire à nous rassurer.
Sans compter que M. Darcos, cela a été rappelé à de multiples reprises cet après-midi, a annoncé la suppression de 17 000 postes dans l'éducation nationale. Dans ces conditions, madame la ministre, même si cette annonce ne concerne que l’enseignement scolaire, comment ne pas voir votre projet de loi comme un leurre ?
Vous commencez votre travail en abordant la gouvernance, alors que ce problème aurait dû être le point final venant conclure la solution des autres problèmes que sont l'échec massif des étudiants dès la première année, alors que la France manque d'étudiants diplômés, et les difficultés des universités les plus dégradées, pour lesquelles vous n’annoncez aucun plan de rattrapage.
Vous avez déclaré l'urgence sur ce projet de loi, mais en l'absence d'un collectif budgétaire, les premiers moyens n'arriveront qu'à la rentrée 2008, s’ils arrivent !
Derrière la gouvernance, vous avez élaboré un texte apparemment technique, après le vote défavorable du CNESER le 22 juin et l'intervention en catastrophe du Président de la République pour tenter d'assainir un terrain miné, mais vous avez laissé des dispositions qui impliqueront d'énormes transferts de charges vers les universités. Or, vous le savez bien, celles-ci se retourneront immanquablement vers les collectivités territoriales, ce qui laisse présager que, hélas, une fois de plus, on nous tiendra ce discours que nous entendons depuis cinq ans, depuis la fausse décentralisation du gouvernement Raffarin qui, en opérant des transferts de charges sur les collectivités territoriales, a prétendu baisser les impôts nationaux, mais a, en fait, augmenté les impôts locaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Si l’on ajoute à cela le fait que vous remettez en cause le statut des personnels, tout en minimisant le rôle des étudiants dans l’administration de leurs universités, ce texte nous apparaît bel et bien d’une dangereuse ambiguïté.
Ce sont toutes ces questions que nous voudrions prendre le temps d’aborder avec vous : loin d’être techniques, elles sont au cœur des missions que nous voulons donner à notre université et, au-delà, à l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. N’ayant pas obtenu de réponses claires de votre part, nous souhaitons poser à nouveau ces questions au sein de la commission des affaires sociales, avant de revenir en séance publique. Ce n’est pas par souci d’opposition systématique. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Qui a dit : « Je ne reprocherai pas à un gouvernement de mettre en priorité le chantier de l’autonomie des universités sur la table parce que je l’aurais fait également » et « Je pense en effet qu’il faut moderniser sans tabou les universités » ? (« Ségolène ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Bravo : c’est bien Mme Royal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Qui a dit : « S’agissant du thème fondamental de l’autonomie, nous avons tous le sentiment de vivre une période de transition. Soit nous sommes capables de nous emparer collectivement des contradictions pour les rendre positives et faire avancer nos universités, soit nous nous enlisons dans nos habituels conservatismes, ce qui n’est évidemment pas souhaitable » ?
Qui a dit : « Pour remplir leur mission, les universités ont besoin d’autonomie, afin d’être en mesure de mener une stratégie claire et de nouer des partenariats. La relation contractuelle entre l’État et les universités n’a de sens que si ces dernières sont capables de définir une politique propre dans le cadre d’objectifs nationaux » ?
Qui a dit : « L’autonomie des universités doit être renforcée dans le cadre national et leur gouvernance rendue plus efficace. Plus d’autonomie pour les universités, c’est responsabiliser l’ensemble des acteurs qui négocient, dans le cadre de contrats, les moyens alloués par l’autorité de tutelle en fonction de leur capacité à faire évoluer l’offre de formation et leur organisation pédagogique » ?
Je voudrais d’ailleurs à mon tour, après Mme la ministre, vous poser une question − une seule.
Pour ces deux raisons − et, bien entendu, pour celles énoncées par Mme la ministre −, je propose à l’Assemblée de rejeter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La modernisation du fonctionnement de nos universités sera possible si nous posons les règles d’une gouvernance clarifiée et simplifiée, grâce à un conseil d’administration puissant, à la fois resserré et plus ouvert. De nouvelles responsabilités et compétences touchant au domaine budgétaire, à la gestion des ressources humaines, au patrimoine immobilier, et permettant la création de fondations, constituent autant de nouveaux outils pour rendre nos universités attractives, efficaces et réactives.
Les discussions au Sénat ont apporté plusieurs modifications, notamment en ce qui concerne la gouvernance. Dans sa grande sagesse, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale est revenue au texte initial, avec l’élection du président par les seuls membres élus. Le recours aux agents contractuels sera encadré par un contrat pluriannuel : c’est l’article 15, dont nous avons déjà parlé. Un bureau d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants est créé dans chaque établissement − article 17 bis. Ce sont des avancées indéniables.
Premier texte important depuis des décennies, ce projet de loi bénéficie d’une grande légitimité, puisque, quoi qu’en pensent certains esprits chagrins, il a fait l’objet d’une large concertation avec les étudiants, les enseignants-chercheurs, les salariés et tous ceux qui ont appelé cette réforme de leurs vœux.
L’ouverture de l’université à des personnalités extérieures contribuera à jeter des ponts vers le monde socioéconomique. L’objectif affiché est évidemment d’améliorer l’insertion des jeunes sur le marché du travail car, dans notre pays, pour les jeunes, trouver un premier emploi reste un véritable casse-tête. Dans cet esprit, on aurait pu imaginer qu’à titre expérimental, l’État confie à la région une carte régionale des formations professionnelles post-bac. La région Alsace, petite par la taille, mais grande par ses talents, serait prête à relever le défi de l’offre de proximité, au sein des lycées, des sections de techniciens supérieurs ou dans les filières IUT, avec le développement des licences professionnelles.
Madame la ministre, je souhaite aussi que ce projet de loi soit l’aiguillon qui permettra la naissance de l’université de Strasbourg. Comme mes collègues Armand Jung et Yves Bur, et comme de nombreux Alsaciens, j’appelle de mes vœux la fusion des trois universités actuelles. L’université de Strasbourg…
Les situations de nos quatre-vingt-cinq universités sont plutôt contrastées, nous le savons. Une organisation plus souple doit, d’une part, favoriser la création de filières mieux adaptées aux besoins des régions…
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous ne la voulons pas sans moyens car, madame la ministre, vous annoncez 5 milliards d’euros en cinq ans, au moment où vous venez d’offrir 13 milliards de cadeaux fiscaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je sais bien que vous n’aimez pas qu’on vous répète cette vérité terrible. Les 5 milliards, vous les promettez et les étalez sur cinq ans, alors que les 13 milliards de cadeaux, vous les donnez tout de suite, sans attendre. Il faut que vous assumiez vos actes.
Nous ne voulons pas de cette réforme, qui se contente de toucher à la gouvernance, qui remet en cause la collégialité et concède au président d’université des pouvoirs démesurés, confinant à la mise en cause des statuts, avec l’invitation appuyée à embaucher des contractuels, sans parler des risques de clientélisme que cela peut entraîner. Votre projet est une véritable remise en cause de l’idée même de service public universitaire démocratique.
Enfin, nous ne voulons pas d’une réforme conduite comme ça, en vitesse, au cœur de l’été, en plein mois de juillet − plus précisément du 20 juin au 20 juillet −, alors qu’elle touche aux fondements même de la constitution des savoirs. Le moins que l’on puisse dire est que les acteurs concernés sont invités à réfléchir vite, y compris pendant leurs congés, à moins que vous ne préfériez, madame la ministre, qu’ils n’y réfléchissent pas trop. On peut en effet se poser la question.
Comment osez-vous prétendre traiter d’un tel sujet en moins d’un mois, concertation comprise ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de renvoi en commission.
Madame la ministre, il ne suffit pas, pour défendre son projet de loi, de faire quelques citations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le débat qui a eu lieu au Sénat, celui qui nous occupe depuis cet après-midi à l’Assemblée, montrent, madame la ministre, la fragilité de votre texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut bien constater que celles et ceux qui constituent la communauté universitaire, les représentants des enseignants et des étudiants, manifestent leur scepticisme envers votre projet – c’est le moins que l’on puisse dire –, et font des déclarations de plus en plus inquiètes.
La première raison de cette fragilité tient à l’absence de réelle concertation. C’est une erreur, s’agissant d’un texte aussi important. Si vous aviez consacré quelques mois à la concertation, vous auriez fait gagner plusieurs années à la réforme des universités.
Et puis, au fur et à mesure des débats, alors que le ton devenait plus libre, vos différences sont apparues. Certains ont parlé des droits d’entrée à l’université, de la sélection,...
Et sur un point, je rejoins M. Bayrou. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il y a en effet une différence importante entre l’autonomie de l’université et l’autonomie des universités. Cette distinction a un sens car, dans le système français, l’autonomie de l’université engage l’État, pas celle des universités. Or l’État est absent de votre projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour toutes ces raisons, nous demandons le renvoi en commission.
Voilà pourquoi nous souhaitons que ce texte soit renvoyé en commission et nous voterons la motion défendue par Yves Durand. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L’université a changé, et elle doit continuer à le faire dans les années à venir. Si les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont fixé un taux de 80 % de réussite au baccalauréat, si le Premier ministre a mis dans sa feuille de route que 50 % d’une tranche d’âge devait atteindre bac plus deux, voire bac plus trois, alors, oui, monsieur Durand, il faut que l’université s’occupe d’insertion professionnelle. Qu’elle ne l’ait pas fait, c’est bien le drame aujourd’hui ! Il faut de la recherche, bien sûr, et les moyens nécessaires, mais on ne peut pas laisser sortir tous ces jeunes des facultés sans se préoccuper des liens avec la vie professionnelle.
Parce qu’il faut, en effet, redéfinir le statut de l’université, faute de l’avoir fait depuis vingt ans. Parce qu’il faut ouvrir des chantiers comme le premier cycle universitaire,...
(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
Nous avons déposé plusieurs amendements portant articles additionnels avant l’article 1er, à l’appui de l’argumentation que nous avons développée jusqu’à présent. Nous entendions montrer ainsi comment le socle minimal du texte aurait dû être débattu avant l’examen des articles. Or ces amendements ont disparu ou ils ont été rattachés aux différents articles, sans qu’il y ait eu de discussion préalable avec nous. Il faut donc que nous réorganisions le travail de l’opposition. C’est pourquoi, monsieur le président, nous demandons une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue le mardi 24 juillet 2007 à zéro heure vingt-cinq, est reprise à zéro heure trente.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Je voudrais attirer votre attention sur trois points.
Le premier concerne les relations entre les établissements d’enseignement supérieur libre et la sphère de l’enseignement public en général. Il ne faudrait pas que cette loi conduise à priver ces établissements du bénéfice des conventions ou des jurys rectoraux, qui permettent aujourd’hui à 55 000 étudiants de passer en leur sein des diplômes d’État – soit, puisque j’ai compris que la référence à la situation stéphanoise était de rigueur ce soir, environ quatre fois la population étudiante de Saint-Étienne, cher monsieur Juanico. Or la combinaison de plusieurs arrêtés pris depuis 2002 et de la mise en place du système LMD fait courir un risque à ce régime, alors même que nous débattons d’un texte qui porte en définitive sur l’autonomie non seulement des universités, mais des étudiants eux-mêmes et, à terme, des adultes. Je souhaite donc que Mme la ministre nous éclaire sur ce premier point.
Le deuxième concerne les partenariats évoqués tout à l’heure par M. le président de la commission. Il est évident que nous devons faire en sorte que les universités françaises puissent conclure plus facilement des partenariats, en particulier avec les collectivités locales. M. le rapporteur ne m’en voudra pas de citer M. Bourg-Broc, président de la Fédération française des maires des villes moyennes, qui soulignait récemment l’importance du tissu universitaire pour le développement des villes moyennes et, par conséquent, la nécessité pour les établissements universitaires de nouer des partenariats concrets avec elles.
En premier lieu, il serait bon que, grâce notamment aux pôles de compétitivité, nous rendions l’enseignement scientifique un peu plus concret. Aujourd’hui, la technique et la recherche optique ne représentent plus que 1 % de la conception d’un appareil photo, et la recherche fondamentale nucléaire qu’une infime partie de la construction des centrales. Lorsqu’il s’agit de construire tant des appareils photos que des centrales nucléaires, le problème n’est donc pas la recherche fondamentale, mais l’industrie. Aussi devrions-nous profiter de ce texte pour redonner à la recherche, en particulier en sciences, la dimension industrielle sans laquelle les étudiants français ne trouveront pas les débouchés espérés.
En second lieu, je crois, comme l’ont dit Laurent Hénart et Armand Jung, qu’il est impératif de considérer les enjeux éthiques du fonctionnement des universités – et ils sont nombreux. Ils existent en matière de recherche scientifique, en matière économique et sociale, en matière de développement, de co-développement, de relations Nord-Sud, de déontologie – bref, dans tous les domaines. Il faudra bien les prendre en compte d’une manière ou d’une autre.
C’est pourquoi, et ce sera ma conclusion, l’article 14 de ce projet de loi me paraît tout à fait central – j’y reviendrai à l’occasion de sa discussion. Cet article porte sur l’évaluation des contrats d’établissement et les critères suivant lesquels l’État ajustera ses dotations. Laurent Hénart souhaitait tout à l’heure une révision du système de péréquation. Je partage pleinement son avis. Il faut introduire dans les critères d’évaluation une dimension socio-économique, la politique interne, la gestion des ressources humaines, le management de la performance. Il n’y a aucune raison que les universités françaises restent – pardon de le dire si brutalement – les seules organisations dans lesquelles on ne s’occupe pas du management de la performance !
Ainsi, madame la ministre, plus de 300 000 postes ne sont actuellement pas pourvus en France en raison de l'inadéquation existant entre les formations et les besoins du marché du travail. Cette situation n'est pas admissible dans un pays où le nombre de chômeurs, bien qu’en baisse, reste encore largement au-dessus de la moyenne de ses partenaires européens. Nos jeunes ne trouvent pas de travail, non parce qu’ils n'ont pas de diplômes, mais parce que les formations ne sont pas toujours adaptées et que leurs diplômes ne leur permettent pas de s'insérer rapidement sur le marché du travail. Trop de filières encore sont des impasses dans lesquelles s'engouffrent les étudiants ; elles sont trop cloisonnées et monodisciplinaires, trop orientées vers des débouchés exclusifs – par exemple la recherche ou les concours de l'enseignement secondaire pour les filières littéraires – et de ce fait trop théoriques.
Il faut cependant reconnaître que des efforts importants ont été amorcés. La professionnalisation des diplômes a beaucoup progressé dans nos universités, et les enseignants font d’importants efforts en ce sens. Mais elle se heurte à la méconnaissance des besoins des entreprises par les universitaires, faute de contacts et de relations entre les deux univers. Je me réjouis donc que vous preniez cette situation en compte. Les deux mondes ne se connaissent pas, il faut absolument établir des passerelles.
La présence, à tous les niveaux, de représentants des entreprises sera déterminante pour relever ce défi. Elle doit être maintenue au sein des conseils centraux, mais aussi des conseils de faculté et des UFR. Ne limitons cependant pas la désignation des représentants des entreprises et des activités économiques aux chambres de commerce et d'industrie régionales et aux MEDEF locaux. Exclure les représentants des PME serait pour le moins paradoxal : ce sont elles qui font aujourd'hui la croissance et l'emploi !
Il faut également rapprocher les universitaires et les entreprises, permettre à davantage de professionnels d'intervenir comme enseignants. Le statut de professeur associé est une excellente chose, qu'il faut systématiser. Il est surtout nécessaire de rendre le chemin inverse possible, c'est-à-dire faire intervenir les universitaires dans les entreprises, leur permettre de quitter provisoirement ou partiellement leur poste pour aller voir ailleurs et enrichir leur expérience. C’est avec cet état d'esprit que nous réussirons l'insertion professionnelle des étudiants.
Avec ce projet, madame la ministre, vous donnez aux universités françaises les moyens de remplir leurs missions et de s'adapter aux changements de nos sociétés. Vous n'oubliez pas non plus la nécessité d'encourager les universités à s'interroger sur l'insertion professionnelle des étudiants. Il y va de la qualité et de la pertinence de nos formations universitaires, de l'orientation tant universitaire que professionnelle de nos jeunes et, à terme, de la vitalité de notre économie. Vous l'avez dit au Sénat : l'université française est un lieu stratégique pour mener la bataille qui nous permettra de conserver nos emplois en France et nos centres de décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Confrontée à cette réalité, vous avez, madame la ministre, décidé, lors du débat au Sénat, de légiférer par ordonnance afin d'adapter le texte aux caractéristiques de l'université des Antilles et de la Guyane. Si je prends acte de votre volonté de proposer une réforme appropriée, je ne puis que déplorer le recours aux ordonnances, qui est la négation même de la démocratie parlementaire. (Exclamations sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Une concertation préalable avec le monde universitaire des départements français d’Amérique aurait permis de l'éviter.
D'autre part, vous avez choisi de vous attaquer en priorité à la gouvernance des universités. Or des sujets tels que l'orientation par l'échec, la mauvaise insertion professionnelle, les conditions de vie déplorables des étudiants, la revalorisation du statut des enseignants-chercheurs, le manque d’effectifs et de financements sont au cœur de la crise universitaire et appellent des réponses tout aussi urgentes. Permettez-moi de faire une parenthèse sur la situation des étudiants guyanais dans l’Hexagone, qui sont confrontés, outre aux problèmes de ressources, aux pires difficultés pour trouver un logement. À l'insuffisance du parc de logements pour étudiants s'ajoute en effet pour eux l'impossibilité de trouver une location dans le privé, car on leur réclame une domiciliation bancaire en métropole alors que leurs parents vivent en Guyane.
La Guyane dispose depuis 2004, grâce à ses élus, d’un pôle universitaire qui a défini une politique de recherche associant universités et instituts de recherche français et étrangers. La coopération se développe notamment avec l'université de Brasilia, le CEFET de Fortaleza, Montpellier II et les universités de Toulouse. Au nombre des champs disciplinaires qu’elle couvre figurent les énergies renouvelables, les risques naturels et la télédétection, ainsi que la biodiversité tropicale, qui devra être étudiée en lien avec le parc amazonien de Guyane.
La structure universitaire de Guyane est composée de quatre établissements autonomes – l’IUT, l’IESG, l’IUFM et le pôle universitaire guyanais – auxquels il convient d’associer une antenne de l’UFR de médecine : l’ensemble sera bientôt regroupé sur le nouveau campus de Trou Biran. Les effectifs ont pratiquement doublé depuis 2002, pour s’établir actuellement à 2 225 étudiants – je peux confirmer ce chiffre, madame la ministre. Compte tenu de la croissance forte de la population et de sa jeunesse, le pôle guyanais pourrait compter 3 000 étudiants rapidement et 5 000 à court terme. Ce développement conforte la demande d'une université de plein exercice, demande à laquelle il faudra apporter une réponse tôt ou tard. En attendant, dans le cadre de la réforme universitaire engagée, il convient d'aller vers une véritable responsabilité locale permettant au pôle universitaire guyanais de développer pleinement ses capacités : devenu un pôle d'excellence, il pourra relever le défi de la mondialisation des savoirs au service des Guyanais et de l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
Premier tour de l’élection, par scrutin secret, dans les salles voisines de la salle des séances, des six juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République ;
Suite de la discussion du projet de loi, n° 71, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux libertés et responsabilités des universités :
Rapport, n° 80, de M. Benoist Apparu, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l’ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre CARTON