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SOMMAIRE
Présidence de M. Marc Laffineur
1. Dialogue social et continuité du service public dans les transports terrestres. – Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence (nos 101, 107)
Rappels au règlement
MM. Roland Muzeau, Alain Vidalies, Hervé Mariton.
Suspension et reprise de la séance
Rappel au règlement
M. Marc Dolez.
discussion des articles
Avant l'article 1er
Amendement n° 153 : Mme Annick Lepetit, MM. Jacques Kossowski, rapporteur de la commission spéciale ; Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. – Rejet.
Rappel au règlement
M. Alain Vidalies.
Suspension et reprise de la séance
Rappel au règlement
M. Alain Vidalies.
Article 1er
MM. Daniel Paul, Roland Muzeau, Sauveur Gandolfi-Scheit, Alain Vidalies, Maxime Bono, Marc Dolez, Jean-Claude Viollet, Jean Mallot, Camille de Rocca Serra, Christian Eckert, Alain Rousset, Hervé de Charette, Mme Marylise Lebranchu, M. Michel Destot.
MM. Alain Vidalies, le ministre.
Amendements nos 80, 78 rectifié et 7 rectifié : MM. Camille de Rocca Serra, Robert Lecou, Sauveur Gandolfi-Scheit, le rapporteur, Hervé Mariton, président de la commission spéciale ; le ministre, Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports ; Roland Muzeau, Jean-Marc Ayrault.
M. Camille de Rocca Serra. – Retrait de l’amendement n° 80.
M. Robert Lecou. – Retrait de l’amendement n° 78 rectifié.
MM. Sauveur Gandolfi-Scheit, le président de la commission, le ministre. – Retrait de l’amendement n° 7 rectifié.
M. Roland Muzeau.
Amendement n° 113 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Yanick Paternotte, François Brottes. – Rejet.
Amendement n° 103 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Hervé de Charette, François Brottes. – Rejet.
Amendement n° 155 : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, François Brottes. – Rejet.
Amendement n° 154 : MM. Alain Néri, le rapporteur, le ministre, Marcel Rogemont. – Rejet.
Amendement n° 17 : MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 156 : MM. François Brottes, le rapporteur, le ministre, Hervé de Charette. – Rejet.
Adoption de l’article 1er modifié.
Après l'article 1er
Amendement n° 1 : MM. Daniel Paul, le rapporteur, le ministre, Hervé de Charette, François Brottes. – Rejet.
Amendement n° 3 : MM. Daniel Paul, le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 4 : MM. Jacques Desallangre, le rapporteur, le ministre, Roland Muzeau. – Rejet.
Avant l'article 2
Amendement n° 157 : MM. Jean-Claude Viollet, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Article 2
MM. Daniel Paul, Alain Vidalies, François Brottes, Maxime Bono, Marc Dolez, Jean-Claude Viollet, Jean Mallot, Alain Néri, Mme Annick Lepetit.
Amendements de suppression nos 55 et 104 : MM. Roland Muzeau, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Hervé de Charette. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat
après déclaration d’urgence
Nous allons aborder l’examen des articles.
Auparavant, je suis saisi de plusieurs demandes de rappel au règlement.
Cette suspension de séance permettrait au groupe de la Gauche démocrate et républicaine et à d’autres groupes – mes collègues socialistes le souhaitent probablement eux aussi – de rencontrer les organisations syndicales et de faire avec elles un premier point sur nos débats. La discussion générale et la présentation des motions de procédure ont déjà permis de montrer, en effet, que la majorité tient un double discours et nous cache soigneusement son intention d’étendre encore le dispositif anti-grève…
Compte tenu des arguments que je viens d’exposer et de la manifestation qui se déroule devant nos murs, il est tout à fait justifié, monsieur le président, que vous nous accordiez cette suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures vingt.)
Hier, nous nous sommes étonnés de l’absence de M. le secrétaire d’État chargé des transports, alors que les questions évoquées tout au long de la journée, au cours de cet important débat, le concernaient très directement. Nous nous félicitons de sa présence aujourd’hui. Mais, pour la bonne organisation de nos travaux, notre groupe souhaiterait que M. Bussereau s’exprime dès maintenant, avant la discussion des articles, et qu’il réponde à toutes les interrogations – nombreuses, importantes et précises – qui ont été formulées pendant la discussion générale. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire).
En effet, au cours de ces échanges, il est apparu que la continuité du service public des transports tout au long de l’année suppose la résolution de problèmes essentiels qui ne sont pas abordés dans le texte : défaillances de matériels ; manque de moyens humains et financiers ; insuffisance des infrastructures… Il est donc indispensable que nous puissions entendre, dès maintenant, les réponses de M. le secrétaire d’État.
La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir cet amendement.
Cet article additionnel s’inscrit dans le droit fil des nombreuses interventions de l’opposition. Puisque nos collègues de l’UMP n’ont pas l’air de nous croire…
Par conséquent, la principale cause de perturbation des trafics est imputable aux défaillances techniques, à la vétusté du matériel roulant et des infrastructures, à la saturation des réseaux. Puisque le secrétaire d’État chargé des transports nous honore de sa présence, aujourd’hui – il nous a manqué hier ! – je vais en profiter pour citer l’une de ses déclarations récentes à l’AFP. Vous définissant comme un « partisan du développement des transports publics », vous plaidiez « pour un transport public confortable et de qualité, apportant le même confort que la voiture individuelle, et fonctionnant 365 jours par an ».
Par le biais de cet amendement n° 153, nous demandons donc au Gouvernement de présenter au Parlement, avant le 1er janvier 2009, un rapport sur la qualité des transports publics, afin que nos concitoyens soient informés. À la lumière des débats suscités par l’actuel projet de loi, cela nous semble essentiel. Nous espérons même que ce futur rapport permettra d’aboutir à l’élaboration d’une loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
De surcroît, l’article 10 du projet de loi prévoit qu’un rapport d’évaluation sera adressé par le Gouvernement au Parlement, avant le 1er octobre 2008. Cette disposition répond, en partie au moins, au souhait exprimé par cet amendement.
S’agissant de la qualité du service des transports publics et de la nécessité d’un effort d’investissement, la commission a adopté à mon initiative, sur l’article 7 bis de ce projet, un amendement relatif aux investissements à réaliser,.
Je mets aux voix l'amendement n° 153.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Nous n’entendons pas poursuivre la discussion dans ces conditions.
Ayant la délégation de mon groupe, je sollicite une suspension de séance pour le réunir, afin que nous puissions réfléchir à ce que nous allons faire. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Nous souhaitons que cette pratique, qui n’est certes pas inscrite dans la lettre du règlement mais correspond à l’esprit des débats de notre assemblée, soit maintenue au cours de la présente législature. Le problème se pose aujourd’hui et je présume, monsieur le président, qu’il ne vient pas de vous. Si toutefois vous persévérez dans cette voie, le président de notre groupe demandera une réunion d’urgence de la conférence des présidents. Nous ne voulons pas qu’à l’occasion de l’examen de ce texte, vous abandonniez subrepticement une pratique qui est une garantie pour l’expression démocratique de l’opposition comme de la majorité – laquelle peut redevenir un jour l’opposition.
La parole est à M. Daniel Paul.
L'article 1er est sorti modifié de la lecture au Sénat, où a été voté un amendement qui rappelle quelques principes de valeur constitutionnelle : la liberté d'aller et venir ; la liberté d'accéder aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement ; la liberté du travail ; la liberté du commerce et de l'industrie. L'ambition de la majorité est claire : tenter de faire croire par cette insertion, dès l'article 1er, de principes fondamentaux, que le droit de grève les mettrait en péril. Or, vous le savez, la réalité est tout autre !
Le nombre de jours de grève dans les transports est aujourd'hui en baisse constante. La SNCF connaît une baisse du nombre de préavis de grève, lesquels sont passés en dix ans d'environ 1 200 à 700.
En 2006, le nombre de journées perdues par agent a été inférieur à 0,8.
Ces chiffres sont par ailleurs très dépendants des grèves nationales motivées par des sujets extérieurs à l'entreprise, tels que – excusez du peu ! – la réforme des retraites en 2003 ou l'instauration du contrat première embauche en 2005, dont on sait ce qu’il est devenu.
Précisons que ces données n'émanent pas de dangereux syndicalistes mais de Mme Idrac elle-même, PDG de la SNCF, qui a d'ailleurs précisé que la baisse s'est encore accélérée en 2007, avec 0,13 jour par agent.
Quant à la RATP, la conflictualité y a baissé également, la moyenne annuelle de jours de grève par agent – 0,4 – étant largement inférieure à la moyenne nationale de la profession. Le volume des préavis de grève déposés en 2006 – 173 – est le plus bas depuis 1990, comme nous l’a fait savoir M. Mongin, PDG de la RATP.
Enfin, dans le secteur privé, l'état des relations sociales ne permet guère aux salariés d'« abuser » de leur droit de grève. Pensez-vous sérieusement qu'une journée de grève annuelle dans les entreprises de transport mette en péril la liberté d'aller et venir ? Pouvez-vous réellement le soutenir ? Si les libertés que vous mentionnez peuvent bel et bien être entravées, ce n'est pas à cause des grévistes, comme vous cherchez à le faire croire, mais en raison d'un sous-investissement chronique. Et ces entraves sont parfois quotidiennes !
Puisque vous n’étiez pas présent en séance hier, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports – et même si vous regardez ostensiblement ailleurs (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire – M. le Secrétaire d’État chausse ostensiblement ses lunettes) –, je rappelle ce que j’ai dit au sujet de la situation dans ma région. « Les mutins du [train de] 7 heures 23 », a récemment titré un quotidien normand : excédés des retards incessants sur les lignes de la région rouennaise, les passagers d’un train qui n’arrivait pas faute de rame, de matériel en bon état et de mécaniciens, sont descendus sur la voie pour en arrêter un autre à Val-de-Reuil. Telle est la situation actuelle !
Autre exemple que je connais bien : en Haute-Normandie, le taux de régularité a oscillé de 84 à 86 % au cours des premiers mois de 2007, contre 74,8 % en décembre 2006 – voilà des chiffres précis ! C’est déjà mieux, mais cela reste en deçà de l’objectif de 87,5 % fixé par la SNCF.
Néanmoins, cette amélioration cache une partie de la réalité vécue par les usagers au quotidien. D’ailleurs, le déficit récurrent de qualité et les suppressions de trains ont fait l’objet de nombreuses démarches de voyageurs auprès de la SNCF et des élus des collectivités. Un blog, intitulé Train-train quotidien, leur permet de s’exprimer. Je vous invite à consulter ce blog qui, mis à jour quotidiennement, renseigne sur l’état des lignes, les retards, les dysfonctionnements, et affiche des annonces de type « la locomotive est en panne », « tel feu rouge ne fonctionne plus », « il faut ralentir pour cause de travaux »… Les problèmes de transport, ce sont des rendez-vous manqués, des embauches qui ne se font pas parce qu’aucun patron n’accepte qu’un salarié arrive en retard !
A cela s’ajoutent les problèmes liés à l’occupation excessive des trains Corail Intercités.
Quant aux liaisons entre Paris et Granville, elles subissent d’éternelles pannes d’automoteurs. Pourtant, la région de Basse-Normandie a investi 90 millions d’euros pour l’achat de rames (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)...
Cinq nouveaux parlementaires des circonscriptions de Seine-Maritime ont d’ailleurs personnellement constaté les « insuffisances du service » en revenant pour la première fois de l’Assemblée nationale : ils ont dû voyager dans le local de service du train, faute de place ! Leur témoignage dans la presse régionale ne manquait pas d’ironie, car le même jour ils recevaient un courrier de Mme Idrac les félicitant pour leur élection.
Est-ce que les grévistes, monsieur le ministre, sont en cause ? Ces déficiences sont-elles dues aux défaillances des salariés ? Non, elles sont les conséquences des choix stratégiques de l’entreprise publique, que vous avez entraînée dans une course à la rentabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dois-je vous rappeler, monsieur le ministre, que, dans le budget 2007, les crédits de la mission « Transports » ont diminué de 5,3 % ?
Pour cinq minutes, je le rappelle.
Ainsi opposez-vous au droit de grève huit « principes constitutionnels », mais un seul d’entre eux est pertinent : il s’agit de « la liberté d’accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d’enseignement ». (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous ne mentionnez pas la continuité du service public, pourtant constitutionnalisée par le Conseil constitutionnel. En revanche, vous introduisez la liberté d’aller et venir, la liberté du travail et la liberté du commerce, qui, elles, n’ont jamais été érigées en principes constitutionnels par la jurisprudence du Conseil sur le droit de grève.
Ce faisant, première anomalie, vous inversez le mode de raisonnement du Conseil constitutionnel, qui opère une conciliation entre le droit de grève et un autre principe de portée constitutionnelle, la continuité du service public – ou, plus exactement, qui renvoie au législateur, seul compétent, le soin d’opérer cette conciliation à l’intérieur des limites que la Haute juridiction a elle-même fixées. Ainsi, ce ne sont plus les principes de la continuité et de l’accès aux services publics qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de grève, mais le droit de grève, droit subordonné aux termes du projet de loi, qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à plusieurs de ces droits érigés en principes, droits pourtant totalement contestables, sans lien avec un service minimum, et qui constituent par ailleurs des incriminations pénales héritées du siècle passé et lourdement sanctionnées.
Autre anomalie : vous mettez en rivalité le droit de grève et certains principes à valeur constitutionnelle, mais vous ne vous rappelez l’importance de la liberté d’aller et de venir ou de la liberté du commerce et de l’industrie que lorsque cela vous arrange ! La continuité du service public n’a jamais été la priorité de votre politique, contrairement aux déclarations de M. Kossowski lors de l’audition de M. le ministre – vous voyez que j’ai lu le rapport avec soin. En voici quelques preuves. Quand vous diminuez sans la moindre concertation le nombre de fonctionnaires de l’éducation nationale, vous souciez-vous de la continuité du service public ? Quand les étudiants des facultés sont assis dans les couloirs faute de places suffisantes dans les amphithéâtres, vous souciez-vous de la continuité du service public ? Quand les patients doivent attendre plusieurs heures, souffrants et anxieux, dans les services d’urgence des hôpitaux, vous souciez-vous de la continuité des soins ?
Si la Corse est une île, comme vous le savez tous (Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), elle n’en fait pas moins partie intégrante de la France métropolitaine ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On parle de l’égalité des citoyens sur tout le territoire, mais cette égalité suppose que les citoyens aient les mêmes garanties, en matière de continuité du service public, pour se rendre de Bastia à Marseille ou de Marseille à Lyon.
Il est indispensable de voter ce projet de loi sur le service minimum et la continuité du service public car, quelle que soit la légitimité d’une grève, on ne peut pas systématiquement prendre en otage la population. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Avez-vous une idée des conséquences dramatiques qu’ont eues certaines grèves sur l’économie insulaire ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je rappelle que le transport maritime entre la Corse et le continent concerne chaque année près de quatre millions de passagers,…
Je rappelle enfin, que la loi de 1974 sur la continuité territoriale fait de la mission de transport maritime entre la Corse et le continent une mission de service public. Une loi sur la continuité du service public dans les transports ne peut donc, sauf à être injuste et discriminatoire, et sauf à enfreindre le principe constitutionnel d’indivisibilité de la République, oublier le transport maritime. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La liberté du travail – droit individuel – n’est en rien constitutionnelle, non plus que la liberté du commerce et de l’industrie.
Nous partageons en revanche votre constat initial : l’exercice du droit de grève et la continuité du service public sont deux principes constitutionnels. Et c’est la conciliation des deux qui est difficile. Le Conseil constitutionnel a rendu nombre de décisions à ce sujet, et vous savez comme nous que la difficulté consiste à trouver le point d’équilibre. C’est ce que le Conseil appréciera, outre les dispositions attentatoires au droit de grève, qui font l’objet d’un autre débat.
Vous voulez donc inventer de nouveaux principes constitutionnels. Je vous mets en garde car, jusqu’à présent, ce n’était pas le rôle du Gouvernement. Mais avec la rupture, tout change… C’est au Conseil constitutionnel qu’il appartient de se prononcer, et si le Gouvernement persiste à défendre sans justification une position aussi originale et aussi étrange, la discussion se déroulera sur des bases erronées. À ce stade du débat, monsieur le ministre, il est indispensable que vous nous donniez une réponse, non avec le talent qui vous permet de défendre n’importe quelle thèse avec beaucoup de conviction, mais avec des arguments juridiques qui justifient qu’une valeur constitutionnelle ait été donnée à ces principes. C’est une question simple qui mérite une réponse précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous élevez au rang de principes constitutionnels, alors que nous ne sommes pas fondés à le faire, des principes qui, jusqu’à présent, ne pouvaient prétendre à une telle consécration. Nous en sommes d’autant plus surpris qu’en y renonçant et en revenant au texte initial, vous garantiriez une plus grande sécurité juridique à cet article. Vouloir faire de la liberté du commerce et de l’industrie un principe constitutionnel aussi important que celui du droit de grève apparaît pour le moins surprenant !
Il m’aurait semblé bien plus judicieux de souscrire à la proposition qui a été faite tout à l’heure d’évaluer la qualité des services publics de transport et de leur donner les moyens indispensables à cette liberté d’aller et venir que vous voulez ériger en principe constitutionnel.
Dois-je rappeler qu’un audit de l’École polytechnique de Lausanne a montré que 500 millions d’euros supplémentaires par an seraient nécessaires ? Le Gouvernement n’a annoncé que 160 millions pour 2006 et 260 pour 2007, sur lesquels il n’a effectivement payé respectivement que 70 et 90 millions ! Il est inutile de vouloir créer de nouveaux principes constitutionnels si les services publics n’ont pas les moyens indispensables pour fonctionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J’attends sur ce point une réponse précise, monsieur le rapporteur, car je suis très surpris de constater que le rapport, se contentant d’entériner cet état de fait, ne dise pas un mot sur le sujet. Or la rédaction de l’article 1er, ainsi que celle de l’article 4, posent certaines questions qui seront sans doute au cœur de l’examen du Conseil constitutionnel. Je vous rappelle, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, que depuis sa décision du 15 juillet 1979, le Conseil constitutionnel est seul juge pour vérifier si la loi ne porte pas une atteinte excessive à l’exercice du droit de grève, en imposant des restrictions de service minimum pour assurer la continuité du service dans des domaines où son interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays – ceux que la convention 516 de l’OIT, signée par la France, définit comme les besoins qui, s’ils n’étaient pas satisfaits, pourraient mettre en danger la vie ou la santé des personnes, et qui sont donc bien loin de la liste que vous avez dressée à l’article 1er ou à l’article 4.
Si le législateur dispose d’une compétence exclusive pour assurer la conciliation entre le droit de grève et un principe de portée constitutionnelle – ce qui n’est pas le cas de ceux que vous avez mentionnés à l’article 1er –, il doit agir dans certaines limites. Or, comme l’a clairement exposé Roland Muzeaud, à l’article 4 comme à l’article 1er, vous ne proposez rien de moins que d’inverser le raisonnement du Conseil constitutionnel : ce ne sont plus les principes de la continuité et de l’accès au service public qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de grève, c’est le droit de grève qui ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à plusieurs de ces droits érigés en principes, lesquels, je le répète, n’ont rien à voir avec le service minimum.
Sur une question aussi importante, et qui détermine la philosophie même du texte, nous devons entendre la réponse du ministre pour savoir comment ces droits peuvent être érigés en principes constitutionnels, ainsi que la réponse du rapporteur pour pallier le manque d’informations dont souffre le rapport. Peut-être faudra-t-il également que le président Mariton réunisse la commission spéciale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
J’évoquerai d’abord les principes constitutionnels, dont les services de transports terrestres réguliers de voyageurs devraient permettre la mise en œuvre. Les auditions menées par notre commission spéciale, ainsi que nos échanges dans cet hémicycle, ont clairement montré que les difficultés rencontrées pour assurer la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs tiennent pour l'essentiel à la vétusté des infrastructures et, parfois, des matériels, à la saturation des réseaux, à l'insuffisance des moyens humains mis en œuvre.
Pour garantir les principes énoncés à l’article 1er, une première exigence s'impose donc : améliorer à la fois les conditions de transport des usagers et les conditions de travail des salariés du transport. Cela passe par une politique volontariste de l'État, menée en partenariat avec les autorités organisatrices de transport ; une politique dotée de moyens financiers importants, seuls à même de permettre l'entretien et le développement des infrastructures, le maintien à niveau et la modernisation des matériels, la garantie et, lorsque cela est nécessaire, la création d'emplois qualifiés et pérennes.
Mais telle n'est manifestement pas votre intention, puisque vous n'avez eu de cesse, tout au long de ces dernières années, de remettre en cause les moyens affectés par l'État à cette action publique essentielle : quand il faudrait 500 millions d'euros par an pour l'entretien du réseau ferré, on en annonce 100 ; quand il faudrait investir plusieurs milliards pour le développement des transports en commun en site propre dans les grandes agglomérations, l'État se retire purement et simplement ; et je ne parle pas de la cagnotte d’environ 40 milliards – évoquée par notre collègue François Brottes lorsqu’il a défendu la motion de renvoi en commission – cagnotte à laquelle vous avez renoncé en privatisant les autoroutes, pour encaisser trois fois moins, mais en une seule fois, alors que ces fonds auraient pu servir au développement du service public de transport terrestre régulier de personnes. Là encore, il n’y aura donc pas de rupture !
C'est grand dommage, parce que cela aurait pu donner une certaine crédibilité à votre projet sur le dialogue social, autre obligation générale qui s’impose si nous voulons vraiment mener le changement en profondeur et dans la durée dont notre pays a besoin. Mais là encore, pas de rupture ! Quand bien même le droit pour tout homme à défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale, en adhérant au syndicat de son choix, figure dans le préambule de la Constitution de 1946, repris dans le préambule de celle de 1958, rien dans votre texte n'incite à la reconnaissance du fait syndical.
C'est une autre carence importante de votre projet, tant il est vrai que les démocraties les plus avancées en Europe, celles qui connaissent le moins de conflits sociaux, ont su développer un dialogue social permanent et efficace avec un syndicalisme fort, capable de s'impliquer pleinement dans la réforme de la société du travail et hors du travail, un syndicalisme professionnel et interprofessionnel capable de transcender les corporatismes pour faire prévaloir le bien commun.
Prôner, comme vous le faites, monsieur le ministre, le renforcement du dialogue social sans affirmer la moindre ambition politique de dépasser les difficultés rencontrées dans les transports, où se côtoient les réalités économiques et sociales les plus diverses, pour y favoriser l'exercice d'une pratique syndicale, traduit à tout le moins une méconnaissance de ce secteur d'activité, et laisse à penser que le souci que vous affichez là n'est qu'un argument de vente de votre projet.
Enfin, la spécificité du service public, notamment en matière de transport quotidien de voyageurs, doit nous amener à rechercher, à partir d'un diagnostic partagé, la meilleure adéquation entre les besoins exprimés par les citoyens usagers dans leur diversité, les conditions de vie et de travail des salariés du secteur et les contraintes économiques et de gestion des entreprises comme des autorités organisatrices.
Il y a là tout un champ d'action, qui n’est qu’esquissé dans votre texte, et qui ne va pas assez loin pour espérer aboutir à de nouvelles formes d'organisation et à une amélioration durable du service public.
C'est précisément ce qui nous invite à poursuivre ce débat aussi longtemps qu’il le faudra, pour que les Françaises et les Français soient éclairés sur les véritables intentions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quitte à inscrire des principes à valeur constitutionnelle, vous auriez pu recopier tout le préambule de la constitution de 1946 ! Cela vous aurait permis d’affirmer à nouveau votre prétendu attachement au droit de grève, ou de rappeler que tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale – mais nous avons vu tout à l’heure quel cas vous faites d’un tel principe.
Je terminerai en citant le président du Conseil constitutionnel, qui a longtemps siégé dans cet hémicycle. Le 3 janvier 2006, lors des vœux au Président de la République, il déclarait : « La griserie de l’annonce l’emporte bien souvent sur les contraintes de l’arbitrage et de la prévision. » Voilà comment on aboutit à un texte complexe, mal préparé et mal rédigé (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), dont l’application sera extrêmement difficile, voire impossible. Il est aussi inopportun qu’inutile, et vous feriez mieux de le retirer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le projet de loi devrait pourtant s’appliquer également à notre île, la plus importante de métropole. Faute de pouvoir marcher sur l’eau, ce à quoi personne n’est parvenu depuis 2000 ans (Sourires), les Corses ont obtenu de la nation une enveloppe de continuité territoriale. C’est elle qui, en garantissant une liaison régulière avec le continent, préserve l’unité de la collectivité nationale et nous rend tous égaux. En 1975, il a d’ailleurs été décidé que l’autoroute du Soleil, comme on l’appelait alors, se prolongerait jusqu’à la Corse par voie maritime, de la même façon que toutes les régions de France sont reliées par le train. Il a d’ailleurs été question, à l’époque, de calculer le prix kilométrique à la manière de la SNCF. Ce que vous considérez comme transport maritime était donc déjà défini, en 1975, comme le prolongement d’une route terrestre !
La Corse connaît depuis vingt-cinq ans une situation qui porte préjudice, non aux salariés d’une entreprise, mais à l’ensemble des usagers, à une économie. Je comprends que l’on défende le droit de grève, et je l’ai fait moi-même. Je comprends que l’on veuille défendre ses droits au sein d’une entreprise – j’ai même défendu les droits de ceux qui, souvent, remettent en cause la continuité territoriale. Mais nous devons aujourd’hui, comme ce texte le demande, privilégier le dialogue social et garantir la continuité du service public de transport, qui est, cela a été dit, son essence même. Pour cela, un cadre juridique est nécessaire, notre collègue Christian Blanc l’a souligné. Je demande donc au Gouvernement et à la représentation nationale qu’une solution permettant de garantir la continuité territoriale avec la Corse soit mise au point. Quel que soit le mode de transport, maritime ou bien terrestre, la culture du dialogue social doit enfin se substituer à celle du conflit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le projet parle également de voyageurs « à vocation non touristique », une précision que certains collègues de la majorité souhaiteraient supprimer. De même, la question légitime de l’inclusion des transports maritimes vient d’être posée. On pourrait également s’interroger sur le transport aérien : est-il quotidien ? Régulier ? Et puis, au détour d’un amendement, on lit que certains, au motif qu’il faut garantir la liberté du commerce et de l’industrie, proposent d’élargir le champ du projet au transport – régulier ou quotidien ? – de marchandises.
On le voit bien, ce projet est un ballon d’essai. En vous intéressant aux transports quotidiens des travailleurs salariés les plus modestes, vous choisissez la porte d’entrée la plus facile, car la plus sensible. C’est populaire ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais les projets d’extension sont déjà dans les tuyaux, comme le prouvent les déclarations contradictoires de certains membres du Gouvernement : un jour, on s’intéresse à l’éducation nationale, le lendemain à l’ensemble des services publics. Bref, si ce texte n’est qu’un coup médiatique visant à obtenir une popularité facile, vous êtes déjà bien empêtrés. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Nous reviendrons plus tard à la question du remboursement ou à celle des relations entre AOT et entreprises mais, dès l’article 1er, on comprend que ce texte inapplicable ne sert qu’à diviser les Français. Malgré son examen au cœur de l’été, vous pouvez d’ailleurs en mesurer l’impopularité par la mobilisation de la rue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Or on ne réglera pas cette crise avec votre vision de la continuité des services publics de transport. Ce texte est un coup d’épée dans l’eau. Dommage ! Il est injuste et maladroit de viser les personnels des sociétés de transport. Il aurait mieux valu appeler à un effort commun, sur le modèle des contrats de projets, en faveur de la modernisation des transports ferroviaires dans le cadre du développement durable. Les villes, les départements et les régions le font déjà.
Comment, d’autre part, ignorer les inquiétudes, dont je vous ai fait part, monsieur le ministre ? Pour les autorités organisatrices de transport, ce texte est un nid à contentieux. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les régions, de gauche comme de droite, ont passé certaines conventions, et de bonnes pratiques ont été instaurées. (« Bien trop rarement ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais les précisions imposées par ce texte au sujet des matériels ou des lignes devant être maintenues vont entraîner des conflits juridiques considérables entre usagers, autorités organisatrices et entreprises.
La précision même de ce texte mettra en cause la simplicité des conventions que, je le sais, vous appelez de vos vœux. Vous avez précisé hier, lors de votre intervention, que cela donnait une base légale aux conventions passées. Mais ne sont-elles pas dès aujourd’hui légales ?
Nous aurions pu soutenir le volet du texte relatif au dialogue social, tel qu’il figure dans l’article 2. Hors la date du 1er janvier 2008, ces dispositions sont acceptables. Mais qu’en est-il du reste ? Vous mettez en place une usine à gaz, qui inquiète toutes les autorités organisatrices et qui, demain, ne réglera aucun problème quant à l’amélioration de la continuité des transports. Je voulais en témoigner aujourd’hui pour prendre date. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le Gouvernement a agi avec sagesse en présentant un texte mesuré et raisonnable. C’est donc aujourd’hui une date importante pour nous !
Si ce texte n’avait pas été inscrit à l’ordre du jour, nous aurions eu le sentiment que les promesses faites à nos concitoyens lors de la campagne présidentielle (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) pour la réorganisation de la société française n’étaient pas tenues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Premièrement, si nous ne réglons pas la question - excellemment présentée par M. de Rocca Serra – relative aux transports maritimes de voyageurs, nous n’aurons pas accompli ce que nous avons à faire. Nous avons assisté avec désolation, pendant de nombreuses années, à la multiplication des conflits dans les transports maritimes entre la Corse et le continent. L’opposition nous a expliqué qu’il y avait tellement peu de jours de grève qu’il n’était pas nécessaire de légiférer. Or, s’il est un secteur où les jours de grève ont toujours été nombreux chaque année, c’est bien celui-là. Il est donc grand temps d’agir ! Par conséquent, je souhaite ardemment qu’une majorité se dégage pour adopter l’amendement qui sera présenté tout à l’heure.
Personnellement – et ce sera ma seconde observation –, je ne trouve pas opportunes les modifications introduites par le Sénat en vue de rappeler les principes de droit constitutionnel qui inspirent le texte.
Mais pour le reste, mes chers collègues, nous allons prendre une décision historique, dont je me félicite très sincèrement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
En Bretagne, région dont je suis élue, les salariés qui travaillent à Paris demandent avec force le rétablissement de la circulation des trains de nuit pour leur permettre de rentrer le vendredi soir et de rejoindre Paris le dimanche soir. De même, les entreprises les plus éloignées des grands marchés réclament depuis longtemps que les trains de marchandises de nuit circulent de nouveau.
Lorsque nous avons discuté des contrats, nous en avons fait part à la SNCF. Elle nous a répondu que, compte tenu de la faiblesse des crédits accordés par l’État pour le renouvellement des matériels, la mise aux normes, et concernant la Bretagne, les lignes à grande vitesse, elle s’était malheureusement trouvée dans l’obligation d’alléger ses frais de fonctionnement : il lui était donc impossible de faire travailler son personnel à partir de vingt et une heures. De ce fait, les trains de nuit ne circulent plus. Il en va de même du transport des marchandises de nuit, ce qui nécessite le recours à deux chauffeurs de camion pour atteindre, par exemple, les marchés de Francfort.
Si l’on veut parler de liberté d’entreprise, de commerce, d’égalité des chances et de concurrence, ce n’est pas de ce texte qu’il faut débattre : il faut évoquer la continuité du service public et l’engagement de l’État en faveur du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole de l’État n’est pas rien. Les formations de droite, de gauche ou du centre s’étaient honnêtement engagées dans un dialogue privilégiant la voie conventionnelle par rapport à la voie légale. Aujourd’hui, vous nous proposez un texte – durci par le Sénat comme vient de le rappeler M. de Charette – qui rompt avec cette démarche républicaine et démocratique. Nous sommes en pleine contradiction. L’État est à la fois autorité organisatrice – pour les TGV, l’aérien, le fluvial, le maritime – et il a la tutelle de la SNCF et de la RATP. Or il prétend organiser les conditions du dialogue social et décider, de fait, des politiques territoriales en matière de transport, alors que chacun sait que les politiques de déplacement sont, pour l’essentiel, depuis de nombreuses années, dévolues aux collectivités territoriales : régions, départements, groupements de commune et communes.
C’est pourquoi vous auriez dû, au minimum, accepter la proposition d’Annick Lepetit, qui demandait qu’un rapport du Gouvernement soit présenté au Parlement sur la mise en œuvre du dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ainsi que sur la qualité de service des transports publics. Comment peut-on, quand on est juge et partie, imposer de nouvelles règles en contradiction avec la charpente constitutionnelle ?
Il est toujours temps de réparer ses erreurs. Si vous persistez dans votre volonté de durcir le texte, de rendre le dialogue social invraisemblable dans notre pays, vous récolterez sur le terrain ce que vous semez aujourd’hui : le boomerang vous reviendra beaucoup plus vite que vous ne le croyez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Les différentes interventions, de l’opposition comme de la majorité, ont été de qualité. Des approches nouvelles de l’interprétation du texte ont d’ailleurs émané de la majorité. À cet égard, je tiens à remercier M. de Charette pour sa franchise et pour sa lecture juridique de la référence à des principes de valeur constitutionnelle. Je sais de plus, puisqu’il a eu l’amabilité de m’en informer, que M. le secrétaire d'État chargé des transports sera bientôt dans l’obligation de nous quitter. Nous souhaitons, dès lors, que M. le ministre et M. le secrétaire d’État s’expriment.
Nous allons maintenant discuter des amendements. J’ai toujours répondu de manière très détaillée à leurs auteurs. Vous jugerez à la fin si j’ai éludé les questions. Comme vous venez de le préciser, monsieur Vidalies, Dominique Bussereau devra nous quitter tout à l’heure. Je pense donc qu’il est préférable que les deux ministres s’expriment sur les amendements, plutôt que de revenir à nouveau sur des éléments que j’ai développés hier dans la discussion générale. Si vous avez le sentiment que je ne vous ai pas répondu au fond, je n’hésiterai pas à m’expliquer de nouveau. Vous savez dans quel état d’esprit j’ai toujours abordé les débats. J’ai passé ici 167 heures comme rapporteur de la réforme des retraites. J’ai donc toujours eu pour habitude d’aller au fond des choses dans le respect de l’ensemble des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour défendre l’amendement n° 80.
La recherche du dialogue social, qui est une absolue nécessité et qui permettra d’encadrer la mise en œuvre du service aux usagers, doit être précédée d’une concertation. Ce que je vous demande, monsieur le ministre, c’est qu’elle ait lieu dans des délais les plus rapides, afin qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité entre les citoyens, qu’ils vivent sur une île ou sur le continent, que l’économie d’une île puisse fonctionner autant que celle des autres régions continentales, et que la continuité d’un service public financé par la communauté nationale soit assurée entre la Corse et le continent comme ailleurs.
Je vous demande de vous engager clairement à employer tous les moyens pour y parvenir, et notamment à mener la concertation nécessaire entre l’autorité organisatrice, les pouvoirs publics, les entreprises de transport et les salariés, pour que les usagers, qu’ils soient personnes physiques ou personnes morales, qui ont besoin de transiter par la voie maritime, puissent le faire puisque, pour paraphraser un illustre prédécesseur de la IIIe République, « la Corse est une île, mais entourée d’eau de toutes parts. » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Le service garanti doit être considéré non pas comme un remède miracle mais comme un moyen ultime d’assurer la continuité du service public. C’est la raison pour laquelle il doit être garanti au plus haut niveau possible et compatible avec l’exercice du droit de grève. Seule une telle démarche permettra de promouvoir un service public de qualité.
En complément de celui de Camille de Rocca Serra, mon amendement tend à garantir la continuité du service public de transport terrestre de personnes, sans exclure les transports à vocation touristique.
Je pense à celles et à ceux qui, usant de leur juste droit aux vacances, choisissent de se rendre sur leur lieu de villégiature en utilisant les transports en commun. Ne les décourageons pas, encourageons-les à circuler librement et à désengorger des routes inadaptables à des afflux touristiques saisonniers qui, avec leurs pics, provoquent des blocages mais présentent aussi des risques pour la sécurité et pour l’environnement – il faut penser au développement durable. Je pense aussi aux objectifs commerciaux de la SNCF, que l’on doit accompagner et encourager pour lui permettre de parvenir à l’équilibre financier. Elle a besoin d’assurer ces transports importants, parfois exceptionnels et non pas réguliers, dans le cadre des migrations touristiques. Je pense enfin à l’activité touristique, élément incontournable d’un secteur générateur d’emplois et d’activités économiques.
Pour ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de faire entrer dans le champ d’application de la loi l’ensemble des services publics de transport terrestre de personnes. (« On y est ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour me convaincre de renoncer à ce combat, on m’oppose la nécessité du dialogue social. Je n’ai jamais nié l’importance des négociations avec les partenaires sociaux. Les modalités d’application de la loi, le nombre minimum de rotations par exemple, seront évidemment déterminées après une large concertation avec les syndicats et les compagnies de transport concernées, et cette concertation devra évidemment être pilotée par la collectivité territoriale de Corse et les représentants de l’État. Mais, pour que les Corses aient une garantie de la voir aboutir, le principe même de la continuité du service public dans les transports maritimes doit être dès aujourd’hui inscrit dans la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
La commission n’a pas retenu cette formule et a entendu exclure du dispositif d’autres types de transports publics de voyageurs dans la mesure où aucune véritable concertation n’a été conduite à ce sujet. Notre politique, en effet, c’est concertation, puis réflexion et proposition. Le projet se fonde sur les bonnes pratiques existantes dans le secteur des transports, à la RATP, à la SNCF, et en Alsace pour le TER.
Le président de la commission présentera un amendement prévoyant la présentation au Parlement par le Gouvernement, au 1er juin 2008, d’un rapport dressant un état des lieux du dialogue social dans les transports publics autres que terrestres.
Refuser ces trois amendements, ce n’est aucunement méconnaître l’attachement profond que nous avons tous pour les insulaires, notamment les Corses, et la commission a souhaité une accélération des concertations menées sur ce point. Sachez que la commission et le rapporteur ont bien mesuré les problèmes auxquels sont confrontés nos amis îliens.
Le rapporteur vient de l’évoquer : sur ce sujet comme pour les autres secteurs de transport sur lesquels nous avons travaillé en commission, l’objectif, c’est de ne pas brûler les étapes du dialogue social. L’amélioration de la continuité du service public pour les transports terrestres n’est possible aujourd’hui que parce qu’il y a eu progrès dans le dialogue social.
Nous demandons, par un amendement que la commission a adopté après l’article 11, que des progrès soient faits dans les autres secteurs du transport, et que le Gouvernement en rende compte dans un rapport. J’ai compris qu’un certain nombre de collègues allaient présenter un sous-amendement pour s’assurer que ce rapport prendra bien en compte la problématique de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale. J’aimerais connaître l’état d’esprit du Gouvernement sur ce point.
Par ailleurs, la France de 2007 n’est pas une société bloquée mais il y a un préalable indispensable au changements : la concertation. Je n’ai pas mené cette concertation avec les professionnels du secteur touristique, et j’estime que ce n’est pas au détour d’un amendement que l’on peut prendre des décisions à propos de sujets sur lesquels on va justement discuter dans les mois à venir. Je crois foncièrement à ce principe de concertation. Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Je pourrais aussi invoquer la nécessité de la concertation pour répondre à la fois à Camille de Rocca Serra et à Sauveur Gandolfi-Scheit.
Cela fait longtemps que l’on parle du service minimum dans notre pays, et un texte arrive enfin. Je sais que, comme un grand nombre d’élus de Corse et surtout la population corse, vous avez pensé que ce texte allait enfin apporter une solution aux problèmes que vous rencontrez depuis des années, et je comprends parfaitement votre réaction, mais il a été prévu, j’y insiste, pour les seuls transports terrestres réguliers de voyageurs.
Nous n’avons pas voulu pour autant oublier le problème de la Corse. La question m’a été posée de la même façon par des sénateurs vendéens et bretons lors des débats devant la Haute assemblée. Ce n’est pas le même principe de continuité territoriale qui s’applique chez eux, mais il s’agit de dessertes côtières, avec des déplacements quotidiens, et je leur ai fait la même réponse que celle que je vous fais aujourd’hui.
Sur ce sujet bien particulier, vos questions sont d’autant moins illégitimes qu’au-delà de vos personnes elles concernent toute une population. C’est pourquoi, à la suite du débat qui a eu lieu au Sénat, j’ai saisi de cette question Dominique Bussereau, en sa qualité de secrétaire d’État chargé des transports, pour que nous puissions entamer la concertation dans les meilleurs délais.
On ne peut pas régler les problèmes de continuité territoriale dans le cadre du texte qui vous est proposé aujourd’hui. En effet, la continuité territoriale n’est pas assurée seulement par le transport maritime et une réponse globale en la matière devra forcément intégrer aussi la desserte aérienne, même si les problèmes ne sont pas de même nature.
Je ne mentionnerai pas l’existence d’autres compagnies maritimes, car je sais bien que la SNCM détient, par délégation de service public, le monopole de la desserte maritime de la Corse, et sur ce point je comprends l’argumentation juridique de certains, même si je vois bien que ce point n’est pas au cœur de la vôtre.
En outre, si nous pouvons avancer aujourd’hui sur ce sujet du service minimum dans les transports terrestres de voyageurs, c’est parce que – et je l’assume – nous ne sommes pas partis d’une page blanche, grâce à tout le travail accompli par Robert Lecou, Jacques Kossowski et Hervé Mariton, mais aussi Patrick Ollier et la commission des affaires économiques. Dans ce domaine existaient déjà des bonnes pratiques et un dialogue social. C’est tout cela qui rend les choses plus faciles aujourd’hui, et vos propos de tout à l’heure l’ont confirmé, monsieur Rousset.
De même, en ce qui concerne la Corse et les autres dessertes, nous ne pourrons absolument pas avancer sans nouer rapidement la concertation et les fils du dialogue social. En effet, le préalable de ce texte, l’origine, la première pierre sur laquelle l’édifice repose, c’est le dialogue social ; c’est l’alarme sociale qui appelle chacun autour de la table avant le conflit, avant que le préavis ne soit déposé. À ce propos, je reprends totalement à mon compte les mots de Camille de Rocca Serra : il faut que la culture du dialogue s’impose au détriment de la logique qui a par le passé tué la confiance, en Corse comme ailleurs.
Je voudrais vous indiquer encore une fois très clairement que si nous procédions aux extensions que vous souhaitez, il ne suffirait pas de modifier l’article 1er pour résoudre le problème. À mes yeux – mais vous ne serez peut-être pas d’accord avec moi – le coeur du texte, ce sont les déplacements quotidiens : prendre le bus pour aller au collège ou au lycée ; prendre le train pour aller travailler le matin et revenir le soir.
Il est vrai qu’il y a des usagers de la SNCM qui rallient quotidiennement le continent ; je sais aussi qu’elle assure la desserte des établissements sanitaires, encore que les fonctions qui étaient les miennes dans le passé m’ont appris qu’il y a des possibilités d’évacuation beaucoup plus rapides en cas d’urgence. Mais vous voyez bien, par exemple, que la question des plans de travaux programmés, qui font l’objet d’un amendement, ne se pose pas de la même façon pour la desserte maritime. Celle de l’indemnisation ne se posera pas non plus dans les mêmes termes : on ne peut pas plaquer artificiellement le même régime à la desserte maritime de la Corse ; on ne peut pas imaginer que l’indemnisation qui sanctionnera l’inexécution de l’obligation d’informer par la SNCF, la RATP ou les sociétés de transports locales, puisse s’imposer à la SNCM, au cas où des bateaux dont le départ était programmé n’auraient pas pu être affrétés, car les enjeux financiers ne sont pas de même nature.
Voilà pourquoi, même si la question est tout sauf illégitime, ce texte n’apporte pas la réponse qui convient car, en ce domaine, je le dis très sincèrement et nous le savons tous, nous sommes quasiment au millimètre sur le plan juridique.
C’est seulement si nous avançons dans la concertation et si nous sommes capables de mettre en place un dialogue social qui est le préalable de tout : de l’organisation du service en cas de grève et du droit à l’information, que les choses deviendront possibles.
Je sais que certains se sont interrogés sur l’avenir de l’amendement que le président Hervé Mariton proposera après l’article 11, et je ne vais pas entretenir artificiellement le suspens : le Gouvernement lui réservera un accueil favorable, parce que, conformément à vos vœux, il va dans le sens du dialogue social. Le Gouvernement exprimera aussi un avis favorable au sous-amendement que M. Verchère proposera à cet amendement, qui, même si son champ est plus large, concerne évidemment la Corse. En effet ce sous-amendement vise à ce que le rapport proposé par l’amendement fasse « le bilan de la prise en compte, dans la mise en œuvre du dialogue social, de la spécificité insulaire, des dessertes côtières et de la continuité territoriale » : c’est bien ce qui nous intéresse et ce dont vous avez besoin en Corse. Cette disposition donnera aux élus une base pour engager, en tant qu’autorités organisatrices, la discussion avec les entreprises concernées.
Voilà le préalable dont nous avons besoin. Je vous assure que le Gouvernement ne vous laissera pas seuls : nous sommes disposés à aider celles et ceux qui veulent donner un contenu précis à la continuité territoriale. C’est dans cet esprit que nous travaillons : ce n’est absolument pas une fin de non-recevoir opposée à un sujet ô combien important. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Non content d’exprimer un avis favorable à ce sous-amendement, le Gouvernement va engager, à l’initiative de Dominique Bussereau, des concertations sur ce thème, pour lesquelles le Gouvernement n’acceptera aucun tabou, considérant que quand on peut renforcer le service public, on se doit de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je confirme naturellement les propos de Xavier Bertrand : nous mènerons la concertation que vous souhaitez, en ce qui concerne la continuité de la desserte maritime, qu’il s’agisse de la desserte de la collectivité corse ou de celle de la façade ouest et des îles de l’Atlantique, qui m’est chère. Nous devons également songer à nos compatriotes ultramarins, de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie, de Mayotte etc. Il y aura sur ce point, comme l’indiquait Xavier Bertrand à l’instant, dialogue social.
Je ne pourrai dire que deux mots en réponse aux remarques faites par plusieurs d’entre vous sur le défaut de qualité des transports, problème qui doit naturellement être résolu en dehors même des questions de mouvements sociaux ou de continuité des services publics de toute nature, comme vous l’avez l’a très justement souligné, monsieur Rousset. La réflexion que nous menons, avec Jean-Louis Borloo et l’ensemble du Gouvernement, dans la perspective du Grenelle de l’environnement et qui doit déboucher sur des propositions nouvelles, devra aborder la question du financement des transports publics dans les moyennes et grandes agglomérations. Cette réflexion concernera également le secteur périurbain où de nouveaux besoins apparaissent. Comme je l’ai dit à M. Destot, sous l’autorité duquel j’ai eu l’honneur d’être un des vice-présidents du GART, il y a quelques années, nous devons nous efforcer de trouver de nouvelles ressources pour financer les réseaux de bus et de tramways, les réseaux en site propre et les autres.
Quant au réseau francilien, madame Lepetit, il bénéficie déjà des efforts de la région Ile-de-France, du STIF et de l’État, dans le cadre des contrats de projets État-région, et nous devrons profiter de la dynamique du Grenelle de l’environnement pour voir ensemble, régions, État, départements, autorités organisatrices, quels nouveaux efforts nous devons consentir pour développer les transports de proximité.
J’ajoute, monsieur Paul, que je suis parfaitement conscient, tout comme l’est la direction de la SNCF, que le réseau des grandes lignes souffre de certaines faiblesses, en particulier en Basse et Haute-Normandie. Vous avez cité l’axe Paris-Rouen-le Havre qui vous est cher, ou l’axe Paris-Granville. On pourrait également citer l’axe Paris-Caen-Cherbourg, madame Ameline, pour lequel nous devons également faire des efforts particuliers.
Ce qui vous est proposé aujourd’hui dans le texte du Gouvernement en matière de service essentiel et de service garanti ne dispense donc naturellement ni les entreprises publiques, ni la collectivité nationale, ni les collectivités territoriales de tout effort en matière d’infrastructures ou de matériels, bien au contraire. Le Grenelle de l’environnement sera l’occasion de mettre au point, devant la collectivité nationale, une nouvelle politique des transports au service du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Étant donné la manière dont ont été réglés les derniers conflits sociaux – tout récemment encore à la SNCM – je crois très sincèrement que l’État devrait rougir du rôle qu’il a joué, ou plutôt qu’il n’a pas joué dans ces conflits, qui sont toujours douloureux pour les travailleurs en premier lieu.
J’ai aussi une question pour vous, monsieur le président et monsieur le rapporteur de la commission spéciale. J’ai sous les yeux vos deux propositions de loi relatives à un service minimum dans les transports, que j’ai étudiées attentivement : aucun de ces deux textes, qui avaient au moins le mérite d’être brefs, ne prône l’extension de cette limitation, voire restriction du droit de grève aux transports maritimes ou aériens. Or elles ont été signées, il y a au moins trois ans, par beaucoup de parlementaires dont j’ai la liste, et dont certains font partie des « ultras » d’aujourd’hui. Il y avait probablement une raison à cela. À moins que vous n’ayez pas été aussi sûrs à l’époque d’une opinion publique désormais formatée par des médias à la botte du Président de la République et de la majorité présidentielle (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – je vois que cela vous touche ! – qui publient des sondages aux résultats conformes aux orientations de votre politique. Ainsi, quand on veut rendre l’opinion publique favorable à la limitation du droit de grève, on sort un sondage cousu main.
Je suis surpris que ni M. Mariton ni M. Kossowski ne protestent contre cette extension annoncée. Car, monsieur le ministre, votre intervention sur l’article 1er annonce que vous vous couchez après l’article 11. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Disons que le ministre cède, même si « se coucher » n’est pas un gros mot. Vous cédez dès l’article 1er en annonçant que vous allez donner satisfaction aux ultras de la majorité après l’article 11. C’est ce que devront retenir nos concitoyens, en particulier les travailleurs et les militants qui manifestaient il y a deux heures encore devant l’Assemblée.
Puisqu’il s’agit d’une question qui intéresse le secteur des transports, il aurait été normal que le secrétaire d’État chargé de ce secteur soit présent du début à la fin de l’examen de ce texte. Comme tel n’est pas le cas, il vous faut avouer dès maintenant que ce texte a essentiellement pour objet de limiter le droit de grève, et non d’assurer la continuité du service public des transports ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Face au flot de critiques et d’interpellations dont fait l’objet la qualité de notre transport public, et en particulier celle du transport ferroviaire, M. Bussereau a été obligé de répondre par une sorte de déclaration de principe. Cependant, alors que le Gouvernement se réunit pour préparer la loi de finances pour 2008, on se demande ce qui restera au secrétaire d’État aux transports pour financer ou soutenir le financement des infrastructures et le renouvellement du matériel roulant, tant pour les transports ferroviaires régionaux des grandes lignes que pour le développement de transports urbains, et cela au moment même où l’on parle de développement durable – même si, dans ce débat, on n’en parle que très peu et à la marge. Vous avez déjà fait partir en fumée les milliards d’euros qui seraient nécessaires pour ces investissements.
Assez de discours et de déclarations de principe. Nous sommes confrontés à une carence considérable. Alors que le réseau de transports publics, au niveau tant régional que départemental ou urbain, est en difficulté, vous nous parlez encore d’un Grenelle de l’environnement ? Finissons-en avec l’hypocrisie ! Chaque jour qui passe montre quelle est la réalité de votre politique. Vous pensiez que ce débat sur la limitation du droit de grève serait facile et que vous pourriez vous contenter de parler de continuité du service public et de service minimum, mais chaque heure qui passe rend plus sensible un certain énervement sur les bancs de la majorité, parce que la vérité est en train d’apparaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Camille de Rocca Serra.
Je tiens à la cohérence : je ne peux pas appeler une ou plusieurs entreprises de transport maritime, dans le cadre d’une délégation de service public, à mettre en œuvre le dialogue social et l’alerte sociale, donc à privilégier le dialogue par rapport au conflit, sans accepter moi-même la concertation préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Chers collègues de l’opposition, qui n’avez rien fait pendant des années, permettez que nous essayions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Et vous ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous avez laissé une entreprise nationale se dégrader et cesser d’assurer un service public. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous n’avons pas polémiqué jusqu’à présent. Permettez-moi donc d’achever mon propos.
Je demande donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement s’engage à assurer sans plus tarder l’ensemble des moyens nécessaires, car il y a trop longtemps que la Corse attend.
Pour l’heure, au bénéfice de vos réponses, je suis prêt à retirer l’amendement n° 80. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – « Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Robert Lecou.
La parole est à M. Sauveur Gandolfi-Scheit.
Si les conditions requises ne sont pas respectées dans le délai imparti (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
Mais que font nos collègues de l’opposition ? Lorsqu’ils ont le sentiment que la majorité cherche à durcir le texte, ils la critiquent et, lorsqu’ils ont le sentiment qu’elle cherche une voie d’équilibre, soulignant notamment qu’il est nécessaire de développer le dialogue, ils la critiquent aussi. C’est tout de même assez curieux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il me semble que nous sommes en train de trouver la bonne voie,…
Je tiens aussi à souligner, notamment à l’intention des auteurs des amendements, que les rapports que nous prévoyons sont nécessaires, malgré les railleries de l’opposition, pour faire un point d’étape et voir comment le dialogue social peut s’améliorer. Le dialogue social ne se proclame pas : il se travaille.
Il importe aussi de demander, comme le propose un amendement de la commission que nous examinerons après l’article 11, que ce travail d’approche se fasse à bon rythme. Il me semble de bonne pratique, comme l’indique d’ailleurs la volonté que vous exprimez, que le bilan de l’amélioration du dialogue social, y compris dans la direction que vous souhaitez, soit réalisé pour le 1er mars 2008, plutôt que pour la date initialement prévue du 1er juin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dès le mois de septembre, M. Bussereau – qui a dû nous quitter, comme M. Ayrault a bien voulu nous l’expliquer – entamera ces concertations, en liaison avec les élus concernés. Il est clair cependant que la continuité territoriale ne concerne pas seulement le transport maritime. Ce travail associera une démarche ministérielle et un support juridique, qui permettra également aux élus de disposer, sur le terrain, d’une base juridique permettant d’engager les discussions. Je tenais à le préciser, car je ne veux pas plus que vous évacuer cette question d’un revers de main en me contentant de vous dire que ce texte est une réponse au problème du transport terrestre de voyageurs.
Une chose m’a choqué dans vos propos, monsieur Muzeau – et cela n’était pas lié au contenu des amendements que nous examinions. Vous avez une bien curieuse conception du dialogue social : s’il s’agit de céder… En tout cas, cette conception n’est pas la nôtre.
Cela étant, vous auriez pu prolonger votre propos en qualifiant l’attitude scandaleuse de l’UTP qui, pendant deux années, de 2005 à aujourd’hui, a tout fait pour faire capoter les discussions avec les organisations syndicales. Les auditions auxquelles nous avons procédé et qui figurent dans le rapport de la commission spéciale ont montré, comme se le rappellent tous les parlementaires qui ont participé à ces auditions, que l’UTP attendait cette loi et la réclamait pour imposer une issue conforme à ses desiderata à un dialogue social qu’elle a toujours refusé. Si en effet ce qui a réussi à la RATP et à la SNCF était issu d’un dialogue social, pourquoi n’en a-t-il pas été ainsi avec l’UTP et les entreprises sur lesquelles elle a la mainmise ? C’est bien parce que cela recouvrait une volonté politique. Souvenez-vous que le MEDEF et l’UTP ont formulé l’exigence de venir ensemble devant la commission spéciale. N’est-ce pas curieux ? L’un aurait besoin du soutien de l’autre, et réciproquement ? Monsieur le ministre, vous devriez stigmatiser l’UTP pour l’échec de négociations que les sept fédérations syndicales souhaitaient voir aboutir.
Nous sommes là dans le vif du sujet, à savoir la concertation et le dialogue social.
Alors que nous jugions l’échéance du 1er juin prévue dans le projet de loi pour la remise du rapport déjà trop rapprochée, vous venez d’annoncer à l’instant, monsieur Mariton, que la remise du rapport devrait être avancée au 1er mars. Alors qu’il nous semble impossible de réaliser une mise en place avec l’autorité organisatrice de transport au 1er janvier 2008, vous ajoutez une autre dimension, à savoir une conclusion au 1er mars sur l’effectivité et l’expérience en retour de ce qui aura été conclu et mis en œuvre. Non seulement les discussions ne seront pas finies avec l’autorité organisatrice de transports au 1er janvier 2008, tout le monde le sait…
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
On peut raisonner en sens inverse. Tous les citoyens français, y compris les Corses donc, ont le droit d’être traités comme les autres. Et ce que vous venez de faire pour la Corse, vous pouvez le faire pour l’ensemble des citoyens français, ce qui revient à repousser l’ensemble du texte jusqu’à ce que le dialogue social ait abouti. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Cela me paraît une nécessité absolue.
Dans ces conditions, il me paraîtrait sage, compte tenu de cet impératif retenu pour une partie de la population et si nous voulons respecter le principe constitutionnel de l’égalité des citoyens français – ce qui est vrai pour les habitants de la Corse est vrai pour les autres – que ce dialogue ait lieu avant. C’était d’ailleurs votre position jusqu’au mois de mai 2006, du moins la position exprimée ici par M. Perben et soutenue par tous ceux d’entre vous qui étiez là.
Par ailleurs, votre amendement concerne les agglomérations de moins de 100 000 habitants. Mais si nous voulons assurer une certaine égalité, comme vous semblez le souhaitez, je ne vois pas pourquoi nous devrions les différencier. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement, comme d’ailleurs plusieurs amendements que vous avez présentés à l’article 1er, qui posent des problèmes dont nous sommes conscients, mais qui s’insèrent mal dans ce projet de loi.
Certes, les transports terrestres de voyageurs ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés dans les petites agglomérations que dans les grandes, mais l’esprit de ce projet de loi est d’assurer un service garanti sur l’ensemble du territoire national.
La commission a repoussé cet amendement pour respecter la Constitution, considérant que les agglomérations de moins de 100 000 habitants devaient avoir les mêmes droits que les autres.
Votre position est cohérente dans la mesure où vous voulez vider le texte de sa substance parce que vous ne voulez pas mettre en place le service minimum qu’attendent des millions de Français.
Et vous imaginez dans le même temps de rompre le principe constitutionnel d’égalité de traitement entre les habitants selon qu’ils vivent dans une agglomération de moins de 100 000 habitants ou de plus de 100 000 ?
En ce qui concerne l’UPA, je précise, puisque la question a été posée dans la discussion sur l’article, que dans la mesure où les accords de branche existent, ils permettent de couvrir l’ensemble des entreprises et notamment celles de moins de 50 salariés. Nous nous en sommes entretenus avec le secrétaire général de l’UPA : les petites entreprises ne feront l’objet d’aucune discrimination de la part des autorités organisatrices de transports et ne seront pas exclues des appels d’offres, contrairement à ce que semblaient craindre certains.
Le Gouvernement, émet un avis défavorable sur l’amendement n° 113.
Je voudrais également indiquer que le groupe UMP se félicite des précisions apportées par l’amendement n° 92 rectifié et par le sous-amendement n° 186 déposé après l’article 11, notamment quant à la date. Il nous semble très important en effet que le principe d’évaluation figure dans le texte de loi, car une politique qui n’est pas évaluée se réduit à une déclaration d’intention.
Mais si, malgré tous les efforts du Gouvernement, le rapport d’évaluation ne pouvait pas être disponible pour le 1er mars, le groupe UMP serait prêt, à l’unanimité, à soutenir la proposition de loi que déposeraient M. de Rocca-Serra et M. Gandolfi-Scheit.
Vous évoquez la notion de rupture d’égalité, mais, avec cet amendement, il y a égalité de traitement pour la totalité des agglomérations de moins de 100 000 habitants. De surcroît, il ne vous a sans doute pas échappé que, dans les agglomérations de moins de 100 000 habitants, les droits notamment en matière de prélèvements sur le versement transport ne sont pas les mêmes que dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies.
La situation est encore plus pittoresque du point de vue juridique lorsque le législateur, pour arriver à ses fins, invente purement et simplement des principes constitutionnels ou les travestit. Demain, tous les juristes s’arracheront les cheveux : nous érigeons nous-mêmes des principes en principes constitutionnels.
Bref, à moins de supposer que nous ayons eu collectivement une lecture désastreuse de l’état du droit constitutionnel, il est très difficile de s’y retrouver.
Cette affaire est grave, mais il faut se demander pourquoi on en arrive à une telle situation. De ce point de vue, je partage les interrogations de M. de Charette, même si je ne partage pas ses conclusions.
On voit bien ce qui s’est passé : vous êtes partis du résultat et vous avez fait un montage juridique autour. Mais lorsqu’on veut justifier l’injustifiable, on aboutit à des dispositions qui relèvent de l’imagination pure, en tout cas qui n’échapperont pas à la censure du Conseil constitutionnel si vous les maintenez. A ce stade, vous n’avez plus que deux solutions : soit les retirer, mais il restera beaucoup de dispositions inconstitutionnelles dans le texte, soit les maintenir, mais elles ne cacheront plus que votre texte vise bel et bien à s’attaquer à un principe dont la constitutionnalité est affirmée, à savoir le droit de grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Puisque vous m’y invitez, je rappelle seulement que les principes à valeur constitutionnelle sont soit issus des textes constitutionnels – la Constitution, le préambule de 1946 et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – soit dégagés de façon prétorienne par le Conseil constitutionnel lui-même. Ainsi, celui-ci a consacré la liberté d’aller et venir dans une décision du 19 janvier 2006 sur la loi de lutte contre le terrorisme – cette liberté trouvant sa source dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 –, la liberté du travail dans une décision de 2002 sur la loi de modernisation sociale et la liberté d’entreprendre (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.
L’amendement n° 155 vise à exclure les entreprises de moins de cinquante salariés du champ d’application de ce texte. Comme à votre habitude, monsieur le ministre, vous nous avez rappelé votre attachement au dialogue social et vos résultats impressionnants en la matière. Je vais donc parler moi aussi de l’un de vos exploits historiques. Personne n’a en effet jamais pu expliquer que vous ayez refusé la mise en œuvre de cet extraordinaire message d’espoir que représentait, pour tous ceux qui croient au dialogue social, l’accord de 2001 entre l’Union professionnelle artisanale et l’ensemble des syndicats salariés, relatif à une présence syndicale dans les petites entreprises, financée par elles.
Lors de son audition, M. Pierre Martin, président de l’Union professionnelle artisanale, a fait une déclaration qui figure à la page 145 du rapport et dans laquelle il « indique ne pas avoir d’objection majeure à formuler sur la philosophie du texte, si ce n’est que les entreprises de moins de cinquante salariés ne doivent pas être concernées par un dispositif qui, pour être souhaitable, n’en est pas moins contraignant pour elles. Ce ne sont pas en effet les petites entreprises artisanales, souvent en milieu rural, qui posent des problèmes et il est regrettable que cela n’ait pas été pris en considération. »
Pour expliquer ce qui se passe aujourd’hui dans les entreprises artisanales, M. Martin a ensuite « rappelé que, si l’accord du 12 décembre 2001 sur le dialogue social dans l’artisanat permet de résoudre un certain nombre de problèmes, il est hautement dommageable qu’il ne soit pas appliqué à la totalité de ce secteur. » Il n’est pas appliqué à cause de vous ! Nous vous proposons donc une mesure qui permettra de relancer le dialogue social et d’écouter, pour une fois, les entreprises artisanales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Vidalies, cela ne fait pas six ans que je suis ministre du travail et je ne mettrai pas six ans pour faire connaître ma position sur ce sujet. Par ailleurs, vous savez parfaitement que les partenaires sociaux, y compris l’UPA, sont en ce moment sur le chantier de la représentativité et de la démocratie sociale. Chacun est libre d’employer le ton qu’il veut, mais je ne suis pas persuadé qu’il soit nécessaire d’être désagréable, je le dis comme je le pense !
Quant à la liberté du commerce et de l’industrie, monsieur Brottes, je vous laisse vous référer aux écrits d’un commissaire du gouvernement du Conseil d’État : Léon Blum.
Vous vous dites soucieux du dialogue social, mais voilà justement un amendement qui prend en compte la demande à la fois des salariés des petites entreprises et de leurs employeurs. M. Vidalies vous l’a exposé de façon posée, mais M. Pierre Martin, lors de son audition, était autrement virulent contre les gens qui ne voulaient jamais écouter personne, ni les salariés, ni les employeurs. Vous avez là l’occasion de répondre à une exigence d’organisation pragmatique des transports au titre de l’aménagement du territoire, puisque les entreprises concernées sont souvent en milieu rural ou en zone de montagne, dans un secteur où les intérêts des usagers, des employés et des employeurs ne font qu’un et où tout se passe bien. Vous allez semer la zizanie dans un dispositif qui marche bien ! Là est la limite de votre capacité d’écoute : lorsque tout le monde est contre, vous êtes tout de même pour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Alain Néri, pour le soutenir.
L’amendement vise à souligner la spécificité de celles-ci et à adapter en conséquence le champ d’application de la loi. Chacun sait que ce sont les conseils généraux qui ont la responsabilité de l’organisation des transports scolaires, dont la continuité n’a jamais, à ma connaissance, été remise en cause. Dès lors, pourquoi prévoir, à leur sujet, un service minimum ? L’exclusion du transport scolaire du champ d’application de la loi s’impose.
Je rappelle que 80 % des services de transport dans les départements concernent le transport scolaire. Heureusement qu’il existe, d’ailleurs, surtout dans les zones rurales, car c’est lui qui permet aux petites entreprises de transport de survivre. En outre, il contribue à l’aménagement du territoire en offrant un service public à tous les usagers. Ne créons pas de difficulté là où il n’y en a pas, puisque, comme le disait M. Brottes, nous partageons tous la volonté de maintenir, en zone rurale, un transport scolaire qui offre aux entreprises de transport une poire pour la soif.
Le vote de cet amendement s’impose d’autant plus qu’il n’existe aucune alternative permettant d’assurer le transport scolaire en cas de grève. En l’occurrence, s’il s’avérait impossible de transporter tous les élèves, selon quels critères serait-on amené à choisir ceux qui monteront dans le car ? Préférera-t-on les petits élèves de sixième, parce qu’ils sont nouveaux au collège et doivent pouvoir se rendre en cours, alors que ceux de cinquième et de quatrième seraient laissés de côté ? Quant à ceux de troisième, les avantagera-t-on au motif qu’ils doivent préparer le brevet ? Ce ne serait ni sérieux ni raisonnable. La question ne s’étant jamais posée, il est inutile de la soulever : dès lors que l’ensemble du circuit scolaire constitue une priorité en elle-même, il est impossible aux conseils généraux d’identifier des dessertes prioritaires à assurer les jours de grève.
Enfin, dans les territoires ruraux, les réseaux de transport sont généralement épargnés par les conflits que connaissent les entreprises. Si l’UPA est défavorable à ce texte, c’est sans doute qu’il créera plus de difficultés qu’il n’en supprimera. Le bon sens devrait par conséquent s’imposer à la représentation nationale et l’inciter, après ces explications, à exclure le transport scolaire de l’application du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L’amendement lui a paru incompatible avec l’esprit du projet de loi, qui a vocation à s’appliquer, dans l’intérêt de tous les usagers, à l’ensemble des transporteurs. D’ailleurs, on voit mal pour quelle raison les transports scolaires en seraient exclus.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. François Brottes, pour le soutenir.
Pour éviter que les entreprises ne multiplient les vaines promesses, nous vous proposons, par cet amendement, de sécuriser les appels d’offres. Par ce biais, non seulement on neutraliserait le risque d’engagements inconsidérés, mais on laisserait également toutes leurs chances à des entreprises qui, en raison de leur petite taille, ne disposent pas d’une organisation sociale suffisamment performante. L’adoption de l’amendement éviterait en effet que les dispositions du projet de loi relatives au service minimum – qui constituent, pour une grande part, un rideau de fumée – ne pèsent lors de l’examen des appels d’offres par les autorités organisatrices de transport.
Ce qui nous intéresse est la manière dont seront organisés la prévention de ces conflits et le service minimum garanti qui l’accompagnera. Certaines entreprises risquent en effet de prendre des engagements intenables, destinés à bercer d’illusions les commanditaires des délégations de service public. Notre rôle est au contraire de les protéger de ces promesses nécessairement vaines, étant donné la nature même du texte et le fait que le service minimum dépend en fait du nombre de grévistes dans l’entreprise. C’est faire œuvre de salut public que d’éviter aux autorités organisatrices de transport – qui représentent les contribuables et les usagers – de tomber dans de tels pièges. Cette approche nous paraît donc saine.
Je sais gré au ministre d’avoir éclairci le débat. Certains veulent à tout prix défendre le droit des organisations syndicales à perturber le service public (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) ; d’autres veulent s’en tenir à une règle stricte et mettre le service des usagers en compétition. Les positions sont claires, désormais, et je m’en félicite.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.
Vous constaterez que je ne parle pas uniquement de la Normandie : on pourrait citer, les unes après les autres, toutes les régions de France, puisque toutes sont concernées. En Midi-Pyrénées, 1000 emplois de cheminots ont été supprimés en cinq ans. En Languedoc-Roussillon, pour la seule année 2006, la région a perdu 156 emplois, et l’hémorragie se poursuit. Depuis deux ans, à Sète, les cheminots se battent contre la suppression d’un poste d’aiguilleur de nuit. À Montpellier, les régulateurs du poste de commandement bataillent, eux aussi, contre les réductions d’effectifs.
Cette baisse des moyens humains s’inscrit dans une politique globale, puisque, depuis 2002, la SNCF a supprimé 16 000 emplois soit de guichetiers, ce qui entraîne des attentes supplémentaires, soit de techniciens, ce qui affecte le niveau de sécurité des trains. Déjà, sous la législature précédente, j’avais demandé la constitution d’une commission d’enquête sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence des services publics dans notre pays, notamment dans le secteur des transports ferroviaires. J’avais souligné que la préparation de l’ouverture à la concurrence du service ferroviaire et les difficultés qu’entraîne la politique de baisse permanente des coûts étaient concomitantes.
Si la majorité a fermement refusé ma proposition, c’est qu’elle est pleinement partie prenante dans cette politique. Les députés européens issus de ses bancs ont approuvé, au gré des « paquets ferroviaires », les vagues successives de libéralisation entérinées au niveau communautaire. Aujourd’hui, ce sont les usagers et les autorités régionales qui en paient les conséquences, car la SNCF, qui poursuit la baisse des coûts pour faire face aux pressions concurrentielles, ne cesse d’effectuer des coupes dans son budget, sans que les régions disposent de moyens suffisants – est-ce leur rôle, d’ailleurs ? – pour pallier les carences de l’entreprise publique.
C’est pourquoi nous proposons, avec cet amendement, une procédure de concertation entre la direction de la SNCF, les organisations syndicales et les autorités organisatrices de transport au niveau régional. Elle permettrait que la décision de supprimer des postes – aussi bien au sein de toute direction régionale de la SNCF que sur les lignes régionales – soit soumise à l’avis conforme des élus des organisations syndicales siégeant au conseil d’établissement régional, et à celui des représentants de l’AOT concernée. En effet, il faut bien confronter les choix en matière de réductions d’effectif aux exigences du contrat passé entre l’AOT et l’entreprise de transport. Si la SNCF n’est plus capable, par manque de moyens matériels et humains, de respecter le contrat qui est signé avec l’AOT, c’est bien qu’il y a un problème !
Les instances qui font la promotion de la qualité du service public sur leur territoire pourraient donc, en s’opposant aux suppressions de postes injustifiées, mettre fin à la casse permanente du service public du transport ferroviaire. La SNCF et l’État seraient placés face à leur responsabilité en la matière, ce qui permettrait sans doute, d’assurer cette continuité du service public du transport terrestre de voyageurs dont vous nous parlez tant à défaut de l’appliquer.
Pour notre part, nous proposons que régulièrement – par exemple tous les ans, puisque c’est tous les ans que la SNCF supprime des postes et qu’un budget insuffisant est affecté par l’État aux réparations, à l’entretien et à la modernisation du réseau –, soit vérifié que les exigences du contrat passé entre l’AOT et la SNCF sont compatibles avec les évolutions sur le terrain, en termes humains et financiers. Cette réunion de concertation mettra donc autour de la table les syndicats, mais pas uniquement eux puisqu’il y aura aussi la SNCF et les représentants de l’AOT – les élus régionaux en réalité. Ils vérifieront que le contrat passé sera bien appliqué.
La réalité que nous décrivons depuis le début de l’examen de ce texte, cette réalité qui semble tant vous gêner, c’est que, année après année, il est de plus en plus difficile d’assurer à nos concitoyens qu’ils prendront peut-être le train mais surtout, qu’ils arriveront à l’heure prévue à bon port. Or ce ne sont pas les grèves qui posent problème – en tout cas, elles créent de moins en moins de gêne –, mais plutôt la vétusté du réseau et l’incapacité de remplir les obligations de son contrat dans laquelle est placée l’entreprise publique.
Cette affaire du respect du contrat est fondamentale, M. le ministre a essayé de nous faire croire qu’il était dans le camp de ceux qui ne bafouent pas les droits des usagers tandis que la gauche serait dans le camp de ceux les bafoue. C’est ce que j’ai cru comprendre tout à l’heure, monsieur le ministre, et M. de Charrette vous a aidé dans cette argumentation en reprenant ce que j’avais – benoîtement, disait-il – tenté d’exprimer.
Mais bafouer le droit des usagers, c’est par exemple faire croire, que lorsqu’on passe un marché, on aura un service garanti en toutes circonstances. Cela voudrait dire qu’on est en mesure de supprimer toute grève. Il faudrait qu’une une entreprise de transport réponde à un appel d’offres en assurant à son client, quoi qu’il arrive, le maintien à 100 % du service acheté. Or nous voulons qu’une telle clause ne puisse pas figurer dans un contrat : elle serait en effet exorbitante du droit commun et de ce droit de grève que vous nous dites vouloir maintenir. Des clauses de cette nature bafouent précisément le droit des usagers. Ceux-ci doivent être respectés dans l’exécution du contrat qui leur permet de bénéficier d’un service public de transport.
Les exigences en matières d’emploi vont dans le même sens : si le contrat lui-même est exempt de dispositions en termes de moyens, les promesses sur le maintien du service ne valent rien.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le soutenir.
Depuis 2002, vous avez, sans faillir, favorisé le transport routier…
Élu d’une région portuaire, je vous rappellerai aussi votre décision d’autoriser la circulation des camions de 44 tonnes qui transportent 29 tonnes de charge utile, soit, pour chaque véhicule, un wagon en moins pour la SNCF. Voilà l’effet de votre dernier budget.
Cette politique pèse lourdement sur les capacités d’investissement de la SNCF et de RFF, pour lesquelles le poids de la dette et des intérêts constitue une dépense annuelle très forte, qui réduit d’autant les investissements stratégiques pour les rails, les ouvrages d’art et les machines.
Je rappelle ce que j’ai déjà dit au cours de la question préalable : la SNCF est endettée à hauteur de 40 milliards d’euros, avec des frais financiers de l’ordre de 300 millions d’euros par an. Pour RFF, ces frais financiers s’élèvent à 1 300 millions d’euros par an.
Un soutien financier de l’État – grâce à l’annulation de la dette – est donc indispensable pour libérer les capacités d’investissement des entreprises ferroviaires. Sans cela, avec de tels frais financiers, ces deux entreprises ne s’en sortiront pas, il ne faut pas se leurrer. Peut-être vous cacherez-vous derrière les consignes communautaires qui réglementent très fortement les aides d’État. Mais la Commission européenne n’avait-elle pas autorisé le sauvetage d’Alstom par l’État français ? À tout le moins conviendrait-il d’ouvrir les négociations avec la Commission au sujet de la dette ferroviaire. C’est particulièrement vrai alors qu’il est question d’un Grenelle de l’environnement et qu’on veut favoriser le transport ferroviaire, qui émet moins de gaz à effet de serre.
Lorsque l’on prétend promouvoir la continuité du service minimum dans les transports, c’est l’objectif d’une continuité quotidienne qu’il faudrait avoir en vue. Or, en refusant de vous attaquer au problème de la dette, qui est central, vous niez le principal facteur à la source des discontinuités dont souffre le service de transport ferroviaire.
Quand ce que vous dites est faux, cela mérite d’être corrigé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) J’ai simplement le tort d’avoir les éléments précis sous la main. Vous dites qu’il y a eu une baisse de la contribution aux charges d’infrastructures allouées à RFF. C’est exact, mais dans la stricte mesure de l’augmentation des péages perçus par RFF. En conséquence, les moyens de RFF n’ont absolument pas été réduits.
Vous pourrez nous répéter vingt fois que le financement des infrastructures, notamment ferroviaires, a été sacrifié : c’est faux, c’est faux, c’est faux ! (« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous avez réussi à faire passer dans l’opinion publique l’idée selon laquelle il ne suffit pas d’améliorer la continuité du service public lorsqu’il y a grève – et vous n’avez pas tout à fait tort. Mais nous améliorons la situation en cas de grève – c’est l’objet de ce texte – comme nous avons amélioré, grâce aux budgets que nous avons votés, le financement des infrastructures ferroviaires. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous pouvez prétendre le contraire, les chiffres démentent vos affirmations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
C’est aujourd’hui que sont rendus publics les arbitrages budgétaires pour 2008. Il paraît qu’il n’y a plus de lettres de cadrage…
Je cite Les Échos d’aujourd’hui : « Le nombre de priorités budgétaires, au premier rang desquelles l’enseignement supérieur et la recherche, sera limité. D’autant que les gains attendus de la révision générale des politiques publiques ne pourront intervenir en majorité qu’après 2008, tandis que, côté recettes, le projet de loi “Travail, emploi et pouvoir d’achat”, budgété à quelque 11 milliards d’euros l’an prochain, a, lui aussi, asséché les marges de manœuvre. Il faut donc désormais que le reste des dépenses de fonctionnement, d’intervention et d’investissement adopte une évolution proche de zéro en valeur, c’est-à-dire qu’il soit presque stable en euros courants. » Voilà la réalité. Ce n’est ni la CGT ni les communistes, mais ce sont Les Échos qui le disent – dont je salue d’ailleurs les salariés, en lutte pour la préservation de leur journal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le soutenir.
Le droit de grève est une liberté fondamentale – il est bon de le rappeler à cette occasion – pour laquelle de nombreux salariés ont lutté. À ce titre, il est reconnu par la Constitution et protégé par une série de conventions de l’Organisation internationale du travail. Or, sous couvert de défendre le droit des usagers, vous avez en ligne de mire les salariés grévistes, les syndicalistes et le droit de grève, au prétexte fallacieux que l’exercice de ce droit – dont les salariés abuseraient – mettrait en péril le service public.
La réalité est foncièrement différente. Dans les transports, la conflictualité est en baisse : elle atteint une moyenne annuelle par salarié dérisoire. Les salariés n’abusent donc pas de ce droit. En revanche, force est de constater que le droit de grève est déjà menacé par diverses stratégies d’intimidation et de répression syndicale qui sévissent dans de nombreuses entreprises, publiques – hélas ! – et privées. La presse n’a pas manqué de rapporter plusieurs « incidents – et le mot est faible lorsqu’il s’agit de suicides –, des cas de harcèlement, de blocage de carrière, de licenciement, de mises à l’écart, qui frappent les salariés ayant la mauvaise idée de se syndiquer.
L’exercice du droit de grève et du droit syndical est un élément essentiel à la survivance de la démocratie sociale. Sans droit de grève, l’expression des salariés est menacée. Les grévistes se battent pour l’amélioration de leurs conditions de travail et pour la défense du service public, trop souvent victime de politiques libérales qui limitent les moyens nécessaires pour assurer sa qualité.
Pour que la France puisse satisfaire aux engagements auxquels elle a souscrit en signant les conventions 581, 583 et 587 de l'OIT, il nous semble donc nécessaire que le Parlement réalise un rapport sur le respect du droit syndical et les conditions d'exercice du droit de grève en France dans le secteur des transports terrestres de voyageurs, notamment au regard des dispositions prévues à l'article L. 521-1 du code du travail, relatives à l'interdiction de rupture du contrat de travail, de discriminations en matière de rémunération, notamment du salarié gréviste.
Puisque la majorité s’est déclarée, au cours de la discussion générale, « très attachée au droit de grève », je ne doute pas qu’elle votera cet amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
Actuellement, la négociation a lieu après la fixation des niveaux de rémunération de l’entreprise, y compris la négociation annuelle qui porte sur les salaires, le temps de travail et les conditions de travail. Si l’on veut nourrir le dialogue social et prévenir le conflit social, il pourrait être utile d’organiser une concertation entre les autorités organisatrices, les entreprises et les organisations syndicales représentatives des salariés avant toute conclusion ou révision d’un contrat de transport, afin que soient bien pris en compte les conditions de travail, le niveau d’emploi et les conditions sociales des salariés. Tel est l’objet de cet amendement.
Le rapport de la commission spéciale révèle combien la présence syndicale dans les entreprises et le rôle joué par les délégués syndicaux est un facteur d’apaisement. En effet, si, parmi les entreprises soumises à la négociation annuelle, 60 % satisfont à cette obligation et 56 % seulement concluent un accord, elles sont 75 % à participer à la négociation annuelle et 80 % à conclure un accord lorsqu’elles ont un délégué syndical. Cet amendement, qui va dans le sens souhaité par le ministre, ne peut qu’être adopté par notre assemblée.
Comme tout contrat, le contrat de transport est soumis au droit des obligations, notamment aux dispositions d’ordre public qui prévalent en matière de relations du travail.
S’il est important qu’une concertation ait lieu avec les autorités organisatrices, il me semble en revanche que la procédure tripartite que vous proposez complique inutilement les choses au détriment du contrat de transport et de ses usagers. La consultation des syndicats doit se faire selon d’autres modalités.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Plusieurs remarques s’imposent au sujet de ces dispositions. En ce qui concerne les délais, la procédure de prévention des conflits par la négociation prévoit deux périodes de préavis successives ayant en réalité le même objet. La première période concerne les motifs pour lesquels une organisation syndicale envisage de déposer un préavis. La seconde concerne le délai de préavis de cinq jours avant le déclenchement de la grève – un délai déjà prévu par l’article L.521-3 du code du travail.
Vous avez reconnu, lors des auditions de la commission spéciale, que l’obligation de négociation pendant la période de préavis n’était pas respectée. Dès lors, en quoi la procédure bureaucratique que vous introduisez améliorera-t-elle la qualité du dialogue social ? Avec cette procédure, les salariés devront attendre treize jours avant de se mettre en grève : huit au titre du « préavis d’intention de grève » et cinq au titre du préavis de grève, conformément à l’article L.521-3. Cette procédure constitue un obstacle caractérisé au droit de grève ! Loin de favoriser le dialogue social, l’allongement des délais risque de créer une ambiance délétère pendant de longues périodes, sans pour autant diminuer le nombre de conflits. L’objectif poursuivi est en fait de profiter du délai précédant la survenue du conflit pour dissuader les salariés de faire grève.
Il est évident que l’allongement de la durée du préavis ne favorisera pas l’engagement de négociations, puisque 55 % des entreprises s’affranchissent d’ores et déjà de la négociation annuelle obligatoire prévue par l’article L.132-27 du code du travail – preuve que les questions de salaires, de contrats de travail et de conditions de travail ne sont pas au cœur de leurs préoccupations, alors que ces questions sont souvent à l’origine de la mobilisation des salariés ! Pour mémoire, c’est l’employeur qui est tenu d’engager tous les ans cette négociation portant notamment sur les salaires effectifs, la durée effective du travail et l’organisation du temps de travail, ainsi que sur les objectifs en matière d’égalité professionnelle. Cette négociation annuelle est également l’occasion d’un examen de l’évolution de l’emploi dans l’entreprise, notamment du nombre de CDD, de missions de travail temporaire, de journées de travail effectuées par les intéressés, ainsi que des prévisions annuelles ou pluriannuelles d’emploi pour l’entreprise. Enfin, cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail.
Ces négociations qui devraient être la norme dans toutes les entreprises seraient particulièrement utiles au sein des entreprises de transport, quand on sait les conditions de travail qui y règnent. L’intérim y a progressé de 15 % en 2006 – après 9 % les deux années précédentes – et le temps partiel y atteint 33,6 %. Quant à la sous-traitance, elle enregistre en 2006 une croissance de 56 % dans les transports urbains et routiers de voyageurs et de 8,5 % à la SNCF.
Par ailleurs, l’obligation de conclure des accords de prévention des conflits avant le 1er janvier 2008 nous paraît franchement irréaliste compte tenu de la brièveté des délais. Les organisations syndicales auditionnées se sont même demandé si le Gouvernement et sa majorité avaient une quelconque idée de la réalité des négociations dans les branches et dans les entreprises !
Au vu de tous ces éléments, comment ne pas nourrir de sérieux doutes sur les prétendus effets bénéfiques de cette loi sur le dialogue social et sur la sincérité de l’objectif affiché ? Comment ne pas voir que les enjeux sont ailleurs et consistent avant tout dans la mise à mal du droit de grève ?
Au prétexte d’un renforcement du dialogue social, vous voulez aujourd’hui imposer une phase de négociation préalable au dépôt du préavis de grève, ce qui va avoir pour conséquence de faire passer le délai actuel de cinq jours à seize ou dix-sept jours. Or les entreprises concernées ne sont pas de celles qui ignorent le dialogue social : la négociation, formalisée par une série de rendez-vous annuels, y est au contraire la règle. Si l’entreprise et les organisations syndicales ne sont pas parvenues à trouver un accord, il est logique que la crispation très forte accompagnant le constat de cet échec aboutisse à un mouvement de grève, qui constitue un droit constitutionnel. Le Conseil constitutionnel sera amené à se demander si l’équilibre qu’il a lui-même institué dans notre droit positif n’est pas rompu par cet allongement inconsidéré des délais et si celui-ci ne porte pas atteinte à l’exercice du droit de grève, garanti par la Constitution. Nous considérons pour notre part qu’il y a là un profond déséquilibre et que deux principes constitutionnels d’égale valeur ne sont plus respectés de la même façon.
C’est là votre choix, un choix qui ne s’exprime d’ailleurs pas toujours avec la prudence dont sait faire preuve M. le ministre, mais parfois d’une manière un peu débridée, comme lorsque le porte-parole du Gouvernement a déclaré, hier, qu’il faudrait infliger des pénalités financières aux salariés grévistes, ce qui l’a contraint à un rectificatif dans l’après-midi ! Comme l’a fort bien dit un journaliste dans une tribune libre de Libération, ce texte n’a rien à voir avec la défense du service minimum, mais vise avant tout à dissuader les salariés d’exercer le droit de grève,…
Tous les délégués nous ont dit regretter de ne pas vous avoir rencontré, monsieur Mariton, car ils avaient des messages à vous transmettre et comptaient beaucoup sur l’influence – sans doute supérieure à la nôtre – que vous êtes supposé avoir sur la majorité.
En fait, vous agissez comme des pompiers pyromanes – ce que vous finirez évidemment par regretter. Au prétexte de vouloir préserver les droits des usagers, vous allez créer, en niant la représentation syndicale, un climat insupportable dans toutes les entreprises de transport. Au-delà du préjudice causé au droit de grève, ce texte va peser lourdement sur la qualité des rapports sociaux. L’article 2 est l’un des plus liberticides de votre projet dans la mesure où il va priver les usagers de la liberté de bénéficier d’un service public des transports de qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
En fait, la date du 1er janvier 2008 est une mise en demeure. Et cette date butoir bloquera la négociation au lieu de la favoriser. En outre, l’allongement du délai préalable au préavis ou les dispositions prévoyant que les salariés doivent se déterminer quarante-huit heures à l’avance visent finalement à rendre plus difficile l’exercice du droit de grève, et non pas à encourager le dialogue social et à éviter les conflits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
À notre sens, au lieu d’ajouter un préavis au préavis, il serait plus opportun de veiller à l’application de la législation existante, et notamment à la loi du 19 octobre 1982 aux termes de laquelle les parties sont tenues de négocier pendant la durée du préavis.
Monsieur le ministre, pourrez-vous nous confirmer que cette procédure restrictive au dépôt d’un préavis s’applique seulement si les motifs sont liés au fonctionnement de l’entreprise, et évidemment pas en cas de grève interprofessionnelle ? Vous en conviendrez, cela n’aurait d’ailleurs pas beaucoup de sens.
Enfin, et je le redis avec une certaine solennité, le délai du 1er janvier 2008 est impossible à tenir. Le maintenir, contre vents et marées, c’est donc exprimer sa volonté de procéder par décret.
S’agissant de l’article 2 et de l’accord-cadre organisant la prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social, votre projet a vocation, en l'état, à s'appliquer indistinctement dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille : de 165 000 salariés comme à la SNCF, ou 45 000 pour la RATP, à quelques dizaines, voire quelques unités, pour les entreprises artisanales, qui interviennent en particulier pour le transport scolaire dans chacun de nos territoires ruraux.
De ce fait, votre texte, qui affiche l'ambition de développer le dialogue social, ne manquera pas, en l'absence d'une présence syndicale dans bon nombre de ces entreprises, de déboucher sur des situations de fortes inégalités, préjudiciables aux salariés concernés mais également à la qualité globale des accords conclus, au détriment des usagers et des autorités organisatrices.
Sans parler, mais nous y reviendrons lors de l'examen de l'article 5, des petites entreprises qui, faute d'être en mesure de mettre en place l’accord-cadre en question ou l'accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic ou de grève, pourraient, comme l'a justement souligné l'Union professionnelle artisanale, se voir pénalisées dans leur accès aux marchés publics, et ainsi menacées dans leur existence même, au profit des plus grands opérateurs.
Pour remédier à cette difficulté, et comme cela a déjà été fait à au moins deux reprises et sous des majorités différentes, en 1998 puis en 2005, il conviendrait de permettre que l'accord puisse, en l'absence de délégué syndical ou de délégué du personnel désigné comme délégué syndical, être conclu par un salarié expressément mandaté par une organisation syndicale représentative sur le plan national, ou départemental pour ce qui concerne les départements d'outre-mer.
De même, et comme cela a été fait dans l'accord conclu à la RATP en 1996, puis consolidé et complété en 2001 et en 2006, la loi devrait inciter à la fois à la conclusion d'un accord sur l'exercice du droit syndical dans l'entreprise, et à l'amélioration du dialogue social, parce que l'un et l'autre sont inséparables et participent, ensemble, à la prévention des conflits.
En effet, c'est la présence syndicale et l'organisation dans le temps de cette présence, comme représentant naturel des salariés et interlocuteur permanent de l'employeur, qui est seule de nature à assurer un dialogue social efficace, parce que construit dans le temps.
Enfin, il me semble important de s'assurer par la loi que l'accord d'entreprise qui sera conclu soit en cohérence avec l'accord de branche, ainsi qu'avec les accords interprofessionnels applicables et – c'est une évidence mais je sais qu'elle n'est pas partagée par tous ici – avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, dans le respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur qui structurait notre droit du travail, jusqu'à ce que vous portiez les premiers coups en 2004, avec la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social – déjà !
Parce que c'est ainsi, et ainsi seulement, que nous pourrons assurer au plus grand nombre de salariés du transport et d'usagers un progrès partagé, et qu'il appartient, là encore, au politique de donner les signaux forts attendus dans ce sens.
Parce que notre pays n'a que trop souffert de cette difficulté historique à faire reconnaître le fait syndical, hors de l'entreprise d'abord, en 1884, puis dans l'entreprise, en 1968, par la grève, et enfin en 1982, avec l'obligation de négocier, un droit qui reste encore à faire vivre si l’on en juge par les chiffres contenus dans le rapport de la commission spéciale.
Parce que notre pays n'a que trop peiné à lever ses blocages sociaux, affaibli depuis des années maintenant par l'absence de corps intermédiaires, indispensables à la conduite du changement pour le développement humain.
Voilà pourquoi, à défaut d'y rétablir les équilibres nécessaires pour permettre l'avènement d'une véritable démocratie sociale dans l'entreprise, vous devriez renoncer à votre projet. Il est inacceptable dans sa forme, parce que volontairement provocateur par plusieurs de ses aspects, et inopérant en l’état par rapport à l'objectif affiché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
S’agissant de la date butoir du 1er janvier 2008, tous ceux qui ont été auditionnés par la commission spéciale ont fait observer que ce délai serait intenable. Il n’y a donc plus de doute sur les véritables intentions du Gouvernement : puisque ce délai est intenable, il ne sera pas tenu et on pourra ainsi avoir recours au décret.
Monsieur le ministre, le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Et Alain Vidalies l’a brillamment démontré hier, cette réglementation par la loi ne se délègue pas au pouvoir réglementaire, au pouvoir exécutif. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est toujours allée dans ce sens. Nous sommes donc au cœur de l’inconstitutionnalité du dispositif. Vous savez que vous allez déléguer à un décret l’organisation et la limitation du droit de grève, et vous vous gardez de nous expliquer comment vous allez procéder. Vous faites en sorte que ce soit l’exécutif qui dégrade l’exercice du droit de grève. Le Conseil constitutionnel tranchera. Nous avons pris date. Pour l’heure, nous attendons des éclaircissements pour poursuivre nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Aujourd’hui, il pourrait y avoir un véritable dialogue social. La loi prévoit en effet expressément que le préavis de cinq jours doit être mis à profit pour engager des négociations entre les salariés, leurs organisations syndicales et le patronat. Mais ce délai n’est pratiquement jamais utilisé pour engager la véritable négociation.
Dans ces conditions, vous parlez de mettre en place une période pendant laquelle les organisations syndicales et les salariés devront expliquer pourquoi ils envisagent de faire grève. Mais le dialogue existe déjà dans les entreprises, et n’importe quel patron un peu vigilant détecte un début de malaise social qui nécessite une discussion – même informelle –, à supposer qu’il le désire.
Je suis conscient que les grèves gênent les usagers, mais soyez bien persuadés que les salariés ne se mettent jamais en grève de gaieté de cœur. Car ce sont eux les premiers touchés. Contrairement à ce que vous affirmez, les journées de grève ne sont pas payées, et ne pas toucher la paye représente, pour des familles dont les ressources sont souvent faibles, une vraie difficulté, voire un péril pour leur équilibre.
Voilà qui devrait vous interpeller, messieurs qui avez toujours à la bouche la charité et la compassion ! Sachez qu’on ne se bat jamais ni pour la charité ni pour la compassion, mais pour la justice. Quand les ouvriers et les salariés se mettent en grève, c’est parce qu’ils réclament plus de justice dans leurs conditions de travail ou leur salaire.
Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, de retirer ce délai supplémentaire qui portera le préavis, non plus à cinq jours, mais à seize – soit huit plus cinq plus trois. C’est beaucoup trop long car, quand la volonté de négocier est véritablement là, cinq jours suffisent pour résoudre un conflit.
J’ai vécu plusieurs grèves à Clermont-Ferrand, dans le quartier de Montferrand, en particulier, où se trouvent les usines Michelin, Je me souviens notamment des grandes grèves de 1949, qui durèrent des mois, car le patron ne voulait pas entendre raison. J’étais en primaire à l’époque, et l’on devait apporter un sou à l’école pour que la soupe populaire puisse être servie sur la place voisine.
Lorsqu’on a vécu cela, mes chers collègues, on ne peut pas insulter les salariés en disant qu’ils font grève juste parce qu’ils en ont envie. Non : ils font grève parce que c’est l’ultime arme dont ils disposent pour faire valoir leurs revendications ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ils ne comprennent pas, tout d’abord, pourquoi, alors qu’il y a des dysfonctionnements dans les transports et que – ce qu’ils reconnaissent eux-mêmes – le contrat avec les usagers n’est pas rempli du fait de ces dysfonctionnements, le Gouvernement et sa majorité n’ont pas proposé une loi sur l’essentiel, à savoir les conditions de transport des usagers.
Ils savent pertinemment par ailleurs que cette loi qui concerne les transports terrestres est une première loi, qu’il y en aura d’autres et que, petit à petit, elles grignoteront le droit de grève, même si, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous nous assurez que cette loi ne mettra en aucun cas le droit de grève en danger.
Les syndicats mettent l’accent sur le dialogue social. Or s’il est bien un domaine dans lequel le dialogue social a connu de vraies avancée ces dix dernières années, c’est bien celui des transports, et des transports terrestres en particulier. À écouter les représentants syndicaux et à lire le projet de loi, on a pourtant l’impression que nous sommes en retard, et que cette loi, voulue aujourd’hui par le Gouvernement et sa majorité, sans doute aussi par le Président de la République, arrive dix ou quinze ans trop tard et passe à côté des véritables problèmes.
Je tiens à rapporter également l’inquiétude de la délégation de voir surgir des grèves sauvages et spontanées, alors que le rôle des organisations syndicales est précisément de rassembler et de mobiliser les salariés dans le but d’améliorer le transport des usagers et de remplir le contrat qu’ils ont avec les voyageurs.
Mesdames, messieurs les députés, croyez-le, les syndicats ne sont pas dupes, ils savent très bien ce que cette loi annonce. Vous devez entendre leurs inquiétudes si vous voulez faire face aux responsabilités qui seront les vôtres dans les prochains mois et les prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 55.
Tout autant que vous et même plus, nous sommes attachés au dialogue social, à un dialogue permanent, effectif, constructif, bref à un dialogue de qualité, qui s’instaure à tous les stades : à froid, bien évidemment, parce que c’est le plus sûr moyen de garantir la paix sociale ; mais à chaud également, afin de sortir au plus vite et dans les meilleures conditions possibles de situations conflictuelles.
Là où nous divergeons, c’est sur les voies et les moyens de mettre en œuvre ce dialogue. Et le moins que l’on puisse vous reprocher, c’est de ne pas avoir cherché à créer les conditions d’un dialogue apaisé entre les salariés, leurs organisations syndicales et les employeurs du secteur des transports en particulier. De l’avis de nombreuses personnalités auditionnées, ce projet de loi est d’abord perçu comme facteur de conflit supplémentaire et comme une incitation à négocier de mauvaise foi.
Vous imposez autoritairement une négociation préalable entre certains partenaires sociaux, avant le dépôt de tout préavis de grève. Certes, vous renvoyez aux accords-cadres – d’entreprise de préférence, et accessoirement de branche – le soin de définir les modalités de cette nouvelle phase. Mais la date butoir fixée pour satisfaire à cette obligation de résultat est tellement irréaliste que vous vous réservez le droit d’intervenir par décret pour fixer l’ensemble des règles de déroulement de la négociation préalable.
Sans tenir compte de la spécificité de certaines entreprises – je pense en particulier au transport scolaire –, vous généralisez à toutes, quelles que soient leur taille et leur culture, certaines pratiques d’alarme sociale et la mise en œuvre d’un service minimum.
Au-delà des problèmes techniques qui ne manqueront pas de résulter de ces choix, permettez-moi d’insister sur deux points rendant « le préavis préalable au préavis » particulièrement discutable.
Les délais ajoutés au délai existant n’offrent aucune garantie supplémentaire aux salariés – ni à l’employeur d’ailleurs –, quant à la loyauté et à l’efficacité de cette négociation. Tout simplement parce que vous n’avez pas eu à cœur d’être exigeants sur le contenu et la qualité de cette obligation de négocier. Sinon, vous vous seriez intéressés de plus près aux dispositions en vigueur dans le code, principalement à celles prévoyant que « les parties sont tenues de négocier » durant le préavis de droit commun qui est de 5 jours.
Rien n’est prévu, par exemple, pour éviter l’enlisement des conflits, attribuable bien souvent à la partie patronale, qui attend de jauger les forces en présence avant de se décider à proposer des discussions. Lorsque, après deux jours de négociations, les désaccords sont manifestement tels qu’il n’est pas utile d’aller jusqu’à l’échéance de la période de négociation, pourquoi attendre pour permettre le dépôt d’un préavis, si ce n’est avec l’objectif de gagner du temps, et de dissuader de faire grève un maximum de salariés ?
Enfin, comment ne pas voir qu’en imposant une phase dite de négociation préalable on soumet la légalité du droit de grève à une condition supplémentaire, ce qui revient à restreindre ses conditions d’exercice et à changer l’objet du préavis, lequel sera désormais consacré à mettre en place des mesures de nature à neutraliser les effets de la menace de grève, si elle se concrétise, plutôt qu’à négocier réellement pour l’éviter ?
Laissez-moi pourtant vous lire trois dépêches récentes de l’AFP. L’histoire commence le 5 juillet 2007 : « Depuis le lundi 2 juillet, la Deutsche Bahn, la société allemande de chemins de fer, est touchée par un important mouvement social offrant en pleine période estivale des images d’usagers en colère, de quais de gare bondés et d’embouteillages sur les routes. » L’histoire se poursuit le 11 juillet : « Le trafic ferroviaire est quasiment paralysé en Allemagne à la suite du mot d’ordre de grève solitaire de son syndicat, celui des conducteurs de trains, qui a un désaccord avec l’entreprise et réclame une hausse de salaire de 31 %. » Le 25 juillet, alors que nous nous apprêtons à entamer nos débats et que la presse relaie à l’intention de l’opinion publique l’idée que nous sommes dans un pays terrible mais qu’ailleurs tout va bien grâce à des systèmes remarquables, l’AFP livre une dernière dépêche : « Les vacanciers allemands risquent de rester sur le quai au moment des grandes migrations estivales. Le syndicat menace d’une grève début août, après un nouvel échec des négociations. » Voilà la réalité !
Au moment donc où vous voulez nous démontrer qu’ailleurs c’est forcément mieux et qu’il n’y a ici que d’affreux syndicats, les Allemands sont en grève, ce qui est tout à fait normal en cas de conflit sans solution. Vous pouvez, en effet, inventer tous les systèmes que vous voudrez, rien n’y changera. Le système allemand, dont vous nous avez rebattu les oreilles en nous disant qu’il était la solution, aboutit à un très gros conflit : les trains ne partent pas et les voyageurs restent à quai. Est-il besoin d’une autre preuve que ce n’est pas la peine d’aller copier ailleurs des choses qui ne fonctionnent pas ?
La condition d’un dialogue social réussi, ce n’est pas un encadrement politique, c’est la confiance accordée aux partenaires sociaux.
J’aurais compris que le législateur agisse dans une période marquée par l’évolution exponentielle de la conflictualité et l’absence de dialogue social.
L’article 2 a pour objet – sans doute ne l’avons-nous pas lu de la même manière – d’établir des procédures de négociation en vue d’organiser la prévention des conflits. Ces négociations doivent être engagées à la fois au niveau de l’entreprise et de la branche.
En s’efforçant de renforcer le dialogue social, le projet de loi tend notamment à généraliser les expériences positives qui ont été mises en œuvre soit à la Régie autonome des transports parisiens, soit à la Société nationale des chemins de fer français.
La loi se fait le moteur de la négociation collective, comme elle l’a déjà fait dans un certain nombre de cas. En l’espèce, l’intervention de la loi est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’organiser la phase préalable à la grève et au préavis de grève tel qu’il est défini à l’article L.521-3 du code du travail.
Il n’est donc pas juste de prétendre que l’article 2 est contraire aux règles de la libre négociation. Au contraire, il encourage la négociation et se fonde sur elle. À cet égard, je rappelle que le décret en Conseil d’État n’empêchera pas la conclusion, même postérieure, d’accords collectifs ; il sera précisé, à la demande du groupe socialiste qui m’a interrogé, que le décret n’intervient que « le cas échéant » : c’est l’objet de mon amendement n° 21.
Depuis tout à l’heure, je vous écoute sagement – comme à mon habitude quand l’opposition s’exprime (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) – et vos propos laissent à penser que vous seuls savez ce qu’est la grève, que vous seuls connaissez les difficultés. Mais, messieurs de la gauche, je tiens à vous dire que, de notre côté, nous ne sommes pas tous des nantis dans cette enceinte ! Nous avons aussi des parents qui ont eu des problèmes, un père, une mère qui ont été au chômage ; nous nous sommes nous aussi heurtés à des obstacles pour trouver du travail, nous connaissons le problème ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous affirmez que nous sommes contre les syndicats, mais qui vous l’a dit ? Au contraire, et vous le savez, nous sommes prêts à travailler avec eux : nous l’avons fait, et c’est ce qu’on appelle la concertation. Alors arrêtez de nous donner des leçons, messieurs, nous savons ce que signifie avoir des difficultés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
En revanche, j’ai bien peur de ne pas avoir très bien compris l’argumentation d’Alain Vidalies qui a cité l’Allemagne en exemple. (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Mais si j’ai mal compris, je veux bien l’admettre.
En Allemagne, le personnel ayant le statut de fonctionnaire ne dispose pas du droit de grève. Est-ce ce que vous prônez ? Nous, non. C’est vrai qu’existe la juxtaposition d’un statut de contractuel et d’un statut de fonctionnaire et qu’il n’y a qu’au moment des conventions collectives que le droit de grève existe. Je ne sais pas si c’est votre façon de prôner le dialogue social, en tout cas, ce n’est pas la nôtre, monsieur le député ! En tout état de cause, si l’on veut encourager le dialogue social, c’est l’article 2 qu’il faut adopter et voilà pourquoi le Gouvernement repousse ces deux amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je suis surpris que nos collègues de l’opposition parlent d’usine à gaz ou de dispositifs antisyndicaux alors que la simple lecture l’article 2 laisse apparaître un dispositif très simple : d’abord, des accords-cadres, ensuite, une obligation de négociation préalable en cas de menace de grève et, enfin, en cas de blocage dans la négociation de ces accords, la fixation par décret des règles d’organisation et de déroulement de la négociation. Je ne vois pas où est l’usine à gaz. Au demeurant, qu’avez-vous contre les usines à gaz ? Elles sont fort sympathiques ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C’est la preuve que le débat sur l’article 2, qui dure depuis maintenant trois quarts d’heure, est factice, l’opposition n’ayant rien d’autre à faire que de s’opposer à un système raisonnable, réaliste et qui fera avancer la vie collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Vous nous avez raconté que cela se passait mieux ailleurs. Pour ma part, j’ai voulu rappeler que, selon certaines dépêches, un autre pays avec un autre système en est arrivé à un blocage total, avec des trains qui ne circulent pas. C’est tout ce que j’ai voulu dire, et il me paraissait utile de le préciser dans notre débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si les phrases sur le dialogue social peuvent être chatoyantes, encore faut-il les lire jusqu’au bout et peser les mots ! Vous êtes exactement dans la même logique – notamment dans l’alinéa 2 de l’article – que celle introduite par la loi Fillon de 2004, car vous avez bouleversé la hiérarchie des normes. À partir de là, ce que vous appelez un accord-cadre, qui est un accord d’entreprise, peut être dérogatoire aux accords de branche, même s’il est moins favorable. Vous et moi utilisons probablement les mêmes mots, mais pas dans le même ordre ; nous ne pensons donc pas la même chose et le résultat n’est pas le même.
Tant que nous ne changerons pas ce qu’a mis en place la loi Fillon de 2004 sur cette hiérarchie des normes, tant que nous ne reviendrons pas aux dispositions antérieures qui formaient un socle dans le code du travail – à savoir que les accords plus favorables s’appliquaient à la place des accords moins favorables –, cet article ne sera que du bavardage : le mot « négociation » aura beau être utilisé plusieurs fois dans la même phrase, de négociation il n’y en aura pas ! Car même si un accord de branche adopté par les partenaires sociaux est plus favorable que des accords-cadres, ce sont les accords-cadres qui s’appliqueront, et cela vous avez omis de le dire.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Suite de la discussion du projet de loi, n° 101, adopté par le Sénat, après déclaration d’urgence, sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs :
Rapport, n° 107, de M. Jacques Kossowski, au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton