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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Séance du jeudi 29 novembre 2007 

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

1. Pouvoir d'achat des ménages (nos 403, 435)

M. Jean Launay, rapporteur de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances.

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme.

Discussion générale

MM. Jean-Marc Ayrault,

Yves Cochet,

Marc Vampa,

Frédéric Lefebvre.

Rappel au règlement

MM. Jean-Marc Ayrault, le président.

Reprise de la discussion générale

MM.  Pierre-Alain Muet,

Jérôme Cahuzac.

Clôture de la discussion générale.

M. le secrétaire d’État.

Vote sur le passage à la discussion des articles

MM. Jean-François Copé, François Hollande.

L’Assemblée, consultée par scrutin, décide de ne pas passer à la discussion des articles.

La proposition de loi n’est pas adoptée.

2. Ordre du jour des prochaines séances

Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Pouvoir d’achat des ménages

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à soutenir le pouvoir d’achat des ménages…

M. Patrick Roy. Ils en ont bien besoin !

M. Jean-Marc Lefranc. Tiens, l’aboyeur est arrivé !

M. le président. …face à la hausse des prix des produits pétroliers et à développer les modes de transport alternatifs (nos 403, 435).

La parole est à M. le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Jean Launay, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme, mes chers collègues, la présente proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter devant vous, constitue le volet énergétique d’un ensemble de mesures que notre groupe et le parti socialiste ont élaborées ensemble pour répondre aux légitimes inquiétudes de nos concitoyens concernant leur pouvoir d’achat.

M. Patrick Roy. Eh oui, ils sont inquiets !

M. Jean Launay, rapporteur. C’est donc nous qui mettons cette question à l’ordre du jour du Parlement ce matin.

Mme Élisabeth Guigou. Exactement !

M. Jean Launay, rapporteur. Le pouvoir d’achat est aujourd’hui au premier rang des préoccupations de nos concitoyens, qu’ils soient salariés, fonctionnaires, travailleurs privés d’emploi, travailleurs précaires, ménages dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté, retraités, futurs retraités.

Pour tous ceux-là, la décision prise par le Gouvernement en juillet 2007 de refuser tout coup de pouce au SMIC au-delà de la revalorisation prévue par la loi, au motif que les heures supplémentaires seraient facteur d’accroissement des faibles revenus, a eu valeur d’avertissement. Ce refus a sonné le glas des espoirs de revalorisation du pouvoir d’achat : il n’y aurait pas de relance pour les revenus.

Loi TEPA, heures supplémentaires, me répondrez-vous, monsieur le secrétaire d’État. Mais un tiers seulement des salariés en effectuent, soit environ 8 millions de personnes. À supposer que les entreprises surmontent les énormes difficultés d’application de la loi, l’impact des heures supplémentaires sur les revenus et sur la croissance sera d’autant plus limité que des effets d’aubaine pourraient se produire.

Quant au bouclier fiscal, la réforme de l’ISF, celle des successions et des donations, permettez-moi de douter de leurs effets sur la croissance.

Les 15 milliards de paquet fiscal, en incluant le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt et l’expérimentation du revenu de solidarité active,…

M. Patrick Roy. 15 milliards de cadeaux !

M. Jean Launay, rapporteur. …ne sont pas à la mesure de ce qu’attendent les Français pour enrayer l’affaiblissement de leur pouvoir d’achat.

M. Jean-Marc Lefranc. Et les 35 heures !

M. Jean Launay, rapporteur. D’une manière générale, nous doutons de la capacité du Gouvernement et de sa majorité à relancer la croissance.

Il y a quelques jours, Mme Lagarde s’est félicitée que certains indicateurs macroéconomiques soient passés au vert. Les dépenses de consommation ont en effet augmenté en volume de 0,8 % au troisième trimestre, contre 0,6 % au trimestre précédent, augmentation modeste que les données d’octobre relatives aux dépenses de consommation de produits manufacturés ont malheureusement relativisé, puisque celles-ci ont baissé de 1,1 %.

Et si nous pouvons nous réjouir de la hausse de 1,7 % des exportations au troisième trimestre, contre 0,7 % pour le trimestre précédent, nous craignons qu’elle ne puisse se poursuivre en raison d’un ralentissement de la croissance mondiale.

En effet, même si les économies développées ont divisé par deux la quantité d’énergie nécessaire pour produire un point de produit intérieur brut, la hausse des prix du pétrole continue de représenter un prélèvement massif sur la richesse nationale des pays non producteurs – 46 milliards d’euros en 2006 pour la France, soit 2,6 % de notre PIB et l’équivalent de quarante-trois jours d’exportations.

Qui peut prétendre ici que le triplement du prix du baril de pétrole entre janvier 2004 et aujourd’hui n’aura aucune conséquence sur les partenaires économiques de la France, alors que les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979 se sont traduits par des récessions mondiales ?

Quant à la crise immobilière aux États-Unis et la crise financière qui lui est liée, même si l’on n’en connaît pas l’ampleur ni tous les effets, elle pourrait peser non seulement sur nos exportations, mais aussi sur l’investissement des entreprises confrontées à des prévisions de croissance décevantes.

Bref, l’embellie de l’activité économique, soulignée par le Gouvernement pour le troisième trimestre, ne semble pas devoir se poursuivre au quatrième trimestre, si l’on en croit l’INSEE.

Quant à la capacité de la politique actuelle à relancer la croissance en 2008, nous avons toutes raisons, je le répète, d’en douter.

Le Président de la République a déclaré que sa politique déclencherait un choc de confiance. Mais où est la confiance envers la capacité du Gouvernement à protéger le pouvoir d’achat ? Où est le choc de confiance ?

En réalité, même le Président de la République de notre pays délivre un discours anxiogène sur le pouvoir d’achat, comme il l’a fait la semaine dernière devant l’association des maires de France.

M. Patrick Roy. Le président est cigale !

M. Jean Launay, rapporteur. Il se voit contraint d’improviser des mesures dans l’urgence. Avec vous, sans vous, contre vous ? Nous le saurons ce soir.

Les enseignements que nous pouvons tirer du passé nous conduisent à douter de l’efficacité des mesures actuellement à l’étude. La prime à la casse des voitures particulières anciennes, dite « balladurette », qui semble de nouveau inspirer les réflexions du Gouvernement, n’a eu qu’un effet très limité dans le temps, moins d’un semestre. Le déblocage de l’épargne salariale pratiquée en 2004 a, lui aussi, été un feu de paille, en stimulant la croissance sur un trimestre, avant que celle-ci ne devienne négative le trimestre suivant. Voilà le graphique de la croissance en 2004-2005 : c’est aussi le bilan de M. Sarkozy, à l’époque ministre du budget.

Ces exemples passés, les orientations du début de l’été et la soudaine prise en compte des inquiétudes réelles de nos concitoyens ne nous laissent pas de nous interroger sur la compréhension réelle des questions sociales par le Gouvernement.

Les derniers déplacements du chef de l’État aux États-Unis et en Chine…

M. Patrick Roy. La cigale voyage beaucoup !

M. Jean Launay, rapporteur. …nous ont beaucoup appris sur les références de nombre d’experts et de responsables politiques – et c’est plus grave – en termes d’organisation économique et sociale.

Ainsi, nous ne partageons pas la béatitude de responsables politiques vis-à-vis de la fluidité du marché du travail américain. Bien au contraire, la précarité de l’emploi, l’importance des postes de faible qualification dans l’économie américaine, les compressions de rémunération font que nombre d’Américains vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Depuis dix ans, 95 % des ménages américains voient leurs revenus stagner. Seuls les 5 % les plus aisés ont vu leurs revenus augmenter et ceci à un rythme très rapide. Le récent film de Michael Moore nous le rappelle : 47 millions d’Américains n’ont aucune protection sociale.

Permettez-moi également de me référer à une déclaration de M. Guillaume Sarkozy, « Monsieur Frère »…

Mme Catherine Coutelle. C’est vraiment la monarchie !

M. Jean Launay, rapporteur. …annonçant des bouleversements en matière de santé. Venant de la part du directeur général d’un groupe d’assurance santé et de retraite, une telle déclaration doit être mise en regard de l’annonce des franchises médicales – autre très mauvais signal… Surprenante, cette admiration familiale d’un modèle que nous rejetons à bien des égards !

Autre enseignement, tiré cette fois du voyage du Président de la République en Chine – très beau voyage, nous a dit hier Mme Lagarde : nous nous réjouissons des 20 milliards de commandes à l’industrie française finalisés à cette occasion et du travail que ces commandes apporteront à l’industrie française et aux activités de service complémentaires ; mais n’oublions pas que la réalisation de ces commandes s’étalera sur les six ou sept ans à venir. Rappelons aussi que, dans le contexte d’une économie mondialisée, la Chine exerce de fait une pression à la baisse sur les salaires.

Si nous avons approuvé le plaidoyer du Président pour une Chine pleinement insérée dans le commerce mondial, ce qui doit entraîner une réévaluation progressive mais sans délai du yuan et la mise en œuvre d’une politique responsable de protection de l’environnement et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous nous interrogeons, car la Chine, pour entrer dans l’Organisation mondiale du commerce, a pris des engagements vis-à-vis du Bureau international du travail.

Et personne ne doit ignorer l’importance du dumping social dans l’empire du Milieu. Or aucun de nos responsables politiques, aucun commentateur ne l’a évoqué. Nous considérons que c’est une faute politique.

Venons-en maintenant à la question énergétique.

La hausse des prix des hydrocarbures que nous enregistrons actuellement est considérable. Le prix moyen du baril de brent et passé de 53,6 dollars en janvier à 96 dollars en novembre. Le prix du super 95 sans plomb, qui était de 1,16 euro par litre en janvier 2007, a atteint 1,28 euro par litre en octobre, soit une augmentation de plus de 10 %.

On sait que les transports ont été responsables de 38,4 % des émissions de CO2 en 2005, cependant que leur prix fonctionne comme un signal pour les consommateurs, susceptible d’induire un rôle essentiel dans leur changement de comportement. Le présent texte propose donc une approche globale du grave problème posé par l’augmentation des prix du pétrole, en y intégrant la dimension environnementale. L’idée directrice est d’accélérer le reflux de la consommation de produits pétroliers et le passage à une économie sans pétrole, tout en laissant le temps aux consommateurs de s’adapter à la perspective inéluctable d’un pétrole de plus en plus cher.

Avant de détailler les mesures de notre proposition de loi, je souhaiterais revenir sur le contexte général : la diminution du pouvoir d’achat et la fragilisation de la situation d’une grande partie de nos concitoyens.

Mes chers collègues, le pouvoir d’achat est attaqué de toutes parts ; le rapport n° 435 donne tous les éléments statistiques.

Le revenu disponible brut et la consommation des ménages sont en berne par rapport aux années 1998-2001. Les hausses de prix sont beaucoup plus dommageables pour le pouvoir d’achat que ne le mesurent les indices synthétiques. L’évolution du salaire minimum est insuffisante et le taux de pauvreté en hausse dans notre pays. Les ménages sont contraints d’accroître leur endettement, et ce dans un contexte de renchérissement du crédit.

Selon le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2008, la croissance du revenu disponible brut des ménages, en pouvoir d’achat, devrait ralentir en 2008, avec un taux de 2,5 %, contre 2,8 % en 2007. Encore cette prévision du Gouvernement repose-t-elle sur une hypothèse de croissance du PIB comprise entre 2 % et 2,5 %, autrement plus optimiste que celle de l’INSEE.

Les signaux perçus par nos concitoyens vont tous dans le même sens : celui d’un affaiblissement de leur pouvoir d’achat, et les statistiques les plus récentes confirment malheureusement leur perception.

La croissance du revenu disponible brut et de la consommation est en berne par rapport aux années 1998-2001. Sur les six années 1997-2002, le taux de croissance du revenu disponible brut des ménages en pouvoir d’achat s’est élevé à 3,1 % en moyenne. Sur les quatre années suivantes, de 2003 à 2006, un décrochage important s’est produit, le même indicateur n’atteignant plus que 1,8 % en moyenne sur la période. Une évolution semblable s’observe pour la consommation des ménages qui elle aussi connaît depuis 2002 une phase de croissance inférieure à celle de la période 1998-2001.

La structure de la consommation a subi par ailleurs des modifications sensibles. Certains postes correspondant à des dépenses incompressibles ont subi des hausses de prix importantes. Ainsi, le poste logement, chauffage, éclairage, qui ne représentait en 1996 que 23,5 % du total des dépenses de consommation, est passé à 25,2 % du total en 2006. Les prix des transports ont augmenté de 3,5 % en 2004 par rapport à l’année précédente, de 4,3 % en 2005 et de 2,9 % en 2006. En phase de hausse de prix, les dépenses de transport ne sont maîtrisées en valeur que par un effort sur les quantités. Autrement dit, les ménages sont contraints de renoncer à certains déplacements, que ce soit dans le cadre de leur profession ou de leurs loisirs. Enfin, certains postes comme les services de télécommunications deviennent incompressibles et les baisses des prix observées ne sont pas assez rapides pour compenser les hausses en volume.

En réalité, la hausse du prix de certains produits dont la consommation est incompressible n’est que partiellement reflétée par les indices synthétiques. L’indice des prix à la consommation de l’INSEE, calculé pour l’ensemble des ménages et pour la France entière, n’a augmenté que de 2 % entre octobre 2006 et octobre 2007. Mais la hausse est de 2,5 % pour les services et, pour l’énergie, de plus de 5,2 %. Par ailleurs, les loyers, selon l’indice de référence de l’INSEE, ont enregistré au deuxième trimestre 2007, une hausse de 2,76 % par rapport au deuxième trimestre 2006. Au premier trimestre 2007, leur hausse a atteint 2,92 % en rythme annuel et 3,23 % au dernier trimestre 2007. Fait significatif, l’inflation sous-jacente, qui exclut les tarifs publics et les produits dont les prix sont volatils, est en hausse sensible, atteignant 1,6 % en octobre 2007, contre 1,2 % en octobre 2006.

C’est dans ce contexte que le salaire minimum augmente insuffisamment et qu’en conséquence, le taux de pauvreté augmente dans notre pays.

Le ralentissement de la croissance économique et les difficultés d’application du nouveau régime des heures supplémentaires soulignent l’erreur, votre erreur d’analyse. L’évolution des faibles rémunérations montre l’ampleur de l’injustice faite aux salariés modestes, alors qu’au même moment des avantages fiscaux considérables étaient accordés aux catégories de population les plus favorisées.

M. Patrick Roy. Des cadeaux insoutenables !

M. Jean Launay. Le récent rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, intitulé « La France en transition, 1993-2005 », montre tout à la fois l’affaiblissement relatif du niveau du SMIC par rapport aux salaires minimums dans les autres États membres de l’Union européenne, l’augmentation, en France, du nombre de salariés au SMIC et l’approfondissement des inégalités salariales.

Comparé à son niveau en France, le salaire minimum est désormais supérieur en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg et, après de fortes revalorisations opérées récemment, au Royaume-Uni et en Irlande.

M. Jérôme Cahuzac. Absolument !

M. Jean Launay. Par ailleurs, la France figure parmi le petit nombre de pays de l’Union européenne où la proportion de salariés payés au salaire minimum est élevée, et en augmentation.

Après avoir sensiblement diminué de 1997 à 2002, la pauvreté s’accroît de nouveau depuis 2004.

Mme Élisabeth Guigou. Il est très important de le dire !

M. Jean Launay. Le rappel des dates devrait en effet vous interpeller.

Le recours au crédit sous toutes ses formes s’est amplifié dans les années récentes. La proportion de ménages estimant leur charge d’endettement trop ou beaucoup trop élevée est passée de 12,9 % en 2001 à 14,1 % en 2005. La plupart des baromètres présentés par les sites Internet de comparaison des taux et des offres de crédit font état d’une tendance à la hausse des taux. Ainsi, pour les offres de prêts personnels, les taux effectifs globaux qui comprennent les frais annexes, dont les frais de dossier et les assurances, s’étagent entre 3,5 % et 8,5 %, et sont à la hausse. Il en est de même pour les taux des crédits renouvelables, qui s’échelonnent pour le moment entre 3,9 % et 20,15 % ! Ainsi, c’est au moment où le recours au crédit devient plus nécessaire qu’il devient plus cher, en raison de la situation du système bancaire international.

Dans ces conditions, le soutien au pouvoir d’achat des ménages est un impératif d’équité qui aura également un effet bénéfique sur la croissance économique. C’est la raison d’être de notre proposition de loi n° 403, qui envisage cinq axes pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages face à la hausse des prix pétroliers et pour développer les modes de transport alternatifs.

Il s’agit, premièrement, de redistribuer la rente des compagnies pétrolières pour financer le redéploiement des transports.

La proposition de loi tend à prévoir une nouvelle fois, dès 2008, une taxation supplémentaire de la rente pétrolière, qui s’est encore accrue avec la flambée des prix du pétrole intervenue depuis 2004. La taxation des profits d’aubaine des compagnies pétrolières s’impose à la fois pour permettre leur redistribution à l’ensemble des ménages et pour financer une politique de réduction de la dépendance pétrolière.

Cette taxation est proposée depuis plusieurs années par les groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du Sénat. La flambée actuelle des prix du pétrole la rend encore plus nécessaire. Déjà, le 13 juin 2006, une proposition de loi n° 3142 visant au soutien du pouvoir d’achat des ménages face à la hausse des prix des produits pétroliers avait été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale par M. Didier Migaud et les membres du groupe socialiste.

Notre proposition de loi introduit, à compter du 1er janvier 2008, une surtaxe des résultats des sociétés de première transformation du pétrole et de distribution des carburants issus de cette première transformation, lorsque leur bénéfice imposable enregistre une augmentation supérieure de 20 % au bénéfice de l’année précédente. Il s’agit, en tout état de cause, d’une surtaxe incitant les entreprises concernées à modérer la progression de leurs marges, sans obérer leurs capacités d’investissement. Cette surtaxe contribuera aux mesures favorisant le redéploiement des modes de transport vers les transports collectifs.

Deuxièmement, nous préconisons la mise en place d’un nouveau chèque transport pour le pouvoir d’achat et l’environnement.

Vous avez créé, avec la loi du 30 décembre 2006 pour le développement et la participation de l’actionnariat salarié, un chèque transport qui ne marche pas. Le Premier ministre lui-même en a admis le caractère inopérant. L’échec vient de ce que le dispositif était facultatif.

M. Jérôme Cahuzac. Très juste !

M. Jean Launay. Dès lors, les difficultés techniques n’ont pu être surmontées et aucune dynamique ne s’est créée.

C’est pourquoi notre proposition de loi prévoit d’engager une négociation nationale et interprofessionnelle avant le 1er janvier 2008, entre les organisations syndicales représentatives de salariés et d’employeurs,...

M. Patrick Roy. Le Gouvernement ne sait pas négocier !

M. Jean Launay. ...pour mettre en place un chèque transport qui serait, cette fois, obligatoire et bénéficierait à l’ensemble des salariés.

Mme Élisabeth Guigou. Très bien !

M. Jean Launay. La négociation débouchera sur une amélioration décisive du système actuel du fait du caractère obligatoire de ce chèque transport. Le bénéfice de cette mesure ira aux transports collectifs de voyageurs et aux modes alternatifs à la voiture particulière – ramassage par les entreprises ou les groupes d’entreprises, ramassage scolaire et covoiturage. La négociation préalable permettra une sensibilisation de la collectivité à la nécessaire modification des comportements.

Troisièmement, il faut favoriser la réduction des émissions de dioxyde de carbone des transports aériens et financer le redéploiement des transports.

La contribution des transports aériens à l’effet de serre et au changement climatique est estimée à 4 % du total des émissions. Dans la perspective de la lutte contre le réchauffement climatique, la question de la réduction des émissions des aéronefs est donc posée. Les carburéacteurs utilisés à bord des avions sont exemptés de taxe intérieure de consommation de produits pétroliers. Cette exonération a représenté une dépense fiscale de 1 395 millions d’euros en 2006, évaluée pour 2007 à 1 430 millions d’euros.

L’article 24 de la convention de Chicago interdit la taxation du carburéacteur contenu dans les cuves des avions d’un État contractant à son arrivée dans un autre État contractant, ce carburant étant dit de transit. Par extension, le carburéacteur n’est pas non plus taxé sur les vols intérieurs, bien que la convention de Chicago ne l’interdise apparemment pas. Aussi proposons-nous d’user de cette faculté pour supprimer l’exonération de TIPP des carburéacteurs sur les vols intérieurs. Si des négociations supplémentaires s’avéraient nécessaires dans le cadre du renouvellement éventuel de cette convention internationale, la mesure pourrait être appliquée d’abord aux vols intérieurs, puis aux vols intracommunautaires.

Quatrièmement, la taxe sur les voitures particulières les plus polluantes doit être alourdie. Fidèle à la logique consistant à soutenir le pouvoir d’achat tout en faisant avancer la collectivité nationale dans la voie d’une meilleure prise en compte des contraintes environnementales, notre proposition de loi prévoit de décourager l’achat de véhicules à forte émission de CO2 par le renforcement de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules.

La taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules, dont le produit est affecté à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui en a d’ailleurs bien besoin, serait augmentée de 50 % pour sa tranche supérieure, que ce soit pour les voitures particulières faisant l’objet d’une réception communautaire ou pour les autres voitures particulières d’une puissance fiscale supérieure ou égale à quinze chevaux. Ces augmentations, en tout état de cause modérées, constituent un signal de nature à peser sur la décision d’achat de véhicules de forte cylindrée. Les ressources correspondantes bénéficieraient à l’ADEME.

Cinquièmement, nous voulons éviter un effet d’aubaine pour l’État au détriment des consommateurs et nous souhaitons lisser les hausses de prix des carburants. La hausse du prix du pétrole constitue un prélèvement sur la richesse nationale et sur le budget des ménages d’une ampleur considérable. Notre proposition de loi prévoit en conséquence qu’à l’inévitable, c’est-à-dire l’achat de produits pétroliers sur des marchés internationaux dont l’évolution ne peut être maîtrisée, ne vienne pas s’ajouter une charge fiscale indue résultant d’une fiscalité mal contrôlée. C’est pourquoi la proposition de loi prévoit le reversement des excédents de TVA perçue sur les produits pétroliers résultant uniquement de l’effet prix.

Le coût de la TIPP dite flottante de 2000 et de 2001 n’a pas été aussi élevé qu’on a bien voulu le dire. Celui de la réduction de la fiscalité pétrolière pratiquée en 2001 provient principalement des réductions de TIPP sur certains produits pétroliers. Ce qui était nécessaire avec un pétrole à 32 dollars l’est plus encore aujourd’hui avec les prix trois plus élevés – supérieurs à 90 dollars – que nous connaissons actuellement. En période d’augmentation des prix du pétrole, le reversement des excédents de TVA est évidemment la moindre des choses que les pouvoirs publics puissent pour les ménages.

M. Patrick Roy. C’est vrai !

M. Jean Launay. C’est pourquoi la proposition de loi propose une baisse de la TIPP à raison de l’augmentation de la TVA résultant de l’augmentation des prix du pétrole, ce qui neutralisera l’effet de la fiscalité sur les prix des carburants automobiles.

En conclusion, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi travaillée de façon approfondie et détaillée s’inscrit dans le cadre plus large des mesures proposées par le parti socialiste mardi soir. Elle intervient dans un contexte alarmant de hausse des prix des carburants et de ralentissement de la croissance économique.

Nous proposons des mesures efficaces en matière de pouvoir d’achat, réalistes eu égard à la structure actuelle des transports dans notre pays, et qui, de surcroît, s’inscrivent dans la perspective d’une réduction de nos émissions de CO2 et de la lutte contre l’effet de serre.

Je laisse aux orateurs suivants le soin de présenter les amendements et les autres mesures, qui touchent aux revenus, aux prix et au logement. En tant que rapporteur, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que cette proposition de loi soit discutée au fond, et jusqu’au bout. Dans le contexte actuel, les Français ne peuvent s’accommoder de manœuvres dilatoires. (« Très bien ! », vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Glavany. Voilà un député proche des préoccupations des Français !

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez plus que doublé votre temps de parole ; mais comme il s’agit d’une proposition de loi, je vous ai laissé développer votre argumentation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Glavany. C’est passé tellement vite !

M. Patrick Roy. Jean Launay était excellent !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour estimer que la question du pouvoir d’achat est centrale, et qu’il est essentiel d’y répondre. Nos concitoyens ont en effet le sentiment que leur pouvoir d’achat tend à diminuer, ce qui est confirmé par des chiffres officiels. C’est pourquoi le groupe SRC a déposé cette proposition de loi.

J’appuierai mes observations et mes propositions sur des constats que j’espère objectifs, car fondés sur les données établies par vos services, monsieur le secrétaire d’État. Il n’est rien de pire en effet que les querelles de chiffres, que l’on se jette à la figure en cherchant à les interpréter. Essayons donc de discuter à partir de données objectives.

Il est des évidences qu’il convient de rappeler de temps en temps. Pour commencer, la capacité à influer sur le pouvoir d’achat dépend largement des politiques économique, industrielle, budgétaire et fiscale que l’on mène. Suivant les choix politiques, les résultats varient.

Mme Catherine Coutelle. Très juste !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Aujourd’hui, quels sont ces résultats ? Nous avons la chance de disposer de plusieurs études récentes. Le rapporteur en a cité quelques-unes ; pour ma part, je privilégierai celle de l’École d’économie de Paris et le Portrait social de la France 2006 de l’INSEE – qui, chacun le reconnaîtra, est une référence incontournable. Trois constats en ressortent : les inégalités augmentent, la redistribution est de moins en moins bonne, et le pouvoir d’achat s’affaiblit.

Alors que, selon plusieurs études, les inégalités s’étaient plutôt réduites entre 1996 et 2002, elles tendent aujourd’hui à s’accroître, et la lutte contre les inégalités à reculer. Les chiffres donnés par les deux études le confirment : les inégalités de salaires et de revenus augmentent, avec toutes les conséquences que cela induit.

Or la redistribution est aujourd’hui plus faible qu’auparavant. C’est la conséquence directe des politiques budgétaire et fiscale conduites depuis 2002 ; en particulier, la baisse des impôts progressifs a davantage profité aux ménages les plus aisés, alors que les prestations bénéficiant aux plus modestes ont très peu augmenté.

De ce fait, le pouvoir d’achat évolue de manière défavorable. Vos propres services, monsieur le secrétaire d’État, prévoient un ralentissement pour 2008. C’est dire la confiance que vous avez dans votre propre politique !

M. Jérôme Cahuzac. Très bien !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le Rapport économique et financier table en effet sur un taux de 2,5 % en 2008, contre 2,8 % en 2007 ; et la diminution est encore plus nette par rapport à la période 1998-2002, où il était supérieur à 3,2 % !

Vous n’avez d’ailleurs jamais répondu à notre question, monsieur le secrétaire d’État :…

M. Jean Glavany. Il faut la poser de nouveau !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Comment pouvez-vous prévoir une augmentation du pouvoir d’achat moins importante en 2008 qu’en 2007, alors que vous nous soutenez que votre politique donnera des résultats positifs en matière de croissance, de revenus et de salaires ?

M. Jean Glavany. C’est parce que le Gouvernement n’y croit pas lui-même ! Et il a bien raison !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Vos propres chiffres démentent vos annonces. Quelle contradiction !

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En outre, ce que nous lisons ou entendons ici ou là ne me paraît pas toujours correspondre à la réalité – loin s’en faut. Ainsi, vous martelez que les 35 heures auraient provoqué un blocage des salaires et des rémunérations ; mais, là encore, vos propres chiffres vous contredisent. Par exemple, le salaire horaire ouvrier a progressé, en 2000 et en 2001, de respectivement 5,3 % et 4,2 % – le chiffre de 2000 étant le meilleur résultat de ces vingt-deux dernières années (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) ; or ce taux, qui était encore de 3,6 % en 2002, n’a depuis jamais dépassé 3 %. Là encore, les données comparées prouvent bien que ce que l’on dit du côté droit de l’hémicycle ne correspond pas toujours à la réalité et que, sur certaines périodes, les résultats peuvent être meilleurs que sur d’autres.

M. Patrick Roy. Face aux chiffres, la droite reste sans voix !

M. Bernard Deflesselles. Comparaison n’est pas raison !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Autre exemple : entre 1998 et 2002, le revenu moyen a augmenté en moyenne de 1,4 % par an, et le revenu médian de 1,1 % ; depuis, il n’y a plus eu d’augmentation, seulement une stagnation, voire un repli.

Quelle conclusion faut-il en tirer ? On entend dire : il faut une rupture. Certes, mais une rupture par rapport à la politique économique, industrielle, budgétaire et fiscale conduite depuis des années ! Et c’est ce que nous proposons ! Dans ses discours, le Président de la République…

M. Bernard Deflesselles. Attendez : il parlera ce soir !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …a beau nous annoncer la rupture, force est de constater qu’en la matière, la politique du Gouvernement se situe dans l’absolue droite ligne de celle conduite entre 2002 et 2007,... (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. C’est la continuité réactionnaire !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …laquelle a donné ces résultats incontestables : l’augmentation des inégalités, l’affaiblissement de la redistribution et la dégradation du pouvoir d’achat.

Alors, que faut-il faire ?

M. Jean Glavany. L’inverse !

M. Patrick Roy. Changer de Président de la République !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il faut une vraie rupture, et changer de politique économique, industrielle, budgétaire et fiscale afin de soutenir une croissance durable et lutter contre les inégalités.

Chacun s’accorde à dire que, pour cela, une bonne articulation des politiques de l’offre et de la demande est nécessaire. Encore faut-il s’entendre sur leurs contenus. Certes, la loi TEPA, de même qu’un certain nombre de mesures proposées par le Gouvernement, soutiennent la demande. Mais elles ne redistribuent le pouvoir d’achat qu’au bénéfice de ceux qui en ont déjà… On ne peut attendre les mêmes résultats suivant que l’on augmente de manière significative la prime pour l’emploi ou que l’on reverse 50 000 euros à 2 398 contribuables ! (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est pourtant ce dernier choix que vous avez fait !

M. Patrick Roy. De gros cadeaux aux petits amis !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Et cela nourrit un sentiment d’injustice légitime.

Si donc nous sommes favorables à une politique de la demande, c’est à condition qu’elle soit à destination de celles et ceux qui en ont le plus besoin. La présente proposition de loi présente un certain nombre de mesures en ce sens.

De même, en matière d’offre, il est clair qu’il faut soutenir la compétitivité de nos entreprises et créer le meilleur environnement possible pour elles. Or que nous propose le Gouvernement en guise de politique de l’offre ? Hormis le crédit impôt-recherche, qui est en effet une mesure positive, que beaucoup ont saluée,…

M. Bernard Deflesselles. Tout de même !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …sa politique de l’offre est quasiment inexistante. Il ne propose rien pour aider nos entreprises et soutenir l’exportation ; et pourtant, comme vient de le signaler la Cour des comptes, en matière de soutien aux entreprises, nous sommes certainement champions ! Encore faut-il rendre ces aides conditionnelles, en les subordonnant au respect d’objectifs fixés par les pouvoirs publics – de même qu’il faudrait mettre des conditions aux exonérations de cotisations sociales et d’impôt sur les sociétés.

M. Bernard Deflesselles. Il dépasse ses cinq minutes, monsieur le président !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il faut aussi une politique fiscale différente, qui rétablisse un meilleur équilibre entre la fiscalité sur le travail et celle sur le revenu, ainsi qu’entre fiscalité progressive et fiscalité proportionnelle. Hélas, votre politique fiscale, particulièrement injuste et inefficace, ne fait qu’aggraver les inégalités. (« Très bien ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Il faut enfin une politique budgétaire et sociale plus volontariste. Monsieur le secrétaire d'État, pour conforter le pouvoir d'achat, il ne suffit pas d’agir sur les prix – c’est un débat que nous avons eu toute la semaine à propos de votre texte sur le développement de la concurrence au service des consommateurs. Oui, nous pouvons améliorer le traitement de la question du pouvoir d'achat en prenant des mesures relatives à la consommation ou à l’environnement des entreprises mais, chacun le voit, elles sont insuffisantes. Or, comme nos marges de manœuvre sont étroites – M. Pierre Méhaignerie le sait bien –, il est important de ne pas les gaspiller et d’utiliser au mieux l’argent public.

M. Bernard Deflesselles. Ça oui !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il y a beaucoup d’argent en France mais le problème, c’est qu’il n’est pas très bien réparti.

M. Patrick Roy. Il est même très mal réparti !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il est très mal réparti en effet, alors même que les dépenses publiques sont nombreuses mais, là encore, mal évaluées et mal utilisées.

De plus en plus de nos concitoyens ont des difficultés. Notre pays a besoin de réformes, il est vrai, mais elles ne peuvent se réaliser sans la justice nécessaire, ce qui implique d’apporter des réponses concrètes à la question du pouvoir d'achat. Je le répète : nous ne pourrons réformer notre pays que si la justice est au cœur de nos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Launay, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je vous remercie, monsieur Migaud – ainsi que M. Roy pour sa traduction simultanée ! (Sourires.)

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le pouvoir d'achat est au cœur des préoccupations de nos concitoyens : il est donc au cœur des préoccupations et de l’action du Gouvernement.

M. Patrick Roy. Impossible ! On s’en serait aperçu !

M. Bernard Deflesselles. Mais qu’on le fasse taire ! C’est insupportable !

M. le président. Monsieur Roy, vous vous êtes déjà largement fait entendre.

Je vous prie de bien vouloir laisser M. le secrétaire d’État s’exprimer.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Le Gouvernement a donc choisi d’agir à la fois dans deux directions : sur les revenus et sur les prix.

En ce qui concerne l’action sur les revenus, lors de la conférence réunie le 23 octobre dernier sur l’emploi et le pouvoir d'achat par Christine Lagarde et Xavier Bertrand, tous les partenaires sociaux se sont accordés sur un constat : le problème du pouvoir d'achat en France tient avant tout à la situation du travail et de l’emploi. Notre pays a besoin qu’un plus grand nombre de nos concitoyens aient un emploi et que ceux qui en ont un gagnent davantage.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité prendre plusieurs mesures dont l’objectif est de donner durablement du travail à un plus grand nombre de nos concitoyens. Telle est la raison d’être des dispositions déjà votées par la majorité, que ce soit dans le cadre de la session extraordinaire de cet été,…

M. Patrick Roy. Les 15 milliards de cadeaux !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …ou dans celui du projet de loi de finances pour 2008 : elles auront un impact direct sur la croissance, notre pays souffrant surtout en la matière d’un décalage avec ses principaux voisins.

M. Patrick Roy. Il souffre d’abord d’un mauvais gouvernement !

M. André Schneider. Vous oubliez les 35 heures !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Tel est le constat : l’insuffisance de la croissance française par rapport à celle des grands pays développés pèse directement sur la création de richesses et donc sur l’activité et l’emploi. La Grande Bretagne, dont la population est comparable à la nôtre, compte 4 millions de salariés de plus que la France !

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous avons déjà pris des mesures très volontaristes. C’est ainsi que le triplement du taux du crédit impôt recherche, voté…

M. Bernard Deflesselles. Avec enthousiasme !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …par la majorité dans le cadre de la loi de finances pour 2008, et qui a pour objet l’innovation et l’investissement, mise sur la croissance durable et donc sur l’avenir. Faut-il rappeler que c’est la croissance durable qui conditionne l’augmentation du pouvoir d'achat ? C’est pourquoi nous travaillons également à la possibilité de faire sauter certains verrous qui la freinent.

La question du pouvoir d'achat passe encore par la modernisation et la fluidification du marché du travail. Tel est le sens des travaux engagés par les partenaires sociaux à l’initiative du Gouvernement depuis le 17 septembre dernier. Nous sommes évidemment très attentifs à leur avancée.

Car, sur la question du travail, il convient de regarder la réalité en face : si la France ramène d’ici à 2012 son taux de chômage à celui de la plupart des pays développés, c'est-à-dire aux environs de 5 %, ce sont 800 000 de nos concitoyens qui auront retrouvé un emploi et donc vu leur pouvoir d'achat augmenter.

Mais agir sur les revenus, c’est également agir sur les salaires. Le Gouvernement a pris des dispositions importantes en faisant adopter dès cet été le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d'achat qui, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, propose depuis le 1er octobre dernier à 8 millions de nos concitoyens de travailler davantage tout en bénéficiant des exonérations prévues. Un salarié payé au SMIC qui, passant de trente-cinq à trente-neuf heures hebdomadaires, effectuerait quatre heures supplémentaires, verrait ainsi son salaire mensuel augmenter de 182 euros, soit à la fin de l’année, en termes de pouvoir d'achat, l’équivalent de deux mois de salaires nets d’impôt et de charges pour tous les salariés bénéficiant de ce dispositif.

M. Bernard Deflesselles. Très bien !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je tiens de plus à rappeler que, contrairement à ce que j’entends ici ou là, les salariés concernés par ces mesures sont les plus modestes puisque le nouveau régime des heures supplémentaires profite avant tout aux plus jeunes d’entre eux et aux ouvriers.

M. Georges Colombier. Très bien !

M. Bernard Deflesselles. C’est l’évidence même !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Par ailleurs, toujours sur les salaires, le Gouvernement a ouvert des chantiers importants. C’est ainsi qu’au cours de la conférence du 23 octobre dernier, Christine Lagarde et Xavier Bertrand ont proposé aux partenaires sociaux d’avancer sur la question de la subordination des allégements de charges à l’engagement de négociations salariales ou de réfléchir à un nouveau mode de fixation du SMIC reposant sur la consultation d’experts, comme c’est déjà le cas dans certains pays voisins.

Réhabiliter le travail, c’est encore garantir à celui qui retrouve un emploi, notamment à temps partiel, qu’il gagnera plus en travaillant qu’en vivant des revenus de l’assistance. C’est précisément l’objectif du revenu de solidarité active, mis en œuvre par Martin Hirsch et actuellement expérimenté grâce à l’adoption, dès cet été, de premiers budgets. Ces expérimentations mériteraient un soutien clair de l’ensemble des députés, tous bancs confondus.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vrai !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Il convient également d’agir sur les prix. Je rappelle que c’est Nicolas Sarkozy qui, en 2004, a été le premier à considérer que les prix à la consommation sont en France trop chers par rapport à ceux de ses voisins européens. Nous avons engagé en la matière des réformes importantes. Ainsi, le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, que je défends au nom du Gouvernement et que votre Assemblée a adopté, sera examiné par le Sénat dans quelques jours. Il propose d’améliorer la transparence et de développer la concurrence dans plusieurs secteurs. Les dispositions adoptées dans la nuit du 27 au 28 novembre intéressent directement la vie quotidienne des Français puisqu’elles concernent plus de 30 % de leur budget, qu’il s’agisse d’un budget de grande consommation comme le budget alimentaire ou des nouvelles dépenses contraintes des ménages – je pense à Internet ou à la téléphonie mobile. C’est donc à une baisse des prix significative que nous nous attendons au travers de l’adoption d’un projet de loi qui, je le répète, vise à améliorer la transparence et à développer la concurrence.

M. Patrick Roy. Mais non ! Il se contente de mettre en avant les marges arrière !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Vous le voyez : le Gouvernement agit sur les prix.

Mesdames et messieurs les députés, le groupe socialiste vous propose aujourd'hui d’adopter des dispositions dans le cadre d’une proposition de loi. Il convient naturellement de se réjouir que, dans une démocratie, tous les groupes parlementaires présentent des propositions qui fassent l’objet d’un débat, même si nous ne sommes pas obligés de partager les principales orientations du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Que nous proposez-vous aujourd'hui ?

Dans votre article 1er, vous proposez de surtaxer les entreprises pétrolières.

M. Patrick Roy. De surtaxer la rente pétrolière !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Sur ce sujet, comme sur d’autres d’ailleurs, nos solutions diffèrent clairement des vôtres, sur le fond comme sur la méthode. Dans un premier temps – dois-je le rappeler ? –, le Gouvernement a choisi de renforcer le dispositif de concertation et de réflexion communes engagé les années passées avec les entreprises pétrolières plutôt que de mettre en place une taxation sectorielle.

Cette méthode, contrairement à ce que vous affirmez, a porté ses fruits.

M. Patrick Roy. Des fruits secs et non des fruits juteux !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. C’est ainsi que les entreprises pétrolières se sont engagées, il y a quelques mois déjà, à investir en recherche et en développement 500 millions d’euros supplémentaires d'ici à 2010 dans les énergies alternatives.

À titre d'exemple, le groupe Total, signataire de la charte pour l'éthanol E85, a pris l'engagement d’ouvrir cette année sur le territoire national plus de 250 stations-service proposant du bioéthanol. Il devrait par ailleurs investir 3 milliards d’euros d'ici à 2010 dans le raffinage et la recherche. Ces engagements font l'objet d'un suivi attentif de la part du Gouvernement et je puis vous confirmer qu’ils sont jusqu'à présent respectés.

Les producteurs et les distributeurs de carburant ont été réunis à Bercy le 10 novembre dernier par Christine Lagarde, Hervé Novelli et moi-même. Mme Lagarde a obtenu à cette occasion l'engagement de la profession de continuer dans la voie de la modération des prix et de ne pas tirer profit de la hausse des prix du pétrole.

M. Yves Cochet. Qui peut croire cela ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Concrètement, la grande distribution, dont la part de marché, dans ce secteur, est très importante, a réaffirmé sa stratégie visant à assurer en permanence les prix les plus bas du marché grâce à des marges quasiment nulles – vous ne l’ignorez pas, mesdames et messieurs les députés. Les opérateurs pétroliers se sont pour leur part engagés à lisser l'augmentation des prix en cas de hausse rapide et erratique des cours et à répercuter rapidement les baisses. Force est de constater qu’aujourd'hui, du fait de cette politique de concertation sur les prix avec les différents partenaires, le marché français des produits pétroliers est un des plus concurrentiels et que les consommateurs bénéficient de prix, toutes taxes comprises – j’insiste sur ce point –, inférieurs à la moyenne européenne.

M. Bruno Le Roux. Vous n’allez pas souvent à la pompe !

M. Jérôme Lambert. Je n’ai pas vu beaucoup de prix baisser !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Dans votre article 2, vous réclamez le rétablissement de la TIPP flottante, chère au président Migaud.

M. Bernard Deflesselles. Très chère !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Voilà bien une proposition sur laquelle vous faites preuve d’une réelle constance… Mais faut-il pour autant persévérer dans l'erreur ?

Je vous rappelle que la TIPP flottante s'est avérée à la fois illisible pour le consommateur, complexe à mettre en œuvre et particulièrement coûteuse pour les finances publiques.

M. Jérôme Lambert. Il faut bien que ça rapporte à quelqu’un !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Son coût global s'est élevé à 2,7 milliards d'euros pour la période comprise entre le 1er octobre 2000 et le 21 juillet 2002 pour un impact sur les prix réels à la pompe toujours inférieur à 3 centimes d'euros par litre.

Du reste, je vous rappelle que la commission indépendante chargée d'évaluer les conséquences de la hausse des prix du pétrole sur les finances publiques, présidée par M. Bruno Durieux,…

M. Bruno Le Roux. Tout un programme !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. …a démontré deux années de suite que l’État est perdant sur le plan fiscal lorsque les prix des produits pétroliers augmentent. En effet, en cas de hausse, la baisse de la TIPP, qui est assise sur les volumes consommés, est plus importante que la hausse de la TVA assise, chacun le sait, sur la valeur du carburant. Ainsi, pour 2006, l’écart constaté par rapport à la loi de finances initiale s’élève à 629 millions d’euros puisque si la hausse de TVA a permis de percevoir 136 millions d’euros supplémentaires, les recettes de TIPP ont, quant à elles, diminué de 765 millions ! Au total, 629 millions de manque à gagner pour l’État…

Du reste, la hausse des prix du pétrole obéit à des facteurs structurels et il importe que les économies occidentales, prenant acte de cette situation, adaptent progressivement leurs comportements. Vous a-t-il échappé que nous avions changé d'époque ? Sur ce point, je vous renvoie aux conclusions du Grenelle de l'environnement...

Le dispositif de l’article 3 part du constat que le chèque transport, prévu par la loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié du 30 décembre 2006, n’a connu, dites-vous, aucun succès.

M. Jean Launay, rapporteur. Le Premier ministre l’a reconnu lui-même !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Nous sommes d’accord sur ce constat, monsieur le rapporteur.

Si le chèque transport n’a pas rencontré le succès escompté, la solution ne saurait être de créer un nouveau dispositif qui, au passage, s’ajouterait à celui de l’aide au transport spécifique à la fonction publique.

Il convient plutôt de s’interroger sur les raisons de l’échec des dispositions actuelles.

Tel est précisément l’objet de la mission confiée le 31 octobre dernier par Christine Lagarde et Dominique Bussereau au vice-président du conseil général des Ponts et chaussées, en vue d’établir un diagnostic et de formuler des recommandations. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il attendre ses conclusions.

Dans l’article 4, nous retrouvons une proposition là encore récurrente mais aussi irréaliste que la TIPP flottante : la suppression de l’exonération de TIPP des carburéacteurs. Je rappelle que cette exonération résulte de la convention de Chicago de 1944 portant sur l’Organisation internationale de l’aviation civile. La France est tenue, en vertu de ses obligations internationales, d’exonérer de taxe le carburant utilisé pour les vols internationaux, sauf s’il s’agit de vols intracommunautaires lorsqu’un accord bilatéral a été signé. À court terme, si cette disposition était votée, seuls les vols nationaux pourraient donc être taxés.

La fiscalité n’est pas forcément le meilleur moyen de parvenir au but que vous poursuivez : ce sujet fait aujourd’hui, monsieur le rapporteur, l’objet de discussions au niveau communautaire visant à soumettre les compagnies aériennes à des régimes de permis d’émission de gaz à effet de serre.

M. Jean Launay, rapporteur. Ce n’est pas contradictoire avec ce que nous proposons !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Une telle mesure pourrait s’appliquer à l’ensemble des compagnies européennes et ne porterait pas atteinte aux opérateurs nationaux. Cela donne à réfléchir.

Enfin, l’article 5 propose de créer une taxe additionnelle à la taxe sur les cartes grises. Sur ce point, et à la suite des conclusions du Grenelle de l’environnement, nous vous rejoignons, mais, là encore, nous différons sur la méthode et le calendrier puisque les groupes de travail issus du Grenelle de l’environnement planchent actuellement sur cette question.

Pour toutes ces raisons qui m’ont conduit à vous rappeler nos orientations en matière de défense du pouvoir d’achat et à vous indiquer quel était notre avis sur les orientations proposées par le groupe socialiste, le Gouvernement émet un avis défavorable à la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

M. Jérôme Lambert. Les Français s’en souviendront !

M. Bernard Deflesselles. Ils ne se souviendront pas de vous, en tout cas ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, républicain, citoyen et divers gauche.

M. Patrick Roy. Le secrétaire d’État n’a parlé ni des franchises médicales, ni des petites retraites, ni des loyers ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Roy, je vous en prie, laissez le président de votre groupe s’exprimer !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, puisque le chef de l’État doit intervenir ce soir sur la crise du pouvoir d’achat, c’est, au nom des parlementaires socialistes, radicaux et citoyens, le Président de la République lui-même que j’interpelle à travers vous, monsieur Chatel, et à travers les députés de la majorité.

M. Bernard Deflesselles. Ah oui ?

M. Jean-Marc Ayrault. Que reste-t-il de votre printemps présidentiel ? Que reste-t-il de vos hymnes au travail, au mérite, à l’effort ?

M. Bernard Deflesselles. Quel romantisme !

M. Jean-Marc Ayrault. Sept mois ont passé et la France a retrouvé sa tête des mauvais jours.

M. Bernard Deflesselles. C’est vous qui avez la tête des mauvais jours, monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Lefranc. Que reste-t-il du parti socialiste ?

M. Jean-Marc Ayrault. Le renouveau s’est enfui dans la stagnation économique et les réformes s’enlisent dans les conflits et la confusion.

« Il n’y aura pas d’austérité », nous avez-vous juré. Mais l’austérité, elle est déjà là, elle s’est déjà installée au domicile des Français. Elle assèche les tuyaux des pompes à essence ; elle vide les caddies des supermarchés ; elle augmente les quittances de loyer. Dans la France de M. Sarkozy, les dépenses contraintes – loyer, nourriture, déplacements – représentent 70 % du revenu moyen.

M. Patrick Roy. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault. Un quart des salariés n’ont plus rien pour boucler la dernière semaine du mois. Des centaines de milliers de personnes qui travaillent, qui perçoivent un salaire, n’ont plus assez pour se loger.

L’austérité c’est aussi, hélas, votre enfant ! C’est vous, en effet, qui avez refusé de réunir un Grenelle salarial avec les partenaires sociaux au prétexte que c’était une idée soixante-huitarde et archaïque.

M. Bernard Deflesselles. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est vous qui avez refusé d’augmenter le SMIC et la prime pour l’emploi au motif qu’ils écrasent la pyramide salariale, moyennant quoi, monsieur Méhaignerie, vous le savez très bien, personne n’a rien eu ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Bernard Deflesselles. La vérité, c’est que c’est nous qui l’avons le plus augmenté pendant ces cinq dernières années ! Faites donc un effort de mémoire et cessez de nous donner des leçons !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est vous qui avez décrété une nouvelle taxe sur les malades avec les franchises médicales. Cette réforme nous a d’ailleurs conduits à saisir le Conseil constitutionnel dont nous verrons bien quelle sera la décision ; reste, en tout cas, que les Français réprouvent votre initiative. Enfin, c’est votre Gouvernement qui a désindexé de l’inflation les pensions de retraites, les allocations familiales…

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault. …et les aides au logement. C’est ce qu’on pourrait appeler une « politique low cost », une politique au rabais.

M. Franck Gilard. Et pourquoi pas une politique de l’holocauste !

M. Jean-Marc Ayrault. Ah oui ! je sais, le Premier ministre a dit : « On ne peut distribuer que les richesses que l’on produit.»

M. Franck Gilard. C’est une évidence !

M. Patrick Roy. Encore faut-il produire des richesses ! Or vous ne produisez rien !

M. Jean-Marc Ayrault. Certes, la belle affaire, mesdames et messieurs de la majorité ! Sauf que votre premier acte de gouvernement a été de distribuer 15 milliards d’euros aux rentiers et à l’économie dormante. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. Patrick Ollier. Vous savez que ce n’est pas vrai !

M. Patrick Verchère. C’est de l’intox !

M. Jean-Pierre Soisson. N’affaiblissez pas votre discours par des contre-vérités !

M. Georges Colombier. Vous mentez !

M. Patrick Verchère. Mensonges !

M. Jean-Marc Ayrault. Mensonges ? Allez donc le dire à vos électeurs ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Franck Gilard. Heureusement, les électeurs l’ont bien compris !

M. Bernard Deflesselles. Ils n’arriveront jamais à les reconquérir avec un discours pareil !

M. Jean-Marc Ayrault. Où est l’équité ? Où est l’exemplarité ? Où sont passées les valeurs du travail, du mérite que vous prétendiez réhabiliter ? Votre discours de l’effort – ah, le discours de l’effort ! – a été supporté intégralement par la France qui se lève tôt, qui travaille dur et qui gagne peu !

M. Bernard Deflesselles. Grâce à vos amis syndicalistes !

M. Jean-Marc Ayrault. Tout le haut de la pyramide sociale s’en est dispensé. Les gens fortunés, désormais, s’abritent sous le bouclier fiscal pour ne plus payer d’impôts – car certains Français riches ne paient plus d’impôts ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. On va même jusqu’à les rembourser !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est cela, la réalité de votre politique ! Et les compagnies pétrolières, qui engrangent des milliards de bénéfices, n’auraient-elles pu consentir quelques efforts…

M. Bernard Deflesselles. Ben voyons !

M. Jean-Marc Ayrault. …dont les effets se seraient fait sentir sur le prix de l’essence ? Rien du tout !

Quant au Président de la République, il donne le mauvais exemple puisqu’il s’est octroyé 170 % d’augmentation ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. Franck Gilard. Avec votre accord !

M. Jean-Marc Lefranc. Vous êtes ridicule ! C’est très bas !

M. Patrick Roy. C’est très juste, au contraire !

M. Jean-Marc Ayrault. Je vois que les députés de la majorité sont gênés et je les comprends ! (Même mouvement.)

M. Patrick Verchère. C’est petit !

M. Jean-Claude Flory. C’est de la démagogie !

M. Jean-Marc Lefranc. Et Mitterrand, et Mazarine ?

M. le président. Laissez poursuivre M. Ayrault, vous aurez tout le loisir de poursuivre le débat ensuite !

M. Jean-Marc Ayrault. Pendant la campagne électorale présidentielle, nous avons entendu cette magnifique phrase : « Je serai le Président du pouvoir d’achat. » Eh bien, aujourd’hui, c’est vous qui détenez la présidence, mais personne n’a vu que le pouvoir d’achat serait arrivé au pouvoir.

M. Jean-Marc Lefranc. Pas de leçons !

M. Jean-Marc Ayrault. On nous annonce ce soir un grand oral de rattrapage. Mieux vaut tard que jamais, me direz-vous. Seulement, comme nous pratiquons, nous, le principe de précaution,…

M. Bernard Deflesselles. Que vous ne respectez pas toujours !

M. Jean-Marc Ayrault. …nous ne voulons pas nous contenter, ce soir, de quelques effets d’annonce…

M. Bernard Deflesselles. Vous n’avez rien fait quand vous étiez au pouvoir !

M. Jean-Marc Ayrault. …mis en scène comme on sait le faire à l’Élysée !

M. André Schneider. Vous êtes bien placés pour parler en la matière !

M. Frédéric Lefebvre. Pour la mise en scène, c’est vous qui donnez l’exemple ce matin !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne voulons pas que les annonces qui seront faites se limitent à un simple pourboire – oui, un pourboire –, que l’on octroierait comme cela, d’en haut ! Ce que nous voulons, nous, et nous vous le demandons, c’est que nos propositions soient examinées point par point ; or j’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous y refusiez. Vous pourriez pourtant y trouver l’inspiration qui vous a manqué ces derniers mois sur cette question cruciale.

Le Premier ministre a ainsi laissé entendre, d’ailleurs, qu’il était favorable à l’idée de conditionner les aides aux entreprises à une négociation sur la revalorisation salariale. C’est une idée qui fait son chemin et même, paraît-il, jusqu’à l’Élysée. Cependant, pour nous, elle ne vaut qu’à la condition que cette exonération ne soit pas limitée à une négociation de salon – on fait un tour et l’on s’en va – mais à une réelle augmentation des salaires. Voilà au moins une dépense de 25 milliards d’euros qui pourrait se révéler productive !

Mais notre interpellation va au-delà d’un catalogue de mesures.

M. Bernard Deflesselles. Vous avez donc un catalogue !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce que nous demandons, c’est la réhabilitation du contrat social, c’est un nouveau partage, juste et équilibré, des gains et des efforts. C’est un donnant-donnant entre l’État, les entreprises et les citoyens. Ce donnant-donnant, il commence par la reconnaissance du travail et de sa rémunération.

M. Jean-Marc Lefranc. C’est une nouveauté, pour vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Trouvez-vous normal que la part des salaires dans la richesse nationale diminue depuis plusieurs années et en particulier depuis ces toutes dernières années ?

M. Frédéric Cuvillier. La majorité n’est pas à cela près !

M. Jean-Marc Ayrault. Trouvez-vous acceptable qu’aucune négociation salariale sérieuse n’ait eu lieu ni dans le privé ni dans le public ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. Trouvez-vous justifié que les salariés français soient les plus productifs d’Europe, les plus attachés à leur entreprise, sans qu’ils en touchent les dividendes ?

M. Jérôme Lambert. C’est ça, le problème !

M. Bernard Deflesselles. Ce sont ceux qui travaillent le moins aussi !

M. Jean-Marc Ayrault. Comme pour l’environnement et l’insertion, nous demandons au Gouvernement, mais aussi au Président de la République, puisque c’est lui qui décide, l’organisation d’un Grenelle des revenus où tout sera mis sur la table : l’augmentation du SMIC et des salaires, le déroulement des carrières, le paiement des RTT, les heures supplémentaires, les aides publiques aux entreprises. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Verchère. Tout cela sera bien difficile avec les 35 heures !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous demandons que la prime pour l’emploi soit augmentée de 50 % dès cette année,…

M. Jean-Marc Lefranc. Nous avons été les seuls à l’augmenter !

M. Jean-Marc Ayrault. …mesure qui sera financée par l’abrogation du bouclier fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Verchère. Et les 35 heures !

M. Jean-Marc Ayrault. On ne pourra jamais sortir de la stagnation économique – je l’affirme avec force – sans un compromis historique entre l’État, les partenaires sociaux, les entreprises et les salariés. Nous en appelons, c’est vrai, à de nouvelles règles du jeu qui concilient compétitivité et répartition.

M. Patrick Roy. Il serait temps en effet !

M. Jean-Marc Ayrault. C’est le même esprit de justice et d’efficacité qui s’attache à notre proposition d’un bouclier logement.

M. Bernard Deflesselles. C’est cela, l’ordre juste ?

M. Jean-Marc Ayrault. Je préfère l’ordre juste à l’ordre injuste actuel, monsieur le député ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. François Hollande. Au désordre !

M. Frédéric Cuvillier. Bravo !

M. Jean-Marc Ayrault. Trouvez-vous normal, dans cet ordre injuste, que 5 millions de Français soient mal logés parce que des communes violent leurs obligations en matière de construction sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Trouvez-vous cela normal ? Oui, je vous pose la question !

M. Bernard Deflesselles. Nous avons construit beaucoup plus de logements sociaux que vous !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous êtes depuis six ans au pouvoir, alors nous vous demandons que l’État se substitue enfin aux communes défaillantes et fasse construire partout des logements sociaux, comme la loi les y oblige. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Patrick Roy. Des logements sociaux à Neuilly !

M. Jean-Marc Ayrault. Trouvez-vous justifié que les Français qui n’ont pas les moyens de devenir propriétaires soient obligés de consacrer plus d’un tiers de leurs revenus au paiement de leur loyer ? Nous demandons l’encadrement pendant un an des loyers au niveau de l’inflation pour négocier avec les bailleurs et les locataires un bouclier logement qui limite la part du loyer et des charges au quart des revenus du ménage. Ce sont là deux propositions simples,…

M. Bernard Deflesselles. Irréalistes !

M. Jean-Marc Ayrault. …pourquoi refusez-vous d’en discuter ?

L’aspect le plus choquant de la crise du pouvoir d’achat, c’est l’inégalité qu’accroît l’augmentation des prix – et à ce sujet, monsieur Chatel, vous manquez vraiment d’audace. Mes collègues ont déposé de nombreux amendements qui vous font sans doute peur.

M. Jean-Marc Lefranc. Il est terrorisé…

M. Jean-Marc Ayrault. Ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui subissent de plein fouet l’inflation des prix des produits de première nécessité, des services et de l’énergie. Ce sont les PME qui sont les premières victimes des pratiques déloyales des banques et de la grande distribution. Notre priorité, en tant que socialistes, c’est de protéger ces Français des excès du marché ; c’est de rendre à l’État son rôle régulateur ; c’est de donner un vrai droit de contrôle aux consommateurs sur la formation des prix et des services.

Qu’est ce qui est le plus archaïque aujourd’hui ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est le parti socialiste !

M. Jean-Marc Ayrault. Est-ce la taxation des profits pétroliers pour financer un chèque transport obligatoire, ou la privatisation du gaz qui fera flamber les tarifs de 10 %, d’après ce qui est annoncé ? Est-ce la création d’une action de groupe qui permettra aux consommateurs de se défendre contre les abus commerciaux, ou la libéralisation complète des règles commerciales que recommande la commission Attali, que vous vous apprêtez à suivre, paraît-il ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Lefranc. C’est un de vos amis !

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà, monsieur secrétaire d’État, en sus de nos propositions, les raisons de notre interpellation.

Monsieur le secrétaire d’État, mesdames et messieurs de la majorité, il suffit de regarder les enquêtes d’opinion pour constater que le Président de la République est embarrassé,…

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Mais non !

M. Bernard Deflesselles. Auriez-vous des informations ?

M. Jean-Marc Ayrault. …lui qui a tant promis. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) Il paraît qu’il a lancé un concours d’idées au sein de la majorité. (Sourires.) On a lu cela quelque part.

Mme Muriel Marland-Militello. Démagogue !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de répondre à chacune de nos propositions, sans arrêter le débat après la discussion générale. Si vous l’interrompez, vous en prendrez la responsabilité. En tout état de cause, nous attendons des réponses à nos propositions. Si vous ne nous répondez pas, nous les réitérerons dans la loi de finances rectificative sous forme d’amendements.

Nous attendons aussi de celui qui parlera ce soir, le Président de la République, qu’il ne balaie pas d’un revers de main méprisant, ce que nous proposons. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est vous qui êtes méprisant !

M. Jean-Marc Ayrault. Nos propositions sont justes, elles sont simples, elles sont financées. Et notre démarche est guidée par la seule recherche de l’intérêt général, par la seule volonté de renouveler le contrat social entre les Français. Vous pouvez les écarter d’un revers de main, comme je le crains, malheureusement. Oui, ce serait votre droit. Mais, si vous permettez ce jeu de mots, ce serait surtout votre droite, votre droite dure, injuste, et aussi inefficace. Le pays mérite mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Patrick Roy. On rembourse les riches, on assèche la France ! Et on empêche l’opposition de parler ! C’est le gouvernement du désordre injuste !

M. le président. Monsieur Roy, on vous a beaucoup entendu parler. Vous allez écouter sagement M. Cochet, maintenant.

M. Bernard Deflesselles. Il ne va pas empêcher M. Cochet de parler, tout de même !

M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, beaucoup de choses très justes, du point de vue social et économique, ont été dites par mes collègues du groupe socialiste. Je vais donc concentrer mon propos sur un autre aspect du problème, celui de l’énergie, puisque l’on parle du prix des produits pétroliers.

Vous connaissez le paysage énergétique mondial. Les grandes énergies du monde, ce sont les énergies fossiles, qui représentent plus de 84 % de l’énergie primaire. Le reste – l’hydroélectricité, les énergies renouvelables, la biomasse, le nucléaire –, ce n’est pas grand-chose, 2 ou 3 % du total. Et parmi les énergies fossiles, le pétrole représente 40 % de l’énergie primaire. Le pétrole est donc la grande énergie du monde, d’autant plus que les prix des autres énergies, le gaz par exemple, sont indexés sur les cours du baril à New York. Lorsque le prix du pétrole varie, cela produit donc des conséquences massives.

En France, on n’a évidemment pas de pétrole, mais c’est encore pire, puisque la proportion du pétrole dans l’énergie finale…

M. Jean-Marc Lefranc. On n’a pas de pétrole, mais on a des idées !

M. Yves Cochet. Des idées ? Pas beaucoup, hélas, dans la majorité. Ça, c’est sûr !

M. Bernard Deflesselles. Si vous en aviez, vous, ça se saurait !

M. Yves Cochet. Le pétrole, disais-je, représente 50 % de l’énergie finale en France. L’impact des variations du prix du pétrole est donc massif, un impact à la fois écologique, économique et social.

Il fallait rappeler cela pour mesurer dans quel contexte, mondial, européen et français, s’inscrit la proposition de loi du groupe socialiste.

J’en ai examiné l’ensemble des articles. Je souscris à la proposition de prélèvement sur les bénéfices de Total. J’y souscris d’autant plus que, en 2004, au moment ou était discutée la loi d’orientation sur l’énergie, défendue ici même par MM. Sarkozy et Devedjian, alors respectivement ministre de l’économie et des finances et ministre délégué à l’industrie, j’avais appelé leur attention sur la hausse éventuelle des prix du pétrole, et notamment sur un phénomène que l’on observait déjà à l’époque : je veux parler des bénéfices extraordinaires des grandes entreprises pétrolières, en particulier la grande entreprise française, Total. Nous avions déposé un amendement tendant à instaurer un prélèvement exceptionnel. Il avait été refusé par la majorité, la même que celle d’aujourd’hui. J’espère aujourd’hui, chers collègues, que vous allez comprendre qu’une telle mesure est possible.

L’article 3 est également très bon, qui instaure un chèque transport. Qui plus est, c’était une proposition de M. Villepin… Autant la mettre en œuvre dans la mesure du possible. La majorité ne devrait pas renier ses positions d’il y a à peine un an. Malheureusement, on a l’impression que quelque chose s’est passé.

M. Jean-Pierre Dufau. Oui, quelque chose s’est passé...

M. Frédéric Cuvillier. Ils ne s’aiment plus !

M. Yves Cochet. L’article 4 concerne la taxation du kérosène. C’est bien entendu une bonne mesure, notamment pour des raisons d’équité entre les modes de transport terrestre et aérien. Il est d’ailleurs tout à fait possible d’entamer une négociation européenne afin que tous les vols intracommunautaires puissent être taxés sur le kérosène. Dans les négociations de Bali, qui vont bientôt s’ouvrir au mois de décembre, il est très probable, pour le Kyoto d’après 2012, que des mesures de ce type soient envisagées, tant il est vrai que le transport aérien participe de plus en plus aux émissions de gaz à effet de serre et au changement climatique.

L’article 5 propose de taxer les grosses cylindrées. J’y souscris évidemment. Si l’on veut qu’il y ait moins de grosses bagnoles, et développer les transports en commun, les transports collectifs en site propre, le train ou même le fret ferroviaire, il faut le faire par un instrument de marché. Ce n’est pas la peine d’avoir une voiture avec un moteur de 2,5 ou 3 litres. Une petite voiture, beaucoup plus propre, est préférable.

Ce sont là les aspects positifs de cette proposition de loi. Malheureusement, mes collègues socialistes ont fait une erreur.

M. Jean-Claude Flory. Ça leur arrive souvent ! C’est bien de le leur expliquer !

M. Jean Roatta. S’il n’y en avait qu’une !

M. Yves Cochet. Ils ont proposé l’article 2, sur lequel j’ai déposé un amendement de suppression. J’espère que cet amendement pourra être discuté, c’est-à-dire que le Gouvernement et la majorité décideront, comme vous le proposez, monsieur Ayrault, de passer, après la discussion générale, à la discussion des articles.

Pourquoi supprimer l’article 2 ? Je le dis devant M. le président Migaud, qui connaît bien cette question, la TIPP flottante, cela aurait pu marcher. Je ne reprendrai pas ce que disait un célèbre humoriste : « Ça a eu payé, mais ça ne paie plus ! ». Dans un monde où les cours du baril, et donc les prix de l’essence à la pompe, ont des hauts et des bas, la TIPP flottante, sur le moyen terme, est justifiée : lorsque les cours subissent une forte hausse, on diminue un peu les taxes, et lorsqu’ils baissent, on les augmente. Mais ce n’est plus le cas. Il faut changer votre vision du monde pétrolier, et même du monde énergétique.

Désormais, comme j’ai essayé de vous le dire, la hausse du baril est appelée, moyennant quelques oscillations hebdomadaires, à devenir permanente. Nous entrons dans le monde de l’énergie chère. Nous ne sommes plus dans celui où, depuis un siècle et demi, l’énergie était très bon marché.

J’ai entendu M. le secrétaire d’État nous parler de « la flambée actuelle des prix du pétrole ». Mais il n’y a pas de « flambée actuelle » ! Ne croyez surtout pas qu’un baril à 95 ou 100 dollars, ou un litre d’essence à 1,50 euro, ce soit cher ! En 2008, en 2009, en 2010 et au-delà, les prix seront bien plus élevés. On se souviendra de l’époque actuelle avec amertume, et même un peu de nostalgie : « En novembre 2007, le litre d’essence n’était qu’à 1,50 euro, le baril de pétrole n’était qu’à 100 dollars ! » L’année prochaine ou dans deux ans, ne croyez pas que l’on va revenir à 50 ou 60 dollars le baril.

M. Bernard Deflesselles. Attention, mes chers collègues ! C’est la fin du monde !

M. Yves Cochet. À cet égard, j’interpelle le Gouvernement sur les hypothèses qu’il a retenues pour le budget que nous avons voté la semaine dernière, ou plutôt que le Parlement a adopté mais que je n’ai pas voté, parce qu’il est insincère. Ce n’est pas du tout cela qu’il fallait faire.

Vous savez, monsieur le président de la commission des finances, que lorsqu’on construit un budget, on essaie d’ajuster ou d’anticiper quelques variables macroéconomiques. Par exemple, on se demande quel sera le prix moyen du baril en 2008. Le Gouvernement et sa majorité ont choisi de retenir l’hypothèse de 73 dollars ! Quel aveuglement ! Je suis prêt à prendre avec vous, monsieur le secrétaire d’État, le pari que le prix moyen du baril en 2008 sera supérieur à 100 dollars. Vous vous trompez de plus de 50 %.

Notre facture d’hydrocarbures s’est élevée à 50 milliards d’euros cette année. Ce sera beaucoup plus l’an prochain, beaucoup plus ! Vous vous trompez par dizaines de milliards d’euros, simplement parce que vous ne savez pas anticiper le monde dans lequel nous entrons. Soyons réalistes.

M. Bernard Deflesselles. Il faut le dire à vos amis socialistes, monsieur Cochet !

M. Yves Cochet. Il ne faut pas être attentif à la seule dimension économique du problème. Bien sûr, la demande est maintenant structurellement beaucoup plus forte. Je dis bien structurellement, à cause de la nôtre, mais aussi de celle de la Chine, de l’Inde, du Pakistan, de l’Afrique du Sud, du Brésil, d’autres pays encore. Mais il y a aussi les faits géologiques. La décroissance de la production mondiale de pétrole est appelée à se poursuivre pour toujours. Ne croyez pas que l’époque des mouvements de yoyo reviendra. D’une certaine manière, la fête pétrolière est finie. L’énergie bon marché, c’est fini, et pour toujours. C’est un nouveau monde qui s’ouvre à nous.

M. Bernard Deflesselles. Prédicateur !

M. Yves Cochet. Je reviens, donc, à la TIPP flottante. Lorsque, à terme, les variations de cette taxe s’équilibrent, ce système peut être valide. Mais dorénavant, ce ne sera plus le cas. Par conséquent, cela ne sert à rien.

Deuxièmement, l’exposé des motifs de votre proposition de loi affirme, en substance – et c’est quelque chose que l’on entend parfois dans d’autres domaines – que l’État s’en met plein les poches quand le prix de l’essence à la pompe augmente. Hélas, c’est faux.

Je crois que M. le secrétaire d’État l’a dit, mais je voudrais donner un chiffre encore plus récent. Non seulement, d’une manière générale, lorsque les prix augmentent, il y a une petite élasticité de la demande, qui baisse un peu, de sorte que si les recettes de TVA augmentent, celles de TIPP baissent, mais en plus, cette année, sur les neuf premiers mois de 2007, les recettes de TVA ont même baissé.

Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas que le carburant, il y a aussi le fioul domestique. Or, nos concitoyens, à juste titre, considèrent qu’il faut réserver le pétrole aux usages les plus nobles, la pétrochimie, les lubrifiants, et les transports. Brûler du pétrole pour faire de la chaleur ou de l’électricité, c’est totalement idiot. Nos concitoyens ont donc remplacé leurs chaudières à fioul par des chaudières à charbon. Du coup, les ventes de fioul domestique ont énormément baissé : moins 20 % ! Par conséquent, même les recettes de TVA ont baissé cette année : sur les neuf premiers mois de l’année, moins 654 millions d’euros de rentrées fiscales. On ne peut donc pas dire que l’État s’en met plein les poches parce que le pétrole augmente.

Nous pouvons discuter entre nous, chers collègues socialistes, puisque nous sommes dans l’opposition. Supprimez l’article 2 si jamais, comme je le souhaite, et vous aussi, nous passons à la discussion des articles.

Un problème de pouvoir d’achat se pose évidemment. Mais dans le monde qui vient, il ne faut pas croire que l’énergie et le pétrole constituent une sorte de secteur off shore, le seul où il y aurait un peu d’inflation tandis qu’il en irait différemment dans les autres secteurs.

Je ne prendrai qu’un seul exemple. Vous avez vu les manifestations des marins pêcheurs il y a environ un mois, au Guilvinec et ailleurs.

M. Frédéric Cuvillier. Eh oui !

M. Yves Cochet. Pourquoi ces manifestations ? Parce qu’ils ont des chalutiers de 900 chevaux. Vous imaginez les bécanes ? Lorsqu’ils sortent pour quinze jours, ils mettent 40 000 litres de fioul halieutique pour faire tourner le moteur et ramener les poissons.

M. Bernard Deflesselles. Conclusion, il faut leur donner des barcasses, et qu’ils rament !

M. Yves Cochet. Alors, évidemment, quand le fioul augmente, ils sont malheureux, les marins pêcheurs, il faut les comprendre. Bien entendu, il faut être solidaire des plus pauvres et des plus défavorisés. Vous l’êtes, camarades socialistes, et nous aussi, bien entendu.

Qu’a fait le ministre de l’agriculture et de la pêche ? M. Barnier a proposé de défiscaliser le fioul halieutique des marins pêcheurs, mais avec répercussion sur le prix du poisson.

M. Frédéric Cuvillier. Eh oui ! Encore un mensonge de M. Sarkozy !

M. Jean-Marc Lefranc. C’était la seule solution à court terme !

M. Yves Cochet. La conséquence sera une propagation de l’inflation énergétique dans le domaine alimentaire. Vous avez vu hier qu’en Allemagne, le prix du litre de lait a augmenté de 25 % en un an. Le pain augmente, comme le lait, le beurre, les poissons. L’inflation énergétique va donc se propager d’abord au transport, puis à l’alimentation, au tourisme. Et d’une certaine manière, elle va être générale.

Face à cette inflation difficile à contenir, car elle dépend de marchés mondiaux, les mesures politiques volontaristes en vue de rattraper le pouvoir d’achat suffiront-elles ? Celles proposées par le groupe socialiste sont bonnes, sauf une. Je suis donc évidemment favorable à sa proposition de loi. Mais il est possible que cela ne suffise pas.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Cochet.

M. Yves Cochet. Par conséquent, la grande question sur laquelle nous devons réfléchir – parce que, hélas, je n’attends pas de miracle de la part du Président de la République –, c’est de savoir comment résister à cette inflation.

Les périodes de turbulence, les périodes les plus difficiles sont devant nous. Le volontarisme de M. Sarkozy, qui disait : « Les 3 % de croissance l’an prochain, en 2008, j’irai les chercher avec les dents », n’est hélas qu’une illusion.

Vivez dans le monde réel, camarades de la majorité, et adoptez les propositions du groupe socialiste, sauf une. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Marc Vampa, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Patrick Roy. Il va nous parler des franchises médicales ! À moins qu’il ne veuille pas parler de ce qui intéresse les Français !

M. Marc Vampa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la consommation et du tourisme, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues,…

M. Patrick Roy. Jusqu’ici, ça va !

M. Marc Vampa. …le pouvoir d’achat a été l’un des débats centraux de la campagne présidentielle.

M. Patrick Roy. Eh oui ! Et quelle déception !

M. Marc Vampa. Cette question est au centre des préoccupations des consommateurs, des entreprises et des pouvoirs publics. Les Français attendent de nous un réel travail sur ce dossier.

M. Frédéric Cuvillier. En effet, ils attendent !

M. Patrick Roy. Ils attendent, et ils attendent, et ils attendent encore. Et ne voient rien venir !

M. Bernard Deflesselles. En tout cas, ils ne vous attendent pas, chers collègues socialistes !

M. Marc Vampa. Ils attendent des propositions concrètes.

Ainsi, le groupe Nouveau Centre regrette qu’une question aussi fondamentale soit abordée d’une manière aussi caricaturale.

Le Nouveau Centre souhaite deux choses.

M. François Hollande. De l’argent pour le Nouveau Centre !

M. Marc Vampa. D’une part, aucune mesure en faveur du pouvoir d’achat ne doit entraîner une dégradation supplémentaire de nos comptes publics.

M. François Hollande. Et il y a de l’argent en Polynésie !

M. Marc Vampa. D’autre part, la relance du pouvoir d’achat n’aura un impact positif en termes de croissance qu’à la condition qu’elle s’accompagne d’une amélioration de notre compétitivité.

M. Frédéric Cuvillier. Il ne croit même pas à ce qu’il dit ! Allons, un peu de conviction, cher collègue !

M. Marc Vampa. Compte tenu de la situation dégradée de nos finances publiques et du rôle central joué par l’entreprise dans la répartition primaire des revenus, les mesures contenues dans cette proposition de loi socialiste…

M. Patrick Roy. Sont excellentes !

M. Marc Vampa. …sont irréalistes et contre-productives. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Verchère. Comme d’habitude !

M. Marc Vampa. Il en est ainsi de la proposition de taxer les profits des compagnies pétrolières. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Les profits étant réalisés sur le lieu de production,…

M. Frédéric Cuvillier. Plutôt sur le dos des consommateurs !

M. Marc Vampa. …toute surtaxation serait contreproductive et risquerait de provoquer des délocalisations.

M. Henri Emmanuelli. Treize milliards, c’est une misère !

M. Marc Vampa. Quant à l'instauration de la TIPP flottante, elle avait entraîné pour les collectivités publiques d'importantes pertes de recettes fiscales jusqu'alors compensées par une hausse de la TVA sur les carburants. Or, à l'heure actuelle, cette compensation n'existe plus puisque les recettes de TVA sur les carburants diminuent également. Ainsi, en dix mois, les pertes de recettes liées à la TIPP flottante s'élèvent à 646 millions d’euros et devraient atteindre plus de 800 millions sur l'année.

M. Henri Emmanuelli. Il ne fallait pas distribuer 15 milliards, alors !

Mme Marie-Louise Fort. N’importe quoi !

M. Marc Vampa. La cause principale de cette évolution réside dans la chute de 20 % de la consommation de fioul domestique.

Plus globalement, la baisse de la fiscalité sur les carburants n'est pas judicieuse : nos finances publiques ne pourraient soutenir un manque à gagner supplémentaire.

M. Patrick Roy. Et comment va-t-on financer les 15 milliards gaspillés !

M. Marc Vampa. En effet, l'État devrait en supporter le coût, ce qui alourdirait encore le poids de la dette publique dans la richesse nationale.

M. Henri Emmanuelli. Cela ne vous fait pas peur !

M. Patrick Roy. Pour la richesse de quelques-uns !

M. Marc Vampa. Enfin, le chèque transport serait financé par toutes les entreprises sur le principe de la contribution des employeurs à la carte orange en Île-de-France. Une telle mesure affecterait la compétitivité de nos entreprises, et aboutirait à l’inverse du résultat recherché, à savoir à une baisse du pouvoir d'achat. Toute distribution de pouvoir d'achat artificielle se retournera contre l'emploi. Si l'on augmente brutalement le prix du travail, on fera disparaître encore des emplois.

Cette proposition de loi est donc davantage marquée du sceau de l'idéologie que de celui du pragmatisme.

M. Michel Sapin. On se demande qui est le sot !

M. Marc Vampa. Afin d'apporter une contribution claire et constructive au débat sur le pouvoir d'achat, le groupe Nouveau Centre souhaite faire quelques propositions concrètes.

M. François Hollande. C’est Soisson qui a écrit votre discours ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Marc Vampa. En premier lieu, les récentes lois adoptées comportent des mesures positives pour le pouvoir d’achat : la détaxation des heures supplémentaires de la loi TEPA de juillet dernier, ou encore la gratuité du temps d'attente et la non-surtaxation des hotlines de la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Le Nouveau Centre souhaite également libérer l'épargne salariale, en la rendant plus fluide et davantage mobilisable par les ménages. Il apparaît aussi nécessaire d’inciter à la modération des tarifs publics, surtout au vu des résultats d'exploitation d'EDF et de GDF. Notre groupe est convaincu que seule une amélioration de la productivité des entreprises publiques permettra une véritable stabilisation des tarifs publics.

M. Henri Emmanuelli. C’est grotesque ! Avez-vous vu les bénéfices de GDF ?

M. Marc Vampa. Enfin, la clé absolue pour relancer le pouvoir d'achat, c'est d'améliorer la compétitivité des entreprises. Dépense publique et prélèvements obligatoires sont également au cœur de cette problématique. Ainsi, sans un surcroît de compétitivité, une relance du pouvoir d'achat aboutirait à une hausse des importations.

M. Frédéric Cuvillier. C’est incroyable, il est contre le pouvoir d’achat ! Diffusez votre texte dans votre circonscription !

M. Marc Vampa. Il est nécessaire d'intensifier les efforts en recherche-développement, de renforcer l’attractivité de notre territoire, de mettre en place un Small Business Act à la française,…(Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Henri Emmanuelli. Oh !

M. Marc Vampa. …et d'améliorer notre positionnement sur les produits à très forte valeur ajoutée. Cela permettra d'augmenter nos exportations et d'améliorer notre balance commerciale.

M. Frédéric Cuvillier. Vous ne croyez même pas à ce que vous racontez !

M. Marc Vampa. Celle-ci est dans un état déplorable, accusant un déficit de 30 milliards d'euros cette année.

M. Patrick Roy. À qui la faute ?

M. Marc Vampa. Nos parts de marché reculent dans le monde, mais aussi en Europe.

En conclusion, le Nouveau Centre estime qu’il est nécessaire à court terme de mettre en œuvre tout un arsenal de mesures propres à desserrer la contrainte des ménages.

M. Patrick Roy. Le Nouveau Centre, c’est surtout la nouvelle droite !

M. Marc Vampa. Il faut réussir à baisser les prix secteur par secteur : dans les télécoms, les banques, le logement et les agences immobilières. À long terme, notre pays a besoin de gagner en compétitivité et de créer les conditions qui permettront d'accélérer la croissance économique.

M. Henri Emmanuelli. Cent milliards de bénéfices au CAC 40 !

M. Marc Vampa. Le partage entre salaires et profits devra être plus favorable aux salariés.

M. Jérôme Lambert. C’est bien de le dire, mais c’est mieux de le faire !

M. Marc Vampa. Enfin, il ne faut pas oublier que le pouvoir d'achat des Français passe aussi, et avant tout, par une réduction ciblée des dépenses publiques et par une meilleure gouvernance de l’État.

M. Michel Sapin. Avec 15 milliards de dépenses supplémentaires !

M. Marc Vampa. Vous le voyez, la question du pouvoir d'achat est complexe, lourde et essentielle pour chacun de nos compatriotes. C'est pourquoi le Nouveau Centre ne peut que regretter la démagogie socialiste (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…

Mme Annick Lepetit. Nous vous renvoyons le compliment !

M. Marc Vampa. …sur un thème où chacun d'entre nous devrait s’appliquer à faire des propositions réalistes et constructives. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Pour notre part, nous faisons au moins trois propositions sérieuses qui relanceraient le pouvoir d'achat sans dégrader nos finances publiques. (« Excellent ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Des propositions ? On vous écoute !

M. Marc Vampa. Parce que la croissance économique et la réduction de l'endettement public vont de pair, le Nouveau Centre est en désaccord avec les mesures présentées par le groupe socialiste et votera donc … (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. Il l’a dit !

M. François Hollande. C’est la meilleure des propositions !

M. Marc Vampa. Je reprends ma dernière phrase pour qu’il n’y ait pas d’équivoque : le Nouveau centre votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Patrick Roy. Il va nous parler des franchises médicales, de la TVA,…

M. le président. Monsieur Roy !

M. Patrick Roy. …des petites retraites, des prix qui explosent, des fruits et légumes qui s’envolent…

M. le président. Monsieur Roy, « grand diseux, petit faiseux », comme on dit dans le Nord. Baissez un peu le ton ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Frédéric Lefebvre. Bien dit, monsieur le président !

M. Jean Roatta. On n’est pas au conseil général, Emmanuelli !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, quand j’ai su que le groupe socialiste inscrivait pour sa séance d’initiative parlementaire une proposition de loi sur le pouvoir d’achat, je me suis dit qu’il se passait quelque chose.

M. Patrick Roy. Ça commence bien !

M. Frédéric Lefebvre. Les observateurs sont unanimes, et vous le dites vous-mêmes entre vous : depuis des mois, le PS ne propose plus rien.

M. Henri Emmanuelli. Occupez-vous de vos affaires !

M. Frédéric Lefebvre. Je salue donc ce matin vos treize propositions.

M. Henri Emmanuelli. Mieux que les apôtres !

M. Frédéric Lefebvre. Cependant, après les avoir lues dans le détail, j’ai dû me résoudre à l’évidence : il ne s’est rien passé du tout,…

M. Henri Emmanuelli. Pauvre garçon !

M. Frédéric Lefebvre. …même si l’UMP ne peut qu’être d’accord avec certaines des pistes que vous proposez. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Catherine Coutelle. Vous voterez notre proposition de loi alors !

M. Frédéric Lefebvre. Mais je voudrais vous rafraîchir la mémoire : si les salaires sont plus bas en France que dans les pays européens comparables, c’est notamment à cause des 35 heures. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Hollande. Quand ont-elles été votées ?

M. Frédéric Lefebvre. Le PS se découvre subitement une vocation à augmenter le pouvoir d’achat. Or vous savez bien que vous portez une lourde responsabilité dans la stagnation des salaires.

M. Patrick Roy. Et les salaires des grands patrons ?

M. Henri Emmanuelli. Cent milliards au CAC 40 !

M. Frédéric Lefebvre. En 1999 et 2000, lorsque vous avez engagé la réforme des 35 heures, notre croissance était inespérée – entre 3 % et 4 %. Et malgré cela, tous les salaires ont chuté de 1 % en moyenne sur deux ans.

M. Yves Cochet. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Migaud !

M. Frédéric Lefebvre. C’était normal puisque, en décidant les 35 heures, vous aviez pris la décision de bloquer les salaires. Quelle erreur ! Et notre pays la paie encore.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Lefebvre, puis-je vous interrompre ?

M. le président. Monsieur Emmanuelli, les membres du groupe SRC se sont exprimés longuement. Laissez parler l’orateur de l’UMP.

M. Henri Emmanuelli. Cela se fait de demander à interrompre l’orateur, monsieur le président. S’il savait de quoi il parle, il accepterait !

M. Frédéric Lefebvre. Vous vous réveillez enfin et nous ne pouvons pas vous en blâmer. Vous avez souhaité que l’on discute proposition par proposition. Je vais m’y efforcer, en abordant même des sujets que vous nous reprochiez d’éviter.

M. Patrick Roy. C’est un discours idéologique !

M. Frédéric Lefebvre. Vous voulez taxer le prétendu superprofit des compagnies pétrolières.

M. Patrick Roy. Pas « prétendu », superprofit tout court !

M. Frédéric Lefebvre. Vous ne faites que donner aux Français l’illusion de la vérité : c’est une mesure d’affichage. Il serait plus intéressant économiquement de regarder le taux de profit ou le retour sur investissement du groupe Total, puisque vous ne visez que lui. Avec un chiffre d’affaires de 154 milliards d’euros en 2006, son taux de profit s’établit à 8 %. Ce n’est pas si exceptionnel. D’autres secteurs dégagent des marges nettes plus considérables : 29 % pour l’entreprise pharmaceutique Roche, 8,2 % pour Renault, 16,2 % pour LVMH. Selon certains analystes financiers, le chiffre d’affaires de Total est même en baisse.

M. Jean Launay, rapporteur. On va pleurer !

M. Frédéric Lefebvre. Chers collègues socialistes, il faut voir le monde réel. Le monde économique ne fait pas de cadeau, la concurrence règne à tous les niveaux. Le groupe Total ne vit pas dans un système fermé. Vous oubliez les récentes consolidations européennes des grandes entreprises françaises, qui ont bouleversé les dimensions économiques. Vous devriez vous souvenir…

M. Henri Emmanuelli. Je me souviens que nous faisions un point de plus !

M. Frédéric Lefebvre. …que M. Fabius et M. Strauss-Kahn avaient privilégié les discussions et les négociations avec les entreprises pétrolières, comme Christine Lagarde le fait actuellement. Vous avez décidément perdu la mémoire !

La fusion entre Total et Elf a permis de construire un champion mondial que vous voulez affaiblir aujourd’hui. Regardez la réalité : le marché du pétrole est devenu mondial et très concurrentiel, M. Cochet l’a rappelé à l’instant.

M. Yves Cochet. Total rachète ses propres actions et distribue les dividendes ! C’est scandaleux !

M. Frédéric Lefebvre. Je vais bientôt vous rendre hommage, monsieur Cochet. (Sourires.)

La demande de pétrole est telle que les capacités mondiales sont saturées. Depuis quinze ans, Total a choisi d’investir en priorité en exploration-production. À l’époque, ce choix n’était pas évident. Qui aurait dit alors qu’il y aurait un jour un groupe pétrolier français parmi les cinq premiers mondiaux ? Vous le savez, la France n’a pas le droit de taxer les revenus et les investissements à l’étranger. Taxer les compagnies pétrolières reviendrait donc à taxer Total.

M. Henri Emmanuelli. Total est sous le régime des bénéfices mondiaux, vous ne le savez peut-être pas ?

M. Frédéric Lefebvre. Vous voulez taxer sans comprendre la réalité économique. Au reste, comprenez-vous la réalité tout court ? Taxer, vous n’avez que ce mot à la bouche. Cela résonne d’ailleurs curieusement dans une proposition de loi sur le pouvoir d’achat. Le groupe Total fait des profits indispensables à l’investissement.

M. Frédéric Cuvillier. Vous êtes le député de Total ?

M. François Hollande. C’est la brochure du groupe que vous nous lisez ?

M. Jérôme Chartier. Laissez-le parler !

M. Frédéric Lefebvre. Il y a une vraie culture de partage dans ce groupe, où l’actionnariat salarié est érigé comme principe moteur de la productivité.

M. François Hollande. Quel monde parfait !

M. Frédéric Lefebvre. Puisque vous vous intéressez aux profits, intéressez-vous aussi à leur distribution : BP a vendu tous ses actifs en France et Shell est en train de le faire. Ne faites pas fuir les grandes entreprises ! Les entreprises liées au pétrole emploient 70 000 personnes dans notre pays.

M. François Hollande. Gantier est revenu ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre. Il faut voir la réalité en face : l’important est que les grandes entreprises gardent leur siège social en France et y paient des impôts.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Tout à fait !

M. Frédéric Lefebvre. Si une telle mesure était efficace, elle aurait mérité d’être débattue. Mais c’est de la poudre aux yeux et elle doit être écartée !

M. Patrick Roy. L’important pour la droite c’est de protéger les grands pétroliers ! C’est scandaleux !

M. Bernard Deflesselles. Roy, à la maison !

M. Yves Censi. Roy se croit à l’opéra !

M. Frédéric Lefebvre. Vous voulez instaurer un mécanisme de lissage des hausses brutales du prix du pétrole – votre fameuse TIPP flottante. J’y reviens, même si M. Cochet a déjà parfaitement expliqué combien cette proposition était absurde et démagogique. Quelle est la situation ? Les cours du baril de pétrole brut sont en progression régulière.

M. Jean-Marc Ayrault. Plutôt que de la lire, donnez-nous la brochure, ce sera plus simple !

M. Frédéric Lefebvre. Cette progression entraîne l’augmentation des prix des carburants, amortie en partie par l’appréciation de l’euro face au dollar…

M. Henri Emmanuelli. Caricature !

M. Frédéric Lefebvre. De votre part, monsieur Emmanuelli, c’est plutôt drôle !

Les prix français restent inférieurs à la moyenne européenne : le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie sont bien au-dessus.

Quelle est la priorité du Gouvernement ? Si la hausse observée est significative, le budget des ménages en est cependant moins affecté qu’il a pu l’être par le passé.

M. Jean Launay, rapporteur. Nous ne connaissons pas les mêmes ménages !

M. Frédéric Lefebvre. Sur les vingt dernières années, la part du budget des ménages consacrée au carburant est passée de 4,5 % à 3,5 %. Face à ces hausses du prix du carburant, le Gouvernement a engagé des actions de court terme et de long terme.

M. Henri Emmanuelli. Rien du tout !

M. Frédéric Lefebvre. Les actions de court terme reposent sur la transparence de la fiscalité et la concurrence. Les conclusions des rapports successifs de la commission présidée par M. Bruno Durieux sur les prix de l’énergie – dans laquelle siègent des membres de l’opposition, notamment M. Cochet – sont sans appel sur la TIPP flottante. D’ailleurs, j’ai vu récemment M. Cochet expliquer à la télévision combien il était difficile d’appliquer un dispositif aussi absurde. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Cochet. C’est vrai !

M. Bernard Deflesselles. Cochet, avec nous !

M. Jean-Claude Flory. Seul le groupe socialiste n’a pas compris !

M. Frédéric Lefebvre. Les recettes de TIPP de l’État diminuent chaque année sans être compensées par l’augmentation de la TVA. M. Cochet a même dit que la TVA n’était pas au rendez-vous sur les neuf premiers mois de l’année. Bon an mal an, la perte annuelle de fiscalité sur les produits pétroliers a en moyenne été de 300 millions d’euros pour l’État. Si le produit de la TVA augmente, celui de la TIPP baisse plus vite, et vous le savez très bien ! Mais c’est tellement plus facile de cacher la vérité aux Français !

M. Henri Emmanuelli. Cela fait six ans qu’ils attendent la vérité !

M. Frédéric Lefebvre. J’en viens aux actions concernant la concurrence. Il est important, dans ce cadre, de s’assurer que les marges pratiquées par les différents acteurs de la chaîne ne s’envolent pas au détriment du consommateur.

M. Pierre Lequiller. Tout à fait !

M. Frédéric Lefebvre. C’est le rôle du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi. Tous les ministres successifs l’ont assumé : Dominique Strauss-Kahn l’a assumé, Laurent Fabius l’a assumé, Christine Lagarde l’assume.

M. Patrick Roy. À vélo ! (Rires.)

M. Frédéric Lefebvre. Il faut rappeler que le contexte français de la distribution de carburants est très concurrentiel, en particulier depuis l’arrivée sur le marché des grandes surfaces. Ici aussi, la comparaison européenne est avantageuse.

M. Patrick Roy. La mise en avant des marges arrière !

M. Frédéric Lefebvre. Les marges pratiquées en France par les distributeurs sont parmi les plus faibles d’Europe. Le Gouvernement encourage les consommateurs à faire jouer la concurrence à travers un site internet – www.prix-carburants.gouv.fr –, qui permet de connaître les prix pratiqués par plus de 80 % des stations-service sur le territoire.

M. Henri Emmanuelli. Je comprends pourquoi ils n’ont pas voulu de vous à l’Élysée !

M. Frédéric Lefebvre. Les différences de prix peuvent être importantes et atteindre parfois jusqu’à 20 %. La fréquentation du site internet a explosé ces dernières semaines, ce qui montre qu’il répond à une demande des Français.

M. Yves Cochet. C’est marginal !

M. Frédéric Lefebvre. Le Gouvernement a également mis en place des actions à moyen et à long terme, ayant pour but de réduire notre dépendance au pétrole.

Préparer le long terme, c’est limiter la dépendance de notre pays aux hydrocarbures.

M. Yves Cochet. Oui !

M. Frédéric Lefebvre. À cet égard, je suis heureux, monsieur Cochet, de vous voir saluer le rôle du Grenelle de l’environnement, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo.

Le Gouvernement prend ses responsabilités. Le Grenelle de l’environnement en est la preuve. C’est pourquoi nous devons maîtriser notre consommation…

M. Yves Cochet. Il faut la réduire !

M. Frédéric Lefebvre. …et donc nos comportements, et pour cela privilégier, quand c’est possible, les moyens de transports alternatifs.

M. Yves Cochet. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre. En conclusion du Grenelle de l’environnement, le Président de la République a annoncé un vaste chantier visant à améliorer l’efficacité énergétique.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas financé ! Il n’y a rien dans le budget !

M. Frédéric Lefebvre. Ce n’est pas pour tout de suite.

Monsieur Ayrault, je vais vous donner une idée pour traiter la question de la dépendance au pétrole à moyen terme. Et vous allez pouvoir l’appliquer immédiatement.

M. Henri Emmanuelli. Nous aussi, nous pouvons vous donner des idées !

M. Frédéric Lefebvre. La mise en place de la TIPP flottante entre le 1er octobre 2000 et le 31 juillet 2002 avait coûté 2,7 milliards d’euros pour n’avoir finalement qu’un impact limité sur le consommateur, puisque celui-ci n’avait bénéficié que de 1,5 centime d’euro par litre.

Depuis 2004, vingt régions sur vingt-deux – vous les connaissez bien, monsieur Ayrault, puisque c’est le parti socialiste qui est à la tête de ces vingt régions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) – ont augmenté la TIPP qu’elles perçoivent sur l’essence. Depuis 2004, 2 milliards d’euros sont ponctionnés par les régions sur le pouvoir d’achat des Français. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est scandaleux !

M. Frédéric Lefebvre. La TIPP prélevée par les régions a augmenté entre 2006 et 2007 de 317 %. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), en passant de 398 millions d’euros à 1,6 milliard d’euros, après une hausse de 319 % entre 2005 et 2006.

M. Franck Gilard. C’est l’arroseur arrosé !

M. François Hollande. La faute à qui ?

M. Frédéric Lefebvre. Camille Rocca-Serra, lui, ne s’est évidemment pas prêté à ces augmentations sans précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez effectivement l’applaudir.

M. Philippe Martin. Vous êtes des bandits de grand chemin ! Vous ne financez pas les transferts !

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur Martin, je vais reprendre les propos de quelqu’un que vous connaissez bien.

M. Alain, Rousset président de l’association des régions de France, disait : « Maintenant que la hausse a eu lieu et qu’elle a été au maximum pour la plupart des régions, celles-ci ne pourront plus toucher à leur fiscalité pétrolière, sauf à la baisser, ce qui signifie que, désormais, partout en France, les baisses de prix seront répercutées de façon uniforme. »

J’ai une proposition à vous faire.

M. François Hollande. Donnez de l’argent aux régions !

M. Frédéric Lefebvre. Vous, qui vous intéressez aux carburants, vous pourrez mettre cette proposition en place dès demain. Que tous les présidents de région se réunissent et décident de baisser la part régionale de fiscalité de la TIPP et de supprimer toutes les taxes créées depuis 2004 !

M. Philippe Martin. Compensez les transferts de charges !

M. Frédéric Lefebvre. Depuis 2004, les impôts ont augmenté dans les régions de 41 % en moyenne. (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Franck Gilard. Et les socialistes veulent nous donner des leçons !

M. Frédéric Lefebvre. Je parle sous le contrôle de Roger Karoutchi. Nous sommes bien placés, dans la région Île-de-France, pour voir la manière dont vous augmentez les impôts.

M. Philippe Martin. Donnez de l’argent aux régions !

M. Frédéric Lefebvre. Depuis 2007, vous avez augmenté la TIPP dans les régions de dix centimes d’euro en moyenne.

Vous procédez à des augmentations dans les régions de dix centimes d’euro, alors qu’avec la TIPP flottante, que vous n’avez appliquée qu’une année, le mieux qu’on ait pu obtenir c’est 1,5 centime de moins.

M. Jean-François Copé. Faramineux !

M. Franck Gilard. La comparaison est toujours douloureuse, camarades !

M. Claude Goasguen. Les socialistes sont incompétents !

M. Frédéric Lefebvre. Et vous osez faire croire aux Français que, si vous étiez au Gouvernement, vous baisseriez la TIPP ! Ne prenez pas les Français pour des imbéciles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dites la vérité ! Vous voulez rétablir la TIPP flottante, pour faire baisser les taxes sur l’essence.

Je vais citer quelqu’un qui n’est pas présent – j’ai vu que de nombreuses personnalités du parti socialiste étaient là, mais il manque Laurent Fabius.

M. Franck Gilard. Il est sur le départ !

Mme Catherine Génisson. Il n’est pas à vos ordres !

M. Frédéric Lefebvre. Je vais citer ses propos sur la TIPP flottante : « Vu la situation, nous avons stabilisé la TIPP et, par ailleurs, alors que, par un mécanisme complexe, je vous le concède,… » – il parle de la TIPP flottante – « …il aurait dû y avoir un rattrapage du bonus, nous n’avons pas procédé à ce rattrapage afin de ne pas pénaliser les consommateurs. » Cherchez l’erreur ! Vous votez la TIPP en 2000, et voilà ce que dit M. Fabius en 2001.

Il ajoute : « Nous avons demandé et nous continuons de demander qu’il y ait un accord entre les consommateurs et les producteurs sur un prix raisonnable. »

M. François Hollande. C’est normal !

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez raison, monsieur Hollande, c’est normal. Toutefois, vous auriez dû le dire quand Mme Lagarde a réuni à Bercy les producteurs et les distributeurs le 10 novembre, exactement comme l’avaient fait à leur époque M. Strauss-Kahn et M. Fabius.

Les distributeurs se sont engagés à ne pas tirer partie des hausses.

M. François Hollande. Où est l’accord ?

M. Henri Emmanuelli. Qu’est-ce que cela veut dire, monsieur Lefebvre ?

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez vous-même condamné la TIPP flottante et vous aviez raison.

Vous devez retirer cette proposition de loi absolument ridicule. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur Cochet, si j’ai bien compris, vous voulez supprimer cette proposition.

M. Yves Cochet. Nous sommes d’accord ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Lefebvre. Je vais venir aux autres propositions, parce que là nous venons parler de la TIPP flottante.

M. Yves Cochet. C’est le plus intéressant !

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez dit que vous vouliez majorer de 50 % la prime pour l’emploi, alors que c’est notre majorité qui l’a fait. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

La prime a augmenté de 50 % depuis 2002 pour 4 millions de foyers proches du SMIC à temps plein…

M. François Hollande. La TIPP, c’est fini ?

M. Frédéric Lefebvre. …et de 90 % pour les deux millions de personnes qui travaillent à mi-temps. Mais je reviendrai tout à l’heure sur la PPE.

Vous voulez un chèque transport pour les salariés. C’est évidemment une bonne idée, puisque c’est la nôtre ! (Sourires.) Malheureusement, elle n’est pas applicable en l’état car les entreprises ne savent pas faire. En tout cas, nous, nous avons permis aux fonctionnaires de bénéficier d’un système équivalent. Un décret du 22 décembre 2006 permet aux agents utilisant les transports collectifs pour se rendre sur leurs lieux de travail de bénéficier d’une prise en charge allant jusqu’à 50 % de leur abonnement.

Mme Catherine Coutelle. Absolument ! C’est sur leur feuille de paie !

M. Frédéric Lefebvre. Merci de nous rendre hommage !

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2007. Je propose que les partenaires sociaux, puisque c’est eux – syndicats et entreprises – qui savent le mieux appliquer ce dispositif, …

M. Henri Emmanuelli. C’est une loi !

M. Frédéric Lefebvre. …discutent de la faisabilité d’un système de soutien au transport dématérialisé, …

M. Henri Emmanuelli. Jusqu’en 2012 !

M. Frédéric Lefebvre. …puisque c’est là-dessus que nous avons des difficultés, qui privilégierait les transports en commun.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre. Je vous remercie de nous soutenir, une fois de plus. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Vous voulez l’encadrement des loyers, alors qu’il existe avec l’indice de référence, qui oblige un bailleur à ne pas augmenter au-delà de cet indice. Je ne vais évidemment pas vous reprocher de réfléchir à des pistes qui soulageraient le budget des ménages, puisque la part de celui-ci consacrée au logement représente 20 % du total, ce qui est très lourd.

M. Henri Emmanuelli. Pour certains, c’est bien plus !

M. Frédéric Lefebvre. C’est d’ailleurs pour cela que le Gouvernement a revalorisé l’APL et a multiplié le nombre de ses bénéficiaires.

Dans le groupe de travail que j’anime avec Jérôme Chartier, nous cherchons des idées.

M. Henri Emmanuelli. Vous n’avez pas de bonnes idées !

M. Frédéric Lefebvre. Marc-Philippe Daubresse, qui préside notre séance, y participe également. Il nous faut trouver un juste équilibre entre propriétaires et locataires. Faut-il jouer sur les dépenses liées aux charges, au chauffage ? Toutes ces questions se posent, nous devons nous les poser.

M. Patrick Roy. Il faut des réponses !

M. Frédéric Lefebvre. Je vais prendre les propositions, une par une, y compris celles qui ne figurent pas dans la proposition de loi, puisque vous avez annoncé sur toutes les radios qu’il fallait discuter toutes les propositions du parti socialiste sur le pouvoir d’achat.

Vous voulez retourner au tarif réglementé d’électricité et de gaz. Je vous signale, puisque, visiblement, vous n’avez pas eu au téléphone vos amis sénateurs, qu’une proposition de loi de l’UMP tendant à autoriser les consommateurs particuliers à revenir au tarif réglementé d’électricité vient d’être voté en première lecture au Sénat. Nous l’examinerons ici dès le mois de décembre. Nous devons tous nous pencher sur ce texte. Je ne doute pas que le parti socialiste prendra sa part dans ces discussions.

M. Henri Emmanuelli. On travaille sur ce sujet en commission depuis deux ans !

M. Frédéric Lefebvre. Vous voulez que les aides des entreprises soient conditionnées à des négociations sur les salaires. Vous êtes donc d’accord avec l’UMP…

M. François Hollande. Ce n’est pas la proposition de loi !

M. Frédéric Lefebvre. …qui propose un bonus- malus. Donc, vous soutenez la démarche engagée par Christine Lagarde et Xavier Bertrand, dès le 23 octobre dernier – nous en prenons acte, c’est une bonne nouvelle –…

M. Henri Emmanuelli. Arrêtez vos pitreries !

M. Frédéric Lefebvre. …qui ont mis cette idée sur la table des négociations.

Le Gouvernement vient d’ailleurs de montrer la voie, en utilisant ce système pour progresser dans l’égalité salariale homme-femme. J’attends encore, monsieur Emmanuelli, les propositions du parti socialiste sur cette question.

M. Henri Emmanuelli. Je suis à votre disposition !

M. Frédéric Lefebvre. Dites que vous soutenez la démarche du Gouvernement. Il n’y a pas de honte !

Autre proposition : vous voulez un système de bonus-malus…

M. Jean-François Copé. Ils ont enfin compris le sens de l’expression !

M. Henri Emmanuelli. Baissez la TVA !

M. Frédéric Lefebvre. …pour inciter les entreprises à moins recourir au temps partiel et au travail précaire, alors que le travail partiel est parfois nécessaire à l’économie.

Comment allez-vous expliquer cela aux étudiants qui veulent travailler à temps partiel pour payer leurs études ? Je note au moins, par rapport à cette proposition, que vous progressez sur notre idée de bonus-malus.

M. François Hollande. Vous plaisantez ?

M. Frédéric Lefebvre. Je crois que nous pouvons tous nous en féliciter et vous remercier d’accomplir cet effort

M. Patrick Roy. C’est un bonus pour la gauche, un malus pour la droite.

M. Frédéric Lefebvre. Autre proposition : vous voulez une baisse des prix – François Hollande l’a répété à plusieurs reprises sur tous les médias –– dans la grande distribution, via une réforme des marges arrière.

M. Patrick Roy. La mise en avant des marges arrière !

M. Frédéric Lefebvre. Je me demande, avec Luc Chatel, pourquoi vous n’avez pas voté le projet de loi sur lequel nous avons discuté pendant plusieurs jours et qui constitue une avancée historique en la matière. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Je voudrais dire que sur ce texte, la majorité, comme le Gouvernement, a montré sa volonté de retenir les bonnes idées, d’où qu’elles viennent.

M. Jean Roatta. La gauche n’a pas beaucoup de bonnes idées !

M. Frédéric Lefebvre. Je voudrais d’ailleurs rendre hommage au président Didier Migaud, membre éminent du parti socialiste, qui préside avec beaucoup de talent et d’équilibre notre commission des finances. Vous pourriez au moins l’applaudir.

M. Philippe Martin. Il ne veut pas !

M. Frédéric Lefebvre. Il a fait adopter un amendement pour limiter le coût du renseignement sur le téléphone mobile. C’est important pour les consommateurs. La majorité l’a voté avec beaucoup de plaisir et d’entrain. Le Gouvernement l’a soutenu, avec le même plaisir et le même entrain.

M. Henri Emmanuelli. D’ailleurs, le pouvoir d’achat augmente, cela se voit !

M. Frédéric Lefebvre. Une bonne idée, d’où qu’elle vienne, doit être explorée, si elle va dans le sens d’une amélioration du pouvoir d’achat des Français. Vous voyez que notre démarche est ouverte.

D’ailleurs, j’ai vu que Gilles Carrez et Didier Migaud venaient de prendre une nouvelle initiative sur les œuvres d’art. Si tout le groupe socialiste suivait l’exemple de Didier Migaud et de quelques-uns d’entre vous, …

M. Michel Sapin. Il n’a pas besoin de vos compliments !

M. Frédéric Lefebvre. …je pense que vous ne seriez pas dans la situation dans laquelle vous êtes aujourd’hui. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Michel Sapin. C’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Frédéric Lefebvre. On nous a reproché tout à l’heure de ne pas parler des franchises médicales.

M. Patrick Roy. C’est la voix de son maître !

M. Frédéric Lefebvre. Il n’y a aucune raison de ne pas parler des vraies questions.

M. Patrick Roy. C’est une question qui fâche !

M. le président. Monsieur Roy, vous n’êtes pas sur un marché à la criée, mais à l’Assemblée nationale !

M. Frédéric Lefebvre. Vous voulez l’abandon des franchises médicales, alors que le Président de la République a fait de la lutte contre la maladie d’Alzheimer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), de la lutte contre le cancer et des soins palliatifs des priorités de son quinquennat.

À titre d’exemple, le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer s’élève à 850 000 et devrait dépasser les deux millions en 2040, compte tenu du vieillissement de la population.

M. Jean-Pierre Dufau. Qui va payer ?

M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Ne vous laissez pas impressionner, poursuivez !

M. Frédéric Lefebvre. Pour contribuer au financement de ces nouveaux besoins de santé publique – et les attentes de nos concitoyens sont considérables –, le Président de la République s’est engagé…

M. Frédéric Cuvillier. À taxer les malades.

M. Frédéric Lefebvre. ...lors de la campagne présidentielle, à instaurer des franchises médicales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

M. Frédéric Lefebvre. Afin de ne pas remettre en cause le principe de l’égal accès de tous aux soins, …

M. Henri Emmanuelli. Ben voyons !

M. Frédéric Lefebvre. …le Gouvernement, avec le soutien de la majorité (« Eh oui » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) a néanmoins veillé à ce que le montant de ces franchises reste modeste.

M. Patrick Roy. Il n’y avait personne en séance au moment du vote !

M. Jean Launay, rapporteur. Et l’année prochaine, il sera de combien le montant ?

M. Frédéric Lefebvre. Cinquante centimes d’euros par boîte de médicament et par acte paramédical.

Mme Catherine Coutelle. Jusqu’à quand ?

M. Frédéric Lefebvre. Deux euros pour les transports sanitaires et un plafonnement à cinquante euros par an. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Launay, rapporteur. Jusqu’à quand ?

M. Frédéric Lefebvre. Vous savez, quand on fait de la politique, il faut savoir faire preuve de courage et dire la vérité aux Français ! L’avoir fait pendant la campagne pour ne pas les prendre en traître nous honore. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Je suis fier d’appartenir à une majorité qui a compris qu’il ne fallait pas prendre les Français pour des imbéciles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Une majorité qui taxe les pauvres ! Qui les empêche de se soigner ! Il y a en effet de quoi être fier ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Roy, ça suffit ! Si vous continuez, je vous rappelle à l’ordre !

M. Henri Emmanuelli. Allez-y ! Faites-le ! Vous allez vous couvrir de gloire !

M. Frédéric Lefebvre. Si vous suiviez notre exemple, vous auriez peut-être une chance d’être à nouveau écoutés par les Français !

J’en reviens à vos propositions, et je n’ai pas l’intention d’éviter les sujets difficiles.

Vous voulez la fin de l’exonération de la redevance audiovisuelle pour les plus de soixante-cinq ans. En 2004, dans le cadre de la réforme de l’État, nous avons adopté un dispositif qui visait à simplifier la collecte de la redevance audiovisuelle.

M. Henri Emmanuelli. Allez leur expliquer !

M. Frédéric Lefebvre. Il a été décidé de l’aligner sur la collecte de la taxe d’habitation. Cette réforme a permis de rationaliser et de moderniser le mode de recouvrement de la redevance publique.

M. Henri Emmanuelli. Ben voyons !

M. Frédéric Lefebvre. Chacun en convient : un million de Français a été exonéré de redevance, mais 750 000 autres s’y sont vus soumis alors qu’ils ne l’étaient pas auparavant.

M. François Brottes. Ils sont contents !

M. Frédéric Lefebvre. Afin d’aménager une transition équitable pour cette population de contribuables, principalement composée de personnes de plus de soixante-cinq ans, la majorité UMP a accepté de prolonger, à titre transitoire pour trois ans, le bénéfice des anciennes exonérations pour les personnes qui étaient exonérées de redevance en 2004.

M. François Brottes. Et alors ?

M. Jean-Pierre Dufau. Zorro est arrivé !

M. Frédéric Lefebvre. Le groupe UMP vous l’a précisé hier en commission : il cherche des solutions. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Gilles Carrez, notre rapporteur général et Jérôme Chartier, le porte-parole de notre groupe sur le budget, y travaillent avec le Gouvernement.

M. François Brottes. Avec le doigt dans la porte !

M. Henri Emmanuelli. Vous ne craignez pas le ridicule, monsieur Lefebvre !

M. Frédéric Lefebvre. Contrairement à vous, l’affichage n’est pas notre style. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Michel Sapin. La communication non plus !

M. Frédéric Lefebvre. S’ils travaillent, c’est pour aboutir à des solutions.

Par ailleurs, vous demandez la mise en place de la class-action, et je ne doute pas que Luc Chatel va vous confirmer la volonté du Gouvernement – qu’il a réaffirmée il y a quelques jours dans cet hémicycle – d’engager cette réforme, qui fait actuellement l’objet d’une concertation avec nos voisins européens.

Mme Catherine Coutelle. Pourquoi ne l’acceptez-vous pas dès maintenant ?

M. Henri Emmanuelli. Il rame dur !

M. Frédéric Lefebvre. Cette réforme viendra : ne vous impatientez pas !

M. Frédéric Cuvillier. Il faudra sans doute encore un comité de réflexion !

M. Frédéric Lefebvre. Pour résumer,…

M. Henri Emmanuelli. Pour résumer, vous ramez !

M. Jean-Pierre Dufau. Voilà pourquoi ma fille est muette !

M. Frédéric Lefebvre. Il ne vous aura pas échappé que nous avons examiné toutes vos propositions, une par une ! Nous avons pris le temps de vous exposer nos arguments. Vous êtes donc mal placés pour dire que l’on n’en discute pas ! Nous avons même pris le soin d’aborder les propositions que vous n’avez pas eu le temps d’ajouter dans votre texte. Il y a eu un léger décalage entre l’impression du texte de la proposition de loi et celle du tract du parti socialiste, qui, je le signale au passage, a changé entre la version internet et la version papier ! Mais personne ne vous en veut !

M. Henri Emmanuelli. Vous avez réussi à être ridicule !

M. Frédéric Lefebvre. J’ai pour ma part essayé de reprendre l’ensemble des propositions du parti socialiste, présentées par François Hollande, par votre porte-parole, M. Le Foll, par M. Hamon et tous ceux que j’ai entendus pu entendre sur les radios.

Pour résumer, le groupe UMP est heureux de constater que le pouvoir d’achat semble enfin vous préoccuper.(Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean Launay, rapporteur. Cela a toujours été le cas !

M. Frédéric Lefebvre. C’est une bonne nouvelle.

M. Henri Emmanuelli. Vous n’êtes pas sérieux !

M. Frédéric Lefebvre. Il regrette néanmoins que vous vous soyez contentés de ressortir vos vieilles lunes ou de proposer des mesures que le Gouvernement a déjà engagées ou que la majorité a proposées.

M. Henri Emmanuelli. Vieilles lunes !

M. Frédéric Lefebvre. Pour le reste, même si vos premières propositions ne nous paraissent pas à la hauteur du défi – et je suis gentil de le dire en ces termes –,…

M. Franck Gilard. C’est vrai !

M. Frédéric Lefebvre. …nous espérons que, comme nous, vous allez continuer à réfléchir aux meilleures idées pour relancer le pouvoir d’achat dans notre pays.

Sachez que la majorité saura toujours vous tendre la main (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) : nous l’avons montré avant-hier en votant un certain nombre de vos amendements à la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, présentée par Luc Chatel.

Mme Frédérique Massat. Ah oui ? Lesquels ?

M. Frédéric Lefebvre. À l’initiative du président de notre groupe, Jean-François Copé, nous animons un groupe de travail sur ce thème avec mon collègue Jérôme Chartier.

M. Henri Emmanuelli. Un spécialiste !

M. Frédéric Lefebvre. Nous approfondissons les deux pistes ouvertes par l’UMP, dont le secrétaire général Patrick Devedjian s’est déjà, à plusieurs reprises, fait l’écho ainsi que nos porte-parole, Yves Jego et Nadine Morano.

M. Henri Emmanuelli. C’est à mourir de rire !

M. Frédéric Lefebvre. Le bonus-malus doit nous faire changer de logique économique. J’ai rencontré tous les syndicats, y compris SUD et la CGT, et, tous sont intéressés par notre proposition !

M. Jean Launay, rapporteur. Le président de séance attend votre conclusion avec impatience !

M. Frédéric Lefebvre. Le bonus-malus doit nous faire changer de logique économique, disais-je. Il faut donner plus pour soutenir plus efficacement les entreprises qui jouent le jeu du pouvoir d’achat et donner moins à celles qui refusent de jouer le jeu. Et jouer le jeu, cela veut dire mettre sur la table chaque année les augmentations de salaires sur la table des négociations.

M. Henri Emmanuelli. Et dans la fonction publique ?

M. Frédéric Lefebvre. C’est une idée simple, dont nous souhaitons que les partenaires sociaux se saisissent en pensant avant tout à l’intérêt des salariés…

M. Henri Emmanuelli. C’est nouveau !

M. Frédéric Lefebvre. …et à la productivité de nos entreprises. Il en va de la croissance de notre pays.

La pierre angulaire de toute politique crédible de relance du pouvoir d’achat – et je constate que je dois malheureusement vous le rappeler –, c’est le travail. Travailler plus pour gagner plus !

M. Henri Emmanuelli. Demandez à Chartier !

M. François Brottes. Même les retraités ?

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez essayé de faire croire au Français qu’on pouvait gagner autant et créer des emplois en travaillant moins. N’attendez pas de nous que nous leur fassions croire que d’un coup de baguette magique, on peut créer du pouvoir d’achat. Il faut mieux utiliser l’argent public.

M. Jean-Pierre Dufau. Pour le bouclier fiscal !

M. Frédéric Lefebvre. Nous ne voulons plus voir le scandale – je pèse mes mots – des 35 heures sur le plan financier (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)

M. Yves Cochet. Non, c’était bien. On devrait continuer !

M. Frédéric Lefebvre. …et ces milliards d’exonérations déversés dans l’économie et dans les grandes entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Alain Cousin. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre. On nous avait promis des emplois. Ils n’étaient pas au rendez-vous.

M. François Brottes. Ne ressortez pas les vieilles lunes !

M. Yves Cochet. Plus de 300 000 emplois ont été créés !

M. Frédéric Lefebvre. La seule chose qui a été au rendez-vous a été la baisse des salaires, et vous l’avez payé très cher à l’élection présidentielle et aux élections législatives.

Le Gouvernement a courageusement engagé la révision générale des politiques publiques. La dépense publique doit être encadrée. Il faut faire la chasse aux dépenses non productives.

M. Henri Emmanuelli. C’est un discours de mercenaire !

M. Frédéric Lefebvre. Il n’y a pas de raison que cette démarche ne soit pas aussi appliquée aux aides en faveur du monde économique.

Pour cela, il va falloir continuer à faire évoluer notre outil d’évaluation.

M. Henri Emmanuelli. Vous allez avoir du boulot !

M. Frédéric Lefebvre. C’est avec un de vos collègues, Gaëtan Gorce – nouvel exemple de notre esprit d’ouverture –, que j’ai déposé un amendement PS-UMP, pour faire évoluer notre outil d’évaluation. Pour dire si une politique est efficace, il faut en évaluer les résultats. Combien de fois ai-je entendu dire sur vos bancs – je pense à Manuel Valls qui s’est exprimé avec talent, à de nombreuses reprises, à ce sujet sur les budgets de la sécurité – qu’il fallait mieux évaluer, supprimer les dispositifs qui ne fonctionnent pas et mobiliser l’argent public sur ceux qui fonctionnent. Manuel Valls et Gaëtan Gorce ont raison : il faut aller dans le sens de l’évaluation.

Nous travaillons avec Gilles Carrez et Pierre Méhaignerie à l’amélioration du système d’exonération des heures supplémentaires, en essayant de tenir compte de tous les petits blocages que nous signalent les entreprises.

M. Henri Emmanuelli. Tu parles !

M. Frédéric Lefebvre. Car cette politique, même si nous n’en mesurons pas encore les résultats chiffrés – la mesure est applicable depuis le 1er octobre –, nous savons qu’elle fonctionne parce que les entreprises nous demandent de mettre en place des outils de prévisibilité. J’ai inauguré dans ma circonscription, à Issy-les-Moulineaux, une entreprise…

M. Yves Cochet. Ah ! chez M. Santini !

M. Frédéric Lefebvre. …qui est en train de mettre en place un logiciel permettant de répondre à la demande des entreprises qui voient affluer les demandes d’heures supplémentaires des salariés.

M. Henri Emmanuelli. Il nous prend pour des imbéciles !

M. Yves Cochet. Et les retraités, comment font-ils ?

M. Frédéric Lefebvre. Il faut répondre à la volonté des Français, ne vous en déplaise, de travailler plus pour gagner plus.

M. Jean-Pierre Dufau. Abrogez les 35 heures !

M. Frédéric Lefebvre. Pierre Méhaignerie a prévu à titre exceptionnel le rachat du repos compensatoire de remplacement : tout ce que vous avez créé dans la loi sur les 35 heures pour empêcher les Français qui le veulent de travailler plus doit être encore assoupli.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. Ayez le courage de les supprimer alors !

M. Frédéric Lefebvre. Pierre Méhaignerie, encore lui, a eu le courage de poser la question de la PPE. Ne faut-il pas trouver le moyen d’améliorer son rapport coût- efficacité en ciblant les hausses sur ceux des Français qui en ont le plus besoin ? Parmi ses huit millions de bénéficiaires, il y a des Français plus modestes qui ont besoin d’être plus aidés que les autres. Nous devons y travailler.

M. Henri Emmanuelli. Ce qui veut dire que vous allez la réduire !

M. Jean-Pierre Dufau. Créez une commission !

M. Frédéric Lefebvre. J’ai aussi proposé, avec Jérôme Chartier, les stock-options pour tous.

M. Yves Cochet. Non ! Pour personne !

M. Frédéric Lefebvre. Vous l’avez compris, ce que nous souhaitons à l’UMP, ce sont des primes de résultat pour tous les salariés du public et du privé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous nous demandiez ce qui était prévu pour les fonctionnaires : une prime de résultat moins taxée, étendue à tous les salariés. Utilisons les outils existants.

M. François Brottes. Noël pour tous !

M. Frédéric Lefebvre. La prime de résultat pour tous peut passer par l’extension des stock-options à tous les salariés travaillant dans les sociétés cotées.

M. François Hollande. À quel niveau ?

M. Frédéric Lefebvre. Si les Français n’acceptent pas les stock-options, c’est parce que seul un tout petit nombre de cadres dirigeants en bénéficient.

M. François Hollande. À quel niveau ?

M. Frédéric Lefebvre. Si on étend les stock-options à tous les salariés des grandes entreprises cotées, ce sera une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat de ces salariés.

M. Jean Launay, rapporteur. Vous voulez faire croire qu’ils vont tous devenir riches !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. L’intéressement dans les petites et moyennes entreprises doit être débloqué et facilité. Et dans la fonction publique, la baisse du nombre de fonctionnaire doit permettre la revalorisation de la situation de ceux qui restent.

Mme Catherine Génisson. Ils attendent toujours !

M. Frédéric Lefebvre. Pourquoi, si la productivité du service public est améliorée et le service public mieux rendu, les fonctionnaires seraient les seuls à ne pas bénéficier des primes de résultats ?

M. François Hollande. Pourquoi ne le faites-vous pas tout de suite ?

Mme Catherine Génisson. Ils attendent des hausses de salaire, ce qui n’est pas la même chose !

M. Frédéric Lefebvre. Nous ne devons pas créer des usines à gaz, mais nous appuyer sur ce qui fonctionne, et quand nous faisons la loi, nous devons, à l’instar de ce que fait le Gouvernement sous l’impulsion du Président de la République depuis six mois, faire passer toutes les décisions à travers le tamis du pouvoir d’achat.

M. Jean-Pierre Dufau. Le tamis est bouché !

M. Frédéric Lefebvre. Si c’est bon pour le pouvoir d’achat, il faut le faire. Si ce n’est pas bon, il faut y réfléchir à deux fois.

Depuis six mois, le Gouvernement a mobilisé 7 milliards d’euros sur les heures supplémentaires…

Mme Catherine Génisson. On voit le résultat !

M. Frédéric Lefebvre. …et plusieurs milliards sur le crédit d’impôt pour acquisition d’un bien immobilier. Il a revalorisé de 3 % les aides pour le logement, doublé la prime à la cuve, privilégié, lors du Grenelle de l’environnement, la défiscalisation des produits écologiques,…

M. Yves Cochet. Oh !

M. François Brottes. Ce n’est pas encore décidé !

M. Frédéric Lefebvre. … plutôt que la surtaxation des produits polluants, augmenter les aides aux étudiants les plus défavorisés. Je pourrais continuer la liste.

M. François Brottes. Ce ne sont que des annonces !

M. Frédéric Lefebvre. Quand vous voulez créer une carte grise spéciale pour les véhicules polluants,…

M. Yves Cochet. Très bien !

M. Frédéric Lefebvre. …vous allez contre le pouvoir d’achat des plus modestes. Le Gouvernement a choisi une autre voie : la prime au changement de véhicule. C’est un exemple de décision qui privilégie le pouvoir d’achat. Notre méthode est différente !

L’élection de 2002 s’est joué sur la sécurité.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est vrai !

M. Frédéric Lefebvre. Alors que vous, vous parliez de sentiment d’insécurité, nous avions décidé de regarder la question de l’insécurité en face ! (« Très juste » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Dufau. Qu’est-ce que vous avez fait depuis ?

M. Jérôme Cahuzac. Ça va de mieux en mieux, en effet !

M. Jean-Pierre Dufau. Quel bel exemple !

M. Frédéric Lefebvre. L’élection de 2007 s’est jouée sur le travail et le pouvoir d’achat. Sur ce sujet non plus, nous ne nous voilons pas la face.

Le groupe UMP entend être à l’heure à ce rendez-vous tant attendu des Français, aux côtés du Gouvernement et sous l’impulsion du Président de la République. Bien évidemment, le groupe UMP s’opposera à votre proposition, qui est une proposition d’affichage.

M. Henri Emmanuelli. Les émeutes, c’est vous ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Frédéric Lefebvre. M. Emmanuelli ne rate jamais une occasion de créer la polémique.

M. Bernard Deflesselles. Comment peut-il dire cela ? C’est scandaleux ! Quelle inconséquence !

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui avez commencé !

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur Emmanuelli, nous ne voterons pas ce texte. Je ne vois vraiment pas ce que les émeutes viennent faire dans le pouvoir d’achat. Nous ne voterons pas ce texte démagogique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Comme M. Lefebvre a parlé près de trois quarts d’heure au lieu des vingt minutes prévues, je demande que le temps de parole des orateurs socialistes soit doublé voire triplé, afin de maintenir un équilibre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je sais, monsieur le président, que vous avez une gestion souple des temps de parole, et je vous en sais gré, mais je ne pouvais laisser sans remarque ce triplement du temps imparti.

M. le président. Monsieur Ayrault, il ne vous aura pas échappé que j’ai laissé le rapporteur et le président de la commission des finances doubler leur temps de parole, ce qui me semblait cohérent, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une proposition de loi socialiste.

M. Jean-Marc Lefranc. Exactement !

M. le président. Je vous ai laissé vous-même parler un peu plus. M. Lefebvre disposait de vingt-cinq minutes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vingt minutes !

M. le président. …vingt-cinq minutes, je le maintiens, et M. Chartier verra son temps parole diminué à due proportion.

La présidence tient compte de tout cela, mais je prends acte de votre remarque, monsieur Ayrault.

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le profond malaise que connaît aujourd’hui notre pays a pour origine le grand oublié de ces six premiers mois de gouvernement : le pouvoir d'achat. Il se traduit dans toutes les enquêtes d’opinion et, encore ce matin, dans l’étude publiée par l’INSEE. La chute considérable de l’indicateur d’opinion des ménages montre combien est grande leur inquiétude devant la hausse des prix, l’évolution de leur pouvoir d’achat et leur situation financière.

Ce malaise a une base objective que décrit bien l'étude récente de l'INSEE, France, portrait social : au cours de ces dernières années, les inégalités se sont profondément creusées et ce sont les Français les plus modestes, salariés aux faibles revenus ou bénéficiaires des minima sociaux, tel le RMI, qui ont vu leur pouvoir d’achat baisser.

M. Henri Emmanuelli. Voilà un orateur sérieux : cela nous change de M. Lefebvre !

M. Pierre-Alain Muet. Ce n’est pas seulement l'amputation du pouvoir d'achat résultant de la flambée des prix du pétrole, de l'envolée des prix alimentaires et de la hausse des loyers qui alimente ce malaise, c'est aussi et surtout le sentiment d'une profonde injustice. Les Français constatent, comme nous, que le candidat qui s'autoproclamait «président du pouvoir d'achat» s'est surtout préoccupé, depuis six mois, de ceux qui avaient déjà tout et à qui il a continué à tout donner.

M. Bernard Deflesselles. Arrêtez avec cet argument, vous n’y croyez pas vous-même !

M. Pierre-Alain Muet. Bien sûr que si ! Comment peut-on dire, comme vous le faites, monsieur le secrétaire d’État, que l’État n’a pas les moyens – ce qui est vrai – après que 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux ont été dépensés en juillet, alors qu’il n’en avait pas plus les moyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Comment avez-vous pu prétendre en juillet que, faute de marges de manœuvre suffisantes, vous ne pouviez augmenter le pouvoir d'achat du salaire minimum alors que la réforme à laquelle vous procédiez dans le même temps donnait aux plus fortunés de nos concitoyens la possibilité de toucher encore plus que ce que leur accordait le bouclier fiscal dans son ancienne formule, soit 50 000 euros par personne ?

Comment pouvez-vous expliquer à nos concitoyens les plus modestes, ceux dont le pouvoir d'achat a baissé, qu'il n'y a pas de marge pour augmenter la prime pour l'emploi alors qu’avec votre réforme des droits de succession – leur quasi suppression –, c’est l’équivalent d’un chèque de 200 000 euros que vous versez à ceux qui héritent d’un patrimoine de 1,5 million d'euros ?

Ce que les Français constatent, comme nous, c'est que « la France qui se lève tôt », qui travaille dur et qui gagne peu a supporté tout l'effort de rigueur et qu'elle n'aura été récompensée que par des incantations.

M. Patrick Roy. Ce qui est scandaleux !

M. Pierre-Alain Muet. Depuis 2002, la France a un taux de croissance inférieur à celui de ses partenaires. Pour 2007, le décalage que vous évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, est particulièrement flagrant : son taux de croissance sera sans doute plus proche de 1,8 % que de 2 % contre 2,6 % pour nos partenaires. Cette situation est le fruit de votre politique. Quand la gauche était au pouvoir, elle menait une politique beaucoup plus égalitaire.

M. Bernard Deflesselles. Cela ne s’est pas vu dans les urnes !

M. Pierre-Alain Muet. Eh bien, cela se voit dans le portrait social de l’INSEE, qui montre une différence considérable dans l’évolution des revenus avant et après 2002. De 1997 à 2002, la France a eu une croissance d’un point à un point et demi supérieure à celle de ses partenaires et a créé 2 millions d’emplois – 400 000 par an –, dont 350 000 grâce aux 35 heures (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.). Il semble important de vous rappeler ces données, pourtant connues. La situation économique actuelle, c’est le fruit de votre politique.

Et votre politique va conduire à créer deux France. D’une part, la France des nantis, des héritiers, des rentiers vers qui sont allées vos largesses. (Rires sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Que de caricatures !

M. Pierre-Alain Muet. D’autre part, la France qui a le sentiment d'avoir été ignorée : la France des salariés au SMIC à qui vous n'avez accordé aucune hausse de pouvoir d’achat, puisque l’augmentation du salaire minimum n’a fait qu’intégrer l’inflation ;…

M. Bernard Deflesselles. C’est nous qui avons le plus augmenté le SMIC ! Il faut dire la vérité !

M. Pierre-Alain Muet. …la France des chômeurs, auxquels vous avez tourné le dos en privilégiant les heures supplémentaires et en abandonnant toute politique active de l'emploi, notamment en direction des jeunes ; la France des petits retraités dont vous perpétuez la baisse de pouvoir d'achat en revalorisant les retraites de 1,1 % en 2008 quand la hausse des prix dépasse 2 % ; la France des 9 millions de salariés modestes qui touchent la prime pour l'emploi et à qui vous avez refusé toute augmentation au-delà de l'inflation. Mais c’est aussi la France des salariés : les salariés du public qui ont vu le pouvoir d'achat du point d'indice baisser depuis plusieurs années ; le million de salariés à temps partiel contraint – à 80 % des femmes – qui voudraient bien travailler plus pour gagner plus mais qui ne décident pas de leur temps de travail ; …

Mme Catherine Génisson. Ne les oublions pas !

M. Pierre-Alain Muet. …les salariés du privé qui savent bien que ce ne sont pas eux qui décident des heures supplémentaires, mais qui attendent que s'ouvrent de vraies négociations sur les salaires, sur les rémunérations, sur les carrières, au lieu d’une usine à gaz née d’une idéologie d'un autre âge.

Nos propositions, les voilà !

Puisque vous vous êtes fait une spécialité des Grenelle – Grenelle de l'insertion, Grenelle de l'environnement –, nous vous invitons à rester fidèle au Grenelle d'origine en organisant une conférence nationale pour lancer de vraies négociations sur le pouvoir d'achat.

Nous vous suggérons de créer une incitation à la négociation, en conditionnant les exonérations de cotisations à la négociation sur le pouvoir d'achat,…

M. Jérôme Cahuzac. Très bien !

M. Pierre-Alain Muet. …à l’instar ce que nous avions fait lorsque nous avions mis en place des allégements de cotisations en direction des bas salaires en les conditionnant à la négociation sur l’emploi. Le Premier ministre n’est, paraît-il, pas opposé à une telle démarche. Et il semble que l’idée fasse son chemin jusqu’au Président de la République. Faites-le donc !

Vous parlez de bonus et de malus, eh bien, nous vous proposons une incitation à créer des emplois durables et mieux rémunérés par une modulation des cotisations des entreprises calculée en fonction du recours qu’elles font au temps partiel subi et aux emplois précaires, qui sont à l'origine des bas salaires et des travailleurs pauvres.

Nous vous invitons aussi, à travers cette proposition de loi, à augmenter fortement la prime pour l'emploi – 50 % d'augmentation représenteraient 2 milliards d’euros, ce qui est peu par rapport aux 15 milliards d’euros du paquet fiscal dépensés en toute inefficacité cet été. Non seulement cela bénéficierait à ceux qui en ont le plus besoin, mais cela serait aussi la matérialisation du slogan « travailler plus pour gagner plus ». Quand nous avons créé la prime pour l’emploi sous le gouvernement de Lionel Jospin, c’était pour faire en sorte que les salariés aux rémunérations modestes puissent bénéficier de l’essentiel des fruits de leur travail, puisqu’il s’agissait de compenser le poids de la CSG dont tous salariés doivent s’acquitter.

Vous pourriez aussi créer un véritable chèque transport, financé sur le même principe que la carte orange en Île-de- France : il permettrait à la fois de soutenir le pouvoir d'achat et de contribuer au développement des transports en commun.

Notre proposition de loi conjugue réponse à une situation urgente, la diminution du pouvoir d'achat, et à un défi de long terme, le développement durable. Et notre proposition de revenir sur l’exonération de TIPP pour les carburéacteurs vaut bien sûr à l’échelle européenne. N’est-il pas absurde qu’une mesure instituée à une époque, lointaine, où personne ne se préoccupait du réchauffement climatique, ne soit pas remise en cause quand on sait que le transport aérien est le principal responsable de l’émission des gaz à effet de serre ?

M. Jean Launay, rapporteur. Il faut en parler !

M. Pierre-Alain Muet. Si vous voulez réellement augmenter le pouvoir d'achat, alors laissez ce débat aller jusqu'à son terme : discutons des articles. Nos propositions sont cohérentes et, surtout, elles répondent aux aspirations profondes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. M. Jérôme Chartier ayant renoncé à intervenir, la parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour dix minutes, et pas une de plus.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de sa campagne, Nicolas Sarkozy avait promis que, s’il était élu, il serait le président du pouvoir d’achat et de la croissance économique retrouvée.

Je ne pourrai lui reprocher de lier les deux car s’il y a bien un point sur lequel nous pouvons nous accorder, c’est qu’on imagine mal une augmentation du pouvoir d’achat sans croissance et création de richesses comme on imagine mal une croissance satisfaisante sans contribution du pouvoir d’achat. Selon M. Emmanuelli, près de 70 % du pouvoir d’achat est la contrepartie de la croissance économique du pays. Mais pour le reste, de réelles divergences nous séparent.

Qu’en est-il de la croissance de notre pays ? Qu’en est-il du pouvoir d’achat de nos concitoyens, quel que soit leur statut : actif ou retraité, salarié ou non-salarié ?

Pour 2007, la croissance, c’est une longue histoire qui risque de mal finir. La majorité de la législature précédente a voté en loi de finances initiale un budget fondé sur une prévision de croissance de 2,5 %. Cet été, ce taux a été ramené à 2 %. Et tout indique, en dépit des protestations ancrées dans la foi la plus solide de Mme Lagarde, qu’il se situera en réalité à 1,8 %, autrement dit, une nouvelle fois depuis 2002, la croissance française sera nettement inférieure à celle de la zone euro.

C’est déjà un échec pour cette majorité qui se succède à elle-même et qui, pendant la campagne électorale, avait fait de la hausse du pouvoir d’achat et de la croissance économique des objectifs prioritaires. Ils ne sont pas atteints et nous le déplorons : c’est donc une déception pour tout le monde.

Il importe donc d’en comprendre les raisons. Plusieurs hypothèses ont déjà été évoquées à l’occasion de ce débat comme à l’occasion des réponses faites par les membres du Gouvernement lors des séances des questions.

Faut-il y en chercher la cause dans la conjoncture mondiale ? Oui, en partie. La chose était d’ailleurs prévisible. Et si gouverner, c’est prévoir, reconnaissons que les prévisions nécessaires n’ont pas été faites par ceux qui nous dirigent, en dépit de multiples avertissements, adressés sur tous les bancs. À cet égard au moins, les pouvoirs publics de notre pays sont fautifs.

Pardonnez-moi cette remarque, mais le rôle d’un ministre de l’économie et des finances est-il de se borner à attendre de voir si la croissance de son pays atteint un niveau satisfaisant, eu égard à la conjoncture mondiale ? Les politiques publiques me semblent avoir un rôle à jouer. Autrement comment expliquer qu’à incidence de la conjoncture mondiale égale, la France est, depuis 2002, en dessous du taux de croissance moyen de la zone euro, quand des pays comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et, bien sûr, l’Espagne, sont constamment au-dessus.

Les politiques publiques ont un rôle à jouer : il me paraît donc légitime, monsieur le secrétaire d’État et chers collègues de la majorité, de chercher les causes de l’échec de cette fin d’année dans votre politique.

La conjoncture mondiale est sans doute une explication, mais, comme l’a observé M. Cochet, gouverner, c’est prévoir. Reconnaissons que les leçons de 2007 n’ont visiblement pas été tirées pour 2008. J’en veux pour preuve le fait que le projet de loi de finances initiale récemment adopté par notre assemblée repose, avant même son examen par la commission mixte paritaire, sur des paramètres économiques obsolètes. M. Cochet le rappelait : le budget est bâti sur un prix du baril de brent à 73 dollars alors qu’il atteint aujourd’hui 100 dollars, et sur une parité plaçant l’euro à 1,27 dollars, alors qu’il approche les 1,50 dollars.

M. Henri Emmanuelli. Ça va être une catastrophe !

M. Jérôme Cahuzac. On peut donc prévoir pour l’année prochaine l’échec que l’on constate en cette fin d’année 2007. Pour cette seule raison, et parce que la croissance ne sera pas au rendez-vous, ce débat sur le pouvoir d’achat a toute sa place.

Deuxième raison souvent invoquée par le Gouvernement et nos collègues de la majorité, comme M. Lefebvre tout à l’heure : les 35 heures. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Si elles n’existaient pas, on en vient à se demander si vous ne voudriez pas les inventer pour justifier vos échecs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Oh » ! sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quelques mots sur le sujet, puisque M. Lefebvre a jugé opportun de l’aborder. Tout d’abord, il faudrait un peu de cohérence entre vous : quand M. Fillon était ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, un rapport publié par ses services avec son accord et son approbation – autant sur l’analyse que sur les conclusions – indiquait que 400 000 emplois avaient été créés.

M. Franck Gilard. Non, 300 000 !

M. Jérôme Cahuzac. De deux choses l’une : si M. Fillon s’est trompé, qu’il le reconnaisse ; s’il ne s’est pas trompé, cessez de dire que les 35 heures n’ont pas créé d’emplois, puisque, je le répète, ce sont vos amis qui reconnaissent qu’elles en ont créé 400 000 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Frédéric Lefebvre. Selon Dominique Strauss-Kahn, c’est 200 000 !

M. Jérôme Cahuzac. Le deuxième argument contre les 35 heures, également avancé par M. Lefebvre, est celui de leur coût excessif. Il faut savoir de quoi l’on parle : le coût des 35 heures, c’est tout simplement celui de l’allégement du coût du travail. De deux choses l’une, là encore : ou vous y êtes favorables, mais alors cessez d’invoquer ce chiffre de 25 milliards, puisqu’il est en réalité celui de l’allégement du coût du travail ; ou bien vous êtes contre l’allégement du coût du travail, et dans ce cas, supprimez ce dernier, instauré à l’occasion du vote de la loi sur les 35 heures !

M. Jean-Marc Lefranc. Le problème est que l’on travaille moins en France qu’ailleurs !

M. Jérôme Cahuzac. Vous récupérerez ainsi ces 25 milliards d’euros : j’ignore comment vous les utiliserez, mais au moins pourrons-nous dire que les 35 heures ne coûtent plus rien.

Les 35 heures...

M. Alain Cousin. C’est de l’idéologie socialiste !

M. Guénhaël Huet. C’est la ruine de la France !

M. Jérôme Cahuzac. ...constituent l’explication universelle pour justifier toutes vos politiques et écarter d’un revers de main, avec désinvolture, ce que nous proposons – je pense notamment aux questions au Gouvernement. Depuis six ans que vous êtes au pouvoir, notre croissance économique est largement insuffisante au regard de notre potentiel et régulièrement inférieure à celle de la zone euro, alors qu’elle lui était supérieure quand les 35 heures ont été mises en œuvre et que le pouvoir d’achat avait alors progressé de plus de 3 % – mais nul ne veut rappeler ce passé qui date après tout du XXe siècle. Choisissez et soyez cohérents avec vous-mêmes : ou bien vous voulez supprimer les 35 heures parce qu’elles sont à vos yeux responsables de cette situation, et en ce cas, je le répète, faites-le ; ou bien vous ne le pouvez pas, mais alors ne nous reprochez pas votre incompétence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Dans les deux cas, le débat doit être clair : vous faites preuve de mauvaise foi ou d’incompétence. Nous attendons vos propositions, mais vous ne pouvez échapper à cette alternative.

M. Claude Goasguen. Du calme, monsieur Cahuzac, gardez votre sang-froid !

M. Jérôme Cahuzac. Avec plaisir, monsieur Goasguen, et j’espère que vous écouterez mes propos avec autant de calme et de sérénité. En tout état de cause, lorsque l’un de nos collègues de la majorité ou un membre du Gouvernement soutiendra que les 35 heures sont la cause de tous les maux, nous serons nombreux à penser, dans notre hémicycle et au-delà, qu’une telle explication masque de l’incompétence ou de la mauvaise foi : vous ne sortirez pas de ce dilemme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

L’autre cause de cet échec, que l’on est fondé – fût-ce par esprit de système – à évoquer tient évidemment aux mesures que vous avez prises. On peut en effet les estimer inopportunes : on ne dépense pas 15 milliards d’euros comme cela, et encore moins quand on ne les a pas !

M. Claude Goasguen. Neuf milliards !

M. Franck Gilard. Et ils n’appartiennent pas à l’État !

M. Alain Cousin. M. Cahuzac est vraiment fait pour être dans l’opposition !

M. Frédéric Lefebvre. Parlez-nous de ce que font les régions, monsieur Cahuzac !

M. Jérôme Cahuzac. Ces mesures ont aggravé les injustices et les inégalités : les rapports de tous les organismes indépendants le montrent largement. Elles sont surtout inefficaces car le « choc de croissance », que Mme Lagarde appelait de ses vœux après le « choc de confiance » que devait provoquer la loi TEPA, n’a à l’évidence pas eu lieu. Il vous faudra beaucoup de courage pour reconnaître votre erreur et y revenir : à défaut, vous ne pourrez en effet prendre des mesures réellement efficaces en matière de pouvoir d’achat.

S’agissant précisément du pouvoir d’achat, c’est, comme l’a bien dit le président de la commission Didier Migaud, le Gouvernement lui-même qui annonce ce qu’il en sera : d’après les documents officiels du ministère du budget, le pouvoir d’achat croîtra moins en 2008 qu’en 2007. Où est la preuve de votre efficacité, dès lors que ce dernier, qui était supposé s’améliorer, se dégradera ? Et je vous rappelle que ces prévisions ont été réalisées après l’adoption de la loi TEPA.

Mme Claude Greff. Quel moulin à paroles !

M. Jérôme Cahuzac. Pardonnez-moi, mes chers collègues, si je vous donne l’impression de me répéter. Pour ma part je n’en avais pas le sentiment, et je vous remercie de votre courtoisie.

Le pouvoir d’achat, disais-je, stagne ou régresse : rien pour les fonctionnaires, rien pour les retraités, rien pour les salariés – ni conférence salariale tripartite, et pas plus de coup de pouce pour le SMIC. Or, en même temps, le prix des produits de première nécessité augmente. C’est vrai pour l’énergie, les denrées alimentaires et le logement, c’est-à-dire les trois postes budgétaires incompressibles pour les ménages.

Quant à la TIPP, M. Lefebvre et M. Cochet ont formulé des remarques judicieuses. Ce qui avait pu être efficace lorsque le baril était à 40 ou 50 dollars l’est sans doute beaucoup moins aujourd’hui avec un baril à 100 dollars : nous pouvons être d’accord sur ce point. Mais après tout, l’équilibre entre l’offre et la demande, les nouvelles capacités de raffinage, les licences supplémentaires accordées aux compagnies pétrolières peuvent faire espérer une augmentation de l’offre supérieure, et donc une baisse du prix du baril. Voilà qui légitime notre proposition de loi en faveur de la TIPP.

M. Guénhaël Huet. Les socialistes n’ont pas plus d’idées que de pétrole !

M. Jérôme Cahuzac. Je suis persuadé, monsieur le président, que vous aurez la courtoisie de m’accorder, comme vous l’avez fait pour les autres orateurs, un temps de parole supplémentaire – modéré, je vous le promets – pour répondre à M. Lefebvre. Je crains en effet un malentendu ou un désaccord total sur notre lecture des textes : il ne faut pas vous tromper quand vous citez M. Fabius, monsieur Lefebvre. M. Fabius a refusé d’appliquer la TIPP flottante non parce que le prix à la pompe aurait alors baissé mais parce qu’il aurait augmenté. En d’autre termes, M. Fabius a refusé de faire jouer ce mécanisme pour aider le consommateur, et pour éviter une hausse des prix : c’est l’inverse de ce que vous avez soutenu, par ailleurs de bonne foi, j’en suis sûr.

S’agissant de la taxation des compagnies pétrolières, j’ai trouvé étrange, monsieur Lefebvre, que vous repreniez cette vieille antienne d’après laquelle, pour répondre à un problème, il faudrait une taxe.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jérôme Cahuzac. Vous avez rappelé, monsieur Lefebvre, ceux qui avaient taxé – ou tenté de le faire – les compagnies pétrolières, et demandé à M. Philippe Martin s’il connaissait M. Rousset. À mon tour de vous demander si vous connaissez le nom du ministre de l’économie et des finances qui, en 2004, a surtaxé le diesel à la pompe de 2,5 centimes par hectolitre, ce qui a rapporté à l’État 800 millions d’euros au titre de la TIPP et 200 millions de plus au titre de la TVA, soit au total 1 milliard d’euros pris dans la poche des consommateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) M. Martin vous a dit qu’il connaissait M. Rousset ; je suis sûr, monsieur Lefebvre, que vous connaissez le ministre de l’économie et des finances ayant instauré cette surtaxe sur le gazole : il s’agit bien sûr de Nicolas Sarkozy.

M. Franck Gilard. Bien évidemment, c’est la faute de Sarkozy !

M. Jérôme Cahuzac. Vous voyez que les « taxeurs » ne sont pas toujours ceux que l’on croit, et que ceux qui pensent aux ménages modestes ne sont pas toujours ceux que vous accusez de les ignorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Frédéric Lefebvre. Nous, au moins, nous tirons les leçons de nos erreurs pour éviter de les reproduire !

M. Jérôme Cahuzac. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Lefebvre : permettez-moi de vous demander la même chose.

Bref, on peut avoir la mémoire fidèle sur le XXe siècle, mais je vous recommande aussi de l’avoir sur ce qui se passe au XXIe !

M. le président. Concluez, monsieur Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Il est désormais connu, mes chers collègues, que les produits alimentaires, notamment les produits lactés, augmenteront de 15 % l’année prochaine. Gouverner, c’est prévoir : que proposez-vous ? Rien. Vous savez aussi qu’une crise terrible touche le logement. Que proposez-vous ? Honnêtement, pas grand-chose.

M. le président. Monsieur Cahuzac, s’il vous plaît…

M. Jérôme Cahuzac. Je conclus, monsieur le président.

Quant à la taxation sur les compagnies pétrolières, nous avons entendu le touchant plaidoyer en faveur de telle ou telle compagnie, mais le tableau était incomplet : tous les ans, et ce depuis plusieurs années, les dividendes versés augmentent de 15 % et 3 à 4 milliards d’euros sont consacrés par les compagnies pétrolières à leurs propres rachats d’actions, lesquels en font fort opportunément monter le cours lorsque les dirigeants exercent leurs droits aux stock-options. Vous décidez de l’assumer : c’est votre droit, mais c’est aussi le nôtre que de le contester. Les Français jugeront !

M. le président. Monsieur Cahuzac, les autres orateurs ont respecté leur temps de parole : je vous demande donc de conclure.

M. Jérôme Cahuzac. Cela ne m’avait pas frappé, notamment pour ce qui concerne M. Lefebvre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le groupe UMP disposait de quarante minutes de temps de parole : celui-ci a été respecté, puisque M. Chartier a renoncé à s’exprimer.

M. Jérôme Cahuzac. Certes, monsieur le président, mais vous ne le saviez pas lorsque vous avez laissé M. Lefebvre parler.

Mais puisque vous le souhaitez ardemment, je conclus pour indiquer que nous souhaitons évidemment passer à la discussion des articles. Faute de corriger vos erreurs de l’été, vous ne parviendrez pas, nous le craignons, à augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens, qui en auraient pourtant tellement besoin. Vous n’y parviendrez pas non plus parce que la croissance n’est pas au rendez-vous, et que, dès cet été, vous avez dilapidé les faibles marges de manœuvre dont nous disposons de façon tout à fait déraisonnable et imprudente. Vous porterez la responsabilité de cette faute économique et sociale pendant toute la durée du quinquennat et devrez en rendre compte devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Je voudrais apporter quelques éléments de réponse avant que l’Assemblée ne se prononce sur le passage à la discussion des articles.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il est toujours utile que, sur un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens, le Parlement débatte et fasse des propositions, de quelque bord politique qu’elles proviennent. Nous avons ainsi pu mesurer ce matin qu’il existait deux visions radicalement différentes quant à la question du pouvoir d’achat.

M. Henri Emmanuelli. Jusqu’ici, nous sommes d’accord.

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Encore faut-il que, sur tous les bancs, chacun s’astreigne à deux exigences : mettre les paroles en accord avec les actes et ne pas dire n’importe quoi. (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Pour ce qui regarde la première exigence, monsieur Ayrault, j’ai entendu avec beaucoup d’intérêt le groupe socialiste proposer la réintégration totale des marges arrière dans le prix de vente au consommateur. Or, votre groupe n’a pas voté la disposition, adoptée en début de semaine, tendant à réintégrer, à partir du 1er janvier, la totalité de ces avantages au bénéfice du consommateur.

M. François Brottes. Mensonge : vous n’avez pas supprimé les marges arrière !

M. Henri Emmanuelli. Ce que vous dites n’est pas sérieux, monsieur le secrétaire d’État !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Bref, soyez cohérents.

Second élément : vous avez tancé le Gouvernement, monsieur Ayrault, sur sa politique du logement. Dois-je vous rappeler que nous venons d’annoncer 429 000 mises en chantier de nouveaux logements pour les douze derniers mois ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est un record inégalé depuis trente ans. Lorsque vous étiez au Gouvernement, le chiffre ne dépassait pas 300 000 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. François Brottes. Ce sont des logements défiscalisés, non des logements sociaux !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Enfin, monsieur Ayrault, je ne peux pas vous laisser dire que la politique du Gouvernement favorise les rentiers.

M. Patrick Roy. Mais si !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Les 8 millions de salariés qui, comme l’a rappelé le rapporteur, bénéficient des mesures d’exonération des heures supplémentaires, surtout les ouvriers et les jeunes de moins de 25 ans, sont-ils des rentiers ? (« Non » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Où sont-ils ?

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Les 95 % de nos concitoyens qui, depuis cet été, peuvent transmettre à leurs enfants les fruits d’une vie de travail sont-ils des rentiers ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Claude Greff. Bravo !

M. le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. Les Français les plus modestes et ceux des classes moyennes qui rêvent d’accéder à la propriété (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et qui verront leur crédit baisser de 8 à 10 % grâce au crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt sont-ils des rentiers, monsieur Ayrault ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Les grands-parents qui, depuis cet été, peuvent transmettre à leurs petits-enfants la somme dont ils ont besoin pour débuter dans la vie sont-ils des rentiers ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Décidément, nous ne comprenons pas vos positions archaïques, qui ne tiennent aucun compte de la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur le passage à la discussion des articles

M. le président. La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Sur le vote sur le passage à la discussion des articles, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le groupe UMP votera contre le passage aux articles de cette proposition de loi (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) parce que, tout au long de la matinée,…

M. François Hollande. Vous n’étiez pas là ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jérôme Chartier. Menteur !

M. Jean-François Copé. Sans doute n’étiez-vous pas présent vous-même, monsieur Hollande ?

M. Richard Mallié. Il est présent quand il y a la télévision !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Jean-François Copé. …les députés socialistes ont tenté de nous faire croire que, au-delà des critiques, ils étaient capables, pour une fois, de faire des ébauches de propositions,…

M. François Lamy. C’est vous, le ministre de la faillite !

M. Jean-François Copé. ...alors qu’ils tentaient simplement de faire un bon coup !

Mesdames et messieurs les députés socialistes, à qui voulez-vous faire croire, dans cet hémicycle où nous débattons ensemble depuis des mois, voire des années, que vous avez une solution miracle à proposer ?

Nous, depuis cinq ans, nous avons augmenté le SMIC de plus de 20 %, porté la prime pour l’emploi à un niveau inédit,…

M. Jérôme Chartier. C’est vrai !

M. Jean-François Copé. …libéré les énergies et le travail, et fait de l’emploi la priorité absolue. Voilà ce que nous faisons depuis cinq ans ! Les résultats du chômage en sont la démonstration éclatante (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), surtout si on les compare avec ceux des années Jospin !

De la même manière, nous n’avons pas oublié que c’est sous votre majorité que les salaires ont le moins augmenté et que les impôts ont connu la hausse la plus forte ! Nous avons malheureusement dû payer la note il y a quelques années, avant de procéder à un indispensable redressement.

En outre, il n’a échappé à personne que vous avez déposé cette proposition de loi au moment précis où nous-mêmes nous mobilisons pour trouver de nouveaux moyens d’accroître le pouvoir d’achat des Français, et le Président de la République le confirmera à nos compatriotes ce soir même !

M. Jérôme Cahuzac. Nous verrons !

M. Jean-François Copé. Vous avez exprimé quelques idées, que nous avons été heureux d’entendre, mais surtout beaucoup de propos démagogiques ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Mme Annick Lepetit. Vous, vous êtes passé maître dans l’art de la démagogie !

M. Jean-François Copé. Croyez bien que nous refusons de céder à la démagorie, car seul importe à nos yeux un débat de fond sur des propositions concrètes et l’exigence de résultats !

Soyez à nos côtés lorsque nous sommes constructifs : c’est notre rêve ! Mais sachez que sur tous ces sujets, nous en avons fini avec les vieilles lunes, avec des idées fausses que plus aucun parti moderne ne défend dans les pays voisins.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Jean-François Copé. Notre unique priorité, c’est de renforcer la compétitivité de notre pays, de libérer les énergies de nos entreprises, et surtout de satisfaire la principale préoccupation des Français, le pouvoir d’achat !

M. Bruno Le Roux. Elle n’est pas satisfaite, loin de là !

M. Jean-François Copé. Notre philosophie, si elle n’est pas la vôtre, est la seule digne d’un pays moderne ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. François Hollande. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, un constat, au moins, nous réunit ce matin : le pouvoir d’achat des Français n’est pas au rendez-vous en cette fin d’année, faute de croissance.

Mme Nadine Morano. Au troisième trimestre, le taux de croissance du PIB a atteint 0,7 % !

M. François Hollande. Car c’est la croissance qui fait le pouvoir d’achat.

Vous qui êtes aux responsabilités depuis près de six ans…

M. Bernard Deflesselles. Et nous allons y rester !

M. François Hollande. …et qui aimez citer des chiffres, vous ne pourrez démentir ceux-là : de 1997 à 2002, la croissance de l’économie française était supérieure en moyenne à 3,2 % (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)...

M. Michel Herbillon. Curieusement, vous avez été battus !

M. Guy Geoffroy. La gauche a dilapidé cette croissance !

M. François Hollande. …alors qu’elle n’a pas dépassé 2 % de 2002 à 2007 !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Absolument !

M. François Hollande. Le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages connaît exactement la même évolution : s’il a progressé sans discontinuer de plus de 3 % de 1997 à 2002, il a augmenté de moins de 2 % de 2002 à 2007 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Claude Goasguen. Et vous avez été battus !

M. Michel Herbillon. M. Hollande est en train de réécrire l’histoire !

M. François Hollande. C’est une réalité incontestable, et c’est celle de votre propre projet de loi de finances !

M. Christian Jacob. Pourtant les Français ne veulent plus de vous !

M. François Hollande. Il ne peut y avoir de pouvoir d’achat, chers collègues, sans justice sociale ! Vous pourrez dire tout ce que vous voudrez sur le « paquet fiscal », l’augmentation des revenus du patrimoine en 2006 et 2007 est plus de deux fois supérieure à celle des salaires ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Et vous aurez du mal à justifier la provocation qui consiste, grâce au bouclier fiscal, à rembourser 80 000 euros en moyenne en 2007 aux contribuables les plus favorisés en demandant à tous les autres de payer les franchises médicales, voire des impôts supplémentaires, et de patienter un peu s’agissant de leurs salaires, prétendument trop élevés dans le contexte de la mondialisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

L’absence de pouvoir d’achat des Français s’explique aussi, nous en avons fait le constat ensemble, par l’absence de marges financières. Dans la majorité comme dans l’opposition, les chiffres des déficits sont les mêmes : 42 milliards d’euros pour le budget de l’État, 13 milliards pour la sécurité sociale et 1 200 milliards d’endettement public ! (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Il aurait fallu, dès le lendemain de l’élection présidentielle, prendre une mesure, celle consistant à œuvrer au désendettement de l’État ! (Mêmes mouvements.)

M. Guy Geoffroy. Vous avez été battus !

M. François Hollande. Or vous avez préféré dépenser 15 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Aujourd’hui, vous dites aux Français que vous n’avez plus d’argent, que c’est trop tard, et qu’il leur faut passer leur chemin. Non, les Français ne passeront pas leur chemin car ils ont entendu un candidat leur dire qu’il était le candidat du pouvoir d’achat, un président leur dire qu’il serait le président du pouvoir d’achat. Ce soir, ils mettront le Chef de l’État devant ses responsabilités : ils veulent du pouvoir d’achat, il faudra leur donner le pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Conformément aux dispositions de l’article 94, alinéa 3, du règlement, si l’Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Nous allons maintenant procéder au scrutin.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n’est pas adoptée.

2

Ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Mardi 4 décembre 2007, à neuf heures trente, première séance publique :

Questions orales sans débat.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi, n° 343, adopté par le Sénat, relatif au parc naturel régional de Camargue :

Rapport, n° 407, de M. Bernard Reynès, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Discussion du projet de loi, n° 190, adopté par le Sénat, ratifiant l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail :

Rapport, n° 436, de Mme Jacqueline Irles, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)