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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Séance du jeudi 13 décembre 2007

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse

1. Débat sur le pouvoir d'achat

M. Jean-François Copé.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

M. Michel Sapin,

MM. Philippe Vigier,

Pierre Méhaignerie,

Marc Goua,

Patrick Ollier,

Mme Annick Girardin,

MM. Frédéric Lefebvre,

Jérôme Chartier,

Alain Joyandet,

Michel Piron,

Mme Claude Greff,

MM. Jacques Myard,

Bruno Le Maire,

Mme Isabelle Vasseur,

MM. Jean-Frédéric Poisson,

Jean-Paul Lecoq,

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Marc-Philippe Daubresse,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Débat sur le pouvoir d’achat

M. le président. L’ordre du jour appelle un débat sur le pouvoir d’achat.

L’organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est au premier de ses orateurs inscrits, M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, madame la ministre du logement et de la ville, monsieur le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, mes chers collègues, chacun l’a bien compris, le pouvoir d’achat est une priorité politique absolue. C’est un combat majeur que nous avons l’intention d’inscrire dans la durée. Nous, députés de l’UMP, nous sommes engagés sur ce front depuis longtemps et nous allons continuer à nous mobiliser sur cette priorité, non pas pendant un mois, non pas pendant six mois, mais tout au long de la législature, aux côtés du Président de la République et du Gouvernement.

C’est pourquoi nous avons pris la décision de consacrer notre niche parlementaire à ce thème et de ne pas le faire sous la forme d’une proposition de loi, qui aurait abordé tel ou tel sujet, mais bien sous celle d’une approche globale, pour manifester notre volonté d’être à vos côtés, mesdames et monsieur les ministres, et de vous proposer, sur de nombreux sujets, des initiatives très concrètes.

Quand nous avons soulevé ce problème, il y a plus d’un an, certains experts nous ont dit que la question du pouvoir d’achat était un faux problème : toutes les données statistiques montraient qu’il s’accroissait de manière régulière et que, même, dans certains secteurs, les prix baissaient. Pourtant, même si les chiffres traduisent mal cette réalité, nous la percevons très clairement : de plus en plus de Français vivent ou craignent l’appauvrissement, pour eux et pour leurs enfants.

Il y a trois raisons à cela. La première, c’est que les dépenses de base, celles qui sont incompressibles – notamment celles liées au logement –, augmentent fortement. La deuxième raison, c’est que de nouveaux modes de consommation sont apparus, qui, pour l’essentiel, ne sont pas pris en compte dans les indices statistiques, qu’il s’agisse de l’ordinateur, du téléphone mobile, des frais bancaires : sur tous ces sujets, les sollicitations sont de plus en plus fortes et créent une tension extrême sur les revenus des Français. Enfin, face à ces dépenses de plus en plus lourdes, le moteur français de la croissance et de la création de richesses a été bridé. En clair, c’est bien du travail qu’il nous faut parler. De ce point de vue, je veux dire ici, à nouveau, combien la question des 35 heures a été vécue par beaucoup de nos concitoyens comme une escroquerie. C’est un peu comme pour certains contrats d’assurance pas très honnêtes. En gros, il est écrit : « Réduction du temps de travail », alors que, en tout petits caractères, en bas de page, il est précisé : « Réduction des salaires et du pouvoir d’achat. » Ce sont les plus modestes et les plus fragiles qui ont trinqué.

La démarche de rupture qui est la nôtre nous conduit tout naturellement à mener une réflexion de fond sur ces sujets. Elle s’organise en trois axes.

Il faut d’abord payer moins pour acheter plus. Pour faire baisser les prix, il convient de casser les situations de rente, de favoriser la concurrence, de faire la traque aux arnaques du quotidien et aux aberrations qui pèsent sur le budget des ménages. Un premier pas a été accompli avec la loi Chatel que nous avons adoptée. Nous devons être extrêmement vigilants aux côtés des consommateurs.

Le deuxième axe, c’est travailler plus pour gagner plus. Pour relancer les revenus, il n’est d’autre solution que de briser une spirale infernale. Je voudrais rappeler un simple chiffre, que nous avons bien en tête depuis quelques jours : le nombre d’heures travaillées en France est le plus faible de l’Union européenne, puisqu’il est de 1 470 heures par an, contre 1 700 pour la moyenne de l’Union européenne et plus de 2000 pour le Royaume-Uni.

M. Marc Goua. Non !

M. Jean-François Copé. Ne dites pas non : c’est malheureusement la réalité.

M. Michel Sapin. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-François Copé. Il n’y a pas de miracles pour les salaires. En France, le salaire brut moyen est de 28 000 euros : il est donc inférieur à la moyenne européenne, qui est de 31 000, alors que le Royaume-Uni est à 38 000. L’idée est évidemment de passer du plat unique – les 35 heures – à un choix à la carte favorable aux salariés et à la compétitivité de nos entreprises.

Enfin, le troisième axe, c’est de gagner plus et plus vite quand l’entreprise ou l’administration obtient de bons résultats. Là encore, nous serons très engagés pour tout ce qui permettra d’élargir les dispositifs de participation ou d’intéressement. Nous devons aussi avoir un débat sur les stock-options pour augmenter le nombre de bénéficiaires.

Signe du travail collectif que nous avons voulu accomplir ensemble, onze de mes amis députés vont aujourd’hui s’exprimer au nom du groupe, chacun dans un champ de compétence. Pierre Méhaignerie parlera de la prime pour l’emploi ; Patrick Ollier, de la participation ; Frédéric Lefebvre, du rachat des RTT et du logement ; Jérôme Chartier, de l’intéressement pour tous ; Alain Joyandet, de la prime défiscalisée pour les salariés des petites entreprises ; Michel Piron, du logement ; Claude Greff, de la mobilité professionnelle des Français, avec une mission très intéressante ; Jacques Myard, du pouvoir d’achat et de la question de l’euro ; Bruno Le Maire, du chèque transport ; Isabelle Vasseur, de la question du compte épargne-temps dans la fonction publique ; et Jean-Frédéric Poisson, du cumul emploi-retraite.

M. Michel Sapin. Dans l’ordre d’apparition à l’écran ! Quel casting de rêve !

M. Jérôme Chartier. Monsieur Sapin, vous dites cela parce que vous n’êtes que deux socialistes dans l’hémicycle !

M. Michel Sapin. Et le scénario est de Jean-François Copé !

M. Jean-François Copé. Ne soyez pas jaloux, monsieur Sapin. Nous pourrons ainsi faire la démonstration que nous avons fait plus concret et plus opérationnel que les piteuses mesures que vous nous avez proposées, il y a une quinzaine de jours, et qui nous ont profondément déçus, car on en attendait mieux. Nous avons observé avec intérêt durant ces quinze jours la démarche qui a été celle des socialistes sur le pouvoir d’achat : nous vous avons retrouvés tels que les Français ne veulent plus de vous.

M. Michel Sapin. Et vous, vous êtes aujourd’hui tels que les Français ne vous aiment pas !

M. Jean-François Copé. Quand vous êtes dans l’opposition, vous faites croire qu’il suffit de claquer des doigts pour régler le problème. Quand vous êtes dans la majorité, vous déployez beaucoup d’énergie pour expliquer qu’on ne peut rien faire. Je comprends que, dans ce contexte, en 2002 comme en 2007, les Français n’aient pas souhaité renouveler l’expérience.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes en mission : c’est bien sur la question du pouvoir d’achat des Français que nous allons être, dans les semaines et les mois qui viennent, totalement mobilisés de manière opérationnelle aux côtés du Président et du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il y a des Français qui peinent. Il y a des Français qui, malgré tout le travail qu’ils fournissent, ne pourront probablement pas acheter tous les cadeaux qu’ils aimeraient offrir, pour Noël, à leur famille, à leurs enfants. C’est à ces situations-là que la politique du Gouvernement veut s’attacher, et je remercie le groupe de l’UMP, dont la position a été brillamment exposée par Jean-François Copé, de bien vouloir apporter son soutien à notre action.

Toutefois, les bonnes nouvelles ne manquent pas pour notre économie. Je les ai annoncées au cours des derniers jours et voudrais les rappeler ici. Pour la première fois, la courbe du chômage passe en dessous de 8 % – à 7,9 % très exactement –, le nombre de Français en situation d’emploi augmente – plus de 64 % –, la croissance accélère à 0,7 % au troisième trimestre, ce qui est un doublement par rapport au chiffre du trimestre précédent, les investissements des entreprises sont en hausse de 1 % et l’indice de la production industrielle était de 2,1 % au mois d’octobre. Ce sont là de bonnes nouvelles, même si elles s’inscrivent dans un contexte où l’inflation est en augmentation, puisque nous pouvons craindre qu’elle ne soit supérieure à 2,2 %…

M. Jacques Myard. À peine !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. …et où le paysage financier mondial n’est pas de nature à nous rassurer totalement.

C’est pourquoi, monsieur le président du groupe de l’UMP, je vous remercie tout particulièrement de l’initiative que vous avez prise de consacrer ce temps de débat à la question du pouvoir d’achat qui, nous le savons, est essentielle pour nos concitoyens. Je ne saurais néanmoins vous présenter mes idées sur le sujet sans rendre hommage à Jérôme Chartier et Frédéric Lefebvre, dont le travail approfondi, les propositions nombreuses et variées dans tous les domaines, ont largement contribué à notre réflexion.

M. Jacques Myard. Fayots ! (Sourires.)

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. C’est un bel exemple de travail collectif et j’espère qu’il fera école.

Le pouvoir d’achat, c’est le croisement entre la hausse des rémunérations et la baisse des prix. Cela justifie d’ailleurs parfaitement que nous puissions trouver ici et sur ces mêmes sujets, tout à la fois Xavier Bertrand et moi-même.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Et moi ! (Sourires.)

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Et Christine Boutin, en effet, à qui je souhaitais consacrer un paragraphe spécifique, car la question de l’indexation des loyers est, en soi, un sujet qui contribue largement aux efforts que nous déployons en faveur du pouvoir d’achat. Je vous communiquerai d’ailleurs quelques éléments concernant les indices et les instruments de mesure.

Mme la ministre du logement et de la ville. Merci !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Hausse des rémunérations d'une part, baisse des prix d’autre part, le croisement c’est évidemment cette question du pouvoir d’achat.

Les moyens pour parvenir soit à l’augmentation des rémunérations soit à la baisse des prix sont différents selon que l’on se place dans une stratégie, la nôtre, ou dans une autre, qui n’a pas vraiment obtenu de résultats efficaces.

Certains voudraient que l'État redistribue de l'argent public, contraigne les entreprises et fixe les prix dans une forme d’économie administrée qui n’a plus cours. Nous faisons, nous, le choix inverse, celui de la responsabilité individuelle et de la liberté.

Pour obtenir l’augmentation des rémunérations, nous misons précisément sur la revalorisation du travail – avant de redistribuer la richesse, nous le savons, il faut d'abord commencer par la produire.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Pour obtenir la baisse des prix, nous ne misons ni sur la fixation des prix ni sur le régime administré mais nous croyons aux vertus de la concurrence, seule capable de faire vraiment baisser les prix. Et cette concurrence, nous la mettons au service des consommateurs – vous en avez débattu il y a quelques jours.

Cette action résolue en faveur du pouvoir d’achat, qui passe par une augmentation des rémunérations, une baisse des prix et la croissance de l’industrie, et de l’économie française de manière plus générale, tourne autour d’un axe principal, celui de la compétitivité de notre économie, qui lui-même repose sur trois pieds : la productivité des entreprises, l’employabilité des salariés et l’attractivité du territoire. C’est sur la base de ces trois éléments fondamentaux que nous obtiendrons une amélioration de la compétitivité de la France, seule à même de nous permettre de générer de la croissance qui, elle-même, autorise ensuite la distribution du pouvoir d’achat par l’augmentation des rémunérations et la baisse sur les prix par des mécanismes de concurrence utilement régulés.

Nous n'avons pas chômé au cours des derniers mois et toute notre action s’inscrit dans une ligne cohérente qui se poursuivra, comme vous l’avez indiqué, monsieur le président du groupe UMP, pendant tout le quinquennat. Le pouvoir d’achat n’est pas une étape, c’est un thème que l’on retrouve à chaque étape de l’action gouvernementale et qui a été au cœur des textes récemment débattus au Parlement.

Avec la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat que vous avez votée cet été, nous avons clairement réhabilité la valeur travail, conformément aux engagements de campagne pris par le Président de la République. L'ensemble des mesures relatives notamment à la défiscalisation et à l’exonération de charges sociales applicable aux heures supplémentaires est de nature à revaloriser ce travail. Je voudrais mentionner un chiffre, celui concernant les gains de pouvoir d’achat pour nos concitoyens résultant tout à la fois de la défiscalisation des heures supplémentaires, du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt et de la défiscalisation du travail étudiant : on estime à pas moins de 6,9 milliards d’euros le pouvoir d'achat supplémentaire pour nos concitoyens.

Avec le projet élaboré par Xavier Bertrand et Christine Boutin, et auquel j’ai eu le plaisir de contribuer, c’est à une véritable libération du travail à laquelle nous allons pouvoir assister en France, grâce en particulier à une forme de monétisation de plusieurs éléments. Xavier Bertrand présentera plus en détail tout ce qui concerne la monétisation des jours de RTT ou la libération de sommes concernées par la participation.

Pour ma part, je voudrais insister tout particulièrement sur une mesure qui concerne la modification de l’indexation des loyers. En effet, le projet de loi qui sera examiné par votre assemblée dès mardi propose une modification de l’indexation. En passant non pas de l’indice de la construction mais de l’indice composite applicable à l’IPC, c'est-à-dire l’indice des prix à la consommation, on pourra garantir au bénéfice des locataires une application réelle de la diminution effective des prix.

Je voudrais à cet égard souligner les efforts particuliers que j’ai demandés à l’INSEE de déployer pour améliorer les instruments de mesure. Vous l’avez évoqué, monsieur Copé, l’appréciation que nous faisons du pouvoir d’achat varie en fonction des types de consommation. L’IPC n’est pas un instrument de mesure suffisamment détaillé et fiable, même s’il doit évidemment, pour des raisons statistiques, demeurer en l’état. J’ai donc demandé au directeur de l’INSEE de procéder à des améliorations de ces indices, sans pour autant supprimer l’IPC. Fonder les indices sur des types de consommation, notamment les consommations contraintes, et sur des types de ménage ou de situations familiales correspondant à des dépenses particulières, notamment dans le domaine des consommations contraintes, devrait nous permettre de mieux appréhender la réalité du pouvoir d’achat tel qu’elle est ressentie et vécue par nos concitoyens.

Pour déclencher à terme une baisse des prix, un projet de loi sur le développement de la concurrence au service des consommateurs est actuellement soumis à l’examen du Parlement. Ce texte permettra de renforcer la concurrence entre les grandes surfaces à travers la réforme de la loi Galland et de répercuter les marges arrière, ce qui n’était pas possible jusqu’à présent, pour abaisser les prix de revente aux consommateurs. Il permettra ensuite de renforcer la concurrence entre les opérateurs de communications électroniques par le biais d’un droit permanent de résiliation des contrats dans les dix jours. Il permettra enfin de renforcer la concurrence entre les banques, en obligeant celles-ci à envoyer chaque année à leurs clients un récapitulatif des frais bancaires. Dans ces deux exemples de secteur d’activité, où les dépenses contraintes sont réelles, nous souhaitons mettre en tension les opérateurs pour qu’ils répercutent les baisses de prix et les gains de productivité directement aux consommateurs.

C’est donc un effort considérable qui est engagé en faveur du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Si l’on combine l’ensemble des estimations chiffrées des redistributions de pouvoir d’achat, c’est près de 30 milliards d’euros qui vont être injectés en année pleine dans l'économie pour augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Plutôt que de détailler chacune des mesures, je prendrai deux exemples types qui reprennent nombre des dispositions qui ont été votées dans cette assemblée.

La première situation est celle d'un salarié payé au SMIC qui veut travailler plus pour gagner plus. En travaillant quatre heures de plus par semaine, c'est-à-dire en passant de trente-cinq heures à trente-neuf heures, il pourra désormais, grâce à la loi qui est en vigueur depuis le 1er octobre et qui a permis aux salariés de recevoir deux fois de suite des bulletins de salaire majorés grâce aux heures supplémentaires qu’ils ont pu effectuer, toucher l’équivalent d’un treizième mois à la fin de l’année, et même un peu plus puisque quatre heures de travail supplémentaires par semaine correspondent à pas moins de 2 000 euros.

Ce dispositif se met en place rapidement. Certains chefs d'entreprise, nous l’avons entendu, ont pu rencontrer des difficultés réelles. Je voudrais à cet égard attirer l’attention de votre assemblée sur le fait que ces difficultés ne tiennent pas à la complexité du mécanisme que vous avez voté cet été mais au fait qu’il est venu se superposer à un mécanisme lui-même d’une complexité effroyable, celui des 35 heures, qui a véritablement intoxiqué la réglementation relative à la durée du travail.

M. Jacques Myard. Tout à fait !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. C’est un véritable chemin qu’il faut se frayer à travers la jungle de la législation sur la durée du travail.

Les difficultés d’application de la réglementation que vous avez votée cet été se résolvent. Nous avons engagé des actions de communication extrêmement importantes. Nous avons clarifié un certain nombre de points, en particulier sur les jours fériés qui viennent « percuter » un peu le mécanisme de calcul des heures supplémentaires. Les chefs d’entreprise se disent satisfaits des clarifications qui ont été apportées. Selon les premiers chiffres que j’ai reçus, et qui datent de la fin du mois d’octobre, pas moins de 30 % des entreprises ont aujourd’hui recours au mécanisme des heures supplémentaires applicable au-delà des 35 heures.

La seconde situation que je voudrais vous décrire est celle d'une mère célibataire qui gagne 1 600 euros par mois, qui paye un loyer de 600 euros et qui ne souhaite pas effectuer d’heures supplémentaires parce qu’elle doit garder ses enfants après son temps de travail. Elle pourra néanmoins bénéficier d’un certain nombre des modifications que nous avons soumis à votre examen et qui ont été votées pour la plupart d’entre elles. Au titre de la prime à la cuve, elle recevra un chèque du Trésor public de 150 euros. Son entreprise pourra, au titre des dispositions qui seront soumises à votre examen à partir de mardi, lui verser 500 euros, soit 460 euros après déduction de la CSG et de la CRDS. Elle pourra peut-être faire monétiser quelques jours de RTT : quatre jours de RTT par exemple lui feront gagner 284 euros sur sa paye annuelle. Le changement du mode d'indexation des loyers, fondé dorénavant sur l'inflation et non plus sur les coûts de construction, lui fera économiser 101 euros de loyer. Enfin, l'impact sur les prix de la réforme de la loi Galland devrait augmenter son pouvoir d'achat de 600 euros, si l’on utilise tout simplement le mécanisme de baisse des prix qui a résulté de la combinaison de la négociation amenée par mon prédécesseur au ministère de l’économie et des finances en 2004, Nicolas Sarkozy, et de l’application de la loi Dutreil, avec calcul analogique du même mécanisme de réduction. Au total, cette mère célibataire avec un enfant aura gagné sur l'année près de 1 600 euros de plus, soit l'équivalent de son salaire mensuel.

Vous le voyez, il s’agit de mesures très concrètes, qui produiront de véritables résultats au bénéfice de nos concitoyens.

On pourrait mettre en scène d’autres situations, avec l’application du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt, la mise en œuvre du revenu de solidarité active, la défiscalisation du travail étudiant, ou l'allégement des droits de succession. Toutes ces mesures sont, elles aussi, destinées à permettre à nos concitoyens de gagner du pouvoir d’achat.

Je vous l’ai dit tout à l’heure, l’augmentation du pouvoir d’achat n’est pas un souci que nous avons pendant quelques semaines ou quelques mois, c’est, comme vous l’avez rappelé, monsieur Copé, un souci constant, qui irrigue en permanence l’intégralité des mesures qui sont proposées.

M. Frédéric Lefebvre. C’est très important.

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. J’en veux pour preuve le texte relatif à la modernisation de notre économie, qui sera soumis à votre examen à la fin du printemps 2008. Reprenant un certain nombre des propositions de la commission Attali, ce texte visera très clairement à supprimer l’ensemble des verrous qui freinent actuellement la croissance française et à développer les résultats de cette croissance au bénéfice de tous nos concitoyens afin que ce pouvoir d’achat leur soit légitimement redistribué.

M. Frédéric Lefebvre. L’UMP sera à ce rendez-vous !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. C’est donc dans le cadre d'une politique large, visant à dynamiser la compétitivité française, à améliorer la productivité des entreprises et l’employabilité, à développer l’attractivité de notre territoire, que nous nous voulons oeuver. Vous le savez mieux que moi, mesdames messieurs les députés, il ne sert à rien en la matière d’opposer politique d’offre et politique de demande.

M. Jacques Myard. Très bien !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Il est des situations particulières où la combinaison de la politique d’offre et de la politique de demande est de nature à dynamiser notre économie. C’est ce à quoi nous nous attacherons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Sapin, pour quinze minutes.

M. Jacques Myard. C’est long !

M. Michel Sapin. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, j’en entends déjà un qui trouve que quinze minutes, c’est long.

M. Jacques Myard. Pas « un » mais « un collègue », cher ami.

M. Michel Sapin. Je ne croyais que c’était un collègue parce que ce ne sont pas des propos que l’on s’échange entre collègues.

M. Jacques Myard. Et néanmoins amis !

M. Michel Sapin. Il y a, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, quelque chose d’un peu dérisoire dans le débat d’aujourd’hui…

M. Jean-François Copé. Comme c’est agréable à entendre !

M. Michel Sapin. …quelle que soit la sincérité des uns et des autres dans le souhait que soit débattue la question du pouvoir d’achat et dans la volonté d’un côté comme de l’autre de faire des propositions, et s’agissant du Gouvernement dans sa responsabilité d’essayer de s’attaquer à cette question difficile et prégnante dans la société d’aujourd’hui. Quelque chose de dérisoire parce que vous vouliez, monsieur Chartier, une grande proposition de loi et que, malgré tout, vous avez aujourd’hui un petit débat sur le sujet.

M. Jacques Myard. C’est paradoxal de participer à un petit débat !

M. Michel Sapin. Quelque chose de dérisoire parce que, la semaine dernière, vous manifestiez, madame la ministre, je l’ai lu, la volonté de tourner la page avec les mesures qui ont été annoncées hier sur la question du pouvoir d’achat. Or rien ne fera tourner la page car la question du pouvoir d’achat ne se règle pas un jour, elle se constate, elle se vit, parfois dans la souffrance, chaque jour. Ce n’est donc pas le rendez-vous d’un jour, ce n’est pas le projet d’un jour, c’est la politique au cours des années que nous aurons les uns et les autres, et tout particulièrement les Français, à juger sur pièces et sur place.

Il y a aussi quelque chose de dérisoire dans le maniement des chiffres. Vous parlez, madame la ministre, de 30 milliards d’euros qui seraient mis au service du pouvoir d’achat des Français. Je connais la propension à globaliser, mais cette globalisation a quelque chose de faux, et, vous le savez madame, de dérisoire car c’est un mélange de carottes, de choux, de navets et de patates…

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Cela fait un bon pot au feu !

M. Jacques Myard. C’est ainsi que l’on fait la meilleure soupe, pour nourrir le peuple !

M. Michel Sapin. …qui ne vont pas au même endroit et dans les mêmes conditions et qui ne bénéficient pas au pouvoir d’achat du plus grand nombre.

Il y a aussi parfois quelque chose de dérisoire, j’y reviendrai, dans la description de cas particuliers. Je sais que c’est un réflexe que l’on est tenté d’avoir quand on est ministre. Parce qu’on veut être dans le concret, on décrit les situations de telle ou telle personne qui « pourrait », je reprends votre conditionnel…

J’en viens ainsi à ma première remarque : la quasi-totalité des mesures que vous proposez – je mets de côté celles concernant le logement, car elles sont du domaine de la décision politique et nous les approuvons – sont des mesures au conditionnel, des mesures hypothétiques.

M. Frédéric Lefebvre. Faites confiance aux partenaires sociaux !

M. Michel Sapin. Elles correspondent à une forme d’affadissement, de recul de la volonté politique.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Que dire de la vôtre ?

M. Jacques Myard. La croissance ne se décrète pas !

M. Frédéric Lefebvre. Augmenter les finances publiques, ça vous savez faire !

M. Michel Sapin. Le Président de la République continue pourtant à proclamer que c’est la volonté politique qui doit l’emporter sur tout le reste, que c’est elle qui va permettre de surmonter les difficultés de l’économie française.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Eh oui !

M. Michel Sapin. Et pourtant, que proposez-vous ? Des mesures qui sont toutes hypothétiques ! Vous n’avez plus aucune marge financière – le Président de République l’a dit et vous êtes là, madame la ministre, pour le constater – ni au sein de la sécurité sociale, qui est en grand déficit, ni au sein du budget de l’État, qui est également en grand déficit. Donc, vous reportez sur d’autres la charge de la question du pouvoir d’achat, et ces autres ce sont les entreprises. Et quelles entreprises ? Sont-ce toutes les entreprises ? J’en arrive à l’autre caractéristique de vos propositions : non seulement elles sont hypothétiques, mais elles ne concernent pas tout le monde. Quid du pouvoir d’achat des retraités ?

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Michel Sapin. Vous n’en dites pas un mot. En fait, leurs pensions n’augmenteront que de 1,1 %, chiffre inscrit dans la loi de financement de la sécurité sociale, alors que vous prévoyez vous-même, madame la ministre, une inflation aux alentours de 2,2 % pour l’année prochaine !

M. Jacques Myard. Vous êtes un expert en inflation !

M. Michel Sapin. C’est la programmation de la baisse du pouvoir d’achat pour l’ensemble des retraités français, et vous le savez très bien !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Dites tout, monsieur Sapin ! Je vous laisse mon temps de parole si vous dites toute la vérité !

M. Michel Sapin. Quelles que soient vos dénégations, quelle que soit votre volonté d’utiliser la force des mots, vous ne dissimulerez pas la réalité pour l’ensemble des retraités français !

M. Jacques Myard. Votre démonstration est faible !

M. Michel Sapin. Je n’insisterai pas sur le fait que, par définition, vos mesures ne concernent pas les salariés du secteur public. Mais concernent-elles tous les salariés du privé ? Comme le montrent les chiffres que vous avez avancés hier en commission, monsieur le ministre, une partie seulement des salariés sera concernée, car une partie seulement des entreprises aura la possibilité économique de faire des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires, ce n’est pas de la distribution de pouvoir d’achat ; c’est une organisation légitime, par le chef de l’entreprise, de son travail, et lorsqu’il n’en aura pas besoin, il n’y aura pas d’heures supplémentaires.

M. Frédéric Lefebvre. Vous vous avez choisi de bloquer les salaires !

M. Michel Sapin. Il en est de même pour les mesures sur la participation. Toutes les entreprises les ont-elles mises en place ? Non ! Tous les salariés sont-ils concernés ?

M. Jérôme Chartier. Patrick Ollier va vous dire qu’il y a moyen de la généraliser !

M. Michel Sapin. Non ! Ce sont principalement les mieux rémunérés, et en particulier les cadres, qui sont concernés par la participation. Et c’est la même chose pour chacune des mesures en question ! Ce sont certains salariés, et non pas tous, dans certaines entreprises, et non pas dans toutes, qui pourront éventuellement en bénéficier. Hypothétiques, conditionnelles, inégales, voilà la réalité des propositions qui sont les vôtres !

Or, et ce sera ma seconde remarque, face à ce train de petites mesures aux effets hypothétiques, conditionnels et inégaux, les Français ont devant les yeux un train des mesures certaines aux effets certains sur leur pouvoir d’achat. Les franchises médicales, par exemple – vous n’êtes plus directement en charge de ces questions, monsieur le ministre, mais vous l’avez longtemps été –, sont votées. Elles ne sont pas hypothétiques. Elles sont certaines et s’appliqueront à tous.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Non, pas à tous !

M. Michel Sapin. Voilà une mesure qui va peser sur le pouvoir des Français de manière certaine et qui concernera toutes les familles.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Non !

M. Michel Sapin. Pour vous ou pour moi, cela ne sera pas très grave, mais cela le sera beaucoup plus pour tous les Français qui ont déjà des difficultés à vivre et qui seront concernés.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Non, ce n’est pas vrai ! Ils ne seront pas tous concernés !

M. Michel Sapin. Vous avez parlé à cet égard d’une économie – on pourrait aussi parler d’une taxe – de l’ordre de 1 milliard d’euros. Ce sera 1 milliard d’euros de moins dans la poche des Français !

Dois-je vous parler maintenant de la suppression de l’exonération de redevance audiovisuelle pour environ 800 000 personnes ? Cela ne touche pas les plus aisés, puisque, par définition, ce sont les plus en difficulté qui sont concernés par l’exonération. Cette suppression de l’exonération, elle est certaine, elle n’est pas hypothétique, et on sait qui elle concerne : les familles les plus en difficulté. Voilà quelque 200 millions d’euros qui auront ainsi été effacés d’un trait de plume, et autant de pouvoir d’achat en moins pour ceux qui sont dans la difficulté !

Il y a ce qui est certain parce que cela a été décidé et déjà voté, qui s’applique à la plus grande partie des Français alors que vos mesures sont hypothétiques et conditionnelles, mais il y a aussi ce qui sera demain réalité compte tenu de l’évolution de la situation économique et financière de la France. Mesdames et monsieur les ministres, le Conseil économique et social vient de rendre un avis sur la TVA sociale et il a dit, au passage, que ce serait une mauvaise chose.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Sapin. Je ne peux qu’être d’accord sur cette analyse. Il a aussi dit que vous serez obligés d’augmenter les recettes du budget de la sécurité sociale. Vous ne pouvez donc pas me dire que la cotisation pour le remboursement de la dette sociale n’augmentera pas l’année prochaine ! En effet, vous le savez très bien, dès lors que la dette aura été consolidée dans les comptes de la nation, il faudra une recette permettant l’amortissement de cette dette. La CRDS augmentera donc au minimum de 0,2 % pour permettre de faire face aux contraintes imposées par la loi et l’encadrement du déficit. Combien de milliards seront-ils ainsi payés par toutes et tous, pas de manière hypothétique et inégalitaire, de manière certaine et généralisée ? Voilà la réalité !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. La réalité, c’est que le ministre du budget ne s’appelle pas Laurent Fabius !

M. Michel Sapin. Je ne mets en cause ni la volonté ni la capacité des uns et des autres à faire des propositions, mais nul ne peut se laisser abuser ni par le débat d’aujourd’hui ni par les mesures d’hier – celles du TEPA – ou de demain – celles que vous proposez, monsieur le ministre. Chacun sait bien que ce que vous proposez en termes de pouvoir d’achat n’aura que des effets hypothétiques et injustes alors que la réalité des choses aujourd’hui, pour chacun des Français, est certaine et, elle, particulièrement égale. Voilà en quels termes se pose le débat à l’occasion duquel les socialistes feront des propositions.

Monsieur Copé, il ne sert à rien de traiter par la dérision les propositions des autres. Je n’ai pas utilisé ce moyen. J’ai fait appel à l’analyse,…

M. Patrick Ollier. Elle n’est pas terrible !

M. Jacques Myard. Il y a encore des progrès à faire !

M. Patrick Ollier. Il n’y a pas beaucoup de projets derrière l’analyse !

M. Michel Sapin. ...à la description. J’ai voulu dire ma vérité, qui peut être discutée et disputée. Les socialistes ont fait toute une série de propositions concrètes et précises concernant le pouvoir d’achat de tous les Français, et pas seulement de certains, et nous ferons en sorte que, dans les jours qui viennent, ce soit sur ces propositions également que porte le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, le pouvoir d’achat est une question centrale que le Gouvernement a décidé de prendre à bras-le-corps. Si ce sujet revient avec plus d’acuité aujourd’hui, c’est à cause de la hausse des prix de l’immobilier, de la flambée des cours du pétrole. Tout cela s’inscrit dans un contexte post-35 heures qui a écrasé l’échelle des salaires et a entraîné une paupérisation des classes moyennes. Le SMIC a certes augmenté de 20 % entre 2002 et 2007, mais 16 % des salariés sont aujourd’hui pratiquement smicards. Le problème aujourd’hui est bien celui des classes moyennes. Des familles qui vivaient dans une certaine aisance dans le passé connaissent des problèmes de pouvoir d’achat.

Le ralentissement de l’augmentation du pouvoir d’achat a donc coïncidé avec un ralentissement de la croissance, de la productivité et une hausse exponentielle des prix de l’immobilier. Ce double choc crée un contraste important avec la fin des années 90, qui donne aux ménages une impression de régression de pouvoir d’achat.

Le débat est simple : le pouvoir d’achat dépend de la création de richesses. Or, ce sont avant tout les entreprises qui créent ces richesses et l’État en créera demain en se modernisant. Plus la richesse créée est importante, plus il y aura de redistribution.

Ces éléments d’analyse suggèrent plusieurs pistes pour retrouver un rythme de croissance du pouvoir d’achat plus rapide qu’à l’heure actuelle.

Il faut redonner de la compétitivité à nos entreprises. J’entendais d’ailleurs ce matin le responsable d’un important parti politique parler des entrepreneurs et non plus des patrons. Cela montre bien qu’il y a eu une évolution de l’état d’esprit.

Pour ce qui est de la compétitivité des entreprises, des efforts doivent être faits non seulement au niveau de la création ou de la transmission, mais aussi en matière d’innovation, de stabilité de l’environnement juridique des entreprises, de simplification administrative.

Moderniser notre État est une exigence absolue. Nous devons avoir un État plus efficace, plus moderne, plus stratège et engager une véritable baisse de nos prélèvements obligatoires. Car le pouvoir d’achat, c’est ce qui reste une fois que tous les prélèvements obligatoires sont intervenus. Et en matière de prélèvements obligatoires, chacun doit balayer devant sa porte, car ce sont les impôts d’État, mais ce sont aussi les impôts locaux. Je me permettrai à cet égard de dire à l’orateur précédent que, dans sa propre région, ces derniers ont augmenté de plus de 24 % en 2004.

M. Jacques Myard. Eh oui ! Ça fait mal ça !

Mme Catherine Coutelle. Et les transferts de charges !

M. Philippe Vigier. C’était un très mauvais coup porté au pouvoir d’achat !

M. Jacques Myard. Une gabegie !

M. Philippe Vigier. Et c’était traiter le problème par le mépris que de le réduire, comme cela a été fait, au prix à payer pour l’achat d’un paquet de cigarette !

Un autre problème essentiel, dont nous avons parlé hier en commission, est celui du logement. C’est l’une des plus grandes frustrations que vivent nos compatriotes. On dit toujours que, pour l’épanouissement d’une famille, il est indispensable d’avoir un emploi et un logement. Trouvez-vous normal que des jeunes qui commencent en région parisienne avec 1 400 euros ne puissent pas se loger à moins de cinquante kilomètres de Paris ?

M. Jacques Myard. C’est une question d’offre de logements !

M. Philippe Vigier. C’est inacceptable ! Trouvez-vous normal que des étudiants soit obligés de s’adresser à des bailleurs privés faute de chambres universitaires disponibles ? Là encore ce sont ceux dont les parents ont les moyens qui peuvent bénéficier de ces logements. Le logement est un problème crucial qu’il faut prendre à bras-le-corps.

S’agissant du rachat des RTT et de leur conversion en compte épargne temps proposés par le Gouvernement, nous avons eu l’occasion de dire hier en commission, Charles de Courson et moi-même, que c’est une bonne mesure. Les gens qui ont ainsi travaillé selon un coût horaire seront mieux payés que ce qu’ils devaient l’être initialement du fait de l’augmentation de 10 à 25 % qui s’appliquera sur les RTT qui seront traduites en rémunération. C’est donc une mesure essentielle qui s’appliquera au secteur privé, mais il y a encore une immense frustration dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale, et l’on ne pourra continuer longtemps à traiter différemment le public et le privé.

M. Charles de Courson et M. Jacques Myard. Très bien !

M. Philippe Vigier. S’agissant du travail dominical, il faut aborder la question sans angélisme, sans dogmatisme. Je ne veux pas dire qu’il faut libérer à tout va le travail dominical, mais au moins laissons à ceux qui veulent travailler le dimanche la possibilité de le faire. J’ai été interne dans les hôpitaux de Paris pendant six ans. Je faisais des gardes de nuit et j’en étais très heureux. Certaines personnes qui travaillaient avec moi préféraient prendre des gardes de nuit pour être disponibles pour leurs enfants le reste du temps.

Certains d’entre eux préféraient prendre des gardes de nuit et être disponibles pour leurs enfants durant la semaine. Il faut donc éviter de voir les choses tout en noir ou tout en blanc, et laisser à chacun une liberté, à l’intérieur d’un véritable cadre juridique.

Sur le logement, la proposition qui a été faite va dans le bon sens. Je réitère celle que nous avons formulée hier soir de créer un fonds de garantie pour assurer le logement universitaire. J’espère que les collectivités territoriales consentiront un effort particulier, à côté de l’État, pour loger les étudiants.

Mais le Nouveau Centre souhaite aller plus loin en proposant des mesures concrètes et simples pour le pouvoir d’achat des familles. On sait par exemple que les abonnements téléphoniques ont considérablement augmenté depuis dix ans, ce qui ampute de 80 à 100 euros par mois le pouvoir d’achat d’une famille de deux enfants. La loi Chatel prévoit certaines dispositions pour sortir plus rapidement des contrats, mais nous préconisons que les opérateurs s’engagent à modérer durablement – bien au-delà de 2008 – le coût des abonnements pour la téléphonie mobile, car on ne peut pas continuer ainsi.

Parlons des frais bancaires. Il y a cinq ans, les frais en ligne n’existaient pas. Aujourd’hui, où ils bénéficient enfin d’un peu plus de transparence, on sait que, quand une famille possède deux comptes, elle doit payer quarante, cinquante, voire soixante euros par mois. À l’heure où l’on nous dit qu’il faut dématérialiser la communication, utiliser l’ADSL et Internet, les banques facturent des frais en ligne quand une entreprise paie ses salariés par Internet. Je le vérifie au quotidien dans mon entreprise.

Pour ce qui est de l’énergie, il n’y a aucune raison qu’EDF augmente fortement ses tarifs dans les années à venir.

M. Jacques Myard. C’est la demande allemande qui augmente les prix d’EDF ! Voilà ce que c’est que la libéralisation !

M. Philippe Vigier. Puisque 90 % de l’énergie sont d’origine nucléaire ou hydraulique, pourquoi l’augmentation du pétrole aurait-elle une telle incidence sur son prix ?

Les tarifs publics pèsent également sur le pouvoir d’achat. Ce qui est vrai pour EDF l’est aussi pour la RATP, pour la SNCF, qui a affiché l’an dernier ses premiers résultats positifs, et pour Gaz de France. C’est pourquoi le Nouveau Centre est favorable à l’amendement voté il y a quelques jours.

Il faut également agir sur l’évolution des prix des produits de consommation courante. Le Nouveau Centre invite le Gouvernement à passer un accord-cadre avec la grande distribution, afin qu’elle s’engage à garantir la stabilité des prix d’une vingtaine de produits qui constituent l’essentiel des achats de nos concitoyens. La mesure doit s’étendre bien au-delà de 2008, puisque le pouvoir d’achat est une donnée qu’il faut considérer dans la durée.

En matière d’accès au crédit, il faut aller encore plus loin afin de responsabiliser les organismes de crédits et éviter la multiplication scandaleuse des situations de surendettement.

Intensifier la concurrence est également une nécessité. Je crois pour ma part aux vertus de la concurrence, ainsi qu’à la régulation des marchés. La libre concurrence produira indubitablement une baisse des prix facturés à nos concitoyens.

À moyen terme, tout repose sur la création de richesses, donc sur les entreprises.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Philippe Vigier. La création d’entreprise est freinée par la complexité et les lenteurs administratives.

M. Michel Piron. Oh oui !

M. Philippe Vigier. Il est urgent d’agir pour que cela cesse. Actuellement, des milliers d’emplois partent chez nos voisins, les autres pays de l’Union européenne Pourquoi mettons-nous huit mois à réaliser une enquête publique ou six mois à accorder un permis de construire, en multipliant les questions complémentaires ? Il n’est pas possible de continuer ainsi, dans un contexte de concurrence sauvage.

La transmission d’entreprises est un problème crucial, compte tenu de notre tissu de PME et de PMI. Il faut faciliter la transmission, notamment des entreprises familiales. Il faut également agir sur l’innovation dans les entreprises, puisque c’est sur l’innovation, la créativité et la recherche en amont que nous bâtirons les emplois de demain. Là encore, des efforts considérables peuvent être effectués. Malgré le niveau très élevé des prélèvements obligatoires, l’existence de contraintes administratives considérables et le poids très lourd des 35 heures sur l’économie, nous sommes encore un grand pays d’innovation et de recherche. Je fonde beaucoup d’espoir sur la nécessité d’une politique ambitieuse.

J’ai évoqué le problème de la sécurité juridique. C’est là un élément majeur. Les règles ne peuvent pas changer tous les deux ans ou tous les six mois…

Mme Catherine Coutelle. Et encore moins toutes les trois semaines !

M. Philippe Vigier. …si l’on veut pouvoir construire une vraie stratégie de développement d’entreprise. Quel chef d’entreprise bâtit une stratégie sur dix-huit ou vingt-quatre mois ? L’exemple de l’automobile en est la meilleure illustration.

En matière d’exportation, la France doit se positionner sur les produits à forte valeur ajoutée, de manière à gagner de nouvelles parts de marché. Les contrats que nous signons à l’heure actuelle montrent bien que nous en avons la capacité.

Nous appelons à l’institution d’un Small Business Act pour réserver une part de nos marchés publics aux PME. L’accès à ces marchés leur est indispensable. Or, les maires ici présents peuvent en témoigner : aujourd’hui, qu’il s’agisse de travaux de voirie, d’enfouissement de réseaux, des entreprises étrangères nous répondent. Il est donc indispensable de protéger au niveau local les entreprises françaises qui disposent d’un savoir-faire.

L’actionnariat salarié doit également être développé.

Un mot sur la modernisation de l’État, qui constitue un projet important. Nous disposons d’une fenêtre de tir formidable. Gardons-nous toutefois du dogmatisme. Ce n’est pas parce que 400 000 fonctionnaires vont partir à la retraite que nous devons économiser autant d’emplois. L’idée qui doit nous guider est plus simple : il faut recourir aux nouvelles technologies et mener une réforme de l’État concertée, qui applique les mêmes règles de stratégie et de développement que les entreprises et qui valorise mieux les agents de la fonction publique. À ce sujet, le Président de la République a promis de redistribuer la moitié des économies qui seraient réalisées dans la fonction publique aux salariés. Il faut y parvenir et leur apporter ainsi la preuve de notre reconnaissance. Trop souvent, en tant qu’élus locaux, nous nous heurtons à la difficulté de récompenser ceux de nos collaborateurs qui se dépensent sans compter, au service du public. Actuellement, nous ne sommes pas soutenus par le cadre juridique.

Derrière le problème de la réforme de l’État, se profile celui des prélèvements obligatoires. Lors de la présentation du budget, M. de Courson a insisté à juste titre sur le fait que ceux-ci n’ont pas diminué. C’est un chantier qui reste à ouvrir, même s’il n’est pas facile d’agir simultanément dans tous les domaines. Je souligne au demeurant la réactivité du Gouvernement, qui a pris les dossiers à bras-le-corps en proposant non des mesurettes mais de vraies mesures, qui ne creuseront pas le déficit de l’État.

Je citerai pour seul exemple la monétisation des RTT ou du compte épargne temps. Dans la fonction publique hospitalière, cette mesure concernera des centaines de milliers d’heures. Les salariés qui ont donné leur temps attendent une réponse. Celle-ci est à mes yeux essentielle. M. Méhaignerie le répète volontiers : pour les heures supplémentaires, le volant est trop étriqué et il est grand temps de donner de l’air aux entreprises. Maintenant qu’on leur a permis de payer 25 % de plus les heures supplémentaires de leurs salariés, il est grand temps de revoir le contingent de ces heures, qui ne correspond plus à rien. On constate même dans chaque branche des dysfonctionnements majeurs.

Enfin, avec la réforme du contrat de travail, le Gouvernement se propose d’ouvrir un grand chantier. En la matière, la situation actuelle est d’une hypocrisie totale. Je peux apporter à ce sujet mon témoignage de maire qui s’apprête à perdre, sur un bassin d’emploi, 800 emplois dans quinze jours. Un grand opérateur téléphonique Flextronics, donc Nortel Networks, emploie des gens en intérim depuis vingt ans. Sommes-nous d’accord pour dénoncer cette situation inacceptable ?

M. Michel Piron. Oui !

M. Philippe Vigier. Un contrat plus souple et la flexsécurité devraient permettre…

Mme Catherine Coutelle. Parlez-en aux salariés de SFR : ils connaissent bien le problème !

M. Philippe Vigier. Le problème de ceux que je rencontre à ma permanence, qui signent depuis vingt ans un contrat d’intérim valable pour trois ou six mois, est bien particulier. Tous les gouvernements qui se sont succédé ont fermé les yeux sur le sujet. Ces gens se trouvent aujourd’hui sans rien et nous n’aurons rien à leur proposer s’ils veulent se reconvertir. Les salariés qui sont les plus protégés sont actuellement en CDI. Il faut sortir de ce dogmatisme et proposer des solutions alternatives. La refonte des contrats de travail doit être ambitieuse. Nous serons aux côtés du Gouvernement pour l’aider à la mener.

Chacun l’a bien compris : le pouvoir d’achat n’est ni de gauche ni de droite. C’est l’affaire de tous.

M. Pierre Méhaignerie. Très bien !

M. Philippe Vigier. Alors, je vous en prie, pas d’hypocrisie ! Regardons les choses avec sincérité, dans un souci de transparence. L’État ne doit pas être le seul à agir. Les chefs d’entreprise et les partenaires sociaux doivent également prendre part à la discussion. Le Gouvernement les y a d’ailleurs associés. Dès lors qu’on leur en laissera la possibilité, ils s’impliqueront dans le dispositif.

La réponse au problème du pouvoir d’achat ne doit donc pas être uniquement structurelle. Seules l’amélioration de la compétitivité des entreprises et la modernisation toujours repoussée de l’État permettront une hausse durable du pouvoir d’achat, à la seule condition que les prélèvements obligatoires n’augmentent pas. Il faut en tirer les conséquences, en matière d’impôts tant locaux que nationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie. Monsieur le président, mesdames et monsieur les ministres, mes chers collègues, les réformes du Gouvernement, engagées ou à venir, permettront, comme partout ailleurs en Europe, de revenir au plein-emploi et d’augmenter le pouvoir d’achat. Mais, pour convaincre l’opinion publique et surmonter les résistances, ces réformes doivent s’inscrire dans une stratégie à moyen et long terme, et d’être accompagnées de mesures de justice. Ce seront les deux points de mon intervention.

Pour définir une stratégie à long terme, je pense que nous devons partir de trois singularités françaises qui nécessitent d’être corrigées.

La première est le niveau élevé de nos dépenses publiques, qui porte atteinte tant à la compétitivité des entreprises qu’au pouvoir d’achat des salariés. Les onze pays développés qui ont le plus augmenté leur taux d’emploi et leur pouvoir d’achat ont baissé en moyenne leurs dépenses publiques de 3 % de leur PIB. Ce n’est pas notre cas. En 2007, la France sera, avec la Suède, le pays qui, au sein de l’Union européenne, aura le taux de dépenses publiques le plus élevé en pourcentage du produit intérieur brut. Or nous savons fort bien que les politiques publiques ne souffrent pas, en France, d’une insuffisance de moyens, mais d’un empilement de structures et d’une complexité de procédures. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)

M. Jacques Myard. Très juste ! Supprimons les régions !

M. Pierre Méhaignerie. Toutes les mesures actuellement engagées qui conduiront à réformer l’État et à le recentrer sur ses fonctions essentielles vont dans le sens d’une amélioration du pouvoir d’achat des salariés.

Après le poids trop élevé de nos dépenses publiques et le coût important de la gestion de l’État – qui est éloigné, faible et motive peu les hommes –, la deuxième singularité française est que le salaire direct est limité par le poids, plus élevé qu’ailleurs, du salaire différé et du niveau des prestations sociales. Parmi les quinze pays européens avant l’élargissement, la France se retrouve au troisième rang pour le coût horaire du travail, mais au dixième ou onzième rang pour le salaire. Pourquoi ce différentiel ? Parce que la France est, en Europe, avec la Suède, le pays qui donne le plus la priorité au salaire différé et aux prestations sociales. D’ailleurs, le rapport de Jacques Delors rédigé pour le CERC, le Centre d’étude des revenus et des coûts, indique que, en France, la forte augmentation des dépenses de santé, de vieillesse et de prestations tire vers le bas la part du revenu individualisé.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Pierre Méhaignerie. Notre État providence très développé a une face positive : on compte vingt-quatre prestations entre la naissance et la mort, et le dernier quintile de revenu connaît une amélioration de 56 % après prestation. Mais il possède aussi sa face négative : la faiblesse relative du salaire direct.

M. Jacques Myard. Payez plus !

M. Pierre Méhaignerie. Cette situation nous impose de rechercher une meilleure performance sociale afin de donner une plus grande priorité au salaire direct. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales y travaillera au cours des quinze prochains mois.

La troisième singularité française est une croissance inférieure, depuis vingt-cinq ans, à celle des autres pays de l’OCDE. Un chiffre mérite d’être retenu. Entre 1960 et 2005, le pouvoir d’achat du salaire moyen par an est passé de 9 900 à 22 000 euros, mais 80 % de cette hausse se sont faites entre 1960 et 1980. Tous les observateurs l’ont noté : jusque dans les années quatre-vingt, la croissance de la France était supérieure d’un demi-point à la moyenne des pays de l’OCDE ; depuis, elle est inférieure d’un demi-point, ce qui se traduit par 15 % de pouvoir d’achat en moins et par la destruction d’un million d’emplois.

Toutes les expériences européennes nous poussent à mettre en œuvre les mêmes mesures – également préconisées par le dernier rapport du conseil d’analyse économique consacré aux leviers de la croissance dont je tiens à saluer la qualité : réforme du service public de l'emploi, adaptation du droit du travail, introduction de la concurrence dans les secteurs protégés qui font payer cher leurs services et, réforme de la formation professionnelle.

Je voudrais apporter des précisions sur deux points. Tout d’abord, M. Vigier vient d’évoquer la possibilité d’un nouvel assouplissement des contingents d’heures supplémentaires qui pourrait être envisagée lors de la troisième étape, annoncée pour avril ou mai par le ministre du travail…

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Je n’ai pas parlé d’étape, j’ai cité le calendrier des négociations des partenaires sociaux.

M. Pierre Méhaignerie. En tout état de cause, je suis persuadé, pour bien connaître les recettes du budget de la sécurité sociale – elles sont soumises à l’examen de la commission des affaires sociales que je préside –, qu’elles s’amélioreraient si nous pouvions ainsi permettre que soient pourvues 100 000 ou 120 000 offres d’emplois non satisfaites.

Par ailleurs, j’insiste sur le fait que ces réformes seront mieux acceptées si les Français ne les ressentent pas comme injustes. Le Gouvernement a raison de ne pas augmenter le SMIC plus rapidement que le salaire moyen, mais je pense qu’au bouclier fiscal – qui limite les prélèvements à 50 % des revenus – doit correspondre un effort sur le plafonnement des niches fiscales.

Je suis convaincu qu’il faut poursuivre les efforts en matière d’amélioration de la prime pour l’emploi pour les bas salaires mais surtout, sans augmenter la dépense publique.

M. Michel Sapin. Cela fait en effet partie de nos propositions !

M. Pierre Méhaignerie. J’ajoute qu’existe une large marge de manœuvre pour l’utilisation des crédits de formation professionnelle qui devraient profiter aux 150 000 jeunes qui sortent sans formation du système scolaire.

Parce que je soutiens les réformes du Gouvernement,…

M. Michel Sapin. Là, c’est moins bien !

M. Pierre Méhaignerie. …je souhaite qu’elles s’inscrivent dans une stratégie à long terme, qu’elles soient expliquées aux Français et qu’elles s’accompagnent des mesures de justice nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, chers collègues, les prix de l’alimentation flambent – en la matière, le pire est d’ailleurs devant nous puisqu’on annonce sur certains produits des hausses de plus de 15 % à partir du 1er janvier ; …

M. Jacques Myard. Tout ça, c’est la PAC de Bruxelles !

M. Marc Goua. …les loyers suivent le même mouvement, tout comme les prix du gaz et des carburants ; un million de dossiers de surendettement a été déposé en cinq ans ; les allocations familiales ont baissé en euros constants ; les salaires stagnent et une nouvelle taxe sur les malades, que vous appelez « franchise », a été instaurée. Je cesserai là cette énumération. C'est en tout cas une certitude : le pouvoir d'achat régresse. Tout le monde le constate et les Français le subissent. L’excellente étude que vient de publier le CRÉDOC montre que la situation des classes moyennes se rapproche de celle des « bas revenus » alors que les « hauts revenus » se détachent : elle confirme bien ce que ressentent nos concitoyens.

Chers collègues de la majorité, le pouvoir d'achat, il ne suffit pas d'en parler, il faut l'augmenter. Nous aurions préféré examiner des mesures concrètes directes plutôt que des palliatifs. La dégradation continue du pouvoir d'achat des plus modestes n'est pas une fatalité. Vous en êtes responsables : elle résulte des choix politiques faits par votre majorité depuis plus de six ans.

En refusant notre proposition de loi sur le soutien du pouvoir d'achat des ménages, mais aussi nos amendements au projet de loi de finances et au collectif budgétaire, vous avez fait le choix de l'inaction et de l'impuissance.

Vous refusez aussi de donner un coup de pouce au SMIC, ou de réévaluer la prime pour l'emploi au-delà de l'inflation, tandis que les retraites et les allocations familiales stagnent, et que les contrats aidés sont remis en cause. À chaque fois, ce sont les plus modestes qui trinquent. Ils subissent ainsi de plein fouet les conséquences de la hausse du prix du pétrole sur les dépenses liées au chauffage et aux déplacements.

Pourtant cette hausse n'est pas une mauvaise pour tout le monde, elle est à l'origine d'importants effets d'aubaine. Les profits des compagnies pétrolières s'envolent cette année, et les bénéfices de Total atteignent déjà 9,6 milliards d'euros pour les trois premiers trimestres. L'État, autre bénéficiaire de cette flambée de prix, encaisse mécaniquement la TVA au détriment des citoyens et préfère récupérer un peu d'argent plutôt que de rendre du pouvoir d'achat aux Français. Ces recettes ne suffiront évidemment pas à remplir des caisses laissées vides après le vote, cet été, du paquet fiscal de 15 milliards d’euros, au profit des nantis.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous recommencez avec ça !

Mme Claude Greff. Qu’est-ce que ça veut dire : « les nantis » !

M. Marc Goua. Que fait le Gouvernement ? Pour Mme la ministre des finances, le vélo serait l'antidote à cette hausse du prix du pétrole. (Sourires.) Mme Lagarde a également rencontré les patrons de l'industrie pétrolière pour leur demander courtoisement de modérer les prix !

Mme la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Et les prix à la pompe baissent !

M. Marc Goua. Ce matin le pétrole a augmenté de quatre dollars ; je crains donc que cette baisse ne soit que très temporaire.

Vous préférez que ces profits, qui ne sont pas utilisés pour investir, soient redistribués sous forme de dividendes aux actionnaires au lieu de bénéficier à la collectivité tout entière. Vous avez d’ailleurs rejeté notre idée d’un prélèvement sur ces bénéfices qui n’était peut-être pas si mauvaise, puisque j’ai entendu une déclaration du Président de la République qui envisage un prélèvement spécial pour le codéveloppement avec les pays du sud.

Introduire une concurrence sauvage ou favoriser les grandes surfaces n'est pas, non plus, la réponse miracle à la perte de pouvoir d'achat des Français. Quant au doublement de l'aide à la cuve, seule mesure concrète que vous ayez prise à ce jour, nous ne saurions nous en satisfaire.

Il y a pourtant des mesures d'urgence à prendre : les marges que la grande distribution dégage par rapport aux prix des producteurs doivent être redistribuées aux consommateurs, il faut réfléchir à des incitations fiscales pour faire baisser les prix des produits de première nécessité – nous avions proposé une baisse ciblée de la TVA.

Certes, on nous promet dans le projet de loi pour le pouvoir d’achat quelques mesurettes. Pourtant, depuis juin dernier vous avez eu le temps d'agir ! Vous nous avez habitués à beaucoup plus de rapidité et d'efficacité quand il s’agit d'augmenter le pouvoir d'achat des plus aisés qui n’ont sur ce sujet que des motifs de satisfaction.

En revanche, pour les moins nantis, nous avons quelques raisons d'être inquiets quand nous entendons Laurence Parisot, la présidente du MEDEF, reconnaître qu'il y a un problème de pouvoir d'achat et proposer pour le résoudre de supprimer toute durée légale du travail. Et les déclarations du Président de la République sur ce sujet ne sont pas de nature à nous rassurer.

Une fois de plus, plutôt que de dresser le constat de l’échec de sa politique depuis 2002, la majorité accuse les 35 heures d'être responsables de tous les maux. Leurs remises en cause successives depuis 2002 se sont pourtant révélées inefficaces pour le pouvoir d'achat, mais vous remettez le couvert, histoire d'allumer des contre-feux. Vous savez bien que les chômeurs et les personnes à temps partiel subi n'ont pas la possibilité travailler plus pour gagner plus.

Contrairement à ce que disait M. Copé tout à l’heure, une étude récente de la Commission européenne montre que les Français qui travaillent le font, en termes horaires, dans des proportions équivalentes à celles constatées dans les pays limitrophes et avec la meilleure productivité européenne !

Mme Claude Greff et M. Michel Piron. Vous parlez de productivité horaire !

M. Marc Goua. Peut-être est-ce là un effet positif des 35 heures ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Pour l'instant, vos propositions sont donc décevantes voire trompeuses. La seule mesure recevable, l’indexation des loyers sur l’inflation et la suppression de la caution, est portée depuis longtemps par les socialistes !

Nous avions aussi proposé un blocage des loyers en 2008, compte tenu de leur hausse vertigineuse,…

Mme Claude Greff. Vous aviez déjà réussi à bloquer la construction !

M. Jean-Frédéric Poisson. Et si vous réactiviez le Gosplan, chers collègues !

M. Marc Goua. …ce serait un dispositif particulièrement efficace d’autant que vos propositions ne sont que des demi-mesures puisqu’elles ne s’appliquent qu’aux baux déjà en cours.

Quant à la prime de 1000 euros que vous nous avez annoncée, elle est facultative et ne sera pas distribuée partout. Elle en restera malheureusement, dans la plupart des cas, au stade de l’effet d’annonce.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Si une mesure est efficace, il faut aussi savoir le reconnaître !

M. Marc Goua. Devant votre échec et votre impuissance, nous avons, pour notre part, proposé des mesures concrètes pour le pouvoir d'achat des Français.

M. Patrick Ollier. Lesquelles !

M. Marc Goua. Vous avez choisi de les balayer d'un revers de main.

Nous proposons la mise en place effective d'un chèque transports. Même si le gouvernement de Dominique de Villepin avait créé, dans l'improvisation, un chèque transport largement virtuel, enterrer cette mesure comme l'a fait l’actuel Premier ministre est irresponsable. Nous avons proposé un nouveau chèque transport ; plus simple et obligatoire, il constituerait une aide financière directe destinée à soulager les salariés du coût du transport, pour en même temps qu'un encouragement à l'utilisation des transports collectifs. Vous le refusez et vous laissez les transports grever le porte-monnaie des ménages.

Nous avons aussi suggéré de rétablir la TIPP flottante…

M. Patrick Ollier. Mais la TIPP flottante a été un échec retentissant !

Mme Claude Greff. Les impôts, ça vous connaît !

M. Marc Goua. …pour lisser les effets de la hausse du prix du pétrole et rendre aux Français le surplus de recettes fiscales engrangées par l'État afin que le carburant ne pèse pas trop lourd dans leur budget.

Vous avez osé nous opposer l'argument écologique. Quelle hypocrisie, alors même que c'est votre majorité qui a supprimé les subventions aux collectivités pour la réalisation de transports en commun en site propre ; alors même que pour répondre à vos pressions, la SNCF met actuellement en place un règlement qui va transférer des tonnes et des tonnes de fret ferroviaire vers la route ! Pour les seuls Pays de Loire, je crois que 1 200 camions supplémentaires seront ainsi affrétés par les grandes surfaces. Vous n'avez décidément pas de leçons à donner dans ce domaine. Nous vous avions d’ailleurs proposé sans succès de mettre en application dès maintenant certaines des conclusions du Grenelle de l'environnement et de réaffecter une partie des bénéfices des compagnies pétrolières au développement des transports alternatifs. Voilà ce qu’aurait été une vraie mesure écologique et de justice sociale !

Le Président de la République a annoncé la croissance. Mme la ministre a évoqué un taux d’1,9 %, je crois que nous nous dirigeons plutôt vers 1,8 % pour 2007. Or les fruits de cette croissance qui doivent être justement repartis, comme l’a dit M. Méhaignerie, le sont aujourd’hui au profit des plus riches.

Nicolas Sarkozy n’est pas le président du pouvoir d'achat, il est le président de la vie chère.

Une fois encore nous demandons la réunion d’une conférence salariale pour jeter les bases d'une revalorisation des salaires et des retraites. À quand le Grenelle originel, celui qui compte, celui des salaires et du pouvoir d'achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Mesdames les ministres, monsieur le ministre, chers collègues, devant l’indigence des propositions de l’opposition, l’UMP veut une politique ambitieuse en matière de pouvoir d’achat.

Pour faire progresser le pouvoir d’achat, il faut évidemment favoriser une hausse des revenus et en particulier des salaires. Mais les revenus ne se limitent pas aux seuls salaires.

Monsieur Sapin, vous évoquiez les politiques durables, parlons-en !

Oui, nous attendons des mesures aux effets immédiats – d’autres orateurs du groupe UMP les évoqueront –, mais nous souhaitons également que ces revenus supplémentaires s’accompagnent de changements profonds et durables dans les rapports entre l’entreprise et les salariés, grâce à une politique audacieuse en matière de participation.

Je regrette, tout comme M. Chartier et M. Joyandet – avec lequel nous nous battons depuis des années pour la faire progresser – que cette idée du général de Gaulle, qui remonte à 1947,…

M. Jacques Myard. Excellente année !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Vous faites plus jeune ! (Sourires.)

M. Patrick Ollier. …ne soit pas encore entrée dans les mœurs.

Madame la ministre, monsieur le ministre, donner du pouvoir d’achat aux Français sans augmenter les coûts des entreprises, transformer le statut du salarié et privilégier, dans l’intérêt de chacun, une démarche partenariale plutôt que conflictuelle : telle est l’ambition du groupe UMP.

On a eu tort de donner à la filiale le nom de la maison mère : la participation, ce n’est pas seulement la participation au sens de la loi. C’est un projet de société qui comprend aussi l’actionnariat salarié – notamment le dividende du travail, que nous avons créé et qui, malheureusement, n’est pas encore mis en œuvre – et l’intéressement. Ces trois piliers de la société de participation doivent être étudiés avec beaucoup de pragmatisme et de détermination par le Gouvernement.

Faire en sorte que, dans l’entreprise, les hommes deviennent des partenaires plutôt que de rester des adversaires, remplacer les rapports de contrainte par des rapports de confiance : voilà une ambition sociale, un vrai projet pour l’UMP et le Gouvernement. Cette association capital-travail, nous devons nous battre pour l’encourager au quotidien, notamment en supprimant les obstacles administratifs ou philosophiques à sa mise en œuvre.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Tout à fait !

M. Patrick Ollier. Je sais, monsieur Bertrand, que vous faites partie de ceux qui militent depuis des années pour que ce principe devienne une réalité.

Madame la ministre, c’est à une révolution des mentalités que nous appelons. Avec l’UMP, nous sommes décidés à faire avancer ce dispositif qui permettra d’augmenter les revenus des Français, donc leur pouvoir d’achat, dans toutes les entreprises, des plus grandes aux plus petites.

Ce supplément de rémunération – je m’adresse aux partenaires sociaux, qui ont bien longtemps combattu ce principe – n’a pas vocation à se substituer au salaire. Il ne s’agit pas de remplacer progressivement, en usant de je ne sais quelle malice, les augmentations de salaires par les gains réalisés grâce au dividende du travail, à la participation ou à l’intéressement. Ces deux revenus sont complémentaires, et c’est la réelle association du capital et du travail qui permettra au salarié de trouver, dans cette participation ou cet intéressement, la juste rémunération de sa contribution au développement de l’entreprise.

En 2005, 14,5 milliards d’euros ont ainsi été distribués à plus de 6 millions de salariés du secteur marchand, soit une prime moyenne de 2 169 euros par salarié. Ce surcroît de rémunération annuelle dégagé par l’ensemble des mécanismes d’épargne salariale est équivalent à 7,5 % de la masse salariale des bénéficiaires.

Mais ce résultat est encore trop timide, et il faut aller plus loin, notamment dans le dialogue social. Vous avez d’ailleurs entamé des discussions qui vont dans le bon sens, monsieur le ministre, et nous vous encourageons à les poursuivre, car l’élargissement du système de la participation ne pourra se faire sans dialogue social. Madame la ministre, faites en sorte que les mesures relatives à l’actionnariat salarié et au dividende du travail qui ont été votées soient appliquées.

Par ailleurs, j’étais assez réservé sur la libération du fonds de participation mais, la décision étant prise, je l’accepte bien volontiers. En revanche, en ce qui concerne l’intéressement, le Gouvernement doit accepter nos propositions, notamment celle qui consiste à généraliser le dispositif. Nous entendons en effet aller plus loin qu’en 2005, où un obstacle nous avait empêchés de gravir la dernière marche, en faisant en sorte que, dans toutes les entreprises employant au moins un salarié, une option puisse être offerte entre l’une des composantes de la participation : l’actionnariat salarié, pour ceux qui peuvent y accéder, la participation ou l’intéressement. Nous déposerons donc un amendement au projet de loi pour le pouvoir d’achat afin de permettre ce choix et de favoriser l’accès à l’intéressement des entreprises de moins de cinquante salariés, pour lesquelles il me semble que c’est la meilleure piste. En effet, seules 11 % des entreprises de moins de cinquante salariés sont couvertes par ce type d’accords.

Il faut donc de l’ambition et de l’audace, et nous n’en manquons pas. Mes collègues de l’UMP expliqueront ainsi la manière dont nous entendons permettre aux salariés de voir leur pouvoir d’achat augmenter de manière durable, monsieur Sapin, car c’est ce qu’ils attendent de nous. Il s’agit de changer les mentalités dans notre pays et de faire tomber les barrières entre capital et travail. Cette juste rémunération, en permettant d’augmenter le pouvoir d’achat, renforcera encore l’activité de nos entreprises, grâce à la confiance qu’inspireront aux salariés les propositions audacieuses et dynamiques du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le pouvoir d'achat est une question fondamentale, qui concerne tous les Français et que le Gouvernement ne saurait régler par quelques « mesurettes », qui risquent de ne rien changer au problème de fond.

Nos concitoyens sont anxieux, car ils se demandent comment ils vont pouvoir boucler leurs fins de mois, rembourser leurs dettes et vivre dans la dignité. Imaginez quelle serait leur angoisse si les prix n'augmentaient pas de 1,7 %, mais de 5,7 %, qui plus est au cours d’une année où l’inflation est relativement faible. Ce n'est pas un scénario catastrophe ou un délire décliniste, mais la réalité du terrain à Saint-Pierre-et-Miquelon, où ce n'est même plus le pouvoir d'achat qui est en cause, mais bien notre survie sur ces îles.

Pourtant, cette situation, due à une contrainte structurelle spécifique et unique en France, n'est reconnue par l'État à aucun niveau. Qu’il s’agisse des aides et prestations sociales, des minima sociaux, des retraites ou de la prise en charge du travail saisonnier, tous les éléments essentiels de l'économie locale évoluent à un rythme bien inférieur à celui de l'inflation métropolitaine. Ainsi l’augmentation annuelle des retraites est de 1,8 %, quand celle des prix à la consommation est de 5,7 %. Ces chiffres traduisent une réalité dramatique.

La situation des aides et prestations sociales est singulièrement préoccupante. Ainsi que j'ai déjà eu l’occasion de le dire, les aides, prestations et autres droits sociaux qui bénéficient aux personnes dans le besoin vivant en métropole et qui sont refusés à celles de Saint-Pierre-et-Miquelon se comptent par dizaines. Il suffirait pourtant d'une simple ordonnance du Gouvernement pour les étendre à ces territoires et augmenter ainsi directement le pouvoir d'achat de ceux qui en ont un besoin vital, ceux-là mêmes dont la consommation aura l'impact le plus grand sur l'économie de notre archipel.

La perte de pouvoir d'achat des retraités de Saint-Pierre-et-Miquelon est particulièrement dramatique. Pour les retraités de la caisse de prévoyance sociale locale, elle est de 10,3 % sur les dix dernières années. Quant aux retraités affiliés à l'Établissement national des invalides de la marine, l'ENIM, ils ont perdu 22,1 % de leur pouvoir d'achat.

De même, les minima sociaux méritent bien leur nom à Saint-Pierre-et-Miquelon, puisque leurs montants sont équivalents à ceux de la métropole, alors que le coût de la vie y est supérieur d'au moins 40 %. En conséquence, leurs bénéficiaires vivent en deçà du seuil de pauvreté.

Quant aux agents de la fonction publique, leur pouvoir d'achat a diminué de 27,3 % depuis 1997. Vous rendez-vous compte des conséquences concrètes qu’une telle diminution peut avoir sur la vie des familles ? Il m'arrive d'en douter, vu l'insouciance dont font preuve le Gouvernement et certains parlementaires sur ces sujets vitaux.

Permettez-moi de vous citer à ce propos quelques perles relevées lors de l'examen au Sénat, lundi soir, d'un amendement déposé par Denis Detcheverry, qui reprenait un dispositif que j'avais moi-même défendu dans cette assemblée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, afin de régler le problème du déficit structurel chronique de l'ensemble des collectivités de notre archipel. M. le sénateur Marini, rapporteur général de la commission des finances, a en effet indiqué à cette occasion que l'inflation, dans notre archipel, était tantôt supérieure, tantôt inférieure à celle de la métropole, de sorte que l'évolution des dotations en fonction de l'inflation métropolitaine serait parfois avantageuse. Il est vrai qu’après avoir atteint 8,2 % en 1999, puis 7 % en 2000, l’inflation n’a été « que » de 0,2 % en 2001, et qu’après être remontée à 4 % en 2004 et à 7,9 % en 2005, elle n'a été « que » de 1,8 % en 2006. De qui se moque-t-on ?

En dix ans, l'indice des prix à la consommation à Saint-Pierre-et-Miquelon a augmenté de 35,5 %, contre 16 % en métropole. L'avantage de l'habitant de Saint-Pierre-et-Miquelon par rapport à son concitoyen métropolitain est certain ! D'autres énormités de ce type ont été proférées lors de ce débat au Sénat, mais vous les rapporter ne ferait qu'augmenter ma colère.

Revenons au pouvoir d'achat et à ceux qui souffrent à Saint-Pierre-et-Miquelon, notamment les salariés saisonniers, ces travailleurs pauvres des temps modernes. Comment peut-on accepter que ceux-ci n’aient pour seul revenu, pendant quatre à six mois par an, qu’une indemnité moyenne de 700 euros par mois, pour les mieux lotis. Il est bien évident, compte tenu du coût de la vie, incomparablement plus élevé qu'en métropole, qu’une telle indemnité ne permet en aucun cas de faire face aux dépenses les plus élémentaires, aux dépenses de survie.

Que faire face à une telle urgence ?

Il faut se retrousser les manches, rompre avec le préjugé selon lequel les Français d'outre-mer seraient des nantis et se mettre au travail. Aussi je vous rappelle les propositions que je défends sans relâche auprès du Gouvernement depuis mon élection et sur lesquelles j'attends encore une véritable réponse.

Il est tout d'abord urgent d'étendre et d’adapter à Saint-Pierre-et-Miquelon les aides et prestations sociales indispensables au maintien du pouvoir d'achat des familles et à la relance de notre économie atone. Il est inacceptable de devoir attendre le premier trimestre 2008 pour que la publication d'un décret, qui a pourtant été largement préparé par la caisse locale, concrétise enfin le premier geste positif consenti par le Gouvernement, après un travail qui aura duré pas moins de sept ans.

Ensuite, il est impératif de revaloriser les retraites et les minima sociaux pour que le pouvoir d'achat de leurs titulaires soit le même qu'en métropole, ce qui est tout de même la moindre des choses. On ne peut pas abandonner à leur sort sans réagir des personnes qui se trouvent dans un tel état de nécessité : le Gouvernement se rendrait coupable de non-assistance à personne en danger.

Puisque nous parlons des retraites, j'attire votre attention sur la situation profondément injuste des retraités dont le seul revenu est une pension de réversion, c’est-à-dire la moitié de la pension du conjoint décédé. Notre archipel n'est pas, loin s'en faut, le seul concerné par cette question. À quand une décision qui permettra à ces citoyens de ne pas être relégués à la marge de la vie sociale et économique ? Le Président Sarkozy n’avait-il pas dit quelque chose à ce propos lors de sa campagne présidentielle ?

Quant à la fonction publique, si, comme le Gouvernement nous a l’a dit ici même la semaine dernière, il est hors de question qu’un agent public perde du pouvoir d'achat, réagissez de façon urgente et revalorisez le traitement des fonctionnaires de Saint-Pierre-et-Miquelon car, eux – je peux vous le certifier, feuille de paie à l'appui – en perdent tous les ans, et pas qu'un peu !

À ces éléments, j'aimerais ajouter la subvention exceptionnelle pour le chauffage au fuel que le sénateur Denis Detcheverry et moi-même demandons pour cet hiver. Cette mesure de soutien, qui est une nécessité pour la survie des habitants de notre archipel, compléterait utilement la prime à la cuve annoncée par le Gouvernement. En effet, si cette prime doit bénéficier également aux habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'ont le plus souvent aucun autre moyen de se chauffer que le fioul, son montant, 150 euros, est ridicule compte tenu des besoins : comme l'a indiqué M. Detcheverry, 150 euros, c'est ce que coûtent huit jours de chauffage sur six mois de températures hivernales.

Pour nécessaires qu’elles soient, ces mesures ne sont, bien entendu, que des solutions à court terme. Mais en s'attaquant ainsi aux défis conjoncturels, on ouvrira la possibilité de corriger, à long terme, les problèmes structurels qui grèvent l'économie de notre archipel. C'est tout le sens des propositions faites conjointement par le sénateur Detcheverry et moi-même dans le cadre de la préparation de la future loi d'orientation pour l’outre-mer.

En agissant sur le coût des transports, tant à l'importation qu'à l'exportation, en faisant en sorte de rendre applicables les aides au logement, en favorisant le renforcement des infrastructures, notamment dans les ports d'intérêt national de Saint-Pierre et de Miquelon, on pourra enfin agir pour que le coût de la vie atteigne un niveau comparable à celui de la métropole et qu’ainsi, à long terme, les mesures de compensation deviennent sans objet.

En attendant, je vous demande solennellement de mettre en œuvre, en urgence, les moyens permettant d’évaluer, au plus proche des réalités du terrain, le coût réel du « panier de la ménagère » à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour ensuite le prendre en compte dans tous les domaines : prestations sociales, retraites, minima sociaux, traitements de la fonction publique et situation des travailleurs précaires du secteur privé.

Enfin, le pouvoir d’achat passant aussi par l’emploi, je demande pour Saint-Pierre-et-Miquelon un véritable accompagnement de l’État dans les filières porteuses d’emploi qui sont au cœur de notre futur schéma de développement économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la France ne travaille pas assez, c’est un fait. Par conséquent, notre croissance n’est pas au niveau de celle de nos voisins européens, c’est une réalité. Les premiers à en pâtir sont les Français eux-mêmes, dont le salaire est inférieur de 350 euros à la moyenne des pays européens. On a voulu leur faire croire – et dans ce domaine, monsieur Sapin, vous avez une vraie responsabilité – qu’en travaillant moins, on créerait plus d’emplois, mais ils ont compris que l’on s’était moqué d’eux.

En 1999 et 2000, lorsque les socialistes ont engagé la réforme des 35 heures, nous avions une croissance inespérée : entre 3 et 4 %.

M. Michel Sapin. Elle n’était pas inespérée, mais provoquée ! C’était le fruit d’une politique efficace !

M. Frédéric Lefebvre. Malgré tout, les salaires ont chuté de 1 % en moyenne sur deux années. Cherchez l’erreur !

La présidentielle de 2002 s’est jouée sur la sécurité – la gauche parlait de « sentiment d’insécurité » ; celle de 2007 s’est jouée sur le travail et le pouvoir d’achat. « Travailler plus pour gagner plus » : il nous appartient de mettre en œuvre cet engagement du Président de la République, car les Français ont choisi, et continuent de nous soutenir jour après jour dans cette démarche : un récent sondage a ainsi montré qu’ils étaient 63 % à vouloir travailler plus – davantage qu’il y a six mois.

M. Pierre Méhaignerie. En effet.

M. Frédéric Lefebvre. L’idée continue donc à progresser, et c’est tant mieux.

Sous l’impulsion du Président de la République, la majorité et le Gouvernement se sont mis au travail dès cet été, adoptant notamment la loi pour débloquer les heures supplémentaires. Et ça marche : comme Christine Lagarde nous le rappelait, 30 % des entreprises utilisent déjà ce système.

M. Michel Sapin. Les Français travaillent plus, mais les entreprises paient moins !

M. Frédéric Lefebvre. Elles nous demandent encore de faire sauter quelques verrous, d’où la proposition de Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez que Jérôme Chartier et moi avons cosignée, ainsi que plusieurs collègues de l’UMP.

Telle est notre démarche : au nom de mon groupe, j’avais eu l’occasion de faire des propositions – le bonus-malus, par exemple. Notre chance est que les négociations entre les partenaires sociaux sur les salaires peuvent aujourd’hui aboutir. Vous l’aviez rêvé, nous 1’avons fait !

Nous avions aussi proposé les stock-options pour tous – en fait une prime de résultat pour tous, avec moins d’impôts et de charges.

M. Michel Sapin. Les stock-options, on voit à qui elles profitent !

M. Frédéric Lefebvre. Le texte que nous présente le Gouvernement va dans ce sens, avec la création d’une prime de 1 000 euros dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

M. Michel Sapin. Ce n’est qu’une possibilité !

M. Frédéric Lefebvre. Et j’ai été heureux d’entendre le Premier Ministre affirmer hier, devant l’association Croissance Plus, sa volonté de développer les stocks options pour tous. La loi sur la modernisation économique de Christine Lagarde, que nous examinerons au printemps, en sera l’occasion. Un certain nombre de députés y travaillent déjà, et dans quelques instants, notre collègue Jérôme Chartier reviendra plus longuement sur le sujet.

Une quinzaine de députés de notre groupe ont constitué un groupe de travail sur le pouvoir d’achat afin de définir des orientations précises qui se traduiront par autant d’amendements. Notre méthode consiste à saisir toutes les opportunités pour faire voter des mesures tendant à 1’augmentation des salaires ou à la baisse des prix.

J’ai ainsi contribué, avec Patrick Ollier et Jean-Claude Lenoir, à faire adopter le principe de réversibilité totale en matière d’électricité que les associations de consommateurs étaient unanimes à réclamer. Le sénateur socialiste Jean-Pierre Bel avait d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens. Sur ce sujet, nous avions tendu la main à l’opposition, mais nous avons été déçus. J’espère que ce qui s’est passé hier – lorsque les élus socialistes présents en séance se sont livrés à toute une gymnastique pour ne pas voter une disposition qu’ils avaient pourtant eux-mêmes réclamée – n’est pas une répétition pour le débat qui va s’engager.

Soyez constructifs ! Ne pratiquez pas l’affichage comme vous l’aviez fait dans votre proposition de loi ! Suivez l’exemple de Didier Migaud, avec qui nous avons su nous retrouver au sujet de la suppression des surcoûts pour les abonnés du téléphone mobile ou de la protection des petits emprunteurs qui souscrivent des prêts à taux variables ! Suivez l’exemple de Jean Launay, avec lequel nous avons établi le principe d’une contribution volontaire des entreprises pétrolières – grâce aux négociations menées par Christine Lagarde, son produit sera de 150 millions d’euros – au bénéfice des ménages les plus modestes qui se chauffent au fioul ! Abandonnez vos vielles lunes comme la TIPP flottante – et dites-le clairement !

M. Michel Sapin et M. Marc Goua. Pas de leçons ! Donnez-les plutôt aux vôtres !

M. Frédéric Lefebvre. N’utilisez pas le projet de loi dont nous allons bientôt discuter pour déposer des amendements sur tout et n’importe quoi, alors qu’il doit se concentrer sur le logement et les salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Ce que nous vous proposons, c’est de travailler de manière constructive en faveur des Français. Aidez-nous à améliorer concrètement leur pouvoir d’achat. Soutenez-nous dans notre œuvre de simplification et dans l’incitation à augmenter les revenus des salariés. Travaillez avec nous à l’allègement des charges qui pèsent sur les locataires.

François Hollande se félicitait, après l’intervention du Président de la République, de la décision d’indexer le montant des loyers sur le coût de la vie.

M. Marc Goua. Bien sûr : c’était notre proposition !

M. Michel Sapin. Que vous aviez d’ailleurs refusé d’adopter ici, le matin même !

M. Frédéric Lefebvre. J’espère donc que vous allez voter ce dispositif, et surtout que vous allez renoncer à cette lubie qu’est le blocage des loyers.

Dans le domaine du logement locatif, les Français attendent beaucoup de nous. Je rappelle que le montant moyen des loyers est de 600 euros, et qu’un million de locataires changent de logement chaque année. La proposition du Président de la République de diviser par deux le montant du dépôt de garantie va donc apporter immédiatement 600 millions d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire aux locataires.

M. Marc Goua et M. Michel Sapin. C’était également une de nos propositions !

M. Frédéric Lefebvre. Nous proposons de leur en rendre encore autant, grâce au lissage sur la durée du bail du paiement de la garantie restant due. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour réunir dans les prochains jours les représentants des propriétaires.

Mme la ministre du logement et de la ville. C’est fait.

M. Frédéric Lefebvre. Je sais en effet que vous les avez réunis vendredi dernier. Ils nous disent qu’ils sont prêts à négocier un dispositif lié à la garantie des risques locatifs.

Un milliard deux cent millions d’euros de pouvoir d’achat rendus aux locataires ! J’espère que vous nous accompagnerez, madame la ministre, dans cette réforme importante, en particulier pour les jeunes.

De même, nous espérons que Xavier Bertrand sera attentif à notre proposition de monétisation des RTT.

Vous l’avez compris, dans ce débat qui s’ouvre aujourd’hui pour de longues semaines et de longs mois au sujet du pouvoir d’achat des Français, la majorité souhaite travailler de manière constructive avec l’opposition. Saisissons cette occasion qui nous est donnée de montrer à nos concitoyens que, sur une question qu’ils considèrent comme prioritaire – les dépenses liées au logement représentent en effet une part importante du budget des ménages –, nous sommes capables de travailler ensemble sérieusement, loin des caricatures. J’ai conscience que ce que je demande est osé… Mais j’espère que nous serons tous à la hauteur de ce rendez-vous. Le Président de la République, le Gouvernement et sa majorité sont bien décidés à y être à l’heure ; j’espère que l’opposition le sera également. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous êtes également à l’heure, monsieur Lefebvre, puisque vous avez respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. La question du pouvoir d’achat a été clairement posée pendant toute la campagne électorale, et depuis son installation, le Gouvernement a entrepris de répondre très concrètement à cette attente. Le Parlement a toute sa place dans ce débat et doit saisir toutes les occasions pour faire des propositions. On ne peut donc que saluer l’initiative prise par Jean-François Copé, président du groupe UMP, de consacrer cette niche parlementaire à un débat sur le pouvoir d’achat.

M. Jacques Myard. Fayot !

M. Jérôme Chartier. Comme l’a très bien rappelé Pierre Méhaignerie, l’augmentation du pouvoir d’achat passe obligatoirement par le retour à une croissance stable et pérenne et par la création de richesses dans nos entreprises. C’est un préalable incontournable, mais c’est le cœur de la politique du Gouvernement : toutes les mesures prises depuis cet été tendent vers ce but. Favoriser la croissance, promouvoir la création de richesses, valoriser l’initiative est une excellente chose. Mais assurer le partage des richesses en est une autre, tout aussi indispensable au bon fonctionnement de notre économie.

Il ne s’agit certes pas d’en appeler à un égalitarisme absolu, doctrinal, qui serait d’ailleurs dénué de sens au point de vue économique comme de celui de la justice. Il s’agit d’assurer le plus efficacement et le plus équitablement possible le partage de la valeur entre le capital et le travail. Comme l’a rappelé Patrick Ollier, ce débat a été ouvert il y a plus de soixante ans par le général de Gaulle. Le groupe de travail de l’UMP sur le pouvoir d’achat a consacré à cette question une large part de ses travaux.

C’est la raison pour laquelle je ferai ce matin une proposition : créons une prime annuelle de résultat dans toutes les entreprises de France – la participation ne concerne en effet que les entreprises plus de cinquante salariés –, une prime qui, contrairement au dispositif d’intéressement, serait obligatoire. De cette façon, une part des bénéfices de l’entreprise – qui pourrait s’élever par exemple à 10 % – serait répartie chaque année entre tous les salariés. En 2007, les entreprises ont réalisé des profits importants. Il convient de débattre de la façon dont les salariés pourraient en tirer profit, car les bénéfices de l’entreprise sont en partie le résultat de leur travail. La prime de résultat obligatoire est selon nous une vraie solution, qui s’inscrit dans le droit-fil de l’intéressement et de la participation, tout en étant complémentaire de ces dispositifs, ainsi que du plan d’épargne entreprise.

Ce n’est pas une charge supplémentaire pour l’entreprise ; nous proposons que les charges sociales soient allégées, en traitant cette prime de la même façon qu’un dividende.

Cette initiative serait une façon de partager la valeur de façon équitable. Si le capital doit être justement rémunéré de son investissement, le travail doit être également valorisé, en liant directement l’accroissement du pouvoir d’achat des Français à celui des profits de l’entreprise.

Telle est, mes chers collègues, la proposition que je souhaitais vous faire ce matin. Elle me semble essentielle à l’heure où nos entreprises s’apprêtent à réaliser d’importants profits – ce dont on ne peut que se féliciter, puisque c’est leur raison d’être. Les profits engendrent de l’investissement, qui engendre à son tour la croissance. C’est ce processus économique que nous devons favoriser. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet.

M. Alain Joyandet. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, dans ce débat passionnant, je n’évoquerai que quelques points après m’être félicité que ce soit le groupe UMP qui ait pris l’initiative, dans sa niche parlementaire, de soulever la question du pouvoir d’achat.

Je saluerai d’abord l’état d’esprit du Président de la République et du Gouvernement, et l’approche globale dans laquelle se situe leur action pour améliorer la croissance et le pouvoir d’achat. Je m’attarderai ensuite sur les PME et les TPE. Enfin, je dirai un mot sur ce qui me semble une plus juste répartition des profits des entreprises.

S’agissant de l’état d’esprit, les situations des entreprises sont très diverses. La mondialisation a produit des gagnants et des perdants : certaines entreprises sont bénéficiaires et on y trouve des gisements de pouvoir d’achat, de profits et donc de croissance, tandis que d’autres sont en difficulté au regard de la concurrence internationale. Cette situation disparate sur le terrain interdit les mesures généralisées, Pierre Méhaignerie l’a très bien dit. Elle interdit qu’on continue d’accroître le déficit public, ponctionné sur l’ensemble des entreprises, et qu’on procède à des augmentations généralisées des salaires réglementés, notamment le salaire minimum. Il faut des mesures qui prennent en compte la diversité sur le terrain. C’est la raison pour laquelle l’approche globale qui a présidé à l’élaboration du texte sur le pouvoir d’achat me semble essentielle. C’est ainsi que nous éviterons que les quelques emplois créés ici ou là ne soient contrebalancés par des dépôts de bilan dus à une augmentation supplémentaire des charges. Je tiens donc à saluer cet état d’esprit du Gouvernement qui nous permettra d’aller chercher la croissance et le pouvoir d’achat là où ils sont.

S’agissant de nos PME et de nos TPE, nous sommes un certain nombre à nous interroger pour savoir comment permettre aux salariés de gagner plus, Patrick Ollier en a parlé. Là encore, certaines de ces entreprises sont en excellente santé tandis que d’autres sont en difficulté. Il faut donc prévoir des mesures de souplesse pour laisser la possibilité à ces entreprises de partager leurs bénéfices avec leurs salariés. À cet égard, la prime de 1 000 euros sans charges prévue dans le texte sur le pouvoir d’achat, que nous avions déjà évoquée en 2005 à l’occasion de la proposition de loi présentée par 77 parlementaires et qui avait donné lieu à de longs débats, permettra, sur la base d’un coût identique pour l’entreprise, de multiplier par deux le salaire net du salarié. Jusqu’à présent, et en l’absence d’un système de participation, il fallait tenir compte des charges. Ainsi, 1 000 euros de salaire brut, c’étaient 1 400 euros pour l’entreprise et entre 600 et 700 euros de salaire net pour le salarié. Aujourd’hui, à coût égal pour l’entreprise, le salarié aura plus du double en salaire net. La mesure sera donc particulièrement efficace, d’autant que son plafonnement évitera les effets d’aubaine. Les entreprises ne remplaceront pas les salaires par cette prime et le pouvoir d’achat sera nettement amélioré. C’est l’exemple même de la disposition intelligente, souple et efficace.

J’en viens enfin à la répartition des bénéfices. Je n’ai jamais compris, même en tant que chef d’entreprise, pourquoi, lorsque, à la fin de l’année, après l’assemblée générale, on répartit les bénéfices de l’entreprise, les 1 000 euros distribués à l’actionnaire sont disponibles tout de suite et ne sont soumis qu’à l’impôt sur le revenu alors que le salarié, pour en bénéficier, reste tributaire des dispositifs de participation et d’intéressement, des accords de branche ou d’entreprise. Monsieur le ministre, ce point – un de plus – devra être négocié avec les syndicats. En effet, cette prime de 1 000 euros va permettre, sur le plan fiscal, de traiter de la même manière le salarié, qui a permis à son employeur de faire des bénéfices, et l’actionnaire extérieur qui apporte à l’entreprise un capital indispensable.

Au terme de cette intervention, je formule le souhait que cette prime de 1 000 euros ne soit pas exceptionnelle. Ce doit être une possibilité offerte aux entreprises, chaque année, d’intéresser leurs salariés aux profits de l’entreprise, avec les mêmes dispositions fiscales et sociales.

M. Patrick Ollier. On retrouve l’intéressement !

M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

M. Alain Joyandet. Et cela, sans entrer dans un processus d’accord de branche ou d’entreprise, ou un dispositif d’intéressement.

M. Jacques Myard. Un peu moins de lourdeur, enfin !

M. Alain Joyandet. Il faut que cela se fasse dans la souplesse.

Je me félicite donc de cette mesure de justice. C’est aussi une façon de revaloriser le travail, de faire en sorte que les fruits du travail ne coûtent pas plus cher que ceux du capital. J’espère que cette disposition nous rassemblera tous. En tout cas, je suis très heureux de l’état d’esprit qui a présidé à son élaboration.

Enfin, madame, monsieur les ministres, quel bonheur pour les parlementaires que nous sommes de constater que tous ceux qui travaillent sur ces sujets sont entendus et qu’au plus haut de l’État, le Président de la République a décidé de reprendre toutes ces initiatives parlementaires pour atteindre notre but commun : l’amélioration du pouvoir d’achat des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je concentrerai mes quelques propos sur la lourde question du logement. De ce point de vue, il me semble utile de distinguer entre les mesures prises, ou celles à venir, le court, le moyen et le long termes.

S’agissant du court terme, il est bon de rappeler que les aides à la personne vont cette année, pour la première fois depuis longtemps, être alignées sur l’indice révisé du loyer, l’IRL, et non pas celui du coût de la vie. Elles progresseront donc davantage, à hauteur de 2,76 %, et, à compter du 1er janvier, selon une automaticité dont on avait perdu l’habitude. Cette augmentation de l’aide est plus que significative pour les ménages, et on ne peut que s’en féliciter.

Parallèlement, les loyers seront alignés sur l’indice du coût de la vie, qui est inférieur à l’IRL. Cette mesure libérera incontestablement du pouvoir d’achat. Cependant, je souhaiterais qu’on en évalue bien tous les effets dans les mois et l’année à venir car il importe de ne pas freiner la politique de l’offre du côté des investisseurs alors que le problème du logement réside d’abord dans le déficit de logements disponibles au regard de la demande, notamment dans la région parisienne, le genevois et en PACA.

Je voudrais également souligner la diminution de la demande de cautionnement qui, elle aussi, devra être évaluée par rapport à une garantie des risques locatifs restant à mettre en place, de telle manière que l’offre de logements du côté des investisseurs ne soit ni freinée ni surtout découragée au moment où nous avons un grand besoin de constructions dans notre pays.

Je n’oublierai pas de rappeler les mesures prises en début de mandature pour le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt en matière d’accession, notamment sociale. Voilà autant de dispositions qui renforceront le pouvoir d’achat.

S’agissant du moyen terme, les mesures sont relatives à l’habitat. Si le problème du loyer est patent, celui des charges et de leur évolution, notamment du fait de l’augmentation du coût de l’énergie, est également très important. De ce point de vue, on ne peut que saluer les mesures déjà en place à propos de la requalification des logements. Je pense à toutes les mesures fiscales concernant les économies d’énergie : les unes datent de 2005, les autres de 2006. Je citerai notamment la TVA à taux réduit en milieu urbain. En tout état de cause, chacun sait bien qu’il faudra faire davantage en matière fiscale et de financement.

Le Président de la République a indiqué en effet qu’un effort tout particulier devait être consenti à propos de la réhabilitation des logements. On a donné le chiffre de 800 000 HLM. Je n’oublierai pas d’ajouter que le parc privé est hautement et davantage encore concerné puisque c’est dans ce dernier qu’on retrouve les consommations les plus élevées, quelque 240 kwh au mètre carré dans le parc privé contre 160 dans le parc public. Il faut donc consentir un effort considérable en la matière en s’appuyant peut-être plus encore sur l’ANAH, l’ANRU, pour sa part, participant à travers la requalification des quartiers à cette politique d’économies d’énergie.

S’agissant du long terme, que ce soit en matière de travail ou de pouvoir d’achat, il faut favoriser l’offre. La priorité, pour le logement, c’est de maintenir l’effort financier consenti depuis quatre ans. Je pense à l’objectif de 500 000 logements, dont 120 000 logements sociaux. Peut-être faudra-t-il cibler davantage l’action sur les trois zones tendues auxquelles j’ai fait allusion, la région parisienne en représentant près de la moitié. Je souhaiterais également qu’on qualifie plus encore l’effort : il faut, comme cela a été envisagé, mieux cibler l’usage du logement social.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Michel Piron. Le Président de la République a soulevé la question. Incontestablement, une meilleure mobilité, liée peut-être au surloyer, pourrait faciliter les choses. Cela étant, je n’oublie pas l’effort qui reste à consentir pour l’accession. Je le maintiens, il faut d’abord encourager une politique de l’offre.

Quant au long terme, on ne peut pas ne pas évoquer la question de la réglementation. Si l’urgence, c’est le toit, si l’exigence, c’est l’habitat, la perspective, c’est l’urbanisme.

Mme la ministre du logement et de la ville. Très bien !

M. Michel Piron. L’urbanisme, c’est d’abord la gestion d’un triptyque. Dans les années qui viennent, on ne pourra plus faire comme si la question du logement devait être déconnectée du lieu de travail et du problème des transports. Qui, aujourd’hui, sait gouverner, décider, arbitrer quand il s’agit d’organiser le triptyque lieu d’habitation, lieu de travail et moyens de transport ? S’agissant de la région parisienne, on a parlé du Grand Paris. On pourrait pareillement évoquer la région francilienne. Mais ce n’est sans doute pas la même chose d’évoquer un maire du Grand Paris, un président de région ou un préfet. En tout étant de cause, les problèmes qui, à Londres, ont fait l’objet d’une certaine réponse devront être posés à Paris. J’évoque là, je le répète, la réglementation et la gouvernance.

Mme la ministre du logement et de la ville. Vous avez raison !

M. Michel Piron. Une politique du logement, c’est peut-être beaucoup de petites mesures qu’il ne faut surtout pas mépriser, contrairement à ce qu’a fait tout à l’heure M. Sapin. D’autant que ces petites mesures s’inscrivent dans une perspective, celle d’une politique impulsée par l’État mais nécessairement partagée par les collectivités territoriales.

Mme la ministre du logement et de la ville. Absolument !

M. Michel Piron. Car aucune politique du logement, et cela vaut aussi pour le pouvoir d’achat, ne saurait être efficace si elle n’est pas mise en œuvre de manière territorialisée, donc différenciée localement, et – pourquoi pas ? – décentralisée. J’y crois fermement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Je voudrais saluer les interventions de mes collègues Jérôme Chartier et Frédéric Lefebvre et les compléter par la mienne.

Le jeudi 29 novembre dernier, j’ai remis un rapport sur les freins à la mobilité professionnelle. Cette question est fondamentale, tant pour les salariés du secteur public que pour ceux du secteur privé. Il y a en France plus de deux millions de demandeurs d’emploi, face à cinq cents mille offres non satisfaites, lesquelles sont souvent liées à un déficit de mobilité. Les freins à la mobilité ont pour conséquence de créer des difficultés de recrutement dans certains métiers et de contraindre parfois les personnes au chômage de longue durée ou à l'inactivité. Il est donc essentiel de faire se rencontrer l’offre et la demande, et de fluidifier notre marché de l’emploi.

Les contraintes du marché ont changé, et l'accompagnement à la mobilité professionnelle doit être mieux adapté, car le pouvoir d'achat et l’employabilité des Français en dépendent. Il n’est d’ailleurs pas interdit de penser que le point de croissance qui nous manque réside en partie dans cette problématique.

La mobilité n’a pas toujours été valorisée. Avant, lorsque l'on se disait « prêt à être mobile », c'était une façon pudique de dire : « Je viens de me faire virer et je cherche du travail. » Aujourd'hui, les choses sont différentes : être mobile, c'est aller de l'avant, anticiper et prendre des risques. J’estime donc qu’il faut accompagner ce changement.

Auparavant, avoir une situation stable était gage de sérieux et de fiabilité ; mais, désormais, l'allongement de la vie professionnelle est incompatible avec ce schéma. Quelle entreprise, en effet, peut vous garantir un travail pendant quarante ans ?

À l'heure où la question du pouvoir d'achat et des salaires préoccupe beaucoup les Français, le changement doit être vécu comme positif : changer d'emploi est souvent, en effet, une manière de gagner plus. La mobilité permet également à ceux qui en ont besoin de retrouver un emploi ; grâce à elle, l'ascenseur social peut fonctionner. Elle est enfin un moyen de répondre au déséquilibre entre les bassins d'emplois qui ont, pour les uns, un potentiel d'offres d'emploi non satisfait et, pour les autres, un excès de demandeurs d’emploi.

Au travers des auditions que j’ai menées, j’ai pu constater que les freins à la mobilité étaient d’ordre psychologique – le découpage de la France en quatre zones, est, ouest, nord et sud représente parfois une barrière difficilement surmontable –, ou familial – de plus en plus de gens refusent de devenir des « célibataires géographiques » –, quand ils n’étaient pas liés à la question du logement et aux problèmes financiers qui l’accompagnent.

J’ai tenté de proposer plusieurs réponses à ces questions, ayant notamment constaté que les personnes qui acceptent d’être mobiles ne sont pas suffisamment accompagnées.

Il existe pourtant à l’heure qu’il est de nombreuses solutions, mais elles sont malheureusement souvent ignorées par ceux qu’elles pourraient concerner. C’est pourquoi je propose en premier lieu de créer un « Guide de la mobilité » les répertoriant. J’en ai parlé à Mme Lagarde, notre ministre de l’économie, qui se propose de réaliser ce guide en y associant les autres ministères, dans une démarche transversale. C’est la première des dix propositions que je fais pour améliorer la mobilité professionnelle.

Je propose également de créer un droit à congé dès la première année de l'embauche. En effet, accepter de nouvelles responsabilités dans une entreprise en cas de mobilité professionnelle et géographique, c'est souvent renoncer à une partie de sa vie sociale et familiale.

Il existe pour les demandeurs d'emploi, une prime de 1 500 euros octroyée en cas de mobilité professionnelle effective entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2007. Elle doit concerner tous ceux qui acceptent de prendre le risque de la mobilité professionnelle pour satisfaire des emplois non pourvus, et c’est une mesure qu’il faut donc poursuivre.

Nous pourrions aussi accorder un crédit d'impôt pour toute mobilité professionnelle supérieure à deux cents kilomètres. Cela permettrait de couvrir une partie des frais de déménagement non pris en charge par le loca-pass. Ils pourraient être acceptés comme frais professionnels et intégralement déductibles.

Afin de faciliter la mobilité professionnelle entre secteur public et secteur privé, il est souhaitable d’envisager un processus de transformation des contrats de droit public en contrat de droit privé, dans le cadre de la transformation des services publics en entreprises commerciales où en sociétés anonymes.

Il faut aussi réfléchir à la suppression des droits de mutation, dès lors que les transactions sont liées à une mobilité imposée par des motifs professionnels, perte ou changement d’emploi. C’est une proposition de notre président, Nicolas Sarkozy.

M. Jacques Myard. C’est vrai !

Mme Claude Greff. Si la transférabilité des frais bancaires d'un achat immobilier sur un autre achat immobilier lié à la mobilité professionnelle existe au sein d’une même banque, peu de gens sont au courant.

S’agissant des parcs de logements que les préfectures réservent à leurs fonctionnaires, pourquoi ne pas les mettre également à la disposition des candidats à la mobilité professionnelle ? Il y aurait de ce fait moins de « célibataires géographiques ». De même, un partenariat doit être mis en place avec les collectivités pour que des places de crèches soient réservées aux enfants dont les parents acceptent la mobilité professionnelle et géographique. Trouver une place en crèche dans sa ville est déjà compliqué, mais dans une ville qu’on ne connaît pas, c’est une vraie galère !

Aujourd’hui, seules les entreprises de plus de dix salariés sont concernées par le 1 % logement. Pourquoi ne pas étendre les dispositifs loca-pass et mobili-pass aux entreprises de moins de dix salariés ?

Voilà certaines des mesures que je propose pour que la mobilité professionnelle ne connaisse plus de freins. Je conclurai en soulignant qu’il faut avant tout banaliser la démarche et la faire admettre dans le parcours professionnel. Les jeunes générations y sont prêtes, sollicitées dès le lycée, au travers des stages en enseignement professionnel et technologique, ou dans l’enseignement supérieur, avec, notamment, les différents programmes européens d'échanges linguistiques. La mobilité est devenue plus facile pour la jeunesse.

Comme le révèle le rapport de l'AFPA d'octobre 2007, les premiers freins à la mobilité sont essentiellement psychologiques et familiaux. Ils sont aussi le résultat d'un schéma traditionnel d'emploi et d'un fort ancrage régional de nos concitoyens. Mais le monde du travail a changé et il est essentiel que l'accompagnement des salariés soit adapté en conséquence. Une meilleure communication sur la mobilité pourra contribuer à lever les freins et à redonner du pouvoir d’achat aux salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. On entend souvent que les Français seraient fâchés avec les mécanismes économiques et qu’ils ne les comprendraient pas. Ce n’est pas mon avis. En revanche, je suis assez convaincu que la France s’est mise elle-même, à cause des choix structurels qu’elle a faits, dans une situation de blocage économique.

Il est donc urgent de déverrouiller les structures macroéconomiques de la France pour assurer son développement sur le long terme. Ce déverrouillage doit concerner autant la demande que l’offre, et il serait parfaitement contreproductif d’opposer l’une à l’autre si l’on veut aboutir à une augmentation du pouvoir d’achat, lequel – je le rappelle – est toujours la conséquence d’un fait économique avant d’en être la cause.

Le déverrouillage doit à l’évidence concerner en premier lieu l’offre et la demande de travail. Vous proposez notamment le rachat des jours d’ARTT, ce qui me paraît une excellente mesure. Je souhaiterais qu’elle puisse être étendue à toutes les fonctions publiques, de manière à faciliter le recrutement, difficile sur certains postes de travail.

Il faut également se départir de l’idée que la retraite est une impasse, dans laquelle on ne peut plus servir l’économie de son pays. Il est impératif de supprimer toutes les entraves au cumul emploi-retraite. Un senior doit pouvoir travailler ponctuellement, selon son gré ou les possibilités qui lui sont offertes.

En revanche, je suis plus réservé pour le déblocage des fonds de participation, car il ne faut pas oublier que c’est un fusil à un seul coup. Cette mesure augmentera en apparence le pouvoir d’achat, mais sans réelle contrepartie en termes de travail effectué. Faisons donc attention à ne pas accroître de manière artificielle une demande qui ne correspondrait en réalité à aucune offre.

Il est en second lieu absolument nécessaire d’augmenter les investissements dans ce pays, je l’ai dit à plusieurs reprises à cette tribune. Qu’il s’agisse des investissements publics ou privés, ils sont atones alors qu’ils représentent l’avenir. L’épargne des Français s’enfuit à l’étranger à cause d’une fiscalité sur le patrimoine parfaitement imbécile : c’est d’abord le cas de l’ISF mais aussi de l’IS. Il est donc urgent de mettre en place un moratoire fiscal pour faire revenir l’épargne en France, afin qu’elle contribue à la production de notre pays et pas seulement à celle des pays émergents.

Il faut également apprendre à tenir compte de la globalisation, notamment sur la question de la TVA sociale, qui n’est certainement pas, monsieur Sapin, la solution à tous nos maux.

M. Michel Sapin. Ça se saurait !

M. Jacques Myard. Cependant, en alignant le régime de cotisations des importations sur celui de la production nationale, la TVA sociale permettrait de corriger l’avantage dont bénéficient les produits bon marché importés, fabriqués à moindre coût.

M. Michel Sapin. C’est surtout le meilleur moyen de faire grimper les prix !

M. Jacques Myard. Cette question fait débat à droite comme à gauche. La piste mérite en tout cas d’être creusée, avec intelligence et sans dogmatisme.

J’en viens maintenant au carcan européen. Qu’on le veuille ou non, nous avons besoin de l’Europe. Mais la France a commis une faute en s’enchaînant à la monnaie unique, alors que tout prouve qu’elle est inadaptée à notre production. L’autisme de la Banque centrale prive la monnaie unique de ses vertus, et il est évident qu’il devrait aujourd’hui y avoir deux monnaies en Europe : l’une ancrée sur l’économie dominante qu’est l’Allemagne, l’autre ancrée sur les économies française, italienne et espagnole, qui ont des structures de production similaires.

En renchérissant nos exportations, l’euro fort nous a coûté un point de PIB sur les cinq dernières années. L’oublier, c’est prendre ses désirs pour des réalités et, comme je le disais un jour au gouverneur de la banque centrale : « Votre monnaie est parfaite… pour un monde parfait qui n’existe pas. » Il est donc urgent de mettre de l’ordre dans cette situation, et je regrette que le traité de Lisbonne n’en dise rien. Nous avons raté cette occasion de remettre les pendules à l’heure.

Quant à nos exportations, on nous a, pendant des années, vendu le tout-Europe, alors que l’on constate aujourd’hui que, du fait de leur population vieillissante, nos partenaires européens n’achètent plus. L’Allemagne l’a compris, qui, depuis 1992, a joué la carte des pays émergents, tandis que nous persistions dans l’eurobéatitude. Jouons la carte de la mondialisation et ouvrons-nous sur le grand large.

Il est enfin nécessaire qu’émerge, au lieu des modèles mathématiques de concurrence que l’on nous sert, une véritable politique industrielle européenne. On a cassé EDF et GDF, qui fonctionnaient parfaitement. Au nom de la concurrence, qui donnerait les clefs d’explication du monde ? C’est un élément, mais ça ne suffit pas : il faut savoir protéger ses intérêts et conserver les entreprises qui ont réussi. Nous l’avons dit hier à un commissaire européen manifestement prisonnier de ses modèles mathématiques et de ses solutions toutes faites, alors qu’à l’évidence nous avons besoin d’une politique industrielle.

Il nous faut aussi une politique familiale active. C’est un investissement pour l’avenir, car ce sont les familles qui porteront les investissements de demain et accroîtront la demande.

C’est une évidence : nous devons mettre le paquet pour les familles, notamment les familles nombreuses, qui sont l’avenir de la nation ! Si nous n’agissons pas dans ce sens, nous aurons tout faux, parce que le pouvoir d’achat est avant tout le résultat d’une politique économique, et non l’inverse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, je suis très heureux de participer à ce débat portant sur une question essentielle pour tous les Français : le pouvoir d’achat.

Je me réjouis que le Gouvernement ait proposé un ensemble de mesures qui seront efficaces parce qu’elles sont simples, et qui seront fortes parce qu’elles sont justes. Je pense en particulier au déblocage de la participation et à la facilitation de l’intéressement, chère à Patrick Ollier, tous moyens qui peuvent redonner immédiatement du pouvoir d’achat aux ménages.

Je me réjouis également que le projet de loi pour le pouvoir d’achat, que nous examinerons la semaine prochaine, traduise une vraie cohérence politique et économique, voulue et annoncée par le Président de la République lors de son intervention télévisée le 29 novembre.

Oui, c’est bien le travail qui crée le pouvoir d’achat, c’est bien l’emploi qui fait la richesse des Français. Et je crois que nous aurions tort de ne pas insister sur ce point essentiel de notre doctrine économique.

Vous me permettrez de faire, dans ce débat, une remarque générale, puis d’insister sur un point particulier.

La remarque générale porte sur les salaires.

Au-delà des mesures concrètes d’application immédiate, intelligentes et efficaces, que nous proposons aujourd’hui avec le Gouvernement, nous devons rester vigilants quant au niveau des salaires en France. Tous les revenus complémentaires ne doivent pas nous faire oublier une réalité rappelée récemment par l’INSEE : la stagnation du revenu salarial moyen en France depuis vingt ans. Cette réalité résulte de multiples facteurs, notamment le développement du travail à temps partiel, très souvent, pour les femmes, du travail à temps partiel subi, ainsi que le développement des contrats précaires.

Cette réalité n’est pas propre à la France. D’autres pays européens sont touchés, notamment l’Allemagne où la question salariale est revenue en force depuis quelques semaines.

Restons vigilants sur ce sujet. Je ne crois pas que la solution réside dans un Grenelle salarial, car il remettrait en cause l’effort de compétitivité de nos entreprises engagé depuis plusieurs années et qui commence à porter ses fruits. L’ouverture d’une vraie réflexion sur un meilleur partage de la richesse entre le capital et le travail mériterait d’être lancée.

D’autres propositions, comme celles qui ont été avancées par Jérôme Chartier ou Frédéric Lefebvre, me paraissent également très utiles.

Le point particulier porte sur le chèque transport, et me permettra de répondre à Michel Sapin.

Mis en œuvre par le précédent gouvernement, le chèque transport n’a pas donné, c’est vrai, tous les résultats attendus. Je persiste néanmoins à penser que c’est une bonne idée.

M. Michel Sapin. Très bien !

M. Bruno Le Maire. Certaines idées ne marchent pas parce qu’elles sont mauvaises, c’est le cas des 35 heures – ; d’autres ne marchent pas parce que les modalités de leur application n’ont pas encore été trouvées : c’est le cas du chèque transport.

M. Michel Sapin. Voilà pourquoi le Gouvernement veut le supprimer !

M. Bruno Le Maire. La réalité reste la même et les faits sont têtus.

La réalité est que, en matière de transport, les inégalités entre salariés sont particulièrement fortes, notamment aux alentours des grandes villes. Je cite le cas de mes administrés : des dizaines de milliers de salariés qui habitent dans la troisième couronne de la banlieue parisienne doivent parcourir, chaque jour, pour se rendre à leur travail à Paris, une centaine de kilomètres. Ils dépensent par mois soit 108,60 euros en carte orange 6 zones, soit de 300 à 400 euros d’essence et de remboursement d’emprunt pour l’achat d’une voiture pour ceux qui sont obligés d’emprunter leur véhicule personnel. Pour ces salariés, le coût du transport est soit pris en charge totalement par leur entreprise ou par leur administration, soit pris en charge partiellement à 50 %, soit pas pris en charge du tout, alors même qu’il peut représenter jusqu’à 20 % de leur salaire net. Je crois qu’il y a là une injustice à laquelle il faut remédier.

Je ne crois pas que la solution réside dans la mise en place d’un chèque transport obligatoire. Les situations entre les salariés, les entreprises et les administrations sont aujourd’hui trop différentes pour que nous puissions imposer un modèle unique efficace.

Deux pistes peuvent néanmoins être envisagées.

La première est la dématérialisation du chèque transport. Un système dématérialisé, où la compensation du coût du transport apparaîtrait directement sur la feuille de paie du salarié, réduirait les frais de gestion et faciliterait la mise en œuvre du chèque transport.

Deuxièmement, je propose que cette question du chèque transport soit soumise à la négociation des partenaires sociaux dans le cadre de la loi sur le dialogue social, ce qui permettrait d’étudier, dans une durée limitée, des propositions qui peuvent paraître intéressantes pour les salariés et pour leur pouvoir d’achat. Xavier Bertrand a suffisamment montré ses talents de négociateur au cours des dernières semaines pour nous laisser espérer des résultats très concrets sur ce sujet.

Ces propositions me paraissent s’inscrire exactement dans la doctrine économique défendue par le Président de la République et le Gouvernement, à savoir valoriser le travail des salariés en le remettant au cœur de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens ont comme préoccupation majeure et légitime leur pouvoir d'achat, 65 % d’entre eux estimant qu’il a diminué au cours des douze derniers mois.

Comme mes collègues, je ne peux que me féliciter de l'initiative prise par le président du groupe UMP, Jean-François Copé, initiative qui conforte notre rôle de députés qui est de proposer des pistes de réflexion.

Pour ma part, je veux aujourd’hui attirer l’attention sur la situation des personnels de la fonction publique hospitalière, qui représentent 20 % des effectifs de la fonction publique. Plus de 1 million de personnes est donc ainsi concerné !

Comme nous le savons tous, depuis malheureusement trop longtemps, la fonction publique hospitalière souffre.

Elle souffre pour diverses raisons bien connues.

Premièrement, la pénurie de personnel pénalise fortement l'organisation et le fonctionnement de nos hôpitaux et reste un problème fondamental à ce jour.

Deuxièmement, la mise en place des 35 heures – dont la majorité des praticiens s'accorde à dire qu'elle est une véritable catastrophe – a encore fortement accentué le problème de pénurie de personnel, l'obligeant à travailler plus, en assurant la continuité du service, sans réelle compensation de salaires.

Troisièmement, l'application du compte épargne temps, le CET, proposé par notre collègue Patrick Ollier. Depuis la mise en place des 35 heures à l'hôpital en 2002, le personnel médical de la fonction publique hospitalière peut accumuler ses jours de RTT et ses heures supplémentaires sur un compte épargne temps. Cela pourrait sembler une bonne démarche, mais la réalité est tout autre puisque les praticiens, seuls maîtres, en pratique, de l'organisation de leur travail, ne peuvent récupérer leurs jours de RTT sans mettre en péril le fonctionnement des services hospitaliers. Pour mémoire, le rapport Acker, rendu officiel cet été, évalue le temps de travail accumulé dans les CET à « plus de 1 million de journées à la fin 2005 ».

Quatrièmement, la non-rémunération des heures supplémentaires effectuées par les infirmières. Celles-ci disposent de comptes locaux, dits « CET bis », alimentés par leurs heures supplémentaires. Selon le même rapport Acker, ces comptes locaux cumulent 2,5 millions de jours, depuis 2002. Et ces heures, bien souvent subies pour assurer la continuité du service et pallier le manque de personnel, ne sont généralement pas payées faute de moyens.

Il y a donc un sérieux mal-être pour toutes les corporations qui exercent au sein de l'hôpital, et c'est une infirmière qui vous le dit, forte de son expérience passée.

Il faut réformer ce système qui se révèle injuste et inefficace, alors que nous avons tous pleinement conscience du travail exemplaire accompli par les personnels médicaux des établissements publics de santé, travail qui permet aux Français de bénéficier d'un système de soins très performant.

Pour favoriser le pouvoir d'achat de ces personnels, il est nécessaire de trouver rapidement une solution pérenne de gestion des heures supplémentaires dans les hôpitaux et d’améliorer les modalités d'application du dispositif des CET.

Notre action doit être significative.

Comment rendre du pouvoir d'achat aux personnels de la fonction publique hospitalière et leur permettre de « travailler plus pour gagner plus », conformément aux engagements du Président de la République ?

Un premier signal fort a été donné lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 concernant le paiement des heures supplémentaires. Ce PLFSS a d'ores et déjà anticipé un paiement des heures supplémentaires effectuées non récupérées ou non payées, son article 79 autorisant le Fonds pour l'emploi hospitalier à y procéder. Le ministre du budget et de la fonction publique a annoncé que 130 millions y seraient dès à présent consacrés.

S’agissant du compte épargne temps, aujourd'hui, le nombre de jours cumulés sur ce compte est compris entre 60 à 100 jours par agent. La situation est d'autant plus problématique que le quart des agents – 25,6 % – ont plus de cinquante-cinq ans et feront valoir leurs droits dans les dix ans qui viennent. Ils n'ont encore pratiquement jamais récupéré les jours accumulés dans leur compte épargne temps.

Des aménagements doivent donc être trouvés.

D'ores et déjà, Mme la ministre de la santé a annoncé qu'elle rendrait possible le transfert des droits acquis par les agents et les praticiens hospitaliers sur leur compte épargne temps à leurs ayants droit.

Toujours sur le volet CET, plusieurs pistes peuvent être proposées, qui appellent bien évidemment une concertation approfondie avec tous les acteurs concernés.

Premièrement, partir en retraite anticipée.

Deuxièmement, allonger la durée d'épargne, limitée actuellement à dix ans.

Troisièmement, convertir les jours en cotisations de retraite complémentaire.

Quatrièmement, récupérer des jours épargnés sur le CET par un exercice à temps partiel.

Cinquièmement, monétiser les jours placés en CET grâce au Fonds pour l'emploi hospitalier.

Toutes ces pistes feront l'objet d'un examen attentif lors de la concertation entre les partenaires.

M. le Premier ministre a par ailleurs récemment rappelé que des négociations seront lancées en début d'année prochaine avec les syndicats de la fonction publique hospitalière et les syndicats de praticiens hospitaliers sur « la mise en œuvre d'un plan de rattrapage des heures supplémentaires non payées » pour le personnel hospitalier.

Faisons confiance à la concertation, et je crois sincèrement, monsieur le ministre du travail, comme vous nous l'avez récemment démontré, que, grâce à votre sens aigu de la concertation, celle-ci débouchera sur des accords qui pourront rendre du pouvoir d'achat aux agents de la fonction publique hospitalière. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, je voudrais avant tout faire part de mon soutien total aux propositions formulées à cette tribune par Patrick Ollier, Alain Joyandet et Jérôme Chartier sur le déblocage des fonds de participation sous quelque forme que ce soit. Cela me paraît effectivement essentiel.

Notre action en matière de pouvoir d’achat doit porter sur trois échelles de temps : le long terme, le moyen terme et le court terme.

Sur le long terme, d’abord.

Je considère qu’il ne peut pas y avoir d’accroissement réel et durable du pouvoir d’achat sans un engagement en faveur de réformes de long terme de l’administration et des services généraux de l’État, où il existe des gisements de productivité importants. Les agents attendent ces réformes, comme plusieurs enquêtes d’opinion l’ont démontré l’année dernière et encore cette année.

Les questions tragiques toujours posées dans ce débat sont : où allez-vous supprimer des agents ? Où allez-vous gagner en productivité ? La réponse habituellement donnée est que l’on ne peut pas réduire la dimension de notre État, parce que cela reviendrait à supprimer des postes de professeurs, d’infirmières, d’agents de police etc.

Je suis persuadé que, dans les services administratifs, ce que l’on appelle habituellement le back office, …

M. Jean-Paul Lecoq. En français !

M. Jean-Frédéric Poisson. … tout le travail d’aménagement et d’installation de la performance n’a pas été réalisé. Il est pourtant nécessaire. Il correspond à l’attente des agents.

Nous débattons depuis ce matin de l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés. Dans ce pays où le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté s’accroît chaque année et où le nombre de travailleurs augmente, j’attends, madame la ministre, avec impatience le rapport du secrétaire d’État Éric Besson sur le dividende universel que le Premier ministre lui a confié et qui me paraît être aujourd’hui le seul moyen de régler durablement la question de la répartition des richesses.

M. Michel Sapin. Ne soyez pas impatient : vous risquez d’être déçu !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous compléterons si c’est nécessaire. Nous avons beaucoup travaillé ce sujet et nous ne manquons donc pas de ressources.

Monsieur le ministre, je voudrais avancer trois idées pour traiter le moyen terme.

La première est la nécessaire refonte de la politique familiale à laquelle notre collègue Jacques Myard a fait allusion tout à l’heure. Madame le ministre, je me souviens qu’il y a dix ans, vous aviez rédigé avec Étienne Pinte, un rapport, Oser la famille, qui proposait une refonte totale du système d’allocations familiales.

Je pense que la refonte de ce système est désormais nécessaire pour deux raisons.

Premièrement, il existe actuellement une petite trentaine d’allocations et le système ne permet plus d’assurer une répartition juste de la richesse nationale vers les familles concernées. Je rappellerai, à titre anecdotique, que l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement de l’époque n’avait pas donné suite à ce rapport, c’est que passer de vingt-huit allocations à trois aurait eu des conséquences importantes et immédiates sur l’organisation de la Caisse nationale d’assurances familiales. On peut en convenir, mais ça ne me semble pas la meilleure objection pour ne pas réformer le système allocataire.

Deuxièmement, il serait nécessaire de prendre aussi en compte l’évolution de la structure des dépenses des ménages. Beaucoup de familles démarrent le mois en devant payer trois ou quatre abonnements téléphoniques, un abonnement de télévision satellite. En dehors du budget des transports et du logement, qui augmente – on l’a répété toute la matinée –, il faut aussi prendre en compte la dimension dite des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les médias en général, qui ont un impact important sur les dépenses familiales, dans des proportions qui peuvent devenir insupportables. Nous avons commencé à travailler, notamment sur ces questions de télécommunications, la semaine dernière en examinant le projet de loi de développement de la concurrence au service des consommateurs présenté par M. Luc Chatel.

On comprend mieux les causes du montant élevé des abonnements satellite quand on lit l’article paru ce matin dans un excellent quotidien sportif. Il fait état des négociations pour les droits de diffusion du championnat de France entre la Ligue de football, Canal + et TF1…

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Il n’y a pas que Canal + et TF1 !

M. Jean-Frédéric Poisson. …et évoque un montant de 600 millions d’euros. Dès lors, on comprend l’impact que cela peut avoir sur le montant des abonnements et donc sur les budgets familiaux. J’ai cité ces deux exemples car je crois que le Gouvernement peut avoir des moyens de contrôle sur un certain nombre de prestataires de services qui abusent de leur position et exagèrent les tarifs proposés aux ménages. Il faut étudier ce point compte tenu de la progression de la part de ce budget pour les ménages.

Nous avons également un problème structurel, sur lequel le Sénat avait déjà réfléchi en 2002-2003, lié à la concentration excessive des opérateurs de services. Les élus locaux savent bien qu’il est difficile de maîtriser le prix du mètre cube d’eau, des transports, lorsqu’ils sont face à un ou deux prestataires potentiels de service public. Nous devons conduire une réflexion en vue de la maîtrise de ces tarifs. Les concentrations de ces entreprises sont également dues au mouvement de globalisation, que l’on ne peut pas ignorer, et il faut prendre des mesures à cet égard.

Je voudrais enfin faire mienne la proposition de M. Myard. J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi pour permettre, à court terme, de cumuler une retraite et un emploi salarié.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je crois savoir que cela fait partie des perspectives ouvertes par les négociations en vue de la réforme des retraites pour 2008. Il faut impérativement faire sauter deux verrous : le délai de six mois et les 160 % du SMIC.

Telles étaient les quelques réflexions que je souhaitais vous faire partager ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, madame la ministre du logement, monsieur le ministre du travail, mes chers collègues, je trouve notre débat bizarrement placé dans notre agenda parlementaire dès lors que nous débattrons la semaine prochaine du projet de loi déjà tout ficelé sur cette question du pouvoir d'achat.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Et le droit d’amendement ?

M. Jean-Paul Lecoq. Sommes-nous ici pour une discussion préalable d'ordre général ? À quoi sert ce semblant de débat dès lors que le projet de loi a déjà été présenté hier en conseil des ministres et transmis illico à notre commission des affaires sociales, convoquée le jour même sans que nous ayons eu le temps suffisant pour déposer des amendements ?

La majorité semble tellement peu sûre d’elle, de son bricolage politique à la va-vite, qu'elle ne conserve même plus les formes minimales de respect de l'institution parlementaire. La dégradation des conditions du débat politique va ainsi en empirant, alors que la décision politique est dictée par des coups médiatiques.

Pourtant, l'opposition, notamment le groupe GDR, a bien des propositions constructives à faire sur la question du pouvoir d'achat. Le but de la majorité est visiblement de monopoliser le débat, sans jamais se donner les moyens d'écouter les propositions qui viennent de la gauche de cet hémicycle.

Le Président de la République, sentant sa cote de popularité chuter, car les Français ne voient pas dans leur porte-monnaie se concrétiser ses promesses électorales en matière de pouvoir d'achat, a ressorti, lors d'une récente intervention télévisée, sa formule magique du « Travailler plus pour gagner plus »,…

M. Jacques Myard. C’est pourtant vrai !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est bien, monsieur Lecoq, de le dire, vous aussi !

M. Jean-Paul Lecoq. ... devenue : « Si vous avez besoin de gagner plus, vous n'avez pas d'autre choix que de travailler plus. »

Je ne pense pas que l'augmentation de la durée du travail soit la réponse à apporter aux problèmes actuels du pouvoir d'achat.

Mme Isabelle Vasseur. Si !

M. Jean-Paul Lecoq. Quand le seul discours présidentiel est la glorification du travail, il ne faut pas s'étonner que les propositions avancées ne concernent que les personnes d'âge actif en capacité de travail. Ce discours exclut donc les personnes écartées de l'emploi pour cause de handicap ou de maladie invalidante et tous les retraités. Il exclut aussi les chômeurs mais, à vrai dire, de votre part, cette dernière exclusion va de soi car vous ne véhiculez que des images négatives des demandeurs d’emploi et vous les considérez comme des assistés.

M. Jacques Myard. Oh !

M. Jean-Paul Lecoq. Que dites-vous aux personnes handicapées qui voient le pouvoir d’achat de leurs allocations de handicap se dégrader, aux retraités qui voient stagner leurs pensions de retraite contributives ou leurs aides de minimum vieillesse ? « Travailler plus pour gagner plus » ? La formule trouve vite ses limites.

Pour rétablir le pouvoir d'achat, des solutions existent : d'une part, la hausse des revenus du travail dès la première heure travaillée, l'augmentation des revenus de remplacement, et, d’autre part, la baisse ou l'encadrement des dépenses contraintes des ménages modestes, sans oublier, bien sûr, les enjeux écologiques.

L'UMP, qui est au pouvoir depuis bientôt six ans, découvre, ô miracle, qu'il existe un problème de pouvoir d'achat. Mais le problème ne se pose pas pour tout le monde de la même façon. Les catégories les plus aisées n'ont en effet pas été touchées. Elles ont même bénéficié en priorité des réductions d'impôts et autres avantages de ces dernières années. Ce sont aussi les plus riches qui ont été l'objet de toutes les attentions dès l'installation du nouveau président, avec la loi TEPA votée en juillet. D’un seul coup, 15 milliards d'euros ont été offerts en cadeaux à quelques centaines de milliers de personnes, les plus riches, sous forme de bouclier fiscal et de déductions des intérêts d'emprunts immobiliers, quand des millions de Français ont du mal à boucler leurs fins de mois pour assurer seulement le strict minimum, manger, se vêtir, se loger. Il est vrai que, vues de Neuilly ce sont des préoccupations bien terre à terre.

Qu'avait fait le Président de la République ces dernières années comme ex-responsable de l'UMP ou comme ex-ministre de l'économie pour le pouvoir d'achat des petits salaires, des chômeurs, des minima sociaux, des retraités ou encore pour l'allocation pour adulte handicapé dont l'augmentation limitée, de 1,5 %, est inférieure à l'inflation pour 2007 ? On oublie souvent la promesse du ministre de l'économie Sarkozy de faire baisser de 5 % les prix de la grande distribution.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est ce qu’il a su faire fin 2004 !

M. Jean-Paul Lecoq. Il vous reste, monsieur le ministre, des réflexions de député !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est un compliment de votre part !

M. Jean-Paul Lecoq. Il est rare qu’un ministre intervienne comme cela. Vous rognez ainsi sur votre temps de parole, c’est parfait.

C'était tellement irréaliste qu'à peine installé le ministre de l'économie Sarkozy a préféré retourner au ministère de l'intérieur.

Plus tard, le Président a servi en premier ses amis : les Lagardère, Dassault et autres gros actionnaires. Ce sont eux, il est vrai, qui avaient facilité son élection, et d’autres actions ensuite.

L'évolution des salaires reste bien en deçà du revenu des actions ou des revenus immobiliers. Pire, les salaires minimaux de certaines branches sont toujours inférieurs au SMIC. Cela permet, par exemple dans le commerce, avec la rémunération des temps de pause, de contourner la loi sur le SMIC. L'obligation d'aligner les minima de branche sur le SMIC entraînerait ainsi un relèvement automatique de l'ensemble de la grille des salaires.

Plusieurs fédérations patronales font de la résistance et vous n'avez toujours rien tenté pour les faire céder. Cette situation inadmissible provoque actuellement des débrayages dans plusieurs enseignes de commerce de la grande distribution.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est tout le contraire qui a été fait avec le PLFSS !

M. Jean-Paul Lecoq. Je tiens à apporter mon soutien aux salariés concernés, mobilisés dans leur juste lutte pour une meilleure répartition des bénéfices.

À l'inverse, depuis cinq ans, vous avez systématiquement défiscalisé et exempté de cotisations sociales les revenus des rentiers, ce qui les a considérablement enrichis, accélérant les phénomènes de spéculation au détriment des revenus de ceux qui travaillent. Ainsi, le revenu déclaré des 10 % les plus riches a fait un bond de 32 % entre 1998 et 2005, et même de 42 % pour le 1 % les plus riches, soit 3 500 foyers fiscaux. Dans le même temps, le revenu des 90 % restants n'augmentait que de 4,6 %, tandis que le revenu médian, qui est inférieur à 1 500 euros mensuels, stagnait à 0,6 %.

Durant cette période, les plus pauvres, soit 7,1 millions de personnes, plus de 10 % de la population, doivent se contenter de moins de 817 euros par mois, seuil de pauvreté fixé à 60 % du salaire médian. Si l'on fait le calcul, avec une inflation moyenne de 2 % par an, l'immense majorité des Français a subi une réelle perte de pouvoir d'achat, d'autant que l'indice des prix INSEE ne correspond pas au panier d'achat des revenus les plus faibles, mais à un panier « moyen » qui sous-estime en particulier le poids des dépenses de logement. Le Président de la République lui-même a reconnu que ce calcul n’était pas adapté.

Ce ne sont pas les miettes du « travailler plus pour gagner plus » qui changeront sur le fond la situation. Même en multipliant les heures supplémentaires au SMIC, ça ne va pas bien loin quand les dépenses contraintes des petits et moyens revenus sont en hausse, que ce soit l'alimentation, le logement ou l'énergie. Les couches populaires sont particulièrement touchées par les hausses de prix intervenues ces derniers mois dans l'alimentation ou l'énergie. L'alimentaire représente en effet 17 % du budget d'un ouvrier contre 12 % de celui d’un cadre. De même, le transport représente 19 % du budget d'un habitant d'une commune rurale contre 12 % pour un Parisien.

Les locataires ont aussi été plus touchés que les propriétaires, les habitants des zones rurales plus touchés que ceux de la région parisienne, les familles monoparentales plus que les couples sans enfant, les 10 % les moins riches plus que les 10 % les plus riches.

Aussi convient-il de s'entendre, pour savoir quelle catégorie sociale a besoin d'une augmentation de pouvoir d'achat. Augmenter le pouvoir d'achat des plus riches, c'est, d’une part, augmenter la spéculation et, d'autre part, accroître les émissions de polluants et de gaz à effet de serre – voyages de loisirs en avion, acquisition d’une voitures 4x4 et surconsommation de luxe. Le pouvoir d'achat de ces catégories sociales ne nécessite aucune augmentation et demanderait au contraire des prélèvements supplémentaires pour permettre une meilleure redistribution des richesses dans notre pays.

Il faut agir sur les dépenses contraintes des foyers les plus modestes en menant une politique offensive contre les rentes de situation.

Ainsi, les prix des produits alimentaires, qui restent une grosse dépense pour les bas salaires et les foyers modestes, ont entamé un mouvement de hausse sur un an de plus 2,3 % selon l'INSEE. L'inflation dans le secteur alimentaire va se poursuivre. Les prix agricoles ont augmenté de 18 % en un an. Nous avons déjà un chiffre inquiétant : 12,5 % d'augmentation annuelle pour le prix de la baguette. Quant à celui de la brioche… 

M. Jacques Myard. Laissons cela à Marie-Antoinette !

M. Jean-Paul Lecoq. Je savais que vous alliez réagir, monsieur Myard !

M. Jacques Myard. On a de la culture !

M. Jean-Paul Lecoq. Cette accélération est notamment la conséquence de la hausse du prix du blé, qui s'est envolé de 71 % à la bourse de Chicago entre octobre 2006 et octobre 2007.

Le marché se tend en raison de la concurrence pour l'utilisation des terres agricoles, liée au développement de la production d'agrocarburants. Ces derniers nous ont été présentés comme la panacée pour pallier la raréfaction du pétrole et faire le bonheur d'un nouveau capitalisme vert ; or les effets pervers commencent à se faire sentir. Il est urgent de cesser d’encourager fiscalement la production d'agrocarburants dont le développement se fait au détriment de la filière agro-alimentaire.

M. Jacques Myard. Il n’a pas tort !

M. Jean-Paul Lecoq. Merci, monsieur Myard !

La hausse des prix du panier de la ménagère touche également la consommation des fruits et légumes frais, alors que nos compatriotes en consomment de moins en moins, comme une étude récente du CREDOC l’a montré. Une association de consommateurs a procédé à des relevés de prix pendant l'été 2007 pour évaluer le budget mensuel des foyers qui suivraient les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé d'une consommation individuelle de 400 grammes par jour. Cette dépense varie entre 57 euros par mois pour un couple sans enfant et 115 euros pour un couple avec deux enfants de plus de dix ans, soit entre 5 % et 12 % du SMIC, et je ne parle même pas des fruits et légumes issus de l'agriculture biologique, meilleurs pour la santé car sans pesticides. Les messages publics sur la nutrition ont peu d'impact si les produits ne sont accessibles qu'aux foyers les plus aisés.

L'envolée des prix des produits laitiers à la consommation est la conséquence de la spéculation des distributeurs intermédiaires. Danone a augmenté en novembre dernier de 10,5 % les prix de ses produits laitiers et Lactalis en fait autant, annonçant 15 % à 17 % d'augmentation. Or ces augmentations ne traduisent pas la réalité du marché agricole. En effet, il n'y a pas de pénurie de lait en Europe et la production satisfait à la demande et à la consommation. Ces dernières années, de 2002 à 2006, 30 000 paysans ont arrêté de produire du lait parce que les prix à la production ne cessaient de diminuer : en quatre ans, ils ont perdu l'équivalent de deux mois de revenus. Pendant ce temps, les grands groupes industriels transformateurs augmentaient les prix à la consommation, et par conséquent leurs bénéfices sur le dos des producteurs et des consommateurs. La hausse des prix à la production, cette année, est due à leur indexation sur le cours des produits exportés, hors Union européenne, qui représentent pourtant moins de 10 % du volume de lait européen.

Le poste « logement » subit lui aussi un dérapage constant que vous avez encouragé par les mesures prises en six ans de gouvernement UMP. Vous avez, notamment par des mesures d'incitation fiscale, encouragé la spéculation dans le secteur privé de construction de logements, alors que cet argent, manque à gagner pour le budget de l'État, aurait mieux été utilisé en investissant dans le logement social et réellement social.

Mme la ministre du logement et de la ville. C’est ce que nous faisons.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous vous inscrivez dans la continuité car, à ma connaissance, on n’a pas changé de majorité.

La moitié des 120 000 logements vendus en 2006 ont été achetés par des particuliers qui en ont ainsi profité pour alléger leurs impôts. Depuis 2003, le dispositif de Robien a permis de construire des milliers de logements qui sont restés vides, parce qu’ils sont situés dans des secteurs sans déficit de logements, ou parce que les loyers y sont trop élevés.

Aujourd'hui, les dépenses de logement représentent à elles seules entre 15 % et 40 % des dépenses des foyers. La seule mesure adéquate pour faire face à l'urgence est d'instaurer un gel temporaire des loyers, y compris lors du changement de bail, le temps nécessaire pour compenser l'augmentation du coût des loyers, qui a été, ces dernières années, plus rapide que l'inflation.

À cela s'ajoute le renchérissement des produits pétroliers. Le doublement de l'aide à la cuve n'est une solution ni à moyen ni à long terme. Je vous propose de créer un fonds de reconversion du chauffage au fioul vers des énergies renouvelables, alimenté par un prélèvement sur les profits des industries pétrolières. Quant aux dépenses de transport, n'en déplaise à Mme Lagarde – qui ne montre d'ailleurs pas l'exemple –, l'utilisation du vélo ne pouvant pallier toutes les situations, l'instauration d'un chèque-transport sur le modèle de la prise en charge de la carte orange en Île-de-France doit être à l'ordre du jour. Et je suis heureux que cette proposition commence à faire des émules dans les rangs de la majorité.

Nous ne pouvons non plus passer sous silence le poids accru des dépenses de santé dans le budget des ménages modestes. Nous en avons maintes fois parlé lors du débat sur la loi de financement de sécurité sociale. Et je réaffirme l'opposition des députés GDR aux franchises médicales et aux dépassements d'honoraires.

Vous distribuez à tout va les exonérations fiscales et de cotisations sociales. Mais une fois ses ressources épuisées, l’État reprend ce qu’il avait donné avec tant de prodigalité. Le projet de loi dont nous débattrons la semaine prochaine revient en fait à puiser dans les réserves des salariés. Visiblement, avec vous, tout ce qui est aux riches leur reste acquis. Mais tout ce qui est aux 90 % restants de la population, est négociable... y compris pour leur redistribuer autrement ce qu'ils avaient déjà ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de la ville.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, le logement constitue une charge importante et croissante pour les ménages – tout le monde est d’accord –, qui y consacrent entre 10 et 25 % de leur budget, parfois plus, malgré les aides personnalisées au logement qui permettent la solvabilisation des ménages les plus modestes.

Un dispositif global et cohérent doit être institué pour dynamiser la chaîne du logement. C’est un équilibre qu’il faut chercher entre locataires et bailleurs, investisseurs publics et privés, marché locatif et accession à la propriété.

Le Président de la République a annoncé une première série de mesures le 29 novembre dernier afin de répondre aux attentes tout à fait légitimes et urgentes des personnes les plus modestes, qui sont souvent locataires. Le problème majeur est le manque de logements : il faut bien s’en rendre compte et nous sommes tous en partie responsables. Le Président de la République nous a fixé l’objectif de construire 500 000 logements. Ce défi que nous devons relever réintroduira une fluidité dans la chaîne du logement, qui va du sans domicile fixe à celui qui est confortablement logé.

M. Jean-Paul Lecoq. Dans des châteaux !

Mme la ministre du logement et de la ville. D’ores et déjà, deux mesures sont prévues pour améliorer le pouvoir d’achat : l’indexation des loyers sur l’inflation et la réduction à un mois du dépôt de garantie auront un effet concret sur le pouvoir d’achat, tout le monde s’accorde à le dire. Ces deux mesures concrètes marquent l’engagement du Président de la République et du Gouvernement dans le domaine du logement. D’autres chantiers se concrétiseront par des accords, des conventions avec les partenaires, et d’autres relèveront de la représentation nationale.

M. Vigier a proposé un fonds de garantie pour les jeunes qui se lancent dans la vie active, les étudiants. Nous travaillons déjà sur cette question avec l’ensemble des partenaires. Je tiens donc volontiers compte de cette proposition et, sans doute, d’autres pistes sont possibles.

M. Goua a cité l’excellente étude du CREDOC. Je lis, moi aussi, depuis fort longtemps, avec intérêt les études produites par cet institut. C’est la raison pour laquelle j’ai donné à son directeur, M. Rochefort, une mission pour engager une réflexion sur la ville, en particulier sur la place des commerces dans les centres-villes.

Mme Girardin a soulevé le problème du logement à Saint-Pierre-et-Miquelon. J’ai été très sensible à ses propos et je suis persuadée que le ministre de l’outre-mer l’écoutera avec attention.

M. Lefebvre a souligné l’intérêt de la réduction à un mois du dépôt de garantie. Le dispositif proposé est tout à fait intéressant. Nous allons examiner cette piste, mais nous en avons d’autres que j’aurai l’occasion de vous présenter très prochainement.

Mme Claude Greff a proposé un guide de la mobilité. Le logement a naturellement toute sa place dans cette proposition. Les mesures concernant la réduction du dépôt de garantie, qui seront examinées la semaine prochaine, vont naturellement dans le sens souhaité par Mme Greff pour la mobilité.

M. Michel Piron a fait une présentation complète des enjeux de la politique du logement. Bien évidemment, je partage largement les orientations qu’il a proposées. En ce qui concerne les charges des locataires et des propriétaires, le Grenelle de l’environnement a, en effet, défini quelques pistes, mais je suis très vigilante pour que les mesures qui seront prises tiennent bien compte de la précarité d’un certain nombre de Français. Nul ne peut être contre les mesures en faveur de l’environnement – qui pourrait s’opposer à la défense de la planète ? – mais prenons garde de ne pas aboutir à une précarité énergétique nouvelle.

Dans une approche globale, il faut en effet prendre en compte le logement, les écoles, les commerces, les équipements publics, mais également les transports. Bref, tout le fonctionnement de la ville, afin que tous les quartiers, en particulier les quartiers fragiles, puissent participer aux dynamiques urbaines.

Quant aux politiques locales, je suis bien évidemment très favorable à la décentralisation. Mais nous sommes à la croisée des chemins : entre plus ou moins de décentralisation. Nous pouvons aller vers plus de décentralisation si nous avons la garantie que cela sera efficace, notamment pour l’application du droit au logement opposable.

Sans revenir à votre combat sur les prix de l’immobilier, monsieur Poisson, je soutiens votre souhait de voir se développer les technologies de l’information et de la communication. Je dois vous dire qu’il ne se passe pas une rencontre avec les différents partenaires – élus, constructeurs, propriétaires, bailleurs – où je n’insiste sur la nécessité de tenir compte des enjeux du XXIe siècle. Je ne manque jamais de les inciter à équiper les logements des nouvelles technologies, du très haut débit et de la fibre optique.

Monsieur Lecoq, vous avez parlé de la nécessité d’aider les ménages les plus modestes. La mise en place du droit au logement opposable me semble aller dans ce sens. Nous aurons l’occasion d’en reparler. Je suis pour ma part une militante convaincue du droit au logement opposable, et je suis persuadée que vous m’apporterez votre soutien à ce moment-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Lecoq. Nous verrons !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs les députés, en mai dernier, les Français ont fait un choix : celui d’une société davantage fondée sur le travail. Cela signifie valoriser ceux qui ont un travail, redonner du travail et agir pour celles et ceux qui ne peuvent pas ou plus travailler.

M. Jean-Paul Lecoq. Tu parles !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. C’est donc une politique globale qui repose sur ces trois piliers. Le ministre qui vous parle est à la fois le ministre du travail et celui de la solidarité. Ne racontons des histoires à personne : on ne peut jouer la carte de la solidarité que si l’on a produit des richesses.

Mme la ministre du logement et de la ville. Absolument !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Et l’on produit des richesses en travaillant et en travaillant davantage.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Chacun le sait.

Nous pouvons être d’accord sur ce constat. Mais, au-delà du constat, je pense que nous pouvons aussi être d’accord sur la méthode. Il suffit de dépasser les clivages politiciens et de regarder les choses au fond. Pour parvenir à cet objectif, nous vous proposons une méthode fondée sur le dialogue social et un changement assumé par rapport aux erreurs du passé. La droite et la gauche y ont leur part.

Je ne veux en aucun cas reproduire l’erreur des trente-cinq heures imposées – et loin de moi l’idée de prendre cet exemple par facilité, mais parce qu’il vient forcément à l’esprit compte tenu du débat que nous avons ce matin. Je le dis sans esprit polémique ; même à gauche, certains reconnaissent qu’il n’aurait peut-être pas fallu procéder ainsi.

Ce que nous proposerons la semaine prochaine, c’est de ne plus imposer les choses d’en haut, mais de les rendre possibles, notamment dans les entreprises. Ne comptez pas sur moi pour vous donner des chiffres macroéconomiques. Les propositions que nous allons faire au Parlement la semaine prochaine, nous ne les avons pas imaginées dans nos bureaux. Je n’ai rien conçu tout seul dans mon bureau de la rue de Grenelle !

M. Jean-Paul Lecoq. Non, c’est le Président de la République qui décide !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Ces mesures ont été demandées par les entreprises, par les employeurs comme par les salariés. Voilà pourquoi elles viennent en discussion.

Ces mesures permettront de renforcer le dialogue social dans les entreprises et dans notre pays, qui en a bien besoin, même si nous sentons aujourd’hui que les choses sont en train d’évoluer, ce dont chacun ne peut que se réjouir, quel que soit le banc où il siège.

Jean-François Copé et Christine Lagarde l’ont évoqué : nous sommes engagés aujourd’hui dans la voie du volontarisme. Chacun sait aussi que ce n’est pas le Gouvernement qui fixe les salaires dans les entreprises privées.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’on doit rester les bras ballants. Il faut agir. Le débat sur la conditionnalité des aides, des allégements de charges doit être engagé, car il est attendu depuis des années Ce débat, nous avons décidé de l’engager, même s’il n’est pas simple à régler.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai.

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Les partenaires sociaux en conviennent également. Au lieu d’attendre, nous engageons ce débat et nous allons transmettre au comité d’orientation pour l’emploi, là où siègent les partenaires sociaux, les éléments du débat afin qu’il s’en saisisse et que la réforme puisse s’engager.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Cela veut dire qu’une entreprise ou une branche qui refuserait de jouer le jeu des négociations salariales – il y en a, hélas ! –, pourrait être l’objet d’une révision de ses allégements de charges.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très bien !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Il s’agit aussi de bon sens : les règles de la négociation sont en jeu mais aussi – pourquoi ne pas aller plus loin ? – les dispositions obligatoires en matière d’égalité entre hommes et femmes. Nous savons que, sur tous ces sujets, il ne faudra raconter d’histoires à personne. Les obligations légales peuvent peser sur la négociation et il est juridiquement plus compliqué d’aller au-delà. Mais, là aussi, je compte sur les partenaires sociaux pour nous permettre de trouver les meilleures voies possibles.

Monsieur Sapin, vous avez évoqué nos réformes avec des mots dont je vous laisse la responsabilité. Je vous répondrai que ces réformes sont concrètes. Elles se rattachent à une politique globale, que je ne laisserai pas caricaturer. Car, en définitive, se livrer à ce genre de caricature ne porte pas atteinte à la crédibilité du Gouvernement, mais à celle de l’ensemble de la classe politique, ce dont elle n’a vraiment pas besoin. Il y a suffisamment de sujets sur lesquels vous pouvez manifester votre totale opposition avec le Gouvernement, pour que vous montriez que, sur d’autres, en particulier en matière sociale, des années-lumière ne séparent pas la majorité de l’opposition. D’autant que vous ne faites pas partie, c’est le moins qu’on puisse dire, de ceux qu’on pourrait qualifier de dogmatiques. Mais je ne voudrais pas vous compromettre avec cette remarque qui ressemble à un compliment. (Sourires.)

M. Michel Sapin. Je la prends comme un simple commentaire !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Nos réformes se traduisent dans la réalité que vivent les salariés et les entreprises. Je ne suis pas amateur de chiffres, mais je voudrais vous en citer quelques-uns, qui valent mieux qu’un grand discours. Pour un salarié aujourd’hui au SMIC, la monétisation de cinq jours de RTT représenterait 375 euros ; pour un salarié payé 2 500 euros par mois, cela représenterait 720 euros, et dix jours 1 440 euros. Voilà les questions qui intéressent les Français, voilà comment nous y apportons des réponses.

Nous ne sommes pas dans une économie administrée. C’est pourquoi notre philosophie consiste à promouvoir des dispositifs incitatifs, qui respectent la libre volonté des salariés et des employeurs, mais qui les encouragent à travailler davantage et à accroître leurs revenus. Dans les secteurs sous tension, où les besoins de main-d’œuvre se font sentir, nous savons qu’une telle mesure est très attendue. Dans d’autres secteurs, cela favorisera le dialogue entre le chef d’entreprise et les salariés.

Ce texte n’a pas vocation à revoir l’organisation interne des entreprises : nous n’en avons pas la volonté, nous n’en avons même pas la possibilité juridique. C’est le chef d’entreprise qui est garant de l’organisation de l’entreprise. Il est doté pour cela d’un pouvoir hiérarchique et les négociations sociales et le droit du travail sont là pour apporter des garanties aux salariés.

Nous savons pertinemment que même si seuls les comptes épargne temps sont soumis à une obligation légale, et non le provisionnement des jours de RTT, nombre d’entreprises mettent en œuvre de tels mécanismes : 38 % des salariés sont aujourd’hui concernés par les jours de RTT.

Avec ce texte, qui vient compléter la loi en faveur du travail et du pouvoir d’achat examinée cet été, nous avons voulu prévoir à la fois un dispositif de rachat des jours de RTT et un dispositif double de déblocage des sommes liées à la participation, qui concerne la moitié des salariés de notre pays, et de prime pour les salariés des petites entreprises, non couvertes par les accords de participation, car il n’est pas question d’en rester à une vision parcellaire des choses.

Pierre Méhaignerie, Philippe Vigier et Bruno Le Maire ont souligné que ce projet de loi contenait de vraies mesures, qui respectaient l’équilibre des finances publiques. Il ne s’agit pas, en effet, de dépenser un argent que les Français n’auraient pas. Il s’agit tout simplement d’agir en partant de ce qui leur revient. Les jours de RTT appartiennent aux salariés : nous leur laissons simplement la possibilité soit de les prendre pour se reposer, soit de se les faire payer si leur priorité est d’accroître leurs revenus.

Avant l’examen de tout texte, j’aime à organiser des réunions et à faire des visites auprès des intéressés. Dans une entreprise où je me suis rendu récemment, un salarié âgé de trente ans m’a ainsi dit qu’il préférait monétiser toutes ses journées de RTT car il avait besoin d’argent pour rembourser son prêt immobilier, un autre, de cinquante ans, a ajouté qu’il envisageait d’en garder une partie pour se reposer. Notre dispositif leur offrira cette souplesse, qui régit déjà la majeure partie des relations sociales dans l’entreprise. Je le revendique et je l’assume.

M. Frédéric Lefebvre. Contrairement aux socialistes, nous faisons confiance aux partenaires sociaux !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Il ne s’agit pas de judiciariser davantage de choses dans l’entreprise en réglementant à outrance, alors que le droit, en la matière, est déjà suffisamment complet, pour ne pas dire complexe. Les mesures que nous proposons nous permettent d’avancer dans cette direction sans accroître le montant des prélèvements obligatoires, qui, comme chacun le sait, pèsent à la fois sur la croissance et sur le pouvoir d’achat.

Nous sommes très attachés au dialogue social. Voilà pourquoi le Président lancera de nouveaux chantiers, en présence des partenaires sociaux, le 19 décembre. Nous pratiquons en permanence une politique de la main tendue vers les partenaires sociaux. Comme dans la vie politique de notre pays, une page doit se tourner dans la démocratie sociale : représentativité, évolution de la durée du travail et – l’un ne va pas sans l’autre – négociations salariales. J’ai la certitude que cette politique sera couronnée de succès, ce dont chacun pourra se réjouir.

M. Goua a indiqué que le parti socialiste faisait des propositions. Comme celles que vous avez faites par le passé n’ont pas été forcément bien reçues ou bien entendues, je pensais que le débat de ce matin serait pour vous l’occasion de les présenter. Mais peut-être les réservez-vous pour la discussion générale du projet de loi la semaine prochaine. Sachez que je serai à votre disposition pour les écouter. Je serai seulement absent l’après-midi du 19 décembre car je participerai à la conférence sociale organisée à l’Élysée. Mais j’aimerais vous indiquer d’ores et déjà que faire des propositions synonymes de dépenses voire de taxation à caractère punitif à l’égard des entreprises ne constitue pas la bonne solution aux yeux des entrepreneurs comme aux yeux des salariés. N’oubliez pas qu’il y a un formidable bon sens dans notre pays : nos concitoyens savent bien qu’il n’y a plus de guerre de tranchées entre les employeurs et les salariés.

M. Ollier a évoqué la question de la participation financière, sujet suivi par le Conseil supérieur de la participation que je préside, en tant que ministre du travail, et qui a fait l’objet d’une nouvelle impulsion en 2006 sous l’égide de Gérard Larcher. L’objectif est d’aller beaucoup plus loin dans la généralisation de l’accès des salariés aux dispositifs collectifs d’épargne salariale. Franck Borotra, vice-président du Conseil supérieur, m’a fait d’autres propositions qui me laissent penser que nous pouvons avancer sur cette question avec l’ensemble des partenaires sociaux. Il est temps de repenser l’association capital-travail. Loin d’être une vieille lune, c’est une idée moderne grâce à laquelle nous devons redonner confiance dans les entreprises, créatrices d’emplois.

M. Philippe Vigier. Très juste !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. La rémunération du capital et du travail fait débat. Mais nous pouvons montrer que la France, en ce domaine, est capable d’adresser un message à l’Europe tout entière.

Si la part des salaires est fondamentale dans les revenus, il faut aussi penser aux intéressements, aux participations ainsi qu’aux stock-options, qui posent la question de la performance des dirigeants mais aussi de la démocratisation de ce mode de rémunération. Ce sont autant de pistes de travail, qui vous passionneront tout autant que moi, je le pense. Nous sommes là face à un véritable défi, comme le soulignaient Patrick Ollier, Jérôme Chartier et Frédéric Lefebvre.

Mme Girardin évoquait la situation de nos concitoyens d’outre-mer, et plus particulièrement des habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ils sont bien sûr concernés par les dispositions du projet de loi sur le pouvoir d’achat. Eux aussi pourront augmenter leurs revenus.

Par ailleurs, je précise que les salariés à temps partiel sont concernés au même titre que les salariés à temps plein par le déblocage des sommes de la participation et le versement d’une prime de 1 000 euros, comme ils l’ont été par le dispositif des heures supplémentaires.

Frédéric Lefebvre a souligné l’importance de la période de référence pour le calcul des jours de RTT, après l’avoir fait hier en commission. Il a de la suite dans les idées et je suis certain qu’il en donnera encore la preuve la semaine prochaine. Il est important de bien distinguer les mesures que nous voulons prendre dès maintenant, qui sont des mesures temporaires à caractère exceptionnel, de mesures structurelles qui doivent faire l’objet de négociations avec les partenaires sociaux. Nous connaîtrons, à partir du 19 décembre, leurs positions précises et saurons quelles questions ils entendent traiter en priorité, quelles autres ils veulent laisser le soin d’examiner aux parlementaires et au Gouvernement. Nous pourrons alors établir un calendrier. J’ai bien conscience que les employeurs et les salariés de nombreuses entreprises sont aussi intéressés par le sujet que vous évoquez.

L’intérêt du dispositif de participation et d’intéressement a également été souligné. Je partage le souci de M. Ollier de favoriser l’intéressement, à condition de veiller scrupuleusement à ce qu’il ne se substitue pas au salaire. En complément, oui ; en remplacement, non.

M. Frédéric Lefebvre. C’est essentiel !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Jérôme Chartier a souligné la nécessité de viser l’ensemble des salariés dans notre politique d’augmentation du pouvoir d’achat. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place cette prime de 1 000 euros sans charges, qui permettra de n’oublier personne.

Les retraités ne sont pas oubliés non plus. Lors de la conférence sur la revalorisation des pensions du 20 décembre et lors du rendez-vous des retraites du premier semestre 2008, ce sujet sera bien évidemment évoqué. Comment, ministre du travail et de la solidarité, pourrais-je oublier les engagements pris par Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle alors que j’étais son porte-parole ? Nous avons bien parlé de la revalorisation de l’allocation pour adulte handicapé et de celle du minimum vieillesse, et il ne faudra pas attendre la fin des cinq années de mandat pour que les premiers résultats de nos engagements en ce domaine se fassent sentir.

M. Jean-Paul Lecoq. Il y a quand même des priorités !

M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Alain Joyandet a, lui aussi, évoqué la prime de 1 000 euros. Les entreprises non soumises aux accords de participation pourront partager leurs bénéfices et même aller plus loin. Nous avons fixé ce plafond pour les exonérations comme nous avons fixé à dix le nombre de jours de RTT non soumis à charges. Rien n’empêchera un entrepreneur d’aller au-delà. Alain Joyandet a encore évoqué une question importante, qui fait partie de cette politique globale : la conditionnalité des aides.

Isabelle Vasseur comme Jacques Myard ont évoqué la question du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Notre politique en ce domaine ne saurait être partielle. Qu’il s’agisse de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, nous pourrons agir par décret, après la concertation engagée par Éric Woerth, Roselyne Bachelot et André Santini, à la demande de Nicolas Sarkozy et de François Fillon. Un premier décret, paru le 12 novembre 2007, permet aux fonctionnaires la monétisation de quatre jours de RTT jusqu’à la fin de l’année 2007. Mais le Président et le Gouvernement veulent aller plus loin en 2008. Sur les 35 heures à l’hôpital comme sur les comptes épargne temps, Roselyne Bachelot s’est engagée à ce qu’il n’y ait pas de statu quo.

La création des chèques-transport, évoqués par Bruno Le Maire, est née de la volonté d’établir une égalité entre salariés de province et salariés d’Île-de-France, lesquels bénéficient depuis 1982 du remboursement de 50 % de leur titre d’abonnement. Mais le chèque-transport, disons-le clairement, a pâti d’une absence totale de publicité et, j’irai plus loin, de l’hostilité de certains. Je laisse aux uns et aux autres le soin de chercher de qui il s’agissait.

Mais, en tout état de cause, les émetteurs eux-mêmes, découragés par l’absence de publicité et l’hostilité, n’ont pas vraiment assuré la promotion du dispositif, alors même qu’ils ont été sollicités par des entreprises et des comités d’entreprise désireux de l’utiliser.

Voilà pourquoi aucun chèque-transport n’a été émis. Et si l’idée a été portée par des politiques et par des syndicalistes, on s’aperçoit que, pour qu’elle devienne réalité, il faut que le service après vote soit assuré.

Monsieur Lecoq, qui profite avant tout des heures supplémentaires permises par la loi TEPA ? Vous le savez bien : ce sont les ouvriers et les employés, et certainement pas les Français les plus aisés.

Dernièrement encore, une caissière de magasin m’a fait part d’un sentiment nouveau qui est en train de se développer, à savoir que ceux qui travaillent sont davantage valorisés. Les salariés modestes ont eu en effet pendant longtemps le sentiment qu’une forme de déclassement les guettait. Cela veut dire aussi qu’il faut absolument ramener vers l’emploi ceux qui en sont éloignés. Un salaire, c’est plus important en valeur et en montant que des allocations chômage. Voilà pourquoi, et c’est le travail de Martin Hirsch, il faut développer le revenu de solidarité active, afin que celui qui reprend un emploi soit certain de ne pas perdre un euro. C’est aussi le sens de la lutte contre l’exclusion à laquelle travaille Christine Boutin.

Il faut également, chaque fois que c’est possible, jouer sur les prix. À la fin de 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, avait réussi à baisser les prix. Nous voulons travailler dans le même sens.

Le débat de ce matin aura été fort utile et passionnant. Je ne doute pas un seul instant que celui de la semaine prochaine le sera également et que chacun fera en sorte qu’il aboutisse dans les meilleurs délais, de façon à améliorer le pouvoir d’achat des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Le débat est clos.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 18 décembre 2007, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures cinquante.)