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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 7 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Prix du gaz

M. Philippe Vigier

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Investissements des collectivités locales

M. Jacques Pélissard

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Investissements des collectivités territoriales

M. Alain Rousset

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

Situation du secteur public hospitalier à la Martinique

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative

Crise au Proche-Orient

M. Jean-Marc Roubaud

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme

Petites et moyennes entreprises

M. Philippe Armand Martin

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services

Pouvoir d’achat

M. Henri Emmanuelli

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement

Disparition d'une Française en Hongrie

Mme Catherine Vautrin

M. Alain Joyandet,

Ouverture de la période des soldes

M. Didier Gonzales

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Juge d’instruction

Mme Élisabeth Guigou

M. François Fillon, Premier ministre

Pôle emploi

Mme Bérengère Poletti

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Droit d'amendement

M. Joël Giraud

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

2. Projet de loi de finances rectificative pour 2009
Accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Henri Emmanuelli

Présidence de M. Rudy Salles

Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire

Exception d’irrecevabilité (Projet de loi de finances rectificative pour 2009)

M. Jérôme Cahuzac

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, M. Jérôme Chartier, M. Charles de Courson, M. Jean-Claude Sandrier, M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Exception d’irrecevabilité (Accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés)

M. Michel Sapin

M. Éric Woerth, ministre du budget, M. Serge Poignant, M. Charles de Courson, M. Pierre-Alain Muet

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Prix du gaz

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, en 2006, en ouvrant le capital de Gaz de France, le Gouvernement avait deux objectifs clairs, que nous avons soutenus : conforter notre indépendance énergétique, d’une part, limiter la spéculation et permettre par là même une fluctuation moins importante des prix, d’autre part. La crise russo-ukrainienne actuelle montre à quel point le problème de l’indépendance énergétique est majeur. C’était donc un bon choix.

Entre 2003 et 2008, le prix du gaz a augmenté de près de 25 % pour les particuliers et de 60 % pour les industriels. En 2006, le prix du baril de pétrole se situait aux alentours de 65 dollars en moyenne ; au milieu de l'année 2008, il était de 145 dollars.

Aujourd'hui, la situation est différente. Le prix du baril est retombé aux alentours de 40 dollars. Les prix du carburant et du fioul domestique ont très significativement diminué. C'est une bonne nouvelle pour le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Pour autant, cette baisse du prix du pétrole n'a pas encore trouvé de traduction dans la facture du gaz : le prix de celui-ci est aujourd'hui beaucoup trop élevé par rapport au prix du brut. C'est inacceptable.

Le contexte a changé, les conditions sont réunies pour décider maintenant d'une baisse des tarifs. Pourtant, la direction de GDF-Suez vient d’annoncer le report de la révision des prix au mois d'avril alors que la consommation de gaz est aujourd'hui à son plus haut niveau. Nous ne pouvons attendre une telle date.

Madame la ministre, quand allez-vous proposer une baisse du tarif du gaz de façon à améliorer le pouvoir d’achat des ménages, abaisser le coût de l'énergie pour les entreprises, et donc participer au plan de relance ?

Au-delà du prix du gaz et alors que la SNCF vient d'annoncer une hausse de ses tarifs, quelles mesures comptez-vous prendre en 2009 pour assurer un service public de qualité à un coût raisonnable pour le pouvoir d'achat des ménages ?

Enfin, pouvez-vous nous assurer que la sécurité d'approvisionnement en gaz des usagers et des industriels est garantie pour les semaines à venir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député, j’aborderai d’abord la question du prix, puis celle concernant nos approvisionnements de gaz au regard du conflit russo-ukrainien.

Si les prix des produits pétroliers restent à leur niveau actuel ou continuent de baisser, nous réajusterons le prix du gaz. Nous avons décidé de ne pas le faire au 1er janvier, pour une raison très simple : le mécanisme de fixation du prix est fondé sur un lissage des prix des six derniers mois. Si nous avions effectué l’opération au 1er janvier, nous aurions dû tenir compte de l’augmentation des prix des produits pétroliers du 1er juillet au 31 décembre, ce qui nous aurait amenés mathématiquement à augmenter le prix du gaz. Nous avons choisi de ne pas le faire.

Nous avons par ailleurs mis en place, je le rappelle, le tarif social du gaz qui permet aux plus démunis de bénéficier d’une remise qui peut aller jusqu’à 118 euros par ménage. Ce dispositif concerne actuellement un peu plus d’un million de familles.

Je le répète, nous n’avons pas augmenté le prix du gaz au 1er janvier comme nous aurions pu le faire compte tenu du mécanisme prévu mais si les prix des produits pétroliers demeurent stables ou continuent de baisser, nous ajusterons les tarifs dès que nous le jugerons opportun.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C’est opportun !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. En ce qui concerne la sécurité de nos approvisionnements, un conflit d’ordre commercial oppose actuellement une société russe, Gazprom, et une société d’État ukrainienne. Il faut savoir que les approvisionnements français en gaz ne dépendent qu’à concurrence de 15 % des approvisionnements russes. Nous sommes donc peu exposés aux conséquences indirectes d’un tel conflit.

En outre, les ministres concernés seront réunis ce soir, sous l’autorité du Premier ministre, afin d’examiner dans quelle mesure la France peut apporter sa contribution à des propositions de médiation pour permettre une résolution éventuelle de ce conflit par le truchement des institutions européennes puisque si ce conflit a des conséquences directes minimes pour la France, il a des incidences plus importantes pour d’autres pays de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Investissements
des collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Jacques Pélissard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Pélissard. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.

Aujourd’hui même, nous entamons l’examen du plan de relance en faveur de l’investissement et de l’aide aux entreprises. Premiers investisseurs publics, les collectivités locales réalisent plus de 70 % de l’investissement public et injectent ainsi environ 57 milliards d’euros dans l’activité économique nationale. L’impact de ces investissements est indéniable, particulièrement en termes d’activité et d’emploi dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Sans les collectivités locales l’investissement public s’effondrerait des trois quarts.

Je connais bien nos collectivités. Les communes de France ont dans leurs cartons des projets qui pourraient se réaliser rapidement si certains obstacles techniques et financiers étaient levés. En effet, des freins empêchent encore aujourd’hui les collectivités locales d’investir. Je pense notamment à la lourdeur et à la lenteur des règles et des procédures de marchés publics et d’urbanisme.

Monsieur le ministre, nous traversons une crise structurelle sans précédent. L’investissement public local permet d’apporter une réponse rapide et vigoureuse pour soutenir notre économie. Quelles sont les mesures concrètes que vous allez prendre à ce sujet en faveur de l’investissement des collectivités locales ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance. Vous avez raison, monsieur le député, les collectivités territoriales sont un vecteur essentiel de l’investissement public puisqu’elles en réalisent entre 70 % et 75 %. C’est la raison pour laquelle le plan de relance comprend un dispositif de remboursement raccourci du fonds de compensation de la TVA.

Si les collectivités locales engagent, avant le 31 mars, après discussion avec le préfet du département, des investissements pour un montant au moins égal à un euro de plus que la moyenne annuelle des trois années précédentes,…

M. Jérôme Lambert. Houlà ! À l’euro près ?

M. Jean-Louis Bianco. C’est très raccourci !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. …l’État remboursera par anticipation deux années de TVA au lieu d’une : non seulement l’année 2007, qui vient naturellement à remboursement, mais aussi l’année 2008. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Enfin, j’appelle votre attention sur ce point, cette mesure deviendra pérenne, autrement dit définitive.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous pouvez recommencer ? On a mal compris !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Les collectivités territoriales ont donc le grand avantage de pouvoir bénéficier d’un raccourcissement définitif de la durée de remboursement, qui passera de deux à une année, à la seule condition d’avoir réalisé un euro d’investissement de plus que ce qu’elles auront réalisé, en moyenne annuelle, durant les trois années précédentes. Les préfets se tiennent à la disposition des collectivités pour les aider à élaborer ces plans d’investissement auxquels l’État participera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Lambert. C’est clair comme du jus de chaussette !

Investissements des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Rousset. Ma question s’adresse à M. Devedjian et poursuit la réflexion de mon collègue, président de l’Association des maires de France, sur le plan de relance.

La partie investissement de ce plan porte sur deux points : la mise à jour des contrats de projet et les lignes à grande vitesse. Mais, alors que, pour celles-ci, les travaux ne commenceront pas avant deux à trois ans, on demande aux collectivités locales de réserver sur leur budget des sommes colossales. Pour les régions Aquitaine ou Midi-Pyrénées, il s’agit de deux fois 1,6 milliard ; pour le conseil régional d’Aquitaine, ce sont 600 millions d’euros, soit dix lycées neufs.

M. Jean Glavany. Rien que ça !

M. Alain Rousset. La question que je pose est d’ordre opérationnel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je n’ai pas l’habitude d’interrompre qui que ce soit, je n’aime pas non plus être interrompu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Rousset.

M. Alain Rousset. Les collectivités locales ont la capacité d’intervenir immédiatement sur ces investissements.

Ma question est la suivante : ne devrait-on pas profiter du plan de relance pour clarifier les compétences, afin que les grands investissements de l’État soient assumés par l’État, et les responsabilités des collectivités locales par les collectivités locales, ce qui permettrait de relancer immédiatement l’activité économique dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance. La question que vous posez, monsieur le député, ne manque ni d’intérêt ni de pertinence. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Et la réponse ?

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Je reconnais volontiers qu’elle mérite une discussion calme et apaisée. Mais l’objet du plan de relance est de relancer l’activité dans le délai le plus court. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Quel talent !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Cela peut paraître tautologique, mais il y a bien des tautologies qui sont pédagogiques.

Notre objet est l’activité en 2009 et accessoirement en 2010 : 70 à 75 % du plan de relance doivent être engagés cette année, et le reste l’année suivante.

Vous avez indiqué à juste titre qu’une mise à jour des contrats de plan État-région serait un véhicule naturel pour lancer des projets déjà prêts. S’agissant des grandes lignes de TGV, des travaux peuvent être engagés dans certaines régions, à condition qu’ils soient financés, ce qui est l’objet du plan de relance. Je pourrais citer bien des cas, je vous le garantis, où ils pourront commencer en 2009 et en 2010.

Vous soulignez qu’une clarification des responsabilités des collectivités locales et de l’État est nécessaire. Vous avez raison. C’est pourquoi le Président de la République a institué la commission Balladur…

M. Jean Glavany. Nous sommes sauvés ! (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. …qui travaille sur ce sujet.

Vous aurez donc à la fois le beurre et l’argent du beurre : la relance grâce au plan de relance, et la clarification que vous souhaitez, comme beaucoup de gens, grâce aux travaux de la commission Balladur, qui feront ensuite entre nous l’objet d’un vrai débat. Mais ces deux acquis ne s’inscrivent pas dans le même calendrier.

Situation du secteur public hospitalier
à la Martinique

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Madame la ministre, mon intervention était déjà programmée bien avant les événements regrettables survenus récemment en France. Pour votre gouverne, j'ajouterai que le jeudi 18 décembre de l'année dernière, alors que je présidais une séance du congrès des élus départementaux et régionaux consacrée à l'évolution institutionnelle à venir, l'assemblée a été prise d'assaut par des centaines de personnes en grève venues lancer un véritable SOS sur la situation de l'hôpital public à la Martinique.

En effet, malgré les efforts consentis et les progrès réalisés, des motifs d'insatisfaction et des signes évidents de dégradation continue persistent – l’ampleur des déficits en témoigne. N'avance-t-on pas, par exemple, un chiffre avoisinant les 11 millions d'euros pour le seul CHU de Fort-de-France ? Et quelles en sont les causes ?

On peut également citer le grave manque de personnel, comme à la maison de la mère et de l'enfant, nouvelle maternité de niveau 3, et rappeler le problème critique des urgences, bien connu de tous, ou la nécessité de revaloriser la recherche médicale, l'enseignement et l'innovation.

Madame la ministre, cette liste n'a pas besoin d'être exhaustive pour que l’on comprenne le malaise. Ce qui importe, ce sont vos réponses face à cette situation jugée préoccupante à la Martinique.

M. le président. La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur Alfred Marie-Jeanne, vous m’interrogez sur la situation sanitaire de la Martinique à la suite de votre collègue Alfred Almont, député UMP de la Martinique. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Cela ne se fait pas, madame Bachelot !

M. le président. Écoutez donc la réponse de la ministre !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé. Le déficit des hôpitaux publics, y compris celui du CHU de Fort-de-France, n’est pas une fatalité. Au demeurant, nous n’en sommes pas au niveau que vous citez : si un déficit de 6 millions d’euros a été constaté en 2007, pour 2008, nous avons accompagné le retour à l’équilibre grâce à une augmentation notable des crédits de contractualisation, qui se poursuivra et sera amplifiée en 2009.

Nous avons enfin ouvert le pôle mère-enfant en mars 2008 et une aide structurelle de 2,7 millions d’euros a été accordée afin de permettre l’embauche de quatre-vingts personnes qui renforceront principalement les activités de gynécologie et de néonatologie.

Dans le même temps, nous avons engagé la rénovation des services d’urgence.

Nous aborderons globalement les problèmes sanitaires en outre-mer. Ainsi, avec mon collègue Yves Jégo, nous présenterons le plan « santé outre-mer » à la fin du mois de février, à la Martinique et en Guadeloupe. Celui-ci s’articule autour de trois axes : la fidélisation des personnels soignants, la prise en compte des spécificités insulaires, et le développement des coopérations, en particulier pour ce qui touche à la recherche.

J’entends également accompagner la remise en ordre du parc hospitalier ; d’ores et déjà, dans le cadre de la première tranche du plan « Hôpital 2012 », 93 millions d’euros ont été accordés au CHU de Fort-de-France.

Monsieur le député, vous le constatez : depuis dix-huit mois, avec Yves Jégo et le Gouvernement, nous n’épargnons pas nos efforts pour permettre à nos compatriotes d’outre-mer d’avoir accès à une offre sanitaire de qualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Crise au Proche-Orient

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marc Roubaud. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme.

Madame la secrétaire d’État, nous sommes tous très inquiets des événements de Palestine et d’Israël. Hier, M. le Premier ministre nous a informés de la situation, mais elle semble évoluer très vite. En effet, le Président de la République est rentré ce matin d’une tournée de trois jours. Sa mission était claire : il était déterminé à renouer le dialogue, à faire taire les armes dans un conflit qui dure depuis plus de soixante ans. Du côté palestinien, on dénombre désormais 660 morts et plus de 3 000 blessés ; du côté israélien, 10 morts et 123 blessés militaires. Hier, nous avons eu à déplorer quarante morts, dont de nombreux enfants, à la suite de bombardements aériens sur une école. Tout cela n’a que trop duré.

Aujourd’hui, Israël semble prendre en considération la dimension humanitaire du conflit, en acceptant l’ouverture d’un couloir humanitaire et en annonçant une cessation des bombardements aériens.

Le Président de la République a rencontré le Président égyptien Moubarak et le Président syrien Bachar el-Assad, qui sont tous deux en contact avec le Hamas, et, grâce à cette mobilisation, les choses semblent évoluer de manière favorable. Alors que la communauté internationale est très inquiète, alors que les populations palestiniennes et israéliennes souffrent, alors que ce conflit risque de s’internationaliser, pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, quelles sont les évolutions à prévoir dans les heures et dans les jours à venir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme.

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme. Monsieur le député, les chemins de la paix ne s’ouvriront pas dans le sang des populations civiles. Nous condamnons le bombardement de trois écoles de l’ONU à Gaza, qui a causé la mort de plus de quarante civils, dont des femmes et des enfants. Ce drame rappelle l’urgence absolue d’un cessez-le-feu à Gaza et du plein respect, par les parties, du droit international humanitaire.

La France appelle encore et encore à l’instauration immédiate d’une trêve. L’accord israélien pour l’ouverture d’un corridor humanitaire et l’annonce d’une interruption des bombardements aériens trois heures par jour constituent un premier pas positif qui doit être concrétisé immédiatement. Soyons clairs : il n’y a pas de solution militaire à cette crise, c’est notre absolue conviction.

Vous l’avez dit, le Président de la République s’est impliqué personnellement pour mettre un terme à cette crise dramatique, avec sa tournée de médiation au Proche-Orient, en liaison avec la présidence tchèque de l’Union européenne. Il a accompagné l’initiative du Président égyptien d’un plan de sortie de crise en trois points : d’abord un appel à l’arrêt des hostilités ; ensuite une invitation au Caire sans délai des parties israéliennes et palestiniennes pour discuter des garanties de sécurité, pour éviter l’escalade et permettre la levée du blocus, notamment en ce qui concerne l’arrêt de la contrebande d’armes vers le Hamas ; enfin, la reprise des efforts égyptiens en vue d’une réconciliation inter-palestinienne.

L’accueil positif qu’Israël et l’Autorité palestinienne ont réservé à ce plan est, pour nous, un grand motif de satisfaction, car cette démarche est aujourd’hui la seule qui soit réaliste. Elle devrait permettre, aussi vite que possible, la réouverture des points d’accès à la bande de Gaza.

Parallèlement, vous le savez, à New York, où nous présidons le Conseil de sécurité, nous nous efforçons d’obtenir un consensus pour que le Conseil endosse l’initiative égyptienne et pour assurer la conclusion d’un cessez-le-feu durable. La France et l’Union européenne prennent donc toutes leurs responsabilités.

Enfin, pour répondre à votre attente, comme le Premier ministre l’a indiqué au président de votre assemblée, le Gouvernement est ouvert au principe d’un débat ici même. Ses modalités doivent être précisées, mais il est essentiel que les représentants de la nation puissent s’exprimer.

En ce qui concerne la mission parlementaire réunissant l’ensemble des formations politiques, nous souhaitons naturellement faciliter son déroulement, dès que les conditions sur le terrain seront réunies. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, pour ces précisions concernant la mission de notre assemblée, qui est soutenue par tous les groupes politiques siégeant dans cet hémicycle.

Petites et moyennes entreprises

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Armand Martin. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, et porte sur les inquiétudes exprimées par les PME françaises sur les conséquences de la crise financière.

À la crise économique actuelle s’ajoute une crise de confiance entre les différents partenaires économiques. Bon nombre de clients des PME reportent leurs commandes ou leurs investissements. Dès lors, celles-ci sont exposées à des situations économiques difficiles tant en termes de trésorerie que de capitaux pour certaines d’entre elles.

D’importantes mesures ont été adoptées dans le cadre du plan de relance de l’économie française afin d’affronter les conséquences de la crise économique que notre pays traverse. Pas moins de 26 milliards d’euros seront consacrés à la relance de l’investissement et 11 milliards seront destinés au soutien de la trésorerie des entreprises. Contrairement à nos collègues socialistes qui ne cessent de dénigrer le plan de relance (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la majorité a fait le choix courageux de soutenir notre économie au moyen de plusieurs mesures : le remboursement de la TVA tous les mois plutôt que tous les trimestres ; l’amortissement accéléré des investissements ; la possibilité offerte aux entreprises de moins de dix salariés de pouvoir embaucher de nouveaux salariés sans charges sociales au niveau du SMIC.

Il n’en demeure pas moins que les PME, qui voient leur carnet de commande se réduire et poindre les premières difficultés, se plaignent de ne pas toujours pouvoir bénéficier de ces dispositifs, par manque de communication ou parce qu’elles ne satisfont pas à certains critères d’éligibilité. Parce que les PME françaises sont des rouages essentiels de notre économie, parce que les PME françaises constituent un important réseau d’employeurs, parce qu’elles participent à l’aménagement du territoire et à sa diversité, il est important que l’État leur apporte tout son soutien.

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous présenter les mesures et les dispositifs destinés aux petites et moyennes entreprises d’ores et déjà mis en œuvre et ceux qui le seront afin d’assurer la pérennité économique des PME et ainsi leur permettre d’affronter la crise actuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le député, vous avez parfaitement raison d’insister sur le rôle prioritaire que jouent les petites et moyennes entreprises dans notre économie, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’économie européenne. Dès le 2 octobre dernier, le Président de la République a arbitré le plan de financement des PME initié par le Gouvernement de François Fillon. Ce sont ainsi 22 milliards d’euros qui ont été très rapidement mis à disposition des petites et moyennes entreprises, auxquels sont venus s’ajouter, le 4 décembre, 4 milliards supplémentaires dans le cadre du plan de relance.

Vous avez également raison d’insister sur la nécessité de communiquer sur ces mesures. C’est la raison pour laquelle nous avons rapidement mis en place avec OSEO, la banque publique des PME, un numéro Azur, le 0810 00 12 10, qui permet aux entreprises concernées d’obtenir une réponse opérationnelle et d’accéder à des informations relatives au médiateur du crédit, M. René Ricol, dont le rôle est d’assurer la médiation en cas de problèmes dans les relations entre les banques et les PME.

Mais cela ne suffit pas. Dès le 8 décembre, Christine Lagarde a mis en œuvre un plan de complément d’assurance crédit afin de permettre aux assureurs crédit de continuer à jouer leur rôle et de couvrir les petites et moyennes entreprises en matière d’assurance crédit.

Enfin, je veux insister sur le caractère massif du plan de relance. Comment peut-on qualifier de « modeste » un plan de 11,5 milliards d’euros transférés de la trésorerie des pouvoirs publics vers celle des PME ? De son côté, Patrick Devedjian s’emploie activement à ce que, dans le cadre du plan de relance, 10,5 milliards d’euros d’investissements venus de l’État, des collectivités territoriales ou des entreprises publiques puissent abonder le financement et les infrastructures nécessaires à la relance de notre économie, essentiellement liée à la bonne santé de nos petites et moyennes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le Premier ministre, M. Devedjian vient d’expliquer à M. Rousset que l’on allait clarifier les compétences des collectivités locales. Moyennant quoi, non seulement M. Bussereau leur demande de participer au financement des voies à grande vitesse à la place de l’État mais M. Devedjian lui-même exigent qu’elles accélèrent leurs investissements. Nous sommes vraiment chez papa Ubu ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais ce n’est pas l’objet de ma question, qui consiste tout d’abord à vous rappeler que le pouvoir d’achat du salaire médian dans ce pays n’a pratiquement pas augmenté depuis 2003. Imaginez dans ce contexte la stupeur et l’étonnement de nos concitoyens qui, chaque jour, entendent des annonces au sujet de centaines de milliards d’euros alloués aux acteurs de la société financière ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Démago !

M. Henri Emmanuelli. Nous sommes nombreux ici à savoir, hélas, que ces annonces ne correspondent en rien à la réalité, discordance que confirme la réponse qui vient d’être faite à Alain Rousset.

M. Richard Mallié. C’est votre réalité !

M. Henri Emmanuelli. La vérité est que, sur les prétendus 26 milliards d’euros de votre plan de relance – qui se résume en réalité à des mesures de trésorerie destinées aux entreprises –, moins d’un milliard est affecté à ce qui devrait en être le second volet, à savoir la consommation, la demande et le pouvoir d’achat.

Ma question est donc simple : comptez-vous, après avoir fait mine de traiter l’important problème de l’investissement, mettre en place un second plan pour traiter le pouvoir d’achat, la demande et la consommation ?

Car, si l’on retranche de votre milliard les 200 millions pour la voiture et les 760 millions du RSA, il ne reste rien ! Sans compter que le RSA ne rentre en vigueur qu’en avril et que, d’ici là, il n’y aura qu’à danser devant le buffet vide ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Allez-vous donner un coup de pouce au SMIC et l’élargir à l’ensemble des branches ?

M. Georges Tron. Qui a augmenté le SMIC de 20 %

M. Henri Emmanuelli. Allez-vous subordonner les allègements de charges sociales à des hausses réelles de salaires ? Allez-vous traiter le problème de la fiscalité indirecte ? Bref, allez-vous vous préoccuper des millions de Françaises et de Français qui attendent de vous une réforme essentielle, alors qu’une fois de plus, le Président de la République s’est contenté de promettre 175 milliards supplémentaires aux banques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.. Monsieur Emmanuelli, au moment où les Français attendent, dans des difficultés économiques majeures, que les parlementaires débattent de manière constructive et fassent des propositions, votre sens de la nuance fait plaisir à l’ensemble des députés ici présents. En effet, permettez-moi de vous dire, monsieur l’ancien ministre du budget, qu’opposer systématiquement l’investissement et la consommation dans le plan de relance est absurde.

M. Jérôme Lambert et M. Jean-Louis Bianco. Il ne les a pas opposés !

M. Jean-Pierre Kucheida. Ce n’est pas ce qu’il a dit. Achetez-vous un sonotone !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est absurde parce que, dans ce plan de relance, l’investissement est ce qui va permettre la création d’emplois. Or quelle meilleure garantie que la création d’emplois pour le maintien du pouvoir d’achat de nos concitoyens ?

C’est en construisant en parallèle quatre lignes de TGV que nous créerons de l’emploi dans le bâtiment et les travaux publics et que nous maintiendrons le pouvoir d’achat des salariés du secteur.

M. Arnaud Montebourg. Avec quel argent ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C’est ensuite absurde, monsieur Emmanuelli, parce que nous ne vous avons pas attendu pour prendre un certain nombre de mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat des moins favorisés (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe UMP), mesures sur lesquelles nous aurions aimé obtenir votre soutien.

Ainsi, nous n’avons pas eu votre soutien sur la mise en place du revenu de solidarité active, qui est une vraie réponse en matière de pouvoir d’achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’avons pas eu votre soutien sur la mise en place du tarif social du gaz ou sur le doublement de la prime à la cuve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’avons pas eu votre soutien sur les dispositions proposées par le Premier ministre en matière de revalorisation des minima sociaux, par exemple du minimum vieillesse, mesure forte en faveur du pouvoir d’achat.

Puisque nous sommes encore dans la période des vœux, je vous souhaite, monsieur Emmanuelli, une très bonne année.

M. Henri Emmanuelli. Et moi, je vous souhaite un sonotone !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Puisque c’est le moment des bonnes résolutions, permettez-moi une suggestion. Vous demandez des mesures en faveur du pouvoir d’achat, mais vous n’avez voté ni le RSA ni le plan de soutien aux banques qui a permis de soutenir le crédit à la consommation. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. C’est faux !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Vous vous apprêtez à présent à ne pas voter le plan de relance présenté par le Gouvernement, alors qu’il contient la prime de solidarité active de 200 euros, qui sera versée à la fin du premier trimestre. La bonne résolution de début d’année serait que le parti socialiste mette enfin en concordance ses paroles et ses actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Disparition d'une Française en Hongrie

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Ma question s’adresse à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie, et je tiens à y associer mes collègues députés rémois.

Sans doute vous en souvenez-vous, dans la nuit du 4 au 5 décembre dernier, une jeune étudiante de la Reims Management School, Ophélie Bretnacher, disparaissait à Budapest. Depuis, sa famille, son école, notre Gouvernement, ont épaulé les autorités hongroises pour rechercher cette jeune fille. Force est de constater, un mois après, que nous sommes dans l’impasse.

Ses parents ont porté plainte contre X et nous connaîtrons dans quelques jours la position du parquet hongrois sur les suites qu’il entend donner à cette affaire.

Ma question est toute simple : quelles sont aujourd’hui les démarches de notre Gouvernement et celles de notre représentation en Hongrie ? À travers cette question, c’est l’émotion d’une famille, d’une école, de toute une ville, et de la représentation nationale tout entière que je voudrais traduire. Je vous remercie des précisions que vous pourrez nous donner. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-François Copé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie. La disparition tragique d’Ophélie préoccupe, je le sais, non seulement sa famille, mais toute la région et particulièrement la circonscription dont vous êtes l’élue.

Sitôt cette disparition connue, M. le Premier Ministre a demandé que tout soit mis en œuvre par notre représentation à Budapest pour aider la famille. Le ministère des affaires étrangères a notamment mis à sa disposition un service d’interprétariat. Des inspecteurs ont été envoyés en renfort et, en accord avec Mme Alliot-Marie, des gendarmes de Strasbourg sont également sur place pour renforcer l’enquête.

Où en est-on ? D’abord, les vidéos de l’endroit de la disparition ont été étudiées jusqu’à l’endroit où Ophélie a disparu, c’est-à-dire jusqu’à ce fameux pont. Il semble qu’elle n’ait été ni suivie, ni agressée. En accord avec les enquêteurs hongrois, nous avons décidé de lancer des recherches dans le Danube, et ce depuis un certain nombre de jours. Pour l’instant, hélas, cette recherche n’a rien donné.

Le signalement Interpol a été fait, pour le cas où un enlèvement aurait eu lieu. Des recherches ont aussi été lancées dans l’entourage de la jeune fille.

Vous le voyez, le Gouvernement et notre représentation sur place ont fait tout ce qui est en leur pouvoir pour que le sort d’Ophélie soit connu, afin d’apporter des réponses à sa famille en proie, on s’en doute, à la plus vive inquiétude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ouverture de la période des soldes

M. le président. La parole est à M. Didier Gonzales, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Gonzales. Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, les soldes d'hiver, particulièrement attendus en cette période de crise, sont effectifs depuis ce matin dans toute la France.

M. Jean-Pierre Brard. C’est le Gouvernement qui est en solde !

M. Didier Gonzales. La réforme votée récemment par le Parlement porte de nouveaux objectifs : simplifier le système dans un contexte de concurrence loyale entre les commerçants, faire bénéficier le consommateur de soldes et de promotions plus nombreux tout au long de l'année et permettre au commerçant de mettre en place, sans risque juridique, des opérations qui dynamisent ses ventes et écoulent ses stocks. À la clé, ce sont donc d'importants rabais dans les boutiques comme sur Internet.

Alors que les soldes dureront jusqu'au 10 février, les commerçants promettent dès le premier jour des réductions qui vont de 30 % à 50 %, certains sites Internet allant au-delà en vue d’écouler les invendus accumulés ces derniers mois en raison d'une conjoncture morose.

Dans la Meuse et la Moselle, ainsi qu’en Meurthe-et-Moselle, où les soldes ont commencé vendredi 2 janvier, les commerçants évoquent un démarrage très positif.

L'année 2008 ayant été très difficile pour le commerce en général, ces soldes arrivent donc au bon moment. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le sujet et nous confirmer les effets escomptés de cette réforme pour les consommateurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député, en votant la loi de modernisation de l’économie, le Parlement a fait œuvre utile. En effet, loin de vous contenter de toiletter le régime des soldes, vous lui avez véritablement taillé un nouveau costume en droit français.

M. Jean-Pierre Brard. Quel esprit d’à-propos !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est ainsi que vous avez réduit la période des soldes de six à cinq semaines, tout en introduisant deux périodes flottantes d’une semaine chacune qui permettent aux commerçants de déterminer le moment où ils désirent pratiquer des soldes. Luc Chatel, Hervé Novelli et moi-même nous sommes rendus ce matin à huit heures dans des grands magasins pour vérifier si les soldes rencontraient le succès escompté. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous avons pu tout d’abord constater que les soldes sont pratiqués largement, les rabais allant de 50 % à 70 %, et portent sur des gammes de produits beaucoup plus importantes.

M. Jean-Pierre Kucheida. En tout cas, il n’y a pas de soldes sur les prix du gaz et de l’électricité !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous avons pu également constater que de très nombreux consommateurs se bousculaient pour pratiquer les soldes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

La liberté et la flexibilité, que vous avez introduites, ainsi que la clarification du régime des soldes et l’instauration de nouveaux concepts autorisant les promotions sans descendre en dessous du prix d’achat, permettent donc à un grand nombre de nos concitoyens de mieux acheter dans une période plus propice à leur pouvoir d'achat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Juge d’instruction

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, le Président Sarkozy veut, dit-on, supprimer le juge d’instruction.

Si cette décision était confirmée, elle constituera une terrible atteinte aux droits des citoyens. (Murmures sur les bancs des groupes UMP et NC.) D’abord parce que le juge d’instruction est un juge indépendant : s’il n’existe plus, le parquet conduira seul l’enquête. Or le parquet est aux ordres du Gouvernement. Dans les affaires sensibles touchant le pouvoir politique, on pourrait dès lors nourrir de sérieux doutes sur l’impartialité d’une enquête soumise aux instructions de ce même pouvoir politique.

M. M. Jean-Michel Fourgous et M. Philippe Houillon. N’importe quoi !

Mme Élisabeth Guigou. Premier problème : l’impartialité des enquêtes. Second problème : la rupture d’égalité de tous devant la justice.

Si l’on supprime le juge d’instruction, qui recherche aussi bien des preuves de culpabilité que des preuves d’innocence, les avocats seront seuls face à la puissance du parquet pour faire prévaloir la présomption d’innocence.

M. Georges Tron. Quel aveu !

Mme Élisabeth Guigou. Seules les personnes capables de payer un ou plusieurs avocats qui suivront l’enquête de près pourront être bien défendues. Toutes les autres, celles qui n’en ont pas les moyens, se retrouveront en situation d’infériorité.

Les citoyens ne sont égaux devant la justice que si le parquet est indépendant du pouvoir et l’enquête conduite par un juge indépendant.

M. Georges Tron. Quel aveu !

Mme Élisabeth Guigou. Il est vrai que l’on peut déplorer des dérives de la part de certains juges. Pour les éviter, la commission d’Outreau avait unanimement proposé de faire travailler en équipe les juges d’instruction. Des pôles regroupant les juges se mettent d’ailleurs en place.

M. Pascal Clément. C’est ce que j’ai fait !

Mme Élisabeth Guigou. Dès lors, monsieur le Premier ministre, pourquoi remplacer cette bonne réforme par une mauvaise ?

Après avoir autorisé le fichier Edwige, après avoir porté un coup sévère à l’audiovisuel public, allez-vous porter une nouvelle atteinte aux droits et aux libertés publiques ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Je vous remercie, madame Guigou, de me poser cette question sérieuse qui mérite autre chose que des réactions outrancières fondées sur la seule publication d’un article de presse. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Qui peut dire aujourd’hui qu’il ne faut pas réfléchir à la procédure pénale ? Qui peut soutenir aujourd’hui que la protection des libertés individuelles en France est satisfaisante ? Sans remonter à l’affaire d’Outreau, qui n’a pas été choqué par des mises en détention provisoire, par des gardes à vue totalement injustifiées au regard des risques que présentaient les personnes concernées ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Dans ces conditions, le Président de la République a souhaité – et c’est une question qu’il remet entre nos mains, entre celles des parlementaires – l’ouverture d’un débat sur la question de la confusion des pouvoirs entre le juge chargé de l’enquête et celui chargé de la défense des droits de la personne.

M. Christian Bataille. Le Président a déjà décidé pour nous !

M. François Fillon, Premier ministre. Du reste, vous savez fort bien que nous sommes sur ce point en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui estime que le même juge ne peut assurer le déroulement de l’enquête et en même temps veiller à la protection des droits de la personne mise en examen. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Cette demande du Président de la République de l’ouverture d’un débat…

M. Christian Bataille. Tout est déjà décidé !

M. François Fillon, Premier ministre. …est par ailleurs légitime au regard de la question du secret de l’instruction, devenu une véritable farce, ce dont nous nous offusquons à tour de rôle, sans jamais prendre la moindre mesure efficace pour le faire respecter !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Très juste !

M. François Fillon, Premier ministre. Que souhaitons-nous ? Tout d’abord, que la commission présidée par Philippe Léger, ancien avocat général près la Cour de justice des communautés européennes, travaille…

M. Jean Glavany. Laissez-la donc travailler !

M. François Fillon, Premier ministre. …et nous fasse des propositions, afin que, sur cette base, nous puissions ouvrir un débat. Faut-il, par exemple, qu’il y ait un juge indépendant, madame Guigou, chargé de l’enquête, et un juge de l’instruction chargé de surveiller son déroulement mais non de la conduire ? Ne devons-nous pas réfléchir ensemble à l’instauration d’un véritable Habeas corpus à la française pour que nous ne retrouvions plus des situations comme celles que j’évoquais tout à l’heure ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. J’ai été choqué, même si l’on n’a pas atteint là la gravité de l’affaire d’Outreau, de la mise en garde à vue d’une infirmière alors même que celle-ci avait immédiatement reconnu qu’elle avait commis une faute et qu’elle ne représentait pas le moindre danger. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

M. Georges Tron. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Voilà quels sont les termes du débat. Je suis convaincu, madame Guigou, que l’ensemble des parlementaires voudront y participer. Nous prendrons le temps de le mener dans le courant de l’année 2009.

Mais pour ce qui me concerne, je ne saurais me satisfaire de la situation française en matière de libertés individuelles. Elle ne me paraît pas conforme à l’idée que je me fais du pays des Lumières au XXIe siècle. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Pôle emploi

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi.

La crise économique internationale qui frappe notre pays affecte durement l’emploi. Sur le terrain, les Français sont légitimement inquiets, car cette crise se traduit par des recours au chômage technique, des projets de restructuration, et même des fermetures d’entreprises.

Face à une remontée sensible du chômage, le Gouvernement a d’ores et déjà pris des mesures : 100 000 contrats aidés supplémentaires, pour mieux accompagner et former ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi ; extension du contrat de transition professionnelle à 18 nouveaux bassins d’emplois, au bénéfice des salariés victimes des restructurations ; aide à l’embauche prévue par le plan de relance pour les entreprises de moins de 10 salariés qui recruteront en 2009 ; meilleure indemnisation du chômage technique.

Dans un contexte aussi difficile, il est évidemment essentiel de disposer d’un service public de l’emploi moderne et performant, capable de détecter les gisements d’emploi insuffisamment exploités, capable d’orienter les demandeurs d’emploi vers des formations plus adéquates si nécessaire, capable de leur donner un interlocuteur unique.

C’est l’objectif de la mise en place de Pôle emploi, issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, que le Président de la République est venu présenter officiellement dans les Ardennes, à Rethel, en octobre dernier.

Une réforme d’une telle ampleur suscite, et c’est bien normal, des interrogations parmi les salariés concernés par ce changement. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous y êtes sensible et que vous êtes allé à leur rencontre à de multiples reprises.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quels sont les changements intervenus depuis le 1er janvier et quelles sont les avancées que les entreprises et les salariés peuvent attendre de Pôle emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Jean Glavany. Ministre du chômage, plutôt !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Madame la députée, vous m’interrogez sur la mise en place, depuis le 1er janvier, de Pôle emploi, le nouveau service public de l’emploi, qui remplace l’ANPE et l’ASSEDIC. Vous connaissez parfaitement ce dossier, que le Président de la République a présenté, avec Christine Lagarde, chez vous, dans les Ardennes.

Vous posez la seule question qui vaille : qu’est-ce que cela change, concrètement, pour les demandeurs d’emploi, à partir du 1er janvier ? Avant, vous aviez l’ANPE et l’ASSEDIC. Avant, vous aviez deux agences. Avant, vous aviez deux dispositifs d’aide. Avant, vous aviez deux conseillers pour accompagner le demandeur d’emploi.

M. Henri Emmanuelli. Maintenant, il n’y aura plus que les chômeurs.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Bien sûr, Pôle emploi ne va pas créer des emplois nouveaux par magie. Par contre, il va améliorer l’accompagnement de chaque demandeur d’emploi.

Depuis le 1er janvier, c’est d’abord un entretien d’inscription qui a été simplifié.

M. Maxime Gremetz. Ce n’est pas vrai !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. C’est aussi un dispositif d’aide qui est maintenant facilité pour le demandeur d’emploi.

M. Maxime Gremetz. Non !

M. Jean Glavany. Le nombre de chômeurs explose !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Depuis le 1er janvier, c’est à la fois un site Internet et un numéro de téléphone unique, qui donnent un seul élément de réponse au demandeur d’emploi.

Depuis le 1er janvier dernier, ce sont d’ores et déjà 100 agences uniques qui sont opérationnelles un peu partout en France : 30 % des agences le seront en mars, et 100 % à l’été. Elles permettront d’avoir un seul lieu pour conseiller le demandeur d’emploi.

Enfin, progressivement, durant ces six mois, chaque demandeur d’emploi sera accompagné par un seul conseiller tout au long de sa recherche d’emploi.

Nous avions un système compliqué. Avec Pôle emploi, nous essayons d’y mettre plus de simplicité et d’efficacité.

Bien sûr, cette réforme est difficile. C’est d’ailleurs bien pour cette raison que cela faisait vingt ans qu’elle était promise, qu’on en parlait, et qu’elle n’avait jamais été menée à bien.

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et Sarkozy est arrivé !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je ne suis donc pas étonné que ceux qui s’y sont opposés rouspètent sur les bancs de l’opposition. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. Faites baisser le chômage et on en reparlera !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. S’agissant de cette réforme extrêmement attendue par les demandeurs d’emploi, il faut rendre hommage aux agents, qui ont eu à cœur d’assurer sa réussite. Elle leur demande beaucoup d’efforts. Je suis allé sur le terrain depuis le mois de décembre pour les rencontrer et voir comment la réussir au mieux.

Sachez une chose, madame la députée : avec Christine Lagarde, notre détermination à conduire cette réforme jusqu’au bout est absolue. Pour une seule raison : les demandeurs d’emploi comptent sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Droit d'amendement

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Joël Giraud. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée doit entamer la semaine prochaine l'examen d'un projet de loi organique qui représente une remise en cause grave du droit d'amendement des parlementaires, droit que le Président du Sénat a lui-même qualifié de « sacré ».

Sacré ou pas, pour les radicaux de gauche, le droit d'amendement est un fondement de la démocratie parlementaire. Toute mesure visant à l'encadrer, à le restreindre ou même à le « rationaliser » est à nos yeux au mieux dangereuse, au pire liberticide. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Disposer de temps pour défendre un amendement doit demeurer un droit individuel, inaliénable et imprescriptible pour chaque parlementaire. C'est la condition pour garantir l'expression de la diversité des opinions démocratiques de notre pays ! L'essence même du Parlement n'est-elle pas la discussion entre majorité et opposition, entre exécutif et législatif, ou même entre parlementaires, indépendamment des clivages politiques ?

Réfléchissez ! Sans la discussion de quelque 1 180 amendements, aurait-il été possible de parvenir à un vote quasi unanime sur le Grenelle de l'environnement ?

Le droit d'amendement, c'est d'abord du temps pour s'exprimer, pour débattre, pour échanger et pour convaincre.

C'est donc ce qu'il y a de plus précieux pour que chacun d'entre nous, membre d'un groupe politique ou pas, puisse, sans contrainte, exprimer ses convictions et porter les attentes et les craintes des Français dans cette enceinte de la démocratie représentative.

Or, si le texte proposé était adopté, ce ne serait plus possible, ou du moins cela deviendrait beaucoup plus compliqué – pour l'opposition comme pour la majorité. La première serait restreinte et bâillonnée, la seconde sommée de s'abstenir de déposer tout amendement jugé subversif. Et n'oublions pas que « toute majorité peut un jour devenir opposition », comme le rappelait récemment le président de notre assemblée.

Monsieur le Premier ministre, les députés radicaux de gauche ont, dans leur très grande majorité, approuvé la révision constitutionnelle du 21 juillet dernier. Celle-ci rend toujours possible une réelle revalorisation du Parlement. Mais vous n'en prenez pas le chemin !

Comme Gérard Charasse l'a indiqué hier en commission et l’a écrit au Président de la République au nom des députés radicaux, nous sommes, pour l'heure, loin du compte et loin de l'esprit de la révision constitutionnelle. Parce qu’elle est attentatoire au droit d'amendement et dangereuse pour notre démocratie, il vous faut impérativement revoir votre copie !

Pourquoi un tel texte, alors que le groupe de travail mis en place par le Président de l' Assemblée nationale n'a pas terminé ses travaux ? Pourquoi ne pas rechercher sur un tel sujet le consensus ? Et en attendant de le trouver, monsieur le Premier ministre, soyez raisonnable : pourquoi ne pas reporter sine die ce projet de loi organique, comme vous l'avez fait pour le travail dominical ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) À moins que vous n'attendiez son adoption pour mieux faire passer quelques couleuvres, que même votre majorité a du mal à avaler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, dans un climat apaisé.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Naturellement, monsieur le président. (Sourires.)

Monsieur Giraud, je voudrais vous redire que, lorsque vous et vos collègues radicaux de gauche avez voté la révision constitutionnelle,…

M. Jean Glavany. Vous vous êtes fait gruger !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …vous avez eu raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Montebourg. Ben voyons !

M. le président. Monsieur Montebourg, montrez ce qu’est un débat apaisé !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Et pour cause : ce texte permet le partage de l’ordre du jour – pouvoir supplémentaire pour le Parlement –,…

M. Jean Glavany. Tu parles !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … instaure le droit de résolution – pouvoir supplémentaire pour le Parlement –,…

M. Jean Glavany. Tu parles !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …limite l’usage du 49-3 – pouvoir supplémentaire pour le Parlement.

M. Jean-Pierre Brard. Cocu et content !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Qu’est-ce que cela signifie ? Que nous avons voulu rééquilibrer réellement les choses entre un exécutif et un législatif.

M. Jean Glavany. Qu’ils se sont fait gruger, oui !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Giraud,si, hier, en commission des lois, j’ai dit à M. Charasse, à M. Urvoas, à M. Lagarde, aux intervenants du groupe UMP, que le Gouvernement était ouvert à la discussion, …

M. Jean-Pierre Brard. Comme une huître !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …comme l’a d’ailleurs rappelé, ce matin, le Président de la République à l’Élysée, devant tous les parlementaires présents,…

M. Maxime Gremetz. Nous n’y étions pas ! Racontez-nous !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il a dit très clairement que nous cherchions à avoir le meilleur travail parlementaire possible.

M. Marcel Rogemont. C’est-à-dire celui qui ne vous gêne pas !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ce matin, en commission des lois, un certain nombre d’amendements ont été adoptés. Nous avons effectivement besoin, monsieur Giraud, d’un parlement qui travaille beaucoup : parce que ce pays a besoin d’un parlement qui travaille beaucoup.

M. Jean Glavany. Trop de loi tue la loi !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est du reste ce que fait le Parlement et je l’en remercie.

C’est également la raison pour laquelle nous avons considérablement accru, vous le savez, le temps constitutionnel donné aux commissions pour examiner les textes : six semaines avant la première lecture, cela permettra un véritable travail de fond. Que ce soit ici ou au Sénat, tous les parlementaires se plaignaient de ne pas avoir assez de temps en commission.

M. Jean Glavany. Toutes les lois sont examinées en urgence !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Nous avons constitutionnalisé ce que personne, avant nous, n’avait fait.

Je le répète, monsieur Giraud : vous pourrez déposer tous les amendements que vous souhaitez en commission, tous les amendements que vous souhaitez dans l’hémicycle. Il n’est pas question de restreindre le droit d’amendement.

M. Jean-Pierre Balligand. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Bataille. C’est du césarisme !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Quant à ce que l’on appelle le temps programmé des débats dans l’hémicycle, vous aurez prochainement – le Gouvernement n’y participe même pas – …

M. Christian Bataille. Bonapartisme !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …un débat avec le président Accoyer,…

M. Jean Glavany. C’est sa responsabilité !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …de même que les sénateurs avec le président Larcher, sur l’élaboration du nouveau règlement pour définir ce temps programmé.

M. Jean Glavany. On peut avoir confiance !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ainsi, le Parlement pourra débattre sur le fond de manière totalement démocratique, libre, ouverte et au service de l’ensemble des Français.

M. Marcel Rogemont. La loi au service de Sarkozy !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vous le répète, monsieur Giraud : vous avez eu raison de voter la révision constitutionnelle. Et au terme du débat sur la loi organique, vous aurez raison de la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de finances rectificative pour 2009
Accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés

Discussion de deux projets de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 (nos 1359, 1364) et, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés (nos 1360, 1365).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi d'abord de vous dire à quel point je suis honoré de venir présenter devant vous ce collectif budgétaire et le projet de loi d'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, comme nouveau ministre auprès du Premier ministre, chargé de la mise en œuvre du plan de relance.

Je sais que nous sommes dans une situation inédite et que l'Assemblée nationale a été beaucoup sollicitée. Le présent projet de loi de finances rectificative a été déposé sur le bureau de l'Assemblée deux jours seulement après l'adoption par le Parlement de la loi de finances qu'il modifie. Cette chronologie peu ordinaire traduit bien l'urgence de la situation : la détérioration de la situation économique appelait sans plus tarder une action rapide et massive des pouvoirs publics. La réponse a pris la forme du plan de relance annoncé par le Président de la République le 4 décembre 2008 à Douai.

Le plan de relance fait partie de l'ensemble des mesures prises par le Gouvernement depuis l'été 2008 pour soutenir l'économie, et d'abord, surmonter la crise financière qui a atteint son paroxysme en septembre avec la faillite de la banque Lehman Brothers.

C'était une priorité pour l'économie, pour les entreprises et pour l'emploi des Français. Si les banques avaient été conduites à la faillite, les salariés, les retraités, les épargnants en auraient payé le prix fort. C'est pour cela que l'État a apporté sa garantie, à hauteur de 320 milliards d'euros, afin d'assurer la stabilité du système bancaire. L'objectif était clair : rétablir la confiance pour que les banques puissent continuer à financer l'économie, prêter aux entreprises, aux collectivités et aux Français.

M. Jean-Pierre Brard. Ce qu’elles ne font pas !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Près de 11 milliards d'euros ont été consacrés au confortement des fonds propres des six grandes banques françaises et l'État a apporté des garanties aux assureurs crédit pour qu'ils poursuivent leur activité. Ces subventions doivent avoir un effet d'entraînement.

M. Jean-Pierre Brard. Sont-ce des subventions ?

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Le Président de la République l'a rappelé clairement, fermement même.

Ces soutiens ont été complétés par des mesures directement orientées vers les entreprises. Ainsi, 22 milliards d'euros ont été injectés pour assurer le financement des PME, premier employeur des Français. OSEO, la banque des PME, est aujourd'hui en mesure d'offrir davantage de garanties pour les PME qui souhaitent emprunter. En outre, un effort a été consenti en faveur des filiales financières des constructeurs automobiles.

Si je voulais être plus exhaustif, je devrais aussi évoquer toutes les mesures qui ont été prises depuis plusieurs mois pour stimuler l'activité économique, y compris au profit de la consommation. À titre d'exemples, la baisse des prélèvements obligatoires, la revalorisation des prestations sociales, la généralisation du revenu de solidarité active ou le bonus automobile font partie de cet effort massif.

C'est en cohérence avec cet ensemble de mesures que s'inscrit le plan de relance de 26 milliards d'euros annoncé à Douai. Je voudrais en rappeler l'articulation.

Sur les 26 milliards d'euros, près de 11 milliards couvrent des interventions directes de l'État qui ont une traduction budgétaire en ouvertures de crédits. Ces dépenses nouvelles sont, en grande partie, contenues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009, qui met l'accent sur l'investissement public tout en répondant à des besoins sociaux, dirigés vers les plus vulnérables.

Plus de 11 milliards d'euros sont également destinés à soutenir la trésorerie des entreprises. Il s'agit en particulier du remboursement des créances fiscales – crédit impôt recherche, TVA – que vous avez examiné dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008. Cela permettra aux entreprises d'améliorer, dès le début de 2009, leur situation de trésorerie et leur fournira des moyens supplémentaires pour investir.

De surcroît, 4 milliards d'euros mesurent l'effort supplémentaire d'investissement – plus 35 % – des grandes entreprises publiques : EDF, GDF Suez, RATP, SNCF, La Poste.

M. François Brottes. Je ne savais pas que Suez était une entreprise publique !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Pour partie !

M. François Brottes. Vous renationalisez ?

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Cette enveloppe contribuera à moderniser et à développer nos infrastructures ferroviaires, énergétiques et nos services postaux. Elle ne pèsera pas, je le rappelle, sur nos finances publiques.

Massif par son ampleur, le plan de relance ne sera efficace que s'il est mis en œuvre rapidement. C'est pourquoi, si la totalité des crédits d'engagement est ouverte en 2009, l'objectif de consommer trois quarts des montants dès la première année se traduira par une injection de crédits de paiement de 9,8 milliards d'euros.

Nous attendons de cette intervention massive et rapide un impact estimé à 0,6 point de PIB. Dans cette perspective, la réussite du plan tient à notre capacité à nous mobiliser.

Le plan doit fédérer de nombreux acteurs : l'État, les collectivités locales bien sûr, mais aussi les entreprises, notamment les entreprises publiques. Il nous invite à coordonner et à anticiper. Aussi, je veillerai personnellement, en liaison avec les ministères ou les opérateurs concernés, au suivi de chacune des mesures.

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes sauvés !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Des procédures d'évaluation seront mises en place, afin de mesurer l'état d'avancement des opérations, mais aussi leur impact en termes de performance et d'effet de levier sur notre économie, conformément d'ailleurs aux indicateurs qui accompagnent chacun des programmes.

Enfin, pour que la cohérence soit totale, il faut faire en sorte que cet ensemble de mesures ne soit pas freiné dans sa mise en œuvre par des obstacles procéduraux parfois hérités de notre propre culture administrative. C'est le sens du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés dont vous êtes également saisis, texte lui-même accompagné des premiers textes réglementaires qui vont dans le même sens.

L'investissement est le moteur du plan de relance, l'emploi et la solidarité en sont les compléments indispensables.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. La réponse du Gouvernement à la crise passe par l'investissement qui, vous l'aurez compris, est le « fil rouge » du plan de relance.

L'investissement stimule la demande et donc l'emploi. Il ne gage pas l'avenir mais permet, au contraire, de conforter notre compétitivité.

M. Michel Piron. En effet !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Ainsi, l'État investira directement 4 milliards d'euros dans des domaines stratégiques : les infrastructures et le développement durable, le patrimoine, l'enseignement supérieur et la recherche, les industries de défense.

Les collectivités territoriales seront aussi très présentes, au travers des plans de modernisation et de développement des itinéraires, ainsi que des contrats de projets État-régions, dans des domaines aussi stratégiques que les infrastructures, les universités et la recherche.

M. Jean-Pierre Balligand. Surtout qu’on leur a demandé leur avis !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Les collectivités, qui réalisent près des trois quarts des investissements civils publics, seront les principaux vecteurs de la conduite des équipements locaux. C'est tout le sens de la mesure de remboursement anticipé de la TVA pour un montant estimé de 2,5 milliards d'euros, mesure qui sera pérenne pour les collectivités qui en bénéficieront parce qu'elles auront investi.

Suite à la Conférence nationale des exécutifs, qui s'est tenue le 16 décembre 2008, une option pragmatique a été retenue par le Premier ministre : la hausse des investissements des collectivités sera effective dès le premier euro au-delà d'une période de référence assez longue – environ trois ans – permettant de gommer l'effet de pic des années 2007 et 2008.

Cet effort, qui s’appuie sur une relance de l’investissement, devrait être démultiplié : il entraînera un effet de levier qui diffusera l’activité sur l’ensemble du territoire.

Le plan ne s’en attache pas moins à mettre en œuvre des mesures de soutien à l’emploi et de solidarité envers les plus défavorisés, complément indispensable à l’investissement. Le programme exceptionnel de soutien à l’activité économique et à l’emploi répond à cette préoccupation par plusieurs interventions.

Tout d’abord, 225 millions d’euros supplémentaires s’ajoutent aux moyens d’OSEO et à ceux de la société de caution mutuelle de l’artisanat et des activités de proximité, la SIAGI. Ensuite, les TPE bénéficient d’une aide à l’embauche de 700 millions d’euros, qui permettra de compenser les charges patronales résultant des embauches réalisées en 2009 dans les entreprises de moins de dix salariés. En outre, une dotation budgétaire supplémentaire de 500 millions d’euros permet d’accompagner les salariés victimes de licenciements par des dispositifs comme le contrat de transition professionnelle, l’aide au retour à l’emploi et la formation.

S’y ajoute une prime à la casse de mille euros pour l’achat d’un véhicule neuf émettant moins de 160 grammes de CO2. La mesure contribuera à écouler les stocks. Elle complète les autres interventions du Gouvernement en faveur de l’industrie automobile – comme l’ouverture d’une ligne de crédit de 1 milliard d’euros aux filiales bancaires des constructeurs –, qui seront elles-mêmes renforcées par la création d’un fonds de restructuration de l’industrie automobile doté de 300 millions d’euros.

M. Jérôme Cahuzac. 220 !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Enfin, ce plan est complété par un effort exceptionnel en faveur, notamment, du logement social…

M. Michel Piron. Exactement !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. … et de la solidarité, qui mobilisera 1,9 milliard d’euros.

M. Michel Piron. Très important !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. L’offre de logements s’enrichira ainsi de 100 000 logements supplémentaires, dont les 30 000 logements acquis par vente en l’état futur d’achèvement.

En outre, la rénovation de l’habitat et la lutte contre l’habitat indigne et contre les dépenses d’énergie seront renforcées par la mise en place d’un fonds exceptionnel de 200 millions d’euros. Les structures d’accueil et d’hébergement bénéficieront de 160 millions d’euros.

D’autre part, les ménages les plus fragiles recevront une prime exceptionnelle de 200 euros, qui anticipe sur le revenu de solidarité active. Cet effort de solidarité de 760 millions d’euros bénéficiera à 3,8 millions de foyers environ.

Le projet de loi d’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés apporte la souplesse nécessaire à une réalisation satisfaisante du plan. Une fois encore, la conjugaison de nos efforts est le meilleur gage de succès. Elle dépend de notre aptitude à aplanir des obstacles parfois issus de règles que nous avons nous-mêmes édictées, de procédures longues et incertaines que nous avons inventées, de pratiques héritées de notre culture administrative et qui constituent souvent autant de contraintes injustifiées. Tel est le sens des décrets examinés le 19 décembre 2008 en conseil des ministres, comme du projet de loi qui vous est soumis.

Le collectif budgétaire et ce texte sont totalement complémentaires. L’un met en place des moyens massifs ; l’autre s’attache à insuffler la rapidité dans l’action.

Tel est l’objet des mesures de simplification de certaines règles d’urbanisme, qu’il s’agisse des mesures relatives à la mitoyenneté ou de la mise à disposition opérationnelle des terrains libérés par l’État dans le périmètre des opérations d’intérêt national.

Telle est aussi la signification de l’amélioration des possibilités de recours aux partenariats public-privé ou des simplifications apportées aux procédures de marchés publics auxquelles pourront avoir accès les opérateurs de réseaux.

Tel est enfin le but des propositions permettant aux établissements de santé de mieux financer leurs opérations de restructuration.

De même, en vous demandant de l’habiliter à définir par voie d’ordonnance un nouveau régime applicable à certaines installations classées au titre de la protection de l’environnement, le Gouvernement cherche à ramener les délais d’instruction des dossiers de quinze à quatre mois pour environ 500 entreprises par an, naturellement sans altérer en rien les règles de sécurité. Cette simple mesure de bon sens illustre bien le souci de pragmatisme qui nous anime.

Mais ce texte contribue aussi largement à la recherche quotidienne d’une meilleure efficacité économique, en vue de conduire à leur terme, dans les meilleurs délais, des projets qui déboucheront au cours des semaines à venir sur des programmes de construction ou sur des investissements industriels.

Vous l’aurez compris, le projet de loi vise à lever des obstacles couramment dénoncés, sans altérer en rien l’économie des dispositifs qu’il entend simplifier. C’est là sa seule ambition ; mais l’enjeu est de taille, car il s’agit aussi d’aller vite. Les indicateurs de performance des programmes définis dans le projet de loi de finances rectificative pour 2009 nous permettront de mesurer la concrétisation de cette ambition. En d’autres termes, ces textes que vous examinerez conjointement sont bien totalement complémentaires.

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas l’air convaincu ! On ne sent aucune flamme !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Enfin, les effets du plan de relance s’apprécieront aussi au niveau européen. Car ce plan n’est pas une initiative française isolée : il est cohérent avec les actions entreprises par nos voisins européens et impulsées par la présidence française, comme avec les objectifs fixés par l’Union.

En effet, l’enveloppe de 26 milliards d’euros – soit 1,3 % du PIB – est en parfaite cohérence avec le plan européen pour la relance économique de 200 milliards – soit 1,5 % du PIB de l’Union – annoncé par la Commission européenne et approuvé par le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008.

En outre, à l’exception du plan britannique, qui a essentiellement misé sur la relance de la consommation par une baisse de la TVA, les plans de relance ont privilégié la restauration de la trésorerie des entreprises et les infrastructures publiques.

Plus précisément, certaines mesures apparaissent de façon récurrente dans les plans annoncés : la réhabilitation des logements et les aides aux emprunteurs en difficulté pour la construction résidentielle ; la réalisation accélérée de projets publics existants en matière d’infrastructures ; l’amortissement accéléré et la flexibilité des avances de TVA pour les entreprises ; enfin, le soutien aux secteurs de l’automobile et du bâtiment.

Le plan français est donc en phase avec ceux de nos voisins et partenaires, dont nous profiterons grâce aux liens commerciaux qui nous unissent. De fait, une réponse collective des États membres à la crise, même si les instruments utilisés diffèrent, permet de démultiplier les bénéfices attendus de nos mesures de soutien nationales : l’effet de levier n’en sera que plus marqué.

Mesdames et messieurs les députés, la crise à laquelle nous devons faire face est très grave.

M. Jérôme Cahuzac. On est d’accord !

M. Jean Mallot. Mettez le ton !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Elle est mondiale ; elle est brutale ; elle est générale ; elle est à bien des égards injuste pour notre pays.

M. Jérôme Cahuzac. Voilà autre chose !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Mais nous ne la surmonterons qu’ensemble : en la matière, tous les acteurs publics et économiques doivent jouer leur rôle.

M. Jean Mallot. On est loin de Churchill ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. L’effort collectif que traduit ce projet est important. Notre responsabilité envers nos concitoyens nous impose de rendre les plus efficients possible les moyens exceptionnels qu’il mobilise, et ce dès 2009. C’est le sens de ma mission telle que je la conçois, telle que me l’ont confiée le Président de la République et le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Brard. Un nouveau croisé !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. C’est aussi, au-delà des chiffres, le sens de ces textes qu’Éric Woerth et moi-même vous soumettons aujourd’hui.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et Mme Lagarde ?

M. Jérôme Cahuzac. Goujat ! Quelle grossièreté !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Vous pouvez compter sur notre engagement pour mettre en œuvre ce projet, en concertation avec tous nos collègues et nos collectivités, ainsi que sur celui de Mme Lagarde (« Ah, quand même ! » sur les bancs du groupe SRC),

M. Jean Mallot. Une proposition de l’opposition vient d’être retenue !

M. Jean-Pierre Balligand. Il a eu du mal à le dire !

M. Jean-Pierre Brard. Misogyne !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. …qui s’exprimera tout à l’heure : le Gouvernement met naturellement en œuvre ce plan de manière solidaire, en particulier dans sa dimension économique.

Soyez également assurés de ma totale disponibilité,…

M. Jérôme Cahuzac. Cela nous inquiète !

M. Jean Mallot. Qu’en est-il de votre énergie ?

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. …car le plan de relance ne saurait être mené à bien sans un contact permanent avec le Parlement et sans une exigence d’équité territoriale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Michel Piron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Jean-Pierre Brard. L’épicerie de gros, maintenant !

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, madame la ministre de l’économie, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions des finances et des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, vous me pardonnerez, je n’en doute pas, de revenir aussi vite devant vous : nous ne nous sommes guère quittés durant les trois derniers mois…

M. Henri Emmanuelli. Oui !

M. Jean-Pierre Brard. Quel est le nouveau chiffre du déficit ?

M. François Brottes. C’est la constance de la relance !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je vois que vous ne boudez pas votre plaisir !

À peine la trêve des confiseurs passée, nous nous retrouvons donc. C’est que nécessité fait loi – en l’occurrence, nécessité fait collectif : la rapidité d’exécution est cruciale pour la réussite du plan de relance. De fait, nous faisons tout pour ne pas perdre une minute. Le Président de la République a présenté le plan de relance le 4 décembre à Douai ; l’intégration des mesures fiscales dans le collectif de fin d’année 2008 a permis – vous le savez, puisque nous en avons abondamment discuté – de les adopter le plus vite possible ; enfin, ce qui devait relever d’une loi de finances rectificative pour 2009 a été adopté en conseil des ministres le 19 décembre. La présente discussion s’ouvre donc le plus tôt possible.

En complément de l’intervention de Patrick Devedjian, et avant celle de Christine Lagarde, je reviendrai pour ma part sur deux points : la cohérence d’ensemble du plan de relance…

M. Jean Mallot. Il va falloir l’expliquer !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …et le détail de son effet sur nos finances publiques.

Tout d’abord, ce plan s’inscrit dans une politique budgétaire cohérente à long terme. Pour employer une expression plus imagée, monsieur le président de la commission des finances, notre politique budgétaire marche bien sur deux jambes (Sourires sur plusieurs bancs du groupe SRC), ce qui est indispensable pour avancer rapidement : l’investissement et la consommation.

Si le plan de relance se concentre sur l’investissement, c’est d’abord pour ne pas léguer à nos enfants un actif net dégradé : on s’endette davantage, mais pour investir…

M. Henri Emmanuelli. Ah oui ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. … ou, plus précisément, pour anticiper sur le programme d’investissements futurs. Nous faisons d’une pierre deux coups : en soutenant l’activité aujourd’hui, on prépare la France de demain.

C’est aussi et surtout parce que d’autres mesures ont déjà été prises par le Gouvernement, qui contribuent à soutenir l’activité, notamment les revenus et la consommation.

Tout d’abord, ces 26 milliards d’euros sont – permettez-moi l’expression – du véritable argent supplémentaire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Non !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Il ne s’agit pas d’afficher ou de recycler de vieilles mesures.

M. Jean Mallot. Si !

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des assignats !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Leur effet sur le déficit budgétaire, soit 19 milliards d’euros en 2009, en témoigne ; j’y reviendrai. Il s’agit d’un vrai déficit budgétaire… (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Ça oui !

M. Éric Woerth, ministre du budget. … donc de vrai argent supplémentaire. Les comparaisons entre les plans de relance des différents pays que je lis ici ou là n’opèrent pas toujours cette distinction essentielle entre mesures recyclées et mesures nouvelles.

M. Jean-Pierre Brard. Avec quel pays comparez-vous ? La Lettonie ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’aimerais en outre rappeler brièvement ce que nous avons mis en place. Décidées avant même le début de la crise, les baisses des prélèvements obligatoires en 2008 et 2009 permettent de soutenir l’activité ; elles représentent au total quelque dix milliards d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Et cela a produit !

M. Éric Woerth, ministre du budget. En outre, la revalorisation des prestations sociales est particulièrement élevée en 2009 : elle atteint 9 milliards d’euros environ, abstraction faite des effets de l’augmentation de l’ONDAM ou de la croissance démographique.

Ainsi, les allocations familiales seront-elles revalorisées de 3 % le 5 février,…

M. François Brottes. Inflation !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …le minimum vieillesse de 6,9 % à compter du 1er avril…

M. Henri Emmanuelli. Comment feront les allocataires d’ici là ?

M. Éric Woerth, ministre du budget. …et les pensions de retraite de 2,2 % à compter de la même date, si les prévisions d’inflation pour 2008 et 2009 sont confirmées. Pour l’ensemble des transferts sociaux, compte tenu de la dynamique du nombre de bénéficiaires, cela correspond à une progression supérieure d’au moins 3 % à l’inflation – soit 4,5 % en intégrant l’inflation, qui s’élève à 1,5 %. S’y ajoute naturellement le RSA. En outre, six milliards de liquidités nouvelles ont été mobilisées pour le fonds stratégique d’investissement.

Enfin, la France est l’un des pays au monde où la couverture sociale et le niveau des prélèvements obligatoires sont les plus élevés.

M. Jean-Pierre Brard. Nous devons en être fiers !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Lorsque des difficultés surviennent, la décision de ne pas compenser les moins-values de recettes par des hausses d’impôts ou par des coupes dans les dépenses soutient donc en tant que telle l’activité,…

M. Henri Emmanuelli. Cela s’appelle des stabilisateurs !

M. Éric Woerth, ministre du budget. … et ce d’autant plus que la sphère publique est plus importante. Ce mécanisme est donc bien plus puissant en France que dans d’autres pays, par exemple anglo-saxons.

M. Henri Emmanuelli. Bravo ! Vous avez mis du temps à le comprendre !

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’effet est estimé à 15 milliards d’euros en 2009 – j’y insiste : vous n’avez pas pu l’entendre, car vous étiez trop occupé à m’applaudir !

Ce choix de laisser jouer ce que les économistes appellent, de façon un peu obscure, les « stabilisateurs automatiques » se traduit par un accroissement du déficit dû aux pertes de recettes publiques et à l'augmentation de certaines dépenses sociales.

Les 26 milliards d’euros du plan de relance viennent donc s'ajouter à cette série de mesures que nous avons prises depuis notre arrivée. Au total, plus de 65 milliards d’euros sont injectés dans l'économie pour stimuler l'activité, l'emploi, l'investissement public et la solidarité : 50 milliards de manière directe et 15 milliards en moins de prélèvements sur les entreprises et les ménages par rapport à ce qu’ils auraient été en l’absence de crise. Sur ces 50 milliards, 45 % vont à l'activité économique et à l’emploi, 20 % à l'investissement public et 35 % à la solidarité et au logement, c'est-à-dire directement aux ménages.

Cela ne tient pas compte des mesures de garantie de prêt nécessaires au financement de l'économie que Patrick Devedjian vient de rappeler, dont la nature est très différente de celles que je viens d’indiquer : ces garanties et ces prêts ne sont pas sans contrepartie, ils sont rémunérés.

Certains nous opposeront encore, j'en suis sûr, que ce n'est pas assez pour la consommation…

M. Jean Mallot. Bien évidemment !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …ou alors que ce n'est pas ce que font les Anglais ou les Américains. Je leur objecterai que si la crise est mondiale, les situations économiques et sociales sont profondément différentes. Quand un pays dispose d'un système de retraite par répartition, il n'a pas les mêmes besoins qu'un pays qui utilise un système par capitalisation. Le retraité américain, ne pouvant compter que sur son plan d'entreprise, a vu ses perspectives de retraite s'effondrer avec la bourse depuis six mois. Rien de tel, bien heureusement, pour le retraité français.

M. Henri Emmanuelli. Je rêve !

M. François Brottes. Il faut se pincer pour y croire ! Encore un effort et vous deviendrez socialiste !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Quand un pays dispose d'une indexation automatique des prestations sociales sur l'évolution des prix, il n'a pas les mêmes besoins qu'un pays où cette indexation n’existe pas. Il n'a pas besoin d’envisager une compensation spécifique de la perte de pouvoir d'achat des prestations sociales ; elle est d'ores et déjà prévue, comme je vous l’ai montré.

Quand un pays dispose d'une assurance chômage couvrant jusqu'à deux ans les personnes perdant leur emploi, il n'a pas les mêmes besoins qu'un pays où cette couverture n'est que de quelques semaines.

Quand un pays met en place le RSA et dispose d'une couverture efficace du chômage partiel, il n'a pas les mêmes besoins qu’un pays n’ayant pas de tels dispositifs pour lutter contre la précarité, accrue par la crise, des travailleurs pauvres.

La France possède un système de protection sociale avancé, qu’il s’agisse des retraites, du chômage ou des prestations sociales et nous pouvons en être fiers, je suis d’accord avec vous. Il nous donne la chance de pouvoir concentrer notre plan de relance sur l'investissement et de mobiliser notre trésorerie pour aider les entreprises à passer ce cap difficile. Il va de soi que la situation anglaise ou américaine, à laquelle vous faites curieusement si souvent référence, est bien différente.

Je voudrais maintenant évoquer l'impact du plan de relance sur nos finances publiques.

Avec 26 milliards d’euros, ce plan apporte un soutien massif à l’économie.

M. François Brottes. Petite masse !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Pour autant, il me semble indispensable de souligner qu'il ne remet nullement en cause ni les efforts accomplis en matière de maîtrise des dépenses ni l'objectif de retour à l'équilibre de nos comptes publics.

Tout d'abord, son incidence budgétaire est concentrée sur l'année 2009. L'état des finances publiques françaises montre combien nous avons souffert de la stratification de mesures, adaptées au moment où elles ont été prises mais jamais remises en cause par la suite. Aux États-Unis, si l'État fédéral a su par le passé utiliser l'arme budgétaire massivement, il a su tout aussi radicalement revenir sur les mesures prises quand elles n’étaient plus nécessaires. Aujourd'hui, toute l'idée du plan que nous vous présentons est d'injecter dans de larges proportions de l'argent frais sur une période courte, sans obérer l'avenir. Il ne s'agit surtout pas d'ajouter une nouvelle marche à la hausse au poids des dépenses publiques dans le PIB.

C'est bien l'esprit du cadre que la Commission européenne a défini autour de mesures rapides, ciblées et temporaires, cadre qui doit beaucoup, permettez-moi de le rappeler, à l'énergie du Président de la République et de Christine Lagarde.

M. Jérôme Cahuzac. Vous, au moins, vous êtes galant !

M. Éric Woerth, ministre du budget. En 2009, l'impact du plan de relance sur le déficit budgétaire de l’État sera de 19 milliards d’euros hors dotation au Fonds stratégique d’investissement – 22 milliards, si l’on intègre sa dotation – pour un déficit estimé à 76,3 milliards en 2009 – 79,3 milliards, si l’on intègre le FSI. Ils se répartissent de la manière suivante : 9,2 milliards d’euros consacrés aux mesures fiscales en faveur de la trésorerie des entreprises, adoptées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2008 et dont l'impact a d'ores et déjà été pris en compte dans le solde budgétaire de la loi de finances initiale pour 2009 ; 9,4 milliards affectés aux mesures contenues dans le présent collectif, dont 6,9 milliards d’euros pour les crédits budgétaires et 2,5 milliards d’euros pour le Fonds de compensation de la TVA ; 500 millions d’euros de consommation de reports du ministère de la défense afin d'accélérer les paiements aux PME. Je précise que cette dépense ne nécessite pas d'ouvrir des crédits en collectif mais pèsera sur l'exécution budgétaire.

L'impact sur le déficit public au sens maastrichtien devrait être de l'ordre de 15,5 milliards d’euros en 2009, en raison de règles de comptabilisation des recettes différentes, notamment s’agissant de la comptabilisation en droits constatés des recettes de TVA. Son effet devrait être limité à environ 1 milliard d’euros en 2010.

Nous serions donc amenés à enregistrer un déficit de 3, 9 % en 2009, toutes choses égales par ailleurs. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac. Quelle prudence !

M. Michel Sapin. C’est que tout n’est pas égal par ailleurs !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est une précision utile !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Je précise en effet « toutes choses égales par ailleurs », car nous devrons, si besoin est, tirer les conséquences pour 2009 des moindres rentrées fiscales que nous observons dès aujourd’hui.

Par rapport au collectif budgétaire pour 2008 voté en décembre, les recettes fiscales au titre de 2008 pourraient être en retrait de 3 à 5 milliards d’euros, soit 10 à 12 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette moins-value supplémentaire concerne principalement deux prélèvements.

Il s’agit tout d’abord de l'impôt sur les sociétés, pour environ 2 milliards d’euros. À l'occasion du dernier collectif, nous avions déjà provisionné 2,4 milliards d’euros de moins-values probables de recettes pour les entreprises du secteur financier. Mais il semble que de nombreuses entreprises du secteur non financier ont également constitué des provisions pour dépréciations d'actifs financiers dans leurs comptes.

Il s’agit ensuite de la TVA, avec une moins-value pouvant aller jusqu'à 3 milliards d’euros. Il n'est pas possible, compte tenu des informations dont nous disposons à ce stade, d’analyser précisément l’origine de cette moins-value. Il est donc trop tôt pour en tirer les conséquences pour 2009. Les données doivent encore être stabilisées et analysées plus finement d'ici à la fin de la période complémentaire, qui s'achève le 16 janvier prochain. Nous en tirerons alors les conséquences nécessaires. Cela pourrait nous amener à revoir les hypothèses de recettes pour 2009 à l'occasion de l'examen de ce collectif au Sénat. Je ne manquerai pas d'en informer au préalable votre commission des finances.

Ce plan, parce qu’il est ciblé sur des dépenses d’investissement, est largement réversible. Il est en effet composé soit de dépenses temporaires, qui n'ont plus d'effet à partir de 2011, soit de l’anticipation de dépenses programmées – remboursement de crédits d'impôt recherche, certaines dépenses d'investissement – qui n'auront donc pas à être effectuées en 2011 et 2012. En tout état de cause, les dépenses de fonctionnement et de personnel prévues dans le projet de loi triennal ne sont pas affectées – l’arbre ne doit pas cacher la forêt – et les réformes qui les sous-tendent ne sont pas davantage remises en cause.

Ainsi, le plan de relance n'affecte que marginalement le point de sortie de la trajectoire de déficit prévue dans la programmation des finances publiques dès lors que la relance est effective et nous permet de retrouver un rythme de croissance cohérent à partir de 2010.

Enfin, l'impact global du plan sur la dette publique sera de l'ordre de 20 milliards d’euros – je parle sous le contrôle de Mme Christine Lagarde. Les charges d’intérêt qui lui sont liées ne devraient pas progresser, la baisse des taux absorbant l’augmentation du volume d’emprunt.

Contrairement à ce que prétend l’opposition – mais croit-elle vraiment à ce qu’elle dit ? –,…

M. François Brottes. Bien sûr !

M. Éric Woerth, ministre du budget. …le plan est équilibré et prend en compte de manière très juste la situation de notre pays. Si le déficit prévu est aussi élevé, c'est bien parce que nous soutenons l'investissement tout en laissant jouer à plein notre système de transferts sociaux, sans compenser les baisses de recettes par des prélèvements obligatoires supplémentaires. La critique du plan par l’opposition me paraît donc relever d’une certaine forme de myopie – et je sais de quoi je parle en termes de vision.

M. Jean-Pierre Brard. Changez d’opticien !

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’entendais ce matin la première secrétaire du parti socialiste affirmer que la France était le mouton noir de l’Europe. Nous n’en sommes peut-être pas le chevalier blanc, mais nous sommes loin d’en être le mouton noir. Comment peut-on dire des choses pareilles ? La France est, avec le Royaume-Uni, à l’initiative du plan de relance européen, et le Président de la République en particulier.

M. Henri Emmanuelli. M. Brown appréciera !

M. Éric Woerth, ministre du budget. La France a pris avec une rapidité exemplaire les mesures nécessaires. Elle a, la première, souligné que la relance était indispensable et qu’elle était compatible avec les règles du pacte de stabilité et de croissance.

M. Henri Emmanuelli. C’est tout ce que vous trouvez d’intéressant à dire !

M. Éric Woerth, ministre du budget. La vérité, c'est que même selon les prévisions de l’INSEE, la consommation et le pouvoir d'achat augmenteront en 2009. Ce sont les perspectives d'investissement qui sont très dégradées. Nous ne voulons pas de plan de relance à l'ancienne – ce que souhaite probablement Martine Aubry –, où l'on crée des dépenses pérennes qui pèsent sur les générations futures, dépenses qui survivent toujours à la crise et qui tirent notre pays vers le bas.

M. Henri Emmanuelli. Quand vous verrez ce que font les autres, vous aurez l’air malin !

M. Éric Woerth, ministre du budget. On peut naturellement avoir des choix différents, et nous sommes ici pour en discuter, comme d'habitude avec un esprit de responsabilité mais sans outrance. C'est dans cet esprit que je rentre dans ce débat, qui sera, je n'en doute pas, fertile pour notre économie et protecteur pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Henri Emmanuelli. Quel est donc cet exercice stupide auquel vous venez de vous livrer ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous parlez en expert !

M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, « j’arrive trop tard dans un monde où tout est déjà dit »

M. Jean-Pierre Brard. C’est bien vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Cette formule de Jean-Jacques Rousseau…

M. Jean-Pierre Brard. Je pensais qu’elle était de vous !

M. Michel Sapin. C’est une confession ! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. …j’aurais pu la faire mienne tant mes deux excellents collègues ont commenté avec intelligence, subtilité et sens de la doctrine économique l’ensemble des propositions dont vous allez débattre au cours de la discussion sur le plan de relance.

M. Jean-Pierre Brard. Ne soyez pas trop modeste, madame la ministre !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Permettez-moi simplement de faire quelques observations rapides.

Ce plan de relance intervient dans le cadre d’une séquence précise, qui a commencé par le plan de recapitalisation et de refinancement des établissements bancaires que votre assemblée a adopté, un plan indispensable pour éviter une thrombose de notre économie.

M. Jean-Pierre Brard. C’est de l’exercice illégal de la médecine !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Si vous ne l’aviez pas adopté, si nous ne l’avions pas mis en œuvre rapidement, certaines de nos entreprises se seraient trouvées dans une situation telle, du point de vue de leur trésorerie, qu’elles auraient été amenées à déposer le bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Brard, vous venez de dire que ce plan avait été suivi de peu d’effets puisque les établissements bancaires n’ont pas financé l’économie, engagement que nous leur avions demandé de prendre en échange de la garantie de l’État et de titres super-subordonnés qui venaient renforcer leurs fonds propres.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas grand-chose, il faut le reconnaître !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous leur avions demandé deux types d’engagements d’ordre éthique, qu’il nous appartiendra de vérifier.

M. Jean-Pierre Brard. 8 % !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Un peu plus de 8 %, monsieur Brard !

Je reconnais qu’il ne devrait pas leur être difficile de financer l’économie mieux qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent.

M. Jean-Pierre Brard. Demandez à René Ricol !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le dernier chiffre qui a été publié ce matin par l’Observatoire du crédit indique qu’entre octobre et novembre 2008, les encours de crédits à l’économie ont augmenté de 0,34 %.

M. Jean-Pierre Brard. Autant dire trois fois rien !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Certes, il ne s’agit pas d’une forte augmentation, mais si vous demandez aux entreprises de vos circonscriptions à quelle période elles ont été le plus affectées, elles vous répondront que c’est au mois de novembre. Si les banques ont augmenté les encours de crédits à l’économie de 0,34 %, c’est bien qu’elles ont eu à cœur d’exécuter les engagements qu’elles ont pris.

Nous continuerons à être très vigilants sur ce point car, quel que soit le prêteur, l’ensemble de nos entreprises n’auront pas la capacité de poursuivre leur activité, de la développer et par conséquent de créer des emplois sans concours financiers.

Je vous disais qu’il s’agissait d’une séquence, ce que certains ont pu nous reprocher. J’observe toutefois que M. Krugman, prix Nobel d’économie 2008, a fait la recommandation suivante en matière de gestion de la crise économique dans laquelle sont plongées les économies du monde entier : commencer par un plan de refinancement et de recapitalisation des établissements bancaires puis s’engager dans un plan de relance de nos économies. J’ai pu entendre, ici ou là, des économistes honnêtes dire que si l’on avait la boîte à outils, on n’avait aujourd’hui probablement pas le mode d’emploi,...

M. Jean-Pierre Brard. Il est en anglais !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. ...car la crise actuelle ne ressemble à aucune autre, compte tenu de sa profondeur, de sa rapidité et surtout de son champ, puisqu’elle affecte tant les économies développées qu’émergentes.

Les États-Unis sont très clairement à l’origine de la crise que traverse l’ensemble de nos économies. Pour autant, la solution ne viendra pas exclusivement en langue anglaise.

M. Henri Emmanuelli. Il n’y a pas qu’eux !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. À cet égard, l’Europe peut formuler un certain nombre de propositions utiles. Les diverses réunions des ministres de l’économie et des finances qui ont eu lieu au cours des derniers mois et les exemples donnés par la France, la Belgique ou la Grande-Bretagne ont inspiré et continueront à inspirer nos collègues américains.

Nous aurions pu utiliser d’autres méthodes et d’autres outils. Par exemple, nous aurions pu baisser les taux de TVA, comme l’ont fait nos voisins britanniques. Mais cette solution présente un double inconvénient. D’abord, elle s’applique de manière uniforme à la fois aux productions locales et aux productions extérieures qui correspondent à des importations.

Voilà pourquoi je ne suis pas convaincue qu’il s’agit d’une bonne idée.

M. Jérôme Cahuzac. Au point où on en est !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ensuite, elle s’applique à tous sans conditions de ressources. C’est un encouragement à la consommation, toutes catégories confondues, qui ne crée pas de valeur et ne fait aucune distinction entre les ménages à haut et à faible revenu.

M. Henri Emmanuelli. Vous savez bien qu’il y a plus de pauvres que de riches !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. On aurait pu aussi opter pour une baisse uniforme de tel ou tel impôt. En la matière, il faut se souvenir que les baisses d’impôts produisent des effets de deux natures. D’abord, elles ont un caractère différé. Or nous souhaitons des mesures qui produisent des effets le plus rapidement possible, ce que ne permet pas la baisse d’impôts. Ensuite, en période de défiance de l’ensemble des consommateurs et des acteurs économiques à l’égard des circuits économiques et des mécanismes, cette mesure ne procède pas d’une anticipation à laquelle se livreraient les acteurs économiques en période de confiance normale. Par conséquent, cette solution ne constitue pas un accélérateur de consommation ou d’investissement de quelque nature que ce soit.

Enfin, nous aurions pu procéder à des « injections » directes, mot qui a la faveur de Patrick Devedjian.

M. Jean-Pierre Brard. Que je sache, M. Devedjian n’est pas secrétaire d’État à la francophonie !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est ce qu’a fait le Gouvernement américain au printemps dernier dans une première version d’un plan de relance, qui a commencé à produire ses effets, relativement faibles, au début du second semestre de 2008.

M. Jean-Pierre Brard. Il n’a pas eu d’effets !

M. Henri Emmanuelli. Puisqu’il n’y a pas eu d’effets, comment les avez-vous vus au début du second semestre ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. J’ajoute que depuis le début des années 90, presque aucun plan de relance n’a été financé sur ce mode, tout simplement parce que les pays européens ont à cœur de réduire leurs déficits et, par conséquent, de ne pas procéder par voie de subventions.

C’est la raison pour laquelle, comme l’ont dit Patrick Devedjian et Éric Woerth, nous avons retenu la voie de l’investissement, créatrice d’activité et de valeurs, et susceptible de contribuer à lutter contre le chômage à défaut de maintenir l’emploi.

En matière d’analyse économique, je souhaite maintenant vous indiquer comment se décomposent les 65 milliards d’euros, Patrick Devedjian ayant légitimement, dès lors qu’il agrégeait d’autres sommes, notamment au titre du plan de financement et de recapitalisation des banques, ajouté d’autres éléments.

M. Henri Emmanuelli. Ça, pour agréger, il a agrégé !

M. Jean-Pierre Brard. On ratisse large !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Sur ces 65 milliards d’euros, on peut considérer que 23 milliards correspondent à des activités de soutien à l’économie et à l’emploi, soit directement au titre du plan de relance, soit au titre de mesures prises pour faire face à la crise avant la mise en place du plan de relance. Je pense notamment au fonds stratégique d’investissement que nous dotons de 6 milliards d’euros, ainsi qu’aux 300 millions d’euros qui correspondent à des mesures en faveur de l’emploi. Parmi ces 23 milliards d’euros, notons les mesures prises antérieurement pour stimuler l’activité et l’emploi au titre de la baisse des prélèvements obligatoires.

Toujours sur ces 65 milliards d’euros, 10,5 milliards correspondent à l’investissement public et 18 milliards à la solidarité et au logement. Enfin, 15 milliards d’euros correspondent aux stabilisateurs automatiques évoqués tout à l'heure par Éric Woerth et qui consistent tout simplement à ne pas compenser les pertes de recettes fiscales dans des circonstances permises en vertu des accords passés entre les Européens dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

Les 23 milliards d’euros évoqués précédemment représentent 1,3 point de produit intérieur brut qui seront injectés dans l’économie en 2009-2010. C’est grosso modo ce que font l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Certes, l’Allemagne est en train de négocier, dans le cadre de la coalition, un plan supplémentaire. En l’état des chiffres que nous connaissons et grâce à l’arrêt de la cour de Karlsruhe qui rend obligatoire un certain nombre de remboursements par l’État aux entreprises allemandes, nous sommes plus ou moins dans le même ordre de grandeur que nos voisins européens.

Cela me conduit à chiffrer rapidement l’impact en termes de croissance de ces différentes mesures, auxquelles j’ajouterai le plan de relance, les exonérations de taxe professionnelle, le doublement du PTZ et les stabilisateurs automatiques. On a un effet induit que nous estimons aujourd’hui à un point de produit intérieur brut dans la croissance française au titre de l’année 2009.

Nous avons examiné les dispositions des plans que nous connaissons de la plupart de nos voisins avec lesquels nous effectuons l’essentiel de notre commerce, c’est-à-dire les pays partenaires de la zone euro et les États-Unis. L’effet des plans, tels qu’ils sont connus aujourd’hui, c’est-à-dire sans compter les dispositifs qui seront mis en œuvre à compter du 20 janvier 2009, a été chiffré par mes services à 0,5 point de produit intérieur brut.

M. Jean-Pierre Brard. A-t-on encore les dents pour aller le chercher ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ces mesures s’inscrivent clairement dans une détermination qui reste inchangée et qui consiste, en matière de politique économique, à engager tous nos efforts au service de deux objectifs, le travail et la compétitivité, pour soutenir l’emploi dans notre pays, ce qui est indispensable alors que le chômage progresse et que les périodes d’inactivité de nos compatriotes seront probablement plus longues. C’est la raison pour laquelle la réforme de la formation professionnelle constituera un impératif absolu en 2009, au même titre que la réforme de la taxe professionnelle, instrument de financement qui viendra soutenir une réforme de fond des collectivités locales et des différents échelons locaux de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Mesdames, messieurs du groupe UMP, vos applaudissements étaient bien mous ! Vous n’avez pas l’air d’y croire beaucoup ! Ah, que c’est dur de faire partie de la majorité !

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Tout d’abord, je veux souligner la lucidité, la cohérence et la rapidité de réaction du Gouvernement, soutenu par sa majorité, face à une crise mondiale d’une ampleur sans précédent.

M. Jean Mallot. C’est vraiment ce que vous pensez ? Qui vous a écrit votre discours ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans cette bataille contre la crise, la France développe une stratégie ordonnée, à la fois rationnelle et pragmatique.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne connaissais pas Gilles Carrez en coq gaulois !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je commencerai mon intervention par quelques rappels.

En juillet 2007, alors que les effets de la crise immobilière et financière aux États-Unis commençaient à peine à se faire sentir en Europe, la majorité adoptait un plan de soutien à l’économie qui porte aujourd’hui ses fruits. J’en veux pour preuve trois exemples.

Premièrement, les fonds propres des PME bénéficient aujourd’hui de 1 milliard d’euros supplémentaires, alors que le crédit se fait rare, grâce à une mesure ISF qu’ont refusée, uniquement par idéologie, nos collègues de l’opposition.

M. Jérôme Chartier. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Deuxièmement, pourquoi le marché immobilier s’est-il moins effondré en France que dans tous les autres pays européens ? Parce que, dès juillet 2007, nous avons adopté un dispositif de crédit d’impôt sur les intérêts pour l’acquisition d’un logement.

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Troisièmement, dès juillet 2007, nous avons décidé de lancer l’expérimentation du revenu de solidarité active.

M. Henri Emmanuelli. Bref, tout va bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En octobre 2008, nous avons été l’un des premiers pays au monde à réagir de façon ordonnée face à la crise financière, afin d’éviter, comme vous l’avez fort bien dit madame la ministre, une véritable thrombose. Grâce à la garantie de l’État à hauteur de 360 milliards d’euros pour le refinancement et la recapitalisation, le crédit est reparti,...

M. Jean-Pierre Brard. Mais non, ça ne marche pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...même si ce n’est pas de façon aussi rapide qu’on le souhaiterait. J’en veux pour preuve l’augmentation de 0,3 % des encours de crédits à l’économie.

Sachez, madame, messieurs les ministres, que les parlementaires sont décidés à suivre de près les obligations des banques en contrepartie de l’aide de l’État.

Le comité de suivi qui a été mis en place,...

M. Jean-Pierre Brard. Le comité Théodule !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et dont Didier Migaud et moi-même faisons partie, se réunira dès la fin du mois de janvier afin d’analyser la situation. Nous multiplierons les déplacements dans les départements pour voir comment le crédit est restauré dans notre économie.

M. Henri Emmanuelli. Vous allez être surpris !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ajoute que les instruments techniques que nous avons choisis, en liaison avec nos amis britanniques, étaient les outils appropriés. Il s’agissait d’une garantie bancaire de l’État à la fois pour refinancer et recapitaliser, et non pas du cantonnement, comme le prévoyait le premier plan Polson, des actifs toxiques dans des structures publiques. Tout le monde nous a suivis sur ce point.

M. Charles de Courson. On a déjà donné !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’en viens maintenant à la troisième étape, celle dont nous traitons aujourd’hui.

Après avoir évité la thrombose financière, nous accélérons le soutien à l’économie par le biais de mesures qui sont contenues à la fois dans le collectif budgétaire de 2008 et dans celui qui nous est soumis aujourd’hui.

Ce plan de relance a pour caractéristique de ne pas être proposé dans le désordre, dans la dispersion. Ce n’est pas une stratégie tous azimuts.

Il y a deux priorités claires.

Première priorité, le soutien aux entreprises et à l’emploi grâce à l’exonération de taxe professionnelle des investissements des entreprises, le soutien de leur trésorerie par le biais de l’accélération du paiement des dettes de l’État notamment vis-à-vis des PME, l’aide à l’embauche pour les petites entreprises de moins de dix salariés.

M. Henri Emmanuelli. Et les clients ?

M. Jean-Pierre Brard. Quand il n’y a pas de travail, on n’embauche pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Seconde priorité, l’accélération de l’investissement public, qu’il s’agisse des investissements de l’État ou des collectivités locales, par le biais d’une forte incitation au titre du FCTVA.

Chers collègues, je voudrais vous montrer à quel point cette stratégie rationnelle, cohérente, diffère avec les plans de relance massifs et à l’aveugle que nous avons connus par le passé.

En 1975,…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Au siècle dernier !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …le plan général n’a conduit qu’à entretenir la stagflation.

En 1981 – je ne pensais pas le rappeler, monsieur Emmanuelli, mais je ne peux pas laisser passer vos propos totalement injustes vis-à-vis d’Éric Woerth –, il me semble qu’à l’époque, vous vous occupiez du budget.

M. Henri Emmanuelli. J’avais cinq fois moins de déficit que lui ! Et vous disiez que c’était une catastrophe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous aviez dû bloquer les magnétoscopes à Poitiers, parce que le dispositif, entièrement concentré sur la consommation, ne favorisait que les importations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. C’est vrai !

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes à 14 milliards !

M. Jérôme Cahuzac. C’est toujours à Poitiers qu’on bloque les choses ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Durant les mois qui ont suivi, il a fallu multiplier les dévaluations – vous vous en souvenez, monsieur Emmanuelli ? Il a fallu supplier l’Arabie Saoudite de nous prêter de l’argent. Nous avons frôlé la tutelle du FMI.

M. Henri Emmanuelli. Mais oui ! Et les chars russes sont arrivés sur les Champs Élysées !

M. Yves Albarello. Vous avez la mémoire courte !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis content parce des collègues qui étaient dans l’hémicycle à l’époque, notamment dans l’opposition, s’en souviennent parfaitement.

Tout cela a engendré la maladie des déficits publics dont nous souffrons depuis trente ans. C’est en effet à cette époque-là que les déficits publics systématiques ont été créés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes un menteur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quand on calibre mal un plan de relance, chers collègues, cela se termine par un plan de rigueur : 1983, tout le monde s’en souvient, jamais la France n’avait connu un tel plan de rigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Jean-Pierre Brard. Vous ne savez même pas pourquoi vous applaudissez !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Carrez, puis-je vous interrompre ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous en prie, monsieur Emmanuelli.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, avec l’autorisation de l’orateur.

M. Henri Emmanuelli. Je voudrais simplement rappeler deux chiffres.

À l’époque, j’étais secrétaire d’État au budget : nous avions un déficit en francs qui équivalait à environ 11 milliards d’euros, c'est-à-dire huit fois moins qu’aujourd’hui.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Non !

M. Henri Emmanuelli. Et la droite se levait pour dire que c’était une catastrophe financière. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Woerth, ministre du budget. Raisonnez en points de PIB !

M. Henri Emmanuelli. Huit fois moins qu’aujourd’hui !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Mais non !

M. Henri Emmanuelli. Par ailleurs, je rappelle que les pointes de déficit public dans ce pays ont correspondu à chaque fois – les statistiques de l’OCDE en font foi – à la présence d’un ministre de droite à Bercy.

M. Frédéric Lefebvre. Vous avez un culot d’enfer ! Vous masquez la vérité !

M. Henri Emmanuelli. Vous pouvez le vérifier quand vous voulez.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Et en 1993 ?

M. le président. Vous pouvez poursuivre, monsieur le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Emmanuelli, je vais vous prouver ma bonne foi. Le 22 décembre dernier, lors du débat sur le collectif de 2008, j’ai écouté avec la plus grande attention Didier Migaud, Michel Sapin et Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Nous allons recommencer !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tous les trois ont salué le volet du plan sur le soutien aux entreprises et sur les investissements publics mais l’ont jugé insuffisant. Pierre-Alain Muet l’a dit lui aussi.

M. Pierre-Alain Muet. Oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le plan ne comportait pas, selon eux, une dimension suffisante en termes de consommation.

M. Henri Emmanuelli. Ils avaient raison !

M. Jérôme Cahuzac. Jusque-là, ça va !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais vous répondre de la manière la plus précise parce que le sujet est important.

Le soutien à la consommation, le soutien du pouvoir d’achat, est, pour nous, une préoccupation constante, qui accompagne toutes les réformes que nous conduisons depuis 2007.

M. Gérard Bapt. Le pouvoir d’achat de qui ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est dans notre pays que les transferts sociaux, RMI, PPE, AAH, API, allocation logement, sont les plus importants – beaucoup plus qu’en Allemagne ou qu’en Grande-Bretagne. Nous n’avons eu de cesse, depuis 2002, de majorer ces transferts sociaux. Je vous rappelle que c’est nous qui avons plus que doublé la prime pour l’emploi.

Éric Woerth rappelait tout à l’heure toutes les augmentations qui avaient été décidées, concernant le minimum vieillesse, l’AAH, les retraites. Cela permet d’injecter aujourd’hui des milliards d’euros dans notre économie – et je ne parle pas de l’augmentation de la prime à la cuve ou de la prime à la casse, autant de dispositions qui bénéficient directement à la consommation.

M. Jérôme Cahuzac. Vous voulez casser la cuve ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et, surtout, qui a inventé le RSA ? Qui le met en place ? C’est nous ! Nous l’expérimentons depuis 2007, et il y a déjà six mois, nous avons décidé d’y consacrer 1,5 milliard de plus.

Toutes ces dispositions sont intelligentes parce qu’elles sont continues.

Mme Marie-Anne Montchamp. Exactement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour nous, le pouvoir d’achat, la consommation, ce n’est pas l’affaire d’un instant, ce n’est pas l’affaire d’un texte, c’est une politique continue que nous menons depuis maintenant deux ans.

M. Jean-Pierre Brard. Et les 15 milliards pour le TEPA ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous oubliez toutes ces mesures, mais elles ont bien été prises par nous, parce que nous avons anticipé. Et les résultats sont au rendez-vous, regardez les chiffres.

M. Jean-Pierre Brard. Plus de chômeurs !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le revenu disponible des Français a progressé ces derniers mois.

M. Jean-Pierre Brard. Pour qui ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel est le pays européen où la consommation a augmenté au mois de novembre ? C’est en France, avec plus 0,3 % ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. Pour les bourgeois !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le pouvoir d’achat, c’est notre préoccupation.

M. Jérôme Cahuzac. On va voir !

(M. Rudy Salles remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La meilleure protection du pouvoir d’achat, c’est encore la baisse de l’inflation. Or toutes les mesures que nous avons prises, notamment à l’occasion de la loi de modernisation de l’économie, conduisent aujourd’hui à une baisse de l’inflation.

M. Jean-Pierre Brard. Vous protégez les pauvres du luxe, de peur que cela leur donne de mauvaises habitudes.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai que le contexte international nous aide : quand vous dépensez moins à la pompe à essence ou pour acheter des produits alimentaires, vous avez plus de pouvoir d’achat.

Mais, comme nous sommes pragmatiques, nous n’excluons pas des mesures supplémentaires.

Je rappelle que, dès le 1er juin, vont être ouverts les droits au RSA. S’il faut donner une impulsion supplémentaire, c’est à ce moment-là que nous pourrons le faire.

Je rappelle aussi que, dès le 1er avril 2009, une prime de 200 euros sera versée à 4 millions de ménages, ce qui représente un effort de plus de 700 millions d’euros.

Je pense que ceci est beaucoup plus pertinent que ce que peuvent faire les Anglais avec une baisse générale de TVA, à l’aveugle.

M. Charles de Courson. Et temporaire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En privé, Gordon Brown s’en rend d’ailleurs compte aujourd’hui : cette décision aura les mêmes inconvénients que les mesures que vous aviez prises en 1981.

Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On favorise excessivement, de façon unilatérale, les importations ou les baisses générales d’impôts. Je pense notamment à l’Allemagne, qui va décider une baisse générale de l’impôt sur le revenu. Mais le contexte politique est très particulier, avec une sorte de solidarité entre la CDU et la CSU bavaroise.

Nous, notre priorité, c’est la consommation, le pouvoir d’achat, d’abord des ménages les plus modestes. Et nous avons mis en place des instruments pour aller dans cette direction.

M. Jean-Pierre Brard. Arrêtez !

M. Henri Emmanuelli. Non, vous ne pouvez pas dire ça !

M. Yves Albarello. Mais si, le RSA, c’est nous !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Alors, ne nous donnez pas de leçons, monsieur Emmanuelli, nous sommes tout aussi attachés que vous à la consommation, au pouvoir d’achat des plus modestes, mais nous, nous mettons en œuvre cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. On vous répondra !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quelques mots sur le plan de relance lui-même.

Tout d’abord, ce point est essentiel, il n’est pas isolé. C’est un plan qui s’inscrit dans une coordination européenne et là, je veux saluer l’action extraordinairement efficace du Président de la République, Président de l’Union européenne, qui a su désarmer petit à petit toutes les réticences. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Brard. Les courtisans applaudissent !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n’était pas facile de convaincre nos amis allemands.

Aujourd’hui, notre plan a des chances de réussir parce qu’il s’insère dans cette coordination européenne. Il a été approuvé, vous y étiez, madame la ministre, lors du conseil européen du 12 décembre dernier.

M. Henri Emmanuelli. On va voir le résultat ! Cela va être fabuleux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ensuite, je veux souligner l’efficacité du plan. Chers collègues, l’argent public est rare. Les déficits cumulés depuis des décennies sont très élevés. La dette est lourde.

M. Pierre-Alain Muet. Oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut donc utiliser au mieux cet argent public.

Or l’efficacité de ce plan, c’est ce fil rouge que décrivait, il y a un instant, Patrick Devedjian.

M. Jean-Pierre Brard. Lui, rouge ? Jamais !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’investissement, le soutien aux entreprises, ce sont des dépenses d’anticipation, elles ne viendront pas s’additionner à cette chape de 53 % de dépenses publiques que nous traînons depuis des années et que nous n’arrivons pas à réduire, alors que les Suédois ont réussi à les faire passer de 67 % à moins de 55 % aujourd’hui. Il ne s’agit pas, dans ce plan, de dépenses permanentes, de dépenses récurrentes.

Prenons la mesure sur la taxe professionnelle. Tout le monde est d’accord pour considérer qu’on ne pouvait pas continuer avec un impôt qui pesait uniquement sur l’investissement. Depuis le 23 octobre dernier, cette taxe professionnelle ne concerne plus les nouveaux investissements. Quelle mesure plus puissante ?

La seule question que je me pose – et je profite de la présence parmi nous de trois ministres –, c’est par quoi nous allons la remplacer. Il faut y réfléchir rapidement pour agir au plus vite.

M. Jérôme Cahuzac. Oui, on a fait le plus facile.

M. Lionel Tardy. Chacun en convient.

M. Yves Albarello. Mais nous, nous faisons des choses !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. S’agissant des dépenses d’investissements publics, tout va se jouer sur le terrain. À ce propos, le texte que vous allez défendre, madame de La Raudière, est vital. Si nous n’arrivons pas à accélérer les marchés publics, si nous ne supprimons pas toutes sortes de procédures qui nous entravent, nous ne pourrons pas anticiper ces investissements. C’est à nous, parlementaires, d’assurer un travail de suivi étroit sur le terrain.

Monsieur le ministre, vous avez accepté l’idée, que j’avais proposée, de parlementaires en mission, que ce soit sur le logement, sur les investissements des collectivités, sur les transports. En effet, tout viendra du terrain. Nous ne devons prendre que les investissements qui ont des chances de donner lieu à un premier coup de pioche à un horizon d’un an maximum.

M. Lionel Tardy. C’est bien de le dire !

M. Jean-Pierre Brard. Attention aux coups de pioche ! Trotsky s’en souvient encore ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sera notre devoir aux uns et aux autres, dans chaque département, de voir quels sont les deux ou trois investissements nécessaires et de les mettre en œuvre.

M. Lionel Tardy. Bravo !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce plan prévoit par ailleurs un soutien spécifique au logement. Pierre Méhaignerie le sait bien, l’instrument logement est irremplaçable dans la boîte à outils de l’État. Pourquoi nous sommes-nous battus avec un certain nombre de collègues, François Scellier, Michel Piron et d’autres, pour faire passer le message que la politique du logement ne se découpe pas, que c’est une politique globale ? Beaucoup est fait sur le locatif social, l’accession sociale, notamment avec le doublement du prêt à taux zéro. Nous avons également traité l’investissement locatif qui représente une part substantielle de la construction de logements. Si nous réussissons à garder la construction de logements au-dessus de la barre des 400 000, cela fera une sacrée différence avec les 300 000 des années 1998, 1999, 2000, où pourtant nous étions en pleine croissance économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Dumont. Occupez-vous également des réhabilitations, de la qualité de ce qui existe !

M. Henri Emmanuelli. Vous voulez comparer les résultats ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans le domaine de l’automobile, tout le monde s’est moqué de la prime à la casse.

M. Jean-Pierre Brard. Patrick Devedjian, lui aussi, s’est moqué !

M. Henri Emmanuelli. Ce sont les trois points de croissance que vous regrettez.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On peut peut-être en dire beaucoup de choses, mais cela marche et les premiers résultats sont là. Je pense aussi que les mesures préconisées sur la sous-traitance sont excellentes.

Monsieur le président, si vous le permettez, je dirai encore quelques mots, parce qu’un rapporteur du budget doit aussi, parfois, dire des choses un peu ingrates.

M. Jérôme Cahuzac. Cela ne va pas être facile.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce plan de relance représente quand même, Éric Woerth ne me démentira pas, une vingtaine de milliards d’euros de déficit en plus. Nous serons passés, de septembre, date d’approbation du projet de loi de finances pour 2009 par le conseil des ministres, à aujourd’hui, de 52 milliards d’euros de déficit à 79 milliards d’euros.

M. Jean-Pierre Brard. Et ce n’est pas fini !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il va falloir les financer. Tout cela est préoccupant.

M. Jérôme Cahuzac. Oui, jusque-là, nous sommes d’accord.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il va falloir que ces dépenses soient exclusivement d’anticipation parce que, chers collègues, une dette trop élevée entraîne une incapacité pour l’État d’investir – c’est l’étouffement, l’étranglement progressif. Je vous rappelle qu’en 2008, nous avons dû rajouter 4 milliards d’euros, c'est-à-dire deux fois le budget de la culture, pour seulement financer les intérêts de la dette.

Je rappelle aussi qu’en 2009, compte tenu du niveau de déficit de 79 milliards, il va nous falloir emprunter uniquement en moyen et long termes, en OAT, en BTAN, près de 150 milliards d’euros.

M. Jérôme Cahuzac. Là, vous n’applaudissez pas, messieurs ?

M. Lionel Tardy. On écoute !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et nous devrons emprunter en BTF, à moins d’un an, 20 à 25 milliards d’euros.

La France est très bien notée, elle n’aura aucun problème pour trouver ces fonds, mais je m’interroge, je l’ai dit d’ailleurs le 22 décembre dernier à Éric Woerth. Nous avons inscrit une provision de 43 milliards d’euros pour couvrir les intérêts de la dette, je ne suis pas sûr que l’on tienne dans ces 43 milliards, parce que cette somme avait été calibrée pour un déficit à 52 milliards. Or nous serons à 79 milliards.

M. Henri Emmanuelli. Davantage !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut vraiment que l’on croise les doigts et qu’on obtienne une baisse très rapide de l’inflation et des taux d’intérêt. Sinon, nous n’arriverons pas à tenir.

Si nous ne voulons pas que cette dette qui pèse sur nous ait un effet boule-de-neige, il faudra revenir le plus rapidement possible à des déficits compatibles. Avec une croissance à 2 %, pour que la dette soit simplement stabilisée, je ne pense même à une diminution – elle sera en fin d’année, malheureusement, autour de 69 %, 70 % du PIB –,…

M. Jérôme Cahuzac. Où était-elle en 2001 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …il faudra que le déficit global redescende dès 2010 à 2,7 points de PIB.

M. Jean-Pierre Brard. Vous y croyez ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Oui, j’y crois parce que nous, nous sommes volontaristes et souhaitons réellement rééquilibrer nos finances publiques ! Et puis, mes chers collègues de l’opposition, vous ne pouvez pas à la fois nous dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour ceci ou cela et, en même temps, brandir l’argument des déficits et de la dette ! Cela n’est pas cohérent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour conclure, chers collègues, après avoir attiré votre attention sur cette nécessité absolue de conserver en ligne de mire – cela doit être notre ligne bleue des Vosges – le retour à l’équilibre de nos comptes publics, je vous invite, comme l’a fait la commission des finances, à adopter ce collectif budgétaire de début 2009, car il marque une nouvelle étape dans une stratégie pragmatique et cohérente…

M. Jean-Pierre Brard. C’est un chemin de croix !

M. Gilles Carrez, rapporteur général.… qui prend en considération la rareté de l’argent public, qui va à l’essentiel et qui, j’en suis sûr, va réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Brard. À quand la dernière station ?

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

Mme Laure de La Raudière, rapporteure de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, monsieur le rapporteur général, chers collègues, comme vous le savez, la crise financière et économique que traverse le monde est sans précédent.

Dès le commencement de cette crise, le Président de la République et le Gouvernement ont formidablement réagi et ont pris très rapidement, tant sur le plan national que sur le plan international, les mesures qui s’imposaient pour éviter la faillite du système bancaire.

Je souhaite à nouveau rappeler qu’en décidant tout de suite un plan de sauvetage des banques, ce ne sont pas des milliards que l’on donne aux banques, ce sont les économies et l’emploi des Français que l’on sauvegarde.

M. Jean-Pierre Brard. Combien de chômeurs supplémentaires ?

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Il faut faire cesser les mensonges à ce sujet : le plan de sauvetage des banques sert à tous les Français !

Conscient de l’impact de la crise financière sur l’économie de la France et de la dégradation rapide de la situation économique de notre pays, le Président de la République a présenté, le 4 décembre à Douai, un plan de relance très important de 26 milliards d’euros. Un mois après seulement,…

M. Jean-Pierre Brard. Un mois après : soixante-huit chômeurs de plus ! C’est ça le résultat de votre politique : de la misère, de la souffrance !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure.… nous sommes rassemblés pour débattre des dispositions de ce plan. Saluons tous ensemble, avec vous, monsieur Brard,…

M. Jean-Pierre Brard. Sûrement pas ! Entre le cheval et le cavalier, il n’y a pas de compromis !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. …la rapidité du Gouvernement à proposer des mesures complémentaires pour faire face à la crise. Cette rapidité de décision et d’action est essentielle à la réussite d’un projet de relance. C’est ce que fait le Gouvernement et je tiens à l’en féliciter.

Le plan de relance ainsi bâti et soumis aujourd’hui à l’examen du Parlement repose principalement sur un effort d’investissement massif.

D’une part, parce que c’est la meilleure manière de soutenir l’activité et donc de maintenir l’emploi : si on accélère les versements de l’État aux grandes entreprises publiques, aux collectivités territoriales ou aux PME, ces acteurs essentiels de notre économie vont pouvoir investir dans la construction d’infrastructures, prendre des contrats et mener à bien des projets de développement. Ces investissements conditionnent le développement de notre activité de court terme. Chaque fois, ce sont des contrats en plus, des emplois nouveaux et des richesses produites !

D’autre part, parce que c’est en investissant qu’on prépare l’avenir.

M. Jean-Pierre Brard. C’est banal ! Helmut Schmidt disait déjà cela !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Quand l’État met de l’argent dans l’enseignement et dans la recherche, on prépare les générations futures à construire la France de demain. Quand les entreprises publiques mettent de l’argent dans des lignes à grande vitesse, on modernise le territoire et on le rend plus attractif.

D’un montant de 26 milliards d’euros, ce plan de relance économique vient compléter les mesures déjà prises à l’automne : sécurisation de notre système bancaire afin de permettre à nouveau l’attribution de crédits, relancement du secteur du logement avec le doublement du prêt à taux zéro ou soutien au secteur de l’automobile avec l’instauration d’une prime à la casse.

Ce plan retient un large éventail de mesures, en particulier en matière d’investissement : l’accélération des investissements publics, l’investissement pour le logement ou l’automobile, le renforcement des entreprises par le remboursement anticipé des sommes dues par l’État, ou encore l’allégement des procédures d’appel d’offres.

Afin de soutenir l’activité, le plan prévoit aussi des actions concrètes vis-à-vis du financement de l’emploi dans les TPE par une exonération des charges sociales au niveau du SMIC de tout nouvel emploi créé. Et surtout, le plan n’oublie pas les ménages les plus fragilisés en attribuant une prime de solidarité active de 200 euros dès le mois d’avril 2009 aux futurs allocataires du RSA et en attente de la mise en application de celui-ci au 1er juillet 2009.

La désignation d’un responsable ministériel en charge du plan de relance est le signe de l’importance de la réalisation des objectifs du plan de relance.

M. Jean-Pierre Brard. C’est le recyclage des chômeurs de l’UMP !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. C’est aussi la garantie d’un pilotage transverse et efficace de l’ensemble des mesures du plan de relance.

M. Jean-Pierre Brard. Pervers, c’est sûr ; tranverse, c’est à voir !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Le plan de relance économique prend en compte également, et c’est là un élément important d’originalité, les blocages que peuvent connaître les programmes de construction et d’investissement. Il simplifie en particulier les diverses procédures qui contribuent dans les faits à allonger les délais d’exécution des programmes d’investissement comme des marchés publics. Tel est bien l’objet du projet de loi dont je suis fière d’être la rapporteure.

M. Jean-Pierre Brard. Vous rougirez dans le futur !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Monsieur Brard, permettez-moi de vous dire que l’on peut rougir de fierté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Cahuzac. Ou de plaisir ! (Sourires.)

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Brard. La première fois on peut rougir d’innocence, mais pas de fierté !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Le texte qui nous est soumis comporte des mesures significatives, souvent réclamées depuis longtemps par les acteurs économiques.

Les articles 1 à 5 du projet de loi visent à donner plus de souplesse au régime d’autorisation de construction de logements comme à faciliter les programmes d’investissement publics aussi bien que privés. Ils comprennent aussi des dispositions facilitant l’utilisation des contrats de partenariat, en particulier pour les PME.

L’article 6 vise à habiliter le Gouvernement à créer un régime d’autorisation simplifiée pour les installations classées pour la protection de l’environnement en fonction de leurs impact réel ou potentiel.

M. Jean-Pierre Brard. Qu’en dit le Harry Potter du Valenciennois ?

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Vous savez comme moi que de telles installations sont environ 54 000 en France. Ce dispositif intermédiaire entre le régime déclaratif, peu exigeant, et le régime d’autorisation existant, particulièrement lourd et long – bien souvent douze à quinze mois d’instruction de dossier –, est de nature à favoriser l’investissement dans l’outil industriel. Cela va concerner environ 12 000 installations.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai : les fumées ça décore et les rayonnements ça dynamise !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. La commission a souhaité enrichir le texte de plusieurs dispositions. Elle propose notamment un allégement des procédures de révision des plans locaux d’urbanisme dans le cas de modifications mineures afin d’accélérer les délais d’investissement dans la construction et de simplifier la vie des collectivités locales.

Dans cet esprit de réduction des délais, la commission a aussi souhaité encadrer les délais de réponse et d’engagement des travaux en matière d’archéologie préventive. Je tiens à signaler ici qu’elle reste très attachée aux travaux de l’archéologie préventive, car on ne peut opposer l’importance des travaux scientifiques pour notre culture ou la préservation de notre patrimoine historique au nécessaire développement économique ou à l’indispensable construction de logements.

La commission a aussi adopté un amendement très important afin d’habiliter le Gouvernement à établir un code de la commande publique. Pourquoi ? Permettez-moi de m’attarder un peu sur ce sujet.

La création d’un « code de la commande publique » qui ne soit pas une compilation à droit constant est une ambition ancienne assez largement partagée. Tout récemment encore, tant le Conseil d’État que le président Warsmann ont exprimé ce souhait. La situation actuelle est rien moins que satisfaisante. Le système français se caractérise en effet par diverses anomalies.

La première tient au caractère réglementaire du code des marchés publics, mais tel n’est pas mon propos aujourd’hui. Je vous proposerai donc ici de faire un code de la commande publique qui se limite à tout ce qui n’est pas procédures du code des marchés publics. C’est déjà une vaste ambition puisque le Gouvernement y a déjà renoncé une première fois il y a quelques années.

La seconde anomalie tient à la floraison des procédures s’agissant de ce qu’il est convenu d’appeler la gestion déléguée : baux emphytéotiques administratifs, baux emphytéotiques hospitaliers, délégations de service public, contrats de partenariats, autorisations d’occupation temporaire du domaine public, locations avec option d’achat. J’arrête là l’énumération, mais la liste est encore longue.

Un jour on s’aperçoit qu’il faut construire en urgence des hôpitaux, des gendarmeries ou des prisons, pour ne pas parler des stades, et, aussitôt, on crée une nouvelle formule ou on adapte une formule existante. Se posent, en conséquence, des problèmes de frontières. Il en résulte des risques de requalification par le juge, avec les conséquences fâcheuses qui peuvent résulter d’une annulation.

M. Jean-Pierre Brard. Combien de cas ?

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Le choix entre des formules proches est difficile et pas nécessairement optimal. En d’autres termes, les vrais critères de choix de la personne publique sont parfois la fiscalité et le niveau de transparence de telle ou telle formule.

M. Jean-Pierre Brard. Des exemples !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Il n’y a pas de gagnant à ce système. Les administrations ont du mal à réaliser des projets dans des délais et à des coûts raisonnables et les entreprises, en particulier les PME, sont victimes de l’extrême complexité de ce système du code de la commande publique.

Nous souhaitons donc un code qui permette une refonte globale de ce droit de la commande publique en suivant les grandes directions suivantes :

Un « élagage » significatif du nombre de procédures, facteur de simplification considérable ;

Sur la base de cet élagage, partons d’un tronc commun de règles pour définir ensuite, lorsque nécessaire, les dispositions propres à chaque procédure ;

Et limitons les règles au strict respect du droit communautaire ! Laissons le reste à l’initiative contractuelle ! C’est une question de bon sens.

M. Jean-Pierre Brard. Vive la corruption !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Accélérons donc l’engagement d’une réflexion parallèle sur la poursuite et le renforcement de la professionnalisation des acheteurs publics ! Poursuivons l’élaboration de contrats types !

M. Jean-Pierre Brard. C’est donc comme cela que vous appelez la corruption !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Pour conclure, madame, messieurs les ministres, comme vous l’avez souligné, nous commençons à voir les résultats des mesures prises à l’automne. Mme la ministre nous a donné des chiffres encourageants sur l’attribution des crédits par les banques, qui montrent un redémarrage, certes lent, mais très sain pour le développement économique.

M. Jean-Pierre Brard. Donnez-nous les chiffres ! C’est infinitésimal !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Je salue l’initiative et l’action du Gouvernement qui nous propose rapidement ce plan de relance. Celui-ci est fondé sur l’investissement afin de préparer et de préserver l’avenir. Il n’oublie pas les ménages les plus modestes…

M. Jean-Pierre Brard. Ça, ce n’est pas vrai !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. …et simplifie les procédures administratives lourdes afin d’accélérer les investissements publics et privés.

M. Jean Bardet. Ça, c’est vrai !

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. C’est aussi comme cela que l’on modernisera la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. Madame, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, mes chers collègues, avant de commenter le plan dit de relance par lequel le Gouvernement entend contrecarrer la crise économique, je voudrais revenir, en quelques mots, sur la crise financière qui l’a précédée et qui l’accompagne. J’exprimerai une tonalité quelque peu différente de celle des interventions précédentes.

M. Jean-Pierre Brard. C’est rassurant !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il y a trois mois, le Gouvernement a soumis au Parlement un collectif d’automne visant principalement à apporter un soutien massif au secteur bancaire, afin d’enrayer la crise de liquidités et de crédit qui menaçait tout le système de financement de l’économie. Une intervention publique, rapide et massive était effectivement indispensable.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire, j’ai regretté avec beaucoup d’autres, l’absence de contrepartie suffisante exigée des établissements bancaires. Certains États membres de l’Union européenne ont, eux aussi, soutenu leurs banques, tout en demandant et en obtenant plus. Le Royaume-Uni a procédé à des quasi-nationalisations. L’Allemagne a été plus exigeante en termes de rémunération des dirigeants et de versement de dividendes. Nos collègues du Bundestag l’ont confirmé au bureau de notre commission des finances, il y a trois semaines.

Du côté français, il a fallu de la ténacité à notre commission et à celle du Sénat pour obtenir que soit concrétisée la mise en place d’un comité composé des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances, du gouverneur de la Banque de France et des directeurs du Trésor et du budget, chargé de suivre la mise en œuvre des deux dispositifs de soutien aux banques créés par ce collectif. Je vous remercie, madame la ministre, d’y avoir veillé de votre côté.

Les plafonds de garantie et d’emprunt autorisés par le Parlement sont sans précédent : l’enveloppe est de 360 milliards d’euros, et les parlementaires doivent pouvoir contrôler que tout est fait pour que l’activité bancaire soit effectivement au service de l’économie. Pourtant, aux dires mêmes du médiateur du crédit, des entreprises en simple besoin de trésorerie se voient refuser le renouvellement de lignes de crédit, à moins que leurs dirigeants ne se voient demander des garanties personnelles inappropriées. Ces exemples rejoignent les témoignages que nous avons tous entendus dans nos circonscriptions.

Il importe de vérifier, comme le fera le comité de suivi qui tiendra sa première réunion à la fin du mois de janvier, que les banques respectent leurs engagements, bien modestes en réalité, puisqu’ils ne consistent qu’à maintenir le même rythme de progression des encours de crédits qu’en 2007. Le chiffre que vous avez annoncé, madame la ministre, le confirme. Cet objectif est le premier à atteindre pour atténuer la crise économique, dont nous avons vu les effets en France dès cet été, lorsque les chiffres de l’emploi se sont brutalement détériorés.

Le projet de loi de finances pour 2009, tel qu’il nous a été présenté en septembre, était peu réaliste. M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique le reconnaît. Il reposait sur des hypothèses de croissance évidemment – et malheureusement – trop optimistes, nous avons été nombreux à le dire. Il rognait sur les dépenses d’intervention, comme celles de l’emploi et du logement, alors qu’à l’évidence, c’est là que l’État devait porter ses efforts. Bref, de révision en révision, nous voici arrivés à ce plan de relance, annoncé à hauteur de 26 milliards d’euros.

Pour être pertinent et efficace, un plan de relance doit réunir quatre caractéristiques : il doit être global, massif, d’effet immédiat et équilibré entre relance de la demande – c’est-à-dire soutien au pouvoir d’achat – et soutien à l’investissement.

M. Jérôme Cahuzac. Très juste !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Est-ce bien ce que vous nous proposez ?

M. Jérôme Cahuzac. Non !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il est permis d’en douter. Analysons ce plan, terme à terme.

Premièrement, est-il global et massif ? Vingt-six milliards d’euros, pour la France, est-ce assez ? Votre proposition est-elle à la hauteur de la situation ? Le FMI alerte les pays depuis plusieurs semaines sur l’ampleur exceptionnelle de la crise. Il préconise d’agir vite et fort, et demande que les grands pays industrialisés adoptent tout de suite une relance budgétaire de 2 % de leur PIB, quitte à l’accroître prochainement jusqu’à 3 % si nécessaire. La Commission européenne, quant à elle, a estimé que les États membres devaient injecter 200 milliards d’euros dans leurs économies, soit 1,5 % du PIB de l’Union, 170 milliards relevant de la charge des États eux-mêmes.

Qu’il s’agisse du FMI ou de la Commission, il est intéressant de relever qu’ils demandent une action coordonnée des États car, bien entendu, il est fondamental qu’ils agissent tous dans le même sens. Il n’est pas question de relancer la consommation dans un pays au seul profit des autres économies.

D’ores et déjà, la Grande-Bretagne a adopté un plan de l’ordre de 24 milliards d’euros. L’Allemagne va lancer un second plan de 50 milliards d’euros. Le Japon, la Chine et les États-Unis doivent adopter des mesures dépassant les mille milliards d’euros. Une série de plans de relance budgétaire se mettent donc en place simultanément dans les pays de l’OCDE et en Chine.

Dans ce contexte, que fait la France ? Le ministre chargé de la mise en œuvre de la relance nous a dit hier qu’elle allait affecter, au total, 428 milliards d’euros supplémentaires à l’économie. Quatre cent vingt-huit milliards, soit 20 points de PIB ? Dans ce cas, le plan est massif. Mais je crains que le ministre, emporté par son enthousiasme, n’ait procédé à des additions audacieuses…

M. Jérôme Cahuzac. Comme au conseil général des Hauts-de-Seine ?

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …en mêlant, par exemple, garanties et dotations budgétaires. Non, ce ne sont pas 428 milliards d’euros qui vont être injectés, en 2009, dans notre économie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous jugulons la crise financière. C’est cela qui compte !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Revenons à la réalité : avec 26 milliards d’euros annoncés, la France affiche une relance à hauteur de 1,3 % de son PIB, ce qui paraît timide, si l’on considère que l’une des clés du succès de ces plans tient au caractère massif des interventions.

Deuxièmement, ce plan est-il d’effet immédiat ? Est-ce bien en 2009 qu’il produira ses effets ? Sur 26 milliards d’euros, 4 sont à la charge des entreprises publiques et non du budget de l’État. Il s’agit d’EDF, de GDF Suez, de la RATP, de la SNCF et de La Poste. Quelle est la position de leurs organes dirigeants ? L’effort demandé leur paraît-il compatible avec la situation actuelle de leurs comptes et avec leurs programmes d’investissement, qui étaient déjà décidés pour 2009 ?

Vingt-six moins quatre, ce sont donc 22 milliards d’euros qui devraient peser sur le budget de l’État. Mais, en réalité, en 2009, ce sont plutôt 18,5 milliards d’euros, puisque le doublement du prêt à taux zéro ne commencera à avoir un coût qu’en 2010, que 500 millions d’euros de crédits de la défense sont déjà ouverts, que des ajustements sont à faire en matière de logement et que certains des crédits de paiement ne seront engagés qu’en 2010. Dix-huit milliards d’euros et demi, en 2009, c’est moins de 1 % du produit intérieur brut !

Deuxième observation : une large part des sommes comptabilisées au titre des dépenses supplémentaires en 2009 correspond à une simple anticipation de versements qui devaient être faits de toute façon : remboursements de créances fiscales pour plus de 9 milliards d’euros, ou augmentation des avances sur les marchés publics, pour 1 milliard.

Troisième observation, qui est une véritable préoccupation : les dépenses envisagées pourront-elles être effectives en 2009 ? Je reviens sur le surcroît d’investissement demandé aux entreprises publiques. Est-on assuré que celles-ci pourront enclencher des grands chantiers supplémentaires dès les premiers mois de 2009 ? Quelle est la part de chacune d’elles ? Je note que la société Réseau ferré de France était citée dans le discours du président de la République, mais n’a finalement pas été incluse dans le plan. Un de ses responsables n’a-t-il pas déclaré : « Pour nous, le fait d’accélérer un chantier n’est pas une question d’argent ». Il se pose un problème de faisabilité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Les entreprises publiques et l’État, qui s’est engagé lui-même sur 4 milliards d’investissements supplémentaires en 2009, ont-ils les moyens de leurs ambitions ?

Enfin, dans la mesure où ces opérations d’investissement pourraient être réalisées en 2009, en a-t-on estimé les effets en termes d’emplois et, au final, de pouvoir d’achat ? À partir de quand se feront-ils sentir en 2009, et pour quel volume d’emplois et de pouvoir d’achat ?

Qu’attend-on surtout des collectivités territoriales, qui réalisent 75 % de l’investissement public ? Le rapporteur général, comme vous-même, monsieur Devedjian, relève « l’effet de levier du dispositif pris en charge par l’État [...] qui conduira les collectivités locales à accroître leurs efforts ». Mais, il y a quelques mois, j’avais cru comprendre que l’on estimait qu’elles dépensaient trop.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En fonctionnement, pas en investissement !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Non, monsieur le rapporteur général. C’était le besoin de financement des collectivités territoriales qui était en cause, ce qui correspond, vous le savez bien, à de strictes dépenses d’investissement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Quand on dit que les collectivités territoriales contribuent à une aggravation du déficit des comptes publics, il faut toujours préciser que leur besoin de financement correspond à des dépenses d’investissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. De toute façon, le fonctionnement conditionne l’investissement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si l’on fait de l’autofinancement, on y arrive !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En d’autres lieux, monsieur le rapporteur général, vous partagez totalement mon point de vue. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Sait-on ce que les collectivités locales sont en mesure de réaliser, même si elles bénéficient de l’anticipation des versements du FCTVA ? La lecture du programme de stabilité transmis à la Commission européenne, le 22 décembre dernier, n’est guère éclairante sur ce point, puisque le rythme de dépense des collectivités territoriales, au contraire de celui de l’État, ne semble pas modifié par le plan de relance, non plus que leur besoin global de financement. Il est assez étonnant de considérer, comme le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, que l’on peut leur demander plus, sans que cela ait aucune conséquence sur leur besoin de financement, par rapport au solde des comptes publics. C’est encore une des inconnues qui entourent les propositions formulées par le gouvernement français dans le cadre du plan de stabilité.

M. Gérard Bapt. Mystère et boule de gomme !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Troisièmement, ce plan est-il équilibré entre demande et offre ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Oui !

M. Jean Mallot. Bien sûr que non !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Est-il bien ciblé ?

Nous avons déjà eu quelques échanges, monsieur le ministre, sur ce que devait être le plan de relance dans les circonstances actuelles. Plusieurs options s’offrent à notre pays, selon l’analyse que l’on fait de la crise, et je ne suis pas sûr que nous nous rejoignions sur ce point.

Je me reporte au discours prononcé par le Président de la République, à Douai, qui a débuté sur ces mots : « Notre réponse à la crise, c’est l’investissement, parce que nous avons des retards d’investissement considérables, des retards de compétitivité qui se sont accumulés depuis trente ans ».

Mais, si je me reporte également à l’analyse du chef économiste du FMI, la crise économique que nous traversons a pour principale composante un effondrement de la demande. La Commission européenne – il faut lui en donner acte – ne dit pas autre chose, lorsqu’elle préconise de bâtir les plans de relance sur deux piliers : l’investissement et « une injection massive de pouvoir d’achat pour soutenir la demande et restaurer la confiance ». Il y a bien nécessité d’agir immédiatement et massivement sur la demande, sans bien sûr négliger les investissements, à partir du moment où l’on peut les engager rapidement. Le FMI insiste sur la nécessité d’éviter toute mesure qui incite à l’épargne, mais de cibler les interventions sur les populations les plus fragiles, qui consacreront immédiatement les sommes allouées à la consommation.

Vous allez me dire que vous avez déjà réalisé le volet « consommation », puisque vous avez fait adopter la loi TEPA, que vous complétez par quelques mesures dans ce plan, ainsi que par ce que vous présentez comme un formidable accroissement des transferts sociaux. N’est-ce pas le raisonnement que vous avez repris tout à l’heure ?

Je ne reviendrai pas sur la loi TEPA, sinon pour redire qu’elle n’est en rien un plan pertinent, efficace et juste de soutien de la demande. Ses mesures ont été prises avant le début de la crise économique, et je veux croire qu’elles n’auraient pas été les mêmes si vous l’aviez pressentie. L’exonération de 95 % des successions a-t-elle servi à autre chose qu’à renforcer la tendance à l’épargne ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. La déduction des intérêts d’emprunts immobiliers n’a-t-elle pas contribué à entretenir le haut niveau des prix dans ce secteur ? L’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires n’a-t-elle pas une responsabilité dans la destruction des emplois intérimaires et dans l’augmentation du chômage ?

M. Gérard Bapt. Si, malheureusement !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Le passage du bouclier fiscal à 50 % était-il justifié ? Moins que jamais, depuis que nous avons découvert que son mode de calcul était faussé !

M. Gérard Bapt. Scandaleusement !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je ne comprends pas que vous ne reveniez pas sur ces mesures. La relance TEPA n’a jamais été la bonne. J’en veux pour preuve l’absence de décollage de la croissance fin 2007 et début 2008, soit avant que la crise économique ne commence à produire ses effets.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Quelles sont les mesures sociales, dans le plan de relance ? La liste en est vite dressée : une prime de solidarité active, qui sera versée en avril, pour 760 millions d’euros, une dotation de 500 millions d’euros au titre de l’accompagnement des demandeurs d’emploi – qui inclut l’augmentation du nombre de contrats de transition professionnelle – et une aide à l’amélioration de l’indemnisation du chômage partiel. Si l’on y ajoute la prime à la casse, pour 220 millions d’euros, c’est moins de 1,5 milliard d’euros qui est consacré à la relance par la consommation, notamment pour les moins favorisés.

Restent les transferts sociaux, qui augmenteraient de 17 milliards en 2009 : 17 milliards d’euros, c’est en effet la progression prévisionnelle des dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base votées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Mais 17 milliards d’euros, c’est la progression normale des dépenses constatée chaque année en loi de financement ! Entre 2006 et 2007, ces dépenses ont augmenté de 17,7 milliards et, entre 2007 et 2008, de 16,9 milliards. L’augmentation prévue pour l’année 2009 est donc en adéquation avec celles des années précédentes, ni plus ni moins.

M. Michel Sapin. Eh oui ! Il n’y a rien de plus !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Une fois encore, le rythme de croissance des dépenses sociales ne semble en rien modifié par le plan de relance. On peut même s’étonner que, malgré le jeu des stabilisateurs économiques, qui devraient conduire à des pertes de recettes et à une progression plus rapide des dépenses sociales, il reste constant et que l’on n’envisage pas une dégradation plus forte des comptes sociaux.

En dehors de ces dépenses, dont la progression n’a aucun caractère exceptionnel et qui incluent même la revalorisation du minimum vieillesse, celle des petites pensions agricoles et les mesures en faveur de l’emploi des seniors, je ne vois que la revalorisation de l’allocation adulte handicapé, qui devrait correspondre à 110 millions d’euros et la création du RSA, qui représente 1,5 milliard d’euros en année pleine, soit 750 millions d’euros en 2009 : en tout, moins d’un milliard d’euros en 2009.

Loin de moi l'idée que les dépenses d'investissement ne soient pas utiles. J'aurais d'ailleurs préféré que l'accent fût mis sur des dépenses de cette nature dès l'été 2007, quand, au cours de la discussion de la loi TEPA, je trouvais vos mesures mal ciblées. Mais, en l'occurrence, je doute que votre projet réponde bien à une crise caractérisée par l'effondrement de la demande.

Dans ce plan, seuls constituent réellement une nouveauté, côté investissement, 4 milliards d’euros de dotations budgétaires de l'État et, côté consommation, 1,5 milliard d'euros. En y ajoutant, pour 2009, les mesures relatives à l'AAH et au RSA : 2,5 milliards d'euros au plus seront dirigés, sans effet différé, vers la consommation. Cela n'est pas à la mesure de la crise.

Pour conclure, je dirai quelques mots des comptes publics. Je ne vous ferai pas le procès du déficit record qui s'annonce puisque, à défaut d'être en accord avec vous sur le choix des mesures, je considère qu'à une situation exceptionnelle peut correspondre un déficit exceptionnel. Toutefois, mon inquiétude vient de ce que ce déficit fait suite à d'autres et, à ce niveau, il est le premier d'une nouvelle série qui risque d'être longue. Pour une fois, les critères de Maastricht tombent à point nommé, à partir du moment où ils permettent de retraiter les sommes en droits constatés. On ajoute, on retranche, et nous voilà à 69,5 milliards d’euros de déficit budgétaire, et, pour l'ensemble des comptes, juste en dessous de 4 % du PIB.

Mais il semble que ces chiffres n'aient déjà plus cours puisque les recettes de 2008 sont plus faibles que prévu, et qu'en conséquence, les estimations pour 2009 vont, elles aussi, être révisées à la baisse.

Quoi qu'il en soit, c'est aussi et surtout le déficit en comptabilité budgétaire qu'il nous faut examiner, car il faut le financer. Il serait de 79,3 milliards, voire de 81 ou de 82 milliards d'euros, si vous nous confirmez la moins-value des recettes en 2009. Quant aux comptes sociaux, ils connaîtront un déficit sûrement supérieur à celui de votre prévision, notamment en raison d'une évolution de la masse salariale que l'ACOSS estime entre 1,5 et 1,7 % pour 2009, et non à 2,75 %, comme vous le faites.

Le besoin de financement pour 2009 se situera, compte tenu du déficit des administrations publiques locales, au-delà de 90 milliards d'euros et sera vraisemblablement proche de 100 milliards d'euros, soit 5 % du PIB.

Votre plan étant fait essentiellement d'anticipations,..

M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je termine, monsieur le président.

M. Henri Emmanuelli. Prenez donc votre temps, monsieur Migaud. C’est remarquable !

M. Jean Mallot. C’est très bien !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …vous escomptez que le surcroît de dépenses d'investissement fait en 2009 sera autant à défalquer en 2010. J'en doute fort. Si vous parvenez à multiplier les grands chantiers, vous ne les interromprez pas à coup de simple arithmétique.

Il semble que nous soyons confrontés à l'alternative suivante : soit vous ne parviendrez pas – et on peut le regretter – à tenir vos promesses quant à l’augmentation des investissements en 2009, et votre plan de relance, insuffisant du point de vue de la demande, sera quelque peu dérisoire au regard des besoins. Vous devrez le faire suivre d'un autre plan, tout en ayant, je le crains, perdu du temps et donc de l'efficacité. Soit de nouveaux chantiers seront effectivement enclenchés au cours de 2009, ils ne produiront, en termes d'emploi et de pouvoir d'achat, que des effets différés, et il ne sera pas question d'y mettre un terme le 31 décembre de cette année. Un important déficit sera donc encore de mise en 2010, et sa réduction à 1,1 % du PIB en 2012, comme vous l'annoncez à la Commission européenne, ne semble pas à notre portée.

Comment se fera la sortie de crise ? Je crains que les emprunts de la France deviennent d'un coût plus élevé que ceux des pays voisins, en raison de la mauvaise situation de ses comptes et je redoute que notre pays se retrouve dans une position bientôt très affaiblie par rapport à celle de ses partenaires.

Je conclurai en faisant deux remarques relatives au contrôle du Parlement sur l'évolution des finances publiques.

Tout d’abord, la création de la mission « Plan de relance » me paraît être une entorse à la LOLF dans la mesure où les dotations budgétaires qui la constituent sont, en réalité, des ajouts à des crédits de missions existantes. Il sera bien difficile d'en suivre l'exécution, à l'aide d'un rapport annuel de performances qui devra nécessairement faire référence à d'autres rapports annuels de performances. Nous risquons fort de perdre en lisibilité à la fois sur le plan de relance et sur l'ensemble des politiques publiques qu'il recouvre, les indicateurs des autres missions perdant de leur pertinence.

Ensuite, une autre difficulté apparaît. Bruxelles vient d'être destinataire d'une programmation des finances publiques 2009-2012 qui ne correspond en rien à celle du projet de loi toujours en discussion au Parlement. Alors que l'objectif affiché de ce projet de loi de programmation était d'améliorer notre information et la cohérence de celle-ci avec les chiffres qui sont de longue date transmis à la Commission européenne, la situation est paradoxalement rendue moins lisible par la coexistence des deux documents. S'agissant d'une programmation censée nous lier pour trois ans et conditionner le niveau des crédits affectés à chaque mission budgétaire durant cette période, l'improvisation constante n’est pas une bonne méthode.

Il serait sage que le Gouvernement lève l’urgence qu’il a déclarée afin qu’une seconde lecture soit possible à l’Assemblée nationale. Cela lui éviterait de se retrouver dans l’obligation de déposer des amendements à l’issue d’une commission mixte paritaire dépourvue de sens.

Oui, un plan est nécessaire, mais celui que vous proposez est insuffisant. Il fait l'impasse sur la demande et donc sur le pouvoir d'achat : il est unijambiste. Il devra donc en appeler rapidement un autre, plus massif, plus équilibré et plus juste dans l'effort demandé. Le rapporteur général a déjà parlé d’un prochain plan de relance,

M. Gérard Bapt. D’un milliard d’euros !

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. …le Président de la République évoquait le sujet ce matin : vous êtes donc bien conscient de l’insuffisance du plan de relance que vous nous proposez aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. C’était remarquable ! Cela fait du bien.

M. Jean Mallot. C’était clair, net et précis.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, mes chers collègues, compte tenu du nombre d’orateurs, je ne souhaitais pas intervenir afin d’éviter de répéter ce qui a déjà été dit à plusieurs reprises. Toutefois, l’intervention de M. Migaud me conduit à prendre la parole.

M. Henri Emmanuelli. Il a été remarquable !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En effet, puisqu’il a approuvé le déficit budgétaire en en reconnaissant l’opportunité. Et je l’en remercie !

M. Henri Emmanuelli. On vous le répète depuis des mois !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce plan indispensable s’inscrit au sein d’un dispositif global, et je remercie Patrick Devedjian de proposer et de défendre un plan qui complète un dispositif existant. Car il ne s’agit pas d’un projet isolé qui viendrait aider l’économie réelle une fois la crise financière jugulée. Avant que les quatre orateurs qui défendront des motions de procédures ne reprennent le raisonnement tenu par M. Migaud, je tenais à préciser ce point.

Monsieur le président de la commission des finances, votre compétence est grande, et vous savez tout le respect que je vous porte, mais vous vous êtes comporté ici plus en politique qu’en expert en matière financière.

M. Henri Emmanuelli et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais non !

M. Michel Sapin. On peut être les deux à la fois !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais je vous le pardonne, et vous savez pourquoi.

En seulement trois mois,…

M. Gérard Bapt. Le rapporteur général a fait allusion à juillet 2007 !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …notre gouvernement a mis en place, à l’initiative du Président de la République et du Premier ministre, un dispositif global pour affronter une crise que chacun reconnaît comme étant la plus importante que nous ayons eue à subir. Ainsi, en octobre 2008, la majorité a voté dans cet hémicycle, sans l’opposition, le plan de sauvetage visant à sauver les banques. Il était alors prioritaire d’éviter que les banques fassent faillite et que les Français soient amenés à faire la queue à la porte des établissements financiers pour récupérer leurs avoirs. Cela, vous l’avez déjà oublié !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas sérieux !

M. Jérôme Cahuzac. Les dépôts sont déjà garantis à hauteur de 70 000 euros !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je rends hommage à l’initiative prise par le Gouvernement : les sommes qu’il était prêt à engager, si nécessaire, ont joué un rôle particulièrement efficace.

Monsieur Migaud, vous oubliez de parler des 22 milliards d’euros prévus pour les PME, et des 20 milliards consacrés au fonds d’investissement. Or les 26 milliards d’euros prévus aujourd’hui s’ajoutent à ces sommes.

M. Henri Emmanuelli. Vous mélangez tout !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je ne mélange pas. Un et un font deux !

M. Michel Sapin. Une carotte et un poireau, cela fait de la soupe !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Un et un font deux, monsieur Sapin, vous devriez le savoir, vous avez été ministre des finances !

Il faut additionner 22 milliards, 20 milliards et 26 milliards d’euros, et y ajouter les 300 milliards d’euros mis en réserve pour les banques. Les sommes engagées dans ce dispositif global mis en place par le Gouvernement sont donc considérables. Elles ont déjà permis de juguler la crise financière et vont désormais servir, grâce à l’intervention de Patrick Devedjian, à protéger l’économie réelle.

M. Henri Emmanuelli. Le niveau de réflexion baisse ! Vous pourriez faire un effort.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Devedjian, vos propositions répondent parfaitement aux impératifs dictés par la crise. M. Migaud a évoqué la Grande-Bretagne, d’autres pays européens et les dispositions visant à mixer l’aide à l’investissement et l’aide à la consommation. Il est possible d’ouvrir ce débat, mais le Gouvernement a répondu par avance…

M. Henri Emmanuelli. Et M. Migaud a répondu au Gouvernement !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et moi, monsieur Emmanuelli, je réponds à M. Migaud, et vous me répondrez tout à l’heure si vous voulez prendre la parole !

M. Henri Emmanuelli. On voudrait seulement que vous restiez au même niveau que M. Migaud !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement a répondu par anticipation aux questions posées. En prévoyant la prime à la casse, ou la prime de solidarité active à hauteur de 800 millions d’euros – que personne n’a évoquée jusqu’à présent…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, moi !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Veuillez excuser cet oubli, monsieur le rapporteur général.

Si on y ajoute l’aide aux chômeurs, ces mesures représentent près de 2 milliards d’euros injectées dans l’économie pour aider les plus défavorisés, et soutenir la consommation. Le Gouvernement a fait ce choix, et la majorité peut aujourd’hui lui en rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il y a un temps pour chaque chose…

M. Henri Emmanuelli. Oh oui !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Après des initiatives destinées aux plus défavorisés, le temps est venu de prévoir un plan consacré à l’économie réelle afin de protéger au mieux – car il n’y a pas de miracle – nos entreprises.

Monsieur Devedjian, vous aviez le choix entre un plan d’aide massive à la consommation que réclame l’opposition – rien que la consommation, tout pour la consommation…

M. Henri Emmanuelli. C’est totalement faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais, monsieur Emmanuelli, votre choix se défend. D’ailleurs, nous défendons aussi la consommation. Mais l’aide à la consommation que vous préconisez est ponctuelle et elle aurait favorisé les importations de produits étrangers plutôt que la production des entreprises françaises.

M. Yves Censi. L’opposition voulait financer la croissance chinoise !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. L’autre choix consistait à aider l’investissement qui produit de la richesse, qui garantit la continuation de l’activité et la préservation de l’emploi dans les entreprises – des créations d’emplois doivent même intervenir, à hauteur de 100 000 postes. Les salariés préféreront préserver leur emploi et leur pouvoir d’achat, grâce au plan d’aide aux entreprises, plutôt que de demander des aides après avoir été licenciés dans le cadre de plans sociaux.

Le Gouvernement a donc choisi de protéger l’activité économique de nos entreprises, en particulier des PME et des PMI qui en ont tant besoin. Entre deux solutions, il a choisi l’investissement, et il a eu raison. Le Gouvernement a choisi l’investissement après une première étape qui a permis de mettre en place des dispositifs d’aide aux personnes et de soutien du pouvoir d’achat.

Monsieur le président de la commission des finances, je vous remercie néanmoins d’avoir admis qu’en cas de situation exceptionnelle, on pouvait prendre des mesures exceptionnelles.

M Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est bien le problème : ces mesures n’ont rien d’exceptionnel !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S’agissant du plan de relance, j’aurais souhaité qu’il soit également possible de dépasser les clivages politiques, car nous avons besoin d’un consensus national pour aider les entreprises et les salariés qui veulent préserver leurs emplois. La richesse injectée dans le circuit économique permettra certainement d’atteindre ce résultat, même si ce n’est pas nécessairement au niveau que nous espérons, les uns ou les autres.

Monsieur Devedjian, je suis en plein accord avec votre plan. J’aimerais toutefois que vous nous donniez des indications sur le déblocage des fonds engagés. Dans quels délais et selon quelles modalités est-il prévu ? La commission des affaires économiques souhaite disposer en la matière d’un calendrier précis.

Je tiens ici à signaler l’excellent travail de notre rapporteure, Mme de La Raudière, qui a enrichi le texte du Gouvernement.

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Merci !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. M. Devedjian a accepté la quasi-totalité de ses amendements.

Mais, monsieur Migaud, lorsque nous parlons de 26 milliards d’euros, il faut songer que 4 milliards sont injectés dans le circuit de l’activité économique, et donc de la production, à l’initiative des entreprises publiques – SNCF, RATP, GDF SUEZ ou EDF. Il y a là quelque chose d’exceptionnel, que nous ne pouvons pas ne pas saluer. On peut discuter des chiffres : encore faut-il savoir à quoi ils correspondent. Ces 4 milliards d’euros représentent un remarquable effort de la part des entreprises publiques. Je tiens à rendre hommage à leurs dirigeants, qui ont la capacité d’injecter de telles sommes dans le circuit financier. Cela fait des années que nous nous battons, ici, pour obtenir, par exemple, les 300 millions d’euros qui vont être injectés pour le ferroviaire et le fluvial. Que ce soit pour le canal Seine-Nord Europe, pour la construction de lignes TGV ou pour l’amélioration des réseaux routiers, la commission des affaires économiques se tournait en effet désespérément vers l’État pour demander des investissements. Des investissements hypothétiques étaient inscrits, mais nous ne voyions jamais – en tout cas pas depuis deux ans – venir les financements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas ce qu’on appelle des engagements supplémentaires !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Si, monsieur Le Bouillonnec : des décisions avaient été prises, mais les financements faisaient défaut. Or le Gouvernement fait aujourd’hui correspondre à ces décisions des sommes bien réelles : 300 millions d’euros pour le ferroviaire. Dès que nous aurons voté le plan, cet argent sera disponible.

M. Henri Emmanuelli. Vous en demandez la moitié aux collectivités locales !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Emmanuelli, vous ne serez pas insensible au fait que le département des Landes sera largement intéressé par les 400 millions d’euros qui vont être injectés dans la modernisation des itinéraires routiers – soit dit en passant.

M. Michel Sapin. Le procédé est grossier !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. La Seine-Maritime, Strasbourg, dont le contournement est prévu, seront également concernés. Je n’entrerai pas dans le détail, même s’il est bon d’illustrer son propos avec des exemples précis, qui démontrent, en l’occurrence, que l’argent qui va être investi dans les circuits financiers servira de levier pour créer de l’activité économique et faire travailler nos entreprises dans tous les domaines. Je pense encore au logement et aux 100 millions d’euros pour les acquisitions foncières pour la mise en place du Grenelle I. Nous sommes nombreux à avoir attendu avec impatience que le Gouvernement nous dise où était l’argent nécessaire aux acquisitions foncières destinées à mettre en place les grandes infrastructures prévues par le Grenelle I. Mme Labrette-Ménager et M. Albarello m’approuvent : ils ont posé des questions au Gouvernement, sans obtenir de réponse. Aujourd’hui, M. Devedjian nous apporte la réponse.

M. Henri Emmanuelli. Vive la crise !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous savons désormais que le plan de relance financera, à hauteur de 100 millions environ, les acquisitions foncières nécessaires à la mise en place de ces infrastructures.

Tous ces exemples montrent bien qu’il s’agit non pas de voter un plan pour voter un plan, mais de conduire avec beaucoup de force une action dans l’intérêt de nos activités économiques, c’est-à-dire de nos entreprises.

Je n’aborderai pas la question de l’urbanisme et du logement, mais conclurai ce propos en parlant de la commande publique. Mme de La Raudière l’a parfaitement expliqué, la commission des affaires économiques souhaite que le Gouvernement prenne ce problème à bras-le-corps. Nous voudrions en effet mettre en place – car cela paraît de plus en plus nécessaire – un code de la commande publique. Je l’ai dit plusieurs fois à Mme Lagarde, la commission des affaires économiques travaille sur ce sujet. Je sais bien que le plan de relance n’est pas forcément le meilleur cadre pour aborder cette question…

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Mais si !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. …et qu’il faut un peu de temps pour y réfléchir. Je souhaite néanmoins que cela soit l’occasion, pour le Gouvernement, de montrer sa volonté de mettre en place ce code de la commande publique. Sans doute, pour des raisons de constitutionnalité, faudra-t-il qu’il prenne l’initiative. Mais il serait bon que, en même temps, notre commission ouvre la réflexion sur la mise en œuvre des marchés publics.

M. Henri Emmanuelli. Très juste !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On ne peut pas supporter plus longtemps la situation de certains marchés publics où, comme par hasard, on voit réapparaître systématiquement les mêmes candidats dans les mêmes conditions. Ce sont des choses que l’on n’ose pas trop dire à la tribune de l’Assemblée nationale.

M. Henri Emmanuelli. Et pourtant, vous avez raison !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci, monsieur Emmanuelli : dites-le fort.

M. Henri Emmanuelli. Je le dis haut et fort !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Quant à moi, si je le dis, c’est parce que c’est la vérité. Je l’ai dit ce matin lorsque nous avons auditionné le futur président de l’Autorité de la concurrence – dont la nomination, soit dit en passant, a été approuvée à l’unanimité par la commission. Dorénavant, nous serons extrêmement vigilants dans ce domaine. Nous allons faire des propositions pour améliorer le système. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous donniez des espérances sur la manière dont nous pourrons être utiles.

Un mot, pour finir, sur la protection des paysages. Nous avons déposé deux amendements qui doivent faire la démonstration que, après le Grenelle I, nous sommes capables, dans le cadre d’un plan de relance, d’apporter notre soutien au développement de l’économie, à l’activité des entreprises, à la protection de l’emploi, mais aussi à la protection de l’environnement. Nos amendements, adoptés à l’unanimité par la commission, proposent à l’Assemblée d’accepter de prendre en compte, dans le cadre des installations classées, la protection des paysages. Je souhaite que, avec l’accord du Gouvernement, ils puissent être également adoptés en séance publique.

Nous approuvons donc et soutenons ce plan de relance : en l’adoptant, la majorité démontrera sa volonté d’agir vite, avec efficacité, dans l’intérêt de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Exception d’irrecevabilité
(Projet de loi de finances rectificative pour 2009)

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, que les orateurs précédents n’y voient aucune incorrection de ma part, mais je voudrais d’abord m’adresser à Gilles Carrez afin de le remercier, en notre nom à tous, pour sa sincérité – on peut ne pas être d’accord avec quelqu’un et lui faire crédit de sa sincérité – et pour le courage dont il a fait preuve en disant que les temps difficiles qui arrivaient exigeaient que chacun fasse preuve d’un grand sens de la responsabilité, à commencer par la majorité qui décide des lois de notre pays. Cette responsabilité est d’autant plus grande que nous allons connaître un déficit budgétaire historiquement élevé, tant en valeur absolue qu’en pourcentage par rapport au PIB : je ne crois pas que la Ve République ait connu un déficit de cette ampleur.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Si : 5,6 % en 1993 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et 6 % en 1990 !

M. Jérôme Cahuzac. En valeur absolue, c’est certain ; en pourcentage, si ce n’est pas le déficit le plus important, ce doit être le deuxième ou le troisième – j’aimerais connaître les noms de ceux qui furent responsables d’un déficit plus grave.

M. Henri Emmanuelli. Balladur !

M. Jérôme Cahuzac. Au-delà des propos sur une période que, dans un débat public, il est de bon ton de stigmatiser – en oubliant des réformes sociétales telles que l’abolition de la peine de mort, le sauvetage de secteurs industriels entiers, notamment de la sidérurgie, ou le commencement de la lutte, couronnée de succès, contre l’inflation –, j’ai appris de votre bouche, monsieur le rapporteur général, que c’est dès l’été 2007 que le Gouvernement et sa majorité ont décidé de lutter contre la crise financière et économique. À l’époque, pourtant, les ministres du Gouvernement chargés de défendre le paquet fiscal nous expliquaient que, si crise il y avait, elle n’était que financière, qu’elle ne toucherait certainement pas le secteur économique, et que, à supposer qu’elle débouche sur une crise économique aux États-Unis d’Amérique, elle ne franchirait assurément pas l’Atlantique et, en tout cas, pas la Manche.

M. Michel Sapin. À la rame !

M. Jérôme Cahuzac. J’ai donc appris, monsieur le rapporteur général, que le paquet fiscal, dont le coût en année normale est de 12 à 14 milliards d’euros, qui a coûté 9 milliards d’euros l’année dernière – du reste intégralement financés par l’emprunt –, n’était que la première étape de la lutte des pouvoirs publics de notre pays contre une crise économique que, au demeurant, au moment même où ce projet était présenté, ils niaient. Ils l’ont niée, d’ailleurs, de l’été 2007 jusqu’au troisième trimestre de l’année 2008, puisque – puis-je le rappeler ? –Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, nous a indiqué, à cette tribune, que, selon elle, la crise avait débuté avec la faillite de Lehman Brothers, rendue possible par l’attitude fautive et coupable des pouvoirs publics américains. Or, il me semble bien que cette faillite est intervenue dans la seconde moitié de l’année 2008 plutôt qu’au cours de l’été 2007. « Ces mystères nous dépassent ; feignons d’en être les organisateurs. » Nous apprenons donc que le paquet fiscal est la première étape d’un vaste plan de lutte contre la crise économique.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est notre sens de l’anticipation ! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. Quant aux mesures elles-mêmes, il est exact que les dispositions votées au titre de l’ISF ont permis de dégager, pour les PME, un financement complémentaire de 1 milliard d’euros : la précision n’est pas inutile et je vous en donne acte bien volontiers.

Cependant, il est peut-être exagéré de prétendre que, à l’époque, notre opposition fut idéologique. Ce qui, à n’en pas douter, était idéologique, alors, c’était l’attitude de certaines personnes, notamment de Mme Lagarde – dont je regrette l’absence, car j’eusse préféré lui dire cela en face. Les comptes rendus en feraient foi en cas de besoin, elle déclarait que cette mesure était nécessaire pour faire revenir les exilés fiscaux de la City londonienne : elle avait même l’amabilité de fournir à ceux qui en doutaient les horaires de l’Eurostar entre Londres et Paris, afin que les parlementaires enthousiastes puissent aller accueillir ces contribuables prodigues.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous y êtes allé, n’est-ce pas, cher collègue ? (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. En réalité, à l’été 2007, les pouvoirs publics n’avaient pas vu la crise arriver. N’ont-ils pas persisté à la nier durant la majeure partie de 2008 ? Là n’est pas le plus grave, cependant. À l’époque, les pouvoirs publics et de nombreux membres de la majorité niaient – comme ils continuent de le faire aujourd’hui – les raisons profondes de la crise. Elle s’explique en effet par une politique salariale extraordinairement restrictive, non seulement aux États-Unis, mais en Europe et, en particulier, en France. Qu’on me permette de citer, à cet égard, quelques éléments d’appréciation. Par rapport à la période de 1982-1983 qui a été stigmatisée, la répartition de la richesse produite entre le capital et le salaire s’est déplacée de 11 points en faveur du capital et au détriment des salaires. Si la distribution était la même aujourd’hui qu’au début des années 80, ce sont 200 milliards d’euros de plus qui bénéficieraient au travail. Dès lors, je ne crois pas que se poserait un quelconque problème de politique économique, qu’il s’agisse de choisir entre une politique de l’offre ou une politique de la demande.

La raison profonde de la crise est bien là : aux États-Unis comme en France, c’est précisément parce que la richesse produite a été exagérément distribuée au profit du capital et au détriment du travail que nous en sommes là. Les salariés ont dû s’endetter exagérément pour vivre au jour le jour ou pour tenter de maîtriser le destin de leurs familles. C’est cet endettement excessif qui a abouti à l’éclatement que nous connaissons, aux États-Unis bien sûr, mais également, quoique dans des proportions moindres, en France.

Puis-je rappeler que c’est bien ce modèle-là qui fascinait certains, puisqu’un candidat devenu Président de la République prévoyait, dans son programme, l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée d’un projet de loi développant le crédit hypothécaire ? C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles nous proposerons, par voie d’amendement, que soit supprimé le crédit hypothécaire rechargeable qu’une certaine majorité avait adopté lors de la précédente législature. Ce type de mesure est extrêmement dangereux et ne permet pas de résoudre les problèmes comme il conviendrait, c’est-à-dire en mettant en œuvre une politique des revenus et, en particulier, une politique salariale digne de ce nom, afin d’éviter des excès qui, au demeurant, peuvent à l’occasion prendre des allures extrêmement choquantes. En 2007, les rémunérations des dirigeants du CAC 40 ont progressé de plus de 6 %. Nous savons parfaitement que les revenus des Français – qu’il s’agisse du revenu moyen ou des revenus salariaux – n’ont pas progressé dans cette proportion-là.

M. Yves Censi. Vous fûtes meilleurs !

M. Jérôme Cahuzac. Nous avons été bien meilleurs, en effet, de 1997 à 2002, puisque la progression des salaires était, chaque année, supérieure à 3,5 %.

M. Yves Censi. Et celle du capital ? Et celle du patrimoine financier ?

M. Jérôme Cahuzac. Vous vous contenteriez, je suppose, de cette progression, et vous en seriez légitimement fiers : malheureusement, vous en êtes très loin.

En revanche, pour certains dirigeants, stock-options, parachutes dorés et avantages divers aidant, les choses vont bien et continueront à aller bien tant qu’au lieu d’une politique salariale digne de ce nom persisteront des pratiques constituant des anomalies tant sur le plan moral que sur le plan économique.

Vous n’avez pas vu venir cette crise…

Mme Laure de La Raudière, rapporteure. Vous non plus !

M. Jérôme Cahuzac. …et vous en contestez les raisons profondes, encore que certains de nos collègues – je pense en particulier à Jérôme Chartier, que je remercie – aient validé notre analyse. Je suis persuadé qu’en leur for intérieur, de nombreux députés, y compris sur les bancs de la majorité, partagent la même analyse.

Quoi qu’il en soit, la succession de plans proposés au Parlement par le Gouvernement démontre que ces plans sont tous aussi inefficaces les uns que les autres, en dépit de ce qui nous est promis à chaque fois. Je ne reviens pas sur le paquet fiscal, qui n’a produit ni choc de confiance ni croissance – ce serait plutôt le contraire. Je ne reviens pas non plus sur ce qui devait être le projet de Mme Lagarde, mais fut finalement défendu par Xavier Bertrand, consistant à racheter les jours de récupération du temps de travail : il ne me semble pas que notre économie en ait beaucoup profité. Enfin, je ne reviens pas sur le projet de M. Bertrand qui, au début du mois de septembre 2008, était censé dynamiser les revenus du travail : il suffit d’écouter les salariés pour se rendre compte que leurs revenus n’ont été dynamisés en aucune manière – et sur ce point encore, je pourrais faire référence à certaines conversations que j’ai eues avec Jérôme Chartier, si je ne craignais d’abuser d’une certaine complicité qui nous lie.

La succession de textes proposés par le Gouvernement nous conduit à nous interroger sur la philosophie qui sous-tend réellement les mesures qu’il souhaite voir adopter par le Parlement. Sans doute conviendrait-il, avant toute chose, de se mettre d’accord sur les chiffres. Un premier montant de 175 milliards d’euros a été avancé par le Président de la République dans un discours prononcé le 23 octobre dernier à Argonay. Je m’étonne que certains de nos collègues, d’ordinaires si prompts à reprendre la parole présidentielle pour la citer en exemple comme s’il s’agissait de la parole divine, aient très vite oublié ce chiffre. Je crains fort, monsieur le ministre de la relance, que l’existence de ces 175 milliards d’euros ait pris fin en même temps que s’achevait le discours présidentiel !

Un autre chiffre, évoqué tout à l’heure par M. le président de la commission des finances, a été cité : celui de 426 milliards d’euros. Je ne suis pas loin de voir ici une loufoquerie pure et simple…

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas vrai ! Cet argent est vraiment mobilisé !

M. Jérôme Cahuzac. …à moins de considérer que 360 milliards d’euros ont été injectés dans l’économie, alors que nous savons qu’il vaudrait mieux que tel ne soit pas le cas. Comme le sait fort bien Jérôme Chartier, si 40 milliards d’euros sont prévus pour recapitaliser le secteur bancaire, seuls 10,5 ont été utilisés – et il faut espérer que nous en resterons là. En revanche, les 320 autres milliards d’euros sont destinés à garantir les actifs, et certainement pas à être dépensés. Tout indique que, contrairement à ce que certains pouvaient espérer, cette garantie massive fournie par les pouvoirs publics n’a pas suffi à dégeler les circuits financiers dans le secteur bancaire. J’en veux pour preuve l’un des éléments du projet que nous nous apprêtons à examiner : à quoi servirait-il pour l’État de faire une avance de trésorerie de quelque dix milliards d’euros aux entreprises si les banques étaient là pour jouer leur rôle ?

M. Michel Sapin. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac. Pour le moment, c’est bien le secteur bancaire qui pourvoit aux difficultés de trésorerie des entreprises – M. Chartier, qui en a dirigé une, le sait bien – et ce n’est certainement pas l’État qui, en chaque fin d’année, est appelé à la rescousse pour aider les entreprises à franchir des caps de trésorerie en mobilisant les fonds publics. Cette avance de trésorerie d’une dizaine de milliards d’euros serait donc tout à fait inutile si le secteur bancaire était là pour jouer son rôle, mais à l’évidence il ne l’est pas et les 320 milliards d’euros dont se prévaut M. le ministre de la relance peuvent difficilement être comptabilisés au titre du plan de relance, à moins de compter de la même manière les carottes, les choux et les pommes de terre, comme l’a dit M. Sapin…

M. Michel Sapin. Oui, c’était presque ça !

M. Jérôme Cahuzac. …ce qui ne saurait constituer un plan de relance, mais tout au plus une espèce de soupe, indigne de la situation que nous connaissons.

Une fois que l’on a passé 175 milliards d’euros par pertes et profits et que l’on s’est rendu compte que la somme de 426 milliards d’euros annoncée dans le cadre du plan de relance était largement exagérée, il ne reste que 26 milliards d’euros, sur lesquels il est encore permis de se demander s’ils serviront effectivement à injecter de l’argent frais au service de notre économie.

En ce qui concerne les entreprises, il a été annoncé qu’une dizaine de milliards d’euros allaient servir à soulager leur trésorerie. En réalité, ces dix milliards d’euros ne vont pas vraiment aller aux entreprises : ils vont simplement leur faire économiser les intérêts que le secteur bancaire aurait prélevés afin de rémunérer les prêts consentis.

M. Jérôme Chartier. Non, ce n’est pas que ça !

M. Jérôme Cahuzac. Dès lors, on peut considérer que cette mesure qui affiche dix milliards d’euros n’injectera en réalité dans l’économie au service des entreprises qu’entre 500 millions et un milliard d’euros.

Pour ce qui est des investissements publics, nous vous rejoignons, car nous avons toujours pensé que l’investissement public était un très puissant moteur de développement économique et d’emploi…

M. Michel Piron. Ah ! Nous sommes enfin d’accord !

M. Jérôme Cahuzac. …l’aménagement du territoire constituant par ailleurs un devoir, pour lequel il n’est pas inutile d’utiliser l’argent public.

Ce que nous contestons, c’est l’affirmation selon laquelle ces investissements publics vont avoir des effets immédiats en 2009 : les investissements effectués au bénéfice du canal Seine-Nord Europe, de la ligne TGV Poitiers-Bordeaux ou de la ligne TGV Bretagne ne sauraient avoir de retombées effectives avant 2010, et sans doute pas avant 2011. Ces investissements n’auront pas d’effet en matière de relance de l’économie en 2009. L’investissement public est un outil très puissant sur le moyen terme, mais pas sur le court terme.

M. Yves Censi. Ce sont des engagements !

M. Jérôme Cahuzac. Si l’on veut relancer l’économie sur le court terme, ce sont des mesures de nature à relancer la consommation et à doper le pouvoir d’achat immédiatement qu’il faut prendre. Soyons lucides, mes chers collègues, ni les nouvelles lignes TGV ni le canal Seine-Nord Europe ne seront inaugurés en 2009, et il ne faut donc attendre aucune retombée des investissements correspondants pour l’année à venir ! Le président de la commission des finances a donc eu raison de critiquer ce plan et de souligner que la plupart des mesures qu’il comporte n’auront pas d’effet immédiat.

Outre cette critique qui me paraît difficilement réfutable, il en est une autre que nombre d’élus locaux seront tentés d’invoquer : si l’État peut dépenser pour son propre compte, il n’est pas fondé à stipuler pour autrui ! Or, adopter ce projet de loi revient à accorder à l’État le droit de stipuler pour autrui. Rien ne nous garantit que telle entreprise publique investira bien plusieurs milliards d’euros en 2009 ! Au demeurant, il faudra choisir, en ce qui concerne ces entreprises publiques, entre l’argent dépensé pour être investi, et les dividendes que l’État fait régulièrement remonter dans ses caisses afin de tenter de diminuer le déficit budgétaire. En tout état de cause, il est curieux de constater que si la SNCF a été citée lors des premières annonces du plan de relance, le nom de cette entreprise a désormais cédé la place à celui d’une autre – Suez, dont j’ignorais qu’elle était publique, monsieur le ministre, mais qui ne s’en apprête pas moins à concourir à la relance sur fonds publics.

Stipuler pour autrui lorsqu’il s’agit des entreprises publiques est déjà curieux, mais le faire pour les collectivités locales l’est davantage encore. Nous avons adopté il y a quelques semaines seulement une loi de finances qui revient à voir les dotations des collectivités n’augmenter que de 0,8 %, alors que ces collectivités doivent faire face à une inflation bien supérieure à l’inflation « officielle » que subissent les ménages. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les collectivités locales puissent concourir pour 2,5 milliards d’euros, dès lors que le fonds de compensation de la TVA leur sera versé ? D’autant que les conditions d’éligibilité pour bénéficier de cette avance du FCTVA sont telles que la plupart des collectivités ne seront pas éligibles : il faudrait investir en 2009 autant ou plus qu’il n’a été investi en moyenne durant les années 2006, 2007 et 2008. En réalité, dans la mandature d’une région, d’un département ou d’une commune, les investissements sont naturellement réalisés durant la deuxième moitié, voire dans le dernier tiers, le début de la mandature étant réservé à l’étude et à la projection de ces investissements.

M. Jérôme Chartier. Non, pas forcément !

M. Jérôme Cahuzac. Les procédures étant ce qu’elles sont, c’est en fait en 2006, 2007 et 2008 que la plupart des investissements, sinon tous, ont été réalisés.

M. Jérôme Chartier. Mais non !

M. Jérôme Cahuzac. Prendre comme référence la moyenne sur ces trois années n’est donc évidemment pas la bonne solution si l’on recherche l’efficacité. Il serait préférable de se référer à la totalité de la mandature moins une année, puisque tel est l’usage, soit six ans en l’occurrence.

Notre collègue Alain Rousset vous a interrogé tout à l’heure sur les financements croisés et les responsabilités des uns et des autres. Monsieur le ministre, le hasard est parfois cruel : il se trouve que c’est vous qui, en tant que ministre des collectivités locales, avez présidé à ce que l’on appelle le décroisement des financements. C’est vous qui avez signifié aux collectivités que désormais, chacun serait responsable pour son compte des infrastructures lui appartenant. Ainsi, un certain nombre de routes nationales ont été transférées aux départements et désormais, quand le Lot-et-Garonne, l’Isère ou l’Ardèche décident de rénover une route, les responsables de ces départements ne viennent pas frapper à votre porte pour obtenir une contribution de l’État. Dès lors, je trouve extrêmement choquant que vous imposiez, pour la rénovation des routes restées nationales, que l’État ne contribue qu’à hauteur de 60 %, les collectivités conservant à leur charge 40 % du coût de la rénovation.

Puisque vous êtes le ministre ayant présidé au décroisement des financements, vous devez être le garant de la parole donnée, en gardant à l’esprit que se parjurer est chose grave – même en politique ! Cessez cette forme de chantage, peu subtile, consistant à répondre aux élus locaux qui demandent à ce que les infrastructures publiques et nationales soient enfin rénovées et modernisées, que la chose n’est possible qu’à condition que les collectivités locales y contribuent, car cela n’est rien d’autre qu’une violation de la parole donnée, monsieur le ministre ! Puisque vous êtes le ministre de la relance et que vous tenez à ce qu’un peu d’argent soit dépensé utilement, je vous engage vivement à tenir les engagements que vous aviez pris dans un précédent gouvernement. Ne pas le faire serait profondément choquant sur le plan moral, et reviendrait en pratique à opposer une fin de non-recevoir aux collectivités locales, qui n’ont en général pas les moyens de répondre au chantage que vous exercez sur elles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je veux dire un dernier mot sur les investissements publics. Lorsque je vous ai interrogé en commission, vous m’avez répondu par l’affirmative, mais je n’ai rien entendu dans vos propos qui le confirme : j’ai été très surpris de constater qu’il n’était pas prévu que des rénovations hospitalières, voire la construction de pôles nouveaux, puissent contribuer à la relance économique au moyen d’un surcroît d’investissements publics. La chose n’est pas facile, je le reconnais, si l’on songe que les hôpitaux publics ont un déficit cumulé d’environ un milliard d’euros. Leur demander, à la suite des différents drames que nous avons connus, des économies de gestion – puisque c’est vous, monsieur le ministre, qui avez eu le courage ou l’inconscience d’entreprendre cette démarche auprès d’eux –, convoquer des directeurs d’hôpitaux universitaires pour exiger le licenciement de 200, 300 ou 600 personnes dans un délai donné, ne me paraît pas acceptable. Ce n’est, en tout état de cause, certainement pas opportun dans la période de crise que nous traversons. Je pourrai vous citer quelques noms à l’appui de mes propos si ceux-ci vous étonnent.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Mais à qui vous adressez-vous ?

M. Jérôme Cahuzac. Dans la période actuelle, les hôpitaux, qui n’en peuvent plus, auraient besoin de financements complémentaires plutôt que de se voir imposer des mesures de gestion drastiques. Des processus de modernisation sont en cours, des projets nouveaux sont programmés. Plutôt que de reporter les dossiers de mois en mois comme c’est souvent le cas – je tiens, là aussi, des exemples à votre disposition – et de demander constamment de nouveaux efforts, il me semble que l’État et le Gouvernement se grandiraient à pratiquer une politique hospitalière un peu plus volontariste.

Au bout du compte, il manque l’essentiel, c'est-à-dire des mesures en faveur de la demande et du pouvoir d’achat, avec notamment une politique salariale : 750 millions d’euros sur les 26 milliards d’euros que vous affichez – et encore à compter du 1er avril – c’est insuffisant !

L’argument qui consiste à attribuer à la sécurité sociale le rôle de stabilisateur automatique serait recevable si c’était en effet le cas, mais les exemples que vous avez donnés, monsieur le ministre des comptes publics, ne me semblent pas convaincants. En effet, vous avez cité les allocations familiales, mais la majoration des onze ans a été supprimée au profit d’une unique majoration à l’âge de quatorze ans, ce qui représente au total une moins-value pour les familles de 150 millions d’euros : la chose est connue, et l’Union nationale des associations familiales n’a d’ailleurs pas manqué de vous adresser ses critiques. Citer les allocations familiales comme exemple de stabilisateur automatique permettant de maintenir le pouvoir d’achat, alors que votre gouvernement et votre majorité ont réduit leur volume de 150 millions d’euros en en modifiant la répartition selon l’âge, ne me paraît donc pas opportun.

Même remarque au sujet de la revalorisation des retraites, qui n’interviendra qu’au 1er avril, ce qui signifie que rien n’est fait pour les retraités au cours du premier trimestre 2009.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Ce n’est pas vrai ! Nous les avons augmenté de 0,8 % en septembre !

M. Jérôme Cahuzac. Mais il y a plus grave, monsieur le ministre : que comptez-vous faire pour ce que vous devez aux retraités au titre de l’année 2008 – cela équivaut à 0,2 point d’augmentation ? Vous estimez que l’inflation officielle en 2008 aura été de 2,9 %, puisque c’est sur ce chiffre-là que vous fondez la revalorisation du 1er avril. Mais il n’est pas très opportun de citer les retraites, lorsqu’on connaît votre politique en la matière, notamment pour ce qui concerne les retraites agricoles, qu’évoquait tout à l’heure le président de la commission des finances et qui constituent un véritable trou noir de la politique gouvernementale. Je ne vous ferai pas l’injure de rappeler les efforts dérisoires que vous avez consentis pour augmenter ces retraites agricoles. Nous savons tous que c’est insuffisant et en tout cas largement en deçà des engagements qui avaient été pris lors de la campagne électorale.

Vous avez également cité le minimum vieillesse. Il eût été plus honnête – et je sais que Jérôme Chartier le fera – de préciser qu’il n’est revalorisé que pour les personnes seules et non pour celles vivant en couple, sans doute par souci d’économie. Dire de la revalorisation du minimum vieillesse qu’elle participe d’une politique de la demande et contribue au maintien du pouvoir d’achat est, là encore, particulièrement inopportun.

Il y a beaucoup et mieux à faire. Si nous sommes convaincus que la relance économique doit effectivement passer par la relance de l’investissement, nous le sommes tout autant que cette relance ne peut se faire sans une politique de la demande, qui soutienne les salaires et le pouvoir d’achat.

Le rapporteur général commence d’ailleurs à entrouvrir une porte qu’il maintenait jusqu’alors soigneusement verrouillée, en évoquant la revalorisation de la prime pour l’emploi. Nous vous le proposerons également : cela concerne huit à neuf millions de salariés ayant un niveau de rémunération inférieur ou égal à 1,6 SMIC. C’est une mesure à effet immédiat et, si vous l’aviez adoptée comme nous vous l’avions suggéré dès l’année dernière, le pouvoir d’achat des plus modestes s’en serait trouvé amélioré, alors que nous savons ce qu’il en est aujourd’hui.

Un dernier mot pour conclure. Vous nous proposez, monsieur le ministre, un plan de soutien au secteur automobile. Je ne suis pas le seul à contester ce choix car, si les ventes ont progressé en France, cela concerne essentiellement des produits fabriqués à l’étranger. La Laguna diesel est le seul véhicule de chez Renault fabriqué en France et éligible à la prime à la casse que vous avez instaurée ; or ce véhicule ne représente que 1,2 % du marché. Les voitures vendues sont fabriquées pour l’essentiel en Slovénie, au Maroc et en Espagne. Avec cette mesure, nous relancerons peut-être les ventes mais certainement pas la production, et elle n’empêchera pas les entreprises de mettre en place des dispositifs de chômage partiel comme ce fut le cas chez Renault ou Peugeot.

J’ai de plus trouvé particulièrement choquant qu’en 2008 Renault ait versé 300 millions d’euros de dividendes supplémentaires à ses actionnaires par rapport à 2007 – plus d’un milliard d’euros contre 700 millions d’euros l’année passée –, ce qui ne l’empêche pas de frapper à la porte de l’État pour bénéficier de subsides publics. Cela vaut pour le plan de soutien mais également pour les mesures de chômage partiel. Il m’avait semblé que dans son discours de Toulon, le 25 septembre, le Président de la République avait indiqué que ce type de pratiques ne devait plus avoir cours ; je constate que cela continue pour certains et non des moindres, puisqu’il s’agit des entreprises Renault et Peugeot, cette dernière ayant fait passer son dividende par action de 1,35 euro à 1,50 euro.

Bref, le chômage partiel frappe les salariés, mais les affaires continuent pour les actionnaires. Cette politique ne peut continuer, et il est simple d’y mettre fin : il suffit d’accepter nos suggestions, qui consistent à subordonner les allégements de charges sociales à la conclusion de négociations salariales. Il faut en finir en effet avec ces pratiques qui détournent la distribution de la valeur ajoutée au profit du capital et au détriment des salaires.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Voilà, messieurs les ministres, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles je vous engage à voter cette exception d’irrecevabilité, non pas que les mesures que comporte le projet soient de nature anticonstitutionnelle – Jérôme Chartier sait parfaitement que ce n’est pas le cas – mais parce qu’en la votant vous exigeriez du pouvoir exécutif qu’il se présente devant la représentation nationale avec un plan plus équilibré, qui accorde sa juste part à la politique de la demande, un plan massif qui ne se limite pas à 26 milliards d’euros, un plan enfin à effet immédiat, quand la quasi-totalité des mesures que vous proposez ne produiront leur effet que dans deux ou trois ans, dans le meilleur des cas.

Votre plan n’aura qu’une conséquence et une seule : il faudra que vous nous en soumettiez un second, et le plus vite sera le mieux. J’espère qu’alors les suggestions que nous vous avons faites sur les différents secteurs concernés seront enfin prises en compte, car la crise qui touche notre pays est d’une gravité exceptionnelle. J’en appelle donc à la responsabilité des uns et des autres afin qu’une politique économique équilibrée, dotée des moyens nécessaires et immédiatement efficace puisse enfin être mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance. Je voudrais commencer par remercier le rapporteur général pour son intervention en tout point remarquable, ainsi que la rapporteure, Laure de la Raudière, pour son soutien et son travail sur ces deux projets de loi. Elle est allée au fond des choses, ce que le Gouvernement apprécie. Nous aurons l’occasion, au cours de la discussion, de revenir sur les améliorations qu’elle propose et qui sont souvent bienvenues. Je veux également remercier Patrick Ollier pour son soutien et dire, avec amitié et respect, au président Didier Migaud qu’il a su exprimer avec talent les divergences qui séparent la majorité de l’opposition dans l’appréciation de ce plan de relance.

Ces mêmes divergences ont été exprimées, de manière plus polémique et avec moins de précision, par M. Cahuzac à l’occasion de cette exception d’irrecevabilité. Comme c’est souvent le cas, cette motion a été pour l’opposition l’occasion de présenter ses moyens sans qu’elle comporte pour autant aucun argument juridique appuyant l’irrecevabilité – M. Cahuzac n’y croyait pas lui-même et n’a d’ailleurs pas tenté de les développer.

M. Jérôme Cahuzac. Je l’ai dit en conclusion !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Vos arguments, monsieur Cahuzac, étaient non pas juridiques mais politiques. C’est sans doute acceptable. Tel n’est toutefois pas l’objet d’une exception d’irrecevabilité. J’y répondrai cependant ainsi qu’aux objections du président Migaud.

Nos désaccords portent sur trois ou quatre points et, en premier lieu, sur la question de la consommation. Sans caricaturer la position de l’opposition, j’ai bien compris que vous approuviez le plan de relance dans son volet investissement – dont vous soutenez le principe – mais que vous jugiez insuffisant le volet dédié à la consommation.

Le Gouvernement aurait certes pu, comme l’ont fait d’autres gouvernements étrangers, faire de l’affichage et inclure dans son plan de relance des mesures de soutien à la consommation prises depuis plusieurs années ou plusieurs mois déjà. Vous n’auriez pas manqué alors de nous critiquer et de crier à l’habillage. Le Gouvernement a donc préféré être honnête.

Éric Woerth rappelait à juste titre que l’augmentation des transferts sociaux sur l’année 2009 représente 17 milliards d’euros.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas ce que M. Migaud vous a expliqué !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Nul doute que, si nous les avions incorporés à notre plan de relance, vous l’auriez trouvé plus équilibré !

M. Jérôme Cahuzac. Il n’y aurait pas eu de crise, c’était pareil !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Moi, contrairement à vous, je pense que le Gouvernement avait vu arriver la crise (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac. Demandez donc à Mme Lagarde ! Reportez-vous au compte rendu !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Je vous renvoie moi à Dominique Strauss-Kahn qui, en mai 2008 à Bruxelles, déclarait que la crise était derrière nous !

M. Jérôme Cahuzac. Cessez de pilonner Dominique Strauss-Kahn !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Que cela vous rende donc un peu plus humble ! Il ne me semble pas que l’opposition se grandisse par les injures, les invectives, les quolibets et les interruptions intempestives. Vous avez le droit d’être en désaccord avec nous, mais le débat est suffisamment grave pour que vous exposiez vos arguments avec sagesse, comme l’a fait le président Migaud.

M. Jérôme Cahuzac. Je n’ai jamais invectivé personne.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Vous êtes surtout très content de vous.

Je rappelle également que le RSA représente 1,5 milliard d’euros supplémentaire distribué aux plus démunis et qu’en ce qui concerne les mesures de soutien à la consommation, beaucoup figurent dans le plan et d’autres existent hors plan. Nous le répèterons tout au long du débat.

Je vous dirai surtout qu’à la différence de la Grande-Bretagne où la consommation s’est effondrée, elle est demeurée stable chez nous, y compris en 2008.

M. Jérôme Cahuzac. C’est pour cela que la TVA est en baisse !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. La question de l’investissement n’est pas neutre pour la consommation, puisque distribuer de l’investissement, c’est distribuer du travail et que distribuer du travail, c’est distribuer des salaires. Par conséquent, les choses ne peuvent pas être dissociées.

Deuxième sujet de désaccord : le rôle des mesures de trésorerie. M. le président Migaud dit que cela ne compte pas.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Non, j’ai dit que c’était insuffisant !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. C’est insuffisant, avez-vous dit – et vous refusez de compter cette somme dans les vingt-six milliards !

Or Eric Woerth vous a expliqué que cet argent sort bien des caisses de l’État, et que cela crée bien du déficit. Vous êtes d’ailleurs pris dans une contradiction intellectuelle forte à propos du déficit : d’une part, vous stigmatisez l’augmentation des déficits, et d’autre part, vous considérez le plan de relance insuffisant !

M. François Brottes. Revenez donc sur le paquet fiscal !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Il vous faudra choisir, à un moment donné, entre ces deux reproches !

Les mesures de trésorerie, qu’il s’agisse du fonds de compensation de la TVA ou de la mensualisation de la TVA pour les entreprises, sont pérennes. Cela correspond bien à une injection de crédits nouveaux : l’effet relance est donc bien présent, et la dépense pour l’État est pérenne. Cet argent est bel et bien injecté dans l’économie.

Troisième sujet de désaccord, la question des collectivités locales. Monsieur Cahuzac, j’ai trouvé vos propos excessifs. Vous avez raison sur le principe : l’État a ses obligations, son devoir ; il ne peut exiger des collectivités locales qu’elles participent aux dépenses. Je suis tout à fait d’accord avec vous ; mais l’État n’exige pas cela.

M. Jérôme Cahuzac. Mais si !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Mais non ! C’est là une mauvaise appréciation.

Les contrats État-région, comme leur nom l’indique, sont des contrats : chacun conserve sa responsabilité et son autorité propres, mais il est permis de contracter. Dès lors que les contrats sont établis entre l’État et les collectivités, il est parfaitement normal qu’il y ait des clés de financement. Il est vrai que dans les contrats de plan État-région, l’État a en moyenne dix-huit mois de retard ; le plan de relance est l’occasion de rattraper ce retard en respectant les clés de financement établies contractuellement dans ces plans. Le mot chantage n’a aucune signification !

M. Jérôme Cahuzac. Vous oubliez les routes !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Je parlais des contrats de plan État-région. Pour les routes et le reste, vous dites – et vous avez raison – que l’État a des obligations et qu’il ne peut pas faire de chantage. Mais si vous considérez que l’État a des obligations, il a aussi naturellement, compte tenu de ses disponibilités, le choix du calendrier de ses investissements. Les collectivités peuvent naturellement opérer un autre choix, elles le font parfois – mais pas toujours. Si elles veulent que le choix du Gouvernement soit modifié, il est permis d’avoir une discussion ; chacun est libre d’agir…

M. Jérôme Cahuzac. Donc il faudra payer le calendrier !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Si les responsabilités de l’État et des collectivités sont séparées, chacun est maître de son champ de compétences. Rien n’interdit de discuter pour modifier le calendrier ; il est parfaitement permis de négocier. Il n’y a là aucun chantage.

Je veux vous dire, monsieur Cahuzac, que nous avons d’ores et déjà reçu, plus d’une centaine de propositions de la part de collectivités territoriales, parmi lesquelles certaines de vos amies, qui proposent que tel ou tel projet qu’elles considèrent comme prioritaire puisse donner lieu à un cofinancement de l’État. Pourquoi refuser une telle éventualité ?

Il y a des volontaires pour demander à l’État sa participation. Personne ne sera forcé – de toute façon, il faudra faire des choix : chaque collectivité territoriale peut avoir envie et besoin de procéder elle-même à des investissements. Il n’y a pas là de sujet de désaccord sérieux.

En ce qui concerne les entreprises publiques, n’oubliez pas que l’État, actionnaire, a les moyens de se faire entendre ! Quand EDF, par exemple, s’engage à procéder à des investissements supplémentaires, l’État est en mesure de faire respecter cet engagement.

Il est exact qu’une partie des automobiles Renault sont fabriquées à l’étranger. Mais je vous mets en garde : on ne saurait pour autant les considérer comme de purs produits étrangers. Même montée en Roumanie, une automobile est un assemblage de pièces diverses, construites par des équipementiers installés parfois à l’étranger, mais aussi souvent en France. Une voiture, fût-elle montée en Roumanie, n’est pas à 100 % étrangère. Même si la prime à la casse a un effet sur une voiture montée à l’étranger, elle a aussi un effet sur le marché français, sur la construction et le travail français. Il est vain de faire la distinction entre les uns et les autres.

Voilà ce que je voulais vous répondre, sous réserve d’éventuelles explications complémentaires d’Éric Woerth. Je voulais aussi vous rappeler que nous ne détenons pas le record du déficit : c’est au budget 1993 qu’il appartient, car le déficit y atteignait 6,4 % !

M. Henri Emmanuelli. En 1993, c’était un budget Balladur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agissait des comptes de 1992 !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. En effet, et on se souvient des quarante mille chômeurs par mois que nous avons trouvés en arrivant.

M. Henri Emmanuelli. Le record appartient au collectif budgétaire de juin 1993 – et le record de 13 % d’inflation, c’était sous M. Barre, le grand économiste !

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Aujourd’hui, c’est la crise, c’est un moment exceptionnel : mais nous nous souvenons très bien de ce que vous nous aviez laissé !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’aimerais répondre à certaines choses que j’ai entendues, tant de la part de Didier Migaud que de Jérôme Cahuzac, et qui m’ont paru très surprenantes.

Le président de la commission des finances et M. Cahuzac ont tous deux posé cette question : avons-nous bien agi en lançant le plan de sauvetage des banques ?

Plutôt que de me lancer dans de longues explications comme M. Cahuzac, je vais vous donner deux chiffres.

Le premier, c’est celui du taux de crédit interbancaire, ce que l’on appelle « l’Euribor 3 mois ». Le 10 octobre – soit quelques jours avant le lancement du plan de sauvetage des banques – il s’élevait à 5,38 % ; le 7 janvier, il est précisément de 2,76 %. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement que grâce au plan de sauvetage des banques, de l’efficacité duquel Jérôme Cahuzac doutait, on a réussi à rétablir la confiance dans le crédit interbancaire et donc à réamorcer la machine à emprunter, qui prête directement aux familles françaises et aux entreprises françaises. Voilà la première réussite du plan de sauvetage des banques, qui précédait le plan de relance dont nous parlons aujourd’hui.

M. Jean-Louis Dumont. Et la banque centrale européenne ?

M. Jérôme Chartier. Deuxième chiffre sur lequel je voudrais revenir, cité à juste titre par Patrick Devedjian ces derniers jours : 425 milliards d’euros. De quoi s’agit-il ? C’est l’ensemble de l’argent qui a été mobilisé directement ou indirectement par l’État pour faire face à la crise financière, et à la crise économique issue de la crise financière. Voilà ce que vous n’arriviez pas à comprendre tout à l’heure, et qui est très important : lorsqu’on engage 360 milliards d’euros dans un plan de sauvetage des banques, c’est un plan très utile pour l’économie française, et il ne coûte pas aux finances publiques ; au contraire, il va pouvoir rapporter.

Autre point important, la trésorerie des entreprises. J’ai entendu que cela ne servait à rien, et Jérôme Cahuzac trouvait que ce n’était pas un bon moyen pour relancer l’économie française.

M. François Brottes. Ça m’étonnerait qu’il ait dit ça !

M. Jérôme Chartier. Eh bien si, c’est un bon moyen. Pourquoi ? Parce que quand l’argent est dans l’entreprise, il permet non seulement de financer de façon moins onéreuse le fonds de roulement, mais aussi de gagner davantage de crédibilité vis-à-vis des établissements bancaires, des clients comme des fournisseurs – bref, de redonner de la confiance dans l’entreprise. Voilà pourquoi, monsieur Cahuzac, la mesure de trésorerie est essentielle !

Concernant les investissements, je voudrais saluer l’honnêteté intellectuelle du Gouvernement dont font partie Éric Woerth et Patrick Devedjian, sous l’autorité du Premier Ministre et du Président de la République. Les investissements hospitaliers, les investissements universitaires – donc les investissements déjà programmés – ne sont pas inclus dans le plan de relance : cela montre bien la différence entre les mesures d’investissement traditionnelles, qui n’en sont pas moins effectives, et les mesures supplémentaires qui permettront justement à ce plan de relance de donner toute sa vigueur.

Autre point très important, fondateur, à propos de la stipulation pour autrui. L’entreprise publique, monsieur Cahuzac, relève bien de l’autorité de l’État : l’indépendance des collectivités territoriales est effectivement consacrée par la Constitution. On peut y voir un moyen de « stimulation pour autrui ». La tâche de Patrick Devedjian sera d’arriver à stimuler les collectivités territoriales, de les inciter à investir davantage pour la relance économique française.

M. Henri Emmanuelli. Chez nous, cela s’appelle un boute-en-train… (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Chartier. Voilà de vraies mesures, qui font que ce plan de relance est essentiel ; voilà les vraies raisons pour lesquelles cette motion d’irrecevabilité de pure forme, dont le seul but était de permettre à Jérôme Cahuzac de s’exprimer longuement, doit être rejetée.

Je reviens enfin sur la question du pouvoir d’achat des familles de France qui, comme l’a dit très justement Gilles Carrez, mobilise à chaque instant la majorité.

Un dernier chiffre pour conclure : celui des prix à la consommation du mois de novembre. Ils ont diminué de 0,5 %, ce qui signifie qu’en un seul mois les familles françaises ont gagné 500 millions d’euros de pouvoir d’achat. Autrement dit, si l’on poursuit un vrai travail sur les prix, un vrai travail sur la relance par l’investissement, eh bien oui ! le pouvoir d’achat – n’en déplaise à M. Cahuzac – continuera à augmenter, et ce plan de relance aura son plein effet.

Voilà pourquoi le groupe UMP votera contre la motion d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. C’est dommage !

M. Henri Emmanuelli. En tout cas, il nous aura bien fait rire !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les arguments développés par notre collègue. Comme l’a rappelé M. le ministre, ils n’ont rien de constitutionnel, mais c’est la loi du genre… Venons-en au fond de sa démonstration.

Quelle est la critique ? Toujours la même : ce plan de relance serait unijambiste, pour reprendre l’expression de nos collègues socialistes.

MM. Henri Emmanuelli et François Brottes. Absolument !

M. Charles de Courson. Vous ne critiquez pas trop le volet investissement, mais vous le jugez faible. Ce n’est pas exact. Je vous donne les chiffres. Pour les entreprises publiques, quatre milliards – pour EDF, La Poste, la RATP ; pour EDF, cela représente 20 % d’augmentation par rapport à la moyenne triennale. EDF investit à peu près douze milliards d’euros par an ; c’est tout sauf négligeable. Il en va de même pour La Poste et la RATP.

Pour ce qui est des collectivités locales, 2,5 milliards sont tout aussi loin d’être une somme négligeable : 6 % du montant des investissements des collectivités locales – soit 41,5 milliards en 2007 –, ce n’est pas rien ! C’est d’autant moins négligeable que le critère pour en bénéficier n’est pas extravagant : il s’agit simplement de maintenir les investissements, de ne pas les faire diminuer.

Pour l’État, cela représente 4,1 milliards sur une formation brute de capital fixe à peine supérieure à 10 milliards.

Rien de cela n’est donc négligeable – du reste, vous n’y trouvez guère à redire.

Venons-en à votre deuxième argument, selon lequel ce plan de relance, en matière de pouvoir d’achat, serait « inexistant ».

M. Jérôme Cahuzac. Je n’ai pas dit cela.

M. Charles de Courson. Je cite le texte de votre article : « inexistant ».

Vous pourriez apparemment avoir raison puisque, sur les 26 milliards d’euros, 2 milliards concernent le soutien au pouvoir d’achat sous différentes formes. Mais vous avez tort parce que vous oubliez les mesures du projet de loi de finances, qui a été voté,…

M. Henri Emmanuelli. Comme tous les ans !

M. Charles de Courson. …notamment le milliard et demi qui vise à financer le RSA et qui atteindra progressivement les 2 milliards, voire 2,5 milliards, compte tenu des difficultés sociales.

M. Henri Emmanuelli. Et la compensation ?

M. Charles de Courson. Nous verrons cette question plus tard.

Surtout, vous évitez de parler des mesures votées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment celles qui concernent la revalorisation du minimum vieillesse et des petites pensions de réversion, revalorisation qui explique la très forte hausse en 2009 – plus 6,1 % – de la masse des avantages vieillesse…

M. Henri Emmanuelli. On l’a rappelé !

M. Charles de Courson. …laquelle s’élèvera à 191 milliards d’euros en raison d’une augmentation de 12 milliards.

Si vous ajoutez à ces 12 milliards d’euros, 1, voire 2 milliards de montée en charge du RSA et les deux milliards déjà prévus, nous arrivons à 16 milliards d’euros de revalorisation du pouvoir d’achat. Vos propos ne sont donc ni équitables ni équilibrés.

Par ailleurs, même si nous devons attendre le 20 janvier, date à laquelle le PS annoncera son plan de relance, pour connaître ses propositions en la matière, les membres de la commission des finances peuvent déjà s’en faire une idée grâce aux amendements déposés sur le présent texte.

C’est ainsi que vous proposez des baisses ciblées de TVA : avez-vous oublié que toute mesure en matière de TVA est encadrée par une directive communautaire qui vous interdit toute baisse ciblée visant les personnes les plus modestes ?

De même, le doublement de la prime pour l’emploi peut sembler sympathique, mais une telle mesure ne servira à rien si la PPE n’est pas branchée sur le salaire – il existe du reste un consensus sur cette idée.

Quant au soutien aux petites retraites, c’est déjà fait (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) puisqu’on s’est engagé sur un plan de relèvement de 25 % en quatre ans, dont la première tranche est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce qui n’est pas sans poser, du reste, le problème du financement des 12 milliards d’euros supplémentaires pour les avantages vieillesse en 2009, en raison de l’aggravation du déficit de cette branche.

Vous n’ignorez pas enfin que les allocations chômages reposent pour l’essentiel sur un régime conventionnel de solidarité. Or les partenaires sociaux ont déjà fait un effort en ce domaine puisqu’ils ont quasiment bouclé la revalorisation des allocations.

On attend donc avec une grande impatience votre plan de relance. Il est dommage, je le répète, qu’il faille attendre le 20 janvier et qu’on ne puisse l’évoquer dès ce soir.

Vos critiques étant déséquilibrées et inexactes, le groupe Nouveau Centre votera contre l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Claude Sandrier. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera l’exception d’irrecevabilité,…

M. Jérôme Chartier. Quelle surprise !

M. Jean-Claude Sandrier. …brillamment défendue par Jérôme Cahuzac.

Je tiens également à remercier Jérôme Chartier d’avoir brillamment expliqué comment les banques actuellement se renflouaient, en ayant la possibilité d’emprunter à 2 % et de prêter à leurs clients à 5 % ! Merci de cette excellente démonstration !

M. Jérôme Chartier. On ne peut pas dire cela ! Il s’agit de sauver l’argent des Français !

M. Henri Emmanuelli. Non, l’argent des actionnaires des banques !

M. Jean-Claude Sandrier. Je m’en tiendrai quant à moi à la question de la consommation, qui est fondamentale pour un pays comme la France où 70 % de la croissance économique en dépend, ce que, du reste, aucun économiste n’a jamais démenti. C’est pourquoi on ne saurait enclencher une relance correcte si on refuse d’évoquer cette question.

De fait, pour vous opposer à la relance par la consommation, vous vous appuyez sur deux arguments – un premier, affiché – le Président de la République l’a encore rappelé à midi, à l’Élysée, lors de ses vœux aux parlementaires – et un second, particulièrement masqué.

Selon l’argument que vous avancez, la relance par la consommation aurait pour conséquence de faire croître les importations. Vous rendez-vous compte qu’un tel argument cache un véritable aveu de faillite de votre politique, puisqu’il revient, d’une part, à prétendre que la France serait devenue un désert industriel – ce qui est faux – et, d’autre part, à reconnaître que vous auriez laissé se produire de manière irresponsable des délocalisations dont nous payerions aujourd’hui le coût ?

Je tiens du reste à noter qu’il existe comme une petite dissonance sur le sujet entre l’Élysée et le ministre en charge du plan de relance : au moment même où le Président de la République nous livre ses craintes d’une augmentation des importations, M. Devedjian fait remarquer que, même dans une voiture construite en Roumanie, il reste encore pas mal d’éléments français.

À moins de prétendre qu’on ne produit plus rien en France, ce qui est faux, l’augmentation de la consommation permettrait donc de relancer la production et l’emploi. C’est mathématique, mais vous ne voulez pas le faire, et ce n’est pas par crainte d’une augmentation des importations. La vraie raison, vous la cachez aux Français : vous ne voulez sous aucun prétexte entendre parler d’une augmentation des salaires, des retraites, des pensions ou des traitements. Si vous refusez d’augmenter le pouvoir d’achat des petites et moyennes catégories, c’est que vous êtes prisonniers d’un dogme, d’une conception de l’économie et de la concurrence uniquement fondée sur la baisse des coûts salariaux et sociaux, conception dont nous connaissons les résultats : l’augmentation des dividendes et le développement des marchés financiers et de la spéculation ont engendré les dérives financières qui nous ont conduits à la situation présente.

Ce n’est pas, quant à nous, la baisse des coûts sociaux et salariaux que nous vous proposons, mais celle des coûts financiers du capital. C’est une mesure fondamentale. Est-il normal que plus de la moitié des entreprises du CAC 40 annoncent, aujourd’hui, qu’en dépit de la baisse de leurs actions, les revenus de leurs actionnaires seront maintenus en 2009, voire augmenteront ? C’est inacceptable.

Votre refus de favoriser la consommation montre, en fait, que vous n’avez tiré et ne tirerez aucune leçon de la crise. C’est pourquoi votre plan de relance est voué à l’échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On glose à chaque fois sur le bien-fondé de l’exception d’irrecevabilité et on s’en amuse juridiquement. Mais si nous avions le temps d’approfondir le débat, nous devrions souligner le fait que l’Assemblée nationale examine huit jours après la publication de la loi de finances une loi de finances rectificative dont nous avons commencé à examiner et à amender le texte avant la CMP sur la loi de finances initiale ! Et ce, alors même que certains d’entre nous, monsieur de Courson – mais vous ne nous avez pas entendus – invitaient, par leurs propositions, le Gouvernement à inscrire immédiatement dans la loi de finances les objectifs que nous souhaitions voir aboutir et les mesures afférentes, en vue de répondre aux difficultés de la situation économique.

Dois-je rappeler les modestes exemples du renouvellement urbain ou du logement ? Nous reprendrons ces débats aujourd’hui. Les mesures relatives à ces deux dossiers pouvaient être inscrites dans la loi de finances initiale : non seulement vous auriez gagné trois mois, mais cela vous aurait permis d’être mieux compris des Françaises et des Français.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je pense donc, monsieur Devedjian, que l’exception d’irrecevabilité est fondée sur le plan juridique en raison, je le répète, de la stratégie même du Gouvernement, qui a consisté à faire examiner par l’Assemblée une loi de finances rectificative alors même que la loi de finances initiale n’était pas encore adoptée. Voilà pour l’aspect juridique.

Sur le fond, il reste, comme M. Didier Migaud, président de la commission des finances, l’a souligné, à donner son véritable sens à un plan de relance dont personne ne conteste la nécessité : il doit être massif, global, à effet immédiat, équilibré et juste. Tel est l’enjeu. Au lieu de cela, vous en restez à l’affichage et à l’habillage : en réintroduisant des crédits gelés inscrits dans la loi de finances rectificative de 2008 et des financements non inscrits dans la loi de finances initiale pour 2009, vous croyez pouvoir répondre à une crise que vous n’avez pas vue venir et dont vous êtes incapables de faire face aux exigences, tout simplement parce qu’en 2007, vous avez vidé les caisses en conduisant une politique qui, tournant le dos à l’investissement économique et à l’intérêt des Français, avait pour seul objet de servir vos mandants, dans cet hémicycle comme au Gouvernement. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Telle est la réalité, que les Français connaissent. Ne croyez pas que vos tergiversations les empêcheront de comprendre ce qui s’est passé ! Personne ne croira aux 400 milliards d’engagement financier de l’État sans un relèvement, fût-il modeste, du SMIC ou des retraites. Leur vrai problème, c’est de savoir si, demain, ils pourront payer leur loyer !

Il ne s’agit pas d’un plan de relance, mais d’un plan de camouflage de la politique menée durant les derniers mois. Elle a révélé l’incapacité du Gouvernement à construire une loi de finances pour 2009 qui tienne compte des réalités sociales et économiques du pays et des besoins, y compris en investissement, des entreprises et des collectivités locales que l’on a tancées durant plusieurs mois, en les accusant d’être dispendieuses et de ne pas savoir équilibrer leurs comptes, avant de reconnaître que la relance de l’investissement en France dépendait de leur intervention !

Poser le problème de la manière que vous faites est une tromperie généralisée, une véritable malhonnêteté intellectuelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, alors que Jérôme Chartier prétend que c’est le plan de relance et le mouvement d’épaule du Gouvernement qui ont fait baisser les taux de crédits et l’Euribor, ne croyez-vous pas que la BCE y soit aussi pour quelque chose ? Ne croyez-vous que c’est son intervention qui est à l’origine de cette baisse ? Je ne suis pas un spécialiste des finances, mais je sais que chacun attendait cette intervention et que c’est elle qui a permis d’enclencher la baisse des taux d’intérêts et non pas l’annonce du plan de relance !

Enfin, monsieur Devedjian, lorsque vous citez le président du FMI, encore faut-il aller jusqu’au bout de la citation. Il a effectivement dit que les États-Unis ont connu le plus haut de la crise en mai dernier, mais il a ajouté : « Le principal problème est le lien entre la crise financière et l’économie réelle, et ça n’est pas derrière nous », estimant que la crise allait encore peser sur l’activité économique pendant « plusieurs trimestres ».

Mes chers collègues, les débats nous permettront de vous montrer qu’il existe une autre manière de relancer les enjeux économiques, notamment lorsqu’ils sont liés à l’investissement, afin d’assumer nos responsabilités à l’égard de nos concitoyens.

C’est parce que ce plan est irrecevable sur le plan social que nous ne l’acceptons pas. Nous voterons donc l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Exception d’irrecevabilité
(Accélération des programmes de construction
et d’investissement publics et privés)

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

La parole est à M. Michel Sapin.

M. Michel Sapin. Monsieur le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, je sollicite votre indulgence car mes propos seront très peu juridiques. J’espère toutefois qu’ils vous intéresseront dans la mesure où ils porteront sur l’aspect économique et politique du plan de relance nécessaire à l’économie française.

La question que nous devons nous poser et à laquelle nous devrons répondre par nos propositions, notamment par voie d’amendements, est de savoir quel est le plan de relance le plus adapté à la situation de la France. Je m’appuierai sur les propos du président de la commission des finances, Didier Migaud, tout à fait appropriés et nullement polémiques.

M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance. Je n’ai pas dit qu’ils étaient polémiques !

M. Michel Sapin. Un plan de relance – et c’est ce que préconisent aussi bien le FMI que la Commission européenne – n’est efficace qu’à condition d’être, pour reprendre les propos de Didier Migaud, massif, équilibré et à effet immédiat. Le plan proposé par le Gouvernement répond-il à ces trois critères qui permettent de juger de sa validité et de son efficacité ? Critères valables, du reste, ici comme ailleurs puisque la particularité de la situation – c’est au fond une chance pour nous – est que la prise de conscience de la crise est générale, tout comme la volonté d’y réagir. Il y a, et c’est heureux, une réelle volonté de coordination des politiques des différents pays européens et même du monde – et la France n’y est peut-être pas pour rien.

Ce plan de relance est-il donc massif ? Laissez-moi reprendre en quelques mots les propos très éclairants du président de la commission des finances. Je parlais de carottes, de pommes de terres…

M. Henri Emmanuelli. Et de poireaux !

M. Michel Sapin. …et autres poireaux. Prenons donc la même catégorie de légumes, si je puis me permettre. Point n’est besoin d’être expert pour éplucher un par un les 26 milliards d’euros du plan que vous nous présentez. On sait très bien que, s’agissant de 2009 – le chiffre figure d’ailleurs dans vos comptes –, ce ne sont pas 26 milliards d’euros, mais 19 milliards qui sont prévus dont une partie de trésorerie. Je ne discuterai pas de la validité des mesures que vous proposez. Force est de constater en tout cas que les crédits de trésorerie, aussi utiles soient-ils à l’économie française, visent à pallier ceux que les banques ne proposent plus. Au fond, l’État se retrouve à faire le banquier de l’économie française. Cela remplit-il le carnet de commandes des entreprises ?

M. Henri Emmanuelli. Non ! Alors que c’est vital !

M. Michel Sapin. On sait bien que non, en effet. Je ne dis pas que vos préconisations sont inutiles, mais elles n’amélioreront en rien l’état des carnets de commandes ; autrement dit, elles ne créeront pas de travail supplémentaire, donc pas d’emplois, et elles n’auront pas d’effet positif sur les salaires.

Quelles dispositions de votre plan sont-elles susceptibles de remplir les carnets de commandes ? Vous proposez dans vos comptes mêmes un effort d’un peu plus de 6 milliards d’euros dont seulement 4 milliards à effet 2009, comme l’a rappelé Didier Migaud. Est-ce là ce qu’on appelle un plan massif ?

M. Henri Emmanuelli. Non !

M. Michel Sapin. À l’évidence, non ! Ce plan n’a pas le caractère massif que les autorités internationales, que nombre d’observateurs et mêmes au sein de votre majorité, estiment que nous sommes en droit d’exiger pour se révéler efficace.

Ce plan est-il équilibré ? C’est là que se pose la fameuse question de la consommation. Le plan prévoit des investissements et vous vous étonniez, monsieur le ministre, de notre accord. Nous ne sommes pas les ennemis de l’investissement puisque nous considérons les crédits d’investissements comme indispensables : ces deux piliers de l’économie – la consommation et l’investissement – nous semblent nécessaires, a fortiori dans la perspective d’une relance économique.

Mais pourquoi n’insister que sur le seul investissement ? Est-ce une lubie socialiste, communiste, ou tout simplement de gauche, que de prôner, dans le cadre d’un plan de relance, une aide à la consommation ? Non, c’est ce que montre Olivier Blanchard, économiste du FMI, qui n’est pas connu pour des travaux ultra-gauchistes.

M. Henri Emmanuelli. Ça non !

M. Michel Sapin. Il a analysé en profondeur la crise mondiale – par conséquent la crise française – comme une crise massive de la demande. Pour répondre à une crise massive de la demande, une stimulation massive de la demande s’impose, en France comme ailleurs.

Le rapporteur général a ressorti un discours enflammé sur 1981. Nous sommes quelques-uns – Patrick Devedjian notamment, ou Henri Emmanuelli qui exerçait des responsabilités – à nous souvenir de cette période. Ce qui a été réalisé en 1981 était nécessaire.

M. Henri Emmanuelli. Oui, mais nous étions seuls !

M. Michel Sapin. En effet, nous étions seuls. La grande différence aujourd’hui – et ayez cette donnée bien présente à l’esprit –, c’est que, heureusement pour nous, pour l’Europe et pour le monde – puisque c’est valable pour les États-Unis autant que pour la Chine –, nous ne sommes plus seuls : la crise est mondiale et la seule manière d’y faire face est d’agir ensemble. Dès lors, nous n’avons pas à craindre de nourrir nos importations, pas plus que les autres n’ont à redouter d’aggraver les leurs à notre profit. Pour peu que cette relance soit coordonnée, elle stimulera de manière égale l’ensemble des économies concernées.

M. Henri Emmanuelli. Très juste !

M. Michel Sapin. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas nous accuser de vouloir refaire comme en 1981. Non, et heureusement, car la coopération européenne a progressé et parce que la coopération mondiale, même si l’on pourrait la souhaiter meilleure encore, n’en est pas moins devenue une réalité. Stimuler la consommation ne reviendrait donc pas à stimuler nos importations mais bien la production car si les consommations britannique, espagnole et bientôt allemande sont relancées, la production de certains de nos biens – car heureusement nous exportons aussi – s’en trouvera renforcée de même que, conséquemment, l’emploi et les salaires.

De ce point de vue, malgré vos démonstrations sur l’existence de crédits supplémentaires, force est d’admettre que l’augmentation des transferts sociaux notamment est identique à celle des années précédentes. On ne saurait donc parler d’une stimulation supplémentaire par rapport à 2008 ou à 2007. Ce qui compte, ce n’est pas le cumul des crédits, mais les crédits supplémentaires que l’on met en oeuvre pour faire face à la crise.

Ce plan n’est donc pas équilibré. Or d’autres pays ont prévu des plans qui, eux, le sont. C’est le cas du Royaume-Uni, même si l’on prend un malin plaisir à traiter les Anglais d’irresponsables, après les avoir si souvent cités en exemple lors de la mise en œuvre d’un plan de soutien à l’économie financière.

M. Henri Emmanuelli. Nous avons même essayé de les imiter !

M. Michel Sapin. Eh bien, leur plan de relance économique n’est pas moins responsable que les mesures qu’ils ont prises pour tenter de sauver leur système financier. Nous ne sommes pas plus irresponsables qu’eux lorsque nous vous proposons un plan de relance équilibré destiné à stimuler aussi la consommation.

Enfin, la question de l’équilibre et du soutien à la consommation manifestement vous travaille, chers collègues de droite. Est-il suffisamment prévu pour la consommation ? Vous vous posez même tellement cette question que le rapporteur général lui-même déclarait ce matin dans Les Échos qu’il faudrait faire plus à ce sujet. Certes, sa modestie naturelle l’a poussé à ne pas vouloir se distinguer trop nettement à la veille de ce débat et il n’a préconisé en la matière qu’un effort de 1 milliard d’euros. Mais on sait bien que vous ne pourrez pas faire autrement que de consentir un effort bien plus important en faveur de la consommation afin de rééquilibrer ce plan de relance.

Troisième critère : ce plan, ni massif ni équilibré, est-il à effet immédiat ? Nous ne devons pas agir pour 2010 ou 2011 mais bien pour l’année 2009, même si nous devons bien sûr nous préoccuper des années à venir. En ce qui concerne les investissements à long terme comme le TGV, par exemple, plus tôt ils seront lancés, et les collectivités locales sont très sollicitées, mieux ce sera pour améliorer l’équipement de la France.

Mais la question est de savoir ce qui, dans ces 4 milliards d’euros consacrés à 2009, va immédiatement stimuler l’économie française. Vous soutenez que les collectivités locales – qui représentent 75 % des investissements – sont à même, peut-être plus que l’État ou les grandes entreprises publiques, qui ont leurs lourdeurs, leurs programmes d’investissements, leurs problèmes techniques, de déclencher dès maintenant des investissements qui auraient pu être lancés plus tard. Je pense que ce raisonnement est exact.

Seulement, combien mettez-vous sur la table pour permettre aux collectivités locales de réaliser dès maintenant des investissements qu’elles avaient peut-être programmés pour 2010, 2011 ou 2012 ? Je laisse de côté la question du FCTVA qui pour nous est une avance de trésorerie…

M. Michel Piron. Qui n’est pas négligeable !

M. Michel Sapin.… et ne constitue pas des crédits supplémentaires par rapport à une programmation triennale. Je suis, comme nombre d’entre vous, à la tête d’une collectivité locale dont les programmations s’étendent non pas sur une mais trois ou quatre années au cours desquelles les remboursements de FCTVA sont prévus. Que ces remboursements soient effectués cette année, tant mieux : comme pour les entreprises, ce sera autant d’argent en moins à emprunter.

M. Jérôme Cahuzac. Exactement !

M. Michel Sapin. Ce n’est pourtant pas ce qui va nous donner un surplus de capacité d’investissement sur notre plan triennal.

Quels peuvent être les facteurs déclenchants ? Par exemple l’effort que vous consentez à propos du Fonds national d’aménagement du territoire – alors que vous délaissez la DGE. De mémoire, vous y consacrez 105 millions d’euros de crédits de paiement. Or, non seulement ce n’est déjà pas beaucoup, mais vous admettez vous-même dans les documents que vous nous soumettez – et je salue votre sincérité – que sur ces 105 millions, quelque 70 millions concernent ce qui doit être payé au 1er janvier 2009. Autrement dit, vous avouez qu’il s’agit non de financer des opérations supplémentaires, mais de payer des travaux déjà réalisés que vous n’êtes pas capables d’honorer en versements de subventions.

Le calcul que j’ai présenté à ce sujet en commission – et vous m’avez donné raison sur ce point – montrait que 15 millions d’euros de crédits de paiements supplémentaires devaient permettre aux collectivités locales d’avancer des travaux.

M. Henri Emmanuelli. Grotesque !

M. Michel Sapin. Imaginons une multiplication par trois ou quatre de l’effet de ces crédits d’États : nous en serions à 60 millions d’euros de travaux supplémentaires.

M. Henri Emmanuelli. Ça n’existe pas !

M. Michel Sapin. Ce que vous proposez est manifestement insuffisant et une telle multiplication aurait un effet immédiat alors que tout le reste est lourd – et ce n’est pas qu’une question de marchés publics : dans le cas des TGV, par exemple, il faut acheter les terrains, réaliser des études, etc. Personne ne peut aller plus vite que la musique, en l’occurrence plus vite que le TGV lui-même.

Vous aviez donc la possibilité de stimuler l’investissement immédiat, de créer du travail supplémentaire dans le secteur du bâtiment. Je pourrais prendre de multiples exemples dans bien d’autres domaines comme la rénovation urbaine,…

M. Olivier Carré. C’est fait, la rénovation urbaine !

M. Henri Emmanuelli. Comme vous dites, c’est fait…

M. Michel Sapin. …ou la construction de logements.

Ce plan, messieurs les ministres, mes chers collègues, n’est donc ni massif, ni équilibré entre l’investissement et la consommation, ni à effet immédiat. Ce que vous nous proposez n’est donc pas un plan de relance mais, tout au plus, un petit plan d’urgence en termes de trésorerie pour les entreprises et éventuellement pour les collectivités locales. Plan d’urgence pour les collectivités locales ou les entreprises, oui ; plan de relance pour l’économie française, non !

C’est bien la raison pour laquelle vous ne pourrez pas, messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, rester longtemps ainsi. Déjà certains avaient annoncé que s’il fallait faire plus, on ferait plus. Ce plan de relance n’en est pas un, j’insiste, il reste à construire et nous y participerons à travers nos propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. Rendez-vous à la fin du mois !

M. le président. La parole est à M. le ministre du budget.

M. Éric Woerth, ministre du budget. Monsieur Sapin, vous semblez soutenir que notre plan n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait faire. Le problème, c’est que votre plan à vous n’a même pas vu le jour…

M. Charles de Courson. Ils y penseront le 20 !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Un jour, nous aurons un plan de relance du parti socialiste…

Mme Laure de La Raudière. Ce sera trop tard !

M. Éric Woerth, ministre du budget.… quand la crise sera passée… Il s’agira donc d’un plan correspondant exactement à ce qu’il aurait fallu faire ! En termes de calendrier, alors qu’à une époque vous étiez un peu en avance, vous allez être en retard d’un plan ; vous devriez donc faire attention.

M. Henri Emmanuelli. C’est vous, le ministre du budget, c’est vous qui êtes aux responsabilités !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Vous soutenez qu’il ne s’agit pas d’un plan massif. Si, c’est un plan franchement massif !

M. Henri Emmanuelli. Mais non !

M. Éric Woerth, ministre du budget. J’ai tenté de montrer – manifestement sans succès – qu’un montant n’était pas comptabilisé dans le plan : je veux parler de nos 80 milliards d’euros de déficit, soit 80 milliards d’euros de dépenses publiques de plus que de recettes publiques. Le principe d

’un plan de relance, dans toutes les économies du monde, revient à substituer de la dépense publique à une dépense privée asséchée.

Nous avons bien en France, compte tenu de l’état de nos finances publiques et de notre déficit, un plan de relance.

Le déficit public, ce n’est pas autre chose : c’est bien de la dépense publique. L’augmentation du déficit fait bien partie du plan de relance, vous ne pouvez pas le contester. Dans un contexte de développement, c’est plutôt un handicap ; mais aujourd’hui, dans un contexte de crise, cela devient un atout. On voit les autres pays se précipiter pour essayer de savoir comment créer de la dépense publique afin d’injecter de l’argent dans leur économie et de recréer ainsi de la croissance.

La France a un niveau de déficit public que nous avons considéré, à un moment donné, comme acceptable. Nous l’avons créé ensemble : ne refaisons pas l’histoire de ces trente dernières années. Mais au moment où l’économie se porte moins bien, il convient évidemment de procéder à une injection massive de capitaux dans l’économie. Et celle que nous proposons est en effet massive, considérable.

J’ai cité le chiffre de 65 milliards, comme l’ont fait Patrick Devedjian et Christine Lagarde. Ce chiffre n’a pas été inventé. Il résulte d’abord des 26 milliards d’euros du plan de relance. Il résulte ensuite des stabilisateurs automatiques, puisqu’il faut bien employer ce terme. Vous pouvez lever les bras au ciel, monsieur Muet, mais tous les économistes le disent régulièrement. Ce chiffre résulte également de l’argent injecté dans le fonds stratégique d’investissement. Il y a aussi la revalorisation des prestations sociales. Vous dites que nous les aurions de toute façon réévaluées…

M. Henri Emmanuelli. Oui ! Elles le sont tous les ans !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Selon vous, l’augmentation de 17 milliards est la même que l’année précédente. Mais l’inflation n’est pas la même. L’année dernière, elle était de 2,9 %, alors qu’elle est de 1,5 % cette année.

M. Henri Emmanuelli. Ça change tout…

M. Éric Woerth, ministre du budget. L’écart est très important. Et encore, je ne suis pas sûr que l’inflation de cette année atteigne 1,5 %. C’est donc bien du pouvoir d’achat qui est réinjecté.

M. Henri Emmanuelli. Vous êtes autiste !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Les 9 milliards d’euros de prestations familiales – je ne parle pas des effets liés à la démographie –, c’est bien de l’argent supplémentaire qui va être injecté dans l’économie, par différents circuits, dans différentes conditions, en fonction des droits des personnes. Ce sont bien 9 milliards de plus qui vont aller à la consommation, au pouvoir d’achat, vous ne pouvez pas le nier.

Vous suggérez que ce plan ne serait pas équilibré. D’abord, il l’est parce que, comme nous l’avons dit et répété, il intègre bien une dimension liée à la consommation, comme d’ailleurs notre politique dans son ensemble. Ensuite, il y a bien un équilibre au travers des acteurs que nous sollicitons : c’est l’État, certes, mais ce sont aussi les entreprises publiques et les collectivités territoriales, c’est-à-dire l’ensemble des acteurs qui sont maîtres de la dépense publique. Les organismes publics de sécurité sociale sont aussi mis à contribution.

Ce plan est donc équilibré sur le fond, ainsi que par ses canaux de distribution.

En ce qui concerne les collectivités, puisque vous avez insisté sur ce point, monsieur Sapin, les 2,5 milliards du FCTVA ne peuvent être considérés comme une mesure de trésorerie.

M. Henri Emmanuelli. Si ! Ce n’est pas un plan d’investissement !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Non, ce n’est pas une mesure de trésorerie – en tout cas pas avant la fin du monde, puisque c’est seulement à ce moment que l’État récupérera cet argent. Mais ce moment est très éloigné, nous l’espérons tous. L’année prochaine, vous allez bien toucher – si vous respectez les critères d’investissement – deux ans de FCTVA. Et l’année d’après, vous toucherez une année de FCTVA. C’est donc une mesure de financement, et de financement pérenne.

Un mot enfin sur les stabilisateurs automatiques. Vous n’en parlez jamais, comme s’ils n’existaient pas. Mais ils existent : il y a bien dans le budget 15 milliards d’euros qui ne seront pas prélevés et qui l’auraient été s’il n’y avait pas eu de crise. Il y a 15 milliards de diminution des prélèvements obligatoires. Cette perte de recettes n’est pas compensée. Ne pas percevoir des fonds publics, c’est bien une manière de stabiliser l’économie.

M. Henri Emmanuelli. C’est n’importe quoi !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Et c’est bien plus puissant en France que dans les autres économies, pour la bonne et simple raison que le niveau de la dépense publique est plus élevé chez nous qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

M. Henri Emmanuelli. Autrement dit, les moins-values fiscales sont une aide à l’investissement ! Vous vous moquez de nous !

M. Éric Woerth, ministre du budget. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à ne pas voter cette motion.

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité.

La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe UMP.

M. Serge Poignant. En ces temps de crise économique et financière, la réactivité et l’anticipation sont les maîtres mots.

Le Président de la République et le Gouvernement ont fait preuve de cette réactivité, comme cela a été dit, pour sauver notre filière bancaire. Il faut s’en féliciter, parce nous sauvons par là même nos entreprises.

Je veux aussi rappeler ce qui a été fait pour Dexia, qui concerne tout de même 15 000 communes.

M. Yves Bur. Eh oui !

M. Serge Poignant. Alors oui, je soutiens ce plan de relance et ce projet de loi de finances rectificative pour 2009. Je me félicite que la France ait impulsé une réactivité européenne, avec ces 200 milliards d’euros.

M. Henri Emmanuelli. Mais oui, c’est ça !

M. Serge Poignant. Eh oui, monsieur Emmanuelli. Je me félicite aussi du choix de soutenir les investissements, qui sont la condition nécessaire au développement de l’emploi, et d’abord, en ces temps de crise, à sa sauvegarde, ainsi qu’à l’exercice d’une solidarité que nous voulons protéger.

Cela renforce aussi la consommation, laquelle, parce qu’elle sera pérenne, soutiendra notre économie.

Vous dites que ce plan est insuffisant. Mais MM. les ministres et M. le rapporteur général ont bien insisté sur le fait que nous injectons de l’argent frais sur une période courte, avec la volonté de ne pas obérer l’avenir. Je pense que ce plan relève d’un véritable esprit de responsabilité.

Au-delà de cette injection d’argent, il est également important que nous puissions accélérer les procédures. Car injecter de l’argent ne sera pas forcément suffisant si elles ne sont pas accélérées. C’est un autre aspect, extrêmement important, de ce plan de relance.

Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont été fort bien analysés par les ministres, par Jérôme Chartier, par Charles de Courson. Au-delà des mesures que l’UMP se félicite d’avoir soutenues en 2007 et 2008,…

M. Henri Emmanuelli. Au vu de leurs résultats, vous pouvez vous féliciter, en effet !

M. Serge Poignant. …mes collègues et moi-même, nous nous féliciterons d’appuyer ce plan de relance et ce projet de loi de finances rectificative, lesquels complètent, il faut le dire et le répéter, un dispositif global, qui a été rappelé par le président Ollier.

Je reconnais les talents d’expression de nos collègues Jérôme Cahuzac et Michel Sapin. Mais puisqu’ils placent leurs interventions sur le plan politique, je voudrais vraiment me féliciter que notre majorité, derrière le Président de la République, soit aux commandes en ces temps de crise, de grave crise mondiale.

Bien évidemment, nous ne voterons pas cette exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur. Les socialistes allemands sont moins ringards !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Je ne comprends toujours pas les critiques de nos collègues socialistes. Vous appartenez, chers collègues, à un mouvement européen qui s’est concerté à Madrid. Je lis les journaux. Qu’en est-il ressorti ? Que vous proposiez de soutenir l’investissement public. Sur ce point, il n’y a pas grand débat. Et votre ami Gordon Brown fait la même chose. Il soutient comme nous les investissements publics, à l’université et ailleurs. Bon, c’est là quelque chose de classique.

M. Michel Sapin. Et que fait-il par ailleurs ?

M. Charles de Courson. D’autre part, il baisse de deux points le taux général de la TVA. J’ai cru comprendre que ce n’était pas du tout la position des socialistes européens, puisque ceux-ci veulent des baisses de taux ciblées.

M. Henri Emmanuelli. Non, pas en Espagne ni en Allemagne !

M. Charles de Courson. C’est dans votre article, chers collègues. Quant à l’Allemagne, je vais y venir.

Vous trouvez que le plan est insuffisant quant à son montant. Mais il est de combien, le plan de M. Brown ?

M. Michel Sapin. De 27 milliards.

M. Charles de Courson. Effectivement, 27 milliards. Et le nôtre est de combien ?

M. Michel Sapin. De 4 milliards.

M. Charles de Courson. Non, de 26 milliards ! C’est donc le même ordre de grandeur, puisque les PIB français et britanniques sont à peu près les mêmes. Nous nous sommes tous calés sur la demande de la Commission européenne – approuvée par les gouvernements européens – de faire un effort de 1,2 % du PIB. Nous sommes bien à 1,2 %.

Pour ce qui est du plan allemand, il est de 50 milliards, mais sur deux ans, autrement dit à peu près 25 milliards.

M. Jérôme Cahuzac. Vos 26 milliards aussi, c’est sur deux ans !

M. Charles de Courson. Je rappelle que le PIB de l’Allemagne n’est pas de 2 000 milliards, comme le PIB français ; il se situe autour de 2 600 ou 2 700 milliards. Le plan allemand correspond donc à un effort moins important que le plan français.

Et que je sache, vos amis sociaux-démocrates allemands se sont mis d’accord avec la CDU-CSU sur un bloc de mesures, mais qui est inférieur à ce que fait le Gouvernement français avec son plan de relance.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas sérieux !

M. Charles de Courson. D’autre part, il ne semble pas que nos amis allemands préconisent, comme le font vos amis britanniques, une baisse générale du taux de TVA. C’est une énorme erreur. Pourquoi ? Parce que cette baisse ne peut pas être ciblée. Et en plus, M. Brown la décide pour deux ans. Bonjour les dégâts quand, dans deux ans, il relèvera le taux de deux points !

M. Henri Emmanuelli. Il viendra vous chercher.

M. Charles de Courson. En outre, on ne peut pas dire que M. Brown ait beaucoup soutenu l’industrie britannique. Il croyait que la finance était une industrie, mes chers collègues. Il parlait d’ailleurs d’« industrie financière ».

M. Yves Bur. Eh oui !

M. Charles de Courson. Vous le prenez en exemple alors que le Royaume-Uni est l’illustration de la dérive du système. Alors, n’en faites pas trop avec M. Brown ! Car que va-t-il se passer ? Les importations de biens de consommation vont être massives. Alors que le Royaume-Uni a déjà une balance commerciale extrêmement dégradée, M. Brown va encore accentuer ce déficit. Franchement, chers collègues, n’allez pas trop vous inspirer de la politique de M. Brown !

Inspirez-vous davantage de la CDU-CSU. Mais nous faisons plus que le gouvernement allemand.

M. Henri Emmanuelli. À trop vouloir prouver, on finit par dire n’importe quoi, monsieur de Courson. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Chartier. C’est un expert qui parle !

M. Bernard Deflesselles. C’est une parole de professionnel !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.

M. Pierre-Alain Muet. Après la brillante présentation de Michel Sapin, je voudrais expliquer le vote du groupe socialiste sur cette motion, mais aussi répondre à M. le ministre, qui dit que les socialistes n’ont pas de propositions.

Si vous écoutez bien, monsieur le ministre, ce que nous avons dit, depuis au moins dix-huit mois, dans chacun des débats que nous avons eus sur la politique économique, vous verrez en filigrane les éléments d’un plan de relance parfaitement adapté à la conjoncture économique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Louise Fort. En filigrane !

M. Pierre-Alain Muet. Mais attendez un peu, vous verrez !

La France est en récession depuis janvier 2008. En raison des effets de la crise financière, cette récession est en train de se transformer en dépression. Qu’est-ce qu’une dépression ? Selon la définition qu’en donnent aussi bien le FMI que les instances européennes, c’est un effondrement cumulatif de la demande. La demande, c’est à la fois l’investissement et la consommation.

Face à une telle situation, il faut des plans de relance massifs. Celui que vous proposez est-il massif ? Michel Sapin, en s’appuyant sur vos propres chiffres, a montré que derrière les 26 milliards, il n’y a en réalité que 6,7 milliards de relance – une relance de l’investissement public, pour l’essentiel. Et sur ces 6,7 milliards, seuls 4 milliards concernent l’année 2009.

Ce plan n’est donc pas massif. Et comme on sait, en outre, qu’il faut entre six et neuf mois pour que des mesures d’investissement produisent leurs effets, c’est un plan qui n’est pas d’effet immédiat.

Est-il équilibré ? Un plan de relance devrait être complet. Être complet, cela veut dire intégrer toutes les composantes de la demande, et surtout prendre la récession à sa source. La source de la récession, c’est un problème de pouvoir d’achat du revenu disponible. Il croissait en 2007, il a cessé de croître au début de 2008, et il a même baissé, ce qui a fait baisser la consommation des ménages.

Un plan équilibré aurait donc ces deux composantes.

M. de Courson nous a parlé des autres plans européens ; mais celui de nos amis espagnols représente 2,2 % du PIB – en mesures effectives, l’OFCE l’évalue à 1,7 % du PIB. Voilà ce que l’on peut appeler un plan massif et, lorsque l’on examine son contenu, un plan équilibré.

Le plan anglais, lui aussi, est un plan massif,…

M. Charles de Courson. Oui !

M. Pierre-Alain Muet. Il représente 1,3 % du PIB, comme le nôtre – tout au moins en affichage. Car si vous prenez les mesures effectives, telles que les chiffrent les instituts de conjoncture indépendants comme l’OFCE, vous verrez qu’il y a une grande différence entre le plan anglais et le plan français.

M. Nicolas Perruchot. C’est toujours mieux chez les autres…

M. Pierre-Alain Muet. Chez les Anglais, ce 1,3 % correspond à des mesures effectives ; dans le plan français, l’OFCE chiffre les mesures effectives à seulement 0,5 % du PIB – 4 milliards d’euros. Autrement dit, votre plan n’est pas à la hauteur de la crise.

Pour une fois, nous ne vous dirons pas que votre politique n’est pas bonne. Oui, il faut relancer l’économie ; bien sûr, il faut relancer l’investissement public. Mais ce n’est pas suffisant. Si vous voulez réellement faire face à cette crise, il faut un plan massif, un plan qui joue sur le pouvoir d’achat, sur l’emploi, sur l’investissement. Vous ne l’avez pas fait. Ce n’est pas seulement un plan unijambiste : vous n’avez fait qu’un tiers de ce qu’il conviendrait de faire.

Vous n’êtes pas à la hauteur de la situation économique. Ce n’est pas nouveau : si l’on reprend votre politique économique depuis dix-huit mois, on s’aperçoit qu’elle a toujours été en retard sur la conjoncture, qu’elle a toujours traité les problèmes qui auraient pu se poser dans le passé, mais pas ceux du futur. Le plus bel exemple, c’est la loi TEPA et le dispositif absurde des heures supplémentaires. Cela aurait peut-être pu passer dans une situation de croissance forte, mais c’est une absurdité totale lorsque l’emploi s’effondre.

Si vous voulez réellement agir sur l’activité économique, il faut suivre la conjoncture et prendre des mesures adaptées. Ce n’est pas le cas de votre plan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 et du projet de loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)