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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 27 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Rudy Salles

. Logement et lutte contre l’exclusion

Exception d’irrecevabilité

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Christine Boutin, ministre du logement, M. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, Mme Frédérique Massat, M. Pierre Gosnat, M. Olivier Carré, M. Philippe Folliot

Question préalable

M. Pierre Gosnat

Mme Christine Boutin, ministre du logement, M. Olivier Carré, M. Philippe Folliot, M. Marcel Rogemont, M. François de Rugy

Discussion générale

M. André Chassaigne

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Daniel Goldberg

M. François de Rugy

Mme Chantal Bourragué

Mme Jacqueline Maquet

M. Abdoulatifou Aly

M. Patrick Balkany

M. Pascal Deguilhem

M. Bernard Gérard

M. Olivier Dussopt

M. Gérard Hamel

M. William Dumas

M. Jean-Claude Mathis

Mme Sylvie Andrieux

M. Jean-François Lamour

M. Marc Goua

M. Jacques Remiller

Mme Françoise Guégot

M. Michel Heinrich

M. Michel Ménard

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Rudy Salles,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Logement et lutte contre l’exclusion

Suite de la discussion,
après déclaration d’urgence, d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi, adopté par le Sénat, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (nos 1207, 1357, 1316, 1402).

Exception d’irrecevabilité

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, madame la ministre du logement, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous rejoignons tous sur l’urgence à résoudre la très grave crise du logement et de l’hébergement qui sévit dans notre pays depuis trop d’années, une crise qui brise les familles, qui casse la vie de bien trop de femmes et d’hommes pour ne pas constituer un scandale, qui prive des enfants d’un confort de vie compatible avec la promesse d’avenir que nous leur devons.

Nous ressentons et nous partageons peut-être tous ici la souffrance de nombre de nos compatriotes privés de ce droit élémentaire et vital : avoir un toit, un logement décent où ils pourraient s’épanouir, s’investir dans tous leurs projets de vie. Élus de terrain, acteurs locaux proches de la réalité du quotidien des Français, nous savons bien ce que vivent ces familles. Nous voulons que cela change ; nous voulons évidemment agir vraiment, et vite.

Oui, madame la ministre, la situation est grave et l’urgence s’impose à nous. Mais ce n’est pas en attachant à votre loi l’attribut de la procédure d’urgence que vous allez combler les carences et les lacunes que connaît l’action de l’État. D’autant que cela fait déjà cinq mois que l’urgence a été déclarée… Reconnaissez-le, madame la ministre, au-delà des avatars de l’ordre du jour parlementaire, les apparences sont bien contraires aux prétentions du Gouvernement !

Oui, madame la ministre, autant vous le dire franchement, en mémoire de tous les combats menés dans cet hémicycle depuis 2002, et dans lesquels, je l’ai toujours souligné, vous avez tenu votre place, souvent en vous démarquant courageusement de votre groupe : nous sommes profondément déçus.

Nous avons toujours dit qu’il n’y avait pas besoin d’une nouvelle loi, qu’il fallait s’atteler à appliquer toutes celles que nous avions adoptées ces dernières années, et surtout mobiliser les moyens financiers de l’État et tous les acteurs afin d’apporter une réponse pertinente et efficace aux attentes de nos compatriotes.

Madame la ministre, vous-même avez tenu ce discours à votre arrivée aux responsabilités et dans les mois qui ont suivi. Et, je le crois, vous étiez sincère. Seulement voilà, l’action de l’État pour le logement, c’est d’abord la lutte pour ses financements. C’est une vraie bataille, je le reconnais, dure au moment des arbitrages. Tous les ministres du logement qui vous ont précédée l’ont menée avec plus ou moins de résultats, plus ou moins d’efficacité.

Le sentiment, partagé par tous les acteurs du logement, c’est que vous avez perdu cette bataille. Les plus sévères, parmi lesquels je me range, disent que vous n’avez même pas daigné la mener, et que vous avez abandonné un combat pour lequel vous auriez obtenu toutes les mobilisations et tous les soutiens, y compris le nôtre. D’une certaine manière, cette loi est donc votre porte de sortie. Mais comment, dans ces conditions, mobiliser pour le logement ?

Quant à lutter contre l’exclusion, bienheureux est le droit d’amendement qui donne aujourd’hui à notre collègue Etienne Pinte et à nombre d’entre nous, sur tous les bancs de l’hémicycle, la possibilité de puiser dans les remarquables conclusions de son rapport, pour faire adopter par le Parlement des mesures relatives à l’hébergement d’urgence, auxquelles vous n’aviez manifestement attaché ni intérêt ni importance !

Certes, le logement est un domaine de compétence éclatée, impliquant de nombreux acteurs, de nombreuses interventions – comme l’urbanisme ou la maîtrise foncière –, de nombreux dispositifs et de nombreux financements, souvent croisés. Difficile à appréhender dans sa globalité, il l’est encore plus avec des mécanismes marchands qui restent prégnants sur les politiques locales de l’habitat – hausse des prix, des coûts de construction…

Mais je veux rappeler ici, solennellement, que l’État, dans la plénitude de ses compétences régaliennes, est garant du droit au logement et qu’à ce titre, la mise en œuvre de ce droit relève de sa totale responsabilité.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel – rappelons-la, puisque nous sommes dans le cadre d’une exception d’irrecevabilité – a souligné, par une décision du 19 janvier 1995, que la possibilité de disposer d’un logement décent, besoin aussi vital que de disposer d’une nourriture suffisante, a été élevée au rang d’objectif à valeur constitutionnelle. Cette décision protectrice du droit au logement fonde l’action du Gouvernement, elle l’oblige même, en orientant par ailleurs le travail législatif. Dans son considérant n° 8, le Conseil rappellait : « Il incombe tant au législateur qu’au Gouvernement de déterminer, conformément à leurs compétences respectives, les modalités de mise en œuvre de cet objectif à valeur constitutionnelle ; que le législateur peut à cette fin modifier, compléter ou abroger des dispositions antérieurement promulguées à la seule condition de ne pas priver de garanties légales des principes à valeur constitutionnelle qu’elles avaient pour objet de mettre en œuvre ».

Ce cadre constitutionnel nous contraint tous ici, dans cet hémicycle, membres du Gouvernement et députés de la majorité comme de l’opposition. Et je veux démontrer pourquoi et en quoi le projet de loi ne respecte pas ce cadre constitutionnel. Il exprime un recul sans précédent, une casse de tous les instruments mis en place au fil du temps.

M. Gérard Hamel. C’est excessif !

M. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Tout en nuances !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je veux ici dénoncer la faillite de ces dernières années, et montrer comment l’État a manqué à ses obligations légales et constitutionnelles pour conduire une politique publique volontariste, efficace et sincère. Dans le contexte de crise économique et sociale que nous traversons, cette défaillance est coupable, pour ne pas dire plus.

La France est une grande nation, mais je souhaiterais apprécier davantage sa grandeur lorsqu’il est question d’apporter des vraies réponses aux vrais problèmes : la crise du logement et de l’hébergement, par exemple. Or force est de reconnaître que votre projet de loi ne résout rien, peut-être par déni de réalité, car il ne s’attaque pas aux causes véritables de la crise.

Mais lorsque c’est l’État, garant du droit fondamental de se loger, qui commet ce déni de réalité, on peut parler d’action coupable.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Quel procureur vous faites !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, je veux rappeler que le Gouvernement français est tenu par les engagements européens et internationaux, dont certains font partie intégrante du bloc de constitutionnalité, et dont d’autres constituent une prescription morale qu’une grande nation se doit de respecter.

Alors que la France a été condamnée par le comité européen des droits sociaux en raison du déséquilibre entre l’offre de logements sociaux et le nombre de demandes, cette sixième loi en six ans va à l’encontre de toutes les recommandations européennes et parlementaires. Pis, elle marque une régression par rapport aux droits acquis par les lois de 1990 sur la mise en œuvre du droit au logement, par la loi de 1998 relative à la lutte contre l’exclusion, par la loi SRU de 2000 et même, madame la ministre, par la loi DALO de 2007 dont vous étiez la rapporteure, puisque ce projet de loi n’est même pas l’amorce d’un commencement du commencement du rattrapage du retard accumulé !

M. Bruno Le Roux. La démonstration est implacable !

M. Michel Piron, rapporteur. Affirmer n’est pas démontrer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut 300 000 vrais logements sociaux accessibles au plus grand nombre pour combler le besoin de la population qui croît chaque année, comme le recensement légal vient à nouveau de le démontrer.

Il faudrait pour cela remédier au manque d’investissement dans le parc locatif, qu’il soit public ou privé, accessible à tous. Il faudrait se donner les moyens par une politique volontariste de relance de la construction. C’est ce que vous ne faites pas. Et c’est en cela que vous violez des normes constitutionnelles et européennes.

La Charte sociale européenne, qui engage l’État français, dispose dans son article 31 qu’« en vue d’assurer l’exercice effectif du droit au logement, les Parties s’engagent à prendre des mesures destinées à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes ». Le Conseil Constitutionnel ne dit rien de moins dans sa décision du 19 janvier 1995 : « La possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».

Tant que, prisonniers de votre logique libérale, vous continuerez à croire dans les vertus d’un marché censé réguler à lui seul le marché immobilier, vous contribuerez à ne le rendre accessible qu’aux 30 % de Français les plus aisés. Tant que vous vous contenterez de construire seulement 20 000 PLAI – et cette année, ils ne sont que 17 000 –, seule catégorie de logement accessible à la moitié des demandeurs, alors qu’il en faudrait trois fois plus, vous continuerez de creuser les inégalités entre les citoyens.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Et vous, qu’avez-vous fait ? Combien en avez-vous construit ?

M. Michel Piron, rapporteur. Ils sont amnésiques !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Beaucoup d’efforts pour quelques privilégiés et des moyens dérisoires pour le plus grand nombre : voilà votre politique en matière de logement !

Comment oser justifier la crise du logement comme une résultante de la crise financière mondiale et de la réticence des banquiers à émettre des prêts ? Cette crise immobilière est différente et bien plus ancienne que celle des subprimes. Certes, la crise financière assèche les liquidités des banques, restreint les prêts à l’accession, mais ce n’est certainement pas la seule cause du fait que les ménages ne peuvent plus prétendre à acquérir un logement, devenu 140 % plus cher qu’il y a seulement cinq ans.

Aucun engagement budgétaire de l’État n’est prévu sur cette loi, outrageusement présentée comme une loi de mobilisation. Mais vous avez fait bien pire, n’est-ce pas, madame la ministre : en pleine crise immobilière, vous avez choisi de diminuer drastiquement le budget du logement et de la ville. Les crédits de paiement vont connaître une très forte compression – moins 6,9 % –, alors que vous réduisez de moitié la contribution de l’État à la surcharge foncière et supprimez tous les financements de droit commun des réhabilitations.

M. Alain Cacheux. Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La réduction de 30 %, dès cette année, des aides à la pierre, signifie l’interruption à très court terme de la participation de l’État à la construction des logements aidés.

Au moment où la mise en œuvre du plan de cohésion sociale et du programme national de rénovation urbaine nécessite un effort et un soutien tout particuliers, pensez-vous vraiment que ces choix budgétaires soient judicieux ? Et lorsque le Président de la République prétend faire du logement son chantier prioritaire…

M. Bruno Le Roux. Un de plus !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …c’est pour mieux soumettre les politiques publiques du logement aux seules exigences de la RGPP, ce qui revient à accorder la primauté au monde de l’économie qui passe ainsi avant le logement, et donc, avant les besoins de nos concitoyens.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous l’aurez compris, l’absence d’effort budgétaire de l’État le décrédibilise et entame la réalité de ses intentions pour garantir un logement accessible à tous, sur tout le territoire national.

Loin de vos responsabilités constitutionnelles, mais dont la dimension sociale n’échappe à personne, toujours au nom de cette logique libérale, et parce que vous n’êtes pas capable de mobiliser les moyens indispensables pour conduire une politique du logement de grande ampleur et d’envergure, votre ambition se borne à capter des ressources jusque-là extrabudgétaires, autrement dit à piller les disponibilités financières des partenaires traditionnels et constants : vous détournez les fonds du 1 %, tout en multipliant ses missions et vous mettez la main sur la prétendue cagnotte du monde HLM, après avoir libéralisé le livret A pour satisfaire les lobbies bancaires. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Roubaud. Vos propos sont scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Où étiez-vous donc, madame la ministre, lorsque, dans cet hémicycle, nous avons tenté d’empêcher le Gouvernement de céder au secteur bancaire ? Pourquoi n’avez-vous pas au moins élevé la voix pour rappeler, simplement, mais fortement, comme tous vos prédécesseurs ministres du logement l’avaient fait jusqu’alors, la place qu’avait tenue le livret A dans les politiques publiques du logement, constructions et réhabilitations confondues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marc Roubaud. Elle l’a fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Un ministre du logement qui ne défend pas les instruments séculaires que la République s’est donnés a-t-il vraiment la mesure des enjeux et des réels besoins qu’il a pourtant la charge de combler ? Peut-on réformer la justice en méprisant les magistrats, l’éducation nationale en stigmatisant les enseignants, prôner la réforme du dialogue social en bâillonnant les partenaires sociaux ? Vous utilisez, madame la ministre, cette même méthode pour ce que vous considérez être une mobilisation pour le logement.

M. Marcel Rogemont. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sans les bailleurs sociaux et leur union, sans le 1 % et les partenaires sociaux, sans les collectivités et leurs élus, sans les locataires et leurs amicales, les demandeurs de logements et leurs associations, les sans-abri et leurs associations d’accompagnement social, croyez-vous pouvoir conduire une politique de logement et d’hébergement à la mesure des obligations constitutionnelles et des engagements sociaux et moraux auxquels un Gouvernement de la République se doit de souscrire ?

M. Michel Piron, rapporteur. Comme chacun peut le constater, le ton de M. Le Bouillonnec est décidément très mesuré…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n’exprimez aucune vision à long terme (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, en déstructurant, en démolissant tous les instruments dont notre pays s’était doté, vous faites peser un aléa insupportable sur la capacité de notre pays à poursuivre une politique publique.

M. Marcel Rogemont. Excellent !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pour vous convaincre de cette erreur manifeste, je dois vous rappeler que l’Agence nationale pour l’habitat a commencé, ces jours-ci, à emprunter de l’argent pour poursuivre ses missions ?

M. Michel Piron, rapporteur. C’est justement pour cela qu’il faut voter le projet de loi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous allez évidemment me répondre, monsieur le rapporteur, que c’est en raison du retard pris par votre projet de loi.

M. Michel Piron, rapporteur. Et de votre désir de le repousser !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais les ressources du 1 % devront-elles assumer les intérêts d’emprunt de l’ANAH ?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quelle impréparation et quelle improvisation dans votre démarche !

M. Alain Cacheux. Ça, c’est tout eux !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Du calme !

M. Marcel Rogemont. On ne peut pas rester calme ! M. Le Bouillonnec a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et lorsque les ressources du 1 % seront asséchées – d’ici à quatre ans, prévoient ses responsables –, comment l’État assurera-t-il ses obligations ?

Ne pas donner, aujourd’hui, une réponse à cette question, madame la ministre, c’est contraire à toutes les obligations qui vous incombent, et totalement insupportable pour tous ceux qui œuvrent pour l’amélioration de l’habitat et des conditions de vie de nos concitoyens !

En ne permettant pas aux organismes HLM et au 1 % logement de préserver des financements pérennes, votre projet de loi compromet toutes les possibilités de répondre à l’objectif de construction de logements sociaux accessibles aux demandeurs – 300 000, je le rappelais tout à l’heure. Et c’est en cela, madame la ministre, que votre projet de loi viole les obligations constitutionnelles qui incombent à l’État, comme je l’ai démontré tout à l’heure.

Mais ce n’est plus seulement la parole du Gouvernement qui est en cause, c’est sa signature, madame la ministre ! Je rappelle que, quelques mois seulement après avoir signé les conventions avec les partenaires sociaux, du 1 % comme des bailleurs sociaux, vous remettez en cause, sans dénonciation préalable de ces conventions, tous les engagements mutuellement souscrits. Vous engagez une logique coercitive, rompant la relation de confiance avec tous vos partenaires que vous laissez, et c’est très grave, dans un vide juridique aussi peu sûr qu’illégal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Que faites-vous de la signature de vos prédécesseurs qui engageait le Gouvernement de la République, autant que la vôtre ? Comment avez-vous pu déclarer devant les députés, réunis en commission des affaires économiques, que le compte rendu des discussions entre vous et les partenaires sociaux suffisait à construire les obligations respectives de chacun ? Pas de conventions signées, pas d’obligations certaines, pas de comptes à rendre et pas de dénonciation possible !

Mme Annick Lepetit. Et voilà !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J’attends avec impatience les prochains commentaires de la Cour des comptes, et peut-être même du Conseil constitutionnel, qui ne manqueront pas de compléter ce que le Conseil d’État a déjà en quelque sorte suggéré. Madame la ministre, l’UESL, ce n’est pas l’État, et c’est la loi qui le dit !

Enfin, au lieu de poursuivre l’intérêt général, vous mettez les deniers publics au service de la défiscalisation de l’investissement privé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je pense ici aux dispositifs du type de Robien, que vous avez choisi de renforcer depuis 2002 en ignorant leurs effets dévastateurs – augmentation des prix fonciers et des loyers –, comme vous avez ignoré nos arguments et nos appels à y renoncer.

M. Michel Piron, rapporteur. Ce n’est pas ce que vous avez écrit ensemble !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aujourd’hui, pour ne pas perdre la face, vous acceptez d’envisager un recentrage du dispositif de Robien sur les zones les plus tendues. La loi de finance rectificative a modifié l’ancrage fiscal du dispositif. Le correctif proposé est insuffisant puisqu’il ne permettra pas une baisse réelle du coût du logement pour nos concitoyens, alors même que l’État est constitutionnellement obligé de fournir un logement accessible et abordable à nos concitoyens.

Madame la ministre, vous l’aurez compris, votre approche comptable, quasi arithmétique de droit au logement est incompatible avec la valeur constitutionnelle reconnue à ce droit. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous ne pouvez pas sacrifier un droit aussi fondamental sur l’autel de l’économie pour dissimuler l’absence d’effort budgétaire de l’État. Vous ne pouvez pas invoquer la rigueur budgétaire, la maîtrise du déficit public pour proposer et justifier ces ressources provisoires de plus en plus incertaines dans ce contexte de crise conjoncturelle et structurelle. Le devoir de l’État de garantir à chacun un logement décent et adapté à ses besoins doit se concrétiser tout au long de la chaîne du logement : de l’hébergement des plus démunis à la propriété individuelle, en passant par les logements aux loyers abordables. Ce devoir a d’ailleurs été consacré par l’article 1er de la loi Besson qui, sur le fondement du droit au logement, prévoit que l’État doit assurer le maintien et le développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales.

Dès le stade de l’hébergement pour les personnes les plus démunis, votre projet de loi échoue et ne répond pas à ce devoir. Ainsi, votre prétendue lutte contre l’exclusion se limite-t-elle à un chapitre sans envergure, sans mesures concrètes que l’Assemblée rattrapera, bien entendu, grâce au droit d’amendement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Et alors, c’est bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n’est pas vous qui avez retenu les propositions du rapport de M. Étienne Pinte, mais les députés !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Tant mieux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aucune recommandation du comité DALO n’a été suivie ! Des propositions avaient pourtant été avancées, qui répondaient à l’exigence d’accompagnement des personnes difficultés.

M. Pinte préconisait, par exemple, des mesures pour prévenir les expulsions. Vous lui répondez par un article de loi qui réduit les délais d’expulsion de trois à un an, au mépris des conventions et de nos obligations internationales ! La réduction des délais d’expulsion est contraire à la prévention du risque de sans-abris. Quelle est la constitutionnalité d’un dispositif gouvernemental qui réduit les délais d’une mesure d’expulsion quelle que soit la cause, y compris l’impossibilité de payer le loyer, replaçant du même coup la personne remise à la rue dans les catégories prioritaires au titre du droit au logement opposable… Dois-je ainsi rappeler que, dans son article 31, la Charte sociale européenne dispose entre autres qu’en vue d’assurer l’exercice effectif du droit au logement, les Parties s’engagent à prendre des mesures destinées à prévenir et à réduire l’état de sans-abri en vue de son élimination progressive ?

La réduction des délais d’expulsion, qui n’a d’autre objectif que de réaliser une économie en dispensant l’État de payer à l’indemnité due au propriétaire, est contraire à cette prévention de l’exclusion contre laquelle la France s’est pourtant engagée à lutter.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Où est l’aide à la solvabilité des ménages, notamment par l’aide au logement ? Où est la prévention des expulsions, voire l’accompagnement social, pour placer le locataire hors de toute fragilité ? Où est, enfin, la garantie universelle des risques locatifs, madame la ministre ? Je parle bien d’une garantie « universelle », et non à la seule volonté du propriétaire !

Quant au DALO, parlons-en justement ! La loi instituant le droit au logement opposable, adoptée le 5 mars 2007, devait permettre à la France de répondre aux exigences européennes et constitutionnelles.

M. Marcel Rogemont. Où en est-on ? On aimerait bien le savoir ! Où sont les logements ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais pour qu’elle soit effective, encore faut-il en avoir la volonté politique !

M. Marcel Rogemont. Il y en a assez des déclarations !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dois-je rappeler qu’à l’initiative du groupe socialiste, un amendement dit « anti-remise à la rue » avait été adopté pour que toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence puisse y demeurer, dès qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation vers une autre structure lui soit proposée. Madame la ministre, c’est ce problème qu’il convient de régler. Les personnes qui se trouvent dans des centres d’hébergement ne doivent en sortir que pour intégrer des centres de logement ou des logements appropriés. La solution de la DALO, vous le savez bien, ne marche que lorsque des logements existent, et dans les communes qui en ont fait.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tant qu’on n’aura pas réglé cette situation, tant qu’on n’aura pas augmenté la capacité de l’offre locative sociale, vous poserez les problèmes aux maires bâtisseurs, constructeurs de logement social, ceux que vous évoquiez tout à l’heure ! Allez chercher de la construction de logement sociaux sur les territoires des communes dont les maires s’y refusent, voilà votre obligation, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

De la même manière, il est important de faire connaître la réalité de ce droit.

Le logement, je l’ai dit, est un élément structurant pour l’individu, une fondation pour l’épanouissement personnel. Avoir un toit est aussi fondamental que d’avoir accès aux soins et que d’avoir un emploi.

Ce caractère essentiel du logement, tous les textes fondamentaux au niveau européen et international le consacrent, tous les textes constitutionnels le confirment. La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 elle-même rappelle que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux… »

M. Jean-Patrick Gille. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est un droit, madame la ministre, ce n’est pas une aumône ! Votre volonté d’expulser les personnes en sous occupation sonne comme une véritable négation de ce qui constitue la réalité des parcours de vie et des histoires familiales.

M. Michel Piron, rapporteur. C’est vraiment caricatural !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En effet, en dépit de ce que vous tentez de faire croire à l’opinion publique, les personnes en sous-occupation ne sont pas toutes des profiteurs qui bénéficient de passe-droits à l’intérieur du parc social. Ce sont des réalités différentes, souvent humainement très douloureuses : les parents divorcés qui doivent accueillir leurs enfants les jours où ils en ont la garde, les parents âgés qui ont vu leurs enfants quitter le foyer familial, mais qui aimeraient pouvoir les accueillir en cas d’accidents de la vie, comme leurs petits-enfants lorsque le besoin de cette solidarité familiale s’exprime.

M. Michel Piron, rapporteur. Ceux-là ne seront pas touchés !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous posez la question de l’exigence de justice pour que chacun occupe un logement social qui ne soit pas d’une capacité supérieure à ses propres besoins. Mais la réalité de vie d’un parent divorcé ou veuf, de grands-parents, n’est pas limitée à leur propre situation !

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La volonté d’une gestion normée de l’occupation du logement social risque fort de vous faire commettre de graves injustices. Donnez aux bailleurs sociaux, donnez aux élus, aux habitants les réponses qu’ils attendent : comment allez-vous faire, madame la ministre, pour chasser ces gens-là de leurs logements sociaux ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Il a raison !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et quand bien même vous y réussiriez, où iraient-ils ? Répondez, madame la ministre ! Dans le parc privé ? Répondez, madame la ministre ! Les loyers seront-ils supérieurs ? Répondez, madame la ministre ! Vivront-elles dans des capacités réduites de logement ? Vous devez répondre à ces questions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Répondez, madame la ministre !

M. Michel Vergnier. Il faut répondre, madame la ministre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Plus ils râlent, plus cela m’encourage !

Si vous portez atteinte à un droit, madame la ministre, vous devez nécessairement dire de quelle manière vous le compenserez ! L’idée que le logement puisse répondre aux besoins de la personne qu’il loge ne doit pas se réduire au calcul des unités de vie ! D’une certaine manière, par cette approche, vous empêchez les habitants dans ces situations particulières de les assumer alors qu’ils ont besoin, parce qu’ils sont fragiles, parce qu’ils sont en difficulté, d’être accompagnés. Pour moi, la République, c’est celle qui accompagne d’abord les personnes fragiles et en difficulté, madame la ministre ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Gosnat. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. D’une certaine manière, votre dispositif va provoquer, bien sûr, une rupture d’égalité entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas, entre ceux qui savent et ceux qui n’ont pas cette chance !

C’est la pénurie de logement locatif social qui nous fait aborder cette question et c’est pour cela que votre réponse est inacceptable !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Répondez, madame la ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Une politique qui ne fait rien pour relancer la construction de logements adaptés, socialement accessibles et qui réduit constamment les aides au logement pour les personnes les plus défavorisées en relevant la participation forfaitaire des ménages et surtout en maintenant pour des raisons idéologiques le seuil de non-versement de ces aides lorsqu’elles sont inférieures à 15 euros par mois, cette politique-là conduit à ces choix que nous qualifions de lourdement injustes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Elle est en totale contradiction avec l’objectif de mixité sociale, pourtant prescrit par la loi et la Constitution.

À cet égard, parce qu’on l’oublie souvent, la mixité sociale elle aussi a valeur constitutionnelle. Je rappellerai à cet égard la décision du Conseil du 8 décembre 2000. L’objectif de 20 % de logements sociaux était notamment contesté aux motifs qu’il portait atteinte au principe de la libre administration des collectivités territoriales et qu’il reposait sur le concept de mixité qui n’était pas défini. Le Conseil constitutionnel a précisé : « Ces dispositions […] ont pour finalité la réalisation de logements sociaux dans les communes où ceux-ci représentent moins de 20 % des résidences principales, mettant ainsi en œuvre l’objectif de mixité sociale ;… ». (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Quant aux obligations relatives à la création de logements sociaux, le Conseil a précisé que « l’objectif de mixité sociale est défini de façon suffisamment précise puisqu’il est réputé atteint, aux fins de l’article 55, lorsque le nombre de logements sociaux représente 20 % des résidences principales de la commune ;… » Et de conclure : «… l’obligation de création de logements sociaux mise à la charge des communes est définie avec précision quant à son objet et à sa portée… ».

Ainsi, cette décision capitale nous rappelle que l’objectif de 20 % de logements sociaux a été jugé conforme à la Constitution, ce qui donne une force incontestable à l’objectif de mixité sociale dans l’habitat.

Lorsque vous prévoyez l’abaissement du plafond de ressources, augmentez les surloyers, précarisez le bail en le portant à trois ans, vous n’égratignez pas seulement le droit au maintien dans les lieux, vous ne nourrissez pas seulement l’illusion coupable de développer l’offre locative sociale par une insidieuse manipulation des chiffres : vous organisez, à terme, pour les générations futures, une ségrégation sociale ingérable pour les pouvoirs publics, notamment les maires.

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toute la politique du Gouvernement poursuit d’ailleurs cette logique. Dois-je rappeler qu’au mois d’octobre dernier, il s’était attaqué à la dotation de solidarité urbaine, outil de péréquation financière entre les territoires, en supprimant – je vous le donne en mille – les critères du logement social ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Marcel Rogemont. Répondez sur ce point, madame la ministre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Oui, c’est bien l’objectif constitutionnel de mixité sociale dans l’habitat que vous sacrifiez, que vous mettez à bas.

M. le président. Veuillez conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Régis Juanico. M. Salles veut récidiver !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En novembre dernier, tous les ministres européens se sont retrouvés autour de cette déclaration commune :

« L’accès à un logement décent à un prix abordable est un objectif partagé par tous les États membres de l’Union européenne ; il est reconnu comme un droit fondamental par les textes internationaux et par les législations d’un certain nombre d’États membres ; un logement décent est une condition à la réalisation des droits fondamentaux tels que le droit à la vie privée, le droit de fonder une famille, le droit à l’éducation, au travail, à la sécurité sociale. »

Le Conseil constitutionnel a confirmé ces enjeux.

Votre projet de loi a subi une transformation par le vote sénatorial et connaîtra encore des bouleversements dans notre hémicycle.

M. Marcel Rogemont. Nous l’espérons bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est bon, mes chers collègues, que le droit d’amendement subsiste, on vient encore de le démontrer.

M. Marcel Rogemont. Merci de le rappeler !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Votre projet, madame la ministre, dissimule les insuffisances et les graves lacunes de la politique de votre gouvernement en matière de logement. C’est pourquoi il n’est pas conforme à cette exigence constitutionnelle. Je le dis avec regret car il reste urgent que l’État se mobilise vraiment pour une politique du logement. Pour avoir voulu un rendez-vous inutile, vous allez faire reculer tous les acteurs, tous les moyens et, faut-il le dire, toutes les énergies qui étaient susceptibles, elles, de se mobiliser vraiment. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin, ministre du logement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Monsieur Le Bouillonnec, vous avez fait allusion à des combats que nous avons parfois partagés dans cet hémicycle.

M. Michel Vergnier. C’était à l’époque où vous étiez libre !

M. Henri Jibrayel. Vous avez bien changé !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. J’ai reconnu votre talent, ainsi que votre caractère impétueux. Mais, dois-je vous le dire ? Moi aussi, j’ai été un peu déçue par votre déclaration. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Pas nous !

M. Marcel Rogemont. Nous sommes déçus par votre loi !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je souhaite que notre débat se passe calmement.

M. Bruno Le Roux. Mais avec conviction !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. J’aurai l’occasion, tout au long de ces journées, de répondre précisément aux différentes questions que vous avez évoquées.

Je ne peux tout de même m’empêcher de me poser une question : avons-nous lu le même texte ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. René Couanau. Visiblement non !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Vous prétendez que les moyens financiers sont insuffisants. Comment pouvez-vous dire cela ? Dans le budget de 2009, les moyens d’engagement sont en hausse de 17 % par rapport à 2008, soit 8 millions d’euros en comptant la contribution du 1 % logement, et le plan de relance prévoit 3,2 milliards pour le logement, en comptant les crédits budgétaires et les dépenses fiscales.

Je vous l’ai indiqué en présentant le texte : nous avons changé d’époque au mois d’octobre, et vous le savez très bien. Lors de la première période de l’année 2008, nous avions les contraintes européennes pour la constitution du budget, et vous étiez les premiers à demander que l’on n’augmente pas les déficits de l’État.

M. Marcel Rogemont. Exactement ! Mais vous avez donné 15 milliards aux plus riches !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Depuis, la crise a éclaté dans le monde, et le Président de la République et le Premier ministre ont lancé un plan de relance ; ils ont considéré, dans leur sagesse, que le logement était un pilier important de la relance. Aujourd’hui, je vous le dis à tous, mesdames, messieurs, à gauche comme à droite dans cet hémicycle : nous avons les financements nécessaires pour mener une politique de construction dans ce pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP),…

M. Pascal Deguilhem. Ce n’est pas vrai ! Le compte n’y est pas !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. …et j’appelle tous les élus à utiliser tous les outils mis en place.

M. Pierre Gosnat. Où sont-ils, vos outils ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Quant au retard accumulé, j’aurai l’occasion de répondre à toutes vos questions mais je vous rappelle, monsieur Le Bouillonnec, et vous ne pouvez pas ne pas le savoir, que 435 000 logements ont été construits en 2008, record absolu depuis vingt-cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Mais quels logements ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. En particulier, 110 000 logements sociaux ont été financés en 2008, contre 42 000 en 2000 – je suis cruelle, mais vous l’avez été à mon endroit – alors que nous étions en pleine relance et que vous étiez à la tête du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. C’est inexact : Ce sont des PLS !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Michel Piron, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Monsieur Le Bouillonnec, je n’aurai que deux mots pour proposer de rejeter votre motion.

M. Régis Juanico. Bravo ! Bravo !

M. Michel Piron, rapporteur. Vous savez parler fort, très fort. Quel dommage que vous ne vouliez pas parler juste, simplement juste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Marcel Rogemont. C’est un peu juste !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe SRC.

Mme Frédérique Massat. Ce projet de loi contourne visiblement le droit au logement, droit inscrit dans la loi depuis plus de vingt ans, complété par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et reconnu par le Conseil constitutionnel.

Lorsque l’on se penche sur la question du logement en France, une évidence s’impose, celle de l’urgence à traiter ce problème qui n’épargne personne.

Comme l’a rappelé Jean-Yves Le Bouillonnec dans son intervention, nos concitoyens sont chaque année de plus en plus nombreux à être concernés par la crise du logement.

Pénurie de logements sociaux, un secteur privé dont les loyers ne cessent d’augmenter, telles sont les réalités du logement en France.

À cela viennent s’ajouter les conséquences de la crise financière : chiffres de la construction en net recul, réticences des banques à accorder des emprunts, avec des taux d’intérêts toujours plus élevés, pouvoir d’achat en berne.

Face à cet alarmant constat, nous nous attendions à ce que l’État joue son rôle d’amortisseur de la crise en régulant le secteur du logement et en apportant des réponses immédiates pour lutter contre l’exclusion, mais rien de tout cela ici. Au contraire, ce projet de loi marque plus que jamais le désengagement de l’État et le non respect de son devoir constitutionnel : garantir le droit au logement.

Le projet de loi de finances pour 2009 voté en novembre dernier fut d’ailleurs caractérisé par la faiblesse des crédits de la mission « Ville et logement ».

Quant au texte que vous nous présentez, madame la ministre, il ne se contente pas de désengager financièrement l’État mais en profite pour charger encore plus les collectivités, ces collectivités qui ne sont pas les seules à devoir compenser la faiblesse de l’investissement de l’État dans le domaine du logement puisque le Gouvernement décide, entre autres, de détourner les fonds du 1 % logement, au mépris des collecteurs interprofessionnels du logement et des partenaires sociaux, afin de financer des missions qui relevaient jusqu’alors du budget de l’État.

Au-delà du désengagement financier de l’État dans le secteur du logement, c’est toute la politique de mixité sociale qu’il entend compromettre par ce texte en bafouant le principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens.

Au lieu de réguler l’habitat, le Gouvernement s’engage dans une politique de ghettoïsation en réduisant le nombre de personnes éligibles au logement social. Seuls les plus précaires pourront désormais prétendre à l’obtention d’un logement HLM. Exclure les classes moyennes du logement social revient à creuser les inégalités déjà fortement prégnantes entre nos concitoyens.

C’est précisément cette logique qui vous avait conduite à introduire un dispositif visant à remettre en cause l’article 55 de la loi SRU qui, je le rappelle, est un symbole de la solidarité nationale et de la mobilisation pour le logement social.

Comme pour la gestion de la crise financière, force est de constater que le Gouvernement n’apporte pas les bonnes réponses à la crise du logement.

Si votre majorité pense que la solution se trouve dans l’accession à la propriété, nous estimons que l’urgence est plutôt à la construction de logement locatif social adapté et à l’amélioration de la solvabilité des ménages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ainsi, parce que nous pensons que ce projet de loi sans envergure ne permet pas de rendre effectif ce droit fondamental qu’est le droit au logement, expressément reconnu par le Conseil constitutionnel, et qu’il bafoue le principe d’égalité entre les citoyens, le groupe SRC votera l’exception d’irrecevabilité que vient de défendre Jean-Yves Le Bouillonnec. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe GDR, la parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Contrairement à M. Piron, je trouve pour ma part que Jean-Yves Le Bouillonnec a parlé juste.

M. Marcel Rogemont. C’était l’argumentation de M. Piron qui était un peu juste !

M. Pierre Gosnat. Il a parlé fort, mais il a parlé juste. Il a rappelé en particulier une donnée fondamentale, c’est que le droit au logement est un droit constitutionnel et que des millions de personnes dans ce pays en sont privées. Cela ne date pas d’aujourd’hui, c’est vrai. Mais de qui s’agit-il ? De gens qui sont dans la rue, de familles qui vivent dans l’insalubrité, de demandeurs – environ un million et demi – qui attendent en vain un logement social : voilà une situation à tous égards non constitutionnelle. Le projet de loi que vous nous soumettez, madame la ministre, ne permet en rien de revenir à une situation constitutionnelle. Je partage donc totalement la proposition qui nous est faite et le groupe GDR votera l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Olivier Carré.

M. Marcel Rogemont. Cela va être différent à mon avis !

M. Olivier Carré. Ce sera surtout plus court… Car si je partage la fougue de mon ami Jean-Yves Le Bouillonnec pour défendre la cause du logement, cause que tous ici, du reste, nous partageons, je trouve quant à moi des réponses dans ce texte.

J’ai entendu de nombreux jugements de valeur, mais bien peu d’arguments à l’appui d’une exception d’irrecevabilité. C’est la raison pour laquelle, comme nous y a invité le rapporteur, notre groupe ne votera pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Argumentation un peu juste !

M. le président. Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Jean-Yves Le Bouillonnec nous a fait une démonstration, un exercice de style, allais-je dire, particulièrement réussi dans la forme à certains égards : avec la fougue qui le caractérise et la passion dont il sait faire preuve, il a développé des idées et fait part de ses convictions. Malheureusement, si parfois ses propos ont pu être empreints d’une certaine justesse,…

M. Bruno Le Roux. Pleins de conviction !

M. Philippe Folliot. …ils ont trop souvent péché par leur excès. Pour ma part, j’ai cherché quels éléments pouvaient nous amener à juger que ce texte n’était pas constitutionnel ; mais nous sommes nombreux à être restés sur notre faim.

Mais puisque des questions de fond ont été abordées, poursuivons le débat, rejetons cette exception d’irrecevabilité et continuons à échanger nos arguments ans le cadre d’une réflexion de fond, active et dynamique, afin de faire progresser le texte et, surtout, de trouver des solutions. Le groupe Nouveau Centre rejettera donc l’exception d’irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

(L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. C’était juste !

M. le président. Mes chers collègues, nous sommes là pour débattre. Franchement, une fois de plus, le spectacle que nous donnons n’est pas réjouissant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Parlons de votre présidence la semaine dernière !

M. Pascal Deguilhem. On se souvient de mardi dernier !

Question préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Madame la ministre, nous voici donc parvenus à la discussion du projet de loi dit « mobilisation pour le logement et lutte contre l’exclusion ». Ce n’est pas que nous commencions à désespérer, si ce n’est du plaisir de vous entendre, car nous aurions préféré que ce texte tombe dans les oubliettes parlementaires, où s’entassent force propositions de loi ou de résolutions jamais examinées, mais aussi nombre de projets adoptés mais orphelins de tout décret d’application.

Il aura fallu six mois, entre son passage en conseil des ministres, sa lecture mouvementée au Sénat, sa discussion en commission, pour que ce projet arrive dans notre hémicycle – délai étonnamment long, avouvez-le, pour un texte sur lequel le Gouvernement a déclaré l’urgence… Je n’ose imaginer, à l’heure où le Gouvernement ne cesse de clamer qu’il souhaite conférer davantage de pouvoir aux parlementaires, que cette procédure ait pour but inavoué de limiter le débat à une seule lecture dans les deux chambres. Ce serait tout à fait regrettable, vous en conviendrez.

Nous avons mis ce temps à profit pour travailler nos amendements ; il faut dire qu’il y avait matière à cela… J’espère que tous seront analysés sérieusement, sans blocage dogmatique, et que certains bénéficieront de votre soutien ou de celui de nos collègues de la majorité.

Certes, nous avons eu du temps, mais le calendrier qui nous a été imposé a fortement contrarié le travail parlementaire. Le budget 2009 a été voté en novembre dernier, avant le présent texte, alors que nombre de programmes sont intrinsèquement liés à la mise en œuvre de cette loi. Cette anticipation apparaît d’une certaine manière comme une entorse à la démocratie, notamment pour ce qui touche au détournement du 1 % ou au fait que I’ANAH ait dû emprunter 70 millions auprès de l’Agence France Trésor pour financer ses programmes.

Ensuite est venu le plan de relance, et il semble, madame la ministre, que vous ayez été prise de court par le Président. Certes, vous commencez à être habituée – pas seulement vous, d’ailleurs –, car c’est monnaie courante sous l’omniprésidence sarkozyenne. Mais l’annonce de la construction de 30 000, puis de 100 000 logements, du doublement du prêt à taux zéro et du déblocage de 200 millions d’euros pour l’ANRU a mis sur la touche votre projet, ce qui justifie pleinement cette question préalable.

Les dispositions de ce texte ne sont pas à même de répondre efficacement à la situation de crise que connaît notre société dans le domaine du logement depuis des décennies. Ce constat d’échec est partagé par l’ensemble des associations qui, d’une voix unanime, rejettent votre projet. Vous pouvez lire dans Le Monde de ce soir un placard publicitaire qui s’adresse directement à tous les députés ; vous avez également pu entendre les manifestations qui se sont déroulées devant l’Assemblée nationale et prendre connaissance des centaines de milliers de pétitions signées partout dans le pays.

À cet égard, je tiens à réitérer mon soutien aux militants du DAL et aux Enfants de Don Quichotte victimes de violences policières et toujours objet de poursuites judiciaires. C’est tout simplement inacceptable ; il serait souhaitable, au moment où nous abordons cette discussion, que le Gouvernement fasse preuve d’indulgence et tende la main aux gens qui travaillent sur ces questions.

Non, madame Boutin, votre projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux. Je pense même qu’à bien des égards, la mise en œuvre de cette loi ne ferait qu’aggraver la crise, ainsi que toutes les inégalités sociales, le logement étant l’un des éléments fondamentaux de ces inégalités.

Il y a urgence. Selon la Fondation Abbé Pierre, dont les chiffres ont été confirmés, il y aurait en France près de 100 000 SDF, plus d’un million de personnes privées de domicile personnel, et 2,2 millions vivant dans des conditions de logement très difficiles, dont la moitié sans sanitaires ou chauffage. Plus de 1,2 million de ménages sont en attente d’un logement social ; seulement 430 000 y ont eu accès l’an passé. Telle est la réalité des chiffres, lesquels traduisent imparfaitement celle que nous côtoyons dans nos permanences et que vivent toutes ces familles, ces jeunes confrontés à la pénurie de logements ou à l’habitat indigne et qui ne peuvent mener une vie sereine tant ce problème gâche leur existence.

Comment les élus locaux, à qui vous renvoyez ces difficultés, peuvent-ils faire face à cet afflux de demandes, alors que nous ne cessons de travailler à la construction sociale dans nos collectivités ? Faut-il renvoyer la résolution du problème au DALO, dont nous connaissons les limites, qui viennent d’être rappelées par Jean-Yves Le Bouillonnec ? Ne faut-il pas reconnaître cette réalité dramatique, afin de se donner les moyens d’y porter remède, plutôt que de se complaire dans l’autosatisfaction, dont témoignait encore votre introduction, madame la ministre, lorsque vous avez cherché à justifier le désengagement massif de l’État en réalité consacré par ce projet de loi ?

Certes, « l’indifférence est sans doute la pire des choses lorsque l’on parle de souffrance », avez-vous déclaré – J’ai de bonnes lectures : c’étaient des propos publiés dans L’Humanité, en novembre 2007.

M. Roland Muzeau. Excellent journal !

M. Pierre Gosnat. En aucune manière, je ne mets en cause vos sentiments, mais quel sens ces mots ont-ils à vos yeux ? Vous avez défendu bec et ongles un budget en baisse de 7 % et vous exaltez un plan de relance qui prévoit la construction sur deux ans de 100 000 logements supplémentaires, dont seulement 30 000 réellement sociaux, alors que, dans la seule ville de Paris, près de 113 000 demandes n’ont toujours pas été satisfaites.

Il y a cinquante-cinq ans, le 1er février 1954, l’abbé Pierre lançait cet appel : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée. » En son temps, cet appel réveilla les consciences, inspirant la mise en œuvre de vastes programmes de création de logements sociaux.

Or, à la date du 7 janvier 2009, plus de 300 personnes sont mortes, non pas dans la rue, mais d’être à la rue, pas seulement par suite de vagues de froid, mais aussi parce que l’on ne vit pas vieux lorsqu’on a pas de toit. L’espérance de vie d’un SDF est de quarante-huit ans, soit trente-deux ans de moins que la durée de vie moyenne des Français ! Derrière ces chiffres, ce sont des vies qui s’éteignent, bien souvent dans l’indifférence. Il est d’ailleurs significatif que les médias ne mettent jamais de nom sur ces êtres retrouvés morts dans la rue. Comme si une personne privée de toit était aussi privée d’identité. Pourtant ils s’appellent Jean-Michel Bertout, mort à Lyon, André Gérard, mort à Paris, Ali Guérab, mort à Marseille…

Vous ne cessez de répéter que l’offre d’hébergement est suffisante dans notre pays ; vous avez même avancé l’idée d’un hébergement obligatoire en cas de grand froid, proposition que vous avez vite retirée devant la levée de boucliers qu’elle suscita. Souvenez-vous de cette tribune des associations dans Le Monde, qui rappelaient que les sans-abri ne meurent pas seulement durant l’hiver et que les prendre de force reviendrait à les déposséder de leur statut de personnes sans que les conditions d’accueil soient réunies.

Vous avez pourtant, la semaine dernière encore, justifié de façon véhémente dans cet hémicycle votre échec par la non-volonté d’hébergement des SDF eux-mêmes.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Bien sûr !

M. Pierre Gosnat. Mais au final, le bilan est sans appel ; l’action du Gouvernement est largement insuffisante. La promesse de Nicolas Sarkozy, le soir de son élection, d’aboutir à « zéro SDF » a été vite oubliée, enterrée sous les restrictions budgétaires et les priorités réservées aux plus fortunés. Tout à l’heure, l’un de nos collègues a rappelé le bouclier fiscal ; il faut que nous l’ayons toujours en tête, même si cela fait mal : c’est vous qui l’avez fait voter !

Comme Jean-Yves Le Bouillonnec l’a rappelé, le cadre juridique existe, et le droit au logement a été réaffirmé à maintes reprises depuis 1946 : au niveau international, ce droit est consacré dans la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dans le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, conclu le 19 décembre 1966 sous l’égide des Nations unies, dans la charte sociale européenne et la charte des droits fondamentaux ; en France, la loi Besson du 31 mai 1990, dispose en son article 1er que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation » ; la loi Gayssot de 2000 et la loi DALO enfin ont confirmé l’existence d’un droit au logement.

Le cadre juridique existe donc pour l’action volontaire de l’État que la situation sociale exige en matière de logement. Or les annonces tonitruantes du Président de la République, le budget pour 2009 et les dispositions contenues dans le projet de loi MOLLE sont loin d’être satisfaisants.

Nous aurions pu souscrire aux termes de cette loi : mobilisation pour le logement, lutte contre l’exclusion. Je me suis demandé, un moment, si Mme Boutin n’était pas en train de devenir communiste !

M. Roland Muzeau. Il y a de la marge !

M. Jean-Jacques Candelier. Il rêve !

M. Pierre Gosnat. On en a le droit ! Mais enfin…

À y regarder de près, madame la ministre, nous pourrions plutôt vous accuser, comme l’a fait Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, de publicité mensongère. Vous souhaitez mobiliser l’ensemble des acteurs, des bailleurs aux collectivités territoriales, en passant par les locataires et les salariés, qui paient le 1 % logement, à l’exception du principal intervenant : l’État !

Le budget 2009, qui, je l’ai indiqué, préfigurait en réalité la loi MOLLE, est sans appel : baisse de 720 millions en 2009 et perspectives guère encourageantes pour 2010-2011. Un collectif d’une quarantaine d’associations, de la Croix-Rouge à Emmaüs en passant par les Restos du Coeur mais aussi la CNL, avait dès novembre dénoncé un « désengagement inacceptable de l’État » : moins 351 millions pour la politique de la ville, moins 330 millions pour les programmes d’amélioration de l’habitat, moins 50 millions pour les aides à la personne. Certes, entre-temps, il y a eu le plan de relance. Mais, en réalité, celui-ci ne compense même pas le désengagement de l’État sur la seule année 2009 ! C’est dire sa faiblesse.

S’agissant de I’ANRU, le Président de la République a annoncé, à Douai, l’injection de 200 millions. La belle affaire, quand on sait que le financement de cette agence par l’État a chuté de 370 millions cette année ! Reste toujours un manque à gagner de 170 millions, et ce alors même que, d’après un article des Échos du 9 octobre, il faudrait actuellement à I’ANRU un milliard pour boucler les programmes en cours, sans parler de ceux en préparation. Je veux témoigner ici de l’inquiétude de nombreux maires qui ont dépensé beaucoup d’énergie et placé beaucoup d’espoir dans ces projets déterminants pour l’avenir de leurs villes et de leurs populations.

Le pillage du 1 % ne pourra rien face à ce constat. La situation est d’autant plus préoccupante que le plan de requalification des quartiers anciens dégradés, censé donner un nouveau rythme et une nouvelle dimension au programme de rénovation, n’est pas financé.

Au final, c’est l’ensemble du plan de relance qui manque de moyens et d’ambition. Sa faiblesse condamne toutes vos belles déclarations de principe et confirme l’inutilité de l’examen de ce projet de loi par notre assemblée. En réalité, 100 000 constructions supplémentaires en deux ans, dont seulement 30 000 PLUS et PLAI, ne résoudront nullement la crise que nous traversons, alors qu’il manque actuellement en France 900 000 logements économiquement accessibles. Je tenais tout de même à saluer le choix du Président de la République de doubler le prêt à taux zéro ; c’était l’objet d’un amendement des sénateurs communistes que vous aviez rejeté, madame la ministre, arguant de son coût trop élevé.

Je ne m’attarderai pas plus longuement sur le plan de relance, mais force est de constater que ces deux textes sont intrinsèquement liés et procèdent de la même démarche. Nous pouvons regretter qu’à l’heure où le Gouvernement vient de débloquer 13 milliards sur les 40 offerts aux banques, l’investissement réel de l’État en faveur du logement dans ce contexte exceptionnel se limite à 1,4 milliard.

J’en reviens au présent projet de loi, en souhaitant tout d’abord mettre l’accent sur son autoritarisme. Alors que l’État se désengage massivement et prélève davantage sur le logement qu’il ne distribue, votre projet MOLLE vise à concentrer le pouvoir dans les mains de l’exécutif, puisque vous placez sous votre tutelle les organismes bailleurs – c’est l’article 1er, avec le conventionnement obligatoire –, le 1 % – à l’article 3 – et les collectivités territoriales.

Qui plus est, la plupart des articles du projet renvoient à des décrets en Conseil d’État.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. Pierre Gosnat. Tel est le cas, par exemple, pour les emplois du 1 % ou pour les sommes ponctionnées dans la trésorerie des bailleurs sociaux. Pour le seul article 3, on ne compte pas moins de huit renvois au décret…

Cette reprise en main par l’État, cet accaparement ne se fait pas sans léser les autres acteurs, notamment le Parlement, qui ne pourra plus véritablement décider des crédits du logement. Il aura fallu un amendement du Sénat pour que nous récupérions un peu de nos prérogatives, en prévoyant la transmission, lors du dépôt des projets de loi d’orientation pluriannuelles de finances publiques, d’un document de programmation fixant la répartition des ressources ainsi que d’une demande d’avis sur les répartitions annuelles des fonds du 1 %. Maigre consolation, qui n’atténue en rien le caractère autoritaire de votre projet.

Cet autoritarisme se manifeste dès l’article 1er : la mise en oeuvre d’un conventionnement obligatoire au travers des conventions d’utilité sociale donne le ton. Les députés communistes demandent la suppression de cet article. Car si le but est de mobiliser les acteurs, comme vous dites, c’est sous la menace du bâton. Au motif que les organismes disposent d’aides publiques, sous forme directe ou indirecte, vous exigez non seulement que ces derniers rendent des comptes – ce qui me paraît tout à fait normal en l’occurrence –,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Tout de même !

M. Pierre Gosnat. …mais surtout qu’ils calquent la gestion de leur parc locatif sur les directives de la politique gouvernementale. Dommage que le tout-puissant Président et son gouvernement n’aient pas eu de telles exigences avec les banques, dont vous auriez pu prendre la gouvernance ! Tel n’a pas été le cas. Mais il n’est pas trop tard pour bien faire…

Pour en revenir au CUS, nous sommes en droit de nous demander quels sont les objectifs poursuivis. Mais on s’en rend compte dès les premiers alinéas : expérimenter, puis généraliser et durcir le surloyer, obliger les bailleurs à vendre une partie de leur patrimoine pour trouver de l’autofinancement,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Il n’y a rien d’obligatoire ! C’est une liberté !

M. Pierre Gosnat. …seule alternative, à vos yeux, pour pallier le désengagement financier de l’État. La logique sous-tendue par cet article traverse l’ensemble du projet de loi : vous souhaitez exclure du parc social les familles des couches moyennes afin de libérer des places, d’assurer, comme vous dites, la « fluidité du parc social », et limiter ainsi l’effort de l’État en matière de construction. Telle n’est pas la vision qu’ont les communistes du rôle du logement social en France ; et je doute sincèrement qu’une telle approche de la question puisse constituer une réponse crédible, tant la demande en logement locatif social est grande dans l’immense majorité de notre peuple.

Cette question préalable se justifie aussi, et tout particulièrement, à cause du 1 % logement, ou plus précisément de l’organisation de son dépeçage. Lors du passage du texte au Sénat, vous avez assuré à ma collègue sénatrice Mme Gonthier-Maurin et à l’ensemble des sénateurs présents qu’existait avec les partenaires sociaux « un accord responsable, pragmatique et concret » sur l’utilisation des fonds et la gouvernance du 1 %.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je le maintiens.

M. Pierre Gosnat. Vous avez même parlé de « convergence de vues avec eux sur ces deux sujets ».

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Absolument.

M. Pierre Gosnat. Or après avoir auditionné l’ensemble des partenaires sociaux concernés, il apparaît évident que leur constat est tout à fait autre : ils parlent d’un simple relevé de décisions, acté sans réelle concertation. On savait la menace qui pesait sur eux, qui a aidé à faire pencher la balance d’un certain côté. Le seul accord existant reste le protocole national interprofessionnel signé par l’ensemble de ces mêmes partenaires, mais vous semblez en nier l’existence.

Rappelons que, dès l’origine, la participation des entreprises – c’est-à-dire des salariés – à l’effort de construction visait au relogement du personnel et était basée sur trois principes : interprofessionnalisme, décentralisation et gestion paritaire. Avec ce projet de loi, vous remettez en cause les deux derniers piliers du 1 %. Non seulement l’État ne cesse de se désengager, mais vous voulez encore accroître son pouvoir de façon autoritaire. Vous mettez la main sur l’UESL et l’ANPEEC, en limitant le rôle des partenaires sociaux à celui de consultant ! Les emplois du 1 % seront en effet fixés par décret en Conseil d’État, après avis ou propositions des représentants des organisations syndicales et patronales. Cette extrême ponction, ce hold-up organisé du 1 %, aura des conséquences irrémédiables sur l’avenir de la participation des entreprises à l’effort de construction. Au Sénat, vous avez déclaré que les objectifs contenus dans la loi « étaient compatibles avec l’équilibre financier du 1 % ». Or, lors de son audition par la commission des affaires économiques, M. Bédier a déclaré : « le caractère durable du fonctionnement du 1 % logement n’est pas garanti aujourd’hui ». En ponctionnant près des trois quarts de la collecte du 1 %, il est vrai que vous mettez en danger les retours sur prêt qui, à l’heure actuelle, représentent près de 3 milliards ! Quelle est l’utilité d’une telle mesure, si ce n’est de pallier le désengagement de l’État ?

Un tel désengagement retire toute valeur aux mesures auxquelles nous aurions pu apporter notre soutien.

Cela aurait pu être le cas, par exemple, du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, prévu à l’article 7 et 8 du présent projet. Belles ambitions, en effet, madame la ministre : lutte contre l’habitat indigne, requalification des îlots d’habitat dégradé, réhabilitation du parc privé, relogement des populations en privilégiant leur maintien au sein du même quartier, on ne peut que souscrire à tant de bonnes intentions. Mais, à y regarder de près, le tableau est beaucoup plus sombre : les objectifs chiffrés ne sont pas ambitieux, et l’intendance ne suit pas, si ce n’est la manne du 1 % que vous pensez sans fond.

Autre fausse bonne idée : l’accession sociale à la propriété. Vous en avez fait votre dada, le fer de lance de votre politique.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. C’est vrai ! Il s’agit de pouvoir devenir propriétaire !

M. Pierre Gosnat. Les députés communistes ne sont pas opposés de façon dogmatique à l’accession sociale à la propriété ni au Pass foncier alors que vous l’êtes, vous, au logement social. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Regardez dans vos villes, mes chers collègues – de toute façon, les logements sociaux ne vous coûtent rien puisqu’ils sont financés par le 1 % ! Mais, madame la ministre, l’accession sociale à la propriété ne peut être la solution au déficit de logement. C’est un enseignement majeur de la crise que nous traversons : la raréfaction de l’accès aux prêts pour les ménages modestes, et les échecs successifs de la maison à 100 000 euros de Jean-Louis Borloo, puis de votre maison à 15 euros par jour en témoignent. N’est-il pas temps d’ailleurs d’entreprendre un véritable bilan de ces opérations que vous aviez largement médiatisées et dont on ne voit guère les résultats ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Absolument !

M. Pierre Gosnat. Pour l’instant, nous ne l’avons pas, madame la ministre.

M. Olivier Carré. Il faut d’abord construire les maisons, monsieur Gosnat !

M. Pierre Gosnat. Enfin, je tiens à m’exprimer plus particulièrement sur les articles 19, 20 et 21 car le raccourcissement des délais d’expulsion, l’abaissement des plafonds de ressources et la remise en cause du droit au maintien dans les lieux sont des mesures injustes et totalement déconnectés de la réalité. Comme que je l’ai dit précédemment, vous voulez libérer des places, et voici le grand ménage annoncé !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais non !

M. Pierre Gosnat. Ce sont des expulsions plus rapides des foyers les plus démunies, conjointement à la sortie du parc social des familles aux revenus moyens, que vous appelez les revenus plus élevés. Mais soyons réalistes : ce n’est pas dans les HLM que vivent les grands patrons du CAC 40, ni même les privilégiés du bouclier fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Par contre, les politiques successivement mises en œuvre, et que vous voulez aggraver en les systématisant, ont conduit à mettre en péril la mixité sociale dans les cités et dans les quartiers.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ce n’est tout de même pas la faute de ce projet de loi !

M. Pierre Gosnat. Ainsi, votre projet constitue une attaque en règle contre les classes moyennes, qui subissent, elles aussi, et de plein fouet, les effets de la crise. Or ce n’est pas en vidant les banlieues de ces catégories de la population que vous apporterez une solution aux malaises qui les traversent.

M. Roland Muzeau. Qu’en dit Fadela Amara ?

M. Pierre Gosnat. Loin de rouler sur l’or, les familles visées par votre texte de loi ne sont ni plus moins, par exemple, que des cadres de la fonction publique, des couples d’enseignants ou des cadres du privé avec deux enfants. Tel est leur profil. Sont-ils des nantis, des profiteurs du système ? N’auraient-ils pas le droit de bénéficier des politiques publiques ?

M. Olivier Carré. Et s’ils n’en veulent pas ?

M. Pierre Gosnat. Sont-ils un peu trop riches ou pas assez pauvres ? Vous vous trompez de cible, madame la ministre ! Votre conception du rôle du logement social est dangereuse, et je pèse mes mots. Vous jouez avec le feu de la ghettoïsation…

Mme Jacqueline Maquet et M. Alain Cacheux. Eh oui !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Non !

M. Pierre Gosnat. …dont nous connaissons tous les méfaits. Les émeutes urbaines de 2005 en ont été l’exemple le plus violent, la ségrégation sociale et spatiale en sont le terreau.

Votre texte s’en prend aussi aux familles. Une fois les enfants partis, vous voulez que les parents soient contraints de quitter leur logement, comme si être locataire d’un logement HLM ôtait tout attachement à un lieu, à un voisinage, à un environnement social. Avec votre loi, il ne fera pas bon être un locataire sexagénaire !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais arrêtez !

M. Pierre Gosnat. Qu’en est-il encore du droit pour ces locataires de pouvoir accueillir enfants et petits-enfants ?

M. Michel Vergnier. Très bonne question !

M. Pierre Gosnat. Serait-ce dorénavant un privilège réservé aux seuls propriétaires ?

Enfin, votre projet est une attaque en règle contre les retraités. En fixant l’âge de dérogation aux mesures de remise en cause du droit au maintien dans les lieux, vous attaquez de front les locataires qui ont la soixantaine, qui ont vécu des décennies dans leur appartement et que l’organisme HLM va contraindre de quitter. Mais ces gens ont le droit de rester dans leur appartement. Ou alors, créons les conditions pour qu’ils puissent trouver un autre lieu de vie acceptable sur le plan humain et financier. Mais cela supposerait évidemment d’accroître l’offre sociale de logement.

Pour conclure, je souhaite vous entretenir, madame la ministre, de l’esprit qui a animé et animera le travail des députés communistes tout au long de notre débat. Face à la situation de crise que connaît notre pays, nous avons voulu faire des propositions concrètes et précises sur la question du logement, en particulier du logement social. Je souhaite que vous examiniez nos amendements, sans les rejeter systématiquement comme cela a été le cas au Sénat. Je ne vous demande pas d’adopter la proposition du parti communiste…

M. Daniel Paul. Ce serait bien ! (Sourires.)

M. Pierre Gosnat. Encore que !

…de créer un service public du logement constitué autour d’un pôle financier public dont la mission serait de gérer un plan de construction massive de logements. La réalisation de cette proposition donnerait tout son sens au terme « mobilisation », mais au vu de la faiblesse du plan de relance et du programme national de requalification, je ne me fais pas d’illusion quant aux desseins du gouvernement en la matière. Je vous demande seulement d’être bien attentive à certaines de nos propositions et – pourquoi pas ? – de faire preuve d’ouverture.

Vous nous invitez à nous mobiliser pour le logement et contre l’exclusion. Nous répondons bien volontiers à votre invitation, sur la base de nos amendements qui constituent un véritable plan d’urgence pour le logement, et dont je rappelle les principales dispositions : gel des loyers pendant cinq ans afin d’œuvrer efficacement pour le pouvoir d’achat,…

M. René Couanau et M. Olivier Carré. Et que proposez-vous pour le redressement financier des organismes ?

M. Pierre Gosnat. …arrêt des expulsions, mais aussi des coupures de gaz et d’électricité qui minent la vie quotidienne des gens, lancement d’un plan de construction massive de logements sociaux sur les objectifs majorés de la loi de cohésion sociale – rappelons qu’il fut des époques où ce type de plan était réalité alors qu’il y avait moins de richesses et que les procédés techniques étaient bien plus rudimentaires qu’aujourd’hui. Cela est donc possible ! –, vote d’un moratoire sur l’arrêt des ventes à la découpe de logements sociaux, inéligibilité des maires n’appliquant pas, par manque de volonté manifeste, l’article 55 de la loi SRU imposant 20 % de logements sociaux, renforcement du pouvoir de réquisition du préfet et des maires en matière de logements vacants. Nous proposons aussi d’encadrer les nouveaux programmes de construction en rendant obligatoire un taux fixe de logement de type PLAI et PLUS dans les villes n’appliquant pas l’article 55 de la loi SRU. Nous demandons également la revalorisation des allocations logement, ainsi que la suppression du montant mensuel minimum en deçà duquel l’APL n’est pas versée. Enfin, nous souhaitons favoriser l’incitation à la mobilité plutôt qu’une obligation de départ.

Cette suite de propositions n’est pas, vous l’aurez compris, exhaustive,…

M. Roland Muzeau. Parce qu’on n’a pas le temps !

M. Pierre Gosnat. Elle témoigne de notre volonté de débattre et d’avancer sur une question essentielle dans la vie de nos compatriotes. Malheureusement, votre projet de loi, en l’état actuel, n’est pas à la hauteur de ce qu’il faudrait faire pour favoriser une véritable mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Nous le savons bien, des millions de femmes et d’hommes seraient prêts, c’est certain, à se mobiliser pour cette juste cause. Mais vous, votre gouvernement et le superintendant-président, vous êtes aux abonnés absents. C’est pourquoi j’invite mes collègues à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. André Chassaigne. Belle intervention !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Monsieur Gosnat, je vous remercie de votre ton qui, à côté de celui de l’orateur de la motion précédente, m’a paru très modéré, presque centriste, oserais-je dire... (Sourires.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. De centre-gauche ! (Sourires.)

M. Roland Muzeau. Elle me veut du mal ou quoi ?

M. Jean-Claude Sandrier. Il va se faire exclure !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je me permettrai de ne répondre qu’à une seule question – les débats nous donneront le temps de préciser les autres points que vous avez soulevés.

Certains d’entre vous prétendent qu’il n’y a pas eu d’accord sur le 1 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je tiens à vous préciser que des accords sont bel et bien intervenus aux différents stades de la négociation.

M. Alain Cacheux. Le pistolet sur la tempe !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ainsi, mesdames, messieurs les députés, le projet que je vous présente reprend les grandes lignes du protocole national interprofessionnel signé entre les partenaires sociaux. Qui plus est, le conseil d’administration de l’UESL a entériné en décembre les grandes catégories d’emploi prévues dans le projet de loi. On peut prétendre qu’il n’y a pas eu d’accord mais seulement un résultat de négociations ; je maintiens que ce texte est le résultat de l’accord interprofessionnel signé par les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe UMP.

M. Olivier Carré. J’ai entendu des suggestions et des remarques qui relèvent toujours dans le registre du procès d’intention, mais aucun motif justifiant le report de la discussion qui doit s’ouvrir. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose de rejeter cette question préalable. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Voilà qui est clair, net et percutant !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Folliot. Mon cher collègue Gosnat, je constate un décalage total entre vos propos et l’objet de votre intervention à la tribune : la défense d’une question préalable. Je vous ai écouté avec attention. À juste titre, Mme la ministre a souligné le côté quelque peu centriste de certains de vos propos, ce que vous devriez prendre comme un compliment. (Sourires.)

M. Roland Muzeau. Décidément, vous lui voulez du mal !

M. Jean-Jacques Candelier. Vous voulez l’envoyer en commission de discipline ?

M. Pierre Gosnat. Je vais me faire virer de mon parti !

M. Philippe Folliot. Quelques-unes de vos affirmations méritaient du reste que l’on poursuive la discussion au fond.

M. Pierre Gosnat. Là, c’est l’exclusion, sûr ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. Dans ces conditions, restons logiques. Au cours des débats, je suis sûr que vous aurez un moment, sinon de lucidité – vous avez toute la lucidité requise –, à tout le moins de perspicacité, pour vous reprendre et vous joindre aux groupes Nouveau Centre et UMP afin de rejeter cette question préalable.

M. Pierre Gosnat. Vous avez des illusions !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe SRC.

M. Marcel Rogemont. Je suis extrêmement gêné car, à entendre Mme la ministre, je risque d’être qualifié de centriste si je parle tranquillement, et d’être classé UMP si je ne parle pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais je voudrais à appuyer mon collègue Pierre Gosnat, et souligner d’abord que, dans ce texte, tout n’est pas à jeter ! Contrairement à ce que vous pourriez penser, je reconnais qu’il contient des mesures intéressantes (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : ainsi le droit de préemption, qui peut aider à forcer la main de maires récalcitrants à la construction de logements sociaux ; mais nous jugerons aux actes, non aux paroles, madame la ministre.

Reste que, dans votre discours, je me dois de relever la stigmatisation du mouvement HLM, du système de logement social. Et pour ce qui est du 1 % logement, bien sûr, vous avez engagé une négociation : le pistolet sur la tempe, vous avez demandé 850 millions d’euros en trois ans. (Protestations sur les bancs du groupe UMP ; Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais non !

M. Alain Cacheux. Mais si, bien sûr !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est eux qui nous l’ont dit !

M. Marcel Rogemont. Parfaitement ! L’union sociale de l’habitat, dont je fais partie, a parlé d’un vrai hold-up ! Alors, des négociations comme cela… Tout a été fait comme si les 850 millions d’euros avaient été placés dans une caisse ne servaient à rien. Or ils servaient aussi à une politique du logement, et la substitution d’une dépense à une autre ne vaut pas argent supplémentaire pour le logement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

Deuxième chose que je voudrais dire en tant que président d’organisme d’HLM : il y en a marre d’être stigmatisé. Les « dodus dormants », cela suffit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ou alors, je veux des noms ! Les organismes d’HLM que nous présidons n’ont rien de dodus dormants ! Si vous avez des accusations à porter, madame la ministre, faites-le concrètement, mais cessez d’accuser des organismes qui font leur travail, au motif qu’un ou deux ne feraient pas le leur correctement. La majorité des 800 organismes d’HLM travaille au profit des familles les plus modestes.

Je veux aussi marquer mon désappointement face aux attaques contre les locataires. Mon collègue Pierre Gosnat avait raison d’insister sur ce point. Il est curieux de demander aux locataires de payer des surloyers ou les vider de leur logement HLM, et, dans le même temps, de chercher à nous obliger à vendre des logements HLM. Quelles familles ont la capacité d’acheter ? Il faudrait savoir ce que vous voulez !

Pour notre part, nous voulons du logement locatif parce que nous savons que certaines familles ne peuvent pas ou ne souhaitent pas financer l’achat d’un logement. Il faut que ces personnes puissent rester dignement dans leur logement. Cela ne signifie pas que, en tant que présidents d’organismes, nous ne sollicitions pas les familles pour les inciter à changer ; mais il n’y a pas besoin d’une loi pour le faire : cela se négocie directement entre l’organisme d’HLM et les familles. Bref, la vente de logements HLM me reste en travers de la gorge !

C’est le 10 avril 1908 que, pour la première fois, l’État a investi de l’argent pour faire émerger une France des propriétaires, dans le cadre d’une loi présentée par Alexandre Ribot. Voilà plus de cent ans !

M. Yves Bur. Regardez devant vous !

M. Marcel Rogemont. Aujourd’hui, vous revenez à cette idée d’une France de propriétaires. Vous êtes même allée en Espagne et j’aimerais savoir ce que vous en avez retenu. Pour ma part, la situation espagnole ne m’évoque pas les châteaux, mais la surpopulation car les jeunes ne peuvent pas acheter leur logement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. C’est vrai et c’est pour cela que nous ne voulons pas faire pareil !

M. Marcel Rogemont. Voilà où conduit une politique basée uniquement sur l’acquisition des logements.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Merci Zapatero !

M. Marcel Rogemont. Une France de propriétaires, nous en sommes tous d’accord. Reste que de nombreuses familles sont dans l’incapacité d’acheter leur logement et, comme notre collègue Pierre Gosnat, c’est à elles que je pense. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. La question préalable est justifiée. La question qui se pose est celle de l’argent.

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Rogemont !

M. Marcel Rogemont. J’en arrive à ma conclusion : comment voulez-vous avoiir une loi de promotion du logement, alors que les crédits consacrés au logement s’inscrivent en baisse dans la programmation récemment votée pour les années 2009, 2010 et 2011 ? La question préalable se justifie car il n’y a pas assez d’argent, et qu’il faut d’abord mettre les moyens sur la table avant de faire une loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. et du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.

M. François de Rugy. Vous ne serez pas étonnés de nous voir voter cette question préalable.

Cependant, madame la ministre, puisque c’est la première fois que je m’exprime depuis le début de ce débat, permettez-moi de trouver que vous avez balayé un peu vite les arguments de notre collègue Le Bouillonnec. Qui plus est, contrairement à une rengaine souvent entendue sur les bancs de l’UMP, qui reproche à l’opposition de ne pas faire de propositions et de se contenter de s’opposer aux projets du Gouvernement, vous serez obligée de reconnaître, si vous avez un peu de mémoire, que M. Le Bouillonnec, avec ses collègues du groupe socialiste – et notre propre soutien – avait présenté une proposition de loi sur le logement particulièrement riche et détaillée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Que s’est-il alors passé ? Le groupe UMP au complet est venu non seulement pour la rejeter, mais pour empêcher qu’elle soit même examinée.

M. René Couanau. Ce n’est pas possible d’entendre des choses pareilles !

M. François de Rugy. Pourtant, comme nous l’avions dit à l’époque, il s’agissait déjà d’une priorité extrêmement urgente pour les Français. Cela aurait valu le coup de réintégrer ces propositions dans le texte qui nous est soumis. Voilà pourquoi nous soutenons ces motions de procédures.

Vous dites avoir l’impression que nous n’avons pas lu le même texte que vous, madame la ministre. Pour ma part, j’ai surtout le sentiment que nous ne vivons pas la même réalité que vous pour ce qui concerne le logement (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.) Je ne sais si notre collègue Gosnat est centriste – cela ne m’avait pas frappé jusqu’à présent –, mais je crois qu’il est réaliste, comme le prouvent son exposé et sa description de la situation dans nos villes, quels que soient nos territoires d’élection. Il est élu en banlieue parisienne, comme je le suis à Nantes, mais tous nos territoires connaissent la crise du logement : voilà la réalité vécue par les Français.

Le nombre de logements construits a augmenté, dites-vous. Or le bon indicateur n’est pas celui-là, mais la réponse à la question suivante : l’accès au logement s’est-il amélioré ou pas pour les Français ? La réponse est malheureusement négative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) C’est pourquoi j’ai l’impression que nous ne vivons pas la même réalité que vous. Le logement est la première priorité des Français, le premier poste de dépense de leur budget, leur principale inquiétude que nous relayons ici. Pourquoi les gens viennent-ils nous voir dans nos permanences ? Pour avoir des logements. Tout le monde vit cette pénurie de logements – il faut bien appeler les choses par leur nom.

Nous voterons, en effet, pour cette question préalable. Il ne s’agit pas simplement de s’inscrire dans la tradition de notre procédure parlementaire que certains voudraient remettre en question. D’ailleurs, madame Boutin, vous êtes bien placée pour savoir que les motions de procédures sont importantes ! Au-delà de cela, sur le fond, nous pensons que ce projet de loi n’est pas à la hauteur, et nous voulons le dire aux Français depuis cet hémicycle de l’Assemblée nationale. Je suis persuadé que les Français sentent que vos propositions ne sont adaptées à la situation actuelle.

Notons que votre texte a mis énormément de temps avant de venir devant notre assemblée. Si c’était une priorité de votre Gouvernement, il aurait été inscrit beaucoup plus tôt à l’agenda parlementaire : Dieu sait si le Président de la République sait donner des instructions pour que les textes passent en priorité à l’Assemblée nationale.

M. Alain Cacheux. Il serait venu avant la loi organique !

M. François de Rugy. Vous vous focalisez sur les expulsions – que vous voulez faciliter – ou sur les surloyers. Pour ma part, dans ma ville, je ne connais aucun ménage gagnant 9 000 euros de revenu mensuel et logé en HLM. Si vous en trouvez un seul, signalez-le moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.) Peut-être en existe-t-il quelques cas en Île-de-France et à Paris, mais pourquoi les mettre en exergue pour justifier, comme l’a expliqué Pierre Gosnat, que l’on écarte les classes moyennes et les fonctionnaires du logement HLM, ou que l’on fasse déménager des veuves sous prétexte que leur appartement est désormais trop grand, alors que c’est un traumatisme pour elles ? (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Comme l’avait fait la loi DALO en son temps, on déplace le problème au lieu de le régler. C’est pourquoi, sur ce sujet si grave du logement, nous en appelons au vote de la question préalable.(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et du groupe SRC.)

(La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Mes chers collègues, trente-sept orateurs sont inscrits dans la discussion générale, dont bon nombre aimeraient s’exprimer ce soir. Je vous demande donc de respecter strictement le temps qui vous est imparti, et je vous y aiderai.

La parole est à M. André Chassaigne, pour dix minutes.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme cela a été dit, notre pays traverse une profonde crise du logement.

Les chiffes ont été avancés et la réalité de la situation parfaitement décrite : il y a urgence sociale, madame la ministre ! Urgence car, depuis vingt ans, le mal-logement est le terreau de tant de drames humains, de tant de violences sociales. Urgence, car c’est de la vie quotidienne de millions de Français dont il est question. Urgence, car un toit, c’est un droit, et parce que la liste des morts de la rue, les scandales des marchands de sommeil et l’état de délabrement de certaines cités populaires sont indignes de notre République.

Il manque 900 000 logements économiquement accessibles, et la situation s’aggrave chaque année, notamment en Île-de-France. À Paris, 113 000 personnes sont inscrites sur des listes d’attente. La situation est aussi intenable dans les villes où les maires mènent une politique volontariste. À Ivry-sur-Seine chez mon camarade Gosnat, à Gennevilliers chez mon camarade Roland Muzeau…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et chez le camarade Ollier, alors ?

M. André Chassaigne. …deux villes qui comptent respectivement 40 % et 60 % de logement social, des milliers et des milliers de personnes sont inscrites sur les listes d’attente.

Le désengagement de l’État et le manque de solidarité territoriale condamnent toute sortie de crise à court terme. Il aura fallu que les sénateurs de la majorité rejettent l’article 17 du projet de loi MOLLE pour que soit stoppée l’entreprise gouvernementale de remise en cause de la loi SRU.

Mais un constat s’impose. Le mal logement en France, notamment dans les zones tendues, doit être combattu de façon homogène et cohérente entre les différentes structures administratives et politiques. La loi SRU doit être maintenue et renforcée, car la solidarité territoriale est la clé face au problème du logement et des enjeux sociaux qu’il sous-tend. Les pouvoirs publics doivent œuvrer de concert pour que soient atteints dans les cinq ans à venir les objectifs de la loi SRU. Pour cela, les députés communistes proposent que soient déclarés inéligibles les maires refusant de façon manifeste d’atteindre les 20 % de logements sociaux ; je dis bien : inéligibles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

À la carence de logements sociaux s’ajoute celle de la rénovation urbaine. Il manque, madame la ministre, 1 milliard à l’ANRU pour boucler ses programmes, et l’argent du 1 % logement n’y suffira pas. Jérôme Bédier, président de l’UESL et représentant du MEDEF, dénonce aujourd’hui même, dans les colonnes des Échos, les engagements non tenus de l’État. Sur les 6 milliards d’euros promis, à ce jour, seuls 800 millions ont été versés à l’ANRU.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. André Chassaigne. Et que dire du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés prévu aux articles 7 et 8 de la loi MOLLE ? Malgré la faiblesse des objectifs chiffrés, il n’est pas financé ! Encore une mesure d’annonce, un vernis bien fin et déjà effrité, qui masque mal la réalité des politiques prônées par le Gouvernement.

Pourtant, les besoins sont immenses. Il suffit d’aller dans les cités populaires, d’entrer dans les halls d’immeubles et les couloirs, pour se rendre compte de la gravité de la situation. Certains locataires vivent dans des conditions indignes d’un pays comme la France, ce pays qui, en quelques heures, parvient à débloquer 40 milliards pour les banques, et qui, scandaleusement, refuse tout engagement massif en matière de logement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Pierre Gosnat. Très juste !

M. André Chassaigne. Vous dites vouloir mobiliser les acteurs ; dans une certaine mesure, on peut dire que vous y parvenez… En témoignent la levée de boucliers que votre texte a provoquée, et l’ensemble des syndicats, des associations de locataires et de mal-logés massés cet après midi devant notre assemblée pour réclamer le retrait de votre projet de loi. Tous condamnent la logique de votre texte et la fonction que vous conférez au logement social. Vous êtes décidément, madame la ministre, docteur ès mobilisation ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Les associations et les syndicats mettent aussi en avant l’autoritarisme de l’État, qui consiste à mettre les partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement devant le fait accompli et à organiser, je pèse mes mots, le pillage de la participation des entreprises à l’effort de construction.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est du hold-up, ils l’ont dit en commission !

M. André Chassaigne. L’État prend la main pour mieux vider les caisses ! La situation devient ubuesque quand l’UESL, qui gère une collecte de 1,5 milliard, se voit obligée, tenez-vous bien, d’emprunter pour financer le « pass-travaux » suite aux multiples ponctions de l’État, véritables hold-up !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Non, c’est le choix de l’UESL !

M. André Chassaigne. Autoritarisme encore, madame la ministre, quand vous imposez aux organismes bailleurs le conventionnement obligatoire via les CUS, les conventions d’utilité sociale ! Vous transformez les bailleurs sociaux en bras armés de la politique gouvernementale, notamment en matière de surloyers, de revente du patrimoine et d’autofinancement.

Autoritaire, ce projet de loi souffre aussi et surtout d’un manque cruel d’efficacité. Les dispositions contenues dans la loi MOLLE n’apportent pas de réponses ni de solutions économiquement et socialement durables. Ces dispositions s’accompagnent d’une campagne idéologique, qui tente d’opposer les mal logés aux logés, et accrédite l’idée que les locataires de HLM ne sont que des nantis, et qu’une bonne part d’entre eux n’ont rien à y faire. Au contraire, la demande est de plus en plus sociale et, si elle concerne les familles qui connaissent les plus grandes difficultés, elle atteint aussi les couches intermédiaires, notamment depuis le décret ministériel d’août dernier relatif au surloyer renforcé. Aujourd’hui, en France, se loger et se maintenir dans son logement est un véritable parcours du combattant !

M. Frédéric Cuvillier. Tout à fait !

M. André Chassaigne. En somme, pour pallier les manques financiers de l’État et la faiblesse du nombre de constructions véritablement sociales,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous avons construit 110 000 logements sociaux ! Il n’y en a jamais eu autant !

M. André Chassaigne. …votre ministère organise le détournement des fonds du 1 % logement et, dans le même temps, l’éviction du parc social de certaines tranches de population.

M. Roland Muzeau. Eh oui !

M. André Chassaigne. C’est ce que l’on appelle faire d’une pierre deux coups !

Enfin, le Gouvernement annonce vouloir lutter « plus efficacement » contre l’exclusion : quelle fable ! Les seules mesures concrètes sont le raccourcissement des délais d’expulsion et l’abaissement de 10 % des plafonds de ressources, excluant de fait des milliers de personnes du logement social. C’est en soi assez significatif !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Rien n’est prévu pour que la loi DALO soit réellement applicable dans notre pays.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Comment ? Et l’hébergement, qu’en faites-vous ? Vous n’avez pas lu le texte !

M. André Chassaigne. La régionalisation des demandes en Île-de-France peut sans doute être considérée comme un cadeau du Président de la République à ses amis des Hauts-de-Seine. Mais le plus grave est que cela ne changera rien au caractère illusoire du droit au logement dans notre pays. Sur 50 000 demandes de relogement, seules 4 500 ont été honorées : le bilan est bien mince !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. André Chassaigne. En conclusion, il me revient en mémoire cette phrase de Simone de Beauvoir :…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Un peu de poésie, monsieur Chassaigne, j’en ai besoin !

M. André Chassaigne. …« Ce qu’il y a de scandaleux dans le scandale, c’est qu’on s’y habitue. » (Approbations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

C’est bien parce qu’ils respectent et représentent la souveraineté nationale que les députés communistes et républicains ne s’habitueront pas à la misère sociale et aux tentes pour les SDF dans les rues de Paris. Nous nous battrons pour que le logement ne deviennent pas l’un de ces serpents de mer politiques que l’on instrumentalise à des fins médiatiques. Les communistes ont toujours défendu le logement social : les villes qu’ils administrent en témoignent. C’est pourquoi nous nous opposons avec fermeté à ce projet de loi. Nous refusons la privatisation du parc HLM, le désengagement financier de l’État,…

M. le président. Merci, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. …la remise en cause du droit au maintien dans les lieux. Nous voulons que l’État redevienne l’acteur central des politiques publiques du logement, et qu’il s’engage financièrement à hauteur de 2 % de son PIB.

M. le président. Merci.

M. André Chassaigne. Tel n’est pas le cas ; c’est pourquoi les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront contre le présent texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

J’ai dépassé mon temps de seulement quatre secondes, monsieur le président !

M. le président. Merci, monsieur Chassaigne : je vous avais dit que je vous aiderais à respecter votre temps de parole, et je le fais. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Roland Muzeau. Quatre secondes !

M. le président. Plusieurs de vos collègues socialistes souhaitent s’exprimer ce soir ; si nous perdons du temps, ils ne pourront le faire.

M. André Chassaigne. Nous ne demandons qu’un peu de respect !

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous parlez d’or, monsieur Chassaigne ! Il ne faut pas, dites-vous, faire du logement un serpent de mer exploité à des fins démagogiques ; mais c’est précisément ce que vous en faites ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

La crise du logement, mes chers collègues, j’en entends parler depuis vingt ans :…

M. Roland Muzeau. Nous, on la voit !

M. Marc-Philippe Daubresse. …on manipule les chiffres, on fait quelques tours de bonneteau, puis on se lamente qu’elle soit toujours là ! Or les courbes de la construction de logements neufs de 1953 à 1973 ont marqué une évolution satisfaisante – l’appel de l’abbé Pierre en 1954 y est sans doute pour quelque chose –, à tel point que l’on a fini par atteindre une fourchette de 450 000 à 500 000 constructions par an, avant de constater un effondrement dramatique de 1973 à 2003.

M. Frédéric Cuvillier. Ben voyons ! Et puis vous êtes arrivés !

M. Marc-Philippe Daubresse. Qui en porte la responsabilité ? Des dirigeants, de droite comme de gauche. M. Mitterrand est arrivé au pouvoir en 1981 ; plusieurs ministres du logement se sont succédé : Mme Lienemann, qui a été une bonne ministre ; M. Besson ; Mme Aubry avec le ministère de la ville ; M. Gayssot et d’autres encore. De 1973 à 2003, tous les experts, suivis par de nombreux politiques, ont commis l’erreur fondamentale de sous-estimer deux facteurs : premièrement, on vit plus longtemps ; deuxièmement, la société change à toute allure – comme disait Valéry, le problème avec notre époque, c’est que l’avenir n’est plus ce qu’il avait l’habitude d’être. Voilà d’où vient le décalage.

M. Daniel Paul. En somme, personne n’est responsable !

M. Marc-Philippe Daubresse. Laissez-moi poursuivre, monsieur Paul.

Dans cette courbe brutalement décroissante, disais-je, on note quelques pics de redressement. Qui étaient alors les ministres en charge du logement ? Pierre Méhaignerie, Pierre-André Périssol,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et Mme Lienemann ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Mme Lienemann, pour paraphraser quelqu’un que j’ai bien connu, a fait un petit « pschitt » avec son petit plan de relance !

…enfin, Jean-Louis Borloo et son plan de cohésion sociale.

M. Frédéric Cuvillier. Et demain, Boutin !

M. Marc-Philippe Daubresse. Bien sûr, le logement subira en 2009 les conséquences de la crise ; mais en 2010 ou en 2011, grâce à la relance, le présent texte produira lui aussi des effets significatifs.

M. Pierre Gosnat. On verra !

M. Marc-Philippe Daubresse. Il est un peu facile de comparer la situation actuelle avec les périodes plus fastes. Pour ma part, j’ai connu une époque où l’on construisait 310 000 logements neufs, chiffre que Mme Boutin a porté à 450 000. En 2000, seuls 40 000 logements sociaux étaient financés, contre 110 000 l’an dernier. Mais quand tout va bien, on dit que c’est grâce au marché, et quand la conjoncture se retourne – comme elle le fait de façon bien plus dramatique aux États-Unis, en Angleterre ou encore en Espagne, pour citer un pays dirigé par un socialiste –, c’est aussitôt la faute du ministre, les raisons fussent-elles internationales ! Un peu de cohérence et de lucidité !

Aux personnes de grande qualité avec qui j’ai eu l’occasion de travailler sur le logement, et qui ne siègent pas forcément sur les mêmes bancs que moi, je veux rappeler, en toute amitié, que tout ce qui est excessif est insignifiant. Débattons plutôt du fond !

C’est donc tranquillement que j’apporte un soutien résolu à ce texte, et que je rends hommage à Mme Boutin, qui, avec courage et sans se laisser impressionner par quelque pression que ce soit, a exprimé ses convictions à plusieurs reprises dans notre hémicycle (Mouvements sur les bancs du groupe SRC), qu’il s’agisse du droit au logement opposable, du dividende universel ou d’autres convictions sur notre société. Cela mérite notre respect et notre estime. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Une fois dit cela…

M. Pierre Gosnat. Ce n’était pas grand-chose !

M. Marc-Philippe Daubresse. Si vous le souhaitez et que le président m’y autorise, je puis parler encore pendant deux heures !

M. le président. Disons plutôt quatre minutes trente...

M. Marc-Philippe Daubresse. Je vais m’efforcer d’être synthétique et de parler du fond. (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Vous ne parlez, chers collègues de l’opposition, que des moyens.

M. Frédéric Cuvillier. Il en faut !

M. Marc-Philippe Daubresse. On le comprend d’autant mieux que les données à partir desquelles vos argumentaires sont construits, et que l’on retrouve par exemple dans vos pétitions, ne sont pas à jour !

Le plan logement actuel repose d’abord sur la réforme structurelle entreprise par Mme la ministre au début de l’été dernier ; ensuite, sur le plan de relance auquel cette dernière a fortement contribué – j’en suis témoin – et dans lequel le Président de la République a débloqué des moyens nouveaux ; enfin, sur un changement de gouvernance qui constitue l’une des clefs de la réussite d’une politique du logement.

Certes, il faut aussi des moyens,...

M. Frédéric Cuvillier. Justement, il n’y en a pas !

M. Marc-Philippe Daubresse. …mais je vous démontrerai aisément que, si l’on additionne les financements du 1 % logement, ceux de l’État et ceux, considérables et même sans précédent, dégagés par le plan de relance, les moyens augmentent de 17 %. Mais la réalité des problèmes ne se situe pas au niveau des moyens !

M. Frédéric Cuvillier. Si !

M. Marc-Philippe Daubresse. Lorsque j’entends Mme Aubry, que je connais bien, proposer un plan de relance comportant la construction de 300 000 logements sociaux, il y a de quoi éclater de rire ! Que M. Repentin vienne donc nous dire ici qu’avec son plan de relance il construirait 300 000 logements sociaux en deux ans ! Vous savez tous que ce sont des galéjades ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Frédéric Cuvillier et M. Pierre Gosnat. Non !

M. Marc-Philippe Daubresse. Pour faire du logement, il faut non seulement des moyens, mais aussi un appareil productif, des sociétés de construction, des bailleurs sociaux, du foncier et une gestion de partenariat. L’annonce de ces 300 000 logements sociaux est totalement bidon ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Depuis quinze ans que j’entends ces discours, populistes et démagogiques pour la plupart, qui agitent le serpent de mer du logement, le seul honnête a été celui de M. Cacheux, présent ce soir parmi nous, et auteur d’un rapport sur le sujet en mars 2002.

M. Frédéric Cuvillier. C’est un hommage !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je conserve précieusement l’introduction et la conclusion de ce rapport, dont Jean-Louis Borloo et moi-même nous sommes efforcés de mettre en œuvre 80 % des recommandations. M. Cacheux dénonçait la politique du gouvernement de M. Jospin qui, à trop favoriser la consommation et les aides à la personne, n’a pas consacré assez d’argent à la construction et aux aides à la pierre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marylise Lebranchu et Mme Annick Lepetit. Cela ne date pas d’hier ! Cela fait six ans !

M. Marc-Philippe Daubresse. Un chapitre de ce rapport constatait que les résultats en matière de logement n’avaient jamais été aussi catastrophiques depuis 1960. M. Cacheux préconisait notamment de recourir à la décentralisation, à la gestion partenariale et à l’association des partenaires sociaux, autant de dispositifs sur lesquels sont fondées toutes les politiques menés depuis 2003 par les ministres successifs du logement, et qui inspirent aussi les mesures très fortes proposées par Mme Boutin.

S’agissant du 1 % logement, il y aura un contrat d’objectifs avec clause de rendez-vous tous les trois ans. (« Mais bien sûr ! » sur les bancs du groupe SRC.) L’Assemblée nationale ayant demandé un rapport annuel, nous disposerons en fait d’un contrat d’objectifs réactualisé chaque année.

M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je suis de ceux qui ont dit, dès l’examen du projet de loi par le Sénat, qu’il ne fallait pas toucher à l’article 55, car celui-ci constitue un symbole. Pour autant, je crois, avec le rapporteur Michel Piron, que nous devrons prendre le temps d’élaborer, dans la concertation et le consensus politique, une grande loi sur l’urbanisme. Il faut comprendre que la mixité sociale n’est pas la mixité des pierres, mais la mixité des personnes. Dans les courées de ma ville habitent des personnes qui disposent de la moitié du revenu de ceux qui logent dans le parc HLM. Quand on fait de l’accession sociale à la propriété, on est tout aussi social que lorsqu’on fait du locatif ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Monsieur Daubresse, votre temps de parole est écoulé.

M. Marc-Philippe Daubresse. Je citerai enfin la question de la mobilité dans le parc HLM. Le groupe UMP soutien la proposition du président Ollier visant à mener une politique territorialement différente, qui est la seule réponse possible…

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. L’avenir n’est plus ce qu’il avait l’habitude d’être (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais ce projet de loi pose le fondement d’un monde nouveau, qui est bien un monde réel, et non le serpent de mer de M. Chassaigne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que vous êtes encore trente-cinq inscrits dans la discussion générale, pour cinq minutes chacun. Je vous exhorte donc tous à respecter le temps qui vous est attribué.

La parole est à M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’existence de ce projet de loi a justifié, en avril dernier, que l’Assemblée nationale refuse de discuter de notre proposition de loi visant à permettre un logement adapté à chacun et abordable pour tous.

Madame la ministre, ces neuf mois d’attente ont été marqués par un acte fort, qui donne la mesure de votre politique : le budget de l’État prévoit en effet, sur trois ans, une baisse de 10 % des crédits de la mission « Ville et logement », de sorte que les crédits destinés au logement social diminuent de 250 millions d’euros. Vous prétendez que les ressources du 1 % patronal compenseront ce repli, lequel ne serait que provisoire, mais vous ne nous donnez aucune lisibilité de l’action propre de l’État au bout de ces trois ans, ni de la possibilité que le 1 % patronal – désormais sous tutelle et sans contrôle parlementaire, monsieur Daubresse – se substitue durablement à votre désengagement. Ce sont donc les salariés, et eux seuls, qui sont appelés à combler les manques de votre politique.

Une autre réalité aurait dû vous guider : la moitié des communes qui n’ont pas atteint les objectifs fixés par l’article 55 de la loi SRU se trouvent dans un département en situation critique par rapport à la mise en œuvre du droit au logement opposable. Le succès du DALO dépend donc de l’application d’un article de loi que vous avez souhaité supprimer ! Le Sénat ne s’y est pas trompé. Consciente des effets négatifs de sa remise en cause, la quasi-totalité des sénateurs de votre majorité n’a pas hésité à se joindre à la gauche pour voter un amendement confortant l’article 55. Aujourd’hui, madame la ministre, vous renoncez, vous nous l’avez annoncé tout à l’heure. Nous vous en donnons acte, mais encore faut-il que vous vous engagiez aussi à ne pas contourner cette obligation par un dispositif réglementaire : ce serait contradictoire avec les propos, qui résonnent encore en ces lieux, sur la revalorisation du Parlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Daniel Goldberg. L’application de la loi SRU implique aussi le paiement effectif par les villes récalcitrantes des pénalités prévues, quand bien même celles-ci sont trop faibles. Vous évoquez en effet, madame la ministre, la nécessité d’une solidarité régionale en Île-de-France. Cette solidarité pourrait être déjà à l’œuvre si votre Gouvernement et ceux qui l’ont précédé depuis 2002 avaient fait rigoureusement respecter l’article 55 de la loi SRU – par exemple à Neuilly-sur-Seine ou au Raincy –, si vous aviez accepté la création d’un établissement public foncier unique pour l’ensemble du territoire régional, si vous n’aviez pas laissé l’« entre-soi » se développer en multipliant les acteurs de l’aide à la pierre. Cette même solidarité, au demeurant, s’impose sur tout le territoire national. Pourquoi, madame la ministre, accordez-vous l’impunité de fait aux villes qui ne respectent pas l’article 55,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est faux ! Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Daniel Goldberg. …comme Nice, Antibes, Cagnes-sur-Mer, Mandelieu-la-Napoule, ou encore Menton, Toulon, Fréjus, Hyères, Saint-Raphaël,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Tout cela est faux ! C’est très injuste !

M. Daniel Goldberg. …toutes dirigées par vos amis politiques ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ce n’est pas sérieux ! Dites ce que vous voulez, mais pas cela !

M. Daniel Goldberg. Si vous le souhaitez, nous examinerons les chiffres ensemble…

Madame la ministre, les demandeurs de logement n’attendent pas la charité. Ils n’attendent pas de vous que vous libériez des logements en rejetant les locataires des classes moyennes parce que vous refusez de rendre obligatoire la construction de logements adaptés aux revenus des demandeurs et équitablement répartis ! Quand cesserez-vous de fermer les yeux sur ceux qui détournent la loi de ses objectifs en ne construisant que du PLS ?

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais arrêtez donc !

M. Daniel Goldberg. Quand vous engagerez-vous enfin à soutenir la construction effective et massive de logements de type PLAI, destinés aux personnes aux plus faibles revenus, et dont le manque est criant ?

Madame la ministre, je reconnais que votre politique a le mérite de la cohérence, mais elle poursuit le mirage idéologique du « tous propriétaires », qui imprègne les discours de Nicolas Sarkozy.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Pas du tout !

M. Daniel Goldberg. C’est la même idéologie qui, à coup de crédits hypothécaires dont le Président de la République vantait encore les mérites il y a peu, a jeté les Américains dans un précipice économique et social. L’accroissement de l’endettement des ménages, loin de constituer un ascenseur social, organise la restriction de leur pouvoir d’achat.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. J’attendais mieux de vous, monsieur Goldberg !

M. Daniel Goldberg. L’article 55 de la loi SRU, que vous renoncez finalement à modifier, vous rappelle la réalité que vivent ces familles qui, dès le 10 du mois, n’arrivent plus à boucler leur budget mensuel, de ces familles qui subissent la précarité au travail, renforcée encore par les mesures de votre Gouvernement.

M. le président. Mon cher collègue, il est temps de conclure.

M. Daniel Goldberg. Or, c’est la précarité de ces familles que vous allez planifier sur des dizaines d’années en les engageant à devenir tous propriétaires sans assurance de solvabilité, et donc sans sécurité à long terme. L’accession sociale à la propriété ne peut être un objectif en soi. Elle ne peut se concevoir qu’en assurant la sécurisation à long terme de l’achat, ce que vous ne faites pas.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Je conclus, monsieur le président.

Cette réalité est celle de déséquilibres sociaux et géographiques qui entravent le dynamisme de l’ensemble des aires urbaines ; celle de la construction de logements locatifs sociaux abordables dans des zones toujours plus lointaines – en contradiction avec le Grenelle de l’Environnement.

M. le président. Monsieur Goldberg, vous devez vous arrêter là.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le président, je conclus au même rythme que M. Daubresse...

Madame la ministre, la priorité est de penser la société telle qu’elle est. Il ne s’agit pas seulement de justice sociale, laquelle justifie déjà pleinement le maintien, la pleine application, et même le renforcement de l’article 55 de la loi SRU,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est une obsession !

M. Daniel Goldberg. …il s’agit aussi d’efficacité à long terme de l’action – et donc de la dépense – publique. Cela nous évitera de devoir réclamer, dans vingt ans, un nouveau « Plan Marshall » pour nos quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour cinq minutes au maximum.

M. François de Rugy. La France vit une crise du logement depuis plusieurs années. Cette situation n’est pas nouvelle, elle est en tout cas antérieure à la crise économique déclenchée par la crise financière américaine de l’automne dernier.

Il semble que tous les maillons de la chaîne du logement, ou presque, soient défaillants et que le blocage se situe à tous les niveaux. Du logement d’urgence – notre collègue Étienne Pinte a été très clair sur le sujet – au logement en accession à la propriété, en passant par le logement social ou le locatif privé, tous les secteurs sont en crise et en déficit d’offres depuis de nombreuses années.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est pour cela que nous examinons un projet de loi global !

M. François de Rugy. La question de l’accès au logement se pose à toutes les catégories de population, à l’exception, peut-être, de ceux qui perçoivent les plus hauts revenus et détiennent les plus gros patrimoines, et qui ont également bénéficié – comme c’est étrange ! – du plus fort soutien public, il y a un an et demi, avec l’adoption du bouclier fiscal.

Au-delà du problème des mal-logés, qui ne se résorbe pas et a même tendance à s’aggraver depuis plusieurs années – ce qui est pour le moins choquant dans un pays aussi riche que la France –, les classes moyennes sont massivement touchées.

Pour les mal-logés et pour ceux que l’abbé Pierre qualifiait de sans-logis, le DALO repose sur un principe que nous ne pouvions que soutenir. Toutefois, il ne peut être efficace que s’il amène l’État à construire des logements dans les territoires qui connaissent la plus grande pénurie de logements sociaux, à commencer par les communes les moins volontaristes en la matière. Or, comme les moyens ne sont pas au rendez-vous – et je regrette que M. Daubresse dise qu’il ne s’agit pas d’une question de moyens –, le problème se déplace.

Le DALO a ainsi un effet pervers : les publics les plus en difficulté sont prioritaires – on ne s’en plaindra pas –, mais l’accès au logement social est totalement bloqué pour des demandeurs à peine plus favorisés, comme ceux qui ont déjà un logement – souvent trop petit et trop coûteux lorsqu’il relève du secteur privé. Ainsi, ceux qui vont perdre leur emploi et ne pourront plus se loger dans le secteur privé s’entendront répondre, s’ils se tournent vers le secteur social, qu’ils ne sont pas prioritaires. Cette situation est très inquiétante.

Je ne veux pas dire qu’il ne s’est pas construit de logements ces dernières années, mais chacun sait que l’ensemble des prix a été tiré vers le haut dans le secteur privé, pour le neuf comme pour l’ancien, à la vente comme à la location.

M. Michel Piron, rapporteur. C’est la loi du marché !

M. François de Rugy. Cette évolution a d’ailleurs renchéri le coût des constructions de logements sociaux en raison de l’augmentation du prix du foncier.

Les Français s’en trouvent conduits à dépenser toujours plus pour se loger. La part consacrée au logement dans leur budget est de plus en plus importante, et l’évolution de cet indicateur est particulièrement alarmante. Par ailleurs, l’« exil » auquel sont contraints, pour des raisons économiques, ceux de nos compatriotes qui habitent très loin de leur lieu de travail, les oblige en outre à consacrer à leurs déplacements un budget exorbitant.

Des millions de Français doivent aussi se contenter de logements souvent trop petits.

M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir conclure.

M. François de Rugy. On pourrait penser que la crise immobilière aura pour effet bénéfique de faire baisser les prix. Hélas ! ce ne sera pas le cas, car l’offre va se rétracter. Aussi sommes-nous convaincus qu’il est nécessaire de mener une action publique forte et ciblée en faveur du logement social, car c’est une priorité. Vous avez eu pour obsession les démolitions, puis l’accession à la propriété et les mesures fiscales.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je n’ai aucune obsession !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Rugy.

M. François de Rugy. Nous proposons, quant à nous, que la priorité soit accordée au logement social et au locatif privé, en imposant de véritables contreparties aux aides à l’investissement dans l’immobilier. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. Michel Piron, rapporteur. Ces contreparties existent !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué.

Mme Chantal Bourragué. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun sait qu’au cours des dernières années notre majorité a consenti un effort sans précédent en faveur du logement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Toutefois, si les actions que nous avons menées portent leurs fruits, beaucoup reste à faire, notamment pour faire face à la crise financière et économique mondiale.

Globalement, le nombre annuel de logements mis en chantier n’a cessé de croître entre 2001 et 2007 et le nombre annuel de logements sociaux financés a augmenté de 92 % entre 2002 et 2007 ; Mme la ministre et Marc-Philippe Daubresse ont détaillé ces chiffres. En outre, une nouvelle indexation des loyers a été mise en place, qui substitue à l’indice du coût de la construction celui des prix à la consommation. Ce dispositif a rendu aux locataires plus de 600 millions d’euros : c’est autant de pouvoir d’achat en plus pour les Français.

M. Alain Cacheux. Ils ne s’en sont pas aperçus !

Mme Chantal Bourragué. J’ajoute que vous avez vous-même défendu devant le Parlement, madame la ministre, la loi DALO, qui permet à chacun de faire valoir son droit à un logement décent.

Le logement est une lourde responsabilité. Les difficultés économiques actuelles exigent la mobilisation de tous les acteurs et, bien entendu, l’affectation des sommes nécessaires pour mener une action encore plus efficace.

M. Frédéric Cuvillier. Depuis combien de temps êtes-vous au pouvoir ?

Mme Chantal Bourragué. L’égalité des chances, le respect de la dignité de la personne et le souci de l’équité sont au cœur de notre législation. L’ambition de ce texte est de les consacrer pleinement.

L’accession populaire à la propriété est un objectif important de notre majorité. Dans son discours de Toulon, le Président de la République a annoncé des mesures qui permettront aux Français qui le souhaitent d’accéder à la propriété. Le dispositif en vigueur – qui permet aux primo-accédants de payer d’abord la maison, puis le terrain, grâce à une aide du 1 % logement et à une TVA réduite – remporte un grand succès. Il nous appartient de lui donner une ampleur nouvelle en votant cette loi.

Il était prévu que 20 000 logements seraient financés grâce au Pass-Foncier ; ce nombre est porté à 30 000. C’est dire combien ce dispositif répond aux attentes et aux besoins des Français. Après le vote de cette loi, le bénéfice de la TVA à 5,5 % et le Pass-Foncier vaudront non seulement pour les maisons individuelles, mais aussi pour les logements en immeubles collectifs. Cette mesure, applicable jusqu’au 31 décembre 2010, fera ensuite l’objet d’une évaluation qui permettra d’apporter des correctifs, si nécessaire. Sur ce sujet comme sur tant d’autres, la culture du résultat doit inspirer notre action.

Par ailleurs, l’article 2 du projet de loi institue une solidarité renforcée entre les organismes HLM, en mutualisant leurs moyens. Ainsi les organismes dont les moyens financiers sont élevés par rapport à leurs perspectives d’investissement verseront une aide aux bailleurs sociaux qui construisent davantage. Cette ressource nouvelle sera affectée aux aides à la construction et à l’amélioration du parc existant.

M. Alain Cacheux. C’est faux !

Mme Chantal Bourragué. Chacun d’entre nous devrait souscrire à cette mesure, qui réoriente les fonds là où les besoins sont les plus importants et où l’urgence est la plus pressante. C’est une question de justice, d’équité et d’efficacité.

Enfin, le projet de loi vise à favoriser la mobilité dans notre parc de logements. Sachez, madame la ministre, que les mesures relatives à la sous-occupation sont une véritable préoccupation pour nos concitoyens. Victimes de rumeurs, de la désinformation,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Absolument !

Mme Chantal Bourragué. …les locataires ont exprimé leurs inquiétudes.

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Chantal Bourragué. Or, si l’article 20 vise bien à libérer les logements sous-occupés, il prévoit que seront proposées aux locataires des offres de relogement dont le prix ne pourra être supérieur à ce qu’ils payaient auparavant ni dépasser 25 % de leurs ressources. Cette mesure permettra ainsi de créer les conditions d’une plus grande fluidité dans notre parc, et je m’en réjouis.

Enfin, ainsi qu’Étienne Pinte l’a expliqué dans son intervention, l’article 23 donne une nouvelle envergure à la lutte contre l’exclusion.

M. le président. Il vous reste quinze secondes.

Mme Chantal Bourragué.. Pour conclure, madame la ministre, je tiens à attirer votre attention sur la situation des jeunes et sur la nécessité d’une meilleure prise en considération des difficultés des moins de vingt-cinq ans qui, compte tenu de l’instabilité de l’emploi, sont souvent contraints de loger de temps à autre chez leurs parents, et donc tributaires de la capacité d’accueil de ces derniers. Si nous tenons compte de ce phénomène lorsque nous aborderons la question de la sous-occupation des logements, ce projet de loi pourra nous rassembler.

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, madame Bourragué.

Mme Chantal Bourragué. Madame la ministre, je suis mobilisée, comme mes collègues du groupe UMP, en faveur de votre projet de loi, auquel j’apporte mon soutien, car il offre de nouvelles perspectives. Je regrette néanmoins de n’avoir pu aborder la question des coopératives d’habitants, qui réclament une adaptation de notre législation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la crise du logement s’aggrave chaque jour, que six millions de personnes sont en situation de fragilité – copropriétés dégradées, loyers impayés, surpeuplement, surendettement –, que plus de trois millions de personnes sont très mal logées et 100 000 personnes sans domicile fixe, vous nous proposez un texte de plus, le sixième en six ans !

M. Alain Cacheux. Eh oui !

Mme Jacqueline Maquet. Il s’ajoute ainsi aux lois que votre majorité a votées ces dernières années, sans pour autant régler le problème du logement.

M. Alain Cacheux. Il s’est même aggravé !

Mme Jacqueline Maquet. Or ce projet de loi ne changera pas davantage la donne. Il n’est en effet, malheureusement, qu’une addition de petites mesures,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Pas si petites, à en juger par les réactions !

Mme Jacqueline Maquet. …qui restent éloignées des demandes des acteurs et ne résoudront aucunement la grave crise du logement.

Pourtant, ce secteur est essentiel, non seulement en raison de ses implications économiques directes, mais aussi parce qu’il reflète la santé sociale d’un pays, sa propension à endiguer ou à creuser les inégalités. C’est pourquoi il devrait être traité comme une grande cause nationale, cette cause qui était si chère à l’abbé Pierre.

Je souhaite concentrer mon intervention sur l’une des mesures du projet de loi, contenue dans l’article 19, qui concerne le délai d’expulsion. Tout d’abord, un constat s’impose. Le nombre des expulsions locatives a très fortement augmenté depuis dix ans, pour atteindre 100 000 assignations annuelles, alors que, je l’ai dit, 100 000 personnes sont sans domicile fixe. Chacun sait que l’on ne naît pas SDF, mais qu’on le devient : avant d’être à la rue, ces personnes vivaient dans un logement.

Pourtant, bien que le rapport Pinte, le comité de suivi du DALO et de nombreuses associations de défense du droit au logement, qui manifestaient tout à l’heure aux portes de l’Assemblée, soulignent la nécessité de mettre en œuvre une politique de prévention des expulsions, vous ne trouvez rien de mieux à faire que de raccourcir les délais d’expulsion, en ignorant totalement et volontairement la question du relogement des personnes placées dans ces situations de détresse. Et dire que ce texte s’intitule « projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Absolument !

Mme Jacqueline Maquet. Une telle mesure est d’autant moins opportune que notre pays traverse actuellement une grave crise économique, qui aura des conséquences catastrophiques sur l’emploi et le logement. Ramener le délai d’expulsion de trois ans à un an est injuste, car cela revient à durcir les effets de la législation pour les accidentés de la vie. Dois-je rappeler que le logement constitue le premier poste budgétaire de la plupart des familles, qui se retrouvent parfois dans des situations d’endettement dramatiques ? Ces familles, qui peinent à assumer des loyers et des charges devenues insupportables, craignent de plus en plus souvent de ne pouvoir y faire face. Au reste, cette mesure n’est pas seulement injuste, elle est également contre-productive, puisque les ménages concernés deviennent de facto prioritaires au sens de la loi DALO et peuvent donc, à ce titre, obliger l’État à leur fournir un logement.

Certes, le projet de loi entend venir en aide aux petits propriétaires, pour qui les loyers sont une source importante de revenus et qui se trouvent pénalisés dans leurs efforts d’investissement. Mais s’il convient d’envoyer un signal positif aux propriétaires privés, qui participent grandement à l’offre locative, et s’il est essentiel de les aider, en particulier lorsqu’ils sont confrontés à des locataires de mauvaise foi, nous savons bien que ces derniers sont très minoritaires et que les personnes en difficulté sont, malheureusement, les plus nombreuses.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je suis d’accord !

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

Mme Jacqueline Maquet. C’est le juge judiciaire qui fixe les délais d’expulsion, et il tient compte, pour ce faire, de divers éléments d’appréciation. Or il n’accorde jamais un délai de trois ans aux occupants de mauvaise foi !

M. le président. Il vous reste quinze secondes, madame Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Je rappelle également les avancées obtenues par le Sénat dans ce domaine. Encore une fois, l’article 19 ne fera que durcir la législation pour les victimes et les accidentés de la vie. C’est parfaitement injuste et inacceptable. La question du locataire défaillant doit, au contraire, être traitée par une meilleure mobilisation des acteurs sociaux.

M. le président. C’est terminé, madame Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. C’est bien la prévention des expulsions qu’il faut favoriser, ainsi que l’a souhaité le Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Piron. Voilà un discours plus nuancé que ceux que nous avons pu entendre jusqu’à présent !

M. le président. La parole est à M. Abdoulatifou Aly.

M. Abdoulatifou Aly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos portera d’abord sur la forme et la méthode ; je ferai ensuite quelques observations générales sur le projet de loi, avant d’aborder les problématiques concernant l’outre-mer.

Le logement est un droit inaliénable de la personne humaine et une préoccupation majeure de nos concitoyens. Il nécessite une mobilisation de tous les acteurs publics, tant au niveau local que national, et plus encore depuis que nous sommes entrés dans une crise financière et économique, qui, ne l’oublions pas, trouve ses origines dans la sphère immobilière.

À cet égard, si nous reconnaissons les efforts entrepris par votre majorité depuis 2002 et si nous notons, madame la ministre, votre engagement personnel et sincère sur le sujet, nous ne pouvons néanmoins que regretter le retard pris dans l’examen de ce texte par notre assemblée.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Moi aussi !

M. Abdoulatifou Aly. N’y avait-il pas là, en effet, une priorité plus urgente que le travail le dimanche ou la remise en cause du droit d’amendement ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

D’ailleurs, vous me permettrez de relever avec quelque malice que la première lecture du projet de loi au Sénat a montré toute la pertinence d’un véritable travail parlementaire, fondé sur le droit de présenter et de défendre librement des amendements.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Abdoulatifou Aly. Votre texte en est sorti amélioré et renforcé. Il n’est pas anodin de le rappeler dans le contexte bien précis de la vie de notre assemblée.

J’en viens au fond et aux observations générales que je souhaite faire sur ce texte, au nom des députés du Mouvement Démocrate.

S’agissant de la loi SRU, notre position est très claire : il faut en rester à la sage position de nos collègues sénateurs, qui ont justement supprimé l’article 17. Cet acquis ne doit en aucun cas être remis en cause. Logement locatif social et accession à la propriété ont chacun leur importance, mais ils ne doivent pas être confondus dans leurs objectifs. La mixité sociale doit rester un devoir moral, un impératif social et une priorité nationale, sur tout le territoire de la République, à Drancy comme à Neuilly !

S’agissant du 1 % logement, tout en reconnaissant que sa gestion mérite, ici ou là, quelques remises en ordre, nous réaffirmons notre attachement à son caractère paritaire et notre refus de voir ses ressources en quelque sorte détournées par l’État pour pallier un certain désengagement de la politique de la ville.

En ce qui concerne le droit opposable, vous proposez, au vu des premiers effets – très limités – de la loi, des adaptations pour son application en Île-de-France à l’échelle non plus départementale, mais interdépartementale. Force est de constater, en effet, qu’il est plus facile d’afficher de bonnes intentions que de les mettre en pratique. Là est la limite de l’exercice des « droits opposables ».

Pour terminer, je voudrais vous livrer quelques analyses centrées sur l’outre-mer dans son ensemble et notre futur département de Mayotte en particulier. Nos outre-mer n’échappent pas, tant s’en faut, aux difficultés en matière de logement, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Les principales orientations à retenir méritent d’être rappelées. La ligne budgétaire unique doit rester le socle du financement du logement outre-mer et donc être abondée à hauteur des besoins. Dans le cas spécifique de Mayotte, il faut passer de l’incantation à l’action et relancer d’urgence la construction de logements sociaux, en concentrant les efforts sur l’accession sociale à la propriété, la plus adaptée au contexte local et aux attentes de la population mahoraise. Il faut accompagner cette politique par la relance des prêts à taux zéro et l’octroi de l’allocation logement aux familles nécessiteuses pour faciliter leur accès aux logements sociaux.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Abdoulatifou Aly. En définitive, nous avons le sentiment d’un texte un peu fourre-tout, contenant certes des avancées, mais aussi des points plus contestables et, plus généralement, d’une politique du logement plutôt volontariste mais quelque peu dispersée et manquant de lisibilité. Nous serons donc attentifs aux débats, notamment sur le maintien de l’article 55 de la loi SRU, avant de nous prononcer. ((Applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany.

M. Frédéric Cuvillier. Nous allons sûrement entendre des choses intéressantes sur le logement social !

M. Patrick Balkany. N’en doutez pas ! S’il en est un, dans cet hémicycle, qui s’est occupé du logement social, c’est bien moi – plus que vous, en tout cas ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débutons aujourd’hui l’examen d’un texte d’une importance capitale – la preuve : je suis là ! (Même mouvement) – puisqu’il est au cœur des préoccupations des Français et touche à l’un de leurs besoins les plus légitimement fondamentaux, celui du logement.

Alors que notre pays traverse une période économique tumultueuse qui menace notamment le secteur de la construction, nous devons plus que jamais proposer aux Français une politique du logement ambitieuse, pragmatique et dénuée de tabous idéologiques,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Frédéric Cuvillier. Quelle mutation !

Mme Catherine Génisson. C’est un engagement ?

M. Patrick Balkany. …au risque de décevoir nos collègues socialistes.

La mission de porter les espoirs de nos compatriotes et de répondre à l’urgence de leurs attentes est particulièrement ardue, et je tiens à féliciter Mme la ministre pour la qualité et l’importance du travail accompli, ainsi que pour l’écoute qu’elle a su accorder à l’ensemble des partenaires et des acteurs du logement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Attention, c’est un compliment empoisonné !

M. Patrick Balkany. Notre assemblée s’étant accordée sur la nécessité de rationaliser et d’optimiser le temps de parole de chacun d’entre nous, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des objectifs de ce projet de loi, qui ont déjà été parfaitement présentés par Mme la ministre.

Je souhaite en revanche souligner quelques points spécifiques qui ont retenu toute mon attention et qui, je l’espère, retiendront également la vôtre. Dans un premier temps, je veux saluer, comme le feront sans doute tous nos collègues, la volonté du Gouvernement de favoriser la mobilité du parc locatif aidé, volonté qui s’exprime plus particulièrement dans l’article 20 du projet de loi, avec des mesures destinées à lutter contre la sous-occupation des logements sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, après avoir connu une baisse notable en 2004 et 2005, la mobilité du parc locatif aidé s’est stabilisée ces dernières années, ce qui est regrettable, car elle est indispensable à l’émergence d’un véritable parcours locatif social. Il convient donc de la stimuler.

M. Frédéric Cuvillier. Surtout quand on n’en a pas dans sa commune !

M. Patrick Balkany. J’ai 20 % de logements sociaux dans ma commune, que j’ai reprise aux communistes ! Là-dessus, je n’ai donc de leçons à recevoir de personne ! J’ai été président de l’office départemental pendant quatorze ans, et s’il en est un qui s’est occupé de logement social ici, c’est bien moi ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Frédéric Cuvillier. Et comment !

M. Patrick Balkany. Alors, soyez gentils, laissez-moi parler et taisez-vous ! Quand vous aurez fait autant de logements sociaux que moi, vous aurez peut-être le droit de l’ouvrir ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Frédéric Cuvillier. De quel droit nous parle-t-il sur ce ton ?

M. Patrick Balkany. Cela fait vingt-cinq ans que je suis maire et que je fais des logements sociaux, alors renseignez-vous avant de parler, et en attendant, taisez-vous. Ça suffit, maintenant ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Poursuivez, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Si vous voulez m’empêcher de parler, vous aurez du mal ! D’autres ont essayé avant vous !

M. Philippe Folliot. Allons, écoutez-le !

Mme Catherine Génisson. Il est insupportable !

M. Patrick Balkany. Vous pouvez toujours essayer de m’empêcher de parler, le président rajoutera la durée de vos interruptions à mon temps de parole. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Poursuivez, et ne répondez pas à vos collègues socialistes, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. C’est que je n’ai pas l’habitude de me laisser marcher sur les pieds, monsieur le président !

M. le président. Je demande un peu de silence dans l’hémicycle. Et maintenant, poursuivez, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Je soumettrai à l’examen de notre assemblée des amendements destinés à enrichir encore davantage ce texte d’une grande qualité. Je proposerai notamment de réintégrer les résidences pour personnes âgées dans le secteur social – mais peut-être nos collègues socialistes y voient-ils à redire ?

M. Frédéric Cuvillier. Cela sonne faux !

M. Patrick Balkany. À l’évidence, cette mesure favoriserait la libération de logements de grande surface, attribués il y a vingt ou trente ans à des familles nombreuses, et désormais occupés, faute de pouvoir se loger ailleurs, par des aînés souvent seuls.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Patrick Balkany. Toujours avec le même objectif, je soumettrai également à Mme la ministre et à notre assemblée un amendement visant à réintégrer les logements intermédiaires dans la catégorie sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Frédéric Cuvillier. En voilà, du social !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Cette mesure, elle aussi, permettrait de libérer des logements parmi les plus sociaux en proposant à des ménages dont les revenus progressent des logements adaptés à leur situation financière, sans pour autant…

M. le président. Je vous ai demandé de conclure, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Monsieur le président, je suis désolé, mais je voudrais terminer mon intervention !

M. le président. C’est bien ce que je vous demande ! Le temps de parole est le même pour tout le monde.

M. Patrick Balkany. Mais les interruptions doivent être décomptées, monsieur le président !

M. le président. Vous n’avez pas à prendre la présidence à partie, monsieur Balkany ! Je vous demande de conclure sans répondre à l’opposition !

M. Patrick Balkany. Cette mesure, disais-je, permettrait de libérer des logements parmi les plus sociaux en proposant à des ménages dont les revenus progressent, des logements adaptés à leur situation financière, sans pour autant les contraindre à se tourner vers le secteur privé dont les loyers sont inaccessibles pour eux, notamment dans les grandes villes.

M. le président. Merci, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Enfin, à la fois pour éviter certains abus, mais également par équité…

M. le président. C’est terminé, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Monsieur le président, je vais faire un rappel au règlement !

M. le président. Concluez maintenant, ou je vous retire la parole.

M. Patrick Balkany. Vous ne feriez pas ça, monsieur le président ! J’ai des choses à dire à Mme la ministre…

M. le président. Vous pourrez lui parler plus tard.

M. Patrick Balkany. Nous parlons du logement social, et j’ai attendu pratiquement jusqu’à minuit pour prendre la parole, monsieur le président…

M. le président. Vous avez désormais épuisé votre temps de parole. Je suis désolé, mais c’est terminé, monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany. Il suffit que l’opposition fasse du bruit pour que vous m’enleviez la parole, monsieur le président ? Ce n’est pas convenable !

M. le président. La parole est à M. Pascal Deguilhem.

M. Patrick Balkany. Je vais reprendre la parole ! Ce n’est pas normal ! Je vais faire demander une suspension de séance par le président de mon groupe !

M. le président. C’est terminé, monsieur Balkany.

Vous avez la parole, monsieur Deguilhem.

M. Pascal Deguilhem. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet énième texte sur le logement qui vient en discussion aujourd’hui alors même que madame la ministre affirmait, il y a un an, ne pas vouloir participer à l’inflation législative, ne répond pas à l’ambition suggérée par son titre.

En effet, madame la ministre, votre projet de loi n’est ni un texte de mobilisation, ni un texte de lutte contre les exclusions, ainsi que nous l’ont confirmé la quasi-totalité des acteurs du logement auditionnés à la demande du rapporteur – auditions auxquelles nous avons été largement associés, ce dont nous le remercions vivement. Bailleurs, associations de locataires, organismes collecteurs du 1 %, fédérations du bâtiment, tous ont exprimé les plus grandes réserves sur la cohérence de votre texte, sur son manque d’ambition, sur cet assemblage hétéroclite de mesures insuffisantes, voire contradictoires. Beaucoup ont exprimé leur indignation face à ce désengagement manifeste de l’État et, pour tout dire, face au hold-up réalisé sur les crédits du 1 %.

Après la loi DALO, après les préconisations justifiées du rapport Pinte, après vos déclarations faites la main sur le cœur, madame la ministre, vous laissez à Bercy le soin de définir les moyens pour répondre à l’urgence unanimement reconnue que représente la crise immobilière de grande ampleur que nous traversons. Votre projet de loi fait largement écho à la doctrine du Président de la République, une doctrine se fondant sur la promotion du statut du propriétaire et rejetant sur le côté les questions d’inadéquation géographique et économique de l’offre et de la demande en matière de logement.

Si votre volonté avait été d’apporter des réponses fortes, à la mesure de la crise du logement social, vous auriez pu, par exemple, revenir de façon plus ambitieuse, sinon définitive, sur les dispositifs Robien et Borloo, véritables pompes à finances, fonctionnant sans contrepartie aucune, sans vérification de l’adaptation des logements aux besoins des ménages et aux situations locales.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Êtes-vous bien sûr de ce que vous avancez ?

M. Pascal Deguilhem. Je vais vous donner des exemples, madame la ministre.

Avec ces dispositifs, l’État dépense, depuis cinq ans, deux fois plus pour la production de logements réservés aux 20 % les plus aisés de la population que pour les 80 % des autres ménages, c’est-à-dire les moins riches. Ce sont ainsi 400 millions d’euros qui, en année pleine, sont consacrés à construire des logements à loyer trop élevé, pour ne pas dire démesuré, et destinés pour la plupart, comble d’ironie, à demeurer vides.

Une politique du logement adossée à des dispositifs fiscaux mal ficelés a pour résultat que nombre d’acquéreurs – souvent de petits investisseurs – sont trompés par les promoteurs et par l’incurie de certains banquiers ; dans le même temps, des demandeurs de logement se résignent, en désespoir de cause, à payer pendant quelques mois des loyers inabordables, ce qui ne fait que les fragiliser davantage sur le plan social.

Dans l’agglomération de Périgueux, par exemple – mais il en est de même pour beaucoup de villes moyennes –, ce sont plus de 2 000 logements de type Robien, la plupart du temps achetés sur plan, dont les volets sont aujourd’hui fermés, au désespoir de nombre d’investisseurs, et qui, de fait, ne peuvent répondre aux exigences liées à la défiscalisation. Il s’agit souvent de copropriétés mal situées, qui ne trouvent pas preneur lorsque leur propriétaire souhaite s’en séparer, même en « cassant » les prix. Elles sont déjà dégradées faute d’occupation suffisante, alors que, dans le même temps, même dans des zones peu tendues comme chez nous, nombre de demandeurs de logement social restent sur la touche.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Deguilhem. Voilà pourquoi l’article 15 de votre projet de loi nous paraît être une réforme bien insuffisante, car ne touchant ni aux plafonds de loyers ni aux contreparties sociales.

Ne croyez vous pas que ces millions qui vous font aujourd’hui défaut – vous en conviendrez avec moi, madame la ministre – pour construire des logements adaptés à la capacité contributive des ménages auraient pu être mieux utilisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande joie que je m’exprime ce soir sur ce projet de loi, attendu par tous, mais très attendu aussi – vous le savez, madame le ministre – par une famille de ma circonscription, qui porte l’espoir de tant de familles désireuses d’adapter leur logement au handicap de leur enfant.

Je ne reviendrai pas sur toutes les mesures qui font de ce projet de loi un texte nécessaire pour répondre à la crise ancienne du logement et de la construction, que nous traversons dans un contexte économique difficile. Il facilitera en effet l’accès des classes moyennes et modestes au logement et nous permettra de lutter contre le mal-logement par la mobilisation de tous les acteurs concernés autour de priorités fortes.

Pour ma part, si j’accueille bien entendu avec grand intérêt les nouveaux dispositifs mis en œuvre par ce projet, je salue particulièrement son article 13, auquel j’accorde une grande importance et qui vous tient aussi beaucoup à cœur, madame la ministre. Vous m’avez écouté avec attention ainsi que de nombreuses autres personnes qui ont été sensibles à la situation tragique vécue par une famille de ma circonscription, victime d’une action contentieuse intentée par leur voisin au motif que les travaux effectués par leurs soins pour accueillir leur fille polyhandicapée étaient illégaux.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Scandaleux !

M. Bernard Gérard. Cette affaire a fait grand bruit, a suscité l’incompréhension et l’indignation. C’est ainsi que, face à des législations antérieures insuffisantes et inadaptées, vous avez accepté d’introduire dans le projet de loi l’article 13 qui, en modifiant l’article L. 123-5 du code de l’urbanisme, autorise les communes à délivrer des permis de construire dérogeant à une ou plusieurs règles d’urbanisme fixées par le plan local d’urbanisme, et ce afin de permettre l’accessibilité des personnes handicapées à un logement existant.

Le dispositif introduit par cet article est, comme l’a souligné le rapporteur dans son rapport, une réponse de bon sens aux difficultés engendrées par la nécessité d’effectuer ces travaux d’accessibilité allant à l’encontre des règles d’urbanisme prévues dans le plan local d’urbanisme. En effet, la surface d’un logement ne se mesure pas uniquement en mètres carrés de SHON, mais doit aussi, face au handicap, intégrer une dimension humaine.

Un ajout bienvenu a été opéré lors du passage du texte au Sénat, qui a prévu que les règles auxquelles il est permis de déroger sont celles définies par le plan local d’urbanisme ou par tout « document d’urbanisme en tenant lieu ».

Je l’ai dit, les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 étaient insuffisantes, comme l’étaient aussi celle de la loi du 11 février 2005, qui ne prévoyait que 5 mètres carrés. Votre projet représente donc une évolution extrêmement importante, et essentielle pour tous ceux qui souffrent du handicap, dans une société où la population vieillit et dans laquelle les problèmes liés à la dépendance sont voués à se multiplier.

Le Parlement prendra donc une décision forte en votant ce texte. Son article 13 est une réponse au combat pacifique mené par la famille que j’évoquai tout à l’heure. Fruit du dialogue et de l’écoute, il fait honneur au Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte important sur un sujet important, qui mérite que notre Assemblée prenne le temps de l’améliorer, comme les sénateurs ont commencé à le faire.

Ce texte s’inscrit d’abord dans un contexte, dont le premier élément est une restriction sans précédent des crédits. Il nous paraît difficile, dans ces conditions, d’afficher une politique aussi volontariste que celle que vous présentez en faveur du logement et de la construction de logements sociaux, quand le budget de l’aide à la pierre est mis en pièces par les arbitrages budgétaires faits dans le cadre de la dernière loi de finances.

Ce texte s’inscrit en second lieu dans un contexte marqué par la précipitation et la confusion, avec le rachat de logements en VEFA, le récent projet loi relatif à l’accélération des programmes immobiliers, parfois taillés sur mesure, et enfin certaines de vos annonces, qui ne sont pas toujours en cohérence avec la ligne de ce projet de loi.

Autant le dire d’emblée, nous considérons donc que ce texte est malvenu. Pour nous, priorité doit être donnée au lancement d’un véritable plan de relance de la construction de logements dignes et à des prix abordables. Or votre projet ne vous en donnera pas les moyens. Plus grave, il comporte encore, après son examen au Sénat, des dispositions qui nous paraissent dangereuses.

L’article 20, relatif à la mobilité, ouvre une véritable brèche dans le droit au maintien dans le logement, et ce malgré les quelques garde-fous dispensant de cette mesure les personnes handicapées ou de plus de 70 ans. C’est un mauvais coup porté à la mixité sociale, qui se conquiert souvent cage d’escalier par cage d’escalier, dans les cités HLM de nos communes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. Olivier Dussopt. L’article 21 prévoit la diminution de plus de 10 % des plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux. Là encore, nous nous inquiétons des conséquences en termes de mixité sociale et nous regrettons que vous ayez exigé une seconde délibération du Sénat qui avait supprimé cet article. Les dispositions qu’il contient risquent en effet d’entraîner une baisse du nombre des bénéficiaires potentiels des logements dits sociaux et de conduire à une ghettoïsation des cités HLM.

Je souhaiterais m’arrêter plus particulièrement sur le véritable hold-up opéré sur les fonds du 1 % logement – et je reprends ici à dessein le terme utilisé par l’un des acteurs du 1 %, que la commission des affaires économiques a auditionné. L’article 3 de votre texte prévoit en effet, sous couvert d’une réforme de sa gouvernance, une véritable ponction du 1 % logement, au risque de l’assécher et de le conduire à sa perte.

En septembre dernier, le conseil d’administration de l’ANRU a accepté bon gré mal gré – plutôt que d’accord, mieux vaut parler de fait accompli – de se voir ponctionner de 850 millions d’euros par an pendant trois ans, soit plus de 2,5 milliards d’euros au total. Sans doute fallait-il rendre le budget de l’État solvable, mais cela ne saurait justifier ce qui est en fait une véritable captation de l’argent des partenaires sociaux. Ce n’est pas au 1 % logement de financer ni de pallier le désengagement de l’État de ses missions en matière de logement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. Olivier Dussopt. Cette mainmise sur les fonds du 1 % logement marque un vrai tournant dans la politique partenariale de l’État en matière de logement, d’abord – et c’est là un revirement important – parce que cette politique devient moins partenariale et plus autoritaire, ensuite – et c’est le plus grave – parce que l’on peut craindre que cette ponction ne soit le premier pas vers un assèchement des fonds du 1 % logement. En effet, ce dispositif mis en place en 1943 dispose de deux modes de financement : le premier consiste en un prélèvement versé par les entreprises ; le second est constitué du remboursement des prêts consentis à long terme.

Or, c’est sur cette question du remboursement que le bât blesse. Les 2,5 milliards d’euros que l’État va ponctionner pendant les trois ans qui viennent ne seront pas remboursés, et nous glisserons donc d’une logique de prêt à une logique de subvention. Il en résultera indéniablement une baisse des fonds au service du logement et du 1 % logement.

Malgré ce risque d’assèchement, la liste des missions du 1 % logement ne cesse de s’allonger, au détriment parfois de son efficacité. Outre ses missions historiques, il lui faut désormais assurer pour moitié le financement de l’ANRU, aider à la construction de 30 000 logements par an au titre du Pass-Foncier et participer à l’application du DALO. Nous risquons bientôt de nous interroger sur la part des crédits qui resteront au service du logement des salariés… Je crains que, ce jour-là, ce n’en soit fini du 1 % logement.

Mais peut-être est-ce là l’objectif inavoué que poursuit le Gouvernement, avec, en ligne de mire, la suppression de la contribution payée par les entreprises, mesure qui contenterait certainement nombre de ses interlocuteurs favoris.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Dussopt. Vous le voyez, madame la ministre, nous abordons ce débat dans un état d’esprit combatif. Nous considérons que ce texte est mauvais et dangereux. À défaut de vous convaincre de le retirer, nous essaierons, comme nos collègues sénateurs sur l’article 17, d’en atténuer les effets les plus négatifs. J’espère que vous entendrez nos arguments et tiendrez compte des amendements qui en découlent. J’espère en particulier que vous serez attentive à ce que nous dirons des dispositions qui menacent l’avenir de cet outil essentiel qu’est le 1 % logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Hamel.

M. Gérard Hamel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais intervenir sur quatre points de ce projet de loi, et d’abord sur l’un des aspects importants de la politique du logement, fort justement mis en avant dans votre texte, à savoir l’organisation d’une plus grande mobilité dans le parc locatif social. J’évoquerai ensuite le déroulement actuel du PNRU, puis les conditions de son succès, qui reposent à la fois sur les moyens financiers mobilisés et sur le rôle joué par chacun des acteurs, notamment au niveau national, avec l’outil essentiel que constitue le 1 % logement. Enfin, je reviendrai sur l’article 8 du projet de loi, qui nous propose de lancer un nouveau programme de requalification des quartiers anciens dégradés.

En premier lieu, et sans m’étendre exagérément sur un sujet abordé par bien d’autres orateurs, il me semble important d’apporter mon soutien, madame la ministre, à un dispositif qui vise à introduire plus de fluidité dans l’occupation du parc locatif social.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Merci !

M. Gérard Hamel. Trop de gens souffrent aujourd’hui de ne pouvoir se loger. Aussi est-il indispensable d’organiser la libération des logements occupés par des habitants n’ayant plus vocation à demeurer dans le parc social. Contrairement à ce qu’on entend beaucoup dire, ce n’est pas une mesure qui va à l’encontre de la diversité et du bon fonctionnement des immeubles.

M. Alain Cacheux. Mais si !

M. Gérard Hamel. En effet, lorsqu’un logement devient vacant, c’est souvent dans un endroit déjà touché par de graves difficultés sociales. Je crois donc préférable de proposer aux nouveaux entrants, chaque fois que c’est possible, un logement dans un immeuble qui se porte bien.

Naturellement, les mesures que vous proposez doivent être mises en œuvre avec toutes les garanties et les exceptions nécessaires, en toute humanité, mais j’entends que c’est bien votre intention, et c’est pour cette raison que je veux vous dire mon soutien.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elle en a besoin !

M. Gérard Hamel. Ensuite, et c’est le maire de Dreux qui parle, je voudrais vous confirmer que, sur le terrain, dans les 470 quartiers qui font aujourd’hui l’objet d’une convention pluriannuelle avec l’ANRU, les maires sont en train, avec les bailleurs sociaux et toutes les forces vives locales, et grâce au soutien indispensable de l’ANRU, de construire petit à petit le succès du programme national pour la rénovation urbaine.

Partout, en effet, le processus de rénovation urbaine est engagé, voire en train d’aboutir, comme à Meaux, à Châteauroux ou au Havre. Certes c’est un travail difficile et de longue haleine, qui comporte son lot de mauvaises surprises et qui ne souffre aucun relâchement de notre part. C’est un travail mené avec les habitants, et cette dignité retrouvée est le gage des succès qui commencent à se dessiner.

Partout en France les chantiers avancent, et l’accroissement significatif des paiements de l’ANRU en 2008 – plus de 600 millions d’euros contre 400 millions en 2007 – atteste bien de cette activité et des progrès réalisés par l’agence en la matière.

Ce succès se construit d’ailleurs aussi avec l’ACSé, car nous savons tous à quel point le « service après-vente social » est déterminant en la matière.

Pour que nous allions au bout de nos ambitions, il faut que l’ANRU soit à nos côtés tout au long du chemin, et c’est bien la mission première que je veux lui assigner en tant que président de son conseil d’administration.

Cette présence de l’ANRU aux côtés des maires, ne nous voilons pas la face, doit d’abord être financière. Je salue donc tout particulièrement la décision du Gouvernement de lui allouer une enveloppe nouvelle de 350 millions d’euros au titre du plan de relance. Dès le 22 décembre dernier, j’ai réuni en urgence le conseil d’administration, et nous avons arrêté des dispositions pour utiliser cet argent au mieux et au plus vite.

Je tiens toutefois à préciser que nous n’utiliserons pas cet argent pour traiter des quartiers qui n’avaient pu être pris en compte jusqu’à présent. Pour ceux-là, le besoin reste considérable et relèvera – je l’appelle de mes vœux, comme pratiquement tous les maires concernés par les banlieues – d’un nouveau programme national de rénovation urbaine de grande ampleur.

Cet argent servira d’abord à garantir que les moyens nécessaires au succès du programme national, c’est-à-dire au succès de chaque projet en France, seront bien présents là où le besoin s’en fera sentir. Notre devoir, collectif, envers les quatre millions d’habitants des quartiers ANRU, c’est de leur apporter ces garanties.

Force est de constater que le Gouvernement a su prendre ses responsabilités en la matière.

M. Alain Cacheux. Ah bon ?

M. Gérard Hamel. Nous devons le saluer, en espérant que les collectivités territoriales qui cofinancent le PNRU sauront en faire autant.

Mais l’ANRU, c’est aussi une alchimie particulière, ce partenariat fondateur, et si fructueux, entre l’État, le 1 % logement, le mouvement HLM et la Caisse des dépôts. Mon rôle de président est de veiller à entretenir ce partenariat, et je voudrais saluer la contribution de chacun des partenaires : sans eux, la rénovation urbaine n’existerait pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. William Dumas.

M. William Dumas. Nicolas Sarkozy disait à Charleville-Mézières, le 18 décembre 2006 : « Si je suis élu président de la République, je veux que, d’ici à deux ans, plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid ». Deux ans après, le budget consacré au logement affiche une baisse de 7 % et le Gouvernement s’acharne à précariser davantage les plus défavorisés.

Il faut créer du logement social. Vous me direz que le Gouvernement l’a prévu dans son plan anti-crise. Mais les 600 millions d’euros destinés à construire 70 000 logements en 2009 ont été débloqués pour soutenir les entreprises du bâtiment, pas pour enrayer la crise du logement.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ça commence bien !

M. William Dumas. Car vous n’avez toujours pas pris conscience de la nécessité de créer du logement social – ou, plus simplement, vous ne le voulez pas.

La preuve en est l’article 17 du projet de loi, fort heureusement supprimé par le Sénat, qui remettait en cause l’article 55 de la loi SRU en intégrant au calcul des 20 % de logements sociaux imposés aux communes les logements acquis avec l’aide de l’État. En s’attaquant à cet article, l’objectif était simple : il s’agissait d’exclure les plus pauvres des communes les plus riches !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est très injuste !

M. William Dumas. En France, six millions de personnes sont en situation de fragilité, c’est-à-dire qu’elles vivent dans des copropriétés dégradées ou qu’elles ont des impayés de loyers depuis plus de deux mois. En Languedoc-Roussillon, par exemple, 70 % de la population est éligible au logement social. Actuellement, il y a dans cette région plus de 40 000 demandes en attente.

Plus largement ; il manque en France 900 000 logements sociaux. Il faudrait en construire 120 000 par an pour combler ce déficit.

L’article 19 du projet de loi prévoit la réduction du délai d’expulsion de trois ans à un an, pénalisant ainsi tout accident de la vie : divorce, chômage, etc.

Quant à l’article 25, il joue sur les mots en remplaçant le mot « taudis » par l’expression « habitat indigne ». Dois-je rappeler que c’est un gouvernement de gauche qui a lancé le premier programme d’action publique de lutte contre l’habitat indigne, au sein du volet français d’un programme acté par l’Union européenne au sommet de Nice en décembre 2000 ?

Vous exigez, madame la ministre, que les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées inscrivent cette action au premier rang de leurs priorités, mais vous n’avez toujours pas pris le décret d’application de la loi d’engagement national pour le logement, votée le 13 juillet 2006, et qui permettrait de recenser les situations d’habitat indigne bien avant que ne soient pris des arrêtés administratifs.

Par votre carence, par l’impossibilité de suivre les logements, chaque mois, les CAF et les MSA continuent d’ouvrir des droits sur des logements non décents, alimentant parfois le commerce des marchands de sommeil.

Alors que vous poussez les collectivités locales à conduire des actions de luttes contre l’habitat indigne, vous déchargez vos services départementaux du suivi de ces actions en le confiant aux futures directions régionales de l’équipement, de l’aménagement et du logement, qui seront de véritables fourre-tout.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Croyez-vous vraiment que je ne puisse pas suivre cela du ministère ?

M. William Dumas. Je connais bien ces dispositifs et les missions qui ont pu éclore à l’échelle des plans départementaux. Pauvres départements, qu’on promet à une proche disparition, mais à qui on n’arrête pas de demander plus, encore plus, toujours plus !

La moindre des choses serait de revoir l’article 65 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a réformé les fonds de solidarité pour le logement, dont l’État s’est désengagé. Il faut rétablir le financement paritaire des FSL ; il faut leur redonner toute leur place dans l’établissement des conditions d’octroi aux plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées, afin d’éviter qu’à situation équivalente une personne ne dispose pas de droits équivalents, du simple fait de son département de résidence.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. William Dumas. Mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec a d’ailleurs déposé, au nom du groupe socialiste, une proposition de loi destinée à remédier à ce problème.

M. Alain Cacheux. Excellente proposition !

M. William Dumas. Il y a donc un décalage entre votre projet de loi et la réalité. Vous prônez l’accession sociale à la propriété, alors que des millions de Français ne savent pas s’ils pourront payer leur loyer à la fin du mois !

Nous, socialistes, ne sommes pas contre l’accession sociale à la propriété, bien au contraire, mais nous pensons que l’urgence est ailleurs. L’urgence est au maintien d’un secteur locatif à des prix abordables ; elle est aussi de veiller à la mise en œuvre du droit au logement opposable. En région parisienne, 32 000 ménages sont éligibles au DALO mais seuls 87 d’entre eux ont été relogés. Va-t-on leur proposer d’accéder à la propriété ?

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Alain Cacheux. Ce qu’il dit est très intéressant, monsieur le président !

M. William Dumas. Pour conclure, je tiens à aborder rapidement la douloureuse question de l’hébergement des SDF, qui touche aux plus fragiles de notre société. Je souligne que c’est aux départements que l’on va demander, demain, de trouver des solutions. Voilà un étonnant moyen de tenir les promesses du candidat Sarkozy, que j’ai citées au début de mon intervention ! Deux ans plus tard, plus de 100 000 personnes sont sans domicile fixe et 300 personnes sont mortes de froid cette année. Il est urgent d’agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis.

M. Jean-Claude Mathis. Malgré les efforts importants consentis ces dernières années pour développer l’offre de logements et réduire les tensions sur le marché immobilier, notre pays doit faire face à une forte demande de logements non satisfaite.

Ce projet de loi intervient au moment où la crise financière mondiale amplifie encore les difficultés. Dans ce contexte, le Gouvernement dispose, il faut bien le reconnaître, de marges de manœuvre budgétaires très étroites.

Pourtant, notre objectif fondamental doit rester de permettre à chacun de se loger décemment.

C’est pourquoi le texte débattu ce jour entend optimiser les moyens consacrés à la politique du logement et mobiliser l’ensemble des acteurs – État, collectivités territoriales, associations, professionnels publics et privés – autour d’axes prioritaires, permettant de faire du logement un chantier national prioritaire, de parvenir à un niveau de construction tendant vers 500 000 logements par an, dont 120 000 logements sociaux, et enfin d’augmenter le nombre de ménages propriétaires.

De nombreux collègues se sont déjà exprimés sur les diverses dispositions contenues dans ce projet de loi ; l’examen des nombreux amendements devrait, autant que faire se peut, l’améliorer encore.

Je souhaite quant à moi profiter de l’occasion qui m’est offerte pour vous interpeller, madame la ministre, sur le projet de réforme du zonage.

En effet, l’un des leviers permettant d’atteindre notre est celui de l’investissement locatif et des avantages fiscaux qui y sont attachés.

L’examen du projet de loi de finances pour 2009 a permis d’évoquer la possibilité d’un mécanisme d’incitation fiscale transitoire pour investissement locatif dans la zone C actuellement exclue.

La question de la réforme du zonage se pose toutefois d’une manière aiguë et plus complexe.

M. Michel Piron. C’est très juste !

M. Jean-Claude Mathis. En effet, s’il paraît tout à fait opportun de recentrer les dispositifs d’investissement locatif sur les zones tendues, la définition de ces zones demeure sujette à discussion dans la perspective d’une réforme.

Le projet d’arrêté de zonage, qui n’a fait à ce jour l’objet d’aucune concertation avec les professionnels et les élus concernés, prévoit en effet le déclassement en zone C d’un certain nombre de communes qui se trouvent actuellement en zone B2.

Or, le dispositif qui s’applique en zone C ne permet pas l’équilibre des opérations ; il ne présente aucun intérêt pour les investisseurs. C’est le cas également des conditions de mise en œuvre du Pass-Foncier, qui sont plus restrictives. Il en est de même pour les conditions d’éligibilité au prêt à taux zéro. Ainsi, une partie des primo-accédants ne verraient pas aboutir leur projet d’accession à la propriété.

De plus, les banques restreignant les crédits, il y aura incontestablement une diminution des possibilités d’accession à la propriété. Outre que cela limitera le parcours résidentiel des locataires, qui resteront plus longtemps dans leurs logements –, cela fera baisser significativement la production de logements.

En effet, dans les villes moyennes, les investisseurs sont dans la plupart des cas, implantés localement et n’investissent pas volontiers dans une ville voisine.

Le déclassement d’une commune de la zone B2 à la zone C représente donc un frein à la production de logements. Il a de surcroît un impact sur la mixité sociale car, à terme, faute d’investisseurs, seuls les bailleurs sociaux produiront de l’offre locative.

Enfin, si le BTP n’est plus soutenu que par la commande publique, les risques pour l’emploi seront majeurs.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous agissons, ne vous inquiétez pas !

M. Jean-Claude Mathis. Madame la ministre, je tiens à vous remercier très sincèrement pour votre engagement fidèle et sans faille en faveur du logement et de la lutte contre l’exclusion. Le travail que vous accomplissez au Gouvernement et sur le terrain mérite notre respect et notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Merci beaucoup !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Andrieux.

Mme Sylvie Andrieux. Chacune et chacun, sur ces bancs, s’en rend compte dans ses permanences : les difficultés liées au logement n’épargnent personne. Les prix ne cessent d’augmenter et les ménages doivent, pour conserver les mêmes conditions de vie, consacrer une part croissante de leur revenu au loyer ou au remboursement d’emprunts.

L’éloignement croissant de l’habitat nouveau est un autre effet de cette hausse : il faut aller de plus en plus loin pour trouver des terrains à des prix moins élevés que dans les zones centrales. Cette situation est le résultat d’une politique libérale de hausse insupportable des loyers pour les Français les plus modestes et de cadeaux fiscaux pour quelques nantis ! Plus grave encore, le principe même du financement de l’habitat social est remis en cause par la réforme du Livret A.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Sylvie Andrieux. Le budget consacré à la politique du logement est en net recul : il ne s’élève qu’à 7,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement pour 2009, contre 8,7 milliards en 2008 ; les crédits destinés au logement social, notamment, passent de 800 millions à 550 millions.

En six ans, les loyers ont augmenté de 28,8 %, tandis que, dans le même temps, les aides au logement baissaient de 10 %. À Marseille, les prix de l’immobilier ont augmenté de près de 70 % en seulement quatre ans !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est l’effet TGV !

Mme Sylvie Andrieux. Plus de 30 000 demandes de logements sociaux ne sont pas satisfaites. Le plan local d’habitat 2006-2011 fixe un objectif de construction de 5 000 logements par an – dont 1 000 logements sociaux ; en réalité, seuls 3 000 logements sortent de terre chaque année.

Le logement est donc la cause première de la perte de pouvoir d’achat des Français. Le paquet fiscal de 15 milliards d’euros aurait pu permettre, d’une part, de doubler les aides au logement perçues par les allocataires et, d’autre part, d’intensifier la construction de logements à prix abordable. Les dispositifs Robien et Borloo, ne vous en déplaise, sont hélas les preuves flagrantes de votre échec.

M. Pascal Deguilhem. Eh oui !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Ils ont tout de même permis de construire 45 000 logements par an !

Mme Sylvie Andrieux. Véritables aubaines fiscales pour les plus riches, ils permettent aux investisseurs de payer moins d’impôts, sans aucun effet sur la pénurie de logements à loyers maîtrisés. Votre projet de loi fait l’unanimité, oui, mais contre lui !

J’en veux seulement deux exemples précis, le premier étant celui de la mutualisation des fonds des organismes HLM. Cette mesure jette les bases d’une véritable mise sous tutelle des organismes HLM et du 1 % logement. Dans le même temps, l’État continue de se désengager : la part du budget consacrée au logement en 2009 est en baisse de 6,9 % et les aides publiques bénéficient maintenant davantage au secteur privé qu’au secteur social.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exact !

Mme Sylvie Andrieux. Je ne vois pas comment il peut y avoir mobilisation pour le logement – pour reprendre le titre de votre projet de loi – s’il n’y a pas d’effort financier de l’État à la hauteur de cette crise. La récupération du 1 % logement illustre plus que jamais le désengagement financier de l’État. Aujourd’hui, le 1 % logement, c’est la participation des entreprises privées à l’effort de construction !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est faux !

Mme Sylvie Andrieux. Depuis le début de l’année, à la suite du rapport accablant de la Cour des comptes sur la gestion des collecteurs, et dans la logique de la révision générale des politiques publiques, l’État a, vous le disiez, invité – ou plutôt contraint – les acteurs à s’asseoir à la table des négociations. Il a obtenu, c’est vrai, que 850 millions d’euros par an soient prélevés et affectés à divers programmes : cela lui permet de se désengager, notamment du financement de l’Agence nationale de l’habitat. L’État s’impose donc dans la gestion du 1 % comme le décideur principal, au mépris des collecteurs interprofessionnels du logement et des partenaires sociaux.

Même s’il est important d’instaurer des mécanismes plus transparents, cette déstructuration manifeste la volonté du Gouvernement de réorganiser en profondeur le secteur syndical et de circonscrire ses marges de manœuvre. Concrètement, il sera plus difficile de financer les opérations de construction et de réhabilitation. Qui paiera les pots cassés ? Les demandeurs de logements sociaux et les locataires !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. On n’a jamais fait autant pour le logement !

Mme Sylvie Andrieux. Offrir à l’État des disponibilités financières supplémentaires ne signifie pas obligatoirement que celles-ci seront utilisées en faveur du logement.

Il est cependant nécessaire de répondre à la demande de réforme, tout en maintenant l’efficacité et l’autonomie du dispositif au service du logement des salariés.

Il s’agit d’abord de préciser les missions du 1 %, qui couvrent actuellement tous les terrains. Il faut aujourd’hui repositionner l’action du 1 % sur le lien entre emploi et logement, autour d’accords interprofessionnels spécifiques, validés et contrôlés par le Parlement.

Il est temps de réconcilier pouvoir d’achat et logement. Voilà ce que font d’ailleurs les élus socialistes lorsqu’ils sont aux commandes des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Eh oui !

M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.

M. Alain Cacheux. Ce qu’elle dit est fort intéressant, monsieur le président !

Mme Sylvie Andrieux. Au niveau local, les règles de construction des logements doivent être fixées en concertation avec la population, les associations, les comités de quartier.

Il faut également une politique foncière dynamique, et je prendrai, encore une fois, l’exemple de la région PACA et de son établissement public foncier, véritable outil régional de gestion et de maîtrise foncière.

Madame la ministre, malheureusement, votre texte est en décalage total avec la conjoncture actuelle du marché de l’immobilier, il consacre pleinement le désengagement de l’État.

M. Alain Cacheux. C’est vrai !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. C’est vous qui êtes en décalage !

M. le président. Veuillez terminer, madame.

Mme Sylvie Andrieux. Pourtant, en avril dernier, notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec formulait une proposition de loi sérieuse et sincère.

M. le président. Il est vraiment temps de conclure.

Mme Sylvie Andrieux. Cette proposition répond aux attentes de nos concitoyens. Tout récemment, Martine Aubry a fait des propositions de relance économique,...

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole.

Mme Sylvie Andrieux. …mais le Gouvernement s’obstine. La bataille du logement aurait pu être gagnée ; il aurait fallu pour cela une véritable volonté politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Madame la ministre, bien évidemment, vous avez notre soutien.

M. Alain Cacheux. Avant même l’examen du texte ?

M. Patrick Balkany. Question de confiance !

M. Jean-François Lamour. Je sais le cœur que vous avez mis, à l’initiative du Président de la République, à la rédaction de ce projet de loi.

Ce texte est vital pour les Françaises et les Français, tant la difficulté à se loger est importante partout en France. Mais si le problème est important pour l’ensemble des Français, il est crucial pour Paris, pour les Parisiennes et pour les Parisiens.

M. Patrick Balkany. Paris n’est pas un exemple !

M. Jean-François Lamour. On dénombre à Paris 110 000 demandeurs de logements. Je le constate dans ma permanence, les deux tiers des rendez-vous concernent des demandes de logement pour des familles qui vivent dans des conditions particulièrement difficiles.

M. Alain Cacheux. Mais on n’a jamais autant construit à Paris !

M. Jean-François Lamour. Ce texte permettra de retrouver une certaine fluidité, mais qui dit fluidité dit aussi justesse et équilibre. Or, à Paris, cet équilibre est rompu. Car si, partout ailleurs, on propose un éventail en matière de logements aidés – PLAI, PLUS, PLS intermédiaires, accession à la propriété –, à Paris, sachez-le, madame la ministre, rien de tout cela !

M. Alain Cacheux. Il y a déjà trop de logements intermédiaires à Paris !

M. Jean-François Lamour. Peut-être y a-t-il quelques PLAI ou PLUS, mais la stagnation est totale pour les PLS, y compris d’ailleurs dans les aides de la délégation à la pierre. Quant au logement intermédiaire et à l’accession à la propriété, c’est double zéro.

Dès lors que les surloyers sont en application, en particulier du fait du décret d’août 2008, de plus en plus de familles, en particulier celles à revenus moyens, sont obligées de quitter leur logement et surtout de quitter Paris pour se réfugier en proche ou moyenne banlieue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excusez les maires de banlieue !

M. Patrick Balkany. À 50 kilomètres minimum !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si on avait construit avant, cela ne se passerait pas ainsi !

M. François Pupponi. Qu’a fait Chirac pendant tout ce temps ?

M. Jean-François Lamour. La volonté délibérée du maire de Paris de ne pas construire de logements intermédiaires ou bénéficiant de PLS, et de ne pas permettre l’accession sociale à la propriété, pose un vrai problème, surtout quand l’État participe au financement de ces logements.

M. Alain Cacheux. Nous sommes en désaccord.

M. Jean-François Lamour. Un autre souci, madame la ministre, concerne le financement de ces logements. Écoutez, car c’est un vrai cas d’école : sur les 40 000 logements qui doivent être construits, ou en tout cas financés, dans le cadre de la mandature 2007-2014, 60 % sont préemptés dans le domaine privé. Or si, dans le domaine privé, il est généralement demandé au locataire de justifier d’un salaire trois ou quatre fois supérieur au loyers, dans le champ public il lui est réclamé exactement le contraire, c’est-à-dire d’avoir un revenu des plus modestes, sous peine de se voir infliger un surloyer inacceptable, voire d’encourir le risque d’une expulsion.

M. Patrick Balkany. Absolument !

M. François Pupponi. Qui a rédigé le décret ?

M. Jean-François Lamour. Je sais que des amendements ont été déposés, en particulier par mon collègue Philippe Goujon, je sais aussi que le rapporteur Michel Piron et vous-même, madame la ministre, avez bien réfléchi à cette question. Mais aujourd’hui, je le dis haut et fort, la mixité sociale est en danger à Paris, qui devient réservé aux plus aidés et aux plus aisés, sans rien au milieu.

M. Patrick Balkany. Il a raison !

M. Alain Cacheux. Il aurait mieux valu réfléchir avant de signer le décret !

M. Jean-François Lamour. Ce n’est pas supportable pour qui veut une mixité équilibrée, permettant de faire vivre les différents quartiers et surtout d’exprimer le bien-vivre ensemble.

Madame la ministre, je vous le dis avec beaucoup de détermination, nous vous soutiendrons totalement, mais nous vous demandons de tenir compte de cette spécificité, propre non seulement à Paris mais aussi aux grandes zones urbaines denses, de plus en plus touchées par ce phénomène. C’est ainsi que nous retrouverons la fluidité, la mixité, l’équilibre et le bien-vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, la situation du logement est, tout le monde le reconnaît, très préoccupante dans notre pays. Depuis de nombreux mois, les élus, les associations se mobilisent pour y faire face, alors qu’il manque environ 900 000 logements.

Nos concitoyens consacrent une part croissante – passée de 25 % à 40 % en quelques années – de leur revenu au paiement des loyers et des charges ; 6 millions de personnes sont en situation de fragilité, 3,3 millions sont très mal logées, et 100 000 personnes sont sans domicile fixe, soit une augmentation de 15 % depuis 2002.

Sur cette crise structurelle se greffe actuellement une crise financière et économique dont les répercussions sur le pouvoir d’achat ne seront pas négligeables.

Dans ce contexte, une action vigoureuse des pouvoirs publics est indispensable pour accélérer la construction de logements sociaux et très sociaux.

C’est d’un effort budgétaire sans précédent que la construction a besoin, et en particulier le logement social : un véritable plan Marshall, comme celui que le Président avait annoncé pour les banlieues et qui n’a malheureusement pas vu le jour.

Or, face à cette urgence, que nous proposez-vous ? De substituer aux financements publics des fonds provenant du 1 % ! Vous nous proposez un véritable hold-up de 850 millions par an pendant trois ans, et après, plus rien ! L’ANRU et l’ANAH seraient financées par le 1 %, contrairement aux engagements pris par l’État précédemment. Vous mettez en péril le 1 % sans pour autant résoudre les difficultés de ces deux agences, et vous déséquilibrez, qui plus est, la totalité de l’édifice construit depuis des décennies avec les partenaires sociaux.

En effet, les organismes collecteurs du 1 % sont à la fois actionnaires de référence de certains organismes HLM et prêteurs décisifs pour certaines opérations difficiles à réaliser. Or, non seulement vous leur enlevez toute marge de manœuvre, mais encore vous leur ajoutez de nouvelles missions – participation au DALO, aide à la construction de 30 000 logements sociaux – et ce, alors que vous ponctionnez 850 millions d’euros pour financer l’ANAH et l’ANRU.

Pour tenter de mener une politique de relance de la construction, et notamment de la construction de logements sociaux, vous faites les poches des partenaires sociaux et, par là même, des salariés : une façon toute particulière de répondre à la crise économique qui touche les plus faibles.

La situation budgétaire de l’ANRU illustre remarquablement la politique d’abandon du Gouvernement. L’ANRU disposera cette année d’un budget de 770 millions d’euros. L’État devait y participer à hauteur de 60 %, soit 465 millions, pour se mettre en conformité avec la loi du 1er août 2003.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

M. Marc Goua. Il ne le fait qu’à hauteur de 1,8 %, soit 14 millions d’euros, participation dérisoire et qui témoigne de votre désengagement total à l’égard de l’ANRU.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ça, le respect de la loi ?

M. Marc Goua. Le 1 % est donc appelé à fournir à l’ANRU tous ses moyens d’actions. Mais pour combien de temps ? Rappelons qu’elle n’a réalisé en cinq ans qu’un quart de son programme, mais qu’elle a consommé la quasi-totalité de ses ressources à la date du 31 décembre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a raison !

M. Marc Goua. Votre projet ne dit pas non plus comment sera palliée, à moyen terme, l’insuffisance des dotations nécessaires aux réactualisations de programmes ou à la mise en place de nouvelles opérations. Tout à l’heure, on nous a d’ailleurs dit qu’il n’y aurait plus de nouvelles opérations.

M. le président. Il est temps de conclure, mon hcer collègue.

M. Marc Goua. Vous nous dites que l’ANRU a la trésorerie nécessaire pour faire face aux engagements pris. Peut-être, mais pas pour satisfaire aux nouveaux besoins exprimés par de nombreuses collectivités. Ainsi, la garantie d’un toit pour nos concitoyens va désormais reposer sur des financements de plus en plus aléatoires.

M. Pascal Deguilhem. Eh oui !

M. Marc Goua. C’est, une fois de plus, un signal clair qu’adresse le Gouvernement aux populations les plus en difficulté, tandis que les avantages fiscaux aux plus favorisés ne se comptent plus.

Madame la ministre, quand prendrez-vous en considération les effets de l’évolution de la crise du logement sur la population française ?

M. Michel Piron, rapporteur. Nous sommes là pour ça !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Goua.

M. Marc Goua. Vous vous dites catastrophée par le report de la loi, mais c’est elle, justement, qui est catastrophique pour l’avenir du logement. C’est une loi sans ambition, une loi de pure économie budgétaire, une loi qui réalise un hold-up sur le 1 %.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé.

M. Marc Goua. Les orientations et les arbitrages qui seront pris dans les jours qui viennent conditionneront, et ce de manière durable, les capacités à apporter des réponses à la hauteur des défis de la crise du logement, à l’échelle de la métropole comme dans les territoires d’outre-mer. L’avenir du 1 % logement est entre nos mains. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Madame la ministre, le texte que nous examinons ce soir est de première importance : alors que nous traversons un hiver très rigoureux, que l’on pourrait comparer au terrible hiver de 1954, de nombreuses personnes sont victimes du froid glacial qui règne en France. Le collectif « Les morts de la rue », qui tient le décompte des décès des SDF en France, a inauguré un comptage hebdomadaire en précisant les lieux et les circonstances. Cette liste n’est pas complète, car nous n’apprenons parfois le décès que quelques semaines ou mois plus tard et il manque par ailleurs les décès qui interviennent dans plusieurs grandes ou moyennes villes de France. Par ce comptage régulier, le collectif souhaite témoigner que le scandale de la mort dans la rue existe en hiver comme en été : selon le dernier bilan établi par ce collectif, 369 SDF sont morts dans la rue en 2008, soit plus d’un par jour.

Nous sommes également confrontés à une crise financière aiguë, avec un pouvoir d’achat en berne et un sérieux ralentissement de la construction. Il est donc indispensable de développer notre esprit de solidarité et d’aider nos concitoyens en simplifiant l’accès au logement pour tous.

Ainsi, le Président de la République a mis en place, en octobre dernier, un plan ambitieux de soutien à l’immobilier pour répondre aux attentes des Français. Depuis, le plan de relance a été adopté.

Les mesures de ce projet de loi viennent conforter et accompagner cette volonté. Nicolas Sarkozy a eu l’occasion de réaffirmer son soutien à l’économie générale du texte lors de son déplacement à Meaux. Il a notamment insisté sur les dispositifs relatifs à la mobilité dans le parc HLM.

Avec ce projet de loi, la majorité a trois objectifs majeurs : soutenir l’activité de construction de logements, permettre aux classes modestes et moyennes d’accéder au logement, lutter contre le mal-logement.

En soutenant tout d’abord la construction de logements, nous voulons mobiliser, dans le cadre d’une stratégie pluriannuelle, les grands acteurs du logement que sont les organismes d’HLM et le 1 % logement. Nous devons également soutenir la demande des particuliers et aider les maires à favoriser la construction dans leur commune.

Par ailleurs, ce projet permettra aux classes modestes et moyennes d’accéder au logement, puisque nous allons redonner sa vocation première au parc HLM, mais il donnera également à tous ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas accéder à un logement HLM la possibilité de disposer d’un logement abordable.

M. François Pupponi. Comment ?

M. Jacques Remiller. Enfin, grâce à ce projet, nous allons lutter contre le mal-logement, en mobilisant à la fois les communes, les bailleurs sociaux et l’État, pour aider les populations en difficulté à accéder plus facilement à des solutions d’hébergement ou de logement. Certains de nos concitoyens vivent en effet dans des habitations indignes, vétusté, non-conformité de l’électricité, du gaz, de la plomberie. Beaucoup reste à faire pour que chacun dispose de conditions d’habitat dignes de ce nom, comme le rappelle chaque année la Fondation Abbé Pierre en publiant son rapport sur le mal-logement.

M. Alain Cacheux. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord.

M. Jacques Remiller. En effet, 100 000 personnes n’ont pas de domicile, 100 000 vivent en camping ou en mobile home toute l’année, près de 550 000 vivent dans des meublés, un million de personnes vivent dans des logements exigus, fortement surpeuplés selon les normes de l’INSEE, tandis qu’un autre million ne disposent pas du confort de base.

La misère d’aujourd’hui n’est pas aussi dramatique que celle des années cinquante. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Notre pays s’est enrichi. Les conditions de logement se sont heureusement améliorées, mais les associations d’aide aux plus démunis mettent en évidence les situations dramatiques dans lesquelles vivent des dizaines de milliers de personnes.

Le mal-logement, madame la ministre, ne se réduit pas pour autant aux situations extrêmes. Une fraction considérable de la population, au sein des couches modestes et moyennes, notamment chez les jeunes, loge dans des conditions qui ne répondent pas à ses aspirations : surface trop faible, quartier dégradé. L’idéal pavillonnaire, rêve de nombreuses familles, est loin d’être la norme en France.

Selon les calculs effectués par la Fondation Abbé Pierre, le taux d’effort des ménages, c’est-à-dire leurs dépenses de logement, nettes d’allocations, rapportées au revenu, se situe désormais autour de 50 % dans le parc privé contre 28 % dans le parc social, pour un revenu équivalant au SMIC pour un célibataire et à une fois et demie le SMIC pour un couple avec deux enfants. C’est pourquoi le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés est essentiel.

Madame la ministre, votre projet de loi permettra une significative amélioration de la qualité de vie de bon nombre de nos concitoyens grâce à des mesures de bon sens. C’est pourquoi nous y adhérons et le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, mon intervention sera brève. Je souhaite simplement exprimer l’importance que j’attache à ce texte, car le logement est une priorité pour chacun de nos concitoyens, ainsi qu’un droit désormais reconnu par la loi.

Pour vivre libre, chaque individu a besoin de disposer d’une autonomie pleine et entière. Cette autonomie se construit d’abord grâce à l’apprentissage des savoirs, dans la famille et à l’école, mais elle ne trouve tout son sens que le jour où le jeune adulte peut disposer de lui-même. Ce moment, c’est presque toujours l’accès au premier logement.

Si l’on avance dans le temps, quelle est la priorité d’un couple qui veut construire son histoire commune ? C’est l’accès à un logement pour deux.

Si l’on continue cette histoire, quelle est la condition souvent prioritaire pour l’arrivée d’un ou plusieurs enfants ? C’est l’accès à un logement justement dimensionné.

Si maintenant on parle mobilité, quel est l’élément déterminant qui permet d’accepter ou non une activité professionnelle ? C’est la proximité d’un logement qui réponde aux besoins de toute sa famille.

Si une famille se divise, quelle sera la priorité pour donner une nouvelle chance à chacun ? L’accès à un nouveau logement respectant notamment le besoin des enfants de disposer de leurs deux parents.

Je pourrais continuer encore ainsi, mais je prendrai seulement deux derniers exemples. Si un parent âgé se retrouve seul après avoir élevé ses enfants, quel sera, bien souvent, son souhait ? Accéder à un autre logement lui permettant de garder son autonomie tout en conservant un environnement qui a été toute sa vie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous ne fréquentons pas les mêmes personnes !

Mme Françoise Guégot. Et si un jour une personne, qui peut être chacun d’entre nous, se retrouve démunie, si son parcours l’a conduite sur le chemin de l’exclusion, quelle est l’unique condition de sa reconstruction sociale ? L’accès à un logement.

J’aurai l’occasion, dans quelques jours, de défendre un amendement permettant d’établir une priorité d’accès au logement social pour les personnes victimes de violences conjugales. Il s’agit, là encore, de défendre le droit à l’autonomie, le droit de refaire sa vie, voire – parfois – de la sauver.

Madame la ministre, je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez effectué en entreprenant cette réforme destinée à donner son autonomie à chacun de nos concitoyens. Je sais combien ce sujet vous tient à coeur. Je sais l’énergie qui est la vôtre à défendre ce principe d’un logement pour tous, préoccupation essentielle de tous les Français.

M. Alain Cacheux. Malheureusement, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes !

Mme Françoise Guégot. Alors, certes, notre pays est composé de territoires très divers qui ont des attentes quelque peu différentes, et c’est pourquoi nos débats, à l’image de cette discussion générale, seront sûrement très riches.

Certains de mes collègues ont parlé, ou vont le faire, des spécificités des grandes villes. D’autres aborderont l’incapacité dans laquelle nous sommes de répondre aux demandes de logement social dans bon nombre de communes. Quelques-uns évoqueront la question des logements d’urgence. D’autres enfin parleront de l’accession à la propriété.

Vous avez rappelé, madame la ministre, la nécessité de prendre en considération toutes les situations et de travailler sur toute la chaîne du logement, en concentrant les interventions de tous les acteurs. C’est la force de ce projet de loi.

Pour conclure, vous me permettrez de rappeler, mes chers collègues, que cette réforme traduit la volonté de notre Président de la République de tenir ses engagements.

M. Alain Cacheux. C’est bien ça qui est fâcheux ! C’est son handicap principal : la démolition sans reconstruction !

Mme Françoise Guégot. Nous sommes ici, comme pour la réforme des universités, au cœur du chantier de l’égalité des chances. Madame la ministre, vous avez tout mon soutien pour réussir cette grande réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui répond aux difficultés que nous connaissons dans le domaine du logement et, bien qu’ayant été rédigé il y a plusieurs mois, il répond aussi à la crise de la construction, à laquelle le plan de relance apporte un soutien massif.

Je voudrais tout d’abord vous remercier, madame la ministre, pour l’écoute attentive et les qualités de dialogue dont vous avez fait preuve à notre égard. Ces remerciements s’adressent également à vos collaborateurs, qui ont prêté une oreille attentive à nos préoccupations.

Le texte très complet qui nous est soumis favorisera la mobilisation des acteurs du logement. Il mettra en place un programme national de requalification des quartiers anciens dégradés, ainsi que des mesures fortes en faveur du développement d’une offre nouvelle de logements. Il comporte aussi des dispositions relatives à la lutte contre les exclusions à l’hébergement et à l’accession au logement, et enfin des dispositions relatives à la mobilité dans le parc de logements sociaux. C’est sur ce dernier point que je voudrais concentrer mon propos.

La situation du logement en France est multiple et diverse en fonction des régions et des territoires. En effet, certains départements ou grandes agglomérations connaissent des tensions très fortes dans le logement social. En revanche, d’autres territoires connaissent une offre équilibrée et d’autres encore, une vacance parfois importante.

L’article 20, qui traite de la sous-occupation, d’une part, et de l’application de surloyers dans les secteurs géographiques où la demande est fortement supérieure à l’offre, d’autre part, est tout à fait acceptable et nécessaire, mais son application n’est absolument pas souhaitable dans secteurs où il y a équilibre entre l’offre et la demande, a fortiori lorsqu’il y a vacance.

C’est pourquoi j’ai souhaité déposer des amendements visant à exonérer les organismes HLM situés en zone peu tendue de l’obligation d’imposer la mobilité dans les logements sous-occupés ou l’application d’un surloyer lorsque le revenu dépasse le plafond. Cela paraît plus justifié encore dans les quartiers ayant bénéficié de la rénovation urbaine, et où municipalités et organismes HLM ont veillé à la mixité sociale en maintenant dans les logements sociaux des personnes qui avaient dépassé le plafond sans leur appliquer le surloyer.

Ma préoccupation, vous l’avez compris, est de maintenir dans le parc social une certaine mixité qui favorisera également la cohésion sociale dans nos villes, notamment lorsqu’il n’y a pas de tension dans le secteur du logement. Il semble toutefois, madame la ministre, que des conventions d’utilité sociale permettent de territorialiser, organisme par organisme, la politique du logement social, les organismes qui le souhaitent ayant la possibilité de ne pas appliquer le surloyer ou la mobilité. Si vous me le confirmez, cela lèvera mes craintes et je retirerai bien volontiers mes amendements pour voter ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je le confirme.

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard.

M. Michel Ménard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les Français ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois. Les locataires doivent, chaque année, se serrer un peu plus la ceinture pour payer leur loyer. Nicolas Sarkozy avait trouvé la solution en 2007 : « une France de propriétaires ».

Accéder à la propriété est un rêve qui, pour certains, peut se transformer en cauchemar. Combien de personnes voyons-nous, dans nos permanences, qui ont sous-estimé les charges annexes aux remboursements d’emprunts, les frais de transport, l’obligation d’avoir deux voitures, ou les conséquences possibles d’un accident de la vie !

S’endetter sur trente ou trente-cinq ans doit être un acte mûrement réfléchi. Devenir propriétaire est le souhait de beaucoup de Français, mais ce ne peut être la seule réponse au manque criant de logements dans notre pays. La première réponse est de construire plus de logements sociaux, plus de logements sociaux à des loyers abordables. Toutes les études montrent qu’il faut construire de 100 000 à 120 000 logements sociaux par an,…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Nous en avons construit 110 000 cette année !

M. Michel Ménard. …des vrais logements sociaux, j’entends par là les PLUS et les PLAI, dont les loyers sont abordables pour les personnes à revenus modestes.

Mais, comme vous en êtes loin, vous comptabilisez des dizaines de milliers de logements – les PLS –, qui n’ont de social que le nom, avec des loyers à 700 ou 800 euros. Les PLS répondent certainement à un besoin dans la région parisienne, mais ce sont des logements intermédiaires, pas des logements sociaux.

M. Alain Cacheux. Ils sont très chers !

M. Michel Ménard. Face à la pénurie de logements sociaux, comment les jeunes, les retraités, les salariés modestes peuvent-ils se loger ?

Pour construire du logement social, il faut des financements publics. Or, entre 2001 et 2007, les aides de l’État à la construction sont passées de 8 % à 2 % en moyenne. Le budget consacré au logement est en constante diminution depuis sept ans.

Alors, pour masquer la démobilisation de l’État, le Gouvernement tente de diviser encore une fois les Français en montrant du doigt la partie infime des locataires HLM qui dépassent les plafonds de ressources, en obligeant le locataire en sous-occupation à accepter un logement plus petit, faisant fi de l’histoire familiale et de ses contraintes. Nombre de locataires, en effet, souhaitent avoir une chambre de plus pour accueillir la famille éloignée, les petits-enfants, ou ne souhaitent pas quitter un logement dans lequel ils ont beaucoup investi.

L’État consacre beaucoup plus d’argent aux cadeaux fiscaux pour les plus riches, qui investissent dans un logement locatif pour le louer très cher ensuite, qu’au logement social.

Pour résoudre la crise du logement, il faut un effort extrêmement important de l’État en faveur du logement social. Aucun bailleur ne peut construire sans une importante aide à la pierre. De nombreuses collectivités locales font un effort pour construire, mais malheureusement cet effort supplémentaire vient d’abord compenser le désengagement sans précédent de l’État.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très juste !

M. Michel Ménard. Concernant le parc existant, les financements PALULOS ont quasiment disparu.

M. Alain Cacheux. Plus que quasiment !

M. Michel Ménard. Il faut pourtant réhabiliter le parc ancien, qui accueille beaucoup de personnes modestes, sauf quand il est nécessaire de démolir. La démolition est parfois indispensable du fait de l’état du bâti, ou pour assurer une mixité sociale. Mais pour réhabiliter, ce qui est le premier objectif lorsqu’il s’agit de pouvoir loger le maximum de personnes, il faut des financements, car un bailleur ne peut pas offrir, en l’absence de financements publics importants pour cette réhabilitation, des loyers deux à trois fois moins élevés que dans le privé.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Les PALULOS sont sans condition de ressources ! Comment pouvez-vous dire cela ? C’est invraisemblable !

M. Michel Ménard. Dans les communes, 20 % de logements sociaux sont un minimum : il reste donc 80 % pour l’accession sociale à la propriété, le locatif privé, les PLS, les RPA, le logement intermédiaire !

Ne vous contentez pas de ne pas toucher à l’article 55 de la loi SRU – vous nous avez rassurés sur ce point, madame la ministre –, obligez réellement les maires qui ne respectent pas cette loi à construire des logements sociaux plutôt qu’à payer une taxe !

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Mais c’est ce qui se passe !

M. Michel Ménard. À l’heure où le Gouvernement n’a de cesse de mettre en demeure les maires de respecter la loi sur le service minimum d’accueil dans les écoles, je souhaite que vous soyez aussi intraitable…

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Je le suis !

M. Michel Ménard. …avec les maires de Nice, de Toulon ou de Neuilly, qui ne respectent pas la loi, comme vient d’en faire état la Fondation Abbé Pierre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à demain soir, vingt et une heures trente.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Déclaration, débat et votes sur l’autorisation de la prolongation de cinq interventions des forces françaises à l’étranger.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 28 janvier 2009, à une heure.)