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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 12 juillet 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Action extérieure de l'État

M. Axel Poniatowski, président de la commission mixte paritaire, suppléant M. Hervé Gaymard, rapporteur

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Discussion générale

M. François Rochebloine

Mme Martine Aurillac

M. Christian Bataille

M. Jean-Paul Lecoq

M. François Loncle

M. Hervé Féron

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères

Texte de la commission mixte paritaire

2. Modernisation de l’agriculture et de la pêche

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Louis Guédon, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche

Discussion générale

M. François Rochebloine

M. Louis Cosyns

M. Jean Gaubert

M. Jean-Pierre Soisson

Mme Annick Le Loch

M. Marc Le Fur

Texte de la commission mixte paritaire

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Action extérieure de l'État

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’action extérieure de l’État (n° 2722).

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission mixte paritaire, suppléant M. Hervé Gaymard, rapporteur.

M. Axel Poniatowski, président de la commission mixte paritaire, suppléant M. Hervé Gaymard, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, mes chers collègues, nous arrivons, ce soir, au terme du processus de discussion parlementaire du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.

Le Sénat a en effet adopté, cet après-midi, le texte issu des conclusions de la commission mixte paritaire et j'espère que nous allons, dans un instant, procéder à un vote conforme sur ce même texte. Entre-temps, nous aurons, bien sûr, entendu les explications de vote de chacun des groupes, dont je remercie par avance chacun des orateurs. En tant que président de la CMP, il me revient de présenter les travaux de celle-ci, qui s'est déroulée, je tiens à le souligner, dans un esprit particulièrement constructif, jeudi dernier, à l'Assemblée nationale.

Je veux ici excuser le rapporteur de la CMP pour l'Assemblée, notre collègue Hervé Gaymard, retenu par d'autres obligations. Il s'est beaucoup investi dans sa mission de rapporteur et, comme nous pouvons le constater, cela a porté ses fruits. Reconnaissons, en effet, qu'à l'origine, le projet de loi, déposé par le Gouvernement en juillet 2009 sur le bureau du Sénat, était porteur d'ambitions peut-être insuffisantes, monsieur le ministre. Ce texte composite créait une nouvelle catégorie d'établissements publics, ceux contribuant à l'action extérieure de la France, ainsi que deux agences relevant de ce statut nouveau : une agence culturelle, attendue depuis fort longtemps, et une agence compétente en matière d'expertise et de mobilité internationales. Par ailleurs, trois autres titres du projet étaient respectivement consacrés à la rénovation de la coopération technique internationale, à la création de l'allocation au conjoint d'agent civil de l'État expatrié et aux opérations de secours à l'étranger.

Le travail parlementaire s'est surtout concentré sur les agences. En première lecture, le Sénat a tenu à détailler les missions de celles-ci, leurs tutelles et les liens qu'elles devront nouer avec les autres opérateurs existants. Un débat nourri a également eu lieu sur le nom de l'agence culturelle. À l'Assemblée nationale, la première lecture a été l'occasion d'une réécriture de grande ampleur, sous l'impulsion de la commission des affaires étrangères et de son rapporteur, le Gouvernement complétant efficacement ce travail. L'Assemblée a en particulier précisé, à l'article 1er, les contours de la catégorie des établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France en y incluant expressément l'Agence française de développement – ce qu'avait déjà souhaité le Sénat – mais en respectant ses caractéristiques propres. La CMP a parachevé, sur ce point, le compromis en trouvant une rédaction équilibrée, je le crois.

L'Assemblée a, par ailleurs, profondément modifié l'architecture des futurs opérateurs de la mobilité étudiante et de l'expertise internationale. Il s'agit, en fait, de deux politiques publiques très importantes pour l'influence de la France dans le monde, mais distinctes l'une de l'autre. Notre rapporteur, Hervé Gaymard, en a convaincu la commission des affaires étrangères et le Gouvernement s'est rangé à cet avis en accompagnant le mouvement. Deux EPIC sont ainsi créés. L'un, CampusFrance, sera chargé de l'ensemble de la chaîne de la mobilité universitaire, depuis la promotion à l'étranger des études en France jusqu'à l'accueil sur notre sol des étudiants étrangers, y compris leur hébergement et l'aide à l'éventuelle délivrance de visas, sans oublier le suivi des anciens élèves et le développement de l'enseignement supérieur via l'internet. L'autre EPIC, souhaité par la commission des affaires étrangères et créé par amendement gouvernemental, s'appellera « France expertise internationale ». La CMP a permis d'en préciser les missions et de dire, en particulier, que les organismes privés compétents en matière d'expertise technique internationale verraient leurs activités prises en compte par le nouvel opérateur issu de France coopération internationale. Enfin, l'Assemblée nationale a voulu voir plus loin en matière d'expertise. D'ici à un an, un rapport gouvernemental sera remis aux commissions parlementaires compétentes sur ce point.

S'agissant de l'agence culturelle, l'Assemblée a mis en place une véritable expérimentation, dans dix pays au moins, du rattachement à l'Institut français du réseau culturel de la France à l'étranger. Un calendrier, un cahier des charges, une évaluation périodique transmise au Parlement, des garanties pour les agents qui participeront à l'expérimentation : la « boîte à outils » que nous avons mise en place est complète, il ne vous reste plus, monsieur le ministre, qu'à vous en servir ! Faisons confiance également à M. Xavier Darcos pour utiliser à plein ses futures prérogatives de « patron » de l'Institut français. Sur ce point également, la CMP a entériné les apports de l'Assemblée et je m'en réjouis.

Au total, à partir d'un texte de quatorze articles peu détaillés, le Sénat a produit un texte de vingt articles et l'Assemblée un texte de vingt-deux articles, dont huit étaient conformes au texte du Sénat. La CMP a modifié, à la marge et pour parfaire la rédaction du texte, ainsi que par souci de sécurité juridique, neuf des quinze articles qui restaient en discussion.

Permettez-moi, avant de conclure, d'ajouter un dernier mot à propos de l'article du projet qui crée la possibilité pour l'État, sous certaines réserves, de demander le remboursement total ou partiel des frais de secours qu'il engage régulièrement pour des opérations de secours à l'étranger. Relisons, si vous le voulez bien, tout simplement l’article en question : « L'État peut exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu'il a engagées ou dont il serait redevable à l'égard de tiers à l'occasion d'opérations de secours à l'étranger au bénéfice de personnes s'étant délibérément exposées, sauf motif légitime tiré notamment de leur activité professionnelle ou d'une situation d'urgence, à des risques qu'elles ne pouvaient ignorer. »

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Axel Poniatowski, président de la commission mixte paritaire. « Les conditions d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'État. »

Pour une fois que la loi dispose très lisiblement, éclairée par les travaux parlementaires, un principe aussi sain que celui-ci, épargnons-nous, chers collègues, tout procès d'intention démagogique !

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Axel Poniatowski, président de la commission mixte paritaire. Le ministre et nous-mêmes l'avons dit et redit, en commission et dans l'hémicycle, cela figure au Journal officiel et la volonté du législateur est on ne peut plus manifeste : non, les journalistes, pas plus que tous leurs collaborateurs quel que soit leur statut, les travailleurs humanitaires, les chercheurs, les militaires, les ecclésiastiques, les parlementaires, non plus que tous les autres professionnels auxquels nous ne songeons même pas en cet instant tant ils sont nombreux, aucune de ces personnes légitimement exposées à des risques à l'étranger à raison de leur profession ne se verra demander le remboursement d'une quelconque « facture » si d'aventure l'une d'entre elles devait être rapatriée grâce aux services de l'État. Un décret en Conseil d'État précisera, si besoin est, le contenu de cet article.

L'exploitation politique de cette disposition, à partir d'une lecture biaisée, est confondante de mauvaise foi et elle ne mérite pas de plus amples développements.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. Très bien !

M. Hervé Féron. Vous êtes pourtant sur la défensive !

M. Axel Poniatowski, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte d'ensemble auquel la commission mixte paritaire est parvenue n'est pas l'aboutissement de la réforme de notre diplomatie d'influence, mais il est un jalon fondateur sur le chemin de cette réforme majeure ; un premier pas que le Parlement aura permis de rendre plus ambitieux. Nous aurons prochainement, grâce aux clauses de rendez-vous que contient ce texte, l'occasion de mesurer les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la réforme.

Je vous invite donc à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, en saluant encore une fois le travail des quatre rapporteurs de l'Assemblée et du Sénat sur ce texte, nos collègues Hervé Gaymard et Gilles d'Ettore pour l'Assemblée, et nos collègues sénateurs Joseph Kergueris et Louis Duvernois, ainsi, bien sûr, que le travail du président de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, Josselin de Rohan. Mes remerciement vont aussi, bien sûr, à vous-même, monsieur le ministre, à vos collaborateurs, à vos services et à tous ceux qui ont pris part au travail interministériel sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons au terme d’un long travail : trois ans à trois ans et demi pour ce qui me concerne et de longs mois pour vous. Le Parlement va se prononcer sur une réforme très ambitieuse pour la simple raison qu’elle avait été envisagée par nombre de mes prédécesseurs sans avoir jamais vraiment été entamée. Cette réforme s’imposait. Tout le monde murmurait plus ou moins haut – et parfois, peut-être, criait – que notre diplomatie d’influence n’était pas assez performante face à des concurrents nombreux et bien dotés. J’ai nommé, bien entendu, l’Institut Cervantès, le Goethe Institut, le British Council ou l’Institut chinois, entre autres.

Je voudrais vous affirmer, même si vous ne l’entendez pas…

M. François Rochebloine. Mais si !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Ah ! Alors, entendez-le : cette réforme n’a rien d’idéologique ! Tout le monde savait – et même lorsque j’étais secrétaire d’État auprès de Roland Dumas – qu’il était nécessaire et indispensable d’améliorer notre outil et que, bien sûr, nous allions le faire. Cette bataille mondiale des contenus culturels, des idées et des savoirs nous imposait de le faire maintenant ou jamais. Les nouvelles puissances émergentes dans le monde, ce nouveau système que l’on appelle internet et qui conditionne la vie de centaines de millions de gens, la façon dont les idées circulent et s’imposent sont une compétition à laquelle nous devions participer. Notre influence politique est toujours en jeu dans un monde en mouvement perpétuel et dont les changements, dont on parle tous les jours, sont évidents. Qu’allions-nous faire ? Je vous rappelle – et ce n’est pas un moindre détail – que, nous, les Européens, avons voté en faveur d’un traité dit « de Lisbonne » qui impose à notre regard étonné et à notre diplomatie habituelle une Haute représentante de l’Union européenne. Notre influence, en termes diplomatiques et politiques traditionnels, va devoir s’adapter. Or il y a une chose que la Haute représentante – ou le Haut représentant qui lui succédera éventuellement – ne possède pas, c’est l’action culturelle. Ce combat – cette compétition – va s’installer devant nos yeux et nous devons absolument y répondre.

Je me félicite de la création de l’Institut français, qu’il convient d’appeler ainsi ; j’étais d’ailleurs moi-même partisan de l’Institut Victor Hugo. L’Institut français ou les alliances françaises ont un logo commun, que je vous ai d’ailleurs montré. Ainsi, les 130 ou 140 centres culturels, devenus Institut français, et les 500 alliances françaises vont démarrer et progresser ensemble. Ils ont d’ailleurs commencé à travailler main dans la main et vont préparer des projets en commun.

Des opérateurs modernes et efficaces s’imposaient ; nous en avons, et ils permettront une vraie compétition pacifique avec le British Council, l’institut Goethe et l’institut Cervantès. Je voudrais vous donner quelques chiffres à ce propos : notre budget pour le réseau culturel est de 350 millions d’euros. C’est beaucoup plus que l’institut Goethe ou l’institut Cervantès. Le British Council dispose, lui, d’un budget légèrement supérieur, la langue anglaise, qui fait leur richesse, étant évidemment, et hélas, un peu plus prégnante que la langue française. Mais nous allons nous battre pour que celle-ci progresse. Ne rougissez donc pas des moyens qui manqueraient, cela n’est pas vrai. Bien sûr qu’il manque des moyens, je suis le premier à dire qu’il nous en faudrait plus au ministère des affaires étrangères, mais ne pensez pas que le réseau culturel soit si pauvre que cela ; 350 millions d’euros, c’est déjà beaucoup.

De plus, avec 100 millions d’euros sur cinq ans pour l’action culturelle, nous avons interrompu la chute des investissements dans le réseau culturel, ça n’est peut-être pas suffisant, mais c’est très notable.

M. François Rochebloine. Il était temps !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Nous l’avons fait. Bien sûr, j’aurais voulu faire plus, mais dans cette période où tous les ministères se plaignent, je ne me plains pas complètement.

J’ai tenu à ce que l’intégration du réseau culturel à l’agence soit placée sous l’autorité des ambassadeurs. C’était une promesse, sur trois ans, en dehors des dix expérimentations, c’est l’ambassadeur de France qui sera le maître – pardon pour l’expression – de tout le réseau culturel dans le pays où il sera en poste. Vous aurez à en juger, puisqu’un certain nombre de rapports vous seront remis.

Un deuxième point très important concerne la formation. Nous avons décidé que tous les personnels diplomatiques – il y en aura au moins 4 000 – seront formés avec des programmes très précis, dans les disciplines nouvelles, diplomatiques mais aussi culturelles. Ce n’est d’ailleurs pas très facile. L’agence bénéficiera de cette formation, et d’ailleurs ceux qui sont en formation maintenant et pour quatre mois en bénéficient très fortement.

J’ai donc fait le pari de faire travailler ensemble les diplomates et les gens qui proviennent des réseaux culturels, c’est-à-dire le ministère de la culture, et le ministère des affaires étrangères. Croyez bien que c’était assez inédit, car, contrairement à ce que l’on pense, il y avait une opposition, qui perdure encore. Nous devrons faire nos preuves, et j’espère que nous y parviendrons.

Ce projet de loi ne brade ni n’affaiblit personne. Je pense au contraire qu’il renforce notre diplomatie, notre influence dans le monde, et la compétition s’avère dure.

En ce qui concerne les autres dispositions de la loi, je remercie le président de la commission d’avoir été si précis. Comment pouvez-vous penser, avec la lecture qui vous a été faite d’une rédaction très précise, que nous ayons choisi cette formule plutôt que d’énumérer les professions ? Le Conseil d’État nous a demandé de ne pas le faire, car en énumérant, on léserait, au sein de chaque profession, des gens qui n’y appartiennent pas complètement, et dont il aurait fallu préciser la tâche. Jamais nous ne léserons les journalistes qui font leur métier, et qui prennent donc des risques inhérents à leur profession. Pensez-vous que nous léserons les humanitaires ? Moi qui ai forcé je ne sais combien de blocus, je proposerais une loi qui leur porterait préjudice ?

Nous réunissons très souvent des agences de voyage au quai d’Orsay, ce sont ceux-là, qui ne lisent d’ailleurs pas les conseils aux voyageurs sur le site du ministère des affaires étrangères, que nous souhaitons éclairer. Nous avons des exemples de touristes que nous avons dû rapatrier car la date de leur billet n’avait pas été respectée. Cinquante personnes travaillent nuit et jour dans le centre de crise que j’ai créé à nouveau, car il avait disparu comme par hasard, au service de nos concitoyens qui sont égarés où qui sont otages. En ce jour, où nos journalistes de France 3 sont toujours bloqués en Afghanistan, et où nous ne pouvons pas préciser autre chose que le dévouement acharné que nous mettons à les sortir d’affaire, je vous assure qu’il serait malvenu de dire aux gens qui travaillent pour Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière que nous ne faisons pas tout ce que nous pouvons. J’espère qu’un jour proche, cet acharnement à les protéger sera récompensé, pour eux, pas pour nous.

Pour terminer, je voudrai remercier l’Assemblée, M. Axel Poniatowski, Mme Tabarot et M. d’Ettore. Ce travail a porté ses fruits. Né il y a quelques années déjà, appuyé sur un travail du Sénat, l’Assemblée a complété de la meilleure façon…

M. François Rochebloine. L’Assemblée a amélioré !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je ne rejette certainement pas ce mot. Ensemble, vous avez tous fait un excellent travail. Les deux personnalités différentes du Sénat et de l’Assemblée se sont complétées pour présenter un projet que j’espère que vous voterez, et qui sera de toutes les façons un progrès par rapport à ce qui n’existait pas, cela ne va pas être très dur ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Huit jours à peine après avoir débattu dans cet hémicycle, en première lecture, du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, nous voici déjà réunis pour adopter définitivement le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Dans ce laps de temps très court, le Parlement a réussi à travailler efficacement et à enrichir encore le texte que vous aviez déposé il y a presque un an sur le bureau du Sénat.

En effet, l'Assemblée nationale a largement suivi sa commission des affaires étrangères et son rapporteur, Hervé Gaymard, en ne revenant que très peu sur les modifications que contenait le texte de la commission.

En particulier, l'expérimentation du rattachement à l'agence culturelle des diverses composantes du réseau culturel de la France à l'étranger a été entérinée. C'était l'un des maillons faibles du texte, qui n'allait franchement pas assez loin sur le sujet.

En second lieu, a été heureusement reconnue la distinction opérée par le rapporteur entre, d'un côté, les activités de promotion à l'étranger des études supérieures en France, et, de l'autre, la meilleure projection de l'expertise technique internationale à la française.

L'excellent travail de la commission a donc été reconnu comme tel. Mieux encore, le Gouvernement a été comme encouragé par cette volonté d'étoffer le projet de loi. Il a donc accompagné le mouvement en déposant les amendements dont l'article 40 de la Constitution lui réservait le monopole.

Je pense notamment à l'intégration à brève échéance de toutes les activités internationales du CNOUS dans le nouvel établissement public Campus France. Je pense également à la transformation en établissement public à caractère industriel et commercial de l'actuel GIP France coopération internationale. Tout cela va dans le bon sens et le groupe Nouveau Centre se réjouit de ce travail constructif.

À vrai dire, nous ne nourrissons qu'un seul regret : celui de ne pas avoir réussi à convaincre la commission des affaires étrangères, pas plus que l'Assemblée, d'inscrire dans la loi l'expérimentation de l'une des propositions phares de la mission d'information que j'ai eu l'honneur de présider, sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture. Il s'agissait d'expérimenter la fusion, dans un petit nombre de pays significatifs, entre le réseau culturel français à l'étranger et les alliances françaises.

Pour vous être agréable, monsieur le ministre, j'ai bien voulu retirer mon amendement ; mais je maintiens que personne ne m'a opposé d'argument qui invaliderait juridiquement cette proposition. Car précisément, l'expérimentation telle que la prévoit l'article 37-1 de la Constitution permet de donner une existence concrète à ce que la loi n'autoriserait pas autrement.

La loi que nous nous apprêtons à voter définitivement prévoit, je l'ai dit, d'expérimenter le rattachement du réseau culturel à l'institut français. Pourquoi ne pas envisager que, dans les pays où notre réseau culturel local est presque exclusivement constitué d'alliances françaises, comme en Amérique latine, en Inde ou encore aux Émirats arabes unis, on expérimente leur rattachement à ce même institut français ?

Croyez-vous sérieusement que, le jour où cette agence culturelle disposera du réseau, les quelque 250 alliances françaises ayant conclu une convention avec l'ambassade de France de leur pays d'implantation resteront indéfiniment en dehors du mouvement ?

Croyez-vous sérieusement que, dans le contexte de rationalisation budgétaire qui est le nôtre pour de longues années encore, on va laisser les alliances françaises s'autofinancer dans leur coin avec leurs cours de langue, tandis que les services culturels n'auront plus de crédits d'intervention pour organiser quelque manifestation culturelle que ce soit ?

Alors je vous le dis franchement, monsieur le ministre, mes chers collègues : vous pouvez continuer à croire qu'en dessinant des logos communs pour les instituts français à l'étranger et les alliances françaises, on a résolu le problème. Mais le réveil risque d'être douloureux, lorsqu'il faudra, à marche forcée – ce qu'à Dieu ne plaise ! – fermer des implantations ou les fusionner à la va-vite, sous l'injonction d'une nouvelle RGPP ou autre acronyme administratif, selon le nom que revêtira alors la rationalisation budgétaire du moment.

Je ne reviendrai pas sur les autres préconisations de la mission d'information sur le rayonnement de la France par l'enseignement et la culture, car j'ai eu l'occasion lundi dernier, ici même, d'en rappeler les éléments essentiels concernant le volet culturel de notre diplomatie d'influence.

Les enjeux en sont immenses. Je sais que la conduite d'une réforme comme celle qui vous attend avec la mise en œuvre de ce projet de loi est difficile. Mais elle est nécessaire et, j'ose le dire, exaltante.

Pour votre part, vous savez que le suivi parlementaire de cette réforme sera exigeant. En donnant davantage de substance, davantage d'ambition à un texte qui en manquait à l'origine, le Parlement a aussi voulu adresser un message clair : nous ne laisserons pas cette réforme s'enliser.

C'est dans cette optique ambitieuse et déterminée que le groupe Nouveau Centre votera le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État dans sa version issue des conclusions de la commission mixte paritaire. Cela ne m’a pas empêché de vous faire un certain nombre de remarques à titre très amical, monsieur le ministre, car je les pensais nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, chers collègues, à l’issue de la CMP, je voudrais d’abord saluer le remarquable travail de nos rapporteurs, qui ont toujours su opérer un rapprochement salutaire. Ils ont en effet su clarifier ensemble un projet dont les enjeux sont très importants puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que de promouvoir les valeurs, l’influence et le rayonnement de la France dans le monde. Et l’on sait que, faute de les renforcer, ils ne peuvent que s’affaiblir devant la concurrence féroce d’autres nations.

Ainsi l’établissement public devient désormais le statut de base. Le texte comporte deux grands volets. D’une part, le réseau culturel donnera naissance à l’Institut français, succédant à Culture France ; nous avons bien volontiers souscrit au principe de l’expérimentation dans dix pays sur trois ans, ce qui nous donnera le recul nécessaire. D’autre part, ce qui concerne la mobilité internationale est regroupé dans Campus-France, qui inclut le CNOUS. Enfin, les opérateurs dans le champ de l’expertise internationale seront regroupés dans l’agence France expertise internationale comme vous l’avez souhaité.

Ce sera, au total, davantage de lisibilité, davantage de synergie et, il faut l’espérer, d’économies.

Enfin sur le fameux titre IV, relatif aux opérations de secours des Français à l’étranger, vous nous avez, monsieur le ministre, loin de toute démagogie, totalement rassurés.

Avant de conclure, je voudrais rappeler le rôle irremplaçable de l’ambassadeur, qui est le meilleur relais des établissements français à l’étranger, le meilleur coordonnateur et animateur s’il sait s’investir dans cette mission.

Rappelons aussi la place de plus en plus importante de l’audiovisuel extérieur.

M. François Rochebloine. C’est vrai.

Mme Martine Aurillac. C’est désormais un outil dont notre politique culturelle extérieure ne peut plus se passer.

Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir permis, par votre écoute, votre ouverture, et par vos amendements, d’enrichir ce texte. Il ne s’agit que d’une première étape et l’expérimentation nous fournira sans doute des données précieuses. Mais nous disposons désormais d’une architecture tout à fait prometteuse. Néanmoins, pour que ces nouvelles structures vivent et soient tout à fait efficaces, il faut une stratégie politique claire et durable et il faut aussi des moyens. Nous y veillerons. Le groupe UMP votera bien volontiers le texte de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les députés socialistes, radicaux et citoyens, comme leurs collègues sénateurs, partagent la préoccupation qui est à l’origine de ce texte. La mondialisation met désormais en concurrence les économies des pays et par la même leur influence, qui en découle. La France doit adapter son action politique à l’étranger pour la rendre apte à répondre aux défis du monde actuel et à la concurrence, pacifique mais sans concession, d’autres cultures.

Le projet qui nous est présenté répond-il à ce défi ? Des moyens suffisants ont-ils été mis au service de l’ambition affichée ? On est en droit de s’interroger, ce qu’ont fait les élus socialistes, mars aussi certains élus de la majorité. Il suffit de lire les excellents rapports de nos collègues députés et sénateurs. La période est en effet à la rigueur, une rigueur qui érode plusieurs enveloppes clef, la recherche, l’éducation, la créativité artistique, la langue française. Qui plus est, les effets de cette rigueur conjoncturelle sont plus rudes pour l’ensemble des politiques menées par les affaires étrangères que pour tout autre département ministériel.

Deux anciens ministres des affaires étrangères, MM. Alain Juppé et Hubert Védrine, un ancien ambassadeur, M. Jean-Christophe Rufin, l’ont rappelé il y a quelques jours de façon publique en termes dramatiques et sans équivoque : « le Quai d’Orsay est sinistré ». Réformer dans un tel contexte relève de la gageure.

Il y a plus grave. Le carburant manque, ce qui déjà pose problème. Mais le chauffeur qui est aux commandes de la voiture France dispose-t-il du bon GPS ? Est-il, êtes-vous, monsieur le ministre, en condition de mobiliser efficacement ces moyens-là, qui sont sinistrés ? En d’autres termes l’image de la France que votre politique donne au monde extérieur, est-elle particulièrement attractive, séduisante, mobilisatrice? L’obsession sécuritaire, l’étranger désigné comme bouc émissaire, la fixation identitaire, interpellent les esprits les mieux disposés à l’égard de votre projet d’action extérieure. Je vais donc, avec la complicité de mes collègues socialistes, vous aider à chercher et à trouver l’erreur.

En premier lieu, je veux exprimer un doute et une interrogation sur la philosophie politique du Gouvernement. La France sera offensive et convaincante à l’extérieur pour autant qu’elle ait quelque chose d’original à dire et à proposer. Le constat que l’on peut faire est de ce point de vue sans appel. La France a, depuis 2007, choisi de se replier sur elle-même. La création insolite d’un ministère de l’identité nationale est révélatrice de ce nouvel esprit munichois. Le cinquantième anniversaire des indépendances africaines, est marqué depuis deux ans par un discours et une politique visant les plus faibles des étrangers présents sur notre sol, les ressortissants de l’ancienne Union française, désormais pourchassés et désignés à la vindicte populaire comme les responsables de nos malheurs extérieurs. L’Afrique a manqué le train de l’histoire, est allé dire aux Africains, à Dakar, le chef de l’État. Belle manière de consolider une influence diplomatique et économique sur un continent où nous avons – doit-on dire nous avions ? – pourtant tant d’amis ! Au dernier G20 le chef de l’Etat a été interpellé sur sa politique, jugée égoïste et peu ouverte au monde qu’ils représentent, par deux pays émergents, l’Argentine et la Colombie.

En revanche, à l’égard des puissances mondiales, la soumission à la loi du plus fort a été privilégiée. La France a intégré l’OTAN sans contrepartie réelle. Le Président de la République a pris ses premières vacances estivales près du ranch du président Bush, puis a effectué une escapade culturelle à Eurodisney. Dans le même temps nos concitoyens sont contraints, en France, de travailler en anglais. Il est vrai que vous-même, monsieur le ministre, vous aviez approuvé, en 2003, l’invasion unilatérale de l’Irak par les troupes des Etats-Unis…

M. Yanick Paternotte. Quelle élégance !

M. Christian Bataille. …sur la foi d’informations non vérifiées, mais d’origine nord-américaine. Comment pensez-vous, dans un tel contexte, que la voix de la France soit audible, qu’elle ait, comme vous l’avez affirmé en commission des affaires étrangères, des choses originales à dire « dans la bataille des savoirs, des idées et des contenus culturels », de façon à pouvoir encore peser avec sa spécificité sur le destin du monde ?

D’autre part, à supposer, que la France soit porteuse d’un autre message, plus authentique, créatif, inventif et ouvert au monde, se pose un problème de moyens. Cette Agence culturelle que vous appelez de vos vœux nécessite un minimum de moyens. Réformer en période de disette budgétaire, quel que soit le domaine considéré, a un sens éminemment comptable. Comme dans d’autres services publics, la tendance est de vendre un discours de bateleur : « on va faire plus avec moins », en sous-entendant que les économies d’échelle permises par les regroupements permettront comme par magie de dégager des moyens insoupçonnés.

M. le président. Il faut conclure, Monsieur Bataille.

M. Christian Bataille. Faute de temps je vous renvoie, monsieur le ministre, à la lecture des rapports parlementaires sur le budget 2010 de l’action extérieure de l’État. Quelle que soit la couleur politique du rapporteur,…

M. le président. Monsieur Bataille, il faut terminer.

M. Christian Bataille. Je termine, monsieur le président : les conclusions, et vous les connaissez, ont été convergentes. Votre enveloppe et vos personnels s’évaporent, érodés par l’eau purgative de Bercy.

Cela justifiait-il l’adjonction d’un article cavalier, à plus d’un titre, dans le projet ?

M. le président. Monsieur Bataille, je dois vous interrompre.

M. Christian Bataille. Que vient faire en effet cet article 13 sans rapport avec les douze articles qui le précédent, sans rapport avec l’action extérieure de la France ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Christian Bataille. Que vient faire donc un article, permettez-moi de vous en lire la première phrase,..

M. le président. Non, c’est terminé.

M. Christian Bataille. …qui indique que l’Etat peut exiger tout ou partie des dépenses qu’il a engagées ou dont il serait redevable à l’égard de tiers à l’occasion d’opérations de secours à l’étranger au bénéfice de personnes s’étant délibérément exposées ?

M. le président. Monsieur Bataille, s’il vous plaît. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Christian Bataille. Le groupe SRC, pour toutes les raisons exposées, politiques, budgétaires et éthiques, ne votera donc pas le projet de loi en trompe l’œil sur l’action extérieure de l’État que vous proposez.

Et merci de votre indulgence, monsieur le Président !

M. le président. Elle a été très grande, Monsieur Bataille. Vous avez très largement dépassé votre temps de parole.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est sa conception du respect, monsieur le président.

M. Christian Bataille. Un très mauvais président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous achevons l’examen de la loi sur l’action extérieure de l’État dans un profond malaise. Le drapeau de notre diplomatie est en berne et ce projet décevant dans son ambition ne peut masquer les interrogations qui s’élèvent.

Pas un jour ne passe sans qu’une voix autorisée ne sonne l’alarme : la politique étrangère de la France traverse une crise. La faute à un pilotage déficient, la faute à un manque de moyens criant, la faute à une crise de sens.

Tant vantée en 2007, la rupture en faveur d’une politique étrangère respectueuse des droits de l’homme a été enterrée sous les intérêts économiques et géopolitiques. La coopération et la francophonie, outils indispensables pour redessiner un monde plus juste et équilibré, pour contribuer au dialogue des cultures, ont été mises au service de ce qui « nous rapporte », selon le mot d’Alain Joyandet. L’étape ultime a été franchie : leur secrétariat d’État n’existe même plus.

La Françafrique a reconquis son « pré carré » de manière décomplexée, semble-t-il jusque dans les couloirs de l’Elysée et de l’AFD. La célébration du cinquantenaire des indépendances africaines à l’occasion de la fête nationale française, ce mercredi, est le symbole d’un paternalisme qui ne cesse pas et qui nie le combat des peuples pour disposer de leur souveraineté. La convocation des chefs d’État africains à cette parodie mémorielle illustre les relations troubles qui nous lient à eux, au détriment des espoirs de démocratie et de développement des Africains.

Loin des précautions de la langue diplomatique, le tableau peint par M. Jean-Christophe Rufin ou M. Yves Aubin de la Messuzière est sidérant. Qui pilote notre politique étrangère ? Et dans quel but ? La question mérite d’être posée ! Les affres dans lesquels se trouve notre diplomatie sont en réalité le prix à payer pour un système politique dévoyé où le Président de la République accapare la conduite des affaires étrangères.

Le cri d’alarme de deux anciens ministres diagnostiquant un « instrument sur le point d’être cassé » par des compressions budgétaires à l’aveugle ne peut être balayé d’un revers de manchette. J’ai lu vos explications dans une tribune, monsieur le ministre,…

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je vous en remercie.

M. Jean-Paul Lecoq. …mais elles ne m’ont pas convaincu.

L’ambition affichée de faire revenir la France sur le devant de la scène internationale succombe sous les coups de ciseaux de la RGPP. Le conseil de modernisation des politiques publiques de juin 2010 a confirmé la réduction sans précédent de notre réseau diplomatique, qui s’ajoute au non-remplacement des fonctionnaires partant en retraite.

Il faut, dit-on, « avoir les moyens de nos ambitions » . Mais je crains que nous n’ayons ni moyens ni ambition, jusque dans notre diplomatie culturelle.

La politique extérieure de la France est depuis longtemps intimement liée à la diffusion de ses arts et de ses idées hors des frontières. C’était notre manière de peser sur la conduite des affaires de ce monde, en participant à l’avènement d’une communauté autour de valeurs fondatrices.

De cette ambition culturelle et politique, qui au cours de l’histoire a été tantôt aliénante, tantôt émancipatrice, que reste t-il aujourd’hui ?

Une conception rabougrie de la culture comme instrument d’influence, dans le droit fil du Livre blanc. En voulant développer une offre culturelle élitiste à l’étranger, auprès des décideurs et de leur progéniture, on imagine faire renaître les lumières françaises et peser politiquement. Nous faisons fausse route en abandonnant l’impératif de démocratisation. La France a vocation à parler à tous.

Dans cette vision qui tente de s’imposer, la culture se voit rabaissée à un simple véhicule des intérêts économiques de nos multinationales, à un simple expédient pour ouvrir de nouveaux marchés.

Loin de l’objectif de dialogue entre les civilisations et de coopération entre les États que je défends, cette culture-là s’imprègne de la compétition économique de tous contre tous qui nous a menés à la crise actuelle du capitalisme.

Je crains que le projet de loi n’entérine ces travers.

Il existe un consensus presque général sur le manque de lisibilité et de cohérence de notre action extérieure. Incontestablement, notre appareil diplomatique est en perte de vitesse face aux stratégies novatrices de nos partenaires internationaux.

Monsieur le ministre, je salue donc l’ambition qui a été vôtre de réformer en profondeur le réseau culturel et diplomatique le plus dense de la planète. Mais je constate que le compte n’y est pas.

Les modifications apportées par la commission mixte paritaire n’ont pas bouleversé l’orientation de ce texte, ni apporté les clarifications nécessaires sur le périmètre et les moyens des instruments créés.

Que reste-t-il des travaux des parlementaires – je pense notamment à la mission Rochebloine – qui ont déployé une réelle énergie et fait des propositions novatrices pour relever notre diplomatie culturelle ?

Vous vantiez le choix de la souplesse et de la cohérence en proposant la création de deux établissements publics, mais ce projet ne fait qu’ajouter à la confusion.

Après un an de reculade, on n’a toujours pas tranché sur le point névralgique de la réforme : la question du rattachement du réseau culturel à l’établissement public est ainsi renvoyée à de nouvelles expérimentations. Les relations entre les services culturels des ambassades, les centres culturels et les alliances françaises et l’agence culturelle ont été renforcées, mais aucunement clarifiées. C’est un rendez-vous manqué qui laisse le ministère au milieu du gué, et suscite la plus grande inquiétude des personnels.

Monsieur le ministre, vous n’avez pas caché les difficultés rencontrées pour mettre cette réforme sur les rails, en dénonçant sévèrement les « protestations corporatistes, parfois sectaires », et les « certitudes figées et les haines recuites ». Mais, dans un contexte de compression des coûts, le manque de pédagogie et de vision stratégique n’est pas étranger à cet échec annoncé. Le freinage ne provient-il pas également du coût de ce rattachement, soit 40 millions d’euros, dans un contexte d’assèchement des crédits ?

Le choix du statut d’EPIC pour les trois agences, notamment pour l’Institut français, constitue un parti pris financier que nous contestons. Malgré vos déclarations apaisantes, ce choix démontre le désengagement de l’État du réseau culturel à l’étranger. Le choix d’un établissement public administratif aurait été préférable pour affirmer la prééminence de la puissance publique dans le pilotage de ces structures, et il n’aurait pas nui à leur souplesse.

Dans la logique de la RGPP, ces opérateurs devront rationaliser leurs dépenses et ne plus trop compter sur le soutien financier de l’État. C’est le but inavoué de votre réforme du réseau culturel : réaliser des économies. Je rappelle que depuis plusieurs années, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » chutent de plus de 10 %, sans que l’on aperçoive un redressement à l’horizon.

Le réseau culturel continuera donc d’assurer des missions de service public, mais devra trouver de nouvelles sources de financement. C’est la porte ouverte aux partenariats avec le privé et à la tarification d’activités jugées rentables. Ce bouleversement aura nécessairement des conséquences sur l’offre culturelle dans notre réseau, et les marges de manœuvres se réduiront. Je crains que la diffusion des œuvres de l’esprit ne soit progressivement supplantée par l’industrie culturelle. Qu’adviendra-t-il alors des opérateurs locaux ne parvenant pas à l’autofinancement ? Devront-ils fermer leurs portes ?

Le dernier Conseil de modernisation des politiques publiques prévoit l’élaboration d’un plan triennal d’évolution du réseau culturel et de coopération pour la période allant de 2011 à 2013. Ce plan privilégiera, en particulier, le rapprochement avec le réseau des alliances françaises. J’aimerais que vous nous rassuriez sur ce point, monsieur le ministre, en excluant toute nouvelle fermeture de centres culturels.

La conduite de cette réforme du réseau diplomatique a suscité une grande inquiétude des personnels. Elle a motivé leur opposition au sein du Conseil supérieur de la fonction publique. Les agents des opérateurs redoutent que les propositions de réemploi s’écartent de leurs qualifications. Ces préoccupations doivent être entendues, d’autant que le personnel du réseau culturel souffre parfois d’une précarité importante. Les recrutés locaux ne doivent pas faire les frais de cette réorganisation à travers un dégraissage silencieux, puisqu’ils sont imparfaitement comptabilisés dans le plafond d’emploi du ministère.

Outre la création d’un opérateur culturel, le projet de loi entend renforcer l’expertise française à l’international et la promotion de notre enseignement supérieur, ce dont je ne peux que me féliciter. Certaines dispositions apporteront un nouveau souffle dans ces domaines, même si je regrette que l’intégration des activités internationales du CNOUS n’ait pas fait l’objet d’une réflexion plus aboutie et satisfaisante.

J’ai bien relevé que le président de la commission des affaires étrangères, Axel Poniatowski, et vous-mêmes, monsieur le ministre, étiez intervenus concernant les opérations de sauvetage des professionnels à l’étranger. Je veux vous croire.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Merci !

M. Jean-Paul Lecoq. J’espère que l’avenir me donnera raison et que, quelles que soient les professions des personnes concernées, notre État portera secours aux citoyens en difficultés et qu’il les ramènera en France.

Au final, l’examen de ce texte laisse un goût d’inachevé car votre réforme manque singulièrement d’audace et de vision. Nous savons aussi qu’elle ne sera pas assortie de moyens financiers à la hauteur de l’enjeu que représente le renouveau de notre diplomatie culturelle.

Notre groupe ne peut approuver le désengagement de l’État que confirme ce texte, alors qu’émerge un monde multipolaire qui appelle de notre part un effort démultiplié pour rééquilibrer les rapports internationaux et introduire plus de justice et de dialogue.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe GDR votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs de l’opposition ont eu raison de dissocier, comme on peut le faire pour la plupart des textes, le projet de loi, dont on peut dire de façon lapidaire qu’il est décevant et relève de la poudre aux yeux, du contexte dans lequel nous votons cette loi.

Ce contexte est caractérisé par l’affaiblissement continu du Quai d’Orsay. Monsieur le ministre, sous votre direction, le ministère des affaires étrangères est entraîné dans une spirale qui, nous le craignons, risque de lui être fatale. Comme l’ont souligné, la semaine dernière – ce qui est tout de même peu commun – deux anciens éminents titulaires de votre poste, Alain Juppé et Hubert Védrine, le Quai d’Orsay a subi un « affaiblissement disproportionné », perdant en vingt ans plus de 20 % de ses moyens financiers et de ses personnels. Aucun autre ministère n’a connu de telles réductions.

Cette chute va se poursuivre, puisque le Quai d’Orsay supprimera, durant les trois prochaines années, trois emplois pour quatre départs à la retraite. Un diplomate a qualifié le Quai d’Orsay de « ministère sinistré ». En fait, l’outil diplomatique, qui se classait auparavant au deuxième rang mondial, est cassé. Cela explique – il n’y a pas de secret – que la France se trouve partout en repli sur la scène internationale.

Ce soir, j’ai envie d’être indulgent. Mais le président de séance est sévère. Je ne vous parlerai donc pas de la manière dont s’élabore la politique extérieure de la France ni du lieu où elle est conduite – c’est-à-dire, pour l’essentiel, à l’Élysée et pas au Quai d’Orsay. Je ne vous parlerai pas, monsieur Kouchner, du conflit d’intérêt que vous aviez vous-même évoqué en mars 2008 et qui retrouve une certaine acuité avec la démission du Gouvernement d’Alain Joyandet. Je ne vous parlerai pas non plus de l’Afrique qui échappe presque totalement à la compétence du Quai d’Orsay.

J’en viens plutôt à notre principal sujet d’inquiétude : le remboursement des opérations de secours.

L’article 13 du projet de loi suscite des inquiétudes légitimes : il exige le remboursement éventuel des frais engagés par l’État pour la libération ou le secours des ressortissants français considérés comme imprudents. Le groupe SRC, en particulier Didier Mathus, avait proposé par amendement une nouvelle rédaction de l’article, afin d’exclure explicitement de son champ d’application les journalistes, les humanitaires et les chercheurs. Cet amendement a été repoussé et vous vous êtes contenté, monsieur le ministre, de préciser que ces catégories n’étaient pas visées. De quelles garanties disposent donc ces personnes ? Elles sont livrées à l’arbitraire de l’État.

Qui peut être certain que demain d’autres Clotilde Reiss, Jean-Paul Kaufmann ou Florence Aubenas ne seront pas obligés de débourser pour retrouver la liberté ? Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, les deux journalistes de France 3, retenus depuis six mois en Afghanistan, vont-ils devoir, eux aussi, passer à la caisse ? C’est le monde à l’envers : l’État français veut faire payer les otages, alors que Mme Bétancourt – Ingrid, pas Liliane (Sourires) – réclame à l’État colombien…

M. Franck Gilard. Elle nous a bien eus !

M. François Loncle. …des dommages moraux et financiers d’un montant de 5,5 millions d’euros – il s’agit d’une démarche que je réprouve, évidemment. Par charité, il vaut d’ailleurs mieux ne pas rappeler aujourd’hui les conditions dans lesquelles elle a été capturée.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, les arguments que je viens d’exposer et ceux qui ont été présentés par mes collègues du groupe SRC justifient que nous ne votions pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Féron.

M. Hervé Féron. Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant même la discussion générale, nous étions déçus par le manque d’ambition pour l’action extérieure de l’État qui transparaissait dans ce texte.

Même si quelques aménagements – en fait, il s’agit plutôt de corrections – ont été proposés, il n’en résulte pas un véritable projet pour notre diplomatie d’influence. La création d’une agence culturelle sous la forme d’un établissement commercial, un EPIC, risque d’affaiblir encore notre action culturelle internationale. Dans leur grande majorité, les acteurs de la culture et de la coopération refusent la mise en place d’une agence culturelle à l’anglaise qui s’en remettra à la seule logique du marché pour lever des fonds et faire des profits sur le dos des usagers, contraints de payer de plus en plus cher et de consulter des bibliothèques de plus en plus vides.

Par ailleurs, ce projet de loi ne tient pas compte de la situation de milliers d’agents de l’État, dont on ne sait pas ce que deviendront le statut et les carrières. Cette situation est si préoccupante que vous repoussez le débat : il aura lieu dans trois ans !

Nous plaidons pour une autre réforme plus équilibrée et réellement concertée. Même si vous affirmez avoir travaillé sur ce texte depuis trois ans, monsieur le ministre, il ne me semble pas que vous puissiez pour autant affirmer que votre démarche a donné réellement lieu à une concertation. Cette réforme devrait se faire autour d’un établissement public administratif, ce qui permettrait de conserver dans le giron public, parce que telle est bien notre responsabilité, l’action culturelle extérieure.

Nous plaidons aussi pour un plan de relance équilibré en moyens financiers et humains grâce à un mode de financement mixte : il s’agit de sortir du déclin programmé par les baisses de dotations constatées et par ce projet de loi inquiétant. Nous souhaitons une approche plus ambitieuse pour notre réseau culturel extérieur, nos instituts, nos alliances françaises ; autant d’outils d’influence et de rayonnement majeur dans le monde d’aujourd’hui.

Comment ne pas revenir aussi sur l’article 13 puisque Christian Bataille n’a pas eu la possibilité d’en parler – c’est terrible comme le temps passe parfois plus vite lorsque les mots dérangent ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. C’est la trouvaille du soir !

M. Hervé Féron. Monsieur le ministre, vous avez défendu l’article 13 corps et âme, plus par posture partisane que pour une autre raison. À aucun moment, nous ne vous avons mis en cause personnellement, et nous n’avons pas plus mis vos intentions en doute ; nous continuons cependant de dire que ce texte est dangereux en raison de ce qu’il dit et de ce qu’il ne dit pas.

À plusieurs reprises vous avez fait référence à votre passé dans l’humanitaire, ce qui était hors de propos puisque nous n’avions jamais mis ce point en cause. En revanche, vous nous avez dit avoir écouté les syndicats de journalistes et le monde humanitaire. Je voudrais, en conséquence, rappeler quelques propos inquiétants ainsi que le témoignage de ceux que vous dites avoir entendus.

Alors que le chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin, avait dénoncé le coût des recherches entamées pour retrouver les deux journalistes de France 3, aujourd’hui otages en Afghanistan depuis plus de six mois, Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, déclarait «qu’ils n’avaient rien à faire là ».

Dominique Pradalié, du syndicat national des journalistes, a déclaré dans les Inrockuptibles : « Ce texte est tout bonnement scandaleux pour la profession. Si on n’écarte pas clairement les journalistes de ce projet, plus aucune rédaction ne va vouloir envoyer des reporters sur les zones de conflits. C’est une vraie menace pour la liberté d’expression et d’information »

M. François Rochebloine. C’est vrai !

M. Hervé Féron. Philipe Ribeiro, directeur général de Médecins sans frontières, dénonce quant à lui, dans Libération, « la catégorisation des victimes, légitimes et illégitimes ».

Autre témoignage intéressant relayé par TV5 Monde, celui de maître Francis Chouraqui, l’avocat des otages du Liban, président de l’association Otages du monde, qui trouve l’idée «ridicule ». Pour lui, «le vrai problème, ce sont les ravisseurs, pas les otages. On ferait mieux de traduire devant une juridiction internationale les responsables des enlèvements, qui sont des groupes mafieux ou politiques ». Même Éric Denécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, trouve que ce projet de loi est «circonstanciel car il traduit la détérioration des finances publiques ».

Monsieur le ministre, sur ce sujet vous pouvez constater que vous faites l’unanimité. Le problème, c’est que c’est contre l’article 13.

Vous l’avez compris, nous ne sommes pas enthousiastes. Vous avez affirmé que cette réforme n’avait rien d’idéologique ; peut-être ! Triste époque tout de même que celle où en matière d’action culturelle extérieure, un ministre, certes volontaire, ne peut que cacher la misère parce qu’il est privé de moyens et de la volonté politique pour réussir une réforme dont il avait peut-être lui-même rêvé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Féron, je ne peux pas vous laisser mettre en doute la présidence : les minutes sont les mêmes pour tout le monde.

M. Christian Bataille et M. François Loncle. Ce n’est pas vrai !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je veux réparer un oubli : j’ai négligé de remercier un absent très valeureux, Hervé Gaymard.

M. Jean-Paul Lecoq. Il vous a effectivement tenu tête !

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Mais non ! Honnêtement, pas plus que vous !

Par ailleurs, je souhaiterais préciser une chose qui vous a peut-être échappé, monsieur Loncle, dans le flot d’idées reçues que vous avez déversé : le portefeuille d’Alain Joyandet ne comprenait pas l’audiovisuel public. Jamais ! Je ne suis donc pas plus que vous en charge de ce secteur depuis sa démission. J’ai hérité avec bonheur de la francophonie et de la coopération, mais, dès le premier jour, l’audiovisuel public a été transféré, avec son budget, à Matignon, et il relève maintenant du ministère de la culture. Merci d’en prendre acte, monsieur.

M. François Loncle. C’est une réponse minable !

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Modernisation de l’agriculture
et de la pêche

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (n° 2723).

La parole est à M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, arrivés au terme de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous pouvons tous nous féliciter du travail accompli pour parvenir à un texte complet et équilibré, qui apporte des solutions concrètes au monde agricole.

Je tiens à remercier – et ce ne sont pas de vains mots – ceux de nos collègues présents ce soir pour la qualité de nos débats et le respect qui a caractérisé nos discussions en séance publique. Je vous remercie également, monsieur le ministre, de nous avoir associés en amont de l’examen de ce texte et de nous avoir apporté, grâce à votre connaissance des dossiers, les éclaircissements nécessaires pour que nous puissions nous prononcer en toute sérénité. Je tiens enfin à remercier nos collègues sénateurs, avec lesquels nous avons pu, sans grande difficulté, trouver, dans une bonne ambiance, un terrain d’entente sur la plupart des dispositions du texte, notamment les plus importantes. En effet, l’Assemblée nationale n’avait pas remis en cause les principales avancées que la Haute assemblée avait réalisées en matière de contractualisation – laquelle est au cœur du texte –, de prix après vente et d’interdiction des trois « R » dans le secteur des fruits et légumes, ainsi que dans la définition du rôle des interprofessions.

En commission mixte paritaire, sauf précisions d’ordre rédactionnel, les articles du projet de loi ont ainsi été adoptés dans leur rédaction issue de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est très bien !

M. Louis Giscard d'Estaing. C’est une bonne chose !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Ont ainsi été confirmées les modifications introduites par notre assemblée en matière de politique de l’alimentation, ainsi que les précisions apportées sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges et sur le rôle des commissions départementales de la consommation des espaces agricoles.

La CMP a également entériné la possibilité de créer des GAEC entre époux, concubins ou pacsés et les mesures d’allégement de la procédure administrative applicable aux élevages en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, qu’il s’agisse de la réduction des délais d’examen et des délais de recours ou de la souplesse apportée dans la procédure concernant les regroupements ou les modernisations d’élevage.

M. Marc Le Fur. On progresse. C’est très bien !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Bien entendu, il a également fallu trouver des compromis qui n’étaient pas évidents. Le Sénat a ainsi dû renoncer à la brèche qu’il avait ouverte dans le forfait viticole.

M. François Rochebloine. Heureusement !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Dans cette assemblée, nous étions en effet à peu près tous d’accord pour refuser d’ouvrir une telle brèche dans un dispositif que je définirais comme une niche fiscale à lui tout seul. Car, si, à une époque, on a reproché aux paysans de ne pas payer beaucoup d’impôts, c’est en raison du forfait agricole.

M. Jean-Pierre Soisson. Attention, ne touchez pas à la viticulture !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Au reste, comment aurait-on pu expliquer que l’on aille trouver l’administration des impôts lorsque l’on a vendu ses produits un peu plus cher et que l’on oublie de les solliciter dans le cas contraire ?

Parallèlement, face à la volonté du Sénat de garder le plus grand nombre d’incitations possible à l’assurance, le découplage partiel entre la DPA et l’assurance, introduit par notre assemblée après de longs débats, a été, à mon grand regret, supprimé par la commission mixte paritaire.

M. Marc Le Fur. Hélas !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Enfin, en dépit de la détermination commune des députés et des sénateurs à défendre la filière bois et forêt avec la mise en place d’un compte épargne pour la forêt, qui devait permettre de financer à la fois des travaux de prévention des sinistres et d’investissement, la CMP a renoncé à conserver le volet investissement du dispositif afin de limiter la dépense fiscale qu’il aurait représentée.

M. Jean-Pierre Soisson. Comme dirait Guy Roux, faut pas rêver !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Toutefois, je considère, à titre personnel, qu’il existe une différence fondamentale entre certaines niches fiscales, qui ne sont que des avantages improductifs, et des dispositifs fiscaux d’incitation qui sont des outils de gestion dont l’utilisation contribue à l’activité économique. C’est pourquoi, lorsque j’ai eu le Premier ministre au téléphone, après la réunion de la CMP…

M. le président. Il faut conclure, monsieur raison.

M. François Rochebloine. Enfin, ça suffit, monsieur le président !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. …je lui ai indiqué que je serais particulièrement vigilant, lors de l’examen du projet de loi de finances cet automne, sur le choix des niches fiscales qu’il nous sera proposé de supprimer.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Plus généralement, il n’existe que deux moyens de faire évoluer le comportement des acteurs économiques : la contrainte ou l’incitation.

M. le président. Monsieur Raison, il faut conclure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. C’est intéressant. Écoutons-le !

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Je n’ai pas terminé, monsieur le président. J’avais prévu une intervention un peu plus longue.

S’agissant des contraintes, je rappelle que nous avons adopté un article très important, qui exige du Gouvernement qu’il fasse la chasse aux réglementations et contrôles inutiles, qui entravent la compétitivité des exploitations, et qu’il propose des mesures d’allégement de ces contraintes afin de lutter contre les distorsions de concurrence.

M. Jean-Pierre Soisson. Là encore, faut pas rêver !

M. le président. Monsieur Soisson, laissez M. Raison conclure.

M. Michel Raison, rapporteur de la commission mixte paritaire. Cela fait du bien de rêver un peu. Du reste, l’utopie a parfois permis de réaliser de grandes choses, n’est-ce pas, monsieur le ministre ?

À cet égard, le projet de loi prévoit la remise de rapports portant sur des sujets très importants pour l’avenir de l’agriculture française et le Parlement veillera, dans le cadre de l’application de la loi, monsieur le président de la commission, à ce que ces rapports soient bien déposés en temps et en heure, de même qu’il suivra la publication des décrets d’application nécessaires et des ordonnances.

En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais à nouveau vous remercier pour votre écoute attentive et vos propositions constructives, mais aussi et surtout vous souhaiter bonne chance pour la suite. Cette loi n’est en effet qu’une étape,…

M. le président. Monsieur Raison, il vous faut tout de même conclure.

M. Michel Raison, rapporteur. …qui ne peut être réussie que si les autres pays européens suivent la France, qui doit être leader en matière de politique agricole commune. Conscients que votre rôle en tant que ministre de l’agriculture français sera déterminant pour son avenir, nous vous renouvelons notre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Louis Guédon, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Louis Guédon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens devant vous en ma qualité de rapporteur du projet de loi pour le secteur de la pêche maritime, qui m’est cher, et celui de l’aquaculture, qui lui est complémentaire.

Ainsi que vous le savez, la pêche française connaît des difficultés économiques structurelles. Elle est, en outre, concernée par l’importante échéance que constitue la réforme en cours de la politique commune de pêche. Le projet de loi que nous allons voter constitue un préalable nécessaire pour aborder cette réforme dans de bonnes conditions.

Il est fondamental que la profession puisse s’engager dans une politique de modernisation de ses structures et de rationalisation du mode de gestion de la ressource. Comme en a convenu l’ensemble des personnes du monde maritime que j’ai auditionnées, il s’agit là d’une mutation nécessaire pour l’ensemble de la filière. C’est cette volonté qui trouve sa traduction dans le présent projet de loi.

Sans détailler l’ensemble des mesures proposées par le texte, je veux insister sur ses principaux points : la création, tant attendue, d’une instance de discussion entre scientifiques et pêcheurs, le « comité de liaison scientifique et technique », destiné à rapprocher les analyses des premiers et les observations empiriques des seconds, comité au sein duquel siégeront des parlementaires ; la clarification des compétences entre les organisations de producteurs et les comités pour la gestion de la ressource et la délivrance des autorisations de pêche ; la réforme de l’organisation professionnelle, avec une clarification des missions respectives du comité national et des comités régionaux ; la faculté de créer des comités départementaux ou interdépartementaux là où cela sera nécessaire, et la possibilité de confier des missions d’accueil et de proximité à des antennes locales. Cette réorganisation pourra s’appuyer sur une partie de la taxe sur les installations éoliennes en mer – je tiens d’ailleurs à saluer cette initiative qui dote les comités d’une ressource pérenne.

Cette refonte de l’organisation professionnelle s’accompagne, sur le terrain, de la création d’une véritable interprofession, France Filière Pêche, qui sera chargée des intérêts économiques. N’oublions pas la création des schémas régionaux de développement de l’aquaculture marine, qui doivent permettre de relancer les implantations dans un secteur où la recherche française, qui fut particulièrement performante, n’est malheureusement pas suivie par notre production.

Enfin, monsieur le ministre, je serai attentif aux travaux que vous avez promis en faveur de la nécessaire modernisation d’une partie de la flotte des navires de pêche, afin de s’adapter au renchérissement du coût du carburant, mais surtout, comme nous le souhaitons tous, de renforcer la sécurité de nos équipages.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. Louis Guédon, rapporteur. La pêche française est en crise, il vous appartient de conserver une activité maritime dans notre pays, qui possède le plus grand littoral maritime d’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, avant de vous parler de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, je voudrais d’abord vous remercier pour la qualité des débats que nous avons eus ensemble durant de nombreuses heures au cours de la semaine passée. Ces débats correspondent parfaitement à l’idée que je me fais d’une discussion démocratique sur un texte essentiel où nous parlons des questions de fond et des problèmes des Français, en l’occurrence les agriculteurs et les pêcheurs, plutôt que d’autres sujets qui font l’objet de vaines polémiques et de grands titres dans les journaux. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je veux remercier tout particulièrement le rapporteur Michel Raison, qui a su nous aider à construire ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy. Excellent rapporteur !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …aidé, sur le volet « pêche » – qui n’a pas été négligé, je tiens à le préciser –, par Louis Guédon (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je remercie également M. le président de la commission des affaires économiques, qui a porté ce texte d’un bout à l’autre et a su trouver les derniers compromis qui vont nous permettre de l’adopter dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Jean Mallot. N’oublions pas les décors de Roger Hart et les costumes de Donald Cardwell ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Tous les participants à ce débat, droite et gauche confondues, ont fait preuve, sur ce texte, de sens du compromis et d’une volonté constructive afin d’aboutir au meilleur texte possible au service de nos agriculteurs et de nos pêcheurs. Ce texte change profondément l’agriculture française…

M. Jean Mallot. Pas vraiment !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …il marque un tournant, il fixe un cap politique – la sécurité et la qualité alimentaires – et il donne les moyens de stabiliser le revenu des agriculteurs. Si je n’ai pas besoin de convaincre les députés qui se trouvent à la droite de l’hémicycle, j’ai entendu, en revanche, les critiques et le scepticisme de certains d’entre vous. Je veux rappeler les éléments de fond qui se trouvent dans ce texte, qui font qu’il marque effectivement un tournant dans l’histoire de notre agriculture et de notre pêche.

Jusqu’à présent, les contrats étaient l’exception dans l’agriculture et la pêche française, et les agriculteurs pouvaient effectuer des investissements s’élevant à plusieurs centaines de milliers d’euros sans même savoir ce qu’ils allaient toucher à la fin du mois. Désormais, les contrats écrits sont obligatoires entre industriels et producteurs. C’était le seul moyen d’assurer la stabilisation du revenu des agriculteurs dans les années à venir…

M. François Rochebloine. Absolument !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …et la Commission européenne vient d’ailleurs de proposer, aujourd’hui même, cette solution à tous les agriculteurs européens. Dans ce domaine, la France a donc pris un temps d’avance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il n’y avait, jusqu’à présent, que des outils lacunaires contre le risque auquel étaient exposés les agriculteurs. Désormais, ce texte opère une refonte totale des dispositifs de protection des agriculteurs contre les risques, qu’ils soient climatiques, sanitaires ou environnementaux, avec la création du Fonds national de garantie contre les risques agricoles qui, pour la première fois de l’histoire de notre agriculture, couvrira les calamités agricoles…

M. Louis Giscard d’Estaing. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …les fonds de prévoyance, les dispositifs d’assurance, y compris contre les risques économiques. C’est un tournant majeur dans l’histoire de notre agriculture !

M. Louis Giscard d’Estaing et M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Pour la première fois, ces assurances couvriront également la forêt, grâce au compte épargne forêt. Je sais que dans leur immense générosité, certains parlementaires souhaitaient élargir ce compte à l’investissement ; je me félicite toutefois que, dans leur grande sagesse, la majorité des parlementaires aient préféré ne pas créer de niches fiscales supplémentaires, en limitant ce compte à la seule assurance. Désormais, grâce à la réassurance publique – que tous les gouvernements ont cherché, en vain, à mettre en place depuis dix ans –, il existe des dispositifs de sécurité pour tous les risques de l’agriculture française. C’est une véritable révolution pour notre agriculture !

Il y avait un défaut de transparence sur les circuits de commercialisation. Nous avons amélioré la transparence au profit des producteurs agricoles, notamment grâce à l’observatoire des prix et des marges, avec à sa tête un spécialiste de ces questions. Cet observatoire couvrira tous les produits agricoles, ce qui vous permettra à vous, parlementaires, de tirer toutes les conséquences des écarts de valeur ajoutée entre ce dont dispose le producteur et ce dont dispose l’industriel. Nous souhaitons tous en finir avec les situations que nous connaissons actuellement, où un producteur dépense 60 centimes d’euro pour produire un kilo de pommes qu’il vend 80 centimes d’euros et qui se retrouve finalement à deux euros sur les étals de la grande distribution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Absolument ! C’est scandaleux !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Il n’y avait aucun dispositif sérieux sur la préservation des terres agricoles en France, ce qui fait que nous perdions, chaque année, 200 hectares de terres agricoles. Messieurs les socialistes, vous auriez pu vous préoccuper de ce problème lorsque vous étiez au pouvoir, mais vous n’avez rien fait !

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est vrai !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Nous avons prévu un dispositif de protection des terres agricoles en taxant la spéculation sur les terres agricoles, le produit de cette taxe étant affecté aux jeunes agriculteurs, afin de les soutenir lors de leur installation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier, vice-président de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Il n’y avait rien, ou peu de chose, sur les organisations de producteurs. Nous allons renforcer ces organisations, notamment, comme l’a indiqué Louis Guédon tout à l’heure, en ce qui concerne la filière de la pêche.

Ce texte prépare l’avenir de l’agriculture et de la pêche françaises, mais il apporte aussi des réponses concrètes aux préoccupations de nos agriculteurs. La création du GAEC entre époux est une disposition que tous les agriculteurs français attendaient depuis plus de trente ans. Elle consacre la reconnaissance du travail des conjoints d’agriculteurs dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous n’avions aucun dispositif relatif au foncier agricole, et des dispositifs lacunaires sur l’installation des jeunes. L’affectation de la taxe permettra de combler cette lacune. En ce qui concerne le regroupement des installations, cher à Marc Le Fur, nous avons trouvé, tous ensemble, le point d’équilibre qui permettra à la fois d’améliorer la compétitivité des productions agricoles françaises, notamment des exploitations porcines, tout en préservant l’agriculture et le développement durable, auxquels nous sommes tous attachés.

Enfin, s’agissant des pêcheurs, nous avons prévu de réaffecter directement une partie de la taxe sur l’éolien offshore aux pêcheurs, afin de leur permettre de poursuivre leur activité dans les meilleures conditions. Dans ce domaine, un tournant est pris et des réponses concrètes sont apportées aux préoccupations exprimées par les agriculteurs et les pêcheurs de notre pays !

M. Jean-Pierre Gorges. Enfin un vrai ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Je rentre aujourd’hui de Bruxelles, où j’ai participé au Conseil des ministres de l’agriculture. Il y a un an, la position que je défendais sur la régulation européenne des marchés agricoles…

M. François Rochebloine. Ce que nous souhaitions !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …suscitait un scepticisme total de la part des vingt-six autres membres de l’Union européenne. Il y a un an, la position de la France sur la réorganisation des marchés agricoles, sur les réponses concrètes à apporter aux agriculteurs en France et en Europe, était une position isolée. À l’heure actuelle, la position française est le point d’équilibre des vingt-sept États membres de l’Union européenne. La régulation européenne des marchés agricoles n’est plus un tabou, mais le sujet de discussion de tous les États membres et, pour nous, la consécration d’un progrès majeur.

J’ai eu l’occasion de discuter avec les parlementaires européens, de droite comme de gauche, du rapport Lyon, présenté au Parlement européen et adopté à une très large majorité.

M. Jean Mallot. Quelle audace !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Il me semble d’ailleurs que certains parlementaires européens socialistes sont plus ouverts, sur ces sujets, que leurs collègues de l’Assemblée nationale…

M. François Rochebloine. C’est certain !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …car ils ont parfaitement compris qu’il était temps d’évoluer.

M. Jean Mallot. Nous n’avons rien dit, ne nous faites pas de procès d’intention, monsieur le ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Le rapport Lyon reconnaît la nécessité d’une régulation des marchés. Le rapport du groupe à haut niveau sur le lait, remis aujourd’hui, et qui constitue la base de la réflexion sur ce que sera l’Europe agricole de demain, propose la mise en place de contrats systématiques entre industriels et producteurs dans tous les pays européens, en accord avec ce que vous venez de mettre en place avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

M. Louis Giscard d’Estaing. C’était nécessaire !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Ce rapport propose le renforcement des organisations de producteurs et des interprofessions, conformément à ce que vous avez décidé avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Ce rapport demande de la transparence et des informations sur les volumes : cela correspond, là encore, à ce que vous venez de mettre en place. Ce rapport demande également une adaptation du droit de la concurrence, afin de permettre aux producteurs de mieux se regrouper et de mieux négocier leurs intérêts face aux industriels : c’est exactement ce pour quoi nous nous battons tous, au service des producteurs français et européens.

Enfin, nous aurons, je l’espère, au mois de septembre ou à la rentrée prochaine, une position franco-allemande sur l’avenir de la politique agricole commune. Depuis vingt ans, l’agriculture est un sujet qui divise la France et l’Allemagne. Depuis vingt ans, nous attendons toujours le dernier moment pour que les deux chefs d’État – le Président de la République française et le chancelier allemand – s’affrontent sur les questions agricoles. Pour la première fois depuis vingt ans, si nous poursuivons, notamment cet été, le travail engagé, nous aurons, en septembre prochain, une position commune de la France et de l’Allemagne, qui représentent, à elles seules, un tiers de la production agricole européenne, pour définir les grandes lignes de l’avenir de la politique agricole commune. C’est un changement majeur et une véritable avancée pour notre propre agriculture.

M. Jean-Pierre Soisson. Dieu vous entende ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. Restons laïcs ! Il est inutile de mêler Dieu à ces affaires-là !

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Ce texte de loi n’est, certes, pas la fin de l’histoire. Il marque un tournant, il marque le début d’un nouvel élan pour l’agriculture française, et nous devons poursuivre en ce sens, notamment en nous attachant à préserver une position commune franco-allemande. Nous devons également poursuivre en ce sens en mettant en place des plans de développement, filière par filière, afin d’apporter les réponses que chacun attend dans la viticulture, dans l’élevage, dans la filière du lait ou des grandes cultures.

Nous devons poursuivre la défense de nos intérêts européens en réaffirmant une préférence communautaire renouvelée, en refusant que l’agriculture constitue systématiquement, dans les négociations commerciales, la variable d’ajustement des grands équilibres commerciaux de l’Europe avec le reste du monde. (« Mais que faisait Barnier ? » sur les bancs du groupe SRC.)

Nous devons continuer à nous battre pour défendre les intérêts agricoles. À la fin de l’examen de ce texte, je veux vous dire tous mes remerciements pour la qualité du débat que nous avons eu ensemble et toute la confiance que j’ai dans l’avenir de l’agriculture et de la pêche de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mardi dernier, notre assemblée a adopté, en première lecture, le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Ce texte était très attendu par notre groupe parlementaire. En effet, durant les mois de crise qu’a connu le monde agricole, et notamment le secteur laitier, le Nouveau Centre a interpellé, semaine après semaine, le Gouvernement et vous en particulier, monsieur le ministre, lors des séances de questions d’actualité afin qu’une action soit menée en faveur des agriculteurs.

M. Jean Mallot. Le Nouveau Centre est l’aiguillon de la majorité !

M. François Rochebloine. Conscients de la dureté de la crise traversée par l’ensemble des filières agricoles, les députés du groupe NC ont été très mobilisés lors de l’examen du texte.

M. Jean Mallot. Ils sont d’ailleurs tous là, ce soir !

M. François Rochebloine. Je dois souligner qu’à l’issue des débats leur sentiment est partagé sur les résultats obtenus d’autant que les conclusions de la CMP n’ont pas bousculé de façon fondamentale les dispositions que nous avons adoptées la semaine dernière.

De manière incontestable, nous nous réjouissons du fait que ce projet de loi propose un certain nombre de mesures concrètes et utiles en termes d’organisation. C’est le cas de la contractualisation, dont il faudra analyser l’impact de manière très objective, du renforcement du rôle de régulateur des filières, du renforcement de l’observatoire des prix et des marges. Cette demande, portée depuis plusieurs années par le Nouveau Centre, vise à favoriser la transparence quant à l’évolution des prix entre producteurs et consommateurs.

Le projet de loi propose aussi le développement de l’assurance-récolte ou encore d’une politique de l’alimentation nationale favorisant les circuits courts et les produits locaux. Sur ces points, le texte répond à nos souhaits et à une attente partagée par le monde agricole et les consommateurs.

Ce projet de loi n’en reste pas moins, si vous me permettez l’expression, une boite à outil de portée limitée. Je me dois de dire que sur les deux enjeux majeurs que sont le coût du travail et le partage de la valeur ajoutée, nous regrettons que ce texte n’aille pas plus loin.

Les inquiétudes légitimes du monde agricole exigent des réponses à la hauteur de la crise. C’est pourquoi notre groupe, par l’intermédiaire de son porte-parole, Jean Dionis du Séjour, retenu ce soir par d’autres obligations, a défendu des amendements prévoyant une exonération totale des charges patronales pour les salariés des exploitations agricoles et notamment ceux de la filière des fruits et légumes.

Nous avons proposé de financer cette exonération d’un montant se situant autour de 500 millions d’euros par un prélèvement sur le chiffre d’affaires de la grande distribution par le biais de la TASCOM. Si cette initiative a suscité des débats constructifs, elle n’a, hélas, été retenue ni en première lecture ni en CMP.

Monsieur le ministre, nous sommes persuadés que, sur ce point, vous partagez au fond de vous-même une analyse très proche de la nôtre. Aussi, nous continuerons à défendre cette position à l’occasion des prochaines échéances, notamment budgétaires. Nous considérons en effet qu’il convient en priorité de faire en sorte que nos agriculteurs soient à armes égales avec leurs concurrents européens.

Au-delà, chacun sait que les véritables enjeux se situent dans une réelle régulation des marchés et que ces enjeux sont avant tout européens – vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Dans ce contexte, nous devrons affirmer haut et fort notre attachement à la défense de l’agriculture et de notre modèle agricole dans le cadre de la renégociation de la PAC pour l’après 2013. Notre groupe parlementaire se tiendra à vos côtés. C’est un enjeu vital pour nos territoires. Je constate avec satisfaction que le ministre de l’agriculture que vous êtes en a particulièrement conscience, ce qui est réconfortant pour la suite.

Une régulation européenne forte est indispensable pour pérenniser notre agriculture. Nous sommes plus que jamais déterminés à agir en ce sens.

Comme en première lecture, la majorité de notre groupe votera ce texte. Nous resterons cependant très vigilants pour préserver l’avenir du monde agricole et de nos territoires.

Pour conclure, et profitant de l’occasion qui m’est donnée ce soir, je voudrais vous informer d’une publicité apparue le week-end dernier et que le monde agricole de mon département a porté à ma connaissance. Elle vise à promouvoir la viande brésilienne et annonce des prix effectivement très bas. C’est très grave quand on sait les difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontés nos producteurs de viande. Monsieur le ministre, je vais vous adresser un courrier et je transmettrai également une lettre ouverte à la presse. C’est un grand groupe de supermarchés, bien connu dans la région stéphanoise, mais que l’on trouve partout en France et même à l’international, qui a diffusé cette publicité. Je trouve cela scandaleux, voire inadmissible. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Louis Cosyns.

M. Louis Cosyns. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je ne reviendrai pas sur les nombreuses avancées contenues dans ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Au cours de longues heures de débat, nous avons eu maintes fois l’occasion d’évoquer les dispositions qui font de ce texte un texte utile et ambitieux.

Les travaux de la commission mixte paritaire se sont particulièrement bien déroulés. Je tiens à attester ici de la qualité de nos échanges et de la sérénité de nos débats.

Cette ultime phase de la procédure parlementaire n’avait pas pour but de réconcilier des positions diamétralement opposées : il s’agissait plutôt d’effectuer les derniers ajustements et de trouver les derniers équilibres.

Si la commission mixte paritaire a pu délibérer sans heurts, c’est parce que les deux chambres ont pu auparavant enrichir largement le texte, et ce malgré l’engagement de la procédure accélérée.

Je tiens d’abord à saluer le travail de mes collègues sénateurs qui ont su apporter des modifications essentielles, par exemple sur le mécanisme de contractualisation. En laissant la priorité d’initiative aux interprofessions dans l’élaboration de contrats-types dans chaque secteur, le Sénat a fait le bon choix. Et l’Assemblée nationale a préservé ce souci de liberté et de responsabilité.

De la même façon, nos collègues sénateurs ont considérablement renforcé les prérogatives de l’Observatoire de la formation des prix et des marges créé par l’article 6. Je pense notamment à la peine de publicité en cas de non-transmission des données ou encore à la création d’un poste de président. Là encore, nous avons maintenu ces améliorations.

Après un vrai travail de fond réalisé en commission, ving-cinq heures de débat en séance publique ont été nécessaires pour donner à chacun la possibilité de s’exprimer. Je ne pourrai faire la liste des nombreuses corrections apportées par l’Assemblée nationale.

Je retiendrai seulement les véritables moyens donnés à la politique publique de l’alimentation. Je pense également à la gestion des risques, avec la prise en compte des pertes économiques liées à l’apparition d’un foyer de maladie végétale ou animale ou d’un incident environnemental.

Enfin, je tiens à évoquer l’adoption d’un amendement du Gouvernement visant à affecter le produit de la taxe sur les plus-values de cessions de terrains à un fonds pour l’installation des jeunes agriculteurs.

Je le disais, cette commission mixte paritaire a été l’occasion pour nous d’effectuer les derniers arbitrages. La CMP a fait preuve de sagesse en adoptant un amendement du rapporteur, M. Gérard César, visant à supprimer l’article 2 bis inséré en séance publique par les députés.

Cet article 2 bis prévoyait la publication par l’autorité administrative d’une liste des PNPP – Préparations Naturelles Peu Préoccupantes – « réputées autorisées », ce qui faisait double emploi avec le dispositif simplifié instauré dans le cadre de la loi sur l’eau de 2006 et consacré dans l’article 31 du Grenelle 1.

Concernant la réassurance publique, il est vrai que les modifications introduites à l’Assemblée nationale sur l’article 10 ont sans doute abouti à une rédaction trop chargée. Au final, c’est la portée normative du texte qui s’en trouvait altérée. Soucieux de la qualité des lois que nous votons, nous avons préféré revenir à la version initiale de l’article 10.

Enfin, sur la question du compte épargne d’assurance forestière, un amendement de notre président Patrick Ollier a permis de limiter l’utilisation des sommes versées au seul financement de travaux de reconstitution forestière, soit après un sinistre, soit pour des travaux de prévention d’un tel sinistre.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci d’en parler.

M. Louis Cosyns. Le déblocage de ces sommes pour l’investissement aurait été un choix contestable. En effet, donner la possibilité aux forestiers d’utiliser des sommes exonérées d’impôts pour réaliser de l’investissement productif s’apparenterait à la création d’une véritable niche fiscale. Or le contexte budgétaire ne nous invite pas à prendre de telles mesures.

Pour conclure, je me réjouis que la représentation nationale se soit investie sur ce texte, si important pour l’avenir de nos territoires. Je m’en réjouis d’autant plus que ce projet de loi nous donne les moyens d’en suivre l’application concrète. En effet, les mécanismes de suivi contenus dans ce texte vont permettre au Parlement d’exercer pleinement son rôle en matière de contrôle et d’évaluation, dans l’esprit de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

Monsieur le ministre, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, vous avez évoqué la qualité du débat : nous avons eu en effet un débat de qualité, même si nous ne faisons pas nôtres toutes les orientations qui ont été prises. Je tiens également à saluer la qualité des réponses du ministre, qui étaient généralement argumentées et précises. Même si nous ne partageons pas vos convictions, nous ne pouvons nier que vous avez fait œuvre de pédagogie dans cet hémicycle, et parfois en direction de votre majorité. Du reste, nous avons eu le sentiment que, sur certains sujets, vous aviez eu plus de mal à les convaincre que nous. (Sourires.)

Cela étant, ce texte, qui a été annoncé à grand renfort de tambours et de trompettes, mérite-t-il qu’on l’encense autant ?

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Oui !

M. Jean Gaubert. Qu’y trouve-t-on ?

M. Jean Mallot. Pas grand-chose !

M. Jean Gaubert. Peu d’articles normatifs, en tout cas. M. le président de la commission reproche souvent aux amendements déposés par la gauche de ne pas être assez normatifs. Monsieur Ollier, si vous supprimez tous les articles non normatifs, ce projet de loi tiendra en deux pages !

Un éminent personnage de la majorité a d’ailleurs considéré qu’en matière d’alimentation, ce texte relevait de la pétition de principes. Je le crois, moi aussi. Il ne peut pas en être vraiment autrement. Ce projet prend des engagements, donne des directions, mais il n’est pas normatif.

Ma deuxième observation portera sur la contractualisation, qui nous a été présentée comme la grande nouvelle affaire. Certes, le dispositif est intéressant, même s’il faudra veiller à ce qu’il ne se transforme pas en usine à gaz. Les agriculteurs devront ainsi continuer à garder la main sur le moyen de produire et leurs capacités de production. Mais nul n’a osé prétendre dans cet hémicycle que cette mesure allait changer quoi que soit au revenu des agriculteurs. On répond à la crise agricole par la contractualisation. Chacun admet cependant que celle-ci aura peu – ou pas – d’effets sur les prix. D’autant que, pour des raisons que nous n’approuvons pas mais que nous pouvons comprendre, vous avez refusé que toute référence aux prix de revient puisse être inscrite dans ce cadre.

Ce texte comporte également quelques mesures positives. Je pense ainsi aux GAEC entre époux. Enfin, les agriculteurs ne seront plus obligés de divorcer pour s’associer ! Je sais que certains juristes restent opposés à cette mesure mais celle-ci était attendue depuis longtemps. C’est une mesure de justice.

M. François Rochebloine. C’est bien de le reconnaître !

M. Jean Gaubert. Le statut de couple ne doit pas empêcher l’association.

Il faut relever aussi les dispositions relatives aux relations commerciales, l’assurance, la taxe sur les terrains. Encore que cette dernière ne doive pas trop faire rêver. Celle qu’avait mise en œuvre M. Borloo ne fonctionne pas très bien, en effet. En outre, une taxe de quelques pour-cent ne changera pas grand-chose à la spéculation dans la mesure où celle-ci conduit parfois à multiplier les prix du terrain agricole par dix, plutôt par cent et parfois par mille. C’est bien là le problème car, au-delà de cette taxe, il faudrait pouvoir agir autrement, y compris au sein du monde agricole. J’ai vu tant d’agriculteurs se battre pour que la terre reste agricole jusqu’à leurs cinquante-cinq ans et qui, passé cet âge-là, engageaient un nouveau combat pour la rendre constructible !

J’en viens aux commissions départementales d’observation de l’espace rural. Monsieur le ministre, nous savons à quoi nous en tenir en matière d’observatoire. Ainsi, si l’observatoire du Pic du Midi nous donne la possibilité d’observer le temps, il ne permet pas en revanche de changer le temps. Les nombreuses commissions indépendantes que la droite a créées depuis huit ans n’ont pas eu grand effet. Je crains qu’il n’en aille de même avec ce nouvel observatoire.

Sur le forfait agricole, je souhaite quant à moi qu’on entre vraiment dans le XXIe siècle et qu’on arrive à convaincre le monde agricole que le forfait est une mauvaise chose, et d’abord pour les agriculteurs. Certains d’entre eux paient en effet des impôts alors que tel ne devrait pas être le cas et ils ne bénéficient pas, de ce fait, de tous les avantages sociaux auxquels ils pourraient prétendre. D’autres, en revanche, se battent pour le forfait parce qu’ils paient ainsi beaucoup moins d’impôt que s’ils avaient été au bénéfice réel. Il faudra très rapidement abandonner cette résurgence de l’ancien temps.

Je ne reviendrai pas longuement sur la réglementation en matière d’environnement. Sur ce sujet, j’ai entendu à la fois qu’il fallait tout changer et que le texte ne changerait rien. Je voudrais donc savoir ce qu’il en est ! Certains diraient que l’on a agité un chiffon rouge. Pourtant, il y avait sans doute quand même des intérêts cachés et bien plus importants qu’on a bien voulu le dire au cours des débats. Vous-même, monsieur le ministre, vous avez minimisé les choses.

Dans tous les cas, ce qu’on peut remarquer, c’est que rien de ce que l’on trouve dans ce texte ne fait une nouvelle politique.

Il n’y a rien sur les structures, sinon des encouragements à la concentration.

Il n’y a rien non plus qui remette en cause la loi d’orientation agricole de 2006, qui commence pourtant aujourd’hui à faire des dégâts. En effet, pendant longtemps, le monde agricole n’a pas compris qu’on pouvait contester les commissions des structures, mais aujourd’hui les meilleurs avocats s’y sont mis et vous allez voir dans les temps qui viennent ce qui va se passer…

Il y a peu – sinon pas – de moyens financiers. On veut bien comprendre que la situation est extrêmement difficile, mais il ne fallait pas, là non plus, faire rêver les agriculteurs.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que ce texte marquait un tournant dans l’histoire. Mais j’ai presque toujours entendu vos prédécesseurs dire, en présentant leurs textes, qu’ils proposaient des tournants historiques. Alors, à force de tourner, on finit par tourner en rond… (Sourires.)

Et votre prédécesseur direct, M. Bussereau, ayant dit, sur la loi d’orientation agricole, que c’était un tournant, j’ai bien compté : deux tournants, cela fait une marche arrière (Rires sur les bancs du groupe SRC.) et ce n’est pas forcément la bonne formule pour avancer dans la direction que, les uns et les autres, nous souhaitons.

J’avais dit, à l’ouverture du débat, que c’était un texte d’attente. Je le confirme : c’est un texte qui vise à nous faire attendre au moins jusqu’en mai 2012. Vous voulez nous faire dire qu’il s’agit d’un texte d’attente de la nouvelle PAC. En un sens, nous sommes d’accord. Mais parlons-en, de cette nouvelle PAC, parce que, en réalité, c’est bien là le vrai problème ; c’est là que les choses se joueront.

Nous aurions préféré, tout compte fait – et je sais qu’un certain nombre de mes collègues de l’UMP sont d’accord avec moi là-dessus – un vrai texte d’orientation sur ce que nous attendons de la PAC d’après 2013. Peut-être aurons-nous l’occasion d’ici là, monsieur le ministre, d’examiner un tel texte. En tout état de cause, il aurait été important que vous nous disiez ce que vous pensez sur un certain nombre de sujets. Vous vous êtes exprimé sur la régulation, c’est vrai, mais bien d’autres sujets méritaient d’être abordés. Or ils ne l’ont pas été et je n’aurai pas non plus le temps de le faire ici non plus, puisque le temps qui m’était imparti sera bientôt écoulé.

Le rapporteur, Michel Raison, qui a fait un travail que je salue, même si je ne suis pas d’accord avec lui, parlait tout à l’heure d’une étape. C’est bien, en effet, la saison des étapes. (Sourires.) Eh bien, s’il en est ainsi, nous jugerons à l’arrivée !

M. Daniel Boisserie. Aujourd’hui, c’était jour de repos… (Sourires.)

M. Jean Gaubert. En effet, nous n’aurions donc pas dû avoir cette discussion aujourd’hui !

Nous jugerons à l’arrivée, disais-je, mais j’oserai dire que c’était plutôt une étape de transition que nous avions aujourd’hui avec ce texte. Quant à l’arrivée, elle aura lieu, bien sûr, non pas sur les Champs-Élysées, mais plutôt du côté de la rue de la Loi, à Bruxelles !

C’est là, monsieur le ministre, que se décidera l’avenir de l’agriculture. Sur ce point, nous sommes d’accord. Mais la question est la suivante : jusqu’où pourrez-vous aller ? La France mettra-t-elle tout son poids dans la balance ? En effet, il ne faut quand même pas oublier que nous avons des capacités, surtout s’il existe – comme vous nous l’avez dit à plusieurs reprises – un accord avec l’Allemagne. Nous mesurerons le moment venu la solidité de cet accord.

En tous les cas, vous aurez compris que le résultat de la CMP ne nous a pas fait changer d’avis par rapport au vote que nous avions émis précédemment dans cette assemblée : nous continuerons de voter résolument contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je ferai deux observations, ou plutôt porterai deux regards sur le projet de loi.

Le premier résulte de la discussion par l’Assemblée en première lecture. Chacun de nous, mes chers collègues – de la majorité comme de l’opposition –, a développé les problèmes de sa circonscription : les fruits, les légumes, la viande hachée ou encore la viande congelée... François Rochebloine, tout à l’heure, a évoqué la promotion de la viande brésilienne. Eh bien, le groupe Casino mérite, comme mon chien, quand il dérape, un coup sur le museau ! (Sourires.)

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jean-Pierre Soisson. Mais ce n’est pas l’essentiel.

Il faut dire la vérité : les agriculteurs ne trouveront pas dans ce projet de loi la solution à tous leurs problèmes. Il ne permettra pas, notamment, l’augmentation de leurs revenus. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le second regard, qui me paraît plus essentiel, concerne l’inscription dans la politique européenne de demain, à laquelle Jean Gaubert a fait allusion. L’essentiel, monsieur le ministre, c’est l’évolution du droit de la concurrence ; c’est ce que vous avez pu obtenir aujourd’hui à Bruxelles ; ce sera la négociation de la prochaine politique agricole commune. Or à cet égard notre projet de loi va dans le bon sens ; il représente une étape. Jean Gaubert a d’ailleurs raison : l’arrivée ne se jouera pas sur les Champs-Élysées ; elle se jouera à Bruxelles. Et à Bruxelles, monsieur Le Maire, vous êtes le meilleur ! (Sourires.)

Nous allons donc vous soutenir, parce que nous croyons en la possibilité qu’aura, grâce à vous, notre pays de jouer à Bruxelles un rôle plus important. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs, je me contenterai pour ma part d’évoquer les poissons.

Tout à l’heure, l’un de nos collègues a parlé des produits de l’agriculture. Je traiterai quant à moi, si vous le permettez, du titre IV, dans lequel treize articles concernent la pêche. Et, puisque l’on parle peu de cette activité dans cet hémicycle – je le dis à chaque fois – et notamment des hommes qui la font vivre, je voudrais y consacrer les quelques minutes dont je dispose.

Monsieur le ministre, vous avez rappelé, en ouverture des assises de la filière pêche et produits de la mer, le 23 juin dernier, combien le Gouvernement était attaché à la pêche. Vous avez dit combien cette activité était stratégique pour la France, dans la mesure où son économie est importante, avec encore un certain nombre de marins, des emplois induits et une activité traditionnelle le long du littoral. Vous avez aussi dit combien vous étiez attaché aux ports artisanaux qui animent le littoral français.

Vous êtes également ministre de l’alimentation. Vous savez donc que nous importons en France 80 % du poisson que nous consommons. Il est bon, aussi, de rappeler combien le poisson joue un rôle important dans l’équilibre alimentaire. Tout cela n’est pas négligeable et il convient en tout cas que notre pays maintienne cette activité le long du littoral. C’est une question d’alimentation et cela concerne non seulement les étals des poissonniers, mais aussi ceux de la grande distribution.

Mon collègue M. Guédon a rappelé tout à l’heure la crise qui est aujourd’hui celle du secteur des pêches, et notamment le manque de visibilité à court terme dont il souffre. Il a rappelé la faiblesse des cours, sans oublier le fait que les navires vieillissent, ce qui met quelquefois en jeu la sécurité des marins. Il a dit que l’on ne construit plus de bateaux aujourd’hui parce qu’il n’y a plus de subventions : le coût d’un bateau neuf est donc exorbitant, et ce d’autant plus que la rentabilité n’est plus au rendez-vous. En effet, le prix de gasoil a beaucoup augmenté, de même que les charges et ce n’est évidemment pas le remboursement du FPAP, le Fonds de prévention des aléas de la pêche, qui va arranger les affaires des patrons pêcheurs, que j’ai rencontrés encore hier : ils sont obligés de rembourser 70 000 euros qu’ils ont perçus au titre de ce fonds.

Il n’y a donc ni investissements, ni renouvellement du matériel. Les outils sont anciens et je ne sais pas ce qu’il adviendra demain si jamais le gasoil se mettait à augmenter de façon considérable, comme cela s’est produit à la fin de 2007 et au début de 2008. La situation serait gravissime et l’activité courrait presque le risque de disparaître.

Je voudrais dire aussi un mot sur l’attractivité du métier, qui souffre énormément de cette situation. Vous le savez, monsieur le ministre, on ne compte plus aujourd’hui le nombre de dérogations qui sont accordées aux marins pour leur permettre de constituer des équipages afin d’aller en mer.

Bref, la situation est assez noire. Malgré tout, il y a quand même encore une certaine dynamique dans nombre de ports français et, quant à moi, je veux croire en cette activité, qui est importante pour notre littoral, en particulier le littoral breton que je connais bien et qui ne peut pas concevoir son avenir sans une forte activité de pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. Elle a raison !

Mme Annick Le Loch. Bien sûr, ce ne sont pas, hélas ! les dispositions du texte qui vont changer les choses.

Vous allez me dire évidemment, monsieur le ministre, que ce texte n’avait pas pour but de modifier la politique commune des pêches, puisqu’il s’agit depuis longtemps d’une politique européenne.

Votre prédécesseur, monsieur Barnier, avait lancé en 2008 un plan important, avec un montant de 310 millions. Je ne saurais dire s’il porte ses fruits aujourd’hui, mais, concrètement, on a assisté à des plans de sortie de flotte successifs qui ont mis à mal certains ports, notamment en Bretagne. Les bénéfices de ce plan ne sont pas bien visibles, mais, bien sûr, tout cela dépend de la politique européenne des pêches.

Vous avez dit à plusieurs reprises dans la discussion que ce plan était un point de départ de la modernisation de la pêche. Je veux vous en donner acte : une concertation préalable a eu lieu, puisque j’ai eu l’occasion d’assister, il y a des mois de cela, à quelques réunions préparatoires à ce texte au sein de votre ministère.

Ce projet concerne essentiellement, comme on l’a dit, la gouvernance de la pêche, notamment par la suppression des comités locaux. Or je pense que c’est là un recul, pour ce qui est de la proximité, par rapport à ce qui existait dans les quartiers maritimes. Il était par ailleurs nécessaire de renforcer les organisations de producteurs : il y a de vrais savoir-faire chez nous au niveau de la mise en marché et de la commercialisation.

Il concerne également les schémas régionaux de développement de l’aquaculture et la création d’un comité de liaison scientifique. Il comprend aussi des dispositions concernant l’outre-mer. Pour autant, ce texte est-il à la hauteur des enjeux ? Pas tout à fait. Les organisations de producteurs en sortiront certes renforcées ;  or la commercialisation est importante, et il est inconcevable qu’encore aujourd’hui des tonnes de langoustines et de merlus soient détruites sur nos ports.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !

Mme Annick Le Loch. Comme vous le savez, on a fait en sorte, à travers un amendement, que la contractualisation s’applique aussi dans le secteur de la pêche. Certains craignent malgré tout un affaiblissement du secteur du mareyage, mais aussi une massification qui ferait que certaines criées soient encore plus fragilisées.

Au niveau des comités locaux, les missions de service public ne sont pas affichées. Elles le sont uniquement au niveau du comité national, pas au niveau des comités régionaux et des comités départementaux. À ce sujet, j’ai rencontré encore hier M. Le Berre, président du comité régional des pêches maritimes de Bretagne.

Il y a peut-être un petit espoir :…

M. le président. Madame Le Loch, je suis désolé, mais vous devez vous arrêter.

Mme Annick Le Loch. …aujourd’hui, dans la presse, il était question du rapport de M. Cadec, qui a été adopté par le Parlement européen et qui laisse un espoir que l’Europe change demain, qu’elle ait une vision un peu plus protectionniste, en promouvant une concurrence loyale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, comme beaucoup ici, j’ai écouté le Président de la République ce soir. Que nous a-t-il dit ? Que la France n’est pas une île, qu’elle a de multiples concurrents et que cette concurrence se manifeste dans de multiples domaines et en particulier dans le domaine agricole.

Il nous a dit que l’Allemagne est un pays ami, un voisin, mais aussi un concurrent redoutable dans le domaine agricole. On sait ce qui se passe notamment pour les légumes et l’élevage : nous avons dû acheter beaucoup de lait il y a peu de temps à l’Allemagne.

Autant de réalités qui changent la donne en Europe et qui nous imposent de faire en sorte que nos agriculteurs luttent à armes égales contre cette concurrence redoutable. Nous avons des agriculteurs extrêmement compétents : nos céréaliers, nos éleveurs, nos viticulteurs comptent parmi les meilleurs du monde dans leurs domaines. Encore faut-il éviter de leur compliquer l’existence ; encore faut-il faire en sorte qu’ils ne soient pas retardés par de multiples difficultés d’ordre administratif.

Je crois que nous avons progressé dans ce domaine. Je pense, bien évidemment, à ce qui s’est passé dans le domaine de l’élevage. Aujourd’hui, la plupart de nos élevages sont des installations classées.

Nous avons progressé en termes de stabilité juridique, puisque les délais de recours contentieux sont désormais mieux encadrés. Nous avons progressé en termes de délais d’instruction, et je vous en remercie, monsieur le ministre, puisque désormais l’ensemble de la procédure devra être achevé en un an, ce qui est un vrai progrès. Je souhaiterais d’ailleurs que des instructions très précises soient données à l’ensemble des administrations pour que ce délai soit respecté.

Enfin, nous avons allégé les procédures, de façon à éviter, dans toute la mesure du possible, aussi bien les enquêtes publiques que les études d’impact, qui sont autant d’occasions de lourdeurs, de difficultés et d’incompréhension.

Je voudrais saluer tous ceux dont les efforts ont concouru à trouver ce compromis : vous-même, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur. La situation reste compliquée ; mais l’essentiel est que nous progressions, pour aider ceux qui veulent entreprendre, ceux qui veulent moderniser leurs installations, ceux qui veulent, par cette modernisation, contribuer à améliorer l’environnement.

Monsieur le ministre, je crois que tous ceux qui ont voulu minorer l’importance de ce texte, voire l’ignorer, se sont trompés : compte tenu des circonstances – financières, fiscales –, c’est un bon texte, un texte qui nous permet de progresser et dont la cohérence est réelle.

Quel est, depuis toujours, le vrai souci de l’agriculteur ? C’est l’aléa – c’est le risque climatique, l’incertitude sanitaire, la variation des marchés. Or nous disposons désormais de trois outils différents, l’un fiscal, le deuxième assurantiel et le troisième contractuel, qui nous permettront d’atténuer cet aléa.

La dotation pour aléa représente un véritable progrès – nous avions déjà progressé sur ce sujet dans la loi de finances pour cette année. Désormais, le risque économique est pris en compte.

J’insisterai également sur l’assurance : nous faisons là, monsieur le ministre, un pas de géant – un pas dont les agriculteurs eux-mêmes n’ont pas encore pris conscience, car le dispositif est encore très peu diffusé. Il ne demande qu’à l’être, mais encore faut-il pour cela que la loi existe – ce sera le cas dans quelques jours ou dans quelques heures ; encore faut-il également que l’ensemble des assureurs proposent les produits les plus adaptés possibles et que la concurrence joue dans toute la mesure du possible.

Enfin, l’oral dominait exagérément dans les contrats du monde agricole : il faut désormais des contrats écrits ; mais il faut aussi que les différentes parties contractantes y soient à armes égales. Car si nous avons intérêt à ce qu’existent des géants agro-alimentaires – qui doivent à leur tour pouvoir lutter avec leurs concurrents européens – il faut que, face à eux, les agriculteurs puissent s’organiser. Avec ce texte, nous avons également progressé vers une meilleure organisation des producteurs : ces contrats doivent être aussi stables que possible, et aussi favorables que possible aux producteurs, et au monde agricole en général.

Nous disposons ainsi, je crois, d’un dispositif cohérent, important, qui permet de faire des choses, et qui va vous permettre, monsieur le ministre, de partir vers cette tâche compliquée que sera la négociation de la réforme de la PAC. Notre Gouvernement, et vous-même, monsieur le ministre, êtes très attendus sur ce point ; grâce à ce texte cohérent, vous détiendrez en tout cas un mandat de la représentation nationale. Nous allons adopter aujourd’hui un bon texte, un texte de progrès, un texte dont, j’en suis convaincu, les agriculteurs mesureront bientôt toute l’importance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 13 juillet à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.)