Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 23 octobre 2009

Deuxième séance du vendredi 23 octobre 2009

Présidence de M. Maurice Leroy
vice-président

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Projet de loi de finances pour 2010 Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2010 (n os 1946, 1967).

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 3.

Article 3

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, inscrit sur l’article.

M. Jean Launay. Compte tenu de la difficile discussion que nous avons eue hier sur les modalités de financement des chambres de commerce et d’industrie au-delà de 2010, nous souhaitons reposer le problème à cet article. Le rejet de l’amendement Laffineur, qui permettait d’inclure le financement des CCI dans la cotisation à la valeur ajoutée laisse entier le problème. D’ailleurs, notre rapporteur général ne s’y est pas trompé, lui qui dans son rapport sur les conditions générales de l’équilibre financier précise que les « dispositions provisoires pour 2010 acrobatiques…

Mme Catherine Vautrin. Tout à fait.

M. Jean Launay. …reconstituant le cas échéant un produit acquitté en 2009 théorique ne proposent pas de solution de financement des CCI à compter de 2011 ».

Au-delà de la pénibilité de la séance d’hier pour la représentation nationale, même pour ceux qui se sont pliés en retirant leur amendement,…

M. Jérôme Cahuzac. Surtout pour eux!

M. Jean Launay. …la question du financement des CCI reste entière et nous devons essayer d’y répondre dans cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je voudrais interroger le Gouvernement sur le financement des chambres de commerce et d’industrie. Le rejet de l’amendement de M. Marc Laffineur pose en effet problème. Je ne comprends pas bien la logique du système. Vous avez, madame la ministre, avec raison, supprimé pour les entreprises la fiscalité reposant sur l’investissement – c’est la suppression de la taxe professionnelle. S’agissant en revanche des chambres de commerce, vous maintenez, en quelque sorte virtuellement, l’ancien système, pour un an. Vous avez écouté le MEDEF, mais vous n’avez pas écouté les chambres de commerce, qui sont pourtant des établissements publics. Et vous allez leur imposer pour 2010 une sorte de RMI diminué, si j’ai bien compris, de 5 ou 10 %, le tout reposant sur la base illogique d’un système que vous avez par ailleurs rejeté.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Vous avez parfaitement compris.

M. Jean-Pierre Soisson. C’est en tout cas ce qu’il me semble avoir compris de la longue discussion d’hier. C’est comme si, dans une des belles églises de ma ville d’Auxerre, on détruisait tout sauf le pilier central de la crypte pour qu’il diffuse de la lumière sur cette pauvre chambre de commerce d’Auxerre que mon père a présidée pendant dix ou quinze ans.

Au fond, supprimer les chambres de commerce est une vieille idée du Gouvernement, pour voir comment s’organise entre les chambres de commerce et les structures professionnelles ou interprofessionnelles, la concertation avec le Gouvernement. Il est clair que les chambres de commerce sont souvent dirigées par des notables qui ne vous effraient pas. Mme Parisot, en revanche, vous fait peur. Alors vive les petites entreprises qu’elle se met un jour à défendre, et sacrifions la grande industrie!

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire . Exactement!

M. Jean-Pierre Soisson. Le MEDEF joue à contretemps et vous en avez peur. Les présidents de chambre de commerce sont là, humblement, ils viennent vous trouver presque un genou à terre et vous leur accordez pour 2010 un RMI sans aucune certitude pour les années suivantes. Permettez-moi de vous dire que dans la structure intellectuelle qui fonde votre raisonnement, je ne vois pas en quoi la part virtuelle qui sera la base du financement des chambres de commerce correspond à une réalité profonde, je vois mal l’intérêt qu’il y a à poursuivre dans cette voie, à moins que vous ne réformiez profondément les chambres de commerce, mais vous ne voulez pas ouvrir un nouveau front, et je vous comprends.

Par conséquent, on se rallie à une méthode qui est un expédient, un souvenir du système ancien, une virtualité sans aucune réalité, que l’on va diminuer de surcroît. C’est faire bien peu de cas de ce que les chambres de commerce représentent. Si l’on veut porter le couteau, autant aller jusqu’au bout et les supprimer!

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je m’inscris dans la lignée des propos tenus tant par M. Jean Launay que M. Jean-Pierre Soisson, à l’exclusion bien sûr de la conclusion de ce dernier puisque je ne tiens pas à ce que l’on supprime les chambres de commerce.

Je voudrais revenir concrètement sur ce que représentent aujourd’hui les CCI dans notre pays. Personne n’oublie que notre territoire compte 148 CCI départementales et 21 CCI régionales, qu’elles emploient en tout 30720 salariés et gèrent un budget de 4,2 milliards dont 1,161 milliard provient de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle, soit environ 27 %.

Nous devons aujourd’hui répondre à une double question: que faisons-nous pour l’année prochaine – excusez-moi du peu, mais il y a juste une petite urgence puisque c’est dans six semaines – et que pouvons-nous faire pour les prochaines années? Personne n’ignore que le Gouvernement a travaillé sur une réforme des chambres de commerce qui sera un jour inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée, mais en l’espèce, madame la ministre, vous mettez la charrue avant les bœufs. Très concrètement, il nous est demandé de retirer les bénéfices d’une réforme qui n’a pas encore été faite. Il faudrait produire les effets alors que nous ne savons même pas comment serons organisées les chambres demain.

Je voudrais revenir, madame la ministre, sur votre vibrant plaidoyer d’hier après-midi, à propos de l’amendement n° 45 à l’article 2. Vous nous avez expliqué combien il vous semblait important que, dans notre pays, nous soyons capables d’aider les PME parce qu’elles sont précisément créatrices d’emplois. Qui peut prétendre le contraire? Nous sommes évidemment d’accord. Mais, madame la ministre, dans nos départements, dans nos provinces, qui accompagne les porteurs de projets? Qui accompagne les créateurs d’entreprises? Savez-vous que l’année dernière, 340000 porteurs de projets ont été accompagnés par les CCI? Le Premier ministre n’a-t-il pas conclu l’année dernière l’Assemblée générale de la FCCI en expliquant que les chambres de commerce étaient un partenaire essentiel aux côtés des pouvoirs publics et qu’elles joueraient un rôle essentiel dans la lutte contre la crise? Que s’est-il passé? Le médiateur du crédit, quels furent ses relais dans les départements si ce ne sont les chambres de commerce? Je vous cite là des actions très concrètes, menées au plus près de toutes ces entreprises que vous voulez accompagner. Et encore, je ne parle pas des ports ni des aéroports.

Rappelons encore que ces chambres de commerce sont, après le ministère de l’éducation nationale, le deuxième formateur. Leurs prestigieuses écoles portent haut les couleurs de notre pays à l’international, avec des campus. Nous devons tenir compte de tous ces éléments.

La réforme, bien sûr que nous pouvons en parler. Elle devra être étudiée avec le projet présenté par votre secrétaire d’État, probablement à l’aune de la réforme des collectivités et de la réforme de la taxe professionnelle, pour répondre à trois questions assez simples: quelle mission pour les chambres de commerce, quelle organisation et quel financement? Mais permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que ce n’est pas en six semaines que nous répondrons à ces questions. Il me semble donc impératif que nous reconduisions au minimum, même si le système n’est pas satisfaisant, une subvention pour l’année prochaine, car finalement ce sera une dotation, et qu’ensemble nous déterminions à plus long terme, dans le cadre du projet de loi, les voies et moyens de financer les chambres de commerce.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Difficile de produire un réquisitoire plus sévère que celui qui vient d’être énoncé par M. Jean Launay, M. Jean-Pierre Soisson et Mme Catherine Vautrin.

Je crois que le problème du financement des chambres de commerce et d’industrie n’est que la première conséquence, du moins dans l’ordre chronologique, car ce ne sera sans doute pas la plus grave, du choix fait par le Gouvernement et imposé au Parlement du financement de la réforme des collectivités locales.

Là où mes collègues déplorent une absence de méthode, je serais tenté au contraire de voir une seule et même méthode: dans les deux cas, le financement est réformé sans que les attributions, les compétences, les rôles, les devoirs de chacune de ces institutions ne soit précisé.

Ainsi, le financement des ressources locales est drastiquement revu et réformé avant même que l’on ne sache ce que sera le rôle des collectivités locales puisque la réforme s’y rapportant interviendra plus tard.

De même, nous savons qu’une réforme des chambres de commerce et d’industrie est en cours, mais leur financement est envisagé avant même que le Gouvernement ne nous ait indiqué ce qu’il compte finalement leur réserver comme mission, comme tâche et comme devoirs.

La méthode est donc la même. Elle est totalement insatisfaisante puisqu’elle consiste à doter de moyens matériels des institutions avant que l’on ne sache ce que le gouvernement souhaite leur faire faire, peut-être d’ailleurs avant que le Gouvernement ne le sache lui-même.

Cette critique-là, me semble-t-il, est partagée sur tous nos bancs, puisque nous voyons tous aujourd’hui où nous entraîne l’adoption d’un barème et d’un choix politique que le Gouvernement a réussi hier, et dans les conditions que l’on sait, à imposer à la représentation nationale.

Ma deuxième critique rejoint celle de mes collègues. Comment condamner une assiette constituée des équipements et des biens mobiliers quand il s’agit de doter les collectivités et la conserver quand il s’agit de financer les chambres de commerce et d’industrie? À tout le moins, il y a là une incohérence.

Troisième critique et non des moindres: rien n’est prévu pour la suite. Nous légiférons pour un an et même pas de façon satisfaisante puisque, on l’a dit, l’assiette est devenue virtuelle et ce qui était prélevé sur la richesse produite localement le sera à partir de dotations budgétaires. On sait bien que le budget pourvoit à tout, y compris à ce qu’il ne peut plus payer, mais une tâche supplémentaire lui est désormais dévolue: celle de financer par dotation des chambres de commerce et d’industrie qui, du reste, ne demandaient pas ce type de financement.

Enfin, quatrième élément de mon propos qui n’est pas une critique mais une question: madame la ministre, pouvez-vous au moins nous indiquer si le financement des chambres de commerce et d’industrie, à partir de 2011, résultera de la richesse produite localement ou bien s’il sera assuré par une pure et simple dotation budgétaire? S’agira-t-il d’une territorialisation du financement des chambres de commerce et d’industrie? Vous vous êtes déclarée très attachée à ce principe, mais l’êtes-vous au point d’en conserver l’application pour les chambres de commerce et d’industrie ou assez peu pour l’exclure, après avoir tenté de le faire pour les collectivités locales?

Si c’est le principe de territorialisation qui prévaut, quelle taxe additionnelle à la CLA allez-vous proposer l’année prochaine au Parlement? Autrement dit, quel effort supplémentaire allez-vous demander aux petites et moyennes entreprises pour qu’elles financent les chambres de commerce et d’industrie? Cet effort constituera une charge supplémentaire pour les PME.

Vous avez reproché hier de manière tout à fait infondée au Parlement de vouloir alourdir les charges des PME. Rassurez-nous donc, madame la ministre, en nous garantissant qu’à partir de 2011 ce ne seront pas les PME qui financeront les CCI. Il faudra dès lors nous confirmer que c’est bien à partir de dotations budgétaires que vous allez le faire et nous indiquer quelles garanties vous entendez donner aux CCI pour que ces dotations évoluent de façon convaincante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Pour avoir été rapporteur de la partie du budget concernant les crédits dédiés au commerce et à l’artisanat, il y a quelques années, j’ai pu mesurer sur le terrain la diversité des chambres consulaires et, surtout, leur implication dans la vie locale, en particulier leur capacité à organiser la formation des apprentis.

Il me semblait avoir entendu que le Gouvernement, madame la ministre, nourrissait l’ambition de relancer la formation des futurs chefs d’entreprise, l’apprentissage et l’ensemble des contrats permettant de professionnaliser des jeunes. Or toutes ces missions, avec l’article 3, vous êtes en train de les condamner! Nous ne comprenons pas que, même si vous êtes allée un peu vite sur la réforme de la taxe professionnelle, vous n’ayez pas au moins assuré, pour l’année 2010, des budgets correspondant aux missions confiées par la loi aux chambres de commerce, ni assuré le financement des actions pluriannuelles qu’elles ont lancées.

C’est faire fi de la capacité d’intervention économique des chambres de commerce, faire fi d’une organisation spatiale dédiée à l’emploi, c’est même ne pas tenir compte de la valeur ajoutée des produits des entreprises qui adhèrent aux CCI. Cela contredit les discours officiels – mais nous y sommes habitués de ce côté-ci de l’hémicycle.

Vous ne voulez pas répondre à notre collègue Soisson sur votre éventuelle volonté de tuer ces organismes. Vous les étouffez, vous les garrottez, vous leur enlevez la sève, vous leur enlevez le sang et vous restez indifférente, madame! On inventera sans doute encore, après vous, des machines à faire du vent! Seulement, si la décision était définitivement votée de réduire les ressources des chambres consulaires de 5 % pour 2010, trois équivalents temps plein disparaîtraient dans celle avec laquelle j’ai l’habitude de travailler.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Parlez-vous de la chambre de commerce de Verdun?

M. Jean-Louis Dumont. Nous disposons d’une chambre d’industrie et de commerce dans le département de la Meuse qui suffit largement pour réaliser un excellent travail, tout comme la chambre des métiers. Je vais vous faire une confidence que vous ne répéterez pas: leur action s’inscrit totalement dans les perspectives dessinées par la majorité gouvernementale.

M. Christophe Caresche. C’est pour cela que vous les défendez?

M. Jean-Louis Dumont. C’est en effet pour cette raison que je les défends! (Sourires.) C’est qu’il faut tenir compte des futures minorités opprimées. Nous ne sommes tout de même pas une réserve!

Si je les défends, c’est parce que, en milieu rural, il y a aussi des ambitions économiques, il y a aussi des salariés qui veulent créer leur entreprise, devenir chefs d’entreprise, créer des emplois. Et sans un développement économique endogène, où en serions-nous aujourd’hui?

Pour répondre au rapporteur général, ces chambres consulaires s’inscrivent tout à fait dans la logique de la révision générale des politiques publiques et elles entendent bien se montrer exemplaires en matière de dépenses. Certes, me répondrez-vous, de nombreuses chambres ne l’ont pas été à une certaine époque. Mais si, au moins, leur gestion se révèle rigoureuse, nous n’en tirerons que du bien. Laissez leur donc, aujourd’hui, le temps de mener à bien leur évolution en ne les condamnant pas.

Alors que le Gouvernement n’est pas capable de diminuer ses propres dépenses de 5 %, on diminue d’autant le financement des chambres consulaires! Mes collègues les ont défendues avec beaucoup plus d’énergie et de compétence que je n’en saurais montrer. J’en appelle simplement, pour ma part, à un peu de cohérence et au sens de la responsabilité. Oui au développement économique, donc oui au maintien des missions de nos chambres consulaires! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Il n’aura pas échappé à l’Assemblée que j’ai laissé chaque orateur s’exprimer bien au-delà du temps imparti par le règlement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Mais c’était important!

Mme Catherine Vautrin. Est-ce à dire, monsieur le président, que cela ne saurait se reproduire?

M. Jean-Louis Dumont. Je vous remercie, vous êtes un excellent président!

M. le président. Merci à vous, monsieur Dumont!

M. Jérôme Cahuzac. Il faut faire des progrès en arithmétique!

M. le président. C’est à M. Dumont que vous vous adressez, j’imagine, monsieur Cahuzac! (Sourires.)

Le sujet étant sensible, j’ai laissé les orateurs s’exprimer.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il existe de nombreux sujets sensibles!

M. le président. Certes, et celui-ci en est un. Je n’en appelle pas moins l’Assemblée à revenir à une distribution du temps de parole respectant le règlement.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 47, tendant à supprimer l’article 3.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Notre collègue Jean-Pierre Soisson, fort de son expérience et de sa perspicacité légendaire, a touché du doigt le problème posé par la rédaction gouvernementale de l’article 3 et la raison pour laquelle la commission des finances l’a supprimé.

En effet, M. Soisson vient de nous le rappeler: le texte du Gouvernement prévoit que ce sont avant tout les entreprises industrielles qui vont financer les chambres de commerce pour 2010. Quand on examine la répartition de l’assiette « équipements et biens mobiliers », conservée fictivement en 2010 pour financer les chambres de commerce, on constate qu’à 60 %, cette assiette est constituée par des équipements d’entreprises importantes, en général industrielles.

C’est la raison pour laquelle la commission des finances a supprimé ce mode de financement pour 2010. Il est paradoxal de supprimer l’assiette « investissements » pour les collectivités locales, et de la maintenir pour les chambres de commerce.

La commission s’est efforcée de réaliser un travail très cohérent et je suis obligé de constater, comme l’a fait Jérôme Cahuzac, que l’on rejoint ici la question du barème.

M. Jean-Louis Idiart. Eh oui!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Avec l’amendement de Marc Laffineur, nous faisions en sorte que la baisse substantielle du produit de la taxe professionnelle – 8 milliards d’euros – concerne un peu moins tout un ensemble de petites entreprises de services, même si elles ont leur légitimité, créent des emplois, afin de garantir une plus grande marge de manœuvre aux entreprises industrielles. Il s’agissait de ne pas solliciter ces dernières à hauteur de 60 % pour financer les chambres de commerce. C’était l’objectif du débat d’hier sur le barème.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Bien sûr!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Didier Migaud l’a relevé ce matin: contrairement à ce qu’on peut lire dans la presse et en particulier contrairement aux déclarations du MEDEF, les élus que nous sommes n’avons pas travaillé pour les collectivités locales.

M. Jérôme Cahuzac. En partie!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Nous avons avant tout cherché, monsieur Cahuzac, à répartir le mieux possible la baisse de la taxe professionnelle car, et je trouve qu’on ne le dit pas suffisamment, notre expérience d’élus nous conduit à constater que nous avons absolument besoin d’alléger les charges de nos entreprises industrielles qui se battent sur les marchés étrangers.

M. Marc Laffineur. Très juste!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le problème principal, dans notre pays, c’est la désindustrialisation.

Ceci est totalement cohérent avec la proposition de Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand, datant de trois mois déjà, de réduire de 15 % les valeurs locatives de l’industrie pour lui permettre de bénéficier à plein de la baisse de la taxe professionnelle. Il faut donc marteler ce message: les députés travaillent avant tout avec le souci d’assurer la compétitivité de nos entreprises.

M. Jean-Louis Idiart. Exactement!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Reste que le barème choisi par le Gouvernement étant maintenu, il faut bien financer les chambres de commerce.

M. Jean-Louis Idiart. Et voilà!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . On ne peut par conséquent en rester à la suppression de l’article 3. En effet, nous-mêmes avions proposé une solution pour financer les chambres de commerce, mais, dans la mesure où notre proposition n’a pas été retenue, j’invite nos collègues à adopter l’article tout en lançant un message très fort, madame la ministre: nous ne pourrons pas continuer à faire peser le financement des chambres de commerce essentiellement sur l’industrie.

C’est d’autant plus logique qu’une grande partie des services rendus par les chambres de commerce profitent aussi aux PME dans les domaines, notamment, des services, du commerce… Aussi, très loin de remettre en cause le travail, l’efficacité, la qualité des chambres de commerce, j’estime que les entreprises qui bénéficient de leurs services doivent participer elles aussi à leur financement. Malheureusement, en 2010, la proposition de ne financer que sur la part investissements me paraît vraiment déséquilibrée.

Vous devez donc nous indiquer, madame la ministre, comment vous envisagez le financement des chambres de commerce au-delà de 2010.

M. Jean-Louis Idiart. Parisot n’a qu’à payer!

M. le président. Monsieur le rapporteur général, vous appelez l’Assemblée à voter l’article 3. Or vous venez de défendre l’amendement n° 47 de suppression de l’article…

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La suppression de l’article était consécutive à la mise en place d’un barème qui n’a pas été adopté hier. Or, soyons lucides: il faut bien financer les chambres de commerce. Je propose donc que nous adoptions l’article 3.

M. le président. Et donc de retirer l’amendement?

M. Christophe Caresche et Mme Catherine Vautrin. Il ne peut pas le retirer: il s’agit d’un amendement de la commission!

M. Jérôme Cahuzac. En effet, cet amendement ne lui appartient pas!

M. Marc Laffineur. S’il est retiré, je le reprends!

M. le président. Le rapporteur a toujours loisir de retirer un amendement de la commission.

La parole est à Mme la ministre de l’économie, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 47.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Merci, monsieur le rapporteur général, des éclairages que vous avez apportés.

Quel est l’objet de l’article 3? Il prévoit le financement des chambres de commerce sur une base réduite, de manière durable. Les chiffres que Catherine Vautrin indiquait sont parfaitement clairs: le financement par la taxe additionnelle à la taxe professionnelle, en l’état actuel, correspond à peu près à 27 % du financement des chambres de commerce et d’industrie.

Dans la mesure où l’on modifie la taxe professionnelle et où l’on passe à la contribution économique territoriale, la taxe additionnelle disparaît. On l’institue, mais on prévoit comme base la contribution locale d’activité. L’assiette est donc considérablement réduite, et le financement des chambres l’est également.

Nous sommes à la fin de l’année 2009. Il importe évidemment d’assurer le financement des chambres de commerce et d’industrie pour l’année 2010. Voilà pourquoi ce même article 3 prévoit la pérennité du financement des chambres de commerce et d’industrie pour l’année 2010 en appliquant un coefficient de 95 %, et ce pour une raison très simple. La révision générale des politiques publiques a été engagée par le Gouvernement pour essayer de restreindre la dépense, ce que vous applaudissez sur tous les bancs de cette assemblée. Nous avons à cœur de maintenir une gestion extrêmement serrée des deniers publics. Cette RGPP a été conduite de manière contradictoire avec les chambres de commerce et d’industrie. La conclusion, c’est qu’il était tout à fait possible de réaliser une économie de 15 % sur une période de trois ans. C’est la raison pour laquelle nous prévoyons la pérennité du financement en 2010, affectée d’un coefficient de 95 %.

Mais vous me demandez, et vous avez raison, ce qu’il en sera après 2010. Que l’on soit d’accord ou non avec la pondération des 95 %‚– nous y reviendrons bien sûr à l’occasion des amendements –, cela ne dure qu’une année. Ensuite, avec une base tellement réduite, la question du financement se pose.

Nous avons engagé – et Hervé Novelli y a consacré énormément de temps –, avec les chambres, régionales et départementales, une concertation visant à concevoir une réforme de fond. Nous avons travaillé de manière consensuelle avec l’ensemble des chambres, avec leurs représentants, avec leurs instances dirigeantes, auxquelles nous sommes tous très attachés, pour parvenir à un peu plus d’efficacité, dans le respect d’une bonne organisation. Cela a conduit, dans certains départements, à des rapprochements entre chambres, à des fusions, à des régimes optionnels, où l’on essaie de privilégier le consensus. Car c’est un milieu dans lequel le consensus est efficace.

Voilà la démarche qui est engagée, et elle ne remet pas en cause, d’une quelconque manière, la façon dont les chambres de commerce et d’industrie s’acquittent de leurs fonctions. Celles qu’elles exercent dans le cadre du financement que nous évoquons ici vont de la formation à l’accompagnement à l’international, en passant par l’assistance à la création d’entreprise, sans compter les opérations de gestion d’aéroport et autres.

Il n’est donc pas question de remettre en cause la qualité des services fournis. Il n’est pas question non plus d’assécher les chambres de commerce et d’industrie autrement que dans le cadre de la RGPP en 2010. Et il faut évidemment poursuivre ce travail de négociation et de concertation entre le Gouvernement, les CCI et les entreprises. Je parle bien de toutes les entreprises, et non pas seulement celles du secteur industriel. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, il faut que toutes les entreprises soient parties prenantes, notamment les petites et moyennes entreprises, parce qu’elles aussi en profitent, mais elles ne sont pas les seules. Il faut que ce travail se fasse. Il donnera lieu à un projet de loi qui sera très prochainement soumis au Parlement, je l’espère en janvier. Il importera de prévoir, dans ce cadre, tout à la fois la réorganisation structurelle de cette magnifique institution, mieux répartie sur le territoire, la bonne définition des missions et le financement.

Il n’y a pas urgence, puisque le financement est assuré à 95 % pour 2010. Et c’est dans le cadre de ce projet de loi que nous organiserons le financement pour 2011. Rien n’exige, pour parvenir à une réforme, qu’on ait déjà anticipé le financement.

J’aurais tendance à penser, personnellement, qu’il est peut-être plus raisonnable de définir d’abord les missions, la stratégie, la structure, pour ensuite déterminer le financement.

M. Jérôme Cahuzac. Vous faites le contraire!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Pour la réforme des collectivités territoriales, vous n’avez pas la même logique, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je ne fais pas le contraire pour les chambres de commerce et d’industrie, puisque je vous dis que nous prévoyons, pour des raisons de calendrier, la garantie du financement pour l’année 2010, pondérée de 95 % pour les raisons que j’ai dites. Pour 2011, nous préconisons de prévoir, dans un même corpus, les missions, la stratégie, la structure et le financement. Il n’est pas besoin de mettre les sous sur la table auparavant.

Vous m’avez interrogée, monsieur Cahuzac, sur ce qu’on pouvait envisager. Je suis convaincue que les entreprises, toutes les entreprises, doivent être parties prenantes au financement. En ce qui concerne les sources de financement, je suis bien d’accord avec M. le rapporteur général: toutes les entreprises doivent contribuer, et pas seulement les entreprises industrielles. En outre, je crois aussi qu’un mécanisme de territorialisation est nécessaire. Un mécanisme de péréquation ne serait pas non plus malvenu. Car on sait très bien que dans une même région, il peut y avoir une chambre très puissante et certaines autres qui le sont beaucoup moins. Une péréquation pourrait donc utilement s’appliquer aux chambres de commerce et d’industrie.

Voilà les précisions que je voulais apporter. Mais je vous engage très vivement, mesdames et messieurs les députés, à ne pas voter la suppression de l’article 3. Si on supprime cet article, c’est très simple: il n’y a pas de budget 2010 pour les chambres de commerce et d’industrie. Ou alors, il va falloir créer du budgétaire pur jus, rajouter un milliard d’euros dans le budget de l’État. Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée. À défaut, il n’y aura pas de financement disponible pour les CCI. L’article 3 est donc nécessaire, ne serait-ce que pour financer l’année 2010.

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Ce matin, je présidais la séance. Je n’ai donc pas pu répondre à toutes les attaques qui sont, me semble-t-il, en partie dirigées contre moi.

Depuis avant-hier, on assiste à une campagne de presse assez extraordinaire, qui vise à faire croire que ce que nous faisons, c’est contre les entreprises, contre les petites et moyennes entreprises. L’amendement que l’on appelle amendement Laffineur était visé par les déclarations du MEDEF. On a beau avoir une certaine habitude de la politique, ce n’est pas pour cela qu’on n’est pas touché quand on vous attaque.

Je trouve les déclarations du MEDEF scandaleuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe SRC.) Je rappelle quel était l’objet de notre amendement. Il s’agissait de retirer 1,2 milliard d’euros d’impôt sur les entreprises qui sont en situation de concurrence internationale, pour faire en sorte que les petites et moyennes entreprises, au lieu de gagner trois milliards, n’en gagnent que deux. Cela permettait de financer de façon pérenne les chambres de commerce et d’industrie, qui sont bien le reflet du commerce et de l’industrie en France. Voilà quel était l’objet de cet amendement. Et je n’ai en aucune façon l’impression d’avoir rendu un mauvais service à mon pays. Au contraire, j’ai essayé d’améliorer les choses et, dans le même esprit que la suppression de la taxe professionnelle, de rendre plus compétitives nos entreprises industrielles.

Ces déclarations m’ont profondément blessé. J’ai été scandalisé de voir que la présidente du MEDEF pouvait essayer de défendre des officines plutôt que l’intérêt général. Je tenais à le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Madame la ministre, je voudrais revenir sur le sujet de l’année prochaine. Vous nous dites que, globalement, les chambres de commerce doivent faire un effort comme tout le monde. Mais je n’ai pas compris que le mot d’ordre était: « moins 5 % partout pour l’année prochaine ».

Concrètement, l’amendement qui nous est proposé, outre qu’il pose un problème quant à son principe même, pose un second problème: le revenu des chambres l’année prochaine. Comment peuvent-elles fonctionner avec une réduction brutale de 5 % de leurs recettes, alors même que nous n’avons pas commencé la réforme?

Cette réforme est tout à fait intéressante, sauf que, sur le fond, nous commençons à peine les auditions à l’Assemblée. Je ne demande qu’à vous croire, madame la ministre, quand vous dites qu’elle sera sur le bureau de l’Assemblée en janvier prochain. Mais repenser globalement l’ensemble du système, travailler à la fois, comme vous le proposez à juste titre, sur les missions, le fonctionnement et le financement, tout cela en six semaines, cela me paraît particulièrement ambitieux.

Cela veut dire que nous avons un problème de fond: finalement, ce qui nous est proposé, c’est le choix entre la peste et le choléra. Soit nous prenons le risque de supprimer l’article, et nous nous donnons le temps que prendra l’examen du texte par le Sénat pour réfléchir à un financement. Soit nous votons l’article, mais alors nous entérinons la réduction de 5 % des recettes des chambres.

M. Jérôme Cahuzac. Très juste!

Mme Catherine Vautrin. Je suis désolée, mais je ne veux pas, comme ça, baisser de 5 % les recettes des chambres. C’est le sens des amendements que j’ai déposés, notamment pour porter le financement à 98 % du niveau actuel. Je ne suis pas là pour grappiller, mais le problème est de permettre aux chambres de remplir leurs missions l’année prochaine et de discuter de cette réforme dans de bonnes conditions.

Il serait important, madame la ministre, que vous nous disiez comment vous vous situez, entre 95 et 100 %. Cela pourrait aussi éclairer notre assemblée avant de voter cet amendement présenté par Gilles Carrez.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Je voudrais d’abord remercier Gilles Carrez pour les explications très brillantes, très sincères et très honnêtes qu’il vient de donner, quoique avec vingt-quatre heures de retard, je le crains, sur l’amendement Laffineur.

Je voudrais dire à Marc Laffineur toute notre solidarité dans cette affaire. Comme lui, nous avons été blessés par deux choses. D’abord, par le fait que le Gouvernement a, qu’il le veuille ou non, humilié l’Assemblée nationale dans son ensemble en imposant à sa majorité un vote qui, pour la très grande majorité de ses membres, s’est effectué contre leur conscience. Et ensuite, en n’assumant pas les conséquences de ce choix, comme le démontre d’ailleurs très bien l’article 3 que nous examinons aujourd’hui.

Mais je voudrais quand même dire à tous ceux qui siégent sur les bancs de la majorité et qui ont applaudi Marc Laffineur – et nous avons joint nos applaudissements aux vôtres, mes chers collègues – que l’applaudir aujourd’hui est évidemment très émouvant et très sincère, mais que voter son amendement hier eût été préférable.

Pour en revenir à l’amendement de suppression, madame la ministre, vous ne nous avez pas répondu. Nous ne savons pas dans quelles conditions le financement sera territorialisé. La seule chose qui est garantie, c’est l’assiette relative à la contribution locale d’activité, c’est-à-dire une assiette divisée par 5,7 comparativement à l’assiette actuelle. Il est impossible de financer les CCI dans ces conditions-là. Donc, il y aura des dotations budgétaires. Par conséquent, madame la ministre, quand vous dites être attachée au principe de territorialisation, peut-être le pensez-vous dans l’instant, mais en réalité, rien dans les actes du Gouvernement ne permet de rassurer la représentation nationale en l’état. Prétendre le contraire ne serait pas très honnête. En tout cas, il ne serait pas lucide, me semble-t-il, de le croire.

J’entends bien les jugements que porte le Gouvernement, par la voix de Mme Lagarde, sur l’action des chambres de commerce et d’industrie. Ces jugements seront d’autant plus élogieux que le financement de celles-ci sera passé au peigne fin et qu’elles seront réduites dans leur fonctionnement et dans leurs missions. J’engage vivement les responsables de ces chambres à se méfier de ces propos louangeurs, qui, à mon avis, n’annoncent rien de bon pour leur financement.

Avec votre permission, monsieur le président, je voudrais répondre à notre collègue Mme Vautrin. Si nous votons cet article, autrement dit si nous refusons l’amendement de suppression, vous avez raison, c’est fini, c’est comme ça. Et il n’est pas vrai que le Sénat reviendra sur cet article. On peut même penser qu’il y aura un vote conforme. C’est donc fini.

La seule façon de respecter le travail des chambres de commerce et d’industrie, c’est-à-dire de leur assurer un financement légitime, juste et pérenne, tout en revenant à une philosophie plus juste, à laquelle nous tenons, en matière de financement des collectivités locales, c’est précisément de voter cet amendement de suppression. C’est la seule façon d’amener le Gouvernement à revenir sur sa position quant au barème.

Vous avez applaudi notre collègue Marc Laffineur quand il a dénoncé ce qui lui a été fait hier. Encore une fois, nous avons eu raison de l’applaudir avec vous. Si vous voulez vraiment être solidaires avec le travail qu’il a fait et porté avec beaucoup d’autres collègues de la commission des finances, ainsi qu’avec le rapporteur général, qui vient encore de vous indiquer tout le bien qu’il fallait penser de cet amendement, si vraiment vous voulez donner une traduction concrète à ces applaudissements, vous voterez l’amendement de suppression et vous contraindrez ainsi le Gouvernement à revenir sur un barème qu’il a imposé à la conscience de la plupart d’entre vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je voudrais m’associer à l’indignation exprimée par Marc Laffineur et regretter qu’il ait été mis dans l’obligation de retirer son amendement.

M. Claude Bartolone. Péché originel!

M. Daniel Garrigue. J’ai entendu vos arguments en faveur du maintien de l’article 3, et je m’en inquiète. Sur le terrain, on constate une double réalité. En même temps qu’un phénomène de métropolisation, c’est-à-dire de regroupement au niveau des grandes agglomérations régionales de tout un ensemble de services, de dispositifs de soutien à l’économie, s’opère un affaiblissement continu du réseau d’accompagnement des entreprises sur le reste du territoire. J’en prendrai trois exemples.

Vous avez parlé de la RGPP et de la volonté de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux. Trop souvent, cette politique trouve son point d’application sur les services de l’État dans les territoires.

M. Jean-Louis Idiart. Il n’y en a plus! Il ne nous reste que des squelettes!

M. Daniel Garrigue. Je vois l’affaiblissement des moyens des préfectures et des sous-préfectures, le regroupement des directions des différents services au niveau régional, ce qui a pour conséquence, des retards considérables dans le traitement d’un grand nombre de dossiers au niveau départemental. Cela est très sensible sur des dossiers de reconversion, par exemple. Les dispositifs de pôles de compétitivité sont également très concentrés, comme les moyens et l’action d’OSÉO. L’établissement a reçu des moyens considérables, mais il est surtout implanté dans les grandes métropoles et a rarement des échelons d’action au plus près du territoire. La présence près du terrain des chambres consulaires compensait un peu cette situation. Non seulement vous êtes en train de prévoir la réduction de leurs moyens, mais on sait que la réforme qui se prépare aura pour effet de les regrouper, de les régionaliser encore plus.

J’attire votre attention sur le problème très sensible des réseaux d’accompagnement des PME sur le territoire. Toutes les PME ne sont pas dans les grandes agglomérations. Il y en a de très performantes sur l’ensemble du territoire, certaines pouvant être considérées comme des champions cachés – c’est ainsi que les Allemands désignent les PME qui consacrent une grande partie de leur activité à l’exportation. Ce que je constate sur le terrain, c’est que ces entreprises ont de plus en plus de mal à être informées des procédures, des dispositifs, des moyens de soutien parce que, malheureusement, le réseau d’accompagnement ne cesse de se déliter.

M. David Habib. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Ne faisons pas un remake d’hier! La journée fut suffisamment compliquée, certains d’entre nous ayant dû avaler une vraie couleuvre.

M. Jérôme Cahuzac. Plutôt un boa!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. C’est bien de le reconnaître.

M. Marc Le Fur. Aujourd’hui, nous avons besoin d’obtenir quelques satisfactions.

Le Gouvernement a l’occasion de donner satisfaction à la majorité et au-delà sur le sujet des chambres de commerce. Compte tenu de nos expériences diverses, nous pouvons dire ici que si elles ne sont pas parfaites, elles font quand même du boulot. Nous avons tous à l’esprit des projets qui n’ont réussi que parce qu’elles les ont accompagnés. Il ne faut pas l’oublier.

Certaines chambres de commerce – c’est le cas de la mienne – sont partisanes de la réforme qui sera défendue dans quelques semaines par Catherine Vautrin. Comment leur expliquer, alors qu’elles sont prêtes à évoluer, qu’elles ont compris la logique de la RGPP, qu’on va les restreindre immédiatement de 5 %? C’est pourtant à ce public qu’il faut envoyer des messages!

Je vous propose donc de retirer l’amendement de suppression, mais d’adopter l’article en remplaçant le taux de 95 % de taxe professionnelle par 98 %. En tout cas, moi, je ne le voterai que s’il est porté à 98 %. Les choses seront ainsi très simples, chacun pourra se déterminer à l’issue du débat sur les autres amendements à 98 % – j’en ai un, Catherine Vautrin et d’autres aussi – qui vous donnera l’occasion de faire cette concession.

M. Jean-Louis Dumont. Il faut un engagement avant le retrait!

M. Marc Le Fur. N’oublions pas que 98 %, c’est déjà un effort; 95 %, c’est au-delà.

M. Christophe Caresche. Vous voyez, à 98 %, il achète! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac. À 99 %, vous l’aviez! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je salue la franchise de notre collègue Marc Le Fur, qui exprime, d’une certaine façon, un regret collectif de la solution qui nous a été imposée hier par le Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac. Une humiliation!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. On voit combien la proposition du rapporteur général au nom de la commission des finances permettait de résoudre beaucoup de sujets qui fâchent et nous aurait évité d’y revenir.

Je répète ce que j’ai dit ce matin à l’ouverture de la séance: il est choquant et totalement contraire à la vérité de considérer que la proposition de la commission des finances allait à l’encontre des intérêts des entreprises, notamment industrielles, des PME, des PMI. Il est regrettable que le MEDEF ait pu ainsi caricaturer la position de la commission. C’est un sentiment que nous partageons tous, je crois. Nous avons le sens de l’intérêt général, le sens de l’attractivité de notre pays.

M. Jean-Louis Idiart. Nous n’avons pas de leçon à recevoir du MEDEF!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Nous avons aussi la volonté de soutenir nos entreprises industrielles dans un contexte de compétition mondiale difficile. C’était le sens des propositions de la commission des finances, qui a d’ailleurs fait en sorte que le soutien aux entreprises industrielles soit encore plus marqué dans le dispositif final qu’il ne l’était dans le dispositif initial du Gouvernement. Nous nous sentons donc particulièrement injustement traités.

Certains d’entre nous trouvent que la réforme aurait dû rester sur ce cœur de cible pour ne pas aggraver la situation de nos comptes publics.

S’agissant des chambres de commerce, nous pouvons tous, rencontrant leurs représentants, mesurer le travail effectué à ce niveau. Je pense, madame la ministre, que votre proposition est trop dure au regard de ce travail, et que mon avis est unanimement partagé. Où placer la barre? Pourquoi pas prendre la référence 2010? Ce serait compliqué, nous dit-on. Faut-il trancher dans le vif et fixer le taux à 97 % ou à 98 %? J’espère que le débat nous permettra de mettre le curseur au bon endroit. Quelques amendements, de Catherine Vautrin, de Jean-François Lamour et d’autres collègues siégeant sur les bancs en face, proposent un moyen terme. En certaines circonstances, le moyen terme n’est pas la plus mauvaise solution. J’espère que nous finirons par trouver le bon compromis, madame la ministre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je suis très sensible aux commentaires des uns et des autres. Je voudrais, avec beaucoup de respect, dire à M. Cahuzac qu’il n’est pas l’arbitre ni le défenseur des consciences individuelles des uns et des autres.

M. Jérôme Cahuzac. C’est à eux de le dire, pas à vous!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. À chacun de prendre ses responsabilités. Vous dites que le Gouvernement a « imposé ». Un gouvernement travaille avec sa majorité,…

M. Dominique Baert. En pratique, c’est pourtant ce qui s’est passé!

M. Jean-Louis Idiart. Vous avez obéi au MEDEF!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …c’est ce que nous avons fait dans un esprit constructif. Si cela vous déplaît et ne vous arrange pas, c’est comme cela.

M. Jérôme Cahuzac. C’est un amendement de députés de votre majorité!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de dix minutes pour faire le point avec les membres de la majorité sur ces questions.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme le ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je m’adresse à notre majorité et à l’opposition bien entendu.

Je voudrais clarifier ce que nous souhaitons faire par cet article 3, et vous inciter à ne pas voter l’amendement de suppression.

Pour 2010, nous prévoyons une solution. Le financement sera assuré à 95 %. Un effort d’économie de 1,4 % devra être consenti par les chambres de commerce et d’industrie. N’oublions pas que l’État ne finance qu’à hauteur de 25 % les chambres de commerce et d’industrie, qui disposent de ressources propres. Chacun peut mesurer cet effort d’économie de 1,4 % dans le cadre de la RGPP en période d’inflation relativement basse.

Nous essayons de bien sanctuariser l’année 2010, afin de disposer du temps nécessaire pour procéder à la réforme qui sera conduite sous l’autorité d’Hervé Novelli. La rapporteure du texte sera Mme Catherine Vautrin, qui connaît infiniment ces questions-là. Je respecte beaucoup son souci de vouloir faire arriver la réforme.

M. Jérôme Cahuzac. L’art du violon est difficile!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je ne suis pas en train de flatter qui que ce soit, ni de l’engager à changer ses convictions, que je respecte.

Ensuite, un travail approfondi sera réalisé pour que, à partir de 2011, les chambres de commerce et d’industrie puissent exercer leur activité, financer, soutenir les entreprises. Je m’engage pour l’année 2011 à fournir tous les efforts possibles à l’égard des entreprises, les petites comme les grandes,…

M. Jean-Pierre Brard. Cela n’engage pas grand-chose!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …l’industrie comme les services, pour qu’ils financent réellement les chambres de commerce et d’industrie, au moins dans les mêmes proportions qu’aujourd’hui.

Quelle que soit la base retenue, qu’il s’agisse de la cotisation locale d’activité, de la cotisation complémentaire ou de tout autre prélèvement sur les entreprises, il faut que le financement de ces établissements soit respecté et assuré dans le cadre d’une bonne gestion.

Nous pèserons de tout notre poids afin de faire en sorte que la réforme puisse aboutir. Nous avons vu que le processus n’a pas été facile, nous venons de loin. Les chambres de commerce et d’industrie ont déjà accompli beaucoup d’efforts, certaines d’entre elles plus que d’autres. Je crois qu’il faut continuer sur cette voie-là.

Je vous engage vivement à rejeter l’amendement de suppression et à voter l’article 3 dans l’intégralité du texte du Gouvernement. Je vous rappelle qu’il est demandé aux chambres de commerce de réaliser 1,4 % d’économies, ce qui n’est pas colossal. C’est un signe politique important que nous leur demandons: une contribution à l’économie et la nécessité d’aligner les frais de fonctionnement sur la situation économique.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. J’entends bien que le Gouvernement semble tenir à la dotation budgétaire pour 2010 qui reviendrait à accorder aux chambres de commerce et d’industrie 95 % sur une assiette 2009. J’appelle l’attention de mes collègues de la majorité que 95 % de l’assiette 2009 – dès lors que l’assiette est gelée et que son dynamisme est oublié –, c’est en réalité 92 ou 93 % de ce que les chambres de commerce auraient reçu en 2010. Voilà pour ma première remarque.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non!

M. Jérôme Cahuzac. Il faut dire les choses telles qu’elles sont.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien!

M. Jérôme Cahuzac. Deuxième remarque: je maintiens le raisonnement qui prétend que l’article 3 est révélateur du choix émis hier par l’Assemblée et que je persiste à déplorer. Ce choix, je le respecte car la majorité a parlé, mais pour autant je ne peux m’empêcher de le déplorer. Je maintiens que la seule façon de revenir à un barème – dont tous les parlementaires qui se sont penchés sur le sujet depuis des mois pensent qu’il était meilleur que celui qui a été retenu –, c’est évidemment de ne pas accepter l’article 3 tel qu’il nous est proposé par le Gouvernement.

Troisième remarque: je suis évidemment sensible, comme tous les collègues, à l’engagement de Christine Lagarde – nous connaissons, en effet, sa loyauté – lorsqu’elle indique que, l’année prochaine et, le cas échéant ultérieurement, elle fera tout ce qu’elle pourra pour que les chambres de commerce et d’industrie soient correctement financées,…

M. Jean-Louis Idiart. Elle ne sera pas toujours là.

M. Jérôme Cahuzac. …mais, au-delà du respect pour la parole donnée et de la loyauté, que nous ne contestons pas, de Mme la ministre de l’économie, la situation peut s’illustrer par un proverbe bien connu: lâcher la proie pour l’ombre. Vous pouvez faire ce choix et votre vote en témoignera.

Enfin, madame la ministre, je maintiens que, hier, par votre voix, le Gouvernement a humilié la majorité UMP et l’institution Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je le maintiens.

Si vous en doutez, je vous engage à relire le compte rendu de la séance. Relisez les propos de Gilles Carrez lorsqu’il a défendu avec vingt-quatre heures de retard l’amendement contre lequel il a fini par voter ou les propos de Marc Laffineur. C’est un collègue blessé qui s’est exprimé hier, blessé par ce que vous l’avez contraint à faire, c’est-à-dire retirer un amendement auquel il croyait et voter contre des dispositions dont, en conscience, il estimait qu’elles étaient les meilleures.

Si j’estime, madame la ministre, que vous avez humilié l’Assemblée et contraint certains collègues à voter contre leur conscience, c’est à eux de protester auprès de moi, et non pas à vous à vous faire leur avocate. Après tout, s’ils vous choisissent comme avocate, ils sauront me le dire!

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Il faut sortir de cette situation!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Oui!

M. Michel Diefenbacher. Pour ma part, j’ai été très sensible aux arguments de Mme la ministre.

M. Jérôme Cahuzac. Cela ne nous étonne pas! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vieille habitude!

M. Michel Diefenbacher. On ne peut pas, d’un côté, proclamer son attachement aux chambres de commerce et, de l’autre, proposer la suppression de l’article 3, c’est-à-dire en réalité l’annulation de leurs crédits. Une telle position n’est pas tenable. Je veux bien que, pour mon collègue Cahuzac, il s’agit d’une opération à double détente. On se sert des chambres de commerce pour faire plier le Gouvernement sur le barème. Cela s’appelle une prise d’otages. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. C’est l’inverse!

M. Jean-Louis Idiart. C’est le MEDEF et le Gouvernement qui vous prennent en otage!

M. Michel Diefenbacher. Ce n’est pas convenable.

Il nous faut régler le problème de la dotation 2010 des chambres de commerce et les sécuriser sur ce plan. Que leur est-il demandé? De renoncer à 5 % de 27 %, c’est-à-dire 1,4 %. Sincèrement, je pense que ce n’est pas un effort insurmontable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En réformant la taxe professionnelle, l’État renonce de son côté à huit milliards d’euros. Les chambres de commerce devraient être en mesure de faire un geste en direction des entreprises.

M. Guy Geoffroy. Absolument!

M. Michel Diefenbacher. Il nous faut régler également le problème de l’après 2010.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Voilà!

M. Michel Diefenbacher. L’orientation du Gouvernement est très claire à cet égard. Nous aurons un débat parlementaire sur l’avenir des chambres de commerce. Les choses sont aussi claires qu’elles peuvent l’être. Nous pouvons faire passer un message rassurant, encourageant, un message de confiance, aux chambres consulaires. Par conséquent, je me rallie tout à fait à la position du ministre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Bien parlé!

M. Henri Emmanuelli. Le contraire nous aurait étonnés!

M. Jean-Louis Idiart. Cela me rappelle Fratellini et Zavatta!

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je voudrais dire à Jérôme Cahuzac pour lequel j’ai beaucoup de respect car il a un grand talent…

M. Jérôme Cahuzac. Cela commence mal! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Soisson. …qu’il poursuit sa route, mais qu’il doit comprendre que sa route n’est pas la nôtre. (Rires.)

M. Henri Emmanuelli. Cela dépend des moments!

M. Jean-Louis Idiart. Il y a la route du foie gras et la route des vins!

M. Jean-Pierre Soisson. Et lorsqu’il veut dicter sa conduite à la majorité, il franchit la ligne jaune. Qu’il parle pour lui, pour Emmanuelli, Brard et consorts, parfait! Mais il n’a pas pouvoir de parler pour moi. Alors, qu’il cesse!

M. Guy Geoffroy. Bravo!

M. Jean-Pierre Soisson. Plus il en rajoute, plus je vais dans l’autre sens. (Rires.)

M. Jérôme Cahuzac. Et le désir s’accroît quand l’effet se recule. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Soisson. L’excès de talent peut être contre productif, cher Jérôme Cahuzac.

M. Jean-Louis Idiart. Rassurez-vous!

M. Yves Censi. Le talent tue le talent! ( Sourires.)

M. Jean-Pierre Soisson. La solution, proposée par le rapporteur général, consiste à voter l’article 3 tel quel. Point à la ligne et nous verrons ensuite lors de la réforme des chambres de commerce ce que nous ferons les uns et les autres.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Très bien!

M. Jean-Pierre Soisson. C’est une conclusion qui vaut pour moi, cher Jérôme Cahuzac, mais sûrement pas pour vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Depuis hier, nous nous livrons à des exercices de jeux de rôle où les mêmes affichent avec détermination des convictions qu’ils s’empressent d’enterrer dès lors que le Gouvernement fait les gros yeux.

Loin de moi l’idée d’être désagréable avec vous, cher collègue Diefenbacher, mais je pense que vos vies antérieures pèsent sur vous et que vos fonctions passées vous ont habitué à obéir. Un peu comme les ambassadeurs.

M. Henri Emmanuelli. Soisson est plus souple!

M. Jean-Pierre Brard. J’ai beaucoup d’admiration pour les ambassadeurs car ils sont amenés à défendre des convictions qui ne sont pas les leurs et qui, d’un jour à l’autre, peuvent changer.

M. Michel Diefenbacher. Qu’en savez-vous?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Diefenbacher, vous avez été préfet de la République et c’est sûrement tout à votre honneur. Cela étant, il ne faudrait pas, comme le dirait Henri Emmanuelli, que cela génère un comportement de garde-à-vous pour l’éternité.! Vous n’occupez plus les mêmes fonctions. Vous êtes libéré de vos contraintes passées sans que cela ne menace votre déroulement de carrière. (Sourires.)

Je me permettrai de reprendre l’allégorie routière de Jean-Pierre Soisson, sans emprunter les chemins qui traversent le vignoble bourguignon! Vous connaissez, cher collègue, l’autoroute A6 vers Auxerre. Après tout, on n’a pas besoin d’emprunter la même route. Moi qui suis d’Île-de-France, je peux rester sur l’autoroute et vous, vous pouvez emprunter la route désaffectée qui longe l’autoroute, mais qui dessert les vignobles. Cela ne nous empêche pas d’aller dans la même direction sans nécessairement nous fréquenter, puisque vous craignez la contamination, si j’ai bien compris votre propos.

Jean-Pierre Soisson, qui est un homme de vieille expérience, qui pourrait nous en apprendre à tous – c’est incontestable – lui, qui fut mitterrandien, chiraquien, giscardien (Murmures sur les bancs du groupe UMP) … C’est cela la République. Il y en a pour toutes les époques. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Soisson. Les éditions Grasset veulent publier mes mémoires. Je vais leur dire qu’ils peuvent s’adresser à vous! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Absolument!

Lorsqu’on a la longévité politique de Jean-Pierre Soisson, cela permet de visiter différentes chapelles. (Sourires.)

Quand certains de nos collègues disent qu’ils ont entendu l’engagement de Christine Lagarde, je serais tenter de leur demander s’ils n’ont pas entendu la rumeur d’un remaniement ministériel, certains d’entre vous espérant être appelés dans le saint des saints? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nombre d’entre vous ont été chiraquiens. Rappelez-vous ce que disait Jacques Chirac: les promesses n’engagent que ceux qui les entendent.

M. Michel Bouvard. Chirac, c’est Chirac!

M.  président. Bien que les faits personnels soient renvoyés à la fin de la séance, je donne brièvement la parole à M. Michel Diefenbacher.

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne relève pas du fait personnel!

M. Michel Bouvard. Et si l’on travaillait?

M. Michel Diefenbacher. Je veux simplement vous dire, monsieur Brard, et en vous regardant bien dans les yeux: si je suis ici, c’est précisément parce que je ne pouvais plus rester au garde-à-vous devant un certain gouvernement!

M. Michel Bouvard. Ça, c’est envoyé!

M. Michel Diefenbacher. Je veux que vous le sachiez. On peut ne pas partager vos vues et être un homme libre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Compte tenu du raisonnement de M. Soisson, qui se glorifie de faire exactement le contraire de ce que nous faisons, j’annonce que je vais voter l’article 3… (Rires.)

M. Yves Censi. C’est du Feydau!

M. Jérôme Cahuzac. Là, vous êtes bien embêté, monsieur Soisson! (Sourires.)

M. Henri Emmanuelli. Maintenant, vous ne pouvez plus le voter! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Moi aussi, je vais voter l’article 3! Comme nous n’avons pas trouvé la formule de financement que nous espérions, l’article 3 me semble être la meilleure voie de substitution possible. Cela étant, Mme la ministre doit nous indiquer ce qui se passera après 2010.

M. Jean-Louis Idiart. Il faut appeler Germaine Soleil.

M. Jean-Pierre Brard. Où est la boule de cristal?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je vous remercie d’abord, monsieur le rapporteur général, d’avoir indiqué que vous alliez voter l’article 3.

M. Henri Emmanuelli. Et moi?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Vous aussi, monsieur Emmanuelli, je vous remercie de voter l’article 3. (Sourires.)

Cet article est important. Il faut, en effet, sécuriser le financement des chambres de commerce et d’industrie pour 2010, même avec 1,4 % d’économies. L’année 2010 est sécurisée. Pour 2011, une négociation est en cours et le Gouvernement prête tout son concours avec l’ensemble des chambres de commerce et les représentants des entreprises. Un projet de loi sera certainement présenté au début de l’année prochaine, au mois de janvier, je l’espère. L’Assemblée reprendra tous ses droits en la matière en participant à la définition des missions, des stratégies, à l’aspect service public, au financement, car il y aura un volet financement dans ce texte. La mise en œuvre du projet aura lieu en 2011. Je peux vous assurer que dans les négociations en cours et dans la rédaction du projet de loi, nous nous efforcerons de prévoir les garanties pour que les chambres de commerce et d’industrie aient une véritable visibilité, une pérennité dans le respect de financements dont nous savons très bien qu’ils doivent être suffisants pour répondre à l’ensemble des missions, en phase avec les financements dont ils ont bénéficié jusqu’à maintenant.

Le projet de loi vous sera présenté: nous n’abandonnerons pas les chambres de commerce à la fin de l’année 2010. C’est évident.

(L'amendement n° 47 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°229.

La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je me livrerai à une ultime tentative pour revenir à la charge, ce qui explique la raison pour laquelle je me suis abstenue sur le vote précédent.

M. Henri Emmanuelli. Bravo!

Mme Catherine Vautrin. Madame la ministre, lorsque vous dites que la réduction ne représente que 1,4 %, chacun aura compris qu’il s’agissait de 5 % ramenés aux 27 %.

Il nous est demandé de voter cet effort sans avoir aucune idée sur le reste des ressources des chambres de commerce. Selon vous, 1,4 % ne représente pas un effort insurmontable et tout le monde peut le faire. En effet, mais, comme d’habitude, le diable se cache dans les détails. Si l’on considère les grandes masses des chambres de commerce, 48 % sont représentés par leurs activités, 14 % par des subventions diverses et 11 % par des produits financiers.

Pouvez-vous m’affirmer aujourd’hui que, sur les 4,2 milliards d’euros, il ne s’agit que de retirer 1,4 %? Voilà la vraie question. Dans cette hypothèse, on limiterait la casse, si j’ose dire. Mais, à l’heure actuelle, je ne dispose absolument pas de cette information. Tel est mon premier argument. S’il me semble certes raisonnable de donner un signe, ce signe doit être moins fort, puisque la réforme à laquelle vous faites allusion, loin d’avoir force de loi, n’a même pas encore été discutée.

D’autre part, je vous ai entendue avec intérêt soutenir que le projet de loi réglerait toutes les difficultés. Mais, tel qu’il a été déposé, le texte devra être très largement amendé, puisqu’il ne résout ni le problème des missions ni celui des financements.

Aujourd’hui, 23 octobre, nous sommes donc dans le flou absolu.

M. Gérard Bapt. Nous aussi!

Mme Catherine Vautrin. En votant mon amendement, nous limiterions en quelque sorte la casse et permettrions aux chambres d’aborder cette réforme avec toute l’énergie nécessaire et la capacité à travailler en 2010.

(L’amendement n°229, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n os 171 et 207 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n°171.

M. Jean-Pierre Brard. On dit que les arts du cirque reculent; je n’en suis pas convaincu: décidément, nos collègues ont l’échine souple!

Nous reviendrons sur la réforme des chambres de commerce et d’industrie en temps utile, lorsque le projet de loi adopté fin juillet viendra devant notre assemblée.

Nous sommes, disons-le néanmoins, dubitatifs quant à ce projet qui propose d’appliquer aux CCI les principes de la révision générale des politiques publiques, alors que, dans la période de crise que nous traversons, les entreprises ont plus que jamais besoin de conseils de services de la part ces établissements publics.

S’agissant du financement des CCI, nous observons que le Gouvernement n’a apparemment pas tranché le débat sur ses modalités; mais force est de constater que ce qui est proposé au titre de l’année 2010 imprime un mouvement peu favorable, celui de la diminution des ressources fiscales des chambres de commerce.

Certes, le réseau des chambres de commerce et d’industrie, se trouvant dans le rôle de l’arroseur arrosé, s’est lui-même engagé à réduire la pression fiscale s’exerçant sur les entreprises à compter de 2011. Mais raison de plus, sans doute, pour s’interroger sur l’opportunité d’une décision qui anticipe cette baisse et l’impose de manière autoritaire. Cela n’est pas de bonne méthode.

Telle est la raison pour laquelle nous proposons, dans l’attente du débat parlementaire, que la taxe additionnelle à la cotisation locale d’activité soit l’an prochain égale au montant de la taxe additionnelle professionnelle acquittée pour 2009 pour tous les redevables.

Une chose encore, madame la ministre. Je pense pouvoir parler sous le contrôle de M. Gilles Carrez, élu éminent de la région parisienne. J’ignore ce qu’il en est en province, madame Vautrin. On me parle de départements qui comptent trois ou quatre chambres de commerce. Mais, en Île-de-France, nous avons incontestablement une chambre de commerce et d’industrie, avec des délégations départementales, qui est efficace…

M. Michel Bouvard. C’est vrai.

M. Jean-Pierre Brard. …et qui fait beaucoup. Je trouve donc la mesure particulièrement injuste. D’un côté, vous affirmez qu’il faut aider les entreprises; de l’autre, vous leur tirez dans le dos. Ce n’est pas convenable. La chambre de commerce et d’industrie que je connais est un véritable levier de développement économique, d’aide aux entreprises et de formation des acteurs économiques de demain.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l’amendement n°207 rectifié.

M. Daniel Garrigue. Premièrement, il ne paraît guère logique de modifier le mode de financement actuel tant que nous ne savons pas vers quelle réforme nous nous dirigeons.

Deuxièmement – j’y insiste‚–, peut-être faudra-t-il un jour introduire des différences dans l’organisation du réseau des chambres consulaires; en tout état de cause, madame la ministre, le réseau d’accompagnement sur le territoire pose un vrai problème hors des grandes métropoles. La situation est en train de se dégrader fortement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà qui est très intéressant! J’appelle tous les responsables économiques d’Île-de-France, qui sont certainement plus sarkozystes que moi, à observer le comportement de leur gouvernement et à en tirer les conséquences pour l’avenir ( Rires sur les bancs du groupe SRC)  : où sont les véritables relais d’un engagement économique déterminé en faveur des entreprises? Et où sont ceux qui, comme le Gouvernement, punissent avant d’avoir évalué, avant d’avoir jugé, et exécutent les chambres de commerce et d’industrie au mépris de leur droit à la défense?

M. Henri Emmanuelli. Il rêve, Brard!

(Les amendements identiques n os 171 et 207 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°206.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’ai déjà défendu cet amendement.

Je persiste à penser que l’article qui nous est proposé est sévère, même si j’ai bien entendu, madame la ministre, que vous preniez pour les années à venir des engagements forts que le texte concrétisera assez rapidement.

Une dernière chose, madame la ministre: pouvez-vous nous assurer que la concession que nous allons sans doute faire ne débouchera pas sur des évolutions lors de l’examen du texte au Sénat?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Non, il n’y aura pas d’évolutions.

M. Marc Le Fur. J’aimerais que cela soit précisé.

M. Henri Emmanuelli. Ils leur donneront des miettes pour les appâter!

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

Monsieur Le Fur, je défendrai exactement la même approche au Sénat, avec la même détermination qu’ici et pour les mêmes raisons.

(L'amendement n° 206 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°231.

La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.

M. Henri Emmanuelli. Allez, Monsieur Carrez, un petit geste pour Mme Vautrin!

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Même avis.

(L’amendement n°231 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°137.

La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention exposer les perspectives de réforme des chambres. Nous en reparlerons naturellement, mais je suis prêt à parier que cette réforme renforcera les chambres si elles acceptent de se réformer.

S’agissant en revanche de la proposition de réduire de 5 % la taxe additionnelle à la taxe professionnelle, je souhaite formuler plusieurs remarques.

Premièrement, la taxation repose sur les chiffres de 2009 alors que ce sont les données économiques de 2007 qui font foi. Vous conviendrez que ces données sont bien éloignées de la situation économique actuelle de nos entreprises.

En outre, cette opération, voire cette dotation, pose un véritable problème, en particulier aux entreprises qui n’étaient pas assujetties à la taxe additionnelle l’an dernier et qui le seront à partir de cette année.

Deuxièmement, madame la ministre, qu’en est-il des entreprises qui auraient pu contribuer à moins de 95 % de la taxe qu’elles auraient dû acquitter si le calcul avait été effectif?

Pour ces raisons, entre autres, mieux vaudrait fonder cette taxe sur l’activité de 2010. Tel est l’objet de mon amendement.

(L’amendement n°137, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°230 rectifié.

La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Je ne suis pas certaine que ce qui s’est passé hier n’ait pas fait tomber l’amendement. J’aimerais donc interroger le rapporteur général et le Gouvernement à ce sujet.

Le prélèvement France Télécom est rattaché à un texte dans lequel il est encore question de taxe professionnelle. Il semble donc que la coordination n’ait pas été opérée. Où en sommes-nous sur ce point? Là encore, une cinquantaine de millions d’euros sont en jeu!

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La rédaction de l’amendement ne permettra pas le prélèvement.

Mme Catherine Vautrin. Pourquoi?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Parce que le prélèvement n’existe plus.

Mme Catherine Vautrin. Dans ce cas, je retire mon amendement.

(L’amendement n°230 rectifié est retiré.) (L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, inscrite sur l’article 4.

Mme Chantal Brunel. Je souhaite évoquer l’amendement, désormais présenté comme un amendement de MM. Carrez et Migaud, qui tend à ajouter une contribution exceptionnelle de 10 % à l’impôt sur les bénéfices.

Je rappelle qu’au plus fort de la crise, les banques ont été d’abord aidées par la déclaration du Président de la République selon laquelle aucun Français ne perdrait un euro des économies qu’il avait placées dans les banques. En affirmant qu’il soutiendrait les banques, le Président nous a ainsi évité de voir des files de clients venus récupérer leur argent, comme en Belgique ou en Grande-Bretagne.

De plus, 360 milliards d’euros ont été accordés aux banques. Il s’agissait de l’argent des Français! À ce jour, 14,7 milliards ont été utilisés en prise de participation et 63 milliards à titre de garantie. Ces aides ont été décisives.

Il a en outre fallu instaurer un médiateur du crédit, qui a dû faire le boulot des banques pour qu’elles accordent des prêts aux petites entreprises!

M. Henri Emmanuelli. Bravo!

Mme Chantal Brunel. Je rappelle également que les banques se constituent aujourd’hui des marges importantes grâce à des taux élevés à moyen et long terme. Qui paie ces taux? Les particuliers et les entreprises. Du reste, madame la ministre de l’économie, monsieur le ministre du budget, vous avez été obligés d’instaurer une surveillance en nommant M. Camdessus.

L’État a sauvé les banques avec l’argent des Français; il doit être payé de retour. Quand on aide, cela se paie!

Ainsi que vous l’avez annoncé dans la presse, vous allez nous proposer, madame la ministre, que les banques prennent en charge la régulation de leur secteur. Il s’agit probablement d’une bonne idée, mais ce n’est pas la même chose.

M. Henri Emmanuelli. C’est la moindre des choses!

Mme Chantal Brunel. Il s’agit d’une somme pérenne, de 100 millions d’euros environ: c’est différent.

Tout se passe comme si les banques disaient: « Vous nous avez aidées, merci; et maintenant, au revoir; on continue comme avant. »

M. Claude Bodin. Très juste.

Mme Chantal Brunel. Madame la ministre, la proposition de contribution n’est ni populiste ni démagogique: elle est pragmatique.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Bien sûr!

Mme Chantal Brunel. Elle correspond au souhait de bien des gens de terrain.

Vous dites que les banques ont déjà payé. Mais, madame la ministre, aucune PME ne bénéficie d’un taux de 8,33 % quand elle va mal!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Exactement.

Mme Chantal Brunel. Pour le Crédit agricole, ce taux est du pain bénit! Les taux applicables à une petite entreprise qui va mal atteignent 15 ou 16 %, et ce sont des garanties! Certes, l’État va récupérer les intérêts de l’argent qu’il a prêté aux banques; mais 8,33 %, ce n’est tout de même pas cher payé!

Je rappelle enfin que cette contribution exceptionnelle sur les bénéfices est à l’étude ou en vigueur dans plusieurs pays, dont l’Allemagne et la Grande-Bretagne.

Je comprends vos préoccupations, madame la ministre, monsieur le ministre. Comprenez aussi que nous sommes confrontés aux attentes des Français, qui ont souvent du mal à boucler leurs fins de mois et qui, en cette période de crise, ont le nez sur leurs comptes en banque et leurs factures.

La BNP a annoncé des bénéfices de 3,5 milliards d’euros pour le premier semestre. Nous nous en réjouissons. Mais j’estime que les établissements bancaires pourraient faire un effort et dire merci aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Lorsque la crise financière a éclaté, il fallait une réponse collective puissante et organisée. Les dirigeants de tous les pays, au premier rang desquels le nôtre, ont su la mettre en œuvre.

Nous n’avons jamais voté contre le plan de sauvetage du secteur financier. Nous ne l’avons pas non plus approuvé car nous avions deux réserves de fond.

La première est que ce plan ne comprenait pas de mesures destinées à traiter la crise économique et sociale, qui, nous le savons, sont venues plus tard.

La deuxième est que nous estimions que l’État devait prendre des garanties, à travers notamment une clause de retour à meilleure fortune. Mme Brunel y a d’ailleurs fait allusion, sans nommer l’amendement en question.

Un rappel s’impose ici. Via la Société de financement de l’économie française, l’État s’est engagé, à concurrence de 265 milliards d’euros, à garantir le refinancement des banques: les prêts ont aujourd’hui atteint 93 milliards d’euros.

S’agissant de la réponse que vous avez faite, madame la ministre, à propos de la nature des collatéraux consentis par les banques en garantie des prêts de refinancement, permettez-moi de faire deux remarques. Sur les 93 milliards, seul 1,2 milliard a été contrôlé: certes, on peut déduire que cet échantillon ayant été jugé sain, l’ensemble l’est également, mais ce n’est pas une certitude. Par ailleurs, je ne fais pas la même analyse que vous de la décision d’Eurostat, qui, implique, me semble-t-il, que notre pays comptabilise les 93 milliards dans son stock de dettes. Mais vous me donnerez les références exactes de cette décision si vous considérez qu’elle ne va pas dans le sens que j’ai dit et je vous en donnerai acte le cas échéant.

Outre la Société de financement de l’économie française, la Société de prises de participation de l’État est intervenue. Elle a procédé en deux étapes: d’abord, à travers des prêts à taux supersubordonné, ensuite à travers les actions dites préférentielles. Mais il faut bien voir ce que ces termes ont de trompeur. Les prêts à taux supersubordonné ne donnent aucun droit et aucune garantie: en cas de faillite, l’État sera remboursé avec un rang de créancier ultime, tous les autres créanciers passant avant lui. Les actions préférentielles ne donnent droit ni à voter ni à désigner un représentant au conseil d’administration et, en cas de revente, la plus-value est limitée à 20 %.

Nous estimons que nous avons fait beaucoup d’efforts: 93 milliards pour la Société de financement de l’économie française et un peu plus que vous ne l’indiquiez, madame Brunel, pour la Société de prises de participation de l’État, les prêts à taux supersubordonné représentant 10,5 milliards et les actions préférentielles entre 12 et 15 milliards, si ma mémoire est bonne, soit environ 25 milliards. Et ces efforts considérables, l’État les a consentis sans exiger la moindre clause de retour à meilleure fortune.

L’État helvétique en a exigé pour l’aide de 5 milliards d’euros qu’il a fournie à UBS et en a tiré un gain pour son budget de 1 milliard d’euros. Il ne me semble pourtant pas que la Confédération helvétique soit connue pour son esprit collectiviste galopant. Ce que les Suisses ont fait, nous aurions pu le faire, d’autant qu’avec le même ratio, nous aurions obtenu un gain de 5 milliards d’euros pour nos finances publiques. Qui, sur ces bancs, pourrait prétendre que de telles recettes supplémentaires auraient été inutiles, compte tenu du contexte budgétaire actuel? Personne, bien évidemment. Une diminution de cinq milliards de notre endettement n’aurait-elle pas été bonne à prendre?

Enfin, j’aborderai deux derniers sujets, avec votre indulgence, monsieur le président.

Madame Lagarde, vous dites qu’il faut éviter de boursicoter et de spéculer. Employer le verbe « boursicoter » lorsqu’il s’agit de milliards d’euros ne me paraît pas conforme à la conception que l’on peut avoir du boursicotage, qui, me semble-t-il, porte sur des sommes un peu plus modestes. Ne pas spéculer, dites-vous encore, ce qui est proprement stupéfiant. Vous êtes la première à dire que l’État a fait une bonne opération grâce aux prêts à taux supersubordonné d’un rendement de plus de 8 %, vous targuant d’une recette de 1,4 milliard d’euros pour l’État.

Au demeurant, cette affirmation est en partie erronée. Vous omettez en effet le coût de l’emprunt que l’État a contracté pour garantir le refinancement. Je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes, selon laquelle, en 2009, ce n’est pas 1,4 milliard mais la moitié que l’État a récolté. Celui-ci a en effet dû emprunter à 4 % pour ensuite prêter à 8, 34 %. Sur deux ans, comme l’ont d’ailleurs souligné le rapporteur général et Charles-Amédée de Courson, cela représentera entre 1,5 milliard et 2 milliards d’euros, mais certainement pas 2, 8 milliards, comme vous l’annoncez, madame la ministre.

Par ailleurs, si récupérer 1,4 milliard d’euros – 700 à 800 millions d’euros selon la Cour des comptes – constitue à vos yeux une bonne affaire, en quoi récupérer 5 milliards d’euros aurait été une mauvaise affaire? Au nom de quoi est-ce moral d’encaisser une recette extraordinaire de quelques centaines de millions d’euros et au nom de quoi serait-ce immoral de récupérer une recette de plusieurs milliards d’euros? En réalité, madame la ministre, en prétendant ne pas avoir voulu spéculer, vous dissimulez sous des considérations morales ce qui fut une très lourde erreur de gestion.

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Je serai rapide, monsieur le président, car M. Cahuzac a développé une argumentation complète.

Madame la ministre, sachez que j’ai été choqué par vos propos. Lorsque vous avez présenté devant la commission des finances les buts que vous poursuiviez à travers l’émission de titres spéciaux destinés à soutenir quelques banques en difficulté, certains d’entre nous vous ont expliqué, comme le compte rendu peut le montrer, qu’il s’agissait d’une mauvaise solution car une prise de risques de cette ampleur n’est pas concevable s’agissant de sommes empruntées. Nulle part dans le secteur privé un acteur ne prendrait de tels risques sans s’associer aux résultats. Vous n’avez pas voulu le reconnaître. Aujourd'hui, quand nous soulignons que d’autres pays comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la Suisse ont procédé autrement, vous nous rétorquez que de tels propos sont ridicules.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Mais non!

M. Henri Emmanuelli. Si, madame la ministre, dans l’interview que vous avez donnée aux Échos , vous parlez de propos ridicules.

En réalité, vous n’avez pas cherché à sauvegarder les intérêts des Françaises et des Français – je ne parle pas ici de ceux de l’État. Au moment où le système était en danger, vous avez légitimement voulu éviter tout risque systémique, mais vous avez ignoré la responsabilité politique et morale qui vous incombait de rentrer dans le capital, à la fois pour obtenir des garanties mais aussi pour imposer certaines règles de gouvernance.

Je ne sais si vous avez lu, madame la ministre, dans l’édition d’aujourd’hui d’un grand quotidien du soir ce qui se dit dans les salles de marché à propos de la réglementation de la rémunération des traders et du futur décret du Premier ministre. On se moque gentiment de vous et du Gouvernement, les professionnels affirmant n’avoir reçu aucune information à ce sujet et se déclarant certains de recevoir en fin d’année des sommes supérieures à l’année précédente. J’attire votre attention sur ce point, madame la ministre. Avoir à expliquer aux Français que les banques feront plus de bénéfices que l’année dernière et que les traders seront davantage payés, après que tant de gesticulations ont été faites à ce sujet, après que tant d’assurances ont été données, après que le chef de l’État s’est engagé à réformer le capitalisme, je ne crois pas que cela sera bon pour vous. Mme Brunel semble l’avoir compris. Je ne sais pas si les parlementaires de la majorité le comprendront aussi. Toujours est-il qu’opérer un prélèvement sur les banques, qui ne pèserait du reste pas lourd par rapport à leurs résultats, serait un symbole.

Je sais, vous nous direz que les banques doivent renforcer leurs fonds propres et qu’une surtaxation serait problématique pour elles. Vous nous direz encore qu’elles doivent payer le superviseur. Mais n’est-ce pas la moindre des choses? Vous ne voudriez tout de même pas que les contribuables aient, en plus, à payer ce superviseur pour leur éviter de renouveler les bêtises qui nous ont conduits à la catastrophe actuelle et dont elles n’ont, à l’évidence, tiré aucune leçon.

Vous seriez donc bien avisée d’accepter notre proposition.

(L'article 4 est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l’article 4.

Après l’article 4

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°280.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement est relatif aux opérations de rachat par effet de levier appelées LBO – j’espère que Jean-Pierre Brard voudra bien me pardonner pour cet anglicisme

Notre pays, madame la ministre, est en retard dans l’encadrement de ces procédures. Récemment, dans le cadre d’une proposition de loi présentée par notre collègue Chantal Brunel, nous avions proposé que davantage de transparence entoure le franchissement de seuils dans la possession capitalistique d’une entreprise. Nous savons que lorsqu’une société procède au rachat d’une entreprise de la sorte, elle n’a pas de projet industriel mais poursuit seulement un projet financier puisqu’il s’agit, passez-moi l’expression, de désosser l’entreprise visée afin de rémunérer les investisseurs au plus fort taux et si possible le plus vite possible.

Nous ne pensons pas qu’il s’agisse d’une bonne chose. Les opérations de rachat par LBO – pas toutes mais un nombre trop élevé – ont puissamment contribué à la destruction du tissu industriel de notre pays.

Notre législation est en retard par rapport à celle d’autres pays comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne. C’est la raison pour laquelle, nous avions proposé que tout franchissement d’1 % dans la possession capitalistique soit signalé. Au nom du Gouvernement, vous vous y êtes refusée. J’aimerais que vous m’indiquiez si telle est toujours votre position. Si oui, ce serait un cas particulier en Europe car même la Grande-Bretagne a accepté de telles dispositions alors que ce n’est pas un pays connu pour redouter de tels mécanismes financiers – beaucoup y sont même nés et beaucoup de mal en a résulté.

Le présent amendement est avant tout un amendement d’appel. Nous aimerions que vous nous donniez l’avis du Gouvernement sur ces opérations de rachat par LBO, que nous considérons comme très périlleuses. La conjoncture s’étant fortement dégradée, de très nombreuses sociétés ont été rachetées de cette façon et connaissent désormais des situations de surendettement très difficiles. Or l’on sait qu’en de tels cas, la variable d’ajustement – car c’est bien en ces termes que raisonnent les propriétaires de ces entreprises – est l’emploi.

Nous pensons qu’il est temps de réagir vigoureusement à ces évolutions. Selon la compagnie d’assurance-crédit COFACE, sur 1600 sociétés ayant fait l’objet de procédures de LBO, 900 se trouvent en zones de surveillance, ce qui prouve la gravité de la situation. Les banques ont octroyé des crédits allant jusqu’à 70 % ou 80 % de la valeur de la société, car dans ces opérations, si les premiers bénéficiaires sont ceux qui en sont à l’origine, les banques ne s’oublient pas au passage, omettant en l’espèce la mission d’intérêt général qu’elles ont au service de l’économie réelle et de l’emploi.

Cet amendement propose de désinciter les opérations de LBO qui passeraient par des prêts représentant plus de 66 % de la valeur d’une société. C’est un verrou qui désormais s’impose pour éviter que des entreprises en situation délicate ne tombent dans des mains inamicales, prêtes à les dépecer au lieu de les redresser par un projet industriel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a repoussé cet amendement qui présente un certain nombre d’inconvénients et nécessite une réflexion plus approfondie. On a vu certaines entreprises comme France Télécom avoir un ratio fonds propres – endettement inférieur à 66 %. La rédaction que vous proposez, monsieur Cahuzac, poserait des problèmes à de telles entreprises. En effet, si je comprends bien votre souci quant à de futurs montages de LBO, il s’agirait d’une très mauvaise solution pour les montages en cours.

Je suis conscient de la particularité de notre droit fiscal français qui fait qu’on peut déduire en totalité les intérêts. En Allemagne et dans les pays anglo-saxons, la déduction de la totalité des intérêts n’est pas autorisée.

C’est un sujet qui mérite une réflexion plus approfondie.

Avis défavorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Il existe dans notre droit français deux dispositifs anti-abus: d’une part, un dispositif anti sous-capitalisation en date du 1 er  janvier 2008, d’autre part un dispositif dit amendement Charasse qui a été révisé en2005 et2006 qui lie cette déductibilité en cas d’achat de titres à soi-même.

Comme le rapporteur général, je reconnais la difficulté qui résulte d’une fiscalité particulièrement favorable à des mesures d’endettement. Un groupe de travail a été constitué au sein de cette assemblée pour réfléchir à ces questions. Nous serons bien évidemment très attentifs à ses propositions.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Jérôme Cahuzac a développé, avec raison, la situation particulière des opérations de rachat par effet de levier.

Il y a quelque temps, dans le cadre des questions au Gouvernement, j’ai soulevé le cas de l’entreprise TDF qui est soumise à ce système et dont les salariés, disséminés sur l’ensemble du territoire, sont inquiets. J’avais rappelé au ministre chargé de l’industrie l’intérêt stratégique de cette entreprise pour notre pays. Lorsque l’on évoque de tels sujets, il faut toujours garder à l’esprit que, derrière les emplois, il y a des hommes et des territoires qu’ils permettent d’animer.

Nous souhaitons appeler votre attention sur la nécessité de réfléchir sur cette question, pour demain, mais aussi pour ceux qui sont d’ores et déjà dans un tel système et qui sont menacés.

TDF et un exemple d’actualité typique de ces difficultés sur lesquelles nous souhaitons insister.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Je comprends l’argumentation du rapporteur général et l’exemple qu’il donne est évocateur.

Le groupe socialiste est persuadé qu’il faudra traiter cette question beaucoup mieux qu’elle ne l’a été jusqu’à présent, à l’instar ce qui s’est passé en Grande-Bretagne – c’est tout dire! –et en Allemagne. À cet égard, la déductibilité de la totalité de l’emprunt consenti dans ces cas contribue puissamment au mitage de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, ce qui aboutit à un affichage du taux marginal de l’impôt sur les sociétés plus élevé que dans les pays voisins, alors qu’en réalité le rendement est comparable, voire plus faible. Car, si le taux est élevé, l’assiette étant mitée ou réduite, en vérité nous avons tous les inconvénients d’un taux dissuasif dans l’affichage et d’un rendement décevant du fait d’une assiette qui n’est pas préservée.

Il faut donc engager une réflexion, à la fois sur la rentabilité des sociétés par une assiette cohérente, et sur ces montages avec effet de levier, car nous voyons encore aujourd’hui quels en sont les effets désastreux sur le tissu industriel pour l’emploi. En quelque sorte, notre législation encourage un tel système puisque la totalité de l’endettement consenti pour mener ces opérations vient en déduction de l’impôt au titre des sociétés que ces entreprises acquittent ensuite à l’État. Et nous savons qu’elles ont en réalité pour finalité le dépeçage des entreprises.

Si j’ai bien compris, Mme Lagarde s’en remet à un groupe de travail constitué au sein de l’Assemblée. Nous n’aurions pas connu ce que nous avons vécu récemment, je la prendrais au mot. Je me permets de penser que les propos qu’elle vient de tenir relèvent tout au moins d’un esprit d’à-propos contestable.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je veux rappeler que ce sujet était apparu sous un aspect plus positif, puisque, dans le cadre du LMBO, le rachat de l’entreprise était effectué par les salariés, c’est-à-dire des acteurs qui avaient par nature vocation à vouloir la pérennité de la société. Ensuite, ce système a été généralisé avec le LBO, avec les conséquences que cela a engendrées pour TDF, alors que ses résultats sont positifs.

Madame la ministre, vous nous répondez qu’un groupe de travail a été constitué sur cette question, mais je vous ferai observer qu’elle a été largement évoquée lors du G 20 à Pittsburgh. Aussi, je souhaiterais savoir si les conclusions de ce sommet prévoient des dispositions sur les effets de levier.

Un prochain Conseil ECOFIN devrait aborder la question de la directive sur les fonds d’investissement alternatifs qui concerne précisément, me semble-t-il, le LBO puisque c’est ce type de fonds qui assure ce genre de montage. Quelle position défendez-vous dans le cadre de cette directive sur les fonds alternatifs? Sera-t-il possible de réglementer les effets de levier dans ce cadre-là?

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Madame la ministre, généralement lorsqu’un gouvernement est en difficulté dans un débat parlementaire, il renvoie à un groupe de travail. Malheureusement, cette question doit être examinée dans un temps contraint.

Je rappelle que ce financement très prisé est apparu dans les années 2000, alors que l’on était dans une période d’argent facile.

Les sommes dont on parle sont extrêmement importantes. À la fin de 2008, il y avait 60 milliards d’euros de stocks de prêts accordés à des opérations LBO. Pour deux établissements dont on vante aujourd’hui les bénéfices, il s’agissait de sommes très importantes qui figuraient dans leur bilan: près de 9 milliards pour la BNP et de 6 milliards pour la Société Générale. Ces chiffres astronomiques conduisent les experts à penser que 50 % seraient en danger. Les documents qui circulaient il y a encore quelques semaines faisaient apparaître une perte potentielle de 28 milliards, à comparer à l’aide que l’État a accordée aux banques lors de la crise financière.

Il ne faut pas oublier que certaines entreprises ont emprunté 50, 70, voire 80 % pour mettre la main sur ces sociétés. Elles devront rembourser cette dette énorme en misant sur les profits qui seraient générés par un retour de la croissance. Or, selon l’AFIC, l’Association française des investisseurs en capital, 20 % des entreprises sous LBO auraient des difficultés à rembourser leurs dettes. Les différents indicateurs qui servent de base à l’élaboration de ce budget montrent que le retour de la croissance risque d’être plutôt supposé que réel. Voilà pourquoi il est nécessaire de limiter dans le temps le groupe de travail dont vous parlez, madame la ministre, et d’arrêter un calendrier précis des mesures qui pourraient être prises.

(L'amendement n°280 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n os  48 et736, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 48.

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je laisse le soin à M. le président de la commission des finances de le présenter.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le président de la commission.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’amendement n° 78, qui a été adopté à une large majorité en commission des finances, vise à mettre en place, pour la seule année 2010, une taxe additionnelle exceptionnelle sur les bénéfices des banques.

Comme l’ont dit avant moi de nombreux orateurs, l’État est intervenu puissamment pour soutenir, à un moment extrêmement utile, les établissements bancaires et financiers. Je rappelle que 75 milliards d’euros de titres de dettes ont été émis par la Société de financement de l’économie française mise en place par le Gouvernement pour être prêtés aux banques en réponse à la crise de liquidités elle-même due à une crise de confiance interbancaire et que près de 20 milliards d’euros d’opérations de renforcement de fonds propres ont été émis par le biais de la Société de prises de participation de l’État.

C’est ce soutien qui a permis aux banques de réaliser des bénéfices au titre de l’année 2009. Sans ce soutien, les banques auraient été bien plus fragiles. Quand on voit les résultats qu’elles ont obtenus au premier semestre de cette année, on s’aperçoit qu’elles ont renoué avec une certaine profitabilité. En effet, le résultat net de BNP-Paribas s’élève à 3,2 milliards d’euros, celui du groupe Crédit agricole à 4 milliards d’euros, celui de la Société Générale à 31 millions d’euros, celui du Crédit mutuel et du CIC à 246 millions d’euros. Quant à Natixis, il réalise un certain nombre de pertes.

Ce plan de soutien était une nécessité, et nous sommes nombreux à l’avoir dit. Nous en avons contesté les modalités, notamment parce que l’État n’a pas souhaité demander aux banques, en contrepartie, d’être présent dans les conseils d’administration ni leur imposer ce qu’ont fait d’autres pays, à savoir une association au retour à meilleure fortune, qu’obligatoirement entraînait le soutien des pouvoirs publics en direction des banques.

Madame la ministre, pour justifier votre position, vous avez utilisé deux arguments. D’abord, vous avez dit que les banques françaises n’étaient pas à l’origine de la crise et qu’il n’y avait pas de raison particulière de vouloir les punir. Et vous avez ajouté que le soutien aux banques ne coûtait rien au contribuable, qu’il a même rapporté.

Si les banques françaises n’ont pas été à l’origine de la crise financière…

M. Henri Emmanuelli. Oui et non…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Soyons objectifs, monsieur Emmanuelli: elles ne sont pas directement à l’origine de la crise financière.

…elles ont été parties prenantes d’un système qui favorise la prise de risques à l’extrême. Et, en la matière, les banques françaises n’ont rien à envier aux banques étrangères en ce qui concerne par exemple la rémunération des opérateurs de marché.

Je vous rappelle que la BNP se proposait de réserver un milliard d’euros en 2009 pour ses traders. À la suite d’une intervention du Président de la République et du Gouvernement, la BNP a réduit cette somme à 500 millions d’euros, ce qui reste encore considérable. La commission des finances, ayant auditionné les banques, est bien placée pour dire que leurs dispositifs de contrôle interne n’étaient pas vraiment performants – je pense notamment à la Société Générale et à l’affaire Kerviel.

Enfin, les banques ne sont pas totalement passées à côté des actifs toxiques, nous avons pu le constater également à l’occasion d’auditions.

Par ailleurs, madame la ministre, il est difficile de dire que cela n’a rien coûté au contribuable, dès lors que la crise financière a provoqué une crise économique sans précédent, avec un coût particulièrement élevé.

M. Henri Emmanuelli. Des milliers de chômeurs!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Il y a eu 500000 chômeurs supplémentaires en un an. La dette publique atteindra plus de 82 % du PIB en 2010 et augmentera encore en 2011 et en 2012. Je peux difficilement accepter d’entendre dire que la crise financière n’a rien coûté à l’État français ni au contribuable, tant les conséquences sont importantes. Éric Woerth s’évertue à dire que si les déficits deviennent abyssaux, la crise y est pour beaucoup. Il a raison, mais seulement pour partie. Nous avons eu l’occasion de démontrer que la crise n’explique pas tout et que nous avions un déficit structurel bien avant.

Le Gouvernement ne se lasse pas de dire que le plan d’aide au système bancaire a rapporté de l’argent à l’État. C’est vrai.

M. Henri Emmanuelli. C’est une lamentable affaire!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. De là à considérer que c’est une excellente affaire pour l’État, il y a une marge. Plusieurs sommes sont évoquées. Il faut d’abord faire une distinction entre le rapport brut et le rapport net, car aller chercher de l’argent sur les marchés financiers a coûté à l’État.

Cela étant, le principal reproche que je fais au Gouvernement et à l’État – au-delà de la non-présence de ce dernier aux conseils d’administration, ce qui aurait pu être intéressant pour peser sur la stratégie des banques – porte sur les clauses contractuelles négociées dans le cadre de la souscription d’actions de préférence, qui ont laissé à la seule initiative des emprunteurs le remboursement et ont privé l’État de toute rémunération automatique, à la différence des titres subordonnés, le versement dépendant du choix des banques d’en verser un à leurs actionnaires ordinaires.

D’autres États ont bien mieux protégé leurs intérêts patrimoniaux lorsqu’ils ont aidé leurs banques. Je pense aux États-Unis, à la Suisse, aux Pays-Bas, à l’Italie, à l’Allemagne ou à la Grande-Bretagne. Tous ces pays ont mis en place des modalités, non pour punir les banques, mais pour les prévenir que, si elles renouaient avec les bénéfices, il faudrait que l’État, c’est-à-dire le contribuable, y soit associé. Quoi de plus normal? De plus légitime?

M. Henri Emmanuelli. C’est réservé au privé!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. L’État, c’est l’argent de tout le monde et l’État, madame la ministre, ne spécule pas. J’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques jours, j’ai été choqué de vous entendre faire cette comparaison. Quand on défend l’intérêt de l’État, on défend l’intérêt du contribuable, on ne spécule pas. Et, à l’évidence, le soutien de l’État entraînait obligatoirement un retour à une situation de meilleure fortune.

Voilà pourquoi nous vous proposons simplement d’être associés, pour partie, à ce retour aux bénéfices. Il n’est pas normal que le seul profit soit celui d’actionnaires privés, d’autant qu’il y a beaucoup de difficultés, les banques n’ayant pas toujours joué le jeu comme nous l’aurions souhaité pour financer l’économie réelle.

Mme Chantal Brunel. Peu d’entre elles, en effet!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Je terminerai, monsieur le président, en citant deux exemples.

Le gouvernement suisse a aidé UBS à hauteur de 5,6 milliards. Il a eu un retour à hauteur d’un milliard, soit un retour sur investissement à hauteur de 30 %. Pour notre part, nous avons aidé la BNP, à hauteur d’un peu plus de 5 milliards et nous avons 220 millions d’intérêts.

M. Michel Bouvard.  On ne peut pas comparer…

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Même sans comparer – Michel Bouvard le sait très bien –, je cite cet exemple pour expliquer qu’il était possible de retenir des modalités différentes.

Le professeur Olivier Pastré, qui vient de publier, avec Patrick Artus, un livre intitulé Sorties de crise, aux éditions Perrin, a récemment donné une interview très intéressante. À la question suivante: « Comment expliquez-vous que les banques se soient rétablies aussi rapidement et qu’elles puissent faire à nouveau d’importants bénéfices? », Olivier Pastré a répondu: « Les banques ont aujourd’hui le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière. Le beurre: les banques ont une garantie totale d’intervention des pouvoirs publics, elles n’encourent donc aucun risque de faillite. L’argent du beurre: elles ont – et c’est très bien – relevé leurs marges sur les crédits. Et le sourire de la crémière: elles considèrent que, sur les marchés, on est revenu à une situation de business as usual. » Tout est dit dans ce commentaire, madame la ministre. J’ajoute qu’on ne peut pas considérer qu’Olivier Pastré soit un révolutionnaire ou qu’il souhaite dynamiter le système bancaire et financier!

La proposition que nous vous faisons nous semble raisonnable, ainsi qu’à une majorité des membres de la commission. Quant à vous, madame la ministre, vous nous proposez une taxe pour que le secteur bancaire et financier autofinance sa supervision. Ce n’est pas la même chose. J’ai eu l’occasion de faire cette proposition il y a un peu plus d’un an, dans le cadre d’un petit livre que j’ai moi-même commis sur la crise. Il paraît tout à fait légitime que, sur le modèle de ce qui se passe pour les assureurs, la supervision bancaire et financière soit financée par les banquiers eux-mêmes, surtout au regard du coût que cela peut représenter pour eux: l’effort ne sera pas très important. Votre proposition, madame la ministre, est complémentaire de la nôtre, mais elle ne peut en rien s’y substituer. Chantal Brunel a, d’une certaine façon, amélioré notre amendement en soulignant qu’il fallait que cette contribution soit exceptionnelle et ne porte que sur 2010. J’ai, bien sûr, accepté cette proposition. Chaque chose en son temps; nous verrons bien, l’an prochain, comment évoluera la situation financière des banques. Cette proposition nous semble raisonnable. Il s’agit simplement d’une petite association de l’État, et donc du contribuable, aux bénéfices retrouvés des établissements bancaires et financiers. (« Très bien! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Chantal Brunel. Très bien!

M. le président. la parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n°736 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 48.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur le président de la commission, vous êtes extraordinairement convaincant et vous m’avez convaincue de la nécessité de faire payer les banques, mais pas pour les mêmes causes, pas avec les mêmes effets, pas pour la même durée.

Je reviens sur les deux points que vous avez évoqués. Ajouter dix points de plus à l’impôt sur les sociétés au titre de l’année 2010 pour le résultat de 2009, c’est faire payer les banques pour le passé…

M. Henri Emmanuelli. Pour le service rendu!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …en imaginant que les banques françaises ont commis des fautes. Vous l’avez dit vous-même, monsieur Migaud, et je vous en rends grâce par honnêteté intellectuelle – dont nous faisons preuve tous deux – les banques françaises n’ont pas commis de fautes.

M. Henri Emmanuelli. Seulement quelques-unes…

M. Yves Censi. Il n’y a pas de fautes pénales!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Il n’y a pas de fautes pénales, mais il n’y a pas non plus de fautes de gestion. Elles se sont comportées comme des acteurs économiques et financiers, respectant pour l’essentiel l’ensemble des règles applicables dans le secteur financier. Comparées aux banques allemandes, anglaises ou américaines, elles se sont plutôt bien comportées. Nous ne sommes donc pas en train de les sanctionner pour une faute au regard de la crise.

M. Jean Launay. Elles ont boursicoté sur le virtuel!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Elles n’ont pas déclenché la crise financière dont elles ont été elles-mêmes les premières victimes.

Faudrait-il les faire payer parce qu’elles auraient commis une faute en étranglant l’économie? Non, ce ne sont pas les banques françaises qui ont étranglé l’économie!

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que non…

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. L’ensemble des circuits financiers a été bloqué. Elles n’ont pas été en mesure de se refinancer et nous avons dû mettre en place le mécanisme de la Société de financement de l’économie française.

Vous l’avez dit, monsieur Emmanuelli, ainsi que vous, monsieur le président de la commission: faut-il les faire payer pour le service fourni? L’État a effectivement rendu un service en mettant sa garantie en jeu pour obtenir des refinancements et faire en sorte que les banques françaises puissent faire tourner la monnaie. Or un service fourni se rémunère; celui qui a été fourni a bien été rémunéré, non seulement dans le cadre de la Société de financement de l’économie française par de l’intérêt, mais aussi au titre du paiement de la garantie de l’État. Autrement dit, les 1 milliard 240 millions plus les 150 millions au titre de Dexia constituent bien une rémunération de la garantie. Je vous renvoie, monsieur Cahuzac, à la lecture du rapport de la Cour des comptes dans toutes ses dispositions sur la SFEF et sur la société des prises de participation de l’État.

M. Michel Bouvard. Très bien!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Par conséquent, le 1,2 point plus 150 dont je viens de parler constituent bien la rémunération nette au titre de la garantie. Il y a en outre la rémunération des intérêts en net du coût supporté pour l’emprunt qu’a fait l’État. Le service fourni a donc bien été rémunéré. Je ne suis pas en train de faire l’apologie des banques.

M. Jean-Pierre Brard. Non, c’est une véritable déclaration d’amour!

M. Jean-Louis Idiart. On sait où est la crémière! (Sourires.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. On leur a demandé de prêter à l’économie française et l’on sait aujourd’hui qu’elles ont prêté plus que les banques européennes et qu’elles ont augmenté leurs encours de crédits de 2,7, contre 0,6 en moyenne pour la zone euro.

M. Jean-Pierre Brard. C’est trois fois rien…

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Elles ont donc participé à l’amélioration du financement de l’économie française. Aussi, en leur imputant la crise économique et le chômage comme étant la résultante directe de leurs agissements, vous établissez selon moi un lien de causalité qui n’est pas justifié par les circonstances.

Cela étant, je suis d’accord avec vous sur le fait qu’il faut faire payer les banques. C’est l’objet de mon amendement, sur lequel vous avez gentiment fait une introduction, monsieur le président de la commission, puisque vous avez eu vous-même cette idée il y a un an.

Le fait de mettre en place un système de supervision renforcé, de se mettre en règle avec les recommandations du Conseil de stabilité financière, de garantir une meilleure sécurité et une meilleure stabilité, tout cela a un coût. Il me semble légitime que les banques l’assument dans une supervision harmonisée entre les banques et les assurances. Il faut que chacun des acteurs paie sa part: c’est tout le sens de mon amendement.

M. Henri Emmanuelli. C’est lamentable!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Mais je veux aller plus loin; il faut que les banques aillent au-delà. Au niveau européen, une directive prévoit d’augmenter le niveau de la garantie des dépôts. Aujourd’hui, en France, cette garantie est de 70000 euros par titulaire. À l’occasion de la directive européenne, nous l’avons portée de 70000 à 100000 euros. Un fonds de garantie est associé à cette garantie individuelle.

Je considère que les banques françaises doivent contribuer au financement de ce dépôt de garantie pour assurer la contrepartie de l’augmentation de 70000 à 100000 euros par déposant. C’est une des dispositions que vous retrouverez dans le projet de loi sur la régulation bancaire auquel nous travaillons actuellement.

M. Henri Emmanuelli. Plus tard…

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Ce texte comportera un certain nombre de dispositions, notamment sur la titrisation, pour éviter des franchissements de seuils rampants évoqués tout à l’heure par l’un des intervenants. Ce dispositif à la charge des banques, qui participeront ainsi au financement de la sécurité des épargnants, me paraît nécessaire. Il sera pérenne et ne s’appliquera donc pas seulement en 2010.

Il est vrai que nous avons dû, pendant la période de grandes difficultés, mettre en place un médiateur du crédit qui est parvenu, dans 66 % des cas, à faire revenir les banques sur leurs décisions. Mais il faut aussi comprendre que, dans le contexte de thrombose totale du système de crédit, toutes les banques, en France et à l’étranger, ont donné des instructions très fermes afin que soient réappréciés avec une attention extrême les risques pris pour chaque dossier examiné.

Le secteur financier joue un rôle vital dans le financement de l’économie et est un outil de compétitivité indispensable.

M. Henri Emmanuelli. C’est vous qui le dites!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. On peut dire ce que l’on voudra et déplorer la financiarisation de l’économie, c’est aujourd’hui un des facteurs qu’il faut prendre en compte. Si l’on a envie d’avoir un secteur bancaire à la solde des États-Unis, de la Grande-Bretagne, voire de la Suisse – le jour où UBS aura rétabli sa situation qui était bien plus grave que celle de BNPP, de la Société générale et quelques autres –…

M. Henri Emmanuelli. Pas Dexia!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. …alors prenons des mesures nationales, portons atteinte au bénéfice – lequel est parfaitement délocalisable: nous savons tous qu’il n’est pas très difficile de faire sortir de la matière fiscale dans le domaine financier.

M. Henri Emmanuelli. C’est de la caricature!

M. Christophe Caresche. Ce ne sont pas des arguments!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’est pourquoi je vous propose une mesure qui n’est pas en relation avec le bénéfice, qui est un pourcentage des fonds propres, qui est pérenne et qui ne remet pas en cause l’attractivité et la compétitivité du secteur bancaire français, de l’efficacité duquel nous pouvons nous honorer. Il est impératif qu’il soit tenu à des exigences de responsabilité et de service de l’économie, non de service de la finance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est évidemment un débat très important, qui mérite que l’on s’y arrête quelque peu.

Le certificat de moralité que vous délivrez aux banques, madame la ministre, mérite tout de même inventaire. À quand la prison pour M. Milhaud et M. Bouton? Rappelez-vous: leurs frasques ne datent pas d’hier. L’affaire du Sentier, impliquant la Société générale, a-t-elle existé, oui ou non? Nous aimerions d’ailleurs bien que cela débouche un jour. Vous donnez un certificat de sainteté à des gens qui ne le méritent vraiment pas.

L’évocation de la crémière me réjouit. Moi qui suis normand, je vois déjà la crémière au teint rose et frais derrière l’étal… Vous garantissez, quant à vous, madame la ministre, un taux de matière grasse élevé dans la crème! Que le secteur financier autofinance sa supervision, en voilà une découverte! Qui, parmi nous, attendrait que d’autres paient, à notre place, les assurances de notre maison ou de notre voiture? Il est tout à fait normal que vous teniez ces propos, ce n’est toutefois pas un progrès, mais simplement une exigence légitime à l’égard des banquiers!

Il y a des choses que vous ne dites pas: les banquiers se repaissent de la substance de nos compatriotes! Je l’ai dit, alors que je présentais la motion de renvoi en commission. Les banquiers gagnent environ, au travers des services rendus, 154 euros par client, contre 46 euros en moyenne aux Pays-Bas. Nous n’avons pas entendu dire que les banques des Pays-Bas étaient au bord de la faillite! Des gains indus sont ici réalisés. Multipliez la différence entre ce que paient les Français et les Néerlandais par le nombre de comptes bancaires et vous verrez les sommes colossales que cela représente! Vous pourriez d’ailleurs décider d’un prélèvement à la hauteur de la différence…

La valeur boursière s’est extraordinairement redressée. J’ai cité l’exemple de la Société générale. Au mois de mars, la valeur de l’action de cette banque dépassait à peine vingt euros: elle s’élevait, en septembre, à plus de 50 euros! Oui, la situation des banques se rétablit bien. Comme le président de la commission vient de le souligner, elles ont renoué avec la profitabilité grâce au plan de soutien. Ce plan a été utile aux banques; mais en quoi l’a-t-il été à la nation?

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue!

M. Jean-Pierre Brard. Pour l’instant, il n’est utile qu’aux banques. Il convient, aujourd’hui, d’en faire un levier pour le développement économique. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le débat, puisque le président me rappelle à l’ordre. Il ne s’agit pas de punir les banques. La solidarité avec la nation n’est pas une punition, mais un devoir! Les banques sont riches, et que vont-elles faire de tout l’argent qu’elles accumulent? Elles vont se relancer dans le processus de spéculation! Si vous aviez lu Marx, vous sauriez qu’elles cherchent évidemment à se rémunérer davantage, alors que la masse des richesses produites permettant la rémunération du capital se restreint! Les banques sont donc déjà reparties dans ce qui nous a menés à la catastrophe. Quand vous dites que les banques françaises ne sont pas responsables, ce n’est pas vrai! En effet, les subprimes n’ont été qu’un déclencheur de la crise, laquelle trouve son origine dans la répartition des richesses produites dans les processus de travail. Vous vous félicitez de la financiarisation de notre économie, donc de ce qui nous mène à la catastrophe! Si je devais choisir entre le capitalisme de tontine et le capitalisme rhénan, j’opterais pour celui qui porte la production, qui porte le développement des économies nationales, et non pour ce capitalisme de rente, digne du Second Empire et certainement pas du XXI siècle!

M. le président. Avant de donner la parole à M. le rapporteur général, pour qu’il donne l’avis de la commission sur cet amendement, je souhaiterais faire le point. J’ai constaté que plusieurs orateurs désiraient s’exprimer. Ce débat est essentiel. Rassurez-vous, chers collègues, je donnerai la parole à chacun. Je vous demande, en contrepartie, d’avoir la correction de ne pas dépasser le temps imparti.

Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Le rapporteur général pense le plus grand bien de l’amendement de Mme la ministre, même s’il n’a pas été examiné en commission. En effet, la crise financière a montré à quel point la supervision de l’ensemble des établissements financiers – banques et assurances – doit être renforcée. Nous avons d’ailleurs travaillé en commission des finances sur un certain nombre de propositions en ce sens. Outre les considérations sur les rémunérations, les normes comptables et les ratios, entre autres, le renforcement de la supervision est essentiel. Dans ce cadre, un projet devrait être présenté au début de l’année prochaine. Il consiste à adopter, en France, une forme d’organisation de la supervision, qui prévaut dans la plupart des pays, consistant à regrouper les banques et les assurances. Aujourd’hui, la supervision bancaire est assurée par la Commission bancaire et celle des assurances par l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Il est, par conséquent, envisagé de regrouper ces deux structures, tout en conservant deux collèges distincts; nous constatons en effet que les problèmes de supervision concernent aussi bien les banques que les assurances. Accroître la supervision est donc une bonne réforme, d’autant plus que, dans le cadre de la supervision telle qu’on l’imagine dans l’avenir, de nouvelles tâches devraient se développer: lutte contre le blanchiment, coordination européenne, coordination internationale... Nos instruments de supervision, quelque peu limités, devront être étoffés.

Aujourd’hui, les assurances paient une contribution de 30 à 40 millions d’euros pour financer la structure de supervision qu’est l’ACAM. Jusqu’à maintenant, la question ne s’était pas véritablement posée, s’agissant des banques. Mais notre organisation est très ancienne et la Commission bancaire, qui dépend de la Banque de France, voit ses missions augmenter sensiblement. À ma connaissance, cette commission emploie plusieurs centaines de personnes. Il est, en conséquence, indispensable de s’interroger sur son financement. L’objectif tend donc précisément à faire payer cette supervision par les banques, et ce de façon pérenne, donc pas uniquement au titre de l’année 2010 sur les résultats de 2009. Cela représente un enjeu de plus de 100 millions d’euros chaque année.

M. Henri Emmanuelli. Oh là là!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . C’est ce que nous propose le Gouvernement. Je pense, pour ma part, que ces 100 millions auront vocation à s’accroître, compte tenu des exigences en matière de supervision.

M. Henri Emmanuelli. Il va y avoir des milliards d’euros!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cette contribution, monsieur Emmanuelli, n’est pas assise sur les résultats des banques, mais sur les exigences de fonds propres attendus des différentes banques, dans le cadre d’une réglementation générale.

M. Henri Emmanuelli. Ce sont les clients qui vont payer!

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Cela revient, en fait, au même, c’est-à-dire à une contribution substantielle des banques qui a vocation à augmenter dans l’avenir et qui, je le répète, sera exigible chaque année.

La voie que nous propose le Gouvernement est tout à fait intéressante. Il me paraît, en conséquence, indispensable d’adopter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Je suis d’accord avec la conclusion du rapporteur général. Cet amendement doit effectivement être adopté, parce qu’il complète parfaitement ce que nous avons, par ailleurs, déjà proposé avec succès en commission des finances.

L’amendement de Mme Lagarde reprend une proposition faite par le président de la commission des finances, et au nom de celle-ci, il y a de cela quelques mois. J’imagine que, comme moi, vous avez appris, mes chers collègues, cette initiative gouvernementale après que la commission des finances a adopté l’amendement que nous allons examiner tout à l’heure, ce qui prouve la parfaite complémentarité des deux démarches.

M. Henri Emmanuelli. C’est un leurre et vous le savez!

M. Jérôme Cahuzac. Faire payer par les établissements bancaires le coût de leur supervision me paraît tout à fait légitime, mais cela n’a évidemment aucun rapport avec la disposition qui va être proposée à notre assemblée. En effet, ces 100 millions n’ont rien à voir avec les montants que nous avons pu évoquer en commission des finances; de plus ils n’abonderont en rien le budget de l’État. Ils permettront exclusivement de superviser les établissements bancaires.

Nous voterons cette disposition, mes chers collègues, parce que nous la pensons nécessaire et qu’elle est complémentaire de l’amendement adopté par la commission des finances. J’en veux encore une fois pour preuve le calendrier: nous avons appris, par la presse, l’initiative gouvernementale après que l’amendement dit « Migaud » a été adopté par la commission des finances et est, par conséquent, devenu celui de ladite commission.

M. Jean-Pierre Brard. C’est une réaction!

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel. Je suis bien sûr favorable à votre amendement sur la supervision, madame la ministre, mais, si j’ai sous-amendé et voté l’amendement du président de la commission des finances, ce n’est pas pour « punir » les banques, c’est pour les réconcilier avec les Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Votre amendement est très bon, mais c’est une mesure technique, qui n’est pas tout à fait lisible pour nos concitoyens.

J’ai une suggestion. Ces 10 % supplémentaires sur l’impôt sur les bénéfices, pourquoi ne pas les affecter au fonds stratégique d’investissement? Ainsi, on réconcilierait les banques non seulement avec les Français mais avec les entreprises. M. Bouvard a l’air très opposé à une telle mesure.

M. Michel Bouvard. Si l’on veut considérer que le FSI accorde des aides d’État, il n’y a qu’à s’y prendre comme cela!

Mme Chantal Brunel. C’était seulement une suggestion, madame la ministre. J’appartiens à une majorité présidentielle et je comprends vos contraintes, mais réconcilier les banques avec les Français et avec les entreprises, c’est important dans notre pays.

Mme Martine Billard. Il n’y a pas de mandat impératif!

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli.

M. Henri Emmanuelli. Madame la ministre, je n’ai pas compris votre démonstration. Personne n’a parlé de punition, je ne sais pas d’où vient cette sorte d’introspection moralo-financière.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez dû être élevée chez les bonnes sœurs!

M. Henri Emmanuelli. Nous vous avons parlé, nous, d’une opération financière et je répète que, sur le marché financier, on n’aurait jamais trouvé quelqu’un qui prenne un tel risque contre un simple intérêt pour rémunération, et qu’il aurait été normal de demander une prise de participation. Puisqu’on prend un risque, autant anticiper un bénéfice aussi large que possible en cas de retour à meilleure fortune.

Vous dites que les banques françaises ne sont pas à l’origine de la crise. Elles ne le sont sans doute pas principalement, mais certaines d’entre elles ne se sont tout de même pas privées de spéculer sur les marchés. Je vous rappelle que l’une de nos plus grandes banques – je ne citerai pas de nom parce que je ne veux pas avoir l’air de montrer du doigt – est l’un des principaux opérateurs sur les marchés dérivés. Peut-être allez-vous m’expliquer que les marchés dérivés n’ont rien à voir avec l’explosion de cette crise. Il faut être sérieux! Il y a une banque que l’on connaît bien, qu’on nous a présentée deux fois à la commission des finances, une fois pour une prise de participation dans le capital, la seconde fois pour garantir tout son secteur d’assurances. Elle n’est d’ailleurs plus tout à fait en France, après y avoir construit sa fortune.

Moi, je ne comprends pas. À vous entendre, les banques ne sont pas à l’origine de la crise, elles n’ont rien fait de mal. Peut-être pourrait-on envisager, en plus de la garantie que vous leur avez donnée moyennant intérêt, d’accorder systématiquement la Légion d’honneur à l’ensemble de leurs présidents-directeurs généraux?

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est déjà fait!

M. Henri Emmanuelli. Effectivement, il ne doit pas y en avoir beaucoup qui ne l’ont pas, surtout s’ils viennent de l’inspection des finances.

Nous sommes à l’Assemblée nationale, les Français ont vu ce qu’ils ont vu et vous prétendez que cela ne coûte rien au contribuable. Allez le dire aux centaines de milliers de chômeurs qui se trouvent en situation difficile, allez le dire aux milliers de PME qui ont déposé le bilan, bref, à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont subi un revers. Si, cela a coûté très cher.

Et il y a pire: elles repartent comme en 40, au nez et à la barbe de toutes les autorités politiques, parce que, lorsque la fenêtre de tir était ouverte pour prendre des garanties, vous ne les avez pas prises. Je crains que, maintenant, il ne soit trop tard.

Je me souviens d’avoir dit au début de cette crise que les traders avaient un os dans la bouche et ne le lâcheraient que si on leur tapait sur le crâne. Nous en avons la démonstration aujourd’hui. Nous allons voir des distributions de bonus d’un montant plus élevé que tout ce qu’on a connu.

Arrêtons donc de faire du faux moralisme. Il s’agit tout simplement de demander au système bancaire, qui va faire de gros bénéfices, de contribuer au redressement de la situation nationale. Ce n’est tout de même pas un scandale.

Quant à payer la supervision, il ne manquerait plus que ce soient les contribuables qui la paient! Le système d’assurance fait-il payer aux autres son système de supervision? Non. Venir nous dire qu’on ne va pas leur imposer une participation supplémentaire, mais qu’on va leur demander de financer eux-mêmes le système qui les régule, franchement, c’est aller un peu loin et cela ressemble à un leurre.

J’ai écouté M. le président de la commission des finances et les citations de son grand professeur. Faites un pas en arrière, madame la ministre. Il ne faudrait tout de même pas qu’à la fin de l’opération, la crémière, ce soit vous…

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Nous sommes au cœur d’un débat de société, très sensible dans l’opinion. Nous devons trouver la juste rémunération de l’effort consenti par l’État pendant la crise, mais aussi faire attention au signal que l’on entend envoyer en pensant à l’attractivité de la place de Paris et aux besoins en fonds propres des établissements financiers dans la période actuelle.

J’essaie de ne pas trop me passionner, même si mon tempérament naturel me conduirait à le faire. Je me suis donc reporté simplement au rapport de la Cour des comptes qui nous a été livré cet été. Plusieurs points sont importants.

Tout d’abord, à la page 11, partant d’un rapport précédent du début des années 2000, la Cour insiste sur le fait que le système français est mieux régulé qu’il ne l’était, qu’il dispose d’une bonne assise et a des facteurs de risque déjà identifiés.

Ce rapport constate aussi que la rentabilité des banques a été fortement affectée en 2008 par l’impact des dépréciations d’actifs, et que les six grands groupes bancaires français ont dégagé un résultat net cumulé part du groupe qui était en baisse de 76 % par rapport à 2007.

Le même rapport précise que les banques françaises, hormis quelques cas particuliers, ont été moins touchées par la crise que nombre de leurs concurrentes étrangères du fait du modèle de banque universelle, d’une meilleure assise de fonds propres et d’une moindre exposition aux risques immobiliers, mais qu’il y avait néanmoins besoin d’une réaction publique compte tenu d’une défiance des investisseurs à l’égard de l’ensemble du système bancaire, et que c’est bien le problème systémique qui a nécessité l’intervention de l’État plutôt qu’une fragilité de la totalité des établissements financiers français.

Cela a justifié d’ailleurs à mon sens qu’il n’y ait eu de prise de participation au capital que dans la banque franco-belge Dexia, puisque c’était la seule qui soit réellement menacée de disparition et de défaillance. Dans ces conditions, effectivement, il était normal que l’État intervienne comme il l’a fait.

La question, aujourd’hui est de savoir si, comme cela a été voté en commission des finances, l’État doit recourir à une taxation additionnelle de 10 % à l’impôt sur les sociétés. Moi, je pense que non, pour deux raisons.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous l’avez votée en commission!

M. Michel Bouvard. Non, et j’ai dit pourquoi.

Elle sera en effet considérée comme une mesure rétroactive, sans qu’on sache d’ailleurs pourquoi elle serait de 10 %. Pourquoi pas 5, 15 ou 20 %? La situation n’est pas la même que pour le superbénéfice de Total. Nous étions alors face à une spéculation sur les stocks de carburants, une opération qui avait dégagé un superbénéfice, et j’avais voté pour une taxation. Ici, il s’agit en revanche d’un bénéfice ordinaire.

Ma position est donc très simple dans cette affaire, c’est celle de la Cour des comptes. Elle considère dans son rapport, page 75, que la rémunération de l’État est avantageuse mais que plusieurs éléments en limitent la portée. Dans les conclusions de la page109, il est dit qu’il faut s’assurer à tout moment que la rémunération des concours publics est en rapport avec le risque supporté par l’État, et continuer à évaluer ce qu’a été in fine le différentiel entre ce que l’État a encaissé et le risque qu’il a supporté.

Par conséquent, si l’on doit faire quelque chose, et je pense que ce sera nécessaire, c’est sur une base objective. La Cour des comptes va rendre un deuxième rapport dans quelques mois. Il me semble que c’est ensuite que nous devrions nous poser la question de savoir quel a été le coût objectif pour l’État des apports qu’il a effectués au regard du risque qu’il aura supporté.

Il faut savoir également que, dans un dispositif de taxation identique, nous taxerions des établissements financiers qui avaient réellement besoin de l’apport de l’État et d’autres qui, nous le savons bien, n’en avaient pas réellement besoin et qui ont souscrit pour éviter une identification des maillons faibles et un effondrement de telle ou telle institution financière du pays.

Aujourd’hui, nous devons réagir à froid, mais il se pose aussi de vraies questions, madame la ministre, sur les prêts accordés à l’économie à la suite de l’ouverture de l’épargne réglementée aux établissements financiers.

Si l’on inclut le stock, on est bien « dans les clous » pour le volume que les banques prêtent au secteur des PME par rapport à ce qu’elles ont reçu d’épargne réglementée. Par contre, si l’on regarde en flux, nous n’y sommes pas vraiment.

Il y a également le problème du niveau de la ressource, qui est très bon marché, celle de l’épargne réglementée, par rapport à celui des prêts consentis aux collectivités locales.

Il y a enfin le problème de la durée des prêts que le système bancaire est capable de faire.

Ce sont les vraies questions sur lesquelles nous devons aujourd’hui nous concentrer. Pour une éventuelle taxation, il faut attendre tranquillement et sereinement que la Cour des comptes, qui a émis un rapport objectif, nous donne des éléments fiables nous permettant de savoir quelle rémunération il convient de demander pour l’intervention de l’État pendant la période de crise au-delà des taux d’intérêt pour les avances et les participations qui ont été consenties.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Vous avez reconnu, madame la ministre, que le président de la commission des finances avait été convaincant. J’ai le même avis que vous et c’est en partie la raison pour laquelle j’ai voté son amendement en commission des finances. Vous avez été vous-même convaincante, heureusement, mais pas totalement et je me permettrai de vous poser deux questions très précises à la fin de mon propos.

Je suis un membre récent de la commission des finances et mon rapport aux banques depuis mon arrivée dans cette commission est très particulier.

Il y a d’abord eu l’affaire Kerviel, et je ne vous cache pas que, lors du débat que nous avons eu avec l’ancien président-directeur général de la Société générale, j’ai été particulièrement choqué…

M. Henri Emmanuelli. Il y avait de quoi!

M. Jean-François Lamour. …de la façon dont il nous a présenté la situation. Il nous a balancé du back office, du front office, du middle office en nous expliquant au bout du compte qu’il n’y avait rien à voir et que ce n’était pas notre problème. Lors de cette première rencontre, nous n’avons tout de même pas eu de très bons signes.

La deuxième rencontre était liée aux subprimes et aux conséquences que vous avez évoquées. Même si les banques françaises n’ont pas été en première ligne et ont finalement, selon vous, échappé à une crise profonde, elles ont une part de responsabilité dans la situation catastrophique de notre économie.

Heureusement, vous êtes arrivée. Le Président de la République a pris des décisions fortes, précises, en matière d’aide aux banques et vous avez vous-même retroussé vos manches. Les banques, on peut le dire, se sortent correctement de cette affaire, à tel point d’ailleurs qu’elles renouent avec les profits…

M. Gérard Bapt. Avec des stock-options!

M. Jean-François Lamour. …et font des provisions pour payer des bonus à leurs traders. Voilà ce qu’on entend un peu partout, ce qu’on lit dans les journaux, et je ne vous cache pas que c’est particulièrement irritant.

M. Gérard Bapt. Le mot est faible.

M. Jean-François Lamour. L’amendement présenté par le président de la commission des finances me semblait donc être un bon amendement d’appel.

Votre propre amendement, en matière de supervision, est une bonne initiative, car j’ai eu le sentiment, sur l’affaire Kerviel, que la Commission bancaire n’avait rien vu venir. Avec des moyens supplémentaires, elle sera peut-être plus efficace, et cela nous permettra d’éviter à l’avenir ce genre de ratés. Nous avons été, dans cette affaire, la risée du monde entier.

Vous avez proposé de renforcer les fonds de garantie. C’est une très bonne chose, mais pourquoi avoir dit que c’était comme si nous souhaitions punir les banques?

Madame la ministre, je souhaite vous poser deux questions sur l’avenir.

La première concerne les bonus. Le Président de la République est revenu du G20 avec une victoire dans son escarcelle: il a fait comprendre à ses homologues qu’il fallait encadrer les bonus. Où en sommes-nous aujourd’hui?

M. Gérard Bapt. Rien n’a été fait!

M. Jean-François Lamour. Pouvez-vous être certaine que nous ne repartirons pas dans des excès inacceptables pour nos concitoyens?

Ma deuxième question porte sur la capacité des banques à financer l’activité des petites entreprises. Les deux médiateurs du crédit, M. Rameix et M. Ricol, ont certainement fait du très bon travail pour les PME d’un certain chiffre d’affaires, mais pour les TPE, les artisans, cela ne marche pas. Toutes les semaines, on vient me voir à ma permanence au sujet de cette question du financement des petites entreprises.

Mme Chantal Brunel. Très bien!

M. Jean-François Lamour. Quelles mesures allez-vous prendre pour permettre certes aux banques de retrouver leur compétitivité, mais sans que cela se fasse sur le dos des petites entreprises?

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Madame la ministre, vous avez répliqué au président de la commission des finances, pour combattre son amendement, que les banques n’avaient pas fait de fautes, et notre collègue Chantal Brunel assure qu’elle souhaite réconcilier les banques avec les Français et les entreprises. Je voudrais, quant à moi, réconcilier les banques avec les collectivités locales envers lesquelles elles ont commis des fautes.

J’ai eu l’occasion, avec d’autres élus, de vous rencontrer il y a quelques mois pour évoquer la question des emprunts et des swaps proposés par certaines banques aux collectivités locales.

Dans mon département, l’audit juridique et financier que j’ai commandé et qui arrive à son terme aboutit à des conclusions que je qualifierai d’accablantes. Elles révèlent que certains établissements financiers n’ont pas hésité à faire prévaloir leur intérêt privé sur l’intérêt général. Les marges réalisées par ces banques sont exceptionnellement élevées – plus de 40 millions d’euros – alors que l’état actuel de la dette fait apparaître, pour le département de la Seine-Saint-Denis, qui n’a aucune maîtrise sur le montant des charges financières, qu’il devra supporter pour les vingt prochaines années un surcoût exorbitant de l’ordre de 200 millions d’euros par rapport à une gestion financière classique: Euribor ou taux fixes.

M. Gérard Bapt. « Ce n’est pas grave! »

M. Claude Bartolone. Ces conclusions rejoignent, vous le savez, les fortes critiques que la Cour des comptes a adressées aux établissements bancaires, dans son rapport de février2009. Les magistrats ont insisté sur la grande opacité de ce type d’instruments et contesté le recours par les collectivités locales à des produits conduisant à des prises de risque sans rapport avec la gestion de fonds publics.

Par ailleurs, vous aviez évoqué à plusieurs reprises une charte de bonne conduite par laquelle les banques s’engageraient à ne plus commercialiser auprès des collectivités locales des produits financiers complexes, tels que ceux faisant référence à la valeur relative des devises ou les produits à effet cumulatif, et condamneraient implicitement ces pratiques. Compte tenu des évolutions monétaires de la présente période, notamment du rapport euro-dollar, bon nombre de ces produits toxiques vont entrer dans des phases très critiques.

Puisque vous avez dit qu’il ne fallait pas punir les banques qui n’avaient pas fauté, je tiens à préciser qu’un certain nombre d’entre elles ont bien fauté. Compte tenu des chiffres de leurs bénéfices, je pense qu’il est temps de prendre des mesures pour réconcilier le système bancaire et les collectivités locales.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Sans vouloir trop allonger la discussion, je souhaite ajouter un argument à ceux que j’ai entendus.

Nous avons une crise mondiale qui est due à l’irresponsabilité du système financier et à sa non-régulation. Face à cette crise, les États, donc les citoyens, sont intervenus dans de nombreux pays comme prêteurs en dernier ressort pour empêcher les banques de disparaître.

Quel est l’héritage de cette crise? Ce sont, dans tous les pays, des niveaux de déficits que l’on n’aurait pas connus sans elle. Je ne vous exonère pas des 3,4 % de déficit de nos finances publiques en 2008 mais, chez nous comme dans tous les autres pays, l’accroissement du déficit résulte d’une crise mondiale qui a été déclenchée par le système bancaire.

Qui va payer ce déficit? Uniquement les citoyens? Ne peut-on demander un petit quelque chose à ceux qui en portent la responsabilité? Il me semble que c’est la logique même d’un assureur, rôle que les États ont joué en l’occurrence.

M. Christophe Caresche. C’est la morale!

M. Pierre-Alain Muet. C’est aussi une question de morale, en effet. Il convient que les banques contribuent ne serait-ce qu’un tout petit peu – et il ne s’agit, dans cet amendement, que d’un tout petit peu – à réparer la catastrophe qu’elles ont créée.

M. Victorin Lurel. Très bien!

M. le président. La parole est à M. François Scellier.

M. François Scellier. Merci, monsieur le président. Je n’abuse pas de la parole; je me contente le plus souvent d’écouter et d’entendre. Mais je ne peux pas laisser dire à notre collègue Claude Bartolone ce qu’il a dit.

Certes, des banques ont proposé aux collectivités territoriales des produits dont on peut contester la qualité. M. Bartolone a eu la chance de devenir président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Quant à moi, j’ai eu la malchance de quitter la présidence de mon conseil général suite au vote des électeurs en mars2008. Si mon successeur socialiste, qui s’accroche d’ailleurs beaucoup à son siège, avait eu l’occasion de nous reprocher d’avoir acheté de mauvais produits, il ne l’aurait pas ratée! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Bouvard. Très bien!

M. François Scellier. Toutes les collectivités locales ne se sont pas laissé attirer par ces produits qui ont été, pour un temps, très attractifs mais dont les conséquences, on le voit aujourd’hui, sont extrêmement défavorables au budget des collectivités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. Je suis prêt à voter les deux amendements, d’abord et surtout l’amendement de la commission des finances et de son président. Il me semble qu’à la fois politiquement et symboliquement, ce serait une grande avancée que, sur tous les bancs, on fasse ce geste, pour redonner confiance. La confiance, on le sait, compte beaucoup en économie.

Cela dit, je ne partage pas l’analyse de certains collègues, tels que notre ami Pierre-Alain Muet, sur l’origine de la crise mondiale. Celle-ci serait due, disent-ils, à la dérégulation des marchés financiers, à la folie ou à l’« exubérance irrationnelle », comme le disait il y a quelques années Alan Greenspan, de ces mêmes marchés; et dès lors que ceux-ci seraient mieux régulés, plus encadrés, tout redeviendrait comme avant, la croissance redémarrerait, le commerce repartirait de plus belle, la prospérité serait de ce monde. Je ne le crois pas.

En observant la succession des événements de l’économie réelle avant septembre2008 et la chute de Lehman Brothers, on constate en effet que c’est la hausse continue des matières premières sur les marchés new-yorkais qui a produit la crise des subprimes. La dérégulation des marchés et les marchés eux-mêmes n’ont été qu’un accélérateur ou un multiplicateur de la crise, mais cette crise est née de l’économie réelle. Elle provient, d’une certaine manière, de la géologie, non de la finance.

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Diefenbacher et à M. Cahuzac, je vous informe que, sur le vote de l’amendement n° 48, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Je n’ai pas voté en commission des finances l’amendement qui nous avait été présenté par Didier Migaud, et je dois dire en quelques mots pourquoi, parce que ce sont les mêmes raisons qui me conduisent aujourd’hui à repousser l’amendement n° 48 et à demander à mes collègues du groupe UMP de faire de même.

Cet amendement me paraît surtout intéressant, en réalité, par l’exposé sommaire qui l’accompagne et qui nous dit que la taxe additionnelle que l’on nous demande de créer doit être regardée comme la contrepartie d’un service rendu par l’État aux banques. C’est faux.

Il faut se replacer dans le climat de l’époque, lorsque le Président de la République décida que l’État apporterait sa garantie aux prêts interbancaires. La crainte que l’on avait, c’était que l’écroulement de la banque Lehman Brothers entraîne l’écroulement d’une autre banque, puis d’une autre, puis, de proche en proche, de l’ensemble du système bancaire, enfin de l’ensemble de nos économies. Par conséquent, si cette décision a été prise par l’État, ce n’est pas pour sauver les banques, mais pour éviter l’écroulement de l’ensemble de l’économie.

De sorte que je ne vois pas comment, un an après, avec le problème de rétroactivité que cela pose et qui implique un risque de censure par le Conseil constitutionnel, on se tournerait maintenant vers les banques en leur disant: « Il y a un an, nous avons rendu un service. Aujourd’hui, nous vous présentons la facture. »

Par ailleurs, il faut se souvenir que, si l’État s’est porté au secours du système bancaire, c’était également pour mettre un pied dans le dispositif de la régulation bancaire. Cette préoccupation qui existait à l’époque existe encore aujourd’hui, et c’est l’objet de l’amendement présenté par le Gouvernement.

La logique consiste donc à repousser l’amendement n° 48 et à adopter l’amendement du Gouvernement, comme je demande de le faire à mes collègues de l’UMP.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, dernier orateur.

M. Jérôme Cahuzac. À mon tour je citerai les conclusions de la Cour des comptes: « Compte tenu des dispositions rappelées, il n’est pas certain que l’État soit en mesure de dégager des plus-values de cession qui soient en rapport avec le risque qu’il a assumé. »

De même, Le Monde de ce soir titre: « À Paris, les bonnes affaires continuent pour les traders », et poursuit: « Aucune limitation des primes n’est à l’ordre du jour. Certains évoquent même une hausse des bonus. »

Enfin, l’État contrôle 15,2 % du capital de la BNP et 7,2 % du capital de la Société générale, et n’en tire aucune plus-value patrimoniale. Si nous avions été écoutés à l’époque, dans un cas comme dans l’autre, une plus-value de cession de plus de 8 milliards d’euros pouvait être réalisée par l’État.

Il nous semble en conséquence que l’amendement sur lequel nous avons demandé un scrutin public mérite d’être adopté, non pas pour rattraper une erreur mais pour que les banques contribuent à l’effort de redressement des finances publiques, un effort qui doit être partagé par tous.

M. Jean Launay. Très bien!

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. Madame la ministre, nos amendements ne s’opposent pas, ils sont complémentaires. Je n’aurai aucune difficulté à voter l’amendement que vous proposez, dans la mesure où il reprend une proposition que j’avais formulée naguère et qui paraît très consensuelle. J’ai d’ailleurs la faiblesse de penser que cet amendement ne serait pas venu en discussion si l’amendement n° 48 n’avait pas été adopté par la commission des finances…

M. Jean-Louis Idiart. Bien sûr!

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. D’autant plus que j’ai pu constater que cette idée recevait un certain écho au Sénat, à en juger par les propositions des sénateurs Jean Arthuis et Philippe Marini, même si nous pouvons diverger sur les modalités.

Il faut distinguer deux choses. Nous avons fourni un service, par le biais d’un certain nombre de prêts, et la rémunération de ce service se fait par des intérêts. C’est tout à fait légitime et vous avez dit vous-même, madame la ministre, qu’il y avait eu rémunération d’un service rendu.

Mais l’État est aussi intervenu en fonds propres, comme quasi-actionnaire. Or, au contraire des autres actionnaires, il n’en tirera strictement aucun bénéfice. C’est là le problème. Votre raisonnement est tout de même étonnant puisque vous refusez à l’État les droits que vous reconnaissez à un actionnaire privé. Je le répète: l’argent de l’État, c’est l’argent de tout le monde. Il serait dès lors normal que l’État, qui est intervenu comme actionnaire, ait droit à une partie du retour sur investissement et à une partie du retour sur bénéfice. C’est la seule chose que je demande: une association de l’État aux bénéfices revenus.

Nous avons donc une divergence, madame la ministre. Je le regrette car je pense qu’une fois de plus, les deux dispositifs proposés se complètent. J’aimerais que notre assemblée vote notre amendement ainsi que le vôtre.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie.

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, d’envisager de voter l’amendement du Gouvernement, mais j’invite la majorité à repousser l’amendement n° 48. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Quelle élégance!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur Lamour, je vais répondre aux deux questions que vous m’avez posé.

Tout d’abord, je comprends bien le désarroi qui a été le vôtre lorsque vous avez entendu les protagonistes de l’affaire Kerviel. Mais parmi ceux qui vous ont dit: « Passez votre chemin, il n’y a rien à voir », certains depuis lors ont passé leur chemin et ne sont plus des acteurs de la place…

S’agissant des bonus et de leur encadrement, vous avez eu raison de dire que c’est grâce au Président de la République, à son action décisive, à sa détermination et à sa pugnacité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que les Allemands et les Anglais, suivi par l’ensemble des Européens, se sont mis d’accord pour convaincre, au G20 de Pittsburgh, tous les partenaires de mettre en place un encadrement des bonus.

M. Jérôme Cahuzac. Et en quoi cela engage-t-il les banques?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. C’était parfaitement inespéré dans le contexte de l’époque. Cet encadrement, c’est d’abord la mise en place d’un bonus et d’un malus en fonction des performances.

M. Gérard Bapt et M. Jérôme Cahuzac. Baratin!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Cela signifie aussi que les établissements concernés acceptent de différer le versement de 50 % à 60 % du bonus en l’étalant sur trois exercices. La performance est ainsi mieux évaluable, ce qui permettra éventuellement d’appliquer le mécanisme du malus. L’encadrement prévoit également l’interdiction des bonus garantis sur une période supérieure à un an, et le paiement en actions d’une partie des bonus – pour que leurs bénéficiaires soient intéressés au fonctionnement de leur entreprise. Voilà quelles sont les dispositions acceptées par l’ensemble des partenaires du G20, à la demande des Européens, entraînés par l’accord franco-germano-britannique.

Qu’en est-il en droit français? Le Comité national des établissements de crédit est actuellement consulté sur un arrêté de mon ministère qui mentionne l’ensemble des règles que j’ai évoquées. Dès sa publication, il s’appliquera à tout le secteur bancaire et concernera les résultats 2009, qui donneront lieu à des rémunérations probablement en mars2010. Je suis donc particulièrement déterminée à ce que mon arrêté sorte avant la fin de l’année pour qu’il puisse s’appliquer aux bonus décidés en 2009.

J’ajoute que la Federal Reserve Bank , la banque centrale des États-Unis, a détaillé hier l’ensemble des normes applicables au système américain en matière d’encadrement des bonus. On y retrouve, pratiquement à l’identique, le dispositif que je viens d’expliquer.

À force de ténacité et de pugnacité, nous sommes donc en train de mettre en place graduellement un système qui pourra s’appliquer sur l’ensemble des places financières.

J’ai lu, comme certains d’entre vous, l’article d’un journal du soir relatif au paiement des bonus et au business as usual des traders. Mais si vous le lisez attentivement jusqu’au bout, vous voyez bien qu’un certain nombre de banques françaises ont déjà élaboré, dans le cadre d’accords de places qu’elles ont signés, des règles conformes aux normes que j’ai évoquées: bonus/malus, pas de garantie, paiement différé et paiement en actions.

M. Gérard Bapt. Ça ne marche pas, on le sait! Ça ne sert à rien!

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Monsieur Lamour, vous m’avez aussi interrogé sur le financement des TPE. Il y a très clairement des efforts à faire en ce domaine. Mon observatoire du crédit m’indique la progression des flux par catégorie d’entreprises – grandes entreprises, entreprises de taille intermédiaire, PME, TPE. Nous en sommes à plus 3 %. Nous avons demandé aux banques de faire mieux parce que cela fait partie des engagements économiques qu’elles ont signés au moment où nous les avons soutenues pendant la crise financière. Je réunis le Haut comité de place au mois de novembre: je vais demander aux banques de fournir un effort tout particulier et de prendre des engagements spécifiques sur le financement des TPE. J’appelle votre attention sur le fait qu’à ma demande, les banques ont mis en place des mécanismes en direction des demandeurs d’emploi créateurs d’entreprise. Ceux-ci bénéficient déjà de l’ACCRE; en outre la BNP notamment – mais d’autres vont suivre – va appliquer des systèmes de financement à taux bonifié pour toutes les personnes qui s’engagent dans la création d’entreprise.

Voilà un des exemples que j’incite les banques à suivre pour qu’elles soient véritablement à la disposition de l’économie française, car c’est ce que nous leur demandons. On ne leur demande pas de payer pour des erreurs ou des fautes graves commises par le passé, hors du territoire français. Nous voulons qu’elles financent l’économie, qu’elles renforcent leurs fonds propres, qu’elles fassent leur métier, enfin qu’elles financent la sécurité et la stabilité du système financier et bancaire français. C’est exactement l’objet de l’amendement n°736. Ce sera aussi l’objet du projet de loi sur la régulation financière que je vous présenterai, je l’espère, avant la fin de l’année, et au plus tard au mois de janvier. Il comportera notamment un dispositif prévoyant le financement par les banques d’un fonds de garantie qui permettra de protéger les dépôts des déposants français jusqu’au seuil de 100000 euros.

Mesdames, messieurs les députés, je vous invite donc vivement à repousser l’amendement n° 48, et à voter le mien au bénéfice des explications que je viens de vous donner.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 48.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin:

Nombre de votants 87 Nombre de suffrages exprimés 84 Majorité absolue 43 Pour l’adoption 44 Contre 40 (L’amendement n° 48 est adopté.)

(Les députés du groupe SRC et plusieurs députés du groupe GDR se lèvent et applaudissent longuement.)

M. le président. Les amendements n° s 48 et 736 étant complémentaires, l’amendement du Gouvernement ne tombe pas.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. En effet, monsieur le président.

(L’amendement n°736 est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Je suis saisi d’un amendement n°366.

M. Jérôme Cahuzac. Défendu – et vivement, pour reprendre l’adverbe employé par Mme la ministre!

(L’amendement n°366, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°283.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement reprend une proposition que nous défendons régulièrement en commission des finances: moduler le taux de l’impôt sur les sociétés en fonction de l’affectation du bénéfice réalisé. Nous estimons que si ce bénéfice est affecté à l’investissement ou à l’amélioration du climat social, il ne devrait pas être traité comme s’il était affecté au rachat d’actions ou à la distribution de dividendes. Je sais que notre rapporteur général est sensible à cette question à titre personnel; j’espère qu’il pourra donner institutionnellement un avis favorable, et qu’il sera suivi par le Gouvernement.

(L’amendement n°283, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°382.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Cet amendement vise à compenser la suppression progressive prévue sur trois ans de l’imposition forfaitaire annuelle par une augmentation de l’IS. Je comprends bien la finalité poursuivie par le Gouvernement: l’allégement des charges des entreprises, surtout dans le secteur industriel, est un objectif que nous faisons nôtre nous aussi. Mais il faut sensibiliser les pouvoirs publics à la situation budgétaire extrêmement délicate de notre pays. Je tiens à rappeler que depuis l’été 2007, pas une seule réforme n’est financée sans endettement supplémentaire. Il faut que le Gouvernement en prenne conscience et nous indique sa position sur ce sujet. On ne peut plus continuer de financer les réformes exclusivement par la dette.

(L’amendement n°382, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n°176.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Décidément, nous vivons de grands moments dans cet hémicycle: hier, un moment d’humiliation; cet après-midi, un moment de fierté. Il faut remercier tous les collègues qui ont refusé d’obéir aux consignes et qui se sont exprimés en leur âme et conscience, en fonction de l’intérêt national et de lui seul.

L’amendement que nous présentons ici revêt une importance particulière dans le contexte de crise que nous traversons, crise qui a révélé l’épuisement du modèle économique dont se réclame votre politique, madame la ministre. Je continue de penser que vous n’avez rien compris à ce qui se passe quand vous faites la promotion de la financiarisation de l’économie, financiarisation qui creuse la tombe du système – ce dont, à la limite, je ne me plaindrai pas… Chacun s’accorde en effet à constater que notre pays est confronté, outre la stagnation des salaires et la baisse préoccupante du pouvoir d’achat de nos concitoyens, au lourd handicap du sous-investissement des entreprises, en dépit de fonds propres souvent importants: voilà de vraies causes de l’approfondissement de la crise. Cette faiblesse de l’investissement provient du fait qu’une part sans cesse croissante du revenu distribuable a été versée aux actionnaires ces dernières décennies. Les entreprises ont distribué aux actionnaires tout ce qui pouvait l’être au lieu de faire les bons choix pour le développement de l’économie nationale, y compris dans les domaines de la recherche et de la formation.

L’instrument fiscal peut être un moyen utile d’inciter les entreprises à changer de pratiques. Notre amendement propose ainsi de modifier l’article219 du code général des impôts pour établir des taux différenciés de l’impôt sur les sociétés selon que les entreprises privilégient la distribution de dividendes aux actionnaires ou consacrent au contraire une part importante de leurs bénéfices à l’investissement et à l’augmentation de la part salaires. Dans la perspective de la relance de notre économie, nul ne peut contester que la question de l’utilisation des bénéfices occupe une place centrale. Notre amendement propose donc une mesure de bon sens, dont l’objectif, sinon les modalités exactes, doit aujourd’hui être mis en débat car il correspond aux besoins et à une attente profonde de nos concitoyens.

(L'amendement n°176, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°112 rectifié.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances. À travers cet amendement, je souhaite surtout poser la question de la taxe sur les salaires, qui va au-delà du problème de la rémunération des traders ou des hauts dirigeants.

Cet amendement propose d’élargir l’assiette de la taxe sur les salaires à l’avantage tiré de la levée d’options de souscription ou d’achat d’actions – autrement appelé plus-value d’acquisition – même dans le cas où la période d’indisponibilité prévue au I de l’article163 bis C du code général des impôts serait respectée, et à l’attribution gratuite d’actions.

Il propose aussi de créer une taxe additionnelle à la taxe sur les salaires. Actuellement il existe deux taux dont l’un, de 13,6 %, s’applique aux salaires supérieurs à environ 14000 euros. Il pourrait être utile d’avoir un taux sur les rémunérations les plus élevées, car il me semble légitime et sensé de taxer différemment une rémunération annuelle de 14000 euros et une rémunération annuelle de 200000 ou 300000 euros. Tel est le sens de cet amendement.

La taxe sur les salaires soulève des questions, comme le montrent notamment les propositions formulées par le sénateur Jean Arthuis et le rapporteur général du Sénat Philippe Marini.

Par le biais de cet amendement, je propose de créer un troisième taux pour taxer les rémunérations de façon différenciée en fonction de leur niveau, ce qui me paraît tout à fait logique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement dont l’adoption conduirait automatiquement et rapidement à des délocalisations. Il ne prévoit pas d’alléger, en compensation, la taxe sur les salaires d’autres salariés. Il se contente d’aggraver pour les plus hautes rémunérations une taxe qui pénalise déjà la place de Paris.

Cette proposition illustre parfaitement le proverbe « L’enfer est pavé de bonnes intentions ». L’idée est de peser sur les rémunérations et notamment celles des traders, mais la conséquence serait inéluctable: délocalisations à Londres et au Luxembourg. Ce serait automatique!

Il ne s’agit pas d’une taxe sur le résultat, comme tout à l’heure. Il s’agit d’une taxe sur la masse salariale et de certains salariés, qui partiront aussitôt.

C’est pourquoi il faut absolument rejeter cet amendement.

(L'amendement n°112 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°300.

La parole est à M. Christian Ménard.

M. Christian Ménard. Défendu!

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

M. Christian Ménard. Je le retire, monsieur le président!

(L'amendement n°300 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°129.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Défavorable.

M. Marc Le Fur. Je le retire, monsieur le président!

(L'amendement n°129 est retiré.)

Article 5

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Je n’insisterai pas sur l’importance de cet article 5 qui crée une taxe carbone en France.

Il s’agit de répondre à une nécessité: la protection de la planète. Il s’agit aussi de respecter les engagements pris par la France lors de la ratification du protocole de Kyoto – qui ne sont pas respectés pour le moment – et par le candidat Nicolas Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle.

Cet article amitieux ne vise pas seulement à limiter les émissions de CO 2 en France, mais aussi à réorienter l’ensemble de notre fiscalité afin qu’elle frappe moins les activités économiques, la production et le travail, et davantage la pollution et les conséquences nuisibles qui en résultent.

En cas d’adoption, cette taxe carbone nous engage donc dans un processus de longue durée. En réalité, elle est la première étape d’un verdissement de notre fiscalité. Elle constitue aussi une première étape dans l’évolution des tarifs retenus pour la fixation des prix du CO 2  : nous partons d’un seuil bas – 17 euros la tonne – pour viser un objectif de 100 euros la tonne en 2030. Très régulièrement, d’année en année, ce tarif sera donc majoré et, chemin faisant, nous allons rencontrer diverses difficultés techniques qu’il nous faudra surmonter.

Par conséquent, je crois qu’il faut aborder ce débat dans un esprit positif, mais avec beaucoup de modestie, en ne visant pas la mise au point d’un système parfait dès la première année. Nous savons qu’il y aura des difficultés d’application et que des mesures correctives devront être prises, d’année en année.

Cela ne doit pas nous empêcher d’être particulièrement vigilants sur les dispositions que nous allons prendre à l’égard notamment de secteurs qui sont particulièrement fragiles et dont la compétitivité risquerait d’être compromise par cette taxe supplémentaire si des palliatifs n’existaient pas: l’agriculture et le transport routier.

Si la taxe s’était appliquée à eux, les transporteurs auraient été placés dans une situation difficile et dans un rapport de concurrence défavorable face à leurs concurrents européens. Le ministère de l’économie a trouvé une solution qui consiste à faire peser, par le biais de la Taxe générale sur les activités polluantes, le poids de cette fiscalité sur les chargeurs. C’est très probablement une bonne solution.

Cela étant, on peut craindre que ce dispositif soit compliqué à mettre en œuvre. C’est l’inquiétude majeure de la profession des chargeurs et un point sur lequel nous devrons être extrêmement vigilants. J’ai cru comprendre que, ces derniers jours, les contacts s’étaient approfondis entre les chargeurs et les services des ministères de l’économie et des transports. Nous devrons être très vigilants.

Ce débat nous donne aussi l’occasion de faire passer un message à cette profession: l’État n’a rien contre les transporteurs routiers, bien au contraire. Cette profession est indispensable au développement et au fonctionnement de notre économie. Par conséquent, il faudra être particulièrement vigilants sur les conditions d’application des nouvelles dispositions.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Après avoir écouté mon collègue Michel Diefenbacher avec beaucoup d’attention, je me dis que, visiblement, nous n’avons pas la même approche.

Il s’agit d’abord de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est cela l’urgence! Le réchauffement climatique est là, pas dans trente ans, cinquante ans, ou dans un siècle. Il a déjà commencé et il y a urgence.

Il faut donc prendre le problème à bras-le-corps et essayer de se donner les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Même en les réduisant maintenant, on n’arrêtera pas le réchauffement climatique car ces gaz ont une durée de vie assez longue. Cela justifie encore plus que l’on prenne des décisions importantes dès à présent.

La fiscalité écologique peut-elle être un moyen de réduire ces émissions? Oui, dans certains cas, et son efficacité pourrait d’ailleurs être améliorée, notamment en ce qui concerne les pesticides. Si la TGAP sur les pesticides était un peu durcie, il y aurait peut-être moins d’épandages de pesticides dans notre pays et, du coup, les collectivités territoriales ne seraient peut-être plus obligées de dépenser des dizaines de millions d’euros dans la lutte contre les algues vertes. C’est indéniable.

Cette taxe carbone est supposée modifier les comportements, mais est-elle bien ciblée sur cet objectif? On peut se poser la question. Actuellement, les dispositifs permettant aux gens de mieux isoler leur logement et de changer leur mode de chauffage sont soit inaccessibles aux ménages à petits revenus, soit tellement compliqués – s’agissant du mode de chauffage – qu’il faut pratiquement être polytechnicien pour arriver à déposer le dossier.

L’une des premières mesures, madame la ministre, devrait donc être de simplifier et de renforcer les dispositifs d’aides, afin que tous les ménages y aient accès indépendamment de leur revenu. C’est cela l’objectif: réduire les émissions de gaz à effet de serre du bâti.

Deuxième point: les déplacements motorisés. Effectivement, il faut réduire la place de la voiture dans notre société, dans notre civilisation. Cela suppose d’augmenter la place des transports collectifs. Or l’État a réduit ses aides aux tramways dans certaines villes. C’est exactement le contraire de ce qu’il faut faire, tout comme ce qui semble être prévu dans votre plan de relance en matière d’aides à la construction d’autoroutes et à l’extension des aéroports.

En réponse à notre collègue Michel Diefenbacher, je dirai que si, chaque fois qu’on essaie de mettre en place des dispositifs pour réduire les gaz à effet de serre, on commence par en exclure, pour des raisons de compétitivité, les secteurs les plus émetteurs comme les transports routiers ou les industries, autant renoncer tout de suite et choisir d’aller tous au suicide, en se disant: finalement quelques-uns survivront, tant mieux pour eux!

De plus, votre dispositif a un très gros défaut: votre refus d’inclure l’électricité va permettre un report total sur cette énergie. D’ailleurs, certains l’assument au prétexte que l’électricité émet moins de gaz à effet de serre que le gaz ou le fioul.

À cela deux objections: d’abord, l’électricité émet quand même des gaz à effet de serre; ensuite, à voir EDF envoyer en Sibérie des déchets que l’on ne sait toujours pas traiter, on se dit qu’il faut être sacrément irresponsable et inconscient pour oser prôner l’augmentation de la part – déjà très élevée‚– de l’énergie nucléaire en France.

Quelques rappels: nous ne savons toujours pas traiter les déchets; les accidents, ça existe; et le moins que l’on puisse dire, c’est que la transparence dans le secteur nucléaire n’est toujours pas au rendez-vous, comme divers incidents récents l’ont montré.

Pour conclure, madame la ministre, monsieur le ministre, je vous demanderai de répondre clairement à une question: que va-t-il se passer pour les locataires? Ils n’ont le choix ni du type d’isolation de leur logement, ni du mode de chauffage. Il serait donc particulièrement injuste que la taxe carbone soit récupérée dans leurs charges locatives. Les locataires seront-ils exonérés de la taxe carbone sur ces éléments-là?

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet.

M. Yves Cochet. L’article 5 est nouveau, non par l’assiette de la taxe envisagée, mais par un type de fiscalité qui, d’ailleurs, existe déjà dans d’autres pays de l’Union européenne. Tout le monde s’accorde sur l’objectif général mais, dès qu’il s’agit de passer aux actes, si minimes soient-ils – cet article n’étant, hélas, pas grand-chose –, soit par manque de communication, soit par un calcul visant à faire échouer le projet, on crie au scandale: la taxe, prétend-on, pénaliserait nos entreprises ou pèserait sur les ménages les plus modestes. C’est à se demander si certains vivent bien au XXI e  siècle!

Quand je vois que tant de sujets, à mon sens moins importants que celui-ci, donnent lieu à de si longs débats, par ailleurs bien légitimes en démocratie, je me dis que, décidément, certains d’entre nous – y compris, peut-être, le Gouvernement – ne sont pas entrés dans le XXI e  siècle. Rapporté aux enjeux de la future conférence de Copenhague, l’article 5, s’il était voté en l’état, nous ferait honte! Il faut en effet aller beaucoup plus loin, qu’il s’agisse de la fiscalité ou d’autres aspects de l’écologie en général: nous en reparlerons avec l’examen du projet de loi dit « Grenelle 2 », un peu décevant par rapport au « Grenelle 1 », qui était lui-même insuffisant.

M. Jean Launay. En effet!

M. Yves Cochet. Bref, a-t-on vraiment ouvert les yeux?

Deuxième remarque: il faut évidemment agir dans le domaine économique. En 1992, à Rio, a été posé le principe du « pollueur-payeur ». Il serait d’ailleurs moral que ce principe soit inscrit, non seulement dans la Charte de l’environnement et la Constitution, mais dans les faits, faute de quoi ceux qui sont écologiquement vertueux pourraient légitimement jalouser ceux qui polluent impunément. Il y a là un fondement moral à la taxe carbone.

Quant à cette taxe, il faut plutôt l’appeler « contribution climat-énergie », selon la terminologie de l’article 2 du Grenelle 1; vous ne l’avez malheureusement pas suivie, alors qu’elle suggère une assiette plus large et l’impératif d’économiser l’énergie en général, quelle que soit la source primaire, y compris l’électricité.

Nous défendrons plusieurs amendements portant, d’une part, sur le tableau de l’article – afin d’élargir l’assiette en incluant l’électricité – et, de l’autre, sur la progressivité et le niveau initial, lequel n’est pas satisfaisant: il convient sur ce point de suivre les sages que sont M. Quinet et M. Rocard. Si nous sommes favorables à la contribution climat-énergie, l’article 5 doit être amélioré. Nous espérons donc que le Gouvernement acceptera nos amendements, de sorte que notre pays soit à la hauteur de ce prétendu leadership écologique européen dont il ne s’est pas encore montré digne.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Nous abordons en effet l’une des principales innovations du projet de loi de finances, innovation dont le principe, je veux le dire d’emblée, est intéressant et positif. Ses modalités d’application restent néanmoins à discuter et à améliorer: j’espère que nous pourrons le faire par le biais de nos amendements; le groupe de l’UMP en a, en tout cas, la possibilité – M. Copé, qui est malheureusement absent, n’a-t-il pas déclaré qu’il souhaitait avoir ce débat avec nous?

Le principe de la taxe carbone est bon, car il peut permettre à la France d’atteindre ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Par ailleurs, si notre pays veut obtenir, notamment à la conférence de Copenhague, des progrès de la part des pays en voie de développement, il doit être exemplaire, et la présente taxe pourrait y contribuer.

L’essentiel, donc, résidera dans les modalités. Le texte du Gouvernement est insuffisant et ambigu: insuffisant parce que, au regard des conclusions du rapport Rocard, le Gouvernement n’a fait que la moitié du chemin; ambigu car, sur des points tels que la progressivité, il reste imprécis et lacunaire.

Nous vous demanderons des précisions sur ces différents points; quoi qu’il en soit, c’est avec la volonté d’améliorer le texte que nous abordons ce débat. J’espère donc que celui-ci sera constructif.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je veux exprimer ce que je crois être le sentiment du pays réel (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR)  :…

M. François de Rugy. Vous n’en êtes pas le seul représentant ici!

M. Marc Le Fur. …je veux parler de ces gens modestes, très nombreux, qui sont obligés de prendre leur voiture pour aller travailler, se chauffent au gaz et parfois au fuel, même si c’est un grand tort. Notre urbanisme s’est en effet organisé de telle façon que les plus aisés, qui habitent le centre, disposent souvent des transports en commun, d’ailleurs financés par tous; ceux qui sont un peu éloignés du centre prennent les transports départementaux, dont la qualité est logiquement inférieure à celle des transports urbains; enfin, les habitants de la troisième couronne, eux, ne disposent d’aucun transport en commun. Or, si j’ai bien compris, madame la ministre, ce sont ces derniers qui paieront « plein pot ». Quelles seront pour eux les conséquences objectives de la taxe carbone? On parle d’une augmentation de 7 % ou 8 % de la facture de chauffage.

Ces gens modestes, ces ouvriers, avaient applaudi à la défiscalisation des heures supplémentaires en 2007; ils ne comprendraient donc pas que nous pénalisions aujourd’hui le travail – puisque c’est pour s’y rendre qu’ils utilisent le plus souvent leur voiture. Ils ne comprendraient pas davantage que ceux qui voyagent en avion, qui sont en général plus aisés qu’eux, ne paient pas la taxe carbone, pas plus que la TIPP d’ailleurs.

Mme Martine Billard. Absolument!

M. François de Rugy. Et voilà!

M. Marc Le Fur. Il y a là deux poids, deux mesures.

Si je comprends bien, madame la ministre, on leur parle du signal-prix . Est-ce à dire que si demain le pétrole augmente de 50 %, donnant un signal-prix extraordinaire, le Gouvernement applaudira? C’est absurde. On invoque également la possibilité de faire évoluer la consommation. Mais soyons, encore une fois, très concrets: un ménage qui vient d’acheter une chaudière au fioul ne peut changer de mode de consommation avant dix ans!

M. Christian Ménard. C’est évident!

M. Marc Le Fur. Il est prisonnier de la décision qu’il a prise, même si elle l’a été à tort! On n’est donc pas ici dans une logique de « bonus-malus ». Celle-ci est une bonne logique appliquée à l’automobile, car elle encourage un choix lors de l’achat; mais la taxe carbone, elle, pénaliserait ceux qui ont eu le tort – ou l’obligation – d’adopter tel type de chauffage ou d’acheter tel véhicule.

Nous sommes le phare de l’univers, clame-t-on; nous devons être les meilleurs à Copenhague! Cet argument, mes chers collègues, a un impact assez limité chez un bon nombre de nos compatriotes.

M. Yves Cochet. L’impact du réchauffement climatique, lui, n’est pas limité…

M. le président. Merci de conclure.

M. Marc Le Fur. On invoque l’augmentation du prix du carburant et la création d’une taxe carbone en Suède; mais c’est oublier que l’équivalent de la TIPP n’y est pas au même niveau que chez nous, de sorte que le prix du carburant y est finalement moins élevé! Utilisons donc les comparaisons internationales avec la plus grande précaution.

Je veux aussi, même si je n’en ai guère le temps, monsieur le président, évoquer les entreprises. Comment imaginer une taxe carbone dans notre pays sans en instituer une aux frontières de l’Europe? Nous pénaliserions nos propres producteurs, ce qui est pour le moins paradoxal en cette période de crise économique. Je ne développerai pas non plus la question, pourtant essentielle, des transports. L’idée intellectuelle selon laquelle le chemin de fer peut remplacer le camion perdure; mais le parcours moyen, pour le transport en camion, est de moins de 80 kilomètres, distance sur laquelle, en tout cas dans bien des endroits, il n’y a pas de concurrence possible par le chemin de fer. Cessons donc de tenir des propos dénués de fondement.

Bref, le présent article, dans sa rédaction actuelle, m’inquiète beaucoup, comme il inquiète les populations que j’ai l’honneur de représenter.

M. Christian Ménard. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. N’opposons pas, monsieur Le Fur, le pays réel et la planète réelle. Nous représentons, nous aussi, le pays réel; mais cela ne nous empêche pas de constater la situation dans laquelle nos comportements économiques, depuis des années, ont mis la planète. Lors de la discussion générale, j’ai dit que la crise actuelle était climatique: elle témoigne en effet d’un excès de consommation d’énergies fossiles, au regard de la capacité de notre atmosphère à absorber le carbone. Mais cette crise est également énergétique, la demande étant, en ce domaine, structurellement supérieure à l’offre et les réserves limitées.

Des objectifs de préservation de la planète ont été fixés depuis quelques années. Il y a eu le protocole de Kyoto: s’il a marqué le début de la prise de conscience planétaire, il n’a pas permis de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre. Il y a eu le facteur quatre: l’objectif est que la consommation mondiale d’énergies fossiles soit divisée par deux d’ici 2050, et par quatre dans les pays développés, lesquels sont historiquement les principaux consommateurs par habitant – d’où l’expression « facteur quatre ».

Des systèmes existent déjà, nous dira-t-on, tel celui des quotas. La directive ETS – Emissions trading scheme – par laquelle les quotas furent mis en œuvre le 1 er  janvier 2005 ne concerne que les 12000 établissements européens responsables de 40 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union. La contribution climat-énergie, elle, vise à dépasser ce chiffre et à impliquer davantage d’acteurs économiques. Le paquet énergie-climat et son objectif des « trois fois vingt » avait attiré notre attention sur le sujet en 2008; mais il nous faut aujourd’hui aller plus loin, d’où la présente taxe carbone. Celle-ci est utile car, comme Michel Rocard le déclarait à la commission du développement durable de notre assemblée, le système des quotas a montré ses limites: dès lors qu’il s’agit d’un marché, il peut engendrer des tensions, voire des bulles.

Nous ne sommes pas dupes et avons bien conscience que la position des États-Unis et de certains pays émergents, comme la Chine ou l’Inde – pour ne citer que les deux plus grands –, est également très importante, car le débat doit être mondial. Mais nous entamons aujourd’hui un débat sur le renforcement de la fiscalité écologique: ne boudons pas notre plaisir.

Rejoignant en cela Yves Cochet, je préfère parler de « contribution climat-énergie » plutôt que de « taxe carbone ». L’idée de contribution climat énergie traduit en effet la volonté de changer à la fois nos modes de production et nos modes de consommation; elle inclut l’électricité dans la base et devrait nous permettre d’aborder la question de la progressivité, que vient d’évoquer Christophe Caresche.

La conférence de Copenhague ne concerne pas seulement la France. La volonté politique permettra, je crois, de montrer qu’il ne s’agit pas simplement de devenir un modèle, mais de prendre conscience que la planète a besoin que l’on agisse.

M. Marc Goua. Très bien!

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. À mon tour, je salue le débat sur la fiscalité écologique qui s’engage, tout en rappelant les principes qui doivent nous y guider.

Le but d’une fiscalité écologique n’est pas de faire entrer davantage d’argent dans les caisses de l’État, mais d’induire une modification du comportement des ménages et des entreprises. Or, telle que la présente l’article 5, la taxe carbone nous semble à la fois écologiquement inefficace et socialement injuste.

Elle est écologiquement inefficace, puisqu’elle est définie par rapport aux marchés de quotas d’émissions de CO 2 : or, vous le savez, les quotas d’émissions au sein de l’Union européenne sont gratuits jusqu’en 2013. Elle n’inclut pas l’électricité, qui, notamment à cause du chauffage électrique, représente pourtant une importante source de gaspillage énergétique et une cause de dégradation du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes.

Mais cette taxe est aussi socialement injuste, car le mode de redistribution forfaitaire envisagé n’assure pas l’aide à la transition énergétique qui doit être fournie aux contribuables et aux ménages les plus modestes, aux classes populaires et aux classes moyennes, afin de les aider à acquérir des produits écologiquement plus propres, de sorte que se développe le marché de ces produits et qu’ils deviennent moins coûteux.

Les amendements que nous avons déposés sont inspirés par notre souci d’ouvrir un vrai débat sur ce que pourrait être une réforme de la fiscalité. Celle que nous connaissons est à la fois trop peu redistributive et trop peu écologique. La taxe carbone aurait pu être une bonne entrée en la matière, une innovation positive, mais celle qui nous est présentée est une occasion ratée. Nous avons donc travaillé, tant au sein du groupe socialiste qu’avec nos collègues écologistes, sur les mesures qui permettraient de la rendre plus juste socialement et plus efficace écologiquement.

Car l’urgence écologique majeure qui s’impose à l’échelle de la planète est aussi une urgence sociale. Ce sont en effet les plus modestes de nos concitoyens dont le budget est le plus dépendant de la consommation énergétique. Travailler à diminuer l’empreinte énergétique et écologique de chacun d’entre nous, c’est-à-dire la masse de ressources que nous consommons pour vivre, c’est à la fois assurer le meilleur avenir de la planète, le droit des générations futures à subvenir à leurs besoins, et faire œuvre sociale en diminuant cette dépendance.

Ce débat nous paraît essentiel. Nos amendements prévoient une progressivité de la taxe, car la progressivité est intrinsèque au développement durable, puisqu’elle doit permettre aux différents acteurs – que ce soient des ménages ou des entreprises – d’anticiper, de s’adapter, de modifier leur comportement: ainsi, en diminuant leur consommation énergétique, ils paieront moins de fiscalité écologique.

Il nous semble d’autre part tout à fait incohérent de ne pas inclure l’électricité dans l’assiette de la fiscalité écologique. Nous avons donc déposé des amendements à ce sujet.

Enfin, certains de nos amendements portent sur la redistribution, car, comme je l’ai dit, l’urgence écologique va de pair avec l’urgence sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Tous, nous avons conscience que le réchauffement climatique est un sujet fondamental et que nous avons très peu de temps pour changer complètement notre modèle de croissance. Encore faut-il s’en donner les moyens. Comme toute taxe écologique, la taxe sur le carbone fossile paraît s’imposer: elle devrait même être généralisée à l’ensemble du monde, puisque nous sommes tous concernés par le réchauffement climatique. Toutefois, une taxe écologique a vocation à changer un prix, à prendre en compte le coût que représente, pour l’humanité, la détérioration de l’environnement: elle n’a pas vocation à rapporter de l’argent à l’État, pas plus qu’à exercer des ponctions sur le pouvoir d’achat des ménages ou sur la compétitivité des entreprises.

La logique veut donc qu’une taxe écologique soit compensée: on ne peut la juger qu’en considérant la manière dont elle est compensée. C’est pourquoi, au parti socialiste, nous estimons que l’on ne peut pas distinguer l’article 5 et l’article 6, que l’efficacité du premier dépendra aussi de ce qui figurera dans le second. Or, à la lecture de ces deux articles, nous voyons bien que vous avez construit une taxe carbone qui est à la fois injuste et inefficace.

Elle est injuste parce que, pour certaines personnes, la redistribution forfaitaire que vous prévoyez ne couvrira pas le coût de la taxe carbone. Certes, pour ceux qui ont des revenus élevés, ce ne sera pas un problème: la taxe carbone les incitera à changer leur chaudière ou leurs comportements. Mais, pour ceux qui ont des revenus modestes ou qui sont payés au SMIC, pour un couple avec deux enfants, vivant éloigné des transports en commun, en milieu rural – comme dans l’exemple que cite le rapport –, la taxe carbone coûtera environ 250 euros. Or la compensation maximale sera de 142 euros. Ce qu’il faut bien appeler un prélèvement sur les plus modestes est injuste et n’aura aucune efficacité écologique, car ces dépenses sont contraintes et ces personnes ne pourront pas modifier leurs comportements.

Une vraie taxe carbone ne peut se faire que dans une réforme fiscale d’ensemble. Deux articles, dont le premier instaure la taxe et le second crée la compensation forfaitaire, n’y suffisent pas.

Du reste, vous donnez 11,7 milliards d’euros aux entreprises: il s’agit d’un coût budgétaire qui n’a strictement rien à voir avec celui de la taxe carbone, mais qui n’est pas une compensation, puisque les entreprises qui gagneront ne seront pas forcément celles qui auront perdu. Pourquoi ne faites-vous pas la même chose pour les ménages? Pour que la taxe carbone soit efficace, il faut réformer, en même temps, l’imposition du revenu et la CSG, en rendant celle-ci progressive, afin de redistribuer aux ménages les plus modestes un montant suffisamment important pour que le signal-prix joue, pour qu’ils puissent changer leurs comportements et ne soient pas perdants. Voilà la vraie logique d’une taxation écologique.

On voit bien pourquoi vous vous arrêtez à 17 euros. Ce n’est pas que vous ayez peur de causer des difficultés à certains ménages; mais, à l’échelle européenne, le marché des quotas a fixé un prix fictif qui ne reflète pas le vrai coût des consommations d’énergies fossiles. Il n’existe aucune réglementation: il s’agit d’un marché libre de quotas distribués gratuitement. Vous vous arrêtez donc à 17 euros pour ne pas taxer les grands pollueurs.

Cette taxe sera inefficace tant auprès des ménages, puisque vous n’entreprenez pas la réforme fiscale qui devrait aller avec, qu’auprès des entreprises, puisque vous ne touchez pas les grands pollueurs. Une vraie taxe écologique doit afficher d’entrée de jeu sa progressivité et concerner tout type d’énergie, pour éviter tout effet de report et encourager la sobriété énergétique. Enfin et surtout, elle doit avoir un tout autre mode de compensation.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Permettez-moi de commencer par une remarque générale sur la taxe carbone et la fiscalité écologique. J’ai été très surpris par les propos de notre collègue Le Fur sur le pays réel et le pays légal. Vous vous rappelez où nous a menés cette vieille opposition. Vous avez suffisamment de culture historique pour savoir qui a développé cette thématique. Il serait en outre très dangereux de laisser entendre que certains députés seraient les représentants du pays réel et que d’autres ne le seraient pas: nous sommes tous élus de la même façon. Je pourrais d’ailleurs citer de nombreux témoignages recueillis dans ma circonscription, sur la façon dont le dispositif de la taxe carbone est perçu.

Cependant, nous considérons qu’il y a là un pas en avant, modeste, certes, et très perfectible, mais qu’il convient de saluer. On ne peut pas toujours tout remettre au lendemain, sous les prétextes les plus variés: c’est le meilleur moyen de ne jamais rien faire.

Cet outil doit aider au changement des comportements. Je suis très étonné d’entendre certains de nos collègues, dont M. Le Fur, raisonner à comportement constant. Les exemples que vous donnez, mon cher collègue, montrent que vous n’imaginez pas un instant que nos concitoyens puissent changer de comportement.

M. Marc Le Fur. Mais si!

M. François de Rugy. Or, dans le pays réel, nos concitoyens ont déjà changé de comportement, et ils n’ont pas attendu, pour cela, qu’il y ait une taxe carbone.

M. Marc Le Fur. Me permettez-vous de vous répondre, cher collègue? Une simple incise!

M. François de Rugy. Vous me répondrez tout à l’heure.

L’an dernier, au moment de l’augmentation des prix du pétrole, ils ont bel et bien changé de comportement, et pas simplement par souci de lutter contre le changement climatique, mais parce que c’était leur intérêt. Ils ont en effet tout intérêt à voir baisser leurs factures de chauffage ou de transport, surtout quand on sait que le transport – et en l’occurrence, à 80 %, l’automobile – est le deuxième poste de dépenses dans le budget des ménages, après le logement.

Quelques points, cependant, nous paraissent poser problème ou pourraient être améliorés. Cet outil, en lui-même, n’est pas suffisant. Ce n’est pas la recette miracle, car il faut une politique globale, mais nous ne rejetons pas l’outil sous prétexte que cette politique n’est pas suffisante. Seulement on voit bien que, si vous ne faites guère d’efforts budgétaires pour les transports en commun, vous continuez d’en faire de très importants pour les investissements routiers. De même, dans le Grenelle de l’environnement, le président de la commission des affaires économiques a fait voter un amendement visant à exonérer les constructions neuves – donc les promoteurs – des normes de performances énergétiques dès lors qu’elles recourraient au chauffage électrique, ce qui est en contradiction complète avec l’objectif de réduire les consommations d’énergie. Une étude a été menée, à Nantes – encore un exemple pris dans le pays réel –, qui montre que chauffer à l’électricité un appartement de 70 mètres carrés revient à 800 euros par an, alors que, avec un réseau de chaleur urbain, cela ne coûte plus que 300 euros. L’électricité est le mode de chauffage le plus onéreux. Il est extrêmement dangereux, d’un point de vue économique et social d’abord, puis d’un point de vue écologique, de vouloir faire basculer nos concitoyens vers le chauffage électrique.

La question de l’efficacité et de la justice – les deux sont indissociables – est également très importante. L’efficacité, c’est de tendre vers la sobriété énergétique. Le but n’est pas de passer du tout pétrole au tout électrique. Mais il faut également refuser les exonérations et exemptions diverses, qui rendent le mécanisme inefficace. Vous avez parlé du kérosène. Vous avez raison, c’est le cas le plus choquant.

M. Marc Le Fur. Tout à fait!

M. François de Rugy. Mais on pourrait également parler de l’agriculture ou des routiers – et nos amendements aborderont ces sujets.

Enfin, au regard de la justice, nous pensons qu’il est extrêmement important que la redistribution soit totale, égalitaire, et qu’il n’y ait pas deux poids, deux mesures, que nos concitoyens n’aient pas l’impression que certains échappent à l’effort. Imaginez ce qu’ils penseront quand ils apprendront que les voitures paient la taxe, mais pas les camions! Tout le monde connaît pourtant les dégâts que font les camions en matière d’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. À l’écoute des propos échangés à l’instant – tout le monde réclame une taxe mais trouve insuffisant et inopérant le dispositif proposé –, me revient à l’esprit le nom du président Ramadier, inventeur de la vignette automobile. Sachant, quelques décennies plus tard, quelle a été l’efficacité de la politique des gouvernements successifs en faveur des personnes âgées, j’ai l’impression que l’article 5 du projet de loi de finances, que nous examinons actuellement, va connaître le même sort, du moins dans un premier temps. On réclame la taxe, mais on en sait aussi les limites.

Dans cette affaire de taxe sur les énergies fossiles, je m’interroge: que vont devenir les agrocarburants? Et comment allons-nous aider au développement des énergies renouvelables? Je ne reviens pas sur le milieu rural que, comme d’autres, je représente dans cette enceinte. Simplement, lorsque les habitants de ma circonscription veulent travailler, ils vont en Belgique ou au Luxembourg, et, lorsqu’ils travaillent en France, ils se rendent au mieux – en termes de distance – dans le nord de la Meurthe-et-Moselle, chez Christian Eckert, au pire en Moselle. Ces personnes s’interrogent, et ce n’est pas le chèque qui leur sera adressé au cours du premier trimestre de l’année2010 qui va résoudre des problèmes déjà cruciaux sur le plan social.

Je voudrais également attirer votre attention sur une deuxième interrogation. L’an passé, j’avais déposé un amendement, repoussé par M. le ministre du budget, qui visait à taxer le gaz naturel utilisé pour produire l’hydrogène employé afin de raffiner les huiles les plus lourdes et les plus polluantes. Cet amendement a été rejeté et voilà que l’on nous dispense aujourd’hui des leçons, entre autres, de sciences naturelles et de morale, selon lesquelles une petite taxe va régler tous les problèmes résultant de l’effet de serre et affectant l’environnement.

Dans ces conditions, monsieur Woerth, que deviennent la société Total et ses pollutions? J’ai, pour ma part, déposé une proposition de loi visant à produire de l’hydrogène dans une perspective de développement durable. Or personne ne bouge, alors que le processus employé pour cette production est utilisé non seulement par le pétrolier que je viens de citer mais aussi par le CEA, probablement au titre de ses recherches.

Je défendrai un amendement portant sur la ruralité et visant à favoriser l’utilisation des graisses animales. Je voudrais simplement souligner que, lorsque l’on souhaite développer, en milieu rural, la méthanisation à partir de la biomasse ou, ailleurs, d’autres productions d’énergies renouvelables, comme l’énergie photovoltaïque, des interdits et des règlements l’empêchent. Un tel développement n’est pas permis, et ce n’est pas le fait de taxes!

L’article 5, je vous l’accorde, pourra permettre de lutter contre l’effet de serre; j’ai entendu des collègues en chanter toutes les louanges. Cela dit, si l’on veut être efficace, d’autres technologies doivent peut-être être mises en place. Ce n’est pas seulement en plaçant un pylône à Compiègne, entre Total et CEA…

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jean-Louis Dumont. Je conclurai en évoquant la forêt très dense et très riche, y compris sur le plan écologique, de mon département.

M. Michel Bouvard. Quelles essences?

M. Jean-Louis Dumont. Toutes les essences!

M. le président. Je vous en prie, cher collègue, ne perturbez pas M. Dumont au moment où il s’apprête à conclure!

M. Jean-Louis Dumont. Je vais simplement conclure en rappelant que de grandes institutions de l’État voudraient, dit-on, acheter 150000 tonnes de bois, simplement pour casser les marchés actuels. Or, lorsque l’on vous interroge, madame la ministre, monsieur le ministre, nous n’obtenons jamais de réponse.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Chacun a pu s’exprimer, en conscience et, je crois, en connaissance, au cours de cet important débat.

Je souscris, pour ma part, aux propos tenus par mes collègues de ce côté-ci de l’hémicycle. Il est bon de poser la première pierre d’une forme de fiscalité écologique et de verdir quelque peu notre législation, encore que l’économie du texte proposé par le Gouvernement doive, à notre sens, être très sérieusement améliorée. Tel est d’ailleurs le sens des amendements déposés par le groupe auquel j’appartiens.

Cela dit, j’aimerais faire entendre une petite musique différente, à propos des outre-mer, qui sont d’ailleurs l’objet de certains amendements. Vous n’ignorez pas la situation, notamment dans le secteur des énergies. Deux vieux textes, un décret de 1988 s’appliquant à la Guyane et à La Réunion et un décret de 2003 s’appliquant à la Martinique et à la Guadeloupe, fixent la formule des prix. Or ils sont précisément à l’origine des mouvements sociaux que nous avons connus. Si au niveau des prix actuels – que d’aucuns ont qualifié, pour reprendre le mot créole, d’économie profitationnelle – déterminé par ces deux formules de prix, qui, à ce jour, n’ont pas été abrogées, devaient s’ajouter la TGAP, qui renchérira chaque litre de supercarburant de pratiquement 6 centimes et chaque litre de gazole de 4,3 centimes, et la taxe carbone, qui devrait, pour sa part, augmenter le prix du litre de 4 à 5 centimes, soit une hausse globale d’environ 10 centimes, je suis persuadé qu’un mouvement social, qui n’est pas souhaitable pour nos petits territoires, renaîtrait.

C’est pourquoi nous demandons le report de l’entrée en vigueur de la TGAP, en espérant que la représentation nationale fasse preuve du même bon sens que la commission des finances. Notre position est d’ailleurs plus pragmatique que celle de la mission présidée par M. Ollier, dont les rapporteurs étaient Jacques Le Guen et Jérôme Cahuzac, qui demandait la suppression pure et simple de la TGAP dans les DOM. Nous demandons simplement que son entrée en vigueur soit ajournée jusqu’à une réforme d’ensemble de l’économie des carburants. De même, nous demandons que l’entrée en vigueur de la taxe carbone soit reportée d’une durée de six mois à un an.

M. le président. Je suis saisi d’un amendements n° 168.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous sommes défavorables à la mise en œuvre de la taxe carbone que tend à instaurer cet article, pour différentes raisons sur lesquelles nous ne voudrions laisser planer aucune ambiguïté.

Nous partageons la conviction de beaucoup sur les bancs de notre assemblée: il est indispensable que notre pays s’engage et réduise, de manière très significative, ses émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes également convaincus qu’il faut, pour réaliser un tel bouleversement des modes de consommation et de production dans un temps aussi court, d’ici 2050, des politiques publiques très actives.

Nous considérons cependant que le dispositif que vous nous proposez sera aussi inefficace qu’injuste. La consommation d’énergie fossiles correspond aujourd’hui, le plus souvent, à des dépenses contraintes. De nombreuses personnes – cela a été rappelé tout à l’heure notamment par notre collègue Jean-Louis Dumont – sont aujourd’hui contraintes, y compris en milieu périurbain, d’utiliser leur véhicule pour se rendre au travail, emmener leurs enfants à l’école, etc. Elles ne disposent pas forcément de transports en commun et, a fortiori , de véhicules électriques. En outre, de nombreuses personnes, locataires de leur logement, ne choisissent pas leurs moyens de chauffage. Contrairement à ce que vous avez affirmé, madame la ministre, les personnes pauvres seront les plus touchées, mais vous avez l’habitude de les mettre davantage à contribution que les riches. Ce sont elles qui ont le moins de facilités pour se tourner vers des solutions de remplacement, qui, lorsqu’elles existent, sont souvent onéreuses, comme l’énergie solaire.

Rappelons en outre – c’est indispensable – que les 35 % de ménages les plus pauvres dépensent, en proportion, deux fois plus pour l’énergie que les 5 % de ménages les plus riches.

Votre taxe n’est donc pas équitable. Comme elle ne modifiera pas le comportement de consommateurs qui n’y peuvent mais, elle sera également inefficace.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article. L’urgence est, en effet, non pas à la mise en place d’une taxe carbone mais au déploiement préalable d’outils efficaces de transition écologique. Cela exige, de l’État, des efforts considérables, que vous n’êtes pas prêts à consentir, puisque vous n’avez eu de cesse, dans tous les domaines concernés par cette mutation, qu’il s’agisse de la politique du transport ou de celle du logement, d’œuvrer au désengagement de l’État, comme vous n’avez eu de cesse d’assécher les comptes de l’État et de réduire ses marges de manœuvre, d’où ce faux-semblant de mesure environnementale que vous brandissez comme une formidable trouvaille pour donner le change à ceux qui pourraient, à juste titre, vous reprocher votre inaction. Décidément, avec Jean-Louis Borloo, cette sorte de Harry Potter du Valenciennois, vous faites un joli couple pour donner des illusions, mais vous ne réglez rien. En revanche, vous essayez d’être efficaces dès qu’il s’agit de beurrer la tartine des privilégiés. Pour les autres… des nèfles!

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . La commission a rejeté l’amendement n°168, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, . Défavorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, contre l’amendement n°168.

M. Yves Cochet. Je comprends les motivations et les arguments de Jean-Pierre Brard, mais je crois qu’il se trompe.

Les études montrent que même une allocation universelle de reversement totalement égalitaire profiterait plus aux ménages les plus défavorisés et moins aux ménages les plus aisés, qui devraient s’acquitter d’une taxe bien plus élevée en moyenne que le reversement dont ils bénéficieraient. Je vous invite, mes chers collègues, à consulter, par exemple, les études du Cired, le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, ou encore celles de M. James Hansen, l’un des meilleurs climatologues au monde, sinon le meilleur, qui est favorable à une telle allocation. Même si cette allocation était indifférenciée, versée automatiquement – sans création d’une bureaucratie, sans distinction géographique ou de revenu –, un déversement des riches vers les pauvres surviendrait.

Ce dispositif peut être amélioré; même ce que propose le Gouvernement est d’ailleurs déjà légèrement meilleur que cela. Nous allons, pour notre part, proposer de l’améliorer encore en veillant, par exemple, à ce que les personnes assujetties à l’impôt de solidarité sur la fortune ne reçoivent pas le chèque vert; cela serait assez scandaleux, tout simplement parce qu’elles n’en ont pas besoin. D’autres personnes pourraient également être exclues de son bénéfice.

Je vous invite, en tous cas, à lire les documents du Cired, institut de recherche bien connu, ou même de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l'énergie, l’ADEME. Ils montrent que ce déversement social aurait lieu.

Cette taxe présente l’originalité de ne pas en être une, …

Mme Aurélie Filippetti. Exactement!

M. Yves Cochet. … c’est en fait un reversement des riches vers les pauvres, qui pourrait, en outre, si son niveau était plus élevé, être efficace sur le plan écologique. Il s’agit d’un reversement, d’une forme de redistribution sociale, comme la gauche essaie, toujours davantage, d’en élaborer.

Nous, nous allons pousser à ce reversement pour qu’il soit encore plus redistributif en direction des ménages les moins favorisés, mais serait-il uniforme, comme une sorte de forfait, qu’il serait déjà redistributif. Bien sûr, il faudrait aller plus loin pour améliorer le dispositif de cette taxe carbone, nous avons déposé des amendements en ce sens, mais de grâce ne nous opposons pas au principe, surtout pour des raisons sociales!

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour répondre à la commission.

M. Jean-Pierre Brard. Pour répondre à la commission et en même temps à M. Cochet qui vient en supplétif de la commission et du Gouvernement…

M. Cochet devrait se rendre dans la circonscription de Mme Brunel, par exemple. Lorsqu’un couple est obligé d’avoir deux voitures, pour aller travailler à Paris ou pour se rapprocher de la gare, parfois même une voiture pour aller jusqu’à la gare et un autre véhicule d’occasion qui attend au terminus pour la suite du trajet, cela représente un certain coût. La taxe carbone, telle qu’elle est prévue, va peser sur ces familles à qui il reste peu à la fin du mois. Si j’étais M. Goasguen ou Jean-Louis Debré, je me tiendrais à carreau, car M. Cochet pourrait se présenter dans leurs circonscriptions, et la concurrence serait rude.

M. Michel Bouvard. Vous parlez sans doute de Bernard Debré!

M. le président. Il y a toujours des problèmes avec les prénoms. (Sourires)

M. Jean-Pierre Brard. Que M. Cochet en arrive à justifier la mesure gouvernementale pour essayer de faire croire qu’elle va donner lieu à un reversement des riches vers les pauvres, c’est complètement inexact.

Deuxième exemple: dans ma bonne ville de Montreuil, 46 écoles sont essentiellement chauffées au gaz et au fuel. La commune va donc être taxée pour cela. Notre amendement visant au remboursement de la collectivité, y compris en affectant ce remboursement au financement de mesures d’économie d’énergie, a été refusé. Tous les équipements publics vont être concernés.

Reprenons le cas du XVI e arrondissement et de Montreuil: qui peut nier qu’à Montreuil, du moins du temps où j’en étais le maire, la politique menée était plus sociale que dans le XVI e , et partant la commune plus taxée?

Il n’y aura pas de déversement des riches vers les pauvres, comme le prétend M. Cochet, mais des pauvres vers les riches.

Je pense qu’après ce qui est arrivé à Tchernobyl et ailleurs, l’environnement est une question capitale. Le devenir de la planète ne doit pas être pris à la légère, mais il n’y a pas d’écologie sans justice sociale….

M. Yves Cochet. Nous sommes d’accord.

M. Jean-Pierre Brard. …sinon les privilèges en seraient encore renforcés. De ce point de vue, je regrette d’avoir à dire à notre collègue Yves Cochet qu’il est fidèle à une mauvaise tradition, celle de René Dumont, qui n’a jamais été du bon côté.

M. Yves Cochet.  Vous ne pouvez pas dire cela!

M. le président. Nous n’allons pas relancer les débats, mes chers collègues, car l’Assemblée est suffisamment éclairée.

(L'amendement n° 168 n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma