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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Séance unique du lundi 9 novembre 2009

Projet de loi de finances pour 2010 Seconde partie

Séance unique du lundi 9 novembre 2009

Présidence de Mme Danielle Bousquet
vice-présidente

Mme la présidente . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. Patrick Bloche. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58 de notre règlement.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation, principalement intéressée par l’examen des crédits des médias pour 2010 que nous allons aborder, siège, parallèlement, pour examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui relève également de sa compétence.

Je me suis ouvert de ce problème au nom de mon groupe auprès de la présidente de cette commission, Mme Michèle Tabarot, qui a fait le maximum pour éviter cette fâcheuse coïncidence. Elle n’est donc pas en cause, bien au contraire. C’est l’organisation de nos travaux que je veux dénoncer ici.

Je souhaiterais donc, madame la présidente, que vous appeliez l’attention de M. le président de l’Assemblée nationale, et, plus largement, de celles et ceux qui participent à la conférence des présidents, sur cette incohérence, dont on dit qu’elle est due à un problème de disponibilité des ministres. L’examen du budget de l’État est sans doute la tâche la plus importante qui nous revienne. Il eût donc été souhaitable que tous les membres de la commission puissent, soit participer à la réunion de cette dernière pour examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », soit être présents en séance publique pour procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias ».

Mme la présidente. Monsieur Bloche, la décision à laquelle vous faites allusion relève de la conférence des présidents.

Projet de loi de finances pour 2010 Seconde partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010 (n os 1946, 1967).

Médias et avances à l’audiovisuel public

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux médias (n  o 1967, annexe 29, n os 1968, 1970).

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les médias, la gestion et la valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien et pour les avances à l’audiovisuel public.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les médias, la gestion et la valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien et pour les avances à l’audiovisuel public. Madame la présidente, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, jamais, en France, les médias n’avaient connu une telle intensité de réformes! Jamais, en France, les médias n’avaient bénéficié d’un tel soutien de l’État!

Dès le début de son mandat, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, le gouvernement de François Fillon et le Parlement ont redéfini la stratégie des pouvoirs publics dans les principaux médias: l’audiovisuel extérieur de la France, puis France Télévisions et, enfin, la presse écrite. Nous devons tous nous en réjouir car les médias remplissent une mission centrale pour notre République: ils sont le principal support du débat démocratique.

Le budget pour 2010 témoigne de la mobilisation de l’État. En effet, le projet de loi de finances vous propose que les médias, dans toutes leurs composantes, bénéficient d’un soutien financier sans précédent de la part des pouvoirs publics.

Permettez-moi de renvoyer à mon rapport spécial pour un tableau détaillé de la situation des médias, et de m’en tenir dans cette intervention à ce qui me semble le plus important.

L’effort financier sans précédent bénéficie à tout l’audiovisuel public, et d’abord à France Télévisions dont les ressources publiques sont en hausse de près de 30 % par rapport à 2008.

À la suite du vote de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, le groupe France Télévisions bénéficie d’un financement public mixte associant crédits budgétaires et partie du produit de la nouvelle contribution à l’audiovisuel public qui remplace la redevance.

Entre2008 et2010, la progression de la dotation publique atteint près de 30 % – 1986 millions d’euros en 2008 contre 2550 millions d’euros en 2010, soit une progression de 28,4 %.

Par ailleurs, rappelons que le total des ressources de France Télévisions – ressources publiques et ressources propres – disponibles fin 2009 sera supérieur de 75 à 100 millions d’euros aux prévisions initiales, compte tenu de l’excédent de recettes publicitaires prévu après déduction de la retenue de l’État.

Les autres organismes de l’audiovisuel public hexagonal ne sont pas en reste:

ARTE France verra sa dotation revalorisée de 4,1 %, à un niveau proche de ce que souhaitait son président Jérôme Clément;

Le groupe Radio France bénéficiera de crédits en hausse de 4,3 %;

Sous la direction d’Emmanuel Hoog, l’Institut national de l’audiovisuel confirme le grand succès de la mise en ligne de ses archives. L’établissement verra ses crédits augmenter de 1,2 % et espère bénéficier de financements complémentaires dans le cadre du Grand emprunt, afin de mener à bien le Plan de sauvegarde numérique des fonds menacés de dégradation physico-chimique. M. le ministre pourra sans doute nous apporter quelques éclaircissements sur ce point.

L’effort financier bénéficie aussi à l’audiovisuel extérieur dont les crédits augmenteront de quelque 6,1 % pour atteindre 316,5 millions d’euros, soit une hausse de 18 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Par rapport à 2008, ces crédits auront ainsi augmenté de 48,5 millions.

L’effort financier le plus conséquent profite à la presse avec une augmentation sans précédent de 51 % des crédits publics. En effet, l’État a très rapidement mis en œuvre les engagements pris à l’issue des États généraux de la presse écrite. Au total, 419,3 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés à la presse, contre 277,7 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale l’an dernier, soit une augmentation sans précédent de 141,6 millions d’euros.

Autre effort financier à souligner: le renforcement du mode principal de financement de notre audiovisuel public.

L’ex-redevance audiovisuelle aura en effet connu des évolutions substantielles l’an passé:

Un changement de dénomination, puisqu’elle est devenue « contribution à l’audiovisuel public », ce qualificatif assurant sa destination au bénéfice des seuls organismes de l’audiovisuel public;

Son indexation enfin actée – c’était l’objet d’un amendement que j’avais proposé en loi de finances rectificative 2009 – sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, une évolution légitime économiquement, qui va assurer le dynamisme de la principale source de financement de notre audiovisuel public;

Enfin, sa revalorisation de 2 euros permise par la loi du 5 mars 2009.

Cet effort financier sans précédent de l’État répond à la triple révolution du secteur audiovisuel.

La première révolution est technique avec le basculement vers le numérique. La télévision numérique terrestre a le double intérêt d’offrir aux téléspectateurs 18 chaînes gratuites et 9 chaînes payantes avec une qualité bien supérieure à l’analogique, et de générer un dividende numérique utilisable pour de nouveaux services audiovisuels ou de télécommunications.

Lancée le 31 mars 2005 pour couvrir dans un premier temps 35 % de la population, la TNT se déploie par phases successives et doit être accessible à 95 % de la population au terme du basculement prévu fin novembre2011.

Le cadre législatif a été précisé. Il faut rappeler que, dans les zones qui ne seront pas couvertes par la TNT, différentes solutions alternatives sont possibles:…

M. Michel Françaix. L’écran noir!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . …câble, ADSL et, surtout, satellite. Il faut le redire clairement: tous nos concitoyens auront accès à la télévision numérique par l’une ou l’autre des technologies possibles.

M. Patrick Bloche. Voilà un propos bien imprudent!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Les pouvoirs publics sont particulièrement attentifs au bon déroulement du calendrier et veillent à ce qu’il n’y ait aucun laissé pour compte du numérique. Aussi, afin de négocier au mieux ce tournant technologique, deux fonds ont été créés et deux autres dispositifs sont sur le point de l’être pour renforcer l’accompagnement technique et financier des foyers français.

Il reste des précisions à apporter pour que se dissipent les inquiétudes ressenties par un certain nombre d’élus et d’habitants de zones difficiles à desservir par voie terrestre.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que l’État s’engage à ce que tous les téléspectateurs puissent recevoir la télévision numérique, par une technologie ou par une autre, et à aider tous ceux qui auraient à payer au-delà du coût normal pour recevoir la TNT?

Quand les deux derniers dispositifs annoncés seront-ils opérationnels? Combien de foyers seront éligibles? En conséquence, quelles dotations seront allouées à ces dispositifs? Comment seront-elles financées?

Si le cadre juridique du déploiement de la télévision mobile personnelle – TMP – a bien été défini par la loi du 5 mars 2007, ce mode de diffusion cherche toujours son modèle économique. Toutefois, les conclusions de la mission confiée à M. Cyril Viguier semblent avoir redonné un certain dynamisme au dossier, l’ensemble des éditeurs ayant remis leurs conventions au Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le délai imparti.

Monsieur le ministre, quelles sont les modalités envisagées quant au financement du réseau TMP?

Trois lois ont tracé le cadre juridique de la radio numérique terrestre – RNT. Cette dernière aurait dû faire son apparition sur les ondes à la fin de l’année 2009 sur trois zones couvrant 15 % de la population. Le probable semestre de retard par rapport à ce calendrier témoigne des interrogations qui subsistent.

En effet, monsieur le ministre, l’intérêt de cet investissement pour les pouvoirs publics, les radios et les auditeurs reste incertain en raison de son coût. Quelle est l’estimation actuelle de ce coût par le Gouvernement, alors que les évaluations qui circulent vont de 350 à 700 millions d’euros?

Dans la conjoncture actuelle, faut-il consacrer des crédits de l’État à la RNT alors qu’il y a d’autres priorités comme l’accès de tous à la télévision numérique? Si, malgré tout, il y a intervention publique, quelles seraient ses modalités de financement entre les éditeurs de services et l’État?

La deuxième révolution du secteur audiovisuel est économique avec le tarissement de la ressource publicitaire. Le marché publicitaire est touché de plein fouet par une double crise. En effet, à la crise structurelle liée à la fragmentation des audiences sur l’ensemble des supports médiatiques et à l’arrivée de nouveaux médias à la puissance décuplée – notamment l’internet, le méta-média –, s’ajoute une crise conjoncturelle de réduction des dépenses des annonceurs, amorcée en 2008, qui s’aggrave du fait de la dépression économique et financière actuelle même si certains résultats très récents laissent espérer qu’on en sortira assez rapidement.

Eu égard à ce tarissement de la ressource publicitaire, on ne peut que se féliciter de la décision de supprimer progressivement la publicité des antennes de France Télévisions.

Par ailleurs, on cherche toujours – en vain‚– le prétendu effet d'aubaine, dont on nous a rebattu les oreilles l’année dernière ici même, qui aurait dû profiter aux chaînes privées du fait de la migration des annonceurs sur leurs écrans!

Avec la contribution à l'audiovisuel public et les crédits du budget général de l'État, les moyens financiers de France Télévisions n'ont jamais été aussi solidement garantis. Ils doivent lui permettre d'assurer sa vocation de télévision de qualité et son développement en tant que service public.

Le groupe France Télévisions se voit en outre – il faut le rappeler‚– libéré de la contrainte que pouvait potentiellement faire peser la publicité sur la programmation.

Je tiens d'ailleurs à saluer la politique éditoriale ambitieuse menée sous la direction de Patrick de Carolis et Patrice Duhamel. Les succès d'audience – qui se traduisent aussi, d’ailleurs, par des excédents de recettes publicitaires, ce qui est bien une preuve!‚– témoignent de la justesse de la stratégie suivie et de la légitimité du soutien fort des pouvoirs publics à la télévision publique.

Face aux évolutions qui sont à l'œuvre dans le secteur des médias, il semble indéniable que l'avenir des groupes français de ce secteur passe par un accroissement de leur taille critique et, partant, par un ajustement des règles actuelles de concentration à l'aune des toutes nouvelles réalités économiques et technologiques.

Monsieur le ministre, envisagez-vous des réformes dans ce domaine?

Enfin, la troisième révolution du secteur audiovisuel est organisationnelle, avec le nouveau service public de l’audiovisuel.

En 2010, le groupe France Télévisions devra achever la constitution de l'entreprise unique et – de même que Radio France, Radio France Internationale et l’Institut national de l’audiovisuel‚– mener un chantier ambitieux: la renégociation des conventions collectives et des accords d'entreprise. Cette révision a été rendue indispensable du fait de l'évolution des métiers de l'audiovisuel et des bouleversements techniques et économiques qu'a connus le secteur.

Il est essentiel que les synergies et les économies produites par l'entreprise unique couvrent les coûts de transition inévitablement induits par la création de cette structure.

Notre politique audiovisuelle extérieure constitue un autre chantier majeur à moyen terme. Les questions capitalistiques ont été enfin résolues. L'AEF devra maintenant achever sa constitution en média global, tel que la loi le prévoit.

Les premiers résultats de sa transformation en média global et le succès de la nouvelle chaîne France 24, sous la conduite d'Alain de Pouzilhac et de Christine Ockrent, doivent être salués.

Il reste à mener à bien deux chantiers: d’une part, la difficile réorganisation de RFI, en achevant le processus de ciblage des zones et des langues de diffusion, rendu nécessaire par les évolutions géostratégiques et les mutations technologiques; d’autre part, la négociation d'un premier contrat d’objectifs et de moyens.

À ce sujet, monsieur le ministre, je ne peux que déplorer l'absence d’un tel contrat,…

M. Maxime Gremetz. Vous avez raison!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . …alors que le Parlement va se prononcer sur les crédits alloués à l’Audiovisuel extérieur de la France.

Cette remarque est également valable pour Radio France, même en tenant compte de la circonstance particulière que constitue l'arrivée d'une nouvelle direction autour de Jean-Luc Hees.

Nous avons déjà connu une telle situation en2008 avec l’Agence France-Presse, l'AFP. Je rappelle que ni l'État ni l'organisme partie au contrat d’objectifs et de moyens ne sauraient s'affranchir de la logique contractuelle qu’il implique.

Il en va de la bonne information du Parlement qui décide du budget et du cadre législatif, mais aussi de la crédibilité de cet outil, du pilotage cohérent des politiques publiques et de la saine gestion des deniers de l'État.

Par ailleurs, si la fondation de l'AEF semble sur la bonne voie, il est toutefois nécessaire de définir les modalités précises du pilotage politique de l'audiovisuel extérieur.

Je redis cette année qu’il appartient non pas au conseil d'administration de la holding, mais bien aux ministères concernés, de définir la politique de la France. Il conviendrait, au-delà des réunions interministérielles qui précèdent les conseils d'administration de l'AEF, qu'une instance dédiée garantisse ce pilotage politique.

Au-delà de l'indispensable bouée de sauvetage qu'ont permis d'apporter les états généraux de la presse écrite, il faut aller vers la refondation des aides à la presse.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue!

M. Michel Françaix. Pour une fois qu’il avait raison! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Il a dépassé son temps de cinq minutes! Pas de privilèges, madame la présidente!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Madame la présidente, il est bien difficile d’aller aussi vite sur un si vaste sujet!

Je vous rappellerai qu’avec 84 % des crédits de paiement consacrés à l’aide directe à la presse, on observe une augmentation sans précédent.

Je suis convaincu qu'il faut procéder à une remise à plat de l’aide publique pour favoriser les dispositifs les plus innovants et les plus porteurs, de façon à faire émerger la presse de demain.

Je me félicite du soutien sans précédent accordé au développement de la presse en ligne, porté à 20 millions d'euros. Soulignons également l’aide à la démarche d'un « laboratoire des médias », ce qui est très important, monsieur le ministre, pour préparer l’avenir de notre presse.

L'Agence France-Presse doit quant à elle rénover son statut pour se donner les moyens de son avenir. À ce sujet, quelle sera la position du Gouvernement? Quand examinerons-nous éventuellement un texte?

En conclusion, je voudrais simplement constater que les pouvoirs publics ont fait l'essentiel du travail en apportant les moyens stratégiques, juridiques et financiers.

Les professionnels de l'audiovisuel public et de la presse ont déjà fait une partie du chemin nécessaire. Pour l'audiovisuel, la recherche des synergies, la négociation des nouvelles conventions collectives et la signature des contrats d’objectifs et de moyens feront de l'année2010 une année forte sur le plan social.

Pour la presse, ce sera aussi l'année de la mise en œuvre par la profession des engagements qu’elle a pris lors des états généraux, ainsi qu’une année marquée par la nécessaire modernisation sociale dans les domaines de l'impression et de la distribution.

Pour achever la mutation, cet engagement fort et résolu de la part de l'État était la meilleure manière de convaincre les professionnels de prendre toutes leurs responsabilités pour être à la hauteur des enjeux, qui peuvent se résumer de la façon suivante: fonder le paysage médiatique français du nouveau siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les médias, le soutien à l’expression radiophonique locale, la contribution au financement de l’audiovisuel public, l’audiovisuel extérieur de la France et pour les avances à l’audiovisuel public.

M. Patrick Bloche. Tout ça pour lui! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. Je vous le dis tout de suite: votre proposition est bonne, je la soutiens! (Sourires.)

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les médias, le soutien à l’expression radiophonique locale, la contribution au financement de l’audiovisuel public, l’audiovisuel extérieur de la France et pour les avances à l’audiovisuel public . Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la réforme de l'audiovisuel public, telle que, pour beaucoup d’entre nous ici, nous l’avons votée il y a peu de temps,…

M. Patrick Bloche. Pas nous!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . …porte ses fruits. Le Gouvernement accompagne cette sorte de mutation et de révolution, d’abord en tenant ses engagements,…

M. Michel Françaix. En reprenant l’argent à France Télévisions!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . …ce sur quoi nous avions insisté, monsieur le ministre, au moment du débat, et, ensuite, en augmentant sensiblement sa participation.

C'est le message que la plupart des membres de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont retenu de l'examen des crédits que vous nous présentez.

Il revenait bien entendu au rapporteur spécial de la commission des finances de faire l'analyse de ces crédits et l'on peut faire toute confiance à cet égard à notre collègue Patrice Martin-Lalande, qui vient de s’exprimer.

En ce qui nous concerne, nous retenons d’abord que vos crédits augmentent de plus de 3 %, ce qui, dans le climat économique actuel, n'a pas dû être aussi facile qu'il y paraît à obtenir!

C'est chose faite et je crois, monsieur le ministre, qu’on peut vous en féliciter.

Nous avons également retenu que, sur les 3778 millions d'euros de la mission « Avances à l'audiovisuel public », le montant global qui est attribué à France Télévisions est de 2507 millions, soit près de 2,5 % d'augmentation par rapport à2009.

Contrairement à ce que pouvaient redouter quelques esprits chagrins – mais je n’en vois pas ici‚–, l'État remplit donc bien ses engagements. Le plan d'affaires de France Télévisions pour la période 2009-2012 démarre bien!

Nous souhaitions également évoquer le sort de l'ancienne redevance, nouvellement appelée contribution à l’audiovisuel public, qui est désormais indexée sur l'évolution des prix.

C'est une bonne chose, là encore, à laquelle nous croyons, car il y avait tout de même quelque paradoxe à demander des efforts à l'audiovisuel public, à l'audiovisuel privé et jusqu'aux fournisseurs d'accès, sans rien demander aux téléspectateurs, surtout au vu des proportions de cet effort: deux euros d'une année sur l'autre.

Nous nous réjouissons, au sein de la toute nouvelle commission des affaires culturelles et de l’éducation, de ce que ces crédits vont permettre à France Télévisions de répondre pleinement aux différents aspects du cahier des charges de cette entreprise désormais unique, sur lesquels nous avons largement débattu ici même lors du texte de mars2009.

À cet égard, je rappellerai simplement certains points qui paraissent essentiels aux parlementaires: l'accent mis sur l'offre culturelle du groupe, la réaffirmation de son soutien à la création, la garantie d'une collégialité des instances de sélection artistique – ce qui veut dire qu’il n’y a pas de guichet unique, ce que nous redoutions‚–, la consécration d'une stratégie de média global, sans oublier l’affirmation d’une valeur d’exemplarité de France Télévisions en ce qui concerne la représentation de la diversité de la société française.

Le virage éditorial voulu par le président de Carolis et autorisé par la réforme prouve l'attachement de France Télévisions au cahier des charges. Nous sommes nombreux à saluer le volontarisme avec lequel l’équipe dirigeante de France Télévisions s’est engagée dans une réforme dont l’ampleur est tout à fait exceptionnelle.

Hélas! si tout va bien dans l'audiovisuel public, ce n’est le cas dans le domaine de l'audiovisuel privé, où la crise des ressources publicitaires, probablement sans précédent depuis que la télévision accepte de la publicité, affecte tant les chaînes historiques que les chaînes de la TNT. Si celles-ci pâtissent moins de cette crise, elles n'en ressentent pas moins un coup de frein à leur développement.

C'est pour cela que notre commission a souhaité que votre rapporteur pour avis vous alerte sur cette situation paradoxale: la publicité diurne, autorisée jusqu'en novembre2011 sur les écrans publics, a dépassé les espérances, alors que le marché publicitaire privé s'effondre.

M. François Rochebloine. C’est vrai!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Le seul effet d'aubaine connu s'est donc produit en interne, au sein de France Télévisions: des écrans de publicité nocturnes sont partis vers les écrans diurnes.

Les autres, hélas! se sont perdus dans la nature. Le supplément de recettes publicitaires avoisinera les135 millions d’euros. Comme on le sait, sur cette somme, 100 millions seront affectés à la réduction du déficit budgétaire de France Télévisions.

Il ne serait pas illégitime que l’État rétrocède les 35 millions restants aux chaînes privées, par exemple sous forme d’allègements de taxes.

M. Maxime Gremetz. Ah non! Assez pour le privé!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Il ne s’agit que d’une analyse, cher collègue.

En ce qui concerne la publicité, je rappellerai quelques chiffres que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Pour l'ensemble des médias, la diminution des recettes publicitaires pour le premier semestre2009, par rapport à celui de2008, est de 18 %, soit une baisse de 915 millions d'euros.

Et, s'agissant de la seule télévision – écran et parrainage‚– la diminution est de 19,5 %, en recul de 352 millions d’euros. La répercussion est directe et un chiffre suffit pour l’évaluer: si, en2002, la part publicitaire de la publicité dans le produit intérieur brut était de 2 %, elle ne sera plus que de 1,5 % en2009.

Je pense donc que ceux de nos collègues qui considéraient – peut-être comme M. Gremetz‚–,…

M. Michel Françaix. …qu’il n’y avait pas de crise?

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . …que nous jouions faussement les pythies lors de l'examen du texte sur l'audiovisuel seront conduits à revoir leur jugement! Mais je suis sûr qu’ils nous en diront plus tout à l’heure.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Vous avez tout à fait raison!

M. Maxime Gremetz. J’exercerai mon droit de réponse!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . La crise n'est pas seule en cause.

Vous le savez, monsieur le ministre, la publicité à la télévision est un modèle économique très – voire trop‚–contraint, ce qui constitue un frein dans un pays qui, étrangement d’ailleurs, se révèle moins « publiphile » que d'autres pays européens.

D’ailleurs, ce qui est grave pour les télévisions existantes le sera également pour les télévisions locales – celles qui viennent de naître comme celles qui sont en projet‚–, dont la situation, là encore, est moins enviable que dans d'autres pays voisins.

En outre, l'entrée dans l'économie numérique se traduit par une sorte de destruction de la valeur publicitaire car, pour les annonceurs, investir sur internet, c'est faire une économie, et, ainsi, les coûts d'accès à la communication sont très déflationnistes.

Je veux dire par là qu'il y a désormais quantité d'acteurs présents sur internet, mais que beaucoup vivent mal car leurs ressources publicitaires sont faibles, même si internet capte plus volontiers aujourd’hui la publicité que les chaînes de télévision traditionnelles.

Le texte de mars2009 sur l'audiovisuel a cherché à aider à sortir du monde des contraintes en assouplissant quelques-unes des règles encadrant la publicité: allongement de la durée maximale par heure, passage du système de l'heure glissante à celui de l’heure d'horloge et autorisation d’une seconde coupure publicitaire dans les œuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Mais il est vrai que l'effet de ces assouplissements se fait attendre. D'ailleurs, conscients qu'il allait falloir aider les chaînes privées à faire face à une crise qui se profilait à l'automne2008 et qui se confirmait au fur et à mesure de la navette parlementaire, nous avions voulu assouplir l'effet de la taxe sur le chiffre d'affaires des chaînes de télévision, qui est une sorte de taxe de solidarité entre le secteur public et le secteur privé.

Prévue initialement à 3 % nous l’avions, vous vous en souvenez, ramenée par voie d’amendement à 1,5 %, mais en gardant toujours à l’esprit qu’elle s’appliquait à un effet d’aubaine publicitaire, à cet hypothétique transfert des écrans nocturnes de France Télévisions vers les télévisions privées, dont celles naissantes de la télévision numérique terrestre, avec dans ce cas des paliers particuliers.

Las, d’effet d’aubaine il n’y eut point – au contraire, nous avons vu, selon le joli mot d’un professionnel, un véritable effet de guigne. TF1 et M6 se voyaient créditer de 300 millions d’euros de ressources dus à cet effet d’aubaine. Au final, comme M. Martin-Lalande l’a souligné, elles perdront 400 millions, soit un différentiel de 700 millions d’euros. Pour un cadeau, c’est curieux!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Pour une aubaine, c’est une belle aubaine!

M. Maxime Gremetz. Vous avez espéré que ça marche, mais ça n’a pas marché, et puis voilà!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’audiovisuel extérieur de la France. Encore raté! (Sourires.)

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Monsieur le ministre, il nous faut donc reprendre l’ouvrage où nous l’avions laissé et faire de nouvelles propositions pour alléger une taxe destinée à consacrer un effet dit d’aubaine et qui se transforme en un recul de recettes sans précédent.

M. Patrick Bloche. Et alors? La taxe est exprimée en pourcentage.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Je pense que nous serons à même de vous faire des propositions dans le cadre de la loi de finances rectificative. Mais nous attendons que vous nous disiez si vous partagez notre analyse et, dans l’affirmative, si vous nous aiderez à trouver une solution qui permette de différer ou de corriger l’impact négatif de cette taxe.

M. Michel Françaix. J’espère bien que non!

M. Marcel Rogemont. D’autant que vous l’avez déjà réduite de moitié!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis. L’inquiétude est d’autant plus grande face à cette crise – et vous devriez y être très sensibles, mes chers collègues – qu’elle pourrait affecter toute la chaîne de la production, c’est-à-dire de la création.

M. Franck Riester. Tout à fait!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Déjà, le pôle audiovisuel public représente la moitié des commandes. Il pourra difficilement au-delà, même si le support à la création est l’une de ses missions. Mais quid de la commande privée, de cette autre moitié répartie entre toutes les chaînes privées – historiques ou plus petites – si les difficultés financières ne leur permettent pas de remplir leurs obligations de production?

Mme la présidente. Merci d’envisager de conclure.

M. Maxime Gremetz. Et RFI? Vous avez pris une bonne position, sur RFI. Il faut en parler!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . On va en parler, monsieur Gremetz, on parle de tout, ici.

Êtes-vous d’accord avec nous, monsieur le ministre, pour dire qu’il nous faut veiller à cet aspect de la crise et peut-être, d’ores et déjà, envisager un plan de soutien à la production française que l’outil dont vous disposez, le CNC, pourrait piloter?

M. François Rochebloine. Ce serait bien aussi d’améliorer les programmes!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Dans le même état d’esprit, enfin, la commission a tenu à faire part de l’inquiétude d’un grand nombre de parlementaires à l’égard des chaînes locales dont la situation, en France, n’est pas bonne.

M. Daniel Spagnou. Très juste!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Êtes-vous prêt à nous suivre sur le chemin d’une mission parlementaire qui serait chargée d’examiner l’existant et de faire des propositions pour en arriver à un modèle économique viable?

M. Charles-Ange Ginesy. Très bonne proposition.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Avant de conclure, je glisse un dernier mot sur un sujet d’actualité.

Mme la présidente. Merci.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . Nous serons très attentifs au rapport qu’il vous appartiendra de présenter au Parlement sur la situation de la publicité dans l’audiovisuel. Les résultats dicteront notre position quant à la posture à tenir face à l’abandon prévu de toute publicité sur France Télévisions.

Quant au sujet qui préoccupe M. Gremetz, il est effectivement d’actualité: c’est celui du conflit social à RFI. Nous avons estimé que nous ne pouvions pas rester étrangers à ce conflit qui s’enlise.

M. Maxime Gremetz. Très bien!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis . La commission des affaires culturelles et de l’éducation va donc recevoir la direction de RFI.

Mme la présidente. Veuillez conclure, s’il vous plaît.

M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Nous aimerions aider RFI à sortir de cette impasse. Ce n’est pas votre aval que nous attendons dans cette affaire, monsieur le ministre, mais votre simple soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la presse.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour la presse. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le premier avis spécifiquement consacré aux crédits en faveur de la presse fait au nom de notre nouvelle commission s’inscrit dans un contexte tout à fait particulier.

Le budget 2010 vient en effet en prolongement des états généraux de la presse voulus et lancés par le Président de la République pour répondre à la crise profonde que connaît la presse écrite dans notre pays. Avec une hausse de 51 % des crédits, le budget 2010 est un budget historique qui dégage des moyens sans précédent en faveur de la presse. Les aides à la presse progresseront ainsi de 84 %, passant de 166 millions d’euros en 2009 à près de 306 millions d’euros en 2010.

Ce budget consacre en année pleine les mesures prises à la suite des états généraux de la presse écrite et consolide les autres aides à la presse, notamment les aides au pluralisme.

Je tiens à souligner que la philosophie de ces mesures n’est pas d’injecter massivement et sans contrepartie des crédits supplémentaires, mais d’accompagner les mutations qu’il incombe au secteur de mener à bien.

Ce sont d’abord les aides à la diffusion qui bénéficient de crédits supplémentaires. Conformément aux accords Presse-Poste-État de juillet2008, l’aide au transport postal bénéficie de 242 millions d’euros en 2010 auxquels s’ajoutent 28 millions d’euros pour financer le report d’un an de la mise en œuvre de ces accords.

Les états généraux ont également conduit à l’adoption d’un plan massif en faveur du portage qui est actuellement notoirement sous-développé en France. L’an prochain, l’aide s’élèvera à 70 millions d’euros contre 8 millions aujourd’hui.

L’accent est également mis dans ce budget sur l’accompagnement des efforts de modernisation du secteur. 93,2 millions d’euros sont alloués au financement de dispositifs destinés à répondre aux faiblesses structurelles du secteur. L’aide à la modernisation des points de vente est ainsi considérablement renforcée, passant de 2 millions d’euros en 2008 à 13,3 millions en2009 et2010.

L’aide au développement des services de presse en ligne connaît un changement d’échelle spectaculaire.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Enfin!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Alors qu’elle était de 500000 euros entre2006 et2008, elle s’élèvera à 20,2 millions d’euros en 2010. À ce propos, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez quand sera publié le décret permettant la mise en œuvre de cette aide.

Enfin, le fonds d’aide à la modernisation de la presse, recevra 5 millions d’euros supplémentaires pour financer la mesure d’abonnement gratuit en faveur des jeunes – sujet sur lequel je reviendrai de manière plus approfondie dans un instant.

Le présent projet de loi de finances traduit également le soutien de l’État en faveur de la modernisation de l’Agence France-Presse, conformément au contrat d’objectifs et de moyens signé à la fin de l’année dernière. L’enjeu, monsieur le ministre, mes chers collègues, est important. Il s’agit en effet de s’assurer que l’AFP puisse demeurer une agence d’information à vocation mondiale dans un contexte de fortes mutations technologiques et économiques. À ce titre, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où en est la réflexion sur une possible réforme du statut de l’Agence? Avez-vous l’intention de déposer un projet de loi, et si oui, à quelle échéance? Il me paraît en effet nécessaire, indispensable, que les voies d’un consensus soient dégagées sur ce sujet.

L’une des questions clés pour l’avenir de la presse écrite, c’est évidemment celle de son lectorat d’aujourd’hui mais également de demain. C’est pourquoi j’ai souhaité étudier plus précisément dans mon rapport la question des jeunes et de la presse.

Toutes les statistiques le montrent: les jeunes lisent peu la presse écrite – moins encore que les autres catégories de la population. Ils la lisent même de moins en moins, malgré leur hyper-consommation de médias. La question posée est donc claire: y aura-t-il encore un lectorat pour la presse demain?

C’est un sujet important, car les entreprises de presse ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles ont un rôle particulier à jouer: la question des rapports entre les jeunes et la presse écrite sous-tend en effet celle de l’accès à la culture, celle de la formation de l’esprit critique, et tout simplement celle de la formation à la citoyenneté.

Pour répondre à cet enjeu important pour l’avenir de notre société démocratique, diverses initiatives ont été mises en place, mais qui apparaissent aujourd’hui insuffisantes.

En matière d’éducation aux médias, la France a été un précurseur à travers l’action du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information, le CLEMI. Depuis vingt-ans ans, celui-ci forme 30000 enseignants chaque année et organise depuis vingt ans la « semaine de la presse et des médias à l’école » qui touche environ 4 millions d’élèves dans 15000 établissements. En dépit d’un succès incontestable, la semaine de la presse à l’école, événement ponctuel, agit comme une piqûre de rappel, quand c’est un véritable traitement de fond qui serait nécessaire.

La place de la presse dans les enseignements reste en outre très insuffisante alors que – faut-il le rappeler? – l’éducation aux médias figure explicitement dans le socle commun de connaissances et de compétences ainsi que dans les programmes. Les obstacles sont nombreux: les objectifs sont mal définis, les horaires d’enseignement contraints et la formation des enseignants insuffisante.

Enfin, en dehors de la semaine de la presse, aucune solution généralisable n’a été trouvée pour permettre aux établissements de disposer d’un nombre suffisant de journaux gratuits.

À partir de 2005, d’importants moyens financiers ont également été mobilisés par l’État pour accompagner les éditeurs, à hauteur d’environ 3 millions d’euros par an. Ces crédits ont permis de soutenir des projets individuels – à l’initiative de diverses entreprises de presse – et collectifs. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, le montant des subventions n’épuise même pas la totalité de l’enveloppe destinée à ces projets, ce qui montre bien que les éditeurs peinent à proposer des projets pour le jeune lectorat.

M. Michel Françaix. En 2020, peut-être!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Ces crédits ont également permis de soutenir des projets collectifs: des kiosques financés par les éditeurs, les conseils régionaux et l’État ont été mis en place dans certains établissements.

M. Michel Françaix. Ça fait un joli paysage!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Merci. (Sourires.)

Si ces opérations se poursuivent et se développent, ce qui témoigne d’un intérêt certain, leur ampleur reste néanmoins limitée et leur évaluation fait défaut.

Un projet collectif plus ambitieux d’abonnement gratuit pour les 18-24 ans a été lancé par le syndicat de la presse quotidienne régionale en 2005, pour le compte de quarante et un de ses titres. Cela a permis de fidéliser jusqu’à 18 % de ces jeunes l’année suivante.

M. Maxime Gremetz. Bonne mesure!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Toutes ces mesures sont intéressantes mais, au regard de l’enjeu, il faut aller plus loin. C’est pourquoi je me félicite de la mobilisation des éditeurs autour de l’opération « Mon journal offert », inspirée de l’expérience menée par le SPQR. Le but de cette opération, que vous avez lancée, monsieur le ministre, le 27 octobre dernier, et qui est d’ores et déjà un succès, est d’offrir à 200000 jeunes de 18 à 24 ans un abonnement à un quotidien de leur choix, qu’ils recevront un jour par semaine, financé à parité par les éditeurs et l’État. Cette opération mobilisera 15 millions d’euros sur trois ans. L’offre est fondée sur le volontariat des éditeurs – cinquante-neuf journaux quotidiens y participent – et celui des jeunes qui souhaitent en bénéficier.

Il me semble que plusieurs conditions doivent être réunies pour que cette opération soit un succès. L’expérience du SPQR montre que la réussite de l’opération implique des efforts des éditeurs sur le contenu ainsi que des offres novatrices mêlant internet et papier. Il serait également souhaitable que les éditeurs veillent à aménager une transition entre l’abonnement gratuit et l’offre payante, pour aider à fidéliser le jeune lecteur.

Par ailleurs, je souhaite que soit rapidement étudiée la possibilité d’étendre cette opération à la presse en ligne dans la mesure où, depuis la rentrée, un nombre croissant d’éditeurs propose des abonnements sur internet qui donnent accès à des contenus « premium ». Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre position sur cette proposition. Car entre la presse papier et la presse en ligne, je crois qu’il doit y avoir complémentarité et non pas opposition.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Il a parfaitement raison. L’une nourrira l’autre.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . J’insiste sur l’importance des mesures destinées à favoriser le développement de la presse en ligne. Un important volet législatif a déjà été adopté, ce dont je me félicite, mais un chantier majeur reste ouvert: la baisse du taux de TVA sur la presse en ligne. Monsieur le ministre, quelle est votre position sur ce sujet?

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Sur ce point, Mme Lagarde a répondu.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Pour renforcer la lecture de la presse par les jeunes, il faut accroître sa place à l’école. Il faut qu’une variété suffisante de journaux et d’exemplaires y soit disponible gratuitement. Je propose que soit étudiée la possibilité pour les établissements scolaires d’utiliser gratuitement les invendus des diffuseurs de presse, destinés à être détruits.

S’agissant de l’éducation aux médias, qui est essentielle pour permettre aux élèves d’en avoir une approche critique, pouvez-vous me confirmer, monsieur le ministre, qu’un groupe de travail interministériel réunissant des représentants des ministères de l’éducation nationale et de la culture et de la communication sera prochainement constitué pour étudier la mise en place de diverses recommandations des états généraux? Parmi ces recommandations, certaines me paraissent particulièrement intéressantes.

Mme la présidente. Merci d’envisager de conclure.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Il faut, je crois, privilégier les actions de formation des enseignants pour les inciter à introduire de façon plus systématique la presse comme support pédagogique et objet d’étude.

Enfin, si la presse souhaite éviter de devenir un produit de niche qui vieillira et disparaîtra avec son lectorat, elle ne peut faire l’économie d’innovations sur ses contenus, ses formats, ses modes de rédaction et d’efforts de diversification de ses rédactions pour s’ouvrir à de nouveaux publics.

À cet égard, un effort substantiel de recherche et développement sera nécessaire. Le succès des gratuits prouve qu’une nouvelle approche tant éditoriale qu’en matière de distribution peut séduire un lectorat que l’on croyait perdu, mais, dans ce domaine, la responsabilité est d’abord celle des éditeurs. Ces questions pourraient être au cœur d’un acte II des états généraux de la presse écrite, que probablement vous veillerez à mettre en place, monsieur le ministre.

Dans ce contexte difficile pour la presse écrite, nous pouvons nous féliciter, mes chers collègues, que l’État ait pris ses responsabilités et qu’il apporte à ce secteur un soutien massif. Le projet de budget pour 2010 en est la traduction concrète. C’est pourquoi je vous invite, en tant que rapporteur, à adopter ce projet de budget, porteur d’espoir pour le renouveau de la presse écrite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’audiovisuel extérieur de la France.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l’audiovisuel extérieur de la France . Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je ne ferai que survoler le paysage de l’audiovisuel extérieur de la France.

La situation actuelle est l’héritage de trois temps forts survenus dans les dernières années:

Premier temps fort, la réflexion engagée à partir de 2002 autour de ce que le Président de la République de l’époque avait appelé la CNN à la française. Cette initiative avait suscité, y compris dans cette assemblée, de nombreuses remarques, d’excellente qualité d’ailleurs, et plutôt œcuméniques, qui ont toutefois été jetées à la poubelle assez rapidement;

Deuxième temps fort, le rapport Bénamou en 2007-2008, qui contenait des scories et qui a entraîné des difficultés à TV5 Monde, sans compter le fait que nous avons froissé nos partenaires étrangers et nos amis francophones qui nous accompagnent dans l’aventure de TV5 Monde;

Troisième temps fort, la loi de 2009 avec la création de la holding AEF, avec deux filiales, France 24 et RFI, et une société partenaire, TV5 Monde.

Sur les questions budgétaires qui nous sont soumises, je voudrais d’emblée souligner qu’il est extrêmement difficile d’y voir clair en l’absence du contrat d’objectifs et de moyens. Nous en ignorons tout à l’heure qu’il est.

M. Maxime Gremetz. Encore et toujours. C’est un mystère!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . On nous annonce depuis le mois de mai qu’il va être incessamment communiqué. Nous avions espéré que le Parlement pourrait l’avoir en sa possession afin d’éclairer le débat budgétaire. Malheureusement, ce n’est pas le cas, ce qui fait que la lisibilité budgétaire de l’AEF est extrêmement réduite. Cela a amené la commission des affaires étrangères à s’interroger avec beaucoup de force sur cette opacité budgétaire.

Je relèverai quelques points saillants dans ce paysage.

D’abord, je voudrais évoquer la question du pilotage de l’AEF. C’est, si j’ose dire, le grand méchant flou. Qui pilote réellement l’AEF? Un interministériel, sûrement de très qualité, dans lequel on retrouve le ministère de la culture, la Direction du développement des médias, le cabinet du Premier ministre, le ministère des affaires étrangères. Chronologiquement, nous constatons un effacement des affaires étrangères dans un domaine où la décision politique pourtant est d’importance puisqu’il s’agit de faire le choix des langues et des zones géographiques cibles dans notre action extérieure. Nous pouvons regretter, en tout cas la commission l’a fait, cet effacement des affaires étrangères.

J’ajoute que la nomination d’un ambassadeur exceptionnel, notre excellent ex-collègue Louis de Broissia, chargé lui aussi de l’audiovisuel extérieur, n’a pas rendu le dispositif plus lisible, c’est le moins que l’on puisse dire.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Ce n’est pas sympa. Attendons les résultats de son travail!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Je ne mets nullement en cause ses qualités, j’observe simplement que plus il y a de pilotes dans l’avion, moins il y en a un réellement.

M. Maxime Gremetz. C’est au ministre de répondre, pas au rapporteur!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Aucun croisement n’est réalisé par exemple entre l’audiovisuel extérieur et les autres politiques nationales liées à l’influence française à l’extérieur, qu’il s’agisse de l’enseignement du français ou de l’action culturelle extérieure par exemple.

M. François Rochebloine. En effet.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Cette situation cumule tous les inconvénients: il n’y a ni un pilotage politique précis qui corresponde à des orientations stratégiques nationales, ni la crédibilité de l’indépendance, puisque cet audiovisuel extérieur est dirigé, excusez du peu, par la compagne du ministre des affaires étrangères. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est indigne!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . C’est un constat, ce n’est pas un jugement de valeur.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est le sous-entendu qui est indigne!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Donc, nous avons tous les inconvénients sans avoir aucun avantage.

Venons-en à France 24.

M. François Rochebloine. Parlons-en!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Nous pouvons nous poser quelques questions, en particulier sur le turn over maximal des journalistes aujourd’hui à France 24. Trente départs ont eu lieu dernièrement au titre de la clause de cession. C’est un nombre très important. Il y a manifestement un malaise à France 24.

Par ailleurs, nous ne disposons de très peu d’éléments pour apprécier les indicateurs mais il semble bien que tous les chiffres que l’on nous donne sur les parts de marché et l’audience de France 24 – je vous renvoie à mon rapport, je n’ai pas le temps de les détailler ici – soient réellement sujets à caution.

M. Patrick Bloche. Ils sont bidonnés!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Nous avons le sentiment que, pour le moment en tout cas – j’espère que la tendance s’inversera –, France 24 n’est pas encore, c’est un euphémisme, un grand succès à l’échelle internationale.

Enfin, je dirai un mot, le plus important peut-être, sur la situation de RFI, le plus long conflit de l’histoire de l’audiovisuel public.

M. Patrick Bloche. Absolument!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Je crois, monsieur le ministre, que le Gouvernement ne peut plus rester immobile dans cette affaire. Nous savons tous le rôle irremplaçable que joue RFI dans certaines régions du monde. C’est une vraie radio, avec ses vraies spécificités, c’est une radio de journalistes, pas une radio d’animateurs.

Quels sont les arguments avancés par l’AEF pour s’en prendre à RFI? Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. En l’occurrence, la rage, c’était à la fois le déficit – mais le déficit d’une entreprise publique, nous savons que c’est ce que veut bien en faire l’actionnaire unique, c’est-à-dire l’État – et une perte d’audience supposée de 8 millions d’auditeurs. En réalité, ce chiffre ne repose que sur une étude très mystérieuse, attribuée à un groupement qui s’appelle le GEDA, qui n’est rien d’autre qu’un institut universitaire belge – je n’ai absolument rien contre la Belgique mais il se trouve que cet institut est inconnu de toutes les grandes entreprises de mesure de l’audience qu’il s’agisse de la SOFRES, de l’IFOP, etc. Il semble assez mystérieux que personne ne connaisse l’origine d’une étude qui a été revendiquée, matraquée par la direction de l’AEF. J’ai beaucoup de doutes sur cette étude.

En outre, je relève que plusieurs fautes psychologiques ont été commises dans ce conflit. On ne peut pas à la fois donner le sentiment de vouloir marginaliser le média radio au profit de la télévision de format breaking news comme France 24, expliquer que la masse salariale de RFI est trop élevée et, dans le même temps, augmenter le budget de l’AEF de 1,5 million d’euros par rapport aux prévisions budgétaires, uniquement à cause du salaire des dirigeants.

M. Marcel Rogemont. Et voilà!

M. François Rochebloine. Parlons-en!

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le rapporteur.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Il y a quelque chose d’inacceptable dans cette situation. Et je vous demande, monsieur le ministre, de réagir d’urgence.

La commission des affaires étrangères a décidé, la semaine dernière, de former une mission d’information sur la situation à RFI. Nous avons, sur tous les bancs de la commission, fait part de notre émotion face à la situation de RFI. Il y a urgence à ce que le Gouvernement se saisisse de cette affaire. La direction de l’AEF n’est plus en état aujourd’hui de régler convenablement la situation de RFI. Il faut désigner un médiateur, il faut que le Gouvernement s’en mêle.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Quelle confiance dans le Gouvernement de la part de M. Mathus!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . En conclusion, j’ai proposé à la commission des affaires étrangères de s’abstenir sur ce budget parce que nous ne disposons ni du chiffrage sur les économies potentielles générées par les fameuses mutualisations et les synergies, ni du chiffrage du plan social de RFI, ni des budgets 2010 pour France 24 et RFI.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Mathus, s’il vous plaît.

M. François Rochebloine. C’est intéressant!

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis. Parce que nous ne disposons pas non plus du contrat d’objectifs et de moyens, nous n’avons absolument pas la capacité d’émettre aujourd’hui un avis étayé sur le budget de l’audiovisuel extérieur français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Heureusement qu’il a été jusqu’au bout!

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous a été imparti.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons aujourd’hui nous prononcer sur le budget pour 2010 de ce que l’on appelle en raccourci la mission « Médias » et qui recouvre la gestion et la valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien et les avances à l’audiovisuel.

Les sujets qui pourraient être abordés à la faveur de cette discussion sont légions, il nous faut bien faire des choix. C’est pourquoi je concentrerai mon intervention sur les crédits du programme 115, destinés à l’« Action audiovisuelle extérieure ».

L’an passé, nous avons voté un budget qui portait sur la réforme mise en place par le Gouvernement concernant l’architecture et le financement du dispositif français d’audiovisuel extérieur.

Depuis l’exercice 2009, ce financement a été regroupé dans un seul programme de la mission « Médias », la plus grande part de la dotation étant versée à la société holding Audiovisuel extérieur de la France, créée le 4 avril 2008, dont l’État est le seul actionnaire et dont le budget est en augmentation de 2,4 % par rapport à 2009.

Bien que ce budget puisse, à première lecture, sembler prometteur, des questions, voire des inquiétudes, demeurent sur les grandes lignes de cette réforme.

La première préoccupation concerne France 24.

Rappelons que les ambitions qui ont présidé à la création de cette chaîne visaient à doter la France d’une grande chaîne d’information continue internationale. En offrant une vision française de l’actualité du monde qui enrichit les points de vue et renforce les positions françaises, France 24 doit être en effet la voix de la France.

Alors que l’AEF s’est fixé pour principal objectif de contribuer au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la diffusion d’émissions de télévision et de radio relatives à l’actualité, aussi bien auprès des Français de l’étranger que du public étranger, comment se fait-il, monsieur le ministre, que France 24 ne soit pas présent en Amérique Latine?

Par ailleurs, je me permets de rappeler que France 24 a été créée avec un apport en capital de TF1 et France Télévisions, pour un montant de 17500 euros chacun. Alors que TF1 affichait initialement pour le rachat de ses parts des prétentions démesurées – on a parlé de 90 millions d’euros –, chaque partie s’est finalement vu attribuer un million d’euros, ce qui n’est mal quand même, vous en conviendrez, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous indiquer quelle est l’audience réelle de France 24 et quelles sont les intentions futures de développement tant au niveau des langues que des pays?

J’évoquerai maintenant la situation de RFI.

La conduite de l’audiovisuel extérieur et la gestion de la crise majeure qui ébranle RFI continue de susciter des interrogations. Entre autres mesures, le Gouvernement avait, l’an passé, annoncé dans le cadre du projet global de modernisation de Radio France internationale la suppression de 206 postes. Sans pour autant remettre en question cette réforme, qui était sans doute nécessaire, les représentants du personnel en conviennent, il nous faut déplorer la manière dont la crise générée par cette politique a été gérée, ainsi que j’ai eu l’occasion de le rappeler dans cet hémicycle au printemps dernier.

Outre une réforme dont les objectifs sont restés assez flous, on ne peut que regretter la gestion de la crise sociale qu’elle a engendrée, crise exacerbée au demeurant par l’annonce d’embauches à France 24 alors même que RFI devait licencier. On peut d’ailleurs légitimement s’interroger sur les raisons pour lesquelles certaines personnes de RFI n’ont pas alors été transférées à France 24.

Je souhaite par ailleurs évoquer les 6,5 millions d’euros que le budget 2010 alloue aux crédits de développement de RFI alors que nous ignorons pour l’instant le coût du plan social. Nous arrivons en fin d’année 2009 sans connaître le contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner davantage d’indications sur ces aspects du dossier RFI? D’avance, je vous en remercie.

Pour achever ce tour d’horizon de notre audiovisuel extérieur, il me faut évoquer la réussite remarquable de TV5 Monde, dont la présence très forte dans le monde entier constitue indéniablement un atout.

Si TV5 Monde dispose aujourd’hui de l’un des trois meilleurs réseaux de diffusion en analogique, le passage au numérique risque fort de la déstabiliser. Il convient donc de veiller à désamorcer la concurrence entre France 24 et TV5 dans la conquête des réseaux numériques. Aussi, je tiens à féliciter sa directrice, Mme Marie-Christine Saragosse qui, à la suite de Serge Adda, dirige avec succès TV5 en s’attachant à la défense de son autonomie.

En conclusion et pour toutes les raisons que je viens d’évoquer précédemment, nous pensons qu’il est nécessaire de conduire une réflexion approfondie et nous souhaitons que plusieurs aspects de cette réforme fassent l’objet d’éclaircissements.

À plus long terme, nous souhaitons que les députés soient associés aux réflexions à venir, notamment sur le dossier de RFI, auquel, vous l’aurez compris, nous sommes particulièrement attachés, comme l’a rappelé le rapporteur Didier Mathus.

Permettez-moi ici de rappeler l’importante contribution parlementaire apportée au débat il y a trois ans déjà dans le cadre de la mission d’information, que j’avais l’honneur de présider, de la commission des affaires étrangères, alors présidée par l’ancien Premier ministre Édouard Balladur.

Je veux rappeler nos préconisations pour favoriser les synergies et mutualiser les moyens, les compétences et les savoir-faire. Je veux rappeler le choix que nous avions fait d’un modèle intégré tri-média associant radio, web et télévision. Je veux rappeler notre volonté d’ancrer l’audiovisuel extérieur français dans une perspective résolument européenne. Trois ans plus tard, ces préconisations demeurent pleinement d’actualité.

Plus globalement, nous considérons que ce budget pour 2010 est un budget de transition dans la mesure où les réformes entreprises doivent se poursuivre. Aujourd’hui plus que jamais, dans un contexte caractérisé par de profondes mutations techniques, économiques et sociales, l’audiovisuel extérieur est l’un des vecteurs essentiels de diffusion de la culture française.

Dans ce contexte, nous espérons que, malgré les difficultés, notre pays affichera son ambition en assurant une présence dans le monde. Le groupe Nouveau Centre considère que le budget va dans cette direction. C’est pourquoi je vous annonce que notre groupe le votera, même si, à titre personnel, je reste quelque peu réservé.

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Riester.

M. Franck Riester. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie d’abord nos quatre rapporteurs pour la qualité remarquable du travail qu’ils ont accompli, même si je ne partage pas les conclusions de M. Mathus.

M. Patrick Bloche. Vous n’êtes pas encore ministre, monsieur Riester!

M. Franck Riester. L’année 2009 aura été véritablement fondatrice pour le secteur des médias. De nombreuses réformes audacieuses ont été concrétisées avec succès afin de moderniser et de dynamiser le secteur.

Pour répondre aux difficultés structurelles de la presse écrite et pour accompagner son évolution vers le numérique, le chantier des états généraux de la presse écrite a été ouvert et mené à bien. Un certain nombre de mesures décidées dans ce cadre ont déjà été mises en œuvre. Ainsi, la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite HADOPI 1, institue un statut d’éditeur de presse en ligne et ouvre la possibilité pour les journalistes de bénéficier d’une exploitation multisupports de leurs œuvres.

Mais la réforme la plus emblématique est bien sûr la réforme du service public audiovisuel, qui s’est traduite par la loi du 5 mars 2009. Vous la connaissez bien, chers collègues, puisque nous l’avons débattue de longues heures. Elle a fait couler beaucoup d’encre et suscité un débat passionné. Que n’a-t-on entendu alors! Nous avons été accusés de brader le service public, voire de l’asphyxier. On peut pourtant affirmer, avec une année de recul, que le Président de la République et la majorité ont eu raison d’entreprendre cette grande réforme. France Télévisions s’affirme dans le paysage audiovisuel français et se recentre sur ses missions de service public.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est exact!

M. Franck Riester. La réforme de France Télévisions se traduit d’abord par une montée en puissance des programmes de service public et une certaine audace dans la programmation. Mais il faut renforcer cette singularité, par exemple en développant davantage les programmes consacrés à la thématique européenne, au sport, à la musique, ou en renforçant la dimension de service public des programmes de flux.

La réforme de France Télévisions apporte ensuite la garantie d’une qualité et d’un confort de visionnage pour le téléspectateur. Désormais libérée des contraintes publicitaires après vingt heures, la programmation est plus lisible, avec une première partie de soirée démarrant dès vingt heures trente, une seconde commençant vers vingt-deux heures trente et une troisième enfin accessible.

Certains esprits chagrins ont fait valoir que la réforme n’aurait pas les effets escomptés et pointent le léger recul d’audience de France 3. Celui-ci doit cependant être replacé dans un contexte global. L’érosion de l’audience de France 3 participe d’un mouvement de fond. Avec la montée en puissance des chaînes de la TNT, dont je me réjouis, toutes les chaînes historiques sont concernées par la redistribution de l’audience. De grâce, arrêtons également de nous focaliser sur une audience mesurée de manière uniquement quantitative. Désormais, la performance des programmes de France Télévisions appelle également des critères qualitatifs. C’est tout l’esprit de la réforme. De ce point de vue, les Français approuvent très majoritairement leur nouveau service public de l’audiovisuel

En 2010, France Télévisions devra poursuivre sa mutation en menant de front plusieurs chantiers. Il lui faudra d’abord achever la constitution de l’entreprise unique et finir de fusionner les quarante-neuf entités juridiques du groupe, qui prévalaient jusque-là. France Télévisions devra ensuite mener à bien la renégociation des conventions collectives et accords d’entreprise, et faire en sorte que la refonte se déroule dans un climat social apaisé. Il lui faudra enfin accélérer le passage au média global, en multipliant les passerelles pour favoriser la diffusion des contenus sur les différents types de supports. D’ores et déjà, je salue le travail considérable réalisé par la direction de France Télévisions et par l’ensemble des personnels.

J’en viens maintenant au financement de la réforme. Bien qu’on ait, là encore, intenté un procès d’intention à la majorité, nous avons tenu nos engagements.

M. Patrick Bloche. Ils figuraient dans la loi! Vous étiez bien obligés de l’appliquer!

M. Franck Riester. Les chiffres parlent d’eux-mêmes: en 2010, 458 millions d’euros seront abondés par l’État pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures, ce qui représente une progression de 1,75 % par rapport à 2009. Si l’on y ajoute la part du produit issu de la contribution à l’audiovisuel public – ex-redevance – fixée à 2,09 milliards pour 2010, ce sont 2,55 milliards d’euros que l’État versera en 2010 au groupe France Télévisions, dont les moyens financiers n’ont jamais été aussi assurés.

On devine ce qui se serait passé si nous n’avions pas réduit fortement, dans son financement, la part de la publicité: étant donné la crise que connaît ce secteur, l’audiovisuel public connaîtrait exactement les mêmes difficultés que les chaînes privées. En effet, même si la loi du 5 mars 2009 a judicieusement assoupli le marché publicitaire, les ressources qu’il apportait aux chaînes privées se sont effondrées en 2009 et il n’y a eu, pour le moment, aucun effet d’aubaine. À ce titre, je partage les analyses et les préoccupations de M. Kert et de M. Martin-Lalande: il faut réfléchir à une éventuelle adaptation de la taxe créée sur les recettes des chaînes privées. Le paysage audiovisuel français a besoin d’un service public fort, mais aussi d’un secteur privé dynamique.

L’augmentation des crédits de la mission « Médias » concerne également les autres composantes de l’audiovisuel public. Arte France voit son budget augmenter de 4,1 %, l’INA de 1,2 % et l’audiovisuel extérieur de 6,1 %. Les autres supports profitent aussi du volontarisme de l’État, puisque Radio France voit ses ressources progresser de 4,1 %. Quant aux aides publiques consacrées à la presse écrite, elles augmentent de près de 50 %.

Avec ce budget, nous préparons aussi l’avenir. Le passage à la télévision tout numérique apparaît pour la première fois au sein du périmètre de la mission « Médias ». Formidable opportunité pour nos concitoyens, la télévision tout numérique offre gratuitement dix-huit chaînes dans une qualité d’image et de son exceptionnels.

M. Patrick Bloche. À ceux qui la reçoivent!

M. Franck Riester. En tant que maire de Coulommiers,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Nous l’attendions! (Sourires.)

M. Franck Riester. …première ville de France à passer à la télévision tout numérique, je peux témoigner de la véritable dynamique comme de l’enthousiasme des élus, des associations et de nos concitoyens pour ce beau projet, véritable service d’intérêt général.

Notre responsabilité collective est de réussir ce passage. Face aux craintes légitimes exprimées par certains de nos collègues, je renouvelle mon soutien aux grands principes définis par le Gouvernement en accord avec le CSA. Réussir ce passage suppose d’abord de respecter le calendrier du schéma national d’extinction de l’analogique défini par le CSA. Ensuite, l’amélioration de la couverture hertzienne numérique du territoire sera en partie assurée par l’augmentation de la puissance de certains émetteurs. Enfin, l’accompagnement sera renforcé pour tous les foyers situés en zone d’ombre numérique et devant s’équiper en réception satellitaire. Nous aurons l’occasion d’en reparler quand nous examinerons, début décembre, la proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique.

La majorité est résolue à accompagner les mutations du secteur audiovisuel. Ce budget le prouve. C’est pourquoi le groupe UMP votera les crédits de la mission « Médias ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ce jour anniversaire de la chute du Mur de Berlin, événement si déterminant dans l’histoire de l’Europe et de l’humanité, comment, alors que nous examinons les crédits « Médias » pour 2010, ne pas rappeler le rôle essentiel qu’a joué et que joue encore la radio quand il s’agit de permettre à des peuples de recouvrer la liberté?

Cette mission, que continuent à remplir les journalistes de RFI, permet de ne pas oublier que la France est la patrie des droits de l’Homme. Il y a juste un an, lors de la discussion, dans ce même hémicycle, de la réforme de l’audiovisuel public, nous dénoncions déjà la fermeture de nombre de stations de RFI à l’étranger ou leur basculement cynique sur Internet dans des pays où ce média est méthodiquement filtré par les autorités en place. Aujourd’hui, force est de constater que l’entreprise de démolition de cette radio centrale dans le paysage de la francophonie se poursuit avec tout l’acharnement qu’y met un couple dirigeant contesté pour de multiples raisons.

Monsieur le ministre, il n’est que temps d’entendre le message des personnels de RFI mobilisés depuis de longs mois pour empêcher la suppression de 206 emplois, que ne justifie en rien la situation financière de RFI, et de mettre fin ainsi à un scandale d’État.

Évoquer, en ce 9 novembre, la fin du rideau de fer oblige également à rappeler le choix pour le moins paradoxal qui a conduit le président de Radio-France à diffuser tout au long de la journée un programme unique, sur les sept chaînes du groupe ainsi réunies en une seule et même antenne, pour, dit- il, « retrouver toute la richesse et la diversité » du groupe. Six mois après la nomination par le pouvoir exécutif de M. Hees à la tête de Radio France, pour succéder…

M. Marcel Rogemont. Dans quelles conditions!

M. Patrick Bloche. …à M. Cluzel dont le bilan, notamment en termes d’audience, a été unanimement salué, bien des interrogations subsistent sur les contenus éditoriaux et le développement du groupe par ailleurs pénalisé financièrement par les travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio, dont le coût initial a explosé de façon inquiétante.

M. Hees a affirmé récemment: « Le service public, c’est une radio de l’offre, pas de la demande. L’auditeur paie la redevance, il a envie d’être respecté. » De tels propos ne peuvent qu’entretenir le doute sur l’orientation stratégique d’un groupe soumis à forte concurrence, comme tous les médias traditionnels.

L’examen des crédits « Médias » pour 2010, qui nous réunit aujourd’hui, nous conduit naturellement à évoquer la situation de France Télévisions près d’un an après le long, très long débat parlementaire qui nous avait occupés à la fin de 2008.

M. Marcel Rogemont. Mais non! Pas si long que cela. (Sourires.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur . Oh si! Interminable!

M. Patrick Bloche. Cet examen intervient dans un contexte fortement hypothéqué par le passage au tout-numérique, qui fait craindre le risque d’un écran noir, dans plusieurs zones de réception, lors du basculement.

L’actuelle discussion, à l’Assemblée, d’une proposition de loi sénatoriale a montré que, loin de la certitude avancée d’un service universel, la disparition massive de plus de la moitié des émetteurs nous expose au danger d’une fracture territoriale accentuée par l’abandon de la diffusion analogique. Un comble, alors que la TNT est censée représenter pour nos concitoyens un enrichissement technologique de l’offre télévisuelle!

Mais revenons aux conséquences de la loi du 5 mars2009 sur l’audiovisuel public. « Tout ça pour ça! », pourrions-nous dire. En effet, hormis l’objectif premier poursuivi par Nicolas Sarkozy de mettre sous tutelle politique et budgétaire la télévision publique,…

M. Franck Riester. C’est faux!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Caricature!

M. Patrick Bloche. …que reste-t-il aujourd’hui du « Grand Soir audiovisuel » annoncé alors si bruyamment?

Le moins qu’on puisse dire est que la suppression de la publicité en soirée n’a pas produit d’effet d’aubaine, en termes d’audience, pour les chaînes de France Télévisions. Pour justifier mon propos, je n’arguerai pas que, dans ce domaine, M6 est passée devant France 3 en septembre dernier: non seulement cette avance ne s’est pas confirmée le mois suivant – et c’est heureux! –, mais il est regrettable que la réforme mise en place en début d’année soit passée à côté de l’essentiel notamment pour France 3, chaîne de la proximité. Cette chaîne devait avant tout résoudre son problème d’identité et faire preuve de créativité pour diversifier les tranches d’âge de son public.

Les parrainages et les placements de produits annihilent la perception positive que la plupart des téléspectateurs auraient pu avoir de l’absence d’écrans publicitaires après vingt heures.

C’était un pari bien illusoire, et surtout nostalgique – mais la nostalgie n’est plus ce qu’elle était –, de croire que la disparition de la publicité pouvait contrer la concurrence que France Télévisions et les autres chaînes historiques subissent de la part des chaînes de la TNT ou encore d’internet.

S’il y a, fort heureusement, une différence entre l’audiovisuel public et les chaînes privées, contrairement à ce qu’affirme, de manière si péremptoire, celui qui considère que France Télévisions ne diffuse pas assez d’émissions politiques, elle est indépendante de la réforme engagée. Elle tient, avant tout, au dynamisme des équipes des chaînes publiques, qui refusent la standardisation et l’uniformisation des programmes. En témoigne le renouvellement total de la politique de France Télévisions en matière de fiction, alors que le groupe finance à lui seul 50 % de la production audiovisuelle. Ce chiffre est d’ailleurs inquiétant pour l’avenir de la filière cinéma, mais il s’agit là d’un autre débat.

Cela dit, encore faut-il que les chaînes publiques aient les moyens financiers de leurs ambitions. À cet égard, le récent rapport de la Cour des comptes a sonné, tel un tocsin, pour nous alerter sur le fait que France Télévisions, victime des objectifs changeants et contradictoires de l’État actionnaire, était « une entreprise fragilisée ». En effet, comment ne pas mesurer la fragilisation de l’entreprise lorsque l’on constate que la recommandation de la Cour des comptes, visant à « affecter tout aléa favorable sur le chiffre d’affaires publicitaire du groupe à la réduction du déficit du groupe », a été délibérément ignorée par le Gouvernement.

Nous avons ainsi assisté à un véritable hold-up de l’État actionnaire qui s’est offert honteusement le luxe de récupérer 35 des 105 millions d’euros de recettes publicitaires supplémentaires en journée. Monsieur le ministre, c’est Plus belle la vie pour le Gouvernement!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Le Gouvernement était en droit de récupérer la totalité de la somme!

M. Patrick Bloche. Il fallait oser le faire alors que le déficit de France Télévisions pour 2009 s’élève à 137 millions d’euros et qu’il aurait pu être réduit non pas à 67 millions d’euros, mais à 32 millions! Finalement, l’État ne versera au groupe que 415 millions d’euros au lieu des 450 millions prévus.

M. Michel Françaix et M. Marcel Rogemont. Et voilà!

M. Patrick Bloche. On nous avait pourtant affirmé qu’ils étaient gravés dans le marbre de la loi!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Il faut aussi compter les 75 millions d’euros de recettes supplémentaires! Soyez honnêtes!

M. Patrick Bloche. Puisque vous en parlez, revenons sur ces recettes publicitaires supplémentaires en journée. Il s’agit d’une heureuse nouvelle: elle témoigne de l’efficacité et de la capacité d’adaptation des personnels de la régie publicitaire de France Télévisions, qui, ironie du sort, va être cédée par le groupe en début d’année prochaine, ce que nous déplorons.

Revenons, surtout, sur la question centrale de la publicité à la télévision et des recettes qu’elle génère.

M. Christian Kert a abordé le problème dans son rapport pour avis. Un peu à l’image du fameux Livre blanc de TF1, qui a tout déclenché en janvier2008, les chaînes privées ont tiré la sonnette d’alarme: elles remettent en cause la taxe sur leur chiffre d’affaires. Elles ont aussi attaqué la légalité de cette taxe devant les instances européennes. Or quelles ont été les évolutions des investissements publicitaires bruts pendant un an? En septembre dernier, nous constations une augmentation de 11,7 % pour TF1; de 13,1 % pour M6 et de 16,9 % pour Canal plus!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Faux!

M. Patrick Bloche. Comment, dès lors, ne pas conseiller à nos collègues de la majorité de donner du temps au temps, surtout si l’objectif qui nous rassemble est bien le financement pérenne de l’audiovisuel public? Par voie d’amendements, ils veulent pourtant nous faire voter un moratoire, à moins qu’ils n’optent pour une baisse du taux de cette taxe qu’ils souhaitent ramener à 0,5 %.

Finalement, que reste-t-il de la réforme votée au début de cette année, sinon le pouvoir que s’est arrogé le Président de la République de nommer et de révoquer, selon son bon vouloir, les trois présidents de la télévision et de la radio publiques?

M. Franck Riester. Caricature!

M. Patrick Bloche. Avec, en prime, la fragilisation financière durable de France Télévisions.

M. Franck Riester. C’est faux!

M. Patrick Bloche. En vérité, il s’agit une double dépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Soigneusement organisée, elle met à mal tant l’indépendance que le pluralisme des médias.

M. Franck Riester. C’est totalement faux!

M. Patrick Bloche. Pour conclure, je veux dire la vigilance du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche quant à la situation de l’Agence France Presse, sujet sur lequel Michel Françaix reviendra dans son intervention.

En effet, la récente grève des personnels de l’AFP a traduit leur inquiétude face au projet de réforme modifiant le statut de l’agence. Nous considérons qu’il faut que le débat public s’ouvre enfin pour que toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la pérennité de l’AFP, à son indépendance et au pluralisme de l’information qu’elle assure, puissent s’exprimer sur la réforme en cours,

À cet égard, nous sommes heureux que la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Mme Michèle Tabarot, ait accédé à la demande de notre groupe d’organiser très prochainement, en commission, des auditions sur l’avenir de l’AFP. Nous nous intéresserons d’abord à l’avenir de son modèle économique. Il faut, en effet, traiter de cette question avant d’aborder celle du statut de l’agence. Monsieur le ministre, nous vous avons entendu: vous le disiez vous-même: sur cette question aussi, il faut « donner du temps au temps ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits « Médias et avances à l’audiovisuel public » peuvent être étudiés sous l’angle de trois problèmes majeurs.

Il s’agit, tout d’abord, des conséquences de la création de l’AEF. La société nationale en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est actuellement dirigée par Christine Ockrent. Elle est composée de RFI, TV5 et France Monde.

Ensuite, se pose la question du changement de statut de l’Agence France Presse et du plan de licenciements dit « plan Louette ». « Nous refusons toute modification qui aurait pour effet soit de transformer l’AFP en agence gouvernementale, soit de la livrer en totalité ou en partie aux entreprises privées quelles qu’elles soient, et sous quelque forme que ce soit. Nous exigeons que l’agence conserve sa particularité, sa capacité à remplir sa mission d’intérêt général et son indépendance structurelle. Par conséquent, nous nous opposons à toute modification qui dénaturerait son statut, inscrit dans la loi de 1957. » Ces propos ne sont pas les miens, mais ceux de l’intersyndicale de l’agence.

Enfin, la discussion budgétaire nous oblige a nous interroger sur le bilan de cette première année de suppression de la publicité sur France Télévisions à partir de vingt heures, et sur l’ensemble des conséquences sociales et économiques que cela a pu entraîner pour le modèle économique que France Télévisions avait su mettre en place, même avec des imperfections.

En cette fin d’année 2009, le bilan de cette première année de transition vers un nouveau modèle économique démontre que la mécanique financière de la réforme n’a pas fonctionné. Ce modèle se fondait sur la suppression de la publicité après vingt heures et sur la compensation par l’État de 450 millions d’euros. Or le transfert des ressources du public vers le privé n’a pas eu lieu et la régie publicitaire de France Télévisions a fait mieux que résister à son asphyxie programmée.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Il y a donc eu moins de pertes, ce qui a nécessité une moindre compensation.

M. Maxime Gremetz. La prévision pour 2009 en matière de publicité en journée, fondée sur les projections du BIPE, était de 260 millions d’euros. En fait, à la fin de l’année, la régie aura dégagé plus de 100 millions d’euros supplémentaires par rapport à la prévision budgétaire. Dés qu’il a été prévenu de cette bonne performance, l’État actionnaire a réclamé sa part, chiffrée à 35 millions d’euros.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est, tout simplement, que les pertes de France Télévisions étaient inférieures à ce qui était prévu!

M. Maxime Gremetz. Il l’a techniquement soustraite aux 450 millions d’euros de compensation inscrits dans la loi de finances, qui ont donc été ramenés à 415 millions d’euros.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Auxquels il faut ajouter 75 millions de recettes publicitaires supplémentaires, ce qui donne donc un total supérieur à 450 millions d’euros!

M. Maxime Gremetz. Pourtant, les 360 millions d’euros de recettes publicitaires additionnés aux 450 millions de compensation, correspondent bien aux 810 millions de recettes publicitaires inscrits au budget pour 2008, avant l’annonce du 8 janvier 2008.

Mes chers collègues, avant toutes discussions ou avant le vote d’un budget déjà « scellé», et au-delà des réflexions que l’on peut faire sur les conséquences directes de la suppression de la publicité, il me semble que nous devrions poser la question du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour 2009-2012, et de sa validité. En effet, la surperformance publicitaire en 2009 ne permet-elle pas d’en revoir les grandes lignes?

Par ailleurs, monsieur le ministre, quid du plan de départs volontaires en retraite touchant neuf cents postes, dont seulement 25 % seraient remplacés? Est-il toujours d’actualité? La surperformance publicitaire ne pourrait-elle pas permettre de consolider les emplois dont France télévisions aura besoin pour assumer sa mutation vers le tout numérique et la nouvelle télévision de service public sur tous les supports?

Pour conclure, je veux évoquer un courrier que je viens de recevoir de la part de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Nous l’avons reçu, nous aussi!

M. Maxime Gremetz. Et vous l’avez lu?

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Bien entendu.

M. Maxime Gremetz. Le président de la CNIL, institution chargée, entre autres missions, de veiller au respect des libertés dans le monde numérique, nous informe qu’un amendement déposé à l’Assemblée réduirait l’augmentation de son budget. Elle devait s’élever à 728000 euros; elle serait ramenée à 420000 euros, soit une diminution de 308000 euros.

M. Franck Riester. Que de confusion!

M. Maxime Gremetz. Vous déposez cet amendement alors que les scandales se multiplient et que le travail de la CNIL est de plus en plus important!

M. Sébastien Huyghe. Monsieur Gremetz, pour l’instant, cet amendement n’est pas voté!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Cet amendement n’a pas encore été adopté!

M. Maxime Gremetz. Enfin, arrêtez de jouer les marioles! Vous me dites que l’amendement n’est pas voté alors que c’est votre groupe politique qui l’a déposé! Qu’est-ce que cela veut dire? On verra bien ce que fera le groupe UMP.

Mme la présidente. Monsieur Gremetz, vous êtes le seul à avoir la parole, et je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Maxime Gremetz. Je terminerai en parlant de RFI, scandale des scandales.

Un plan social prévoit la suppression de deux cent six postes de journalistes. Les personnels se battent depuis des mois: on n’a jamais vu cela en France. Ils engagent une procédure judiciaire et ils obtiennent une victoire: le tribunal déboute la direction. Peut-être n’êtes-vous pas au courant? En tout cas, je suis allé faire la fête avec eux. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Le tribunal a jugé que la direction devait présenter son contrat d’objectifs et de moyens, mais, à ce jour, elle refuse de le faire. Elle se moque des décisions des tribunaux! Monsieur le ministre, il vous appartient de réagir.

Pour ma part, je soutiens la proposition du médiateur. Cette situation dure depuis des mois et des mois, ce qui représente autant de pertes pour la radio, de manque d’audience et de crédibilité. Il faut maintenant faire respecter la décision du tribunal. À partir du contrat d’objectifs et de moyens, les organisations syndicales pourront discuter sérieusement en disposant d’un minimum d’information, ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui. Monsieur le ministre, quelle procédure comptez-vous mettre en œuvre pour obliger la direction de l’AFP à produire ce document? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Françaix.

M. Michel Françaix. Monsieur le ministre, si nous faisions, ensemble, un plaidoyer pour l’écrit; si, l’espace d’un instant, nous oubliions la mise en scène et que nous nous occupions de la mise en perspective; si, pendant un moment, nous nous arrêtions de pleurer sur TF1 qui va racheter TMC et NT1 et qui, à elle seule, drainera alors, situation absolument exceptionnelle, 75 % de la publicité; si nous oublions, M6 qui, grâce à sa diversification, nous annonce déjà des résultats positifs, ce dont nous nous félicitons: si nous revenions à des problèmes comme ceux de la presse?

Première question, monsieur le ministre: y a-t-il une presse ou des presses? La presse spécialisée se porte bien, la presse médicale également, de nombreuses formes de presse féminine, si elles ont un peu fléchi ces derniers temps, se portent plutôt bien. En revanche, la presse d’opinion rencontre un réel problème.

Mme Claude Greff. Exactement!

M. Michel Françaix. Seconde question: n’est-il pas temps de différencier nos aides,…

M. Marcel Rogemont. Grand temps!

M. Michel Françaix. …pour donner plus à la presse d’opinion et peut-être un peu moins à la presse spécialisée? Ma revue de tennis mensuelle, que je lis pour constater que mon classement ne cesse de baisser,…

Mme Claude Greff. C’est le déclin!

M. Michel Françaix. …je dois pouvoir, en tant que consommateur, la payer au juste prix. Quant à mon journal quotidien, il faut en revanche l’aider pour que le prix en soit abordable.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Que ne l’avez-vous fait?

M. Michel Françaix. Je pourrais parler aussi des éditeurs en ligne et de la TVA à 19,6 % au lieu de 2,1 %; cela a été fait. Mais le Gouvernement a choisi de diminuer la TVA pour les restaurateurs,…

M. Marcel Rogemont. Pour un coût de 3 milliards d’euros!

M. Michel Françaix. …et l’on ne peut pas tout faire la même année.

La presse d’opinion perd des lecteurs, mais cela dure en vérité depuis les années cinquante. Elle souffre aujourd’hui de l’apparition de phénomènes nouveaux: la concurrence des gratuits – n’oublions pas, toutefois, que ce sont très souvent les journaux eux-mêmes qui ont créé des gratuits – et des nouveaux médias. Elle souffre des surconcentrations. Elle souffre des contenus, parce qu’il y a eu peu d’évolution. Elle souffre d’une certaine forme de crédibilité des informations dues à l’immédiateté. Elle souffre, monsieur le ministre, des statuts de journalistes de plus en plus précaires et au rabais.

La presse est très aidée, mais sans résultat. Alors que c’est dans notre pays que la presse est le plus aidée, le nombre de lecteurs rapporté au nombre d’habitants y est le plus faible. En outre, quelle opacité dans ces aides!

Plus on aide tout le monde, moins on aide. J’insiste donc: il faut non des aides à la presse mais des aides au lecteur citoyen, et les aides au lecteur citoyen, ce ne sont pas des aides au lecteur consommateur. Sinon, la presse sera maintenue sous respiration artificielle à coups de subventions.

Certes, monsieur le rapporteur, il y a bien une augmentation des aides.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Elle est incontestable et n’a jamais été aussi forte!

M. Michel Françaix. Ces aides vont aux coopératives, aux NMPP, aux coûts d’impression, au portage, aux kiosques, aux marchands de journaux même. Tout cela, il fallait le faire. J’ai même envie de dire: ce gouvernement étant en place depuis sept ans, que ne l’a-t-il fait plus tôt!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Réjouissez-vous plutôt que cela soit fait!

M. Michel Françaix. C’est justement ce que j’étais en train de dire. En ajoutant que lorsque l’on a fait cela, on n’a pas fait l’essentiel, car on n’a pas traité les points qui vont faire la différence. Il ne faut pas s’arrêter, comme c’est l’habitude de ce gouvernement, à des aides aux entreprises, en oubliant d’aider le lecteur, les journalistes et tout ce qui est lié au pluralisme.

M. Marcel Rogemont. Très bien!

M. Michel Françaix. Je ne dirai rien de la situation de la presse française à l’étranger, qui n’a jamais été aussi catastrophique. On ne peut plus trouver un journal français à l’étranger. Comme tout contrôle fait en outre absolument défaut, plus vous donnez de l’argent, plus cet argent ne sert à rien.

J’en viens aux aides au pluralisme, et en particulier au phénomène des concentrations. J’espère, monsieur le ministre, que cela ne vous chagrine pas de voir que la PQR a un journal qui s’appelle le Crédit Mutuel, qui est à présent à lui seul le journal de tout l’Est de la France; c’est d’ailleurs le premier marchand de journaux. De même, je sais, que vous êtes un peu contrarié, même si vous ne le direz pas, de constater que Lagardère, Bolloré, Dassault, qui n’ont pas vocation à être des patrons de presse, représentent aujourd’hui l’ensemble de la concentration. Or c’est non seulement le pluralisme politique qui est nécessaire mais davantage encore le pluralisme culturel, une offre de la représentation sociale.

Certaines choses se passent bien. La première, c’est le code de déontologie des journalistes, dont un projet a été présenté par Bruno Frappat, personne de qualité. Nous sommes dans un ménage à trois: journalistes, éditeurs et citoyens. Ce document présenté par M. Frappat n’est pas un aboutissement; il faut le considérer comme une avancée qui doit déboucher, dans chaque publication, dans chaque groupe de médias, sur des chartes rédactionnelles, sur une équipe rédactionnelle – reconnaissance juridique –, sur une information relative à la composition du capital.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Je viens de le dire!

M. Michel Françaix. La boucle est bouclée. Vous nous direz, tout à l’heure, que la presse n’est pas une entreprise comme les autres – car vous ne manquerez pas de rappeler, en effet, que si c’est une entreprise qui doit tenir la route économiquement, il ne faut pas qu’elle devienne une entreprise comme les autres, pour toutes les raisons que nous savons –, et je vous répondrai: quand d’autres vous signaleront qu’il s’agit d’un bien matériel et immatériel, cela justifie-t-il les aides? Un journal qui a une équipe rédactionnelle, a fait l’effort de se doter d’une charte rédactionnelle, se met donc bien, ainsi, dans la situation de ne pas être une entreprise comme les autres, eh bien, parce que ce journal n’est pas une entreprise comme les autres et s’adresse aux citoyens, il doit être aidé. Quant aux journaux qui décident de ne pas s’occuper de ces questions, je ne leur en veux pas: ce sont des entreprises comme les autres et nous pourrions peut-être faire des économies pour aider davantage les premiers.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Cela peut se discuter.

M. Michel Françaix. La presse écrite possède deux trésors: d’une part, ses archives, son passé, son histoire, sa mémoire collective et, d’autre part, ses journalistes, qui sont formés, ou l’ont été, à analyser, sélectionner, mettre en perspective,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Pourquoi parlez-vous au passé?

M. Michel Françaix. …ce qui conférait une valeur ajoutée à l’information. Mais le temps passant, nous nous rendons compte que nous sommes maintenant en présence d’un média global, qui est de plus en plus rarement une œuvre collective. Nous nous rendons compte que les pigistes sont davantage précarisés, que la loi « Création et internet » a modifié les statuts. Tout cela doit être l’occasion d’une réflexion globale. De la même façon que l’instituteur doit être reconnu, il faut que le journaliste le soit; d’ailleurs, si l’homme politique l’était aussi, ce ne serait pas forcément idiot.

Je souhaite également dire un mot de l’AFP. Ah, l’AFP! Extraordinaire! Anomalie juridique et financière, censée fonctionner selon des règles de droit, et qui est aujourd’hui sans capital, sans actionnaire, administrée par ses clients et les abonnements de l’État, représentant 40 % de son budget, eh bien, cette anomalie, ça marche! Ce qui signifie qu’avant de se poser la question: « Comment réformer l’AFP? », encore faut-il connaître exactement – je n’ignore pas que vous le savez, monsieur le ministre, et je me félicite que vous affirmiez vouloir donner du temps au temps – le fonctionnement de cette mécanique tout à fait spéciale, savoir que l’AFP est, avec Associated Press et Reuters, la seule agence globale, qu’elle fait honneur à la France et à son indépendance.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Exactement!

M. Michel Françaix. Le rapporteur est d’accord avec moi.

S’il faut peut-être faire évoluer son statut,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Ne pas bouger, c’est la condamner!

M. Michel Françaix. …nous ne pouvons accepter d’en faire, comme le voudrait le porte-parole de l’UMP, dont nous tairons le nom, une simple boîte à communiqués, surtout lorsque ce sont les siens.

Monsieur le ministre, vous voyez qu’il nous reste du pain sur la planche. La presse se trouve dans une période critique.

Je n’ai pas eu le temps de parler de l’essentiel,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est un choix!

M. Michel Françaix. …de l’annonce par le Président de la République d’aides extraordinaires pour la jeunesse. Il a en effet annoncé qu’il donnerait un journal tous les jours aux jeunes de toute une génération, ce qui aurait nécessité 2 millions. C’est devenu un numéro par semaine pour 200000.

Si nous ne redonnons pas l’envie de l’écrit à cette génération, à ces jeunes qui ne demandent que cela, croyez-le bien, si nous ne savons pas faire en sorte qu’ils aient près d’eux ce journal, en dépit de tout l’argent supplémentaire que vous avez prévu cette année, nous serons obligés de dire encore l’an prochain qu’il a été mal utilisé, qu’il n’a pas été mis où il fallait, parce qu’il y a encore moins de journaux, plus de concentrations, moins de journalistes ayant envie de faire ce métier et donc, à la fin des fins, un peu moins de démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Allez-vous voter contre ces moyens?

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre de la culture et de la communication, mes chers collègues, un an après le débat sur la réforme de l’audiovisuel public, nous nous retrouvons pour faire le bilan de cette contre-réforme souhaitée par le Président de la République.

L’adoption de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a conduit à des réformes d’importance: d’une part, la constitution de l’entreprise unique avec la nomination et la révocation de son PDG par le Président de la République,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Par codécision!

M. Noël Mamère. …d’autre part, la suppression progressive de la publicité sur les antennes de France Télévisions à partir de vingt heures.

La loi, particulièrement mal ficelée, votée au pas de charge dans des conditions surréalistes (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC)

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Au pas de charge? Nous avons eu quatre-vingt-cinq heures de débat!

M. Marcel Rogemont. Et alors?

M. Noël Mamère. Dois-je vous rappeler, messieurs, que nous avons obligé les sénateurs à se prononcer sur une disposition qui avait déjà été adoptée par le Gouvernement et le Président de la République, s’agissant de la suppression de la publicité? Nous n’avons jamais vu cela dans l’histoire de la République, en tout cas dans celle de la Cinquième.

M. Marcel Rogemont. Il a raison!

M. Noël Mamère. Nous donnons acte au Gouvernement qu’il tient cette année une partie de ses engagements quant à la pérennité du financement du service public, mais la situation est beaucoup plus complexe que l’autosatisfaction du ministre ne le laisse paraître.

Dans la discussion budgétaire, l’État s’était engagé à allouer en 2009, à titre de compensation, 450 millions d’euros, mais la somme n’a toujours pas été versée. En réalité, l’État a prélevé 35 millions d’euros, littéralement chapardés à France Télévisions, sur ses excédents de publicité, alors que l’entreprise accuse un déficit de 137 millions d’euros, qu’il lui faut conduire une négociation sociale difficile et que des besoins se font sentir en matière de développement, notamment dans le multimédia. Comme la suppression de la publicité est insuffisamment dédommagée, France Télévisions est contrainte de trouver en interne de quoi compenser ce déficit.

Par ailleurs, elle doit autofinancer tous ses développements, dont le global media , la TNT outre-mer, le financement de la création, dont elle devient de plus en plus l’unique pourvoyeuse, et assumer ses missions de service public en région et en outre-mer. C’est cette logique comptable qui justifie le plan de départs volontaires en retraite et le principe de non-comblement des postes.

Je vous demande, monsieur le ministre, de rassurer la représentation nationale sur ce point précis: il ne doit plus y avoir sous votre tutelle de prélèvement supplémentaire, et les surplus publicitaires éventuels doivent aller à France Télévisions. Dans un paysage extrêmement concurrentiel et en mutation, construire la télévision et la radio publiques du futur, c’est avant tout en assurer la viabilité économique.

La taxe sur la publicité des chaînes privées ne rapporte pas grand-chose cette année puisque ces chaînes sont très loin d’avoir atteint leurs objectifs publicitaires en raison de la crise. L’important reste donc l’engagement de l’État sur un niveau de compensation, y compris après 2012. Or tant que la pérennisation du service public de radio-télévision n’est pas inscrite dans la Constitution, aucune garantie de financement autre que l’engagement de l’État n’existe.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Quelle meilleure garantie que l’engagement de l’État?

M. Noël Mamère. Comprenez que nous soyons légitimement inquiets, compte tenu des multiples revirements qui jalonnent l’histoire du financement public de l’audiovisuel public. C’est pour cette raison que nous vous faisons deux propositions.

Nous souhaitons, d’une part, une globalisation et un panachage des ressources: redevance, dotation publique, publicité, parrainage, mécénat, partenariats régionaux.

D’autre part, nous proposons que le CSA procède chaque année à un audit public du financement du service public de radio-télévision en utilisant ses services pour donner aux parlementaires des moyens fiables de juger de la pérennité de ce financement.

Quand on la replace dans un contexte général incluant la situation et les projets des chaînes privées, il apparaît que la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public n’a pas initialement pour objet la refondation du service public. Elle n’est que l’une des pièces dans un dispositif qui menace le secteur public d’asphyxie.

De fait, trois questions liées sont en effet posées, sur le financement, le périmètre et les programmes.

Face à des groupes privés dotés de ressources supplémentaires, notamment par la déréglementation des seuils de concentration, et de l’accès à la publicité, le secteur public restera sous-financé et mal financé.

Le budget global de la télévision publique devrait être porté à 5 milliards pour atteindre le niveau du financement de la télévision publique en Grande-Bretagne, et à 7,125 milliards pour atteindre celui de la télévision publique en Allemagne.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . La télévision publique n’a jamais été aussi solidement financée!

M. Noël Mamère. Un financement qui reposerait prioritairement sur une taxation des seuls investissements publicitaires des chaînes privées rendrait le secteur public dépendant des profits de ses concurrents privés et du principal d’entre eux, TF1. De fait, seule une taxation à hauteur de 5 % de l’ensemble du marché publicitaire, couplée à une augmentation progressive de la redevance, rendue proportionnelle aux revenus et progressive, pourrait assurer un financement moins dépendant.

Je ne voudrais pas terminer mon intervention sans faire état de notre inquiétude au sujet de RFI, de l’INA et de RFO. En effet, c’est dans ces secteurs les moins visibles qu’en ce moment, on se paie sur la bête, alors que ce n’est pas aux salariés de financer la sous-compensation du financement de l’audiovisuel. À RFI, la rédaction se bat avec acharnement depuis des mois pour lutter contre la reprise en main politique et les suppressions de postes et de programmes. À RFO, les rédactions refusent d’être le prolongement du service de presse du ministère; les personnels attendent de la direction de France Télévisions qu’elle préserve la liberté de la presse dans les stations. Nous dénonçons régulièrement les dérives constatées et soutenons les journalistes et tous les personnels dans leur légitime refus des pressions politiques. Parce que le compte n’y est pas, avec l’ensemble du groupe GDR, nous ne voterons pas ce budget qui entérine à la fois la domination de la télévision privée sur le service public et la mainmise du Président de la République sur les médias publics.

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux profiter des quelques instants qui me sont donnés pour revisiter la loi de mars2009, au moins sur deux de ses aspects – la publicité et le mode de désignation – et pour aborder plusieurs questions, portant notamment sur le passage au numérique, sur les télévisions thématiques et sur la presse.

La suppression de la publicité, prévue par la loi sur l’audiovisuel public de mars2009, devait être une surprise pour les téléspectateurs. Ce fut peut-être une surprise, mais surtout pour les décideurs, car les téléspectateurs, qui ne devaient plus avoir de publicité après vingt heures, en ont toujours! Certes, elle a revêtu une forme plus douce, celle des parrainages, présents en grand nombre, et des appellations génériques qui, désormais, foisonnent – le brie de Meaux et le homard breton convolent en justes noces sur nos écrans!

M. Christian Kert, rapporteur pour avis. Le homard breton, c’est la saison!

M. Noël Mamère. Le brie en pince pour le homard! (Sourires.)

M. Marcel Rogemont. Comment expliquer les 105 millions d’euros supplémentaires générés par la publicité sur France Télévisions? Soit il s’agissait d’une erreur d’appréciation et le Gouvernement devait récupérer cette somme; soit il s’agissait d’un effort réalisé par France Télévisions, auquel cas, pourquoi récupérer une partie de ce supplément? Sur ce point, l’incohérence de la position du Gouvernement est patente. Pourquoi passer de 450 millions d’euros à 415 millions d’euros lorsque France Télévisions présente un déficit de 137 millions d’euros pour 2009?

Votre prédécesseur, monsieur le ministre, affirmait que les 450 millions d’euros étaient inscrits dans le marbre. Il semble que le marbre soit devenu une roche bien friable, ou que le sculpteur ait mal fait son travail.

M. Noël Mamère. Eh oui!

M. Marcel Rogemont. Dès lors, une question se pose: les 458 millions d’euros prévus pour 2010 sont-ils également susceptibles de faire l’objet d’une rectification en cours d’année? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre?

Je m’interroge également sur la croissance sensible de la redevance, qui passe de 2,982 milliards d’euros à 3,122 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 140 millions d’euros. Puisque tel est le cas, pourquoi les crédits budgétaires passent-ils de 706 millions d’euros à 657 millions d’euros, soit 49 millions d’euros de moins?

M. Franck Riester. Vous avez du mal avec les chiffres, monsieur Rogemont!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est le total des moyens, en forte augmentation, qu’il faut prendre en compte!

M. Marcel Rogemont. Ce serait d’autant plus étonnant si la baisse de la taxe sur la publicité des télévisions privées, programmée par certains, devait avoir pour effet d’accroître le montant de la redevance. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi les crédits budgétaires viennent ainsi rogner la croissance de la redevance? Le fait que cette dernière soit indexée sur l’inflation doit-il servir de prétexte à une réduction des crédits budgétaires et de la taxe sur la publicité des télévisions privées?

Nous entendons dire depuis plusieurs mois que, grâce à la loi, la suppression de la publicité a constitué une garantie anticrise.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Exactement!

M. Marcel Rogemont. Il est à noter, toutefois, que cet argument n’est apparu qu’après le dépôt du projet de loi et qu’il ne pouvait donc s’agir de l’un des objectifs poursuivis par cette loi.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Nous n’avons pas arrêté de le dire ici même!

M. Marcel Rogemont. Par ailleurs, je me souviens que notre rapporteur spécial Christian Kert expliquait en commission que s’il n’y avait pas eu la loi, c’est l’État qui aurait compensé, de sa poche, le manque à gagner résultant de la diminution des recettes publicitaires.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Mais alors, de quoi vous plaignez-vous?

M. Marcel Rogemont. Ce que je veux dire, c’est que vous employez des arguments totalement fallacieux.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . France Télévisions dispose désormais d’une grande visibilité, ce qui est très important pour l’avenir!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. On ne comprend rien à votre raisonnement, monsieur Rogemont! C’est vraiment de la critique pour la critique!

M. Marcel Rogemont. Aujourd’hui, cette dépendance financière vis-à-vis de l’État a tendance à devenir une dépendance de nature politique. J’en veux pour preuve les désignations. Il convient de s’interroger sur l’autonomie d’une instance de régulation de l’audiovisuel dont le rôle devrait être de protéger la liberté de communication des pressions liées aux intérêts économiques et politiques. La réforme favorise-t-elle l’indépendance de cette instance? J’en doute fortement.

Franchement, croyez-vous que quiconque puisse s’opposer à la décision du Président de la République, qui est également multi-ministre et toujours président de l’UMP? Il n’est qu’à voir ce qui s’est passé pour Radio France: le Président convoque M. Hees, lui dit qu’il sera PDG de Radio France et, aux dires de M. Hees – ce n’est pas lui que je mets en cause, mais le dispositif –, ne lui donne aucune indication quant aux orientations à prendre. Curieux, tout de même: comment le Président de la République, qui se dit l’actionnaire de l’audiovisuel public et entend user de tous ses pouvoirs d’actionnaire, peut-il nommer, sans lui confier aucun projet à mener à bien, une personne qui n’a elle-même aucun projet à proposer? Ce n’est plus la question de la nomination qui est en cause, mais celle de la révocation, car, dans de telles conditions, le seul projet consiste à plaire au Président de la République.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est de la codécision! Il y a trois niveaux de décision! Vous n’avez donc rien appris depuis l’année dernière?

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis. Il nous refait le débat! Les 85 heures de discussion qui ont eu lieu n’auront donc pas suffi!

M. Marcel Rogemont. Au bout du compte, l’audiovisuel public est traversé par des crises importantes, l’État changeant en permanence de stratégie vis-à-vis de l’audiovisuel public, comme l’a rappelé la Cour des comptes. Cela ne peut évidemment conforter une entreprise, fût-elle unique, de l’audiovisuel public – je veux parler de France Télévisions. Aujourd’hui, cette entreprise est fragilisée par son mode de financement et de gouvernement.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est faux! Elle n’a jamais été aussi solide!

M. Marcel Rogemont. Dans la gouvernance qui est la sienne, le conseil d’administration ne sert à rien. C’est à vous, monsieur le ministre, qu’il appartient de donner des instructions à France Télévisions.

J’aimerais également connaître votre position sur l’idée selon laquelle les obligations de production, exprimées en pourcentage de chiffre d’affaires, devraient l’être en volume horaire. Cette idée vient-elle de chez vous, est-elle toujours d’actualité, et avez-vous des observations à formuler à son sujet?

Sur le passage au numérique, je veux saluer le Sénat, qui, le 20 avril 2009, a supprimé le financement par la redevance du GIP France Télé Numérique. Le groupe socialiste avait déposé des amendements en ce sens, et nous remercions donc le Sénat pour sa décision – excusez-moi de ne pas remercier les députés de la majorité actuelle!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . À l’Assemblée également, un rapport l’avait demandé!

M. Marcel Rogemont. La redevance devait fortement contribuer au financement du passage au numérique, puisque 15 millions d’euros étaient prévus en 2009, 72 millions d’euros en 2010 et 131 millions d’euros en 2011.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Ne vous inquiétez pas, c’est réglé!

M. Marcel Rogemont. Si je trouve que c’est une bonne décision, j’aimerais cependant savoir comment vous compensez les 72 millions d’euros, alors que 40 millions d’euros seulement sont prévus dans la mission « Médias ».

Le Premier ministre a annoncé qu’il serait fait appel aux chaînes privées – ce qui ne paraît pas vraiment compatible avec l’idée de baisser la taxe sur la publicité – ou aux collectivités territoriales – au moment où il est plutôt question d’éviter les financements croisés. J’aimerais connaître votre position sur ce point, monsieur le ministre.

Je veux maintenant évoquer Arte…

M. François Rochebloine. Excellente chaîne!

M. Marcel Rogemont. …dont le coût de diffusion en numérique sera de 9,2 millions d’euros, au lieu des 2,5 millions d’euros prévus par le COM. Même les 3 millions d’euros que vous ajoutez laissent 4 millions d’euros à la charge d’Arte.

En ce qui concerne les télévisions locales, chacun s’accorde à constater qu’elles reposent sur un modèle économique fragile.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est malheureux, mais nous le savons depuis longtemps!

M. Marcel Rogemont. Alors que les télévisions privées classiques financent chacune un canal pour l’ensemble du territoire, les télévisions locales ne couvrent, par définition, qu’une fraction du territoire, ce qui entraîne pour elles un coût de diffusion plus élevé. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de mettre en œuvre des dispositions visant à répondre à cette question?

Les télévisions thématiques deviennent de plus en plus généralistes. Entendez-vous demander au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’enjoindre à W9, NRJ12 ou Direct 8 de remplir leur mission?

Sur la presse, je veux vous poser deux questions. Premièrement, comme Michel Françaix, je me demande s’il y a une presse ou des presses, et, dans cette dernière hypothèse, j’estime qu’il faut aider la presse citoyenne, celle qui aide le citoyen à forger son opinion, par opposition à la presse de loisir. Deuxièmement, le Président de la République avait demandé à ce que paraisse, deux fois par semaine et durant deux ans, un journal destiné à l’ensemble des jeunes.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Votre proposition consiste en une publication destinée à 200000 jeunes et paraissant une fois par semaine. Quand allez-vous mettre en place ce que souhaite le Président de la République?

M. Michel Françaix et M. Patrick Bloche. Très bien!

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je veux tout d’abord remercier les rapporteurs et les orateurs de leurs interventions et de leurs questions, mais aussi du travail qu’ils ont accompli, et, plus généralement, de l’intérêt et de l’attention qu’ils portent au budget de mon ministère, et plus encore à ce grand enjeu que devient chaque jour davantage pour nous tous, en particulier à l’ère numérique: la communication.

Je tenais donc tout d’abord à vous exprimer mes remerciements et aussi à vous dire ma satisfaction. Ce sentiment repose, vous l’aurez compris, sur la qualité remarquable du budget du ministère de la culture et de la communication…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Un budget sans précédent!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …que j’ai l’honneur de présenter à la représentation nationale. Je pense en particulier aux crédits que mon ministère consacrera cette année aux médias, aussi bien à la presse, qui bénéficie d’un soutien exceptionnel, qu’à l’audiovisuel, autre priorité affichée et évidente de l’État.

Ma satisfaction s’enracine aussi dans le fait que, vous le savez, la révision générale des politiques publiques a abouti enfin, parmi d’autres opérations de modernisation, à ramener au bercail, si je puis dire, rue de Valois, la direction chargée de la communication, avec la création d’une nouvelle direction générale des médias et des industries culturelles.

C’est le signe que l’union naturelle, inscrite dans les mœurs politiques depuis trente ans – depuis Jean-Philippe Lecat en 1978 – entre la culture et la communication, est enfin scellée dans notre organisation administrative. C’est le signe aussi que ce qui était déjà une évidence est reconnu comme une nécessité au moment où la révolution numérique bouleverse et intensifie encore le lien entre ces deux activités clefs de mon ministère.

C’est un signe enfin de l’intérêt que l’État porte aux enjeux de la communication, et de la constance avec laquelle il soutient ce secteur en suivant des procédures avérées, c’est-à-dire des procédures respectueuses de l’indépendance de l’expression publique.

C’est le sens, par exemple, de la réforme de la publicité à la télévision publique, qui permet de soustraire les chaînes aux aléas des marchés publicitaires en période de crise économique, afin de pouvoir pleinement répondre à leur triptyque fondateur: informer, cultiver, distraire. Bien des programmes, à la fois culturels et populaires, Mireille ou Apocalypse , ont confirmé la pertinence de cette démarche.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Tout à fait!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Voilà donc les quelques mots plus généreux, pardon, plus généraux (Sourires) que je voulais vous dire avant d’aborder les réponses à vos questions…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . L’un n’exclut pas l’autre!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Les mots peuvent en effet également être généreux!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …– « généreux » aussi, si vous voulez –, en repensant à cette formule de Malraux que je me permets de paraphraser: « La communication ne s’hérite pas, elle se conquiert. »

Si vous le permettez, je commencerai par les crédits accordés à la presse.

Vous le savez, la presse écrite contribue de manière essentielle à l’information des citoyens, à la diffusion et, en un sens, à l’existence même des courants de pensées et d’opinions.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est fondamental!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . La vitalité de la presse et la perspective d’un avenir assuré constituent un enjeu essentiel de notre vie démocratique.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial, et M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Tout à fait!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . C’est la raison pour laquelle l’État s’attache, de longue date, à garantir la liberté de la presse, à soutenir le développement de sa diffusion, à conforter les conditions de son pluralisme et de son indépendance, et à favoriser sa modernisation.

Avec un budget total de 419,3 millions d’euros, le présent projet de loi de finances permet la mise en œuvre des mesures exceptionnelles de soutien décidées à l’issue des états généraux de la presse écrite. L’État témoigne ainsi de sa détermination à accompagner dans ses mutations un secteur qui est, avec cette Assemblée, l’un des grands creusets du débat démocratique.

J’en veux pour preuve les propos d’une lectrice du Petit Bleu d’Agen, Mme Michelle Laurissergues, ancienne directrice du centre départemental de documentation pédagogique et « maman » du salon du livre et de la jeunesse d’Agen: « Quand j’étais enfant, nous avions tous les jours Le Petit Bleu à la maison. Mon père le lisait après le café du midi et ma mère, le soir, très consciencieusement, au coin de la cuisinière bleue. Il me semble m’en souvenir. Ma mère était allemande et a appris à lire en français avec Le Petit Bleu  ; elle le parlait parfaitement grâce à cette lecture. Le Petit Bleu a toujours représenté la proximité. Bien que je m’intéresse de très près aux nouvelles technologies de l’information, je crois aussi en ce besoin de lecture papier. » Je souhaitais vous citer cette phrase, prononcée à l’occasion de l’anniversaire du Petit Bleu , tant elle me semble éclairante dans la présente discussion.

L’ambition du Gouvernement se décline ainsi en deux objectifs précis: d’abord accompagner résolument le secteur dans sa modernisation et le renouvellement de son modèle économique face à la révolution numérique; ensuite, soutenir le développement de la diffusion de la presse et conforter les conditions de son pluralisme et de son indépendance.

Il s’agit dans un premier temps pour l’État d’accompagner les efforts de modernisation du secteur et d’apporter son soutien aux initiatives structurantes et innovantes, en assurant, sur le long terme, les conditions du développement de la presse écrite sous toutes ses formes, payante et gratuite, imprimée et numérique, et de conforter sa situation économique: le meilleur garant de son indépendance.

Les crédits dédiés à la presse écrite iront prioritairement appuyer les efforts engagés par le secteur pour moderniser ses structures et ses modes de fonctionnement, dans le cadre d’une démarche de contractualisation. Ainsi, l’aide au développement des services de presse en ligne, rénovée à l’issue des états généraux de la presse, s’élèvera à 20,2 millions d’euros. Cet encouragement à l’innovation numérique sera renforcé par la prochaine extension du régime de provision fiscale pour investissement, prévu à l’article 39  bis -A du code général des impôts, auquel seront bientôt éligibles les éditeurs de presse en ligne reconnus par la commission paritaire des publications de presse.

Et, pour affirmer le principe de neutralité technologique entre supports numérique et imprimé, notons que le régime en faveur du mécénat de presse, récemment étendu par un rescrit du ministre du budget, s’appliquera également aux éditeurs de presse en ligne.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Très bien!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Dans tous ces domaines, le projet de loi de finances confirme un réel tournant de l’aide de l’État en faveur de la presse numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial et M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Tout à fait!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Qu’il s’agisse de modernisation industrielle ou d’aide à l’innovation numérique, les dispositifs renforcés en 2010 constituent une opportunité exceptionnelle pour l’émergence d’une véritable politique de recherche et de développement au bénéfice de toute la profession.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Il est temps d’imaginer!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Le ministère de la culture et de la communication encourage à cet égard l’initiative de plusieurs éditeurs qui se sont réunis sous l’impulsion du ministère afin de créer un centre européen pour la recherche et l’innovation dans les nouveaux médias, baptisé Médias 21.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Il s’agit d’une très bonne initiative!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . J’espère que ce projet collectif pourra voir le jour dans les prochains mois afin d’accompagner efficacement la mutation des techniques et des usages de la presse, comme vous le souhaitez, Patrice Martin-Lalande. La création de ce « médialab » européen est un message d’avenir qui prouve que, malgré son extrême dureté et aussi contraignante soit-elle, la situation de crise que la presse connaît actuellement, est aussi porteuse de nouvelles opportunités.

Ce renouveau passera nécessairement par un effort encore plus soutenu vers le public, et en premier lieu les jeunes lecteurs. C’est pourquoi les crédits de l’aide au lectorat des jeunes seront mobilisés à hauteur de 8 millions d’euros. Comme le mentionne très justement Michel Herbillon, nous devons redoubler d’efforts et renforcer les dispositifs mis en place depuis 2005.

Je vous confirme la création d’un groupe de travail interministériel – regroupant des représentants du ministère de l’éducation nationale et du ministère de la culture et de la communication –, chargé de mettre en place plusieurs des mesures préconisées par les états généraux de la presse écrite en faveur de l’éducation aux médias. Le succès de l’opération « Mon journal offert », qui réunit soixante quotidiens nationaux, régionaux et départementaux, est un signe d’encouragement pour ce nouveau groupe de travail. Plus de 180000 demandes d’abonnements ont en effet été enregistrées depuis son lancement le 27 octobre. Ce succès permettra, je l’espère, de convaincre d’autres éditeurs de presse de rejoindre le mouvement l’an prochain.

La dotation prévue pour les abonnements de l’État à l’Agence France-presse s’élèvera à 113,4 millions d’euros, soit une augmentation de 2 millions d’euros par rapport à 2009. L’évolution du statut de l’Agence a été mentionnée à plusieurs reprises. Comme toutes les entreprises de médias, elle fait face à une mutation profonde de son secteur d’activité, qui l’oblige à opérer un tournant stratégique important afin de conforter son statut d’agence d’information à vocation mondiale.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est une chance pour la France!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Le 31 mars 2009, le président de l’AFP a présenté un rapport sur la modernisation du statut et de la gouvernance de l’Agence. Depuis, des discussions se sont engagées entre l’AFP et les pouvoirs publics pour envisager les grandes orientations du futur statut, qui sera, en tout état de cause, dessiné en concertation avec l’Agence, mais aussi, bien sûr, avec les représentants du personnel. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de préserver l’avenir en dotant l’AFP des meilleurs atouts face à une concurrence de plus en plus menaçante. C’est le sens de la réflexion que nous conduisons actuellement.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Très bien!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Pour ce qui est du second objectif – la défense du pluralisme et le soutien à la diffusion –, le Gouvernement compte renforcer ses aides avec le souci de les calibrer de la manière la plus efficace et la plus pertinente.

M. Michel Françaix. Il serait temps!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Il s’agit d’une très bonne mesure!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Ainsi, un plan massif d’aide au développement du portage a été mis en place à partir de 2009, pour une durée de trois ans, afin de favoriser la diffusion de la presse d’information politique et générale.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Le portage sera beaucoup aidé!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . En effet, 70 millions d’euros seront de nouveau consacrés en 2010 à cette aide. En complément, un dispositif d’exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse a été adopté en 2009. Une enveloppe de 12 millions d’euros y sera consacrée en 2010. Ce soutien indirect au réseau de portage touche aussi la presse gratuite d’information politique et générale, qui a pu bénéficier d’avantages similaires à la presse payante. Vous le voyez, cher Patrice Martin-Lalande, l’État se préoccupe aussi de la situation de la presse gratuite, qui aura, je vous le rappelle, également accès au nouveau dispositif d’aide à l’innovation numérique.

Les autres aides à la diffusion sont confortées, notamment l’aide au transport postal de la presse, qui permettra d’honorer les engagements pris dans le cadre des accords du 23 juillet 2008 entre l’État, la presse et La Poste, qui prévoient pour 2010 une contribution de 242 millions d’euros, dont 83 millions sont inscrits au programme « Presse » et 159 millions au programme « Développement des entreprises et de l’emploi » de la mission « Économie » que nous souhaitons inscrire, comme Patrice Martin-Lalande, au sein d’un seul et même programme pour bénéficier, en effet, d’une meilleure lisibilité.

Dès la clôture des états généraux de la presse écrite, l’une de nos priorités a été de mettre en place un moratoire pour reporter temporairement la hausse des tarifs postaux prévue par les accords de juillet2008. La compensation du manque à gagner pour La Poste s’est traduite par l’inscription de 25,4 millions d’euros dans la loi de finances rectificative pour 2009 et 28 millions d’euros ont à nouveau été inscrits au projet de loi de finances pour 2010. Les effets de ce moratoire d’une année se traduiront par un surcoût durant les sept années couvertes par les accords, jusqu’en 2015, soit, au total, pas moins de 233 millions d’euros.

La question, dans ces conditions, d’une éventuelle prolongation du moratoire est extrêmement délicate. Si elle était retenue, elle se traduirait par un nouvel effort budgétaire substantiel de la part de l’État, qui devrait nécessairement en compenser le coût dans les comptes de La Poste. Et, au-delà, ce qui est en jeu, c’est la crédibilité des accords signés en 2008 ainsi que la cohérence des actions menées depuis la fin des états généraux de la presse écrite, je pense notamment au soutien massif à la distribution par portage.

En ce qui concerne, enfin, l’engagement de l’État en faveur du pluralisme, l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires, l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces et l’aide à la presse hebdomadaire régionale verront leurs dotations renforcées pour un total de près de 12 millions d’euros.

Les états généraux de la presse écrite ont été l’occasion d’un grand débat sur les conditions requises pour que les entreprises disposent de la taille critique qui leur permette de faire face aux grandes entreprises internationales. Ils ont conclu très clairement, pour répondre à la préoccupation légitime de Patrice Martin-Lalande, que les dispositifs anti-concentration actuels n’étaient pas un obstacle à leur développement.

L’État a mis en place, à l’issue des états généraux de la presse écrite, un plan de soutien véritablement historique. Ce plan exceptionnel n’est pas une incitation à l’assistanat, qui serait la pire des choses pour la presse, mais il vise à faciliter la nécessaire refondation du secteur. C’est une chance que les éditeurs doivent saisir.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . C’est une nécessité.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Mais il s’agit là d’une première étape. Il faut désormais entamer un « Acte II » des états généraux qui donne la priorité aux lecteurs,…

M. Michel Françaix. Ah, quand même!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …à la qualité de l’information, aux métiers et aux valeurs des journalistes, aux coûts de production de l’information,…

M. Michel Françaix. Enfin le vrai travail qui commence!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …comme les déboires du photojournalisme français nous le rappellent amèrement aujourd’hui, le photojournalisme dont j’ai pu mesurer la crise qu’il traverse lors de mon passage à Perpignan, et pour lequel je compte mobiliser toute l’attention de mon ministère.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Très bien!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Cette deuxième étape des états généraux, je souhaite la conduire dès maintenant autour de trois axes.

D’abord, dans le domaine du développement de la presse numérique, comme je l’ai souligné.

Ensuite, dans celui de la formation, par l’Engagement de développement de l’emploi et des compétences, l’EDEC, signé en juin dernier: 18 millions d’euros seront alloués, sur trois ans, à ce plan de financement de la formation. Le Gouvernement a demandé à M. Denis Jeambar et à M. René Silvestre de dessiner les contours d’une Conférence nationale des métiers du journalisme, destinée à faire évoluer concrètement le cadre de la formation professionnelle des journalistes. Cette conférence devra être organisée dans les meilleurs délais.

Enfin, dans le domaine de la défense des valeurs du journalisme, enjeu majeur sur lequel l’État a souhaité que la profession s’organise pour rédiger elle-même un code déontologique qui vient d’être rendu public par un groupe de sages indépendants animé par Bruno Frappat. Ce texte est désormais entre les mains des partenaires sociaux et je m’emploierai à ce qu’il puisse être reconnu et appliqué rapidement par toute la profession, éventuellement en l’annexant à la convention nationale des journalistes, comme l’avait suggéré le Président de la République en clôture des états généraux.

Le dénouement, ou en tout cas l’aboutissement souhaité de cet Acte II doit être, in fine , une aide aux lecteurs. C’est l’objet de la mission confiée à Aldo Cardoso, qui doit me remettre son rapport sur la bonne gouvernance des aides publiques au début de l’année 2010.

M. Marcel Rogemont. Et voilà! M. Françaix a été écouté!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Très bien!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Nous saurons ainsi si M. Françaix doit payer plus cher son mensuel sur le tennis. (Sourires.)

M. Michel Françaix. J’en serais tout à fait d’accord!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Malgré tous ces défis qu’il reste encore à relever, je crois pouvoir partager avec vous la conclusion que, dans ce projet de loi de finances, le soutien du Gouvernement à la presse est à la fois massif et ciblé, comme il ne l’a jamais été auparavant, et qu’il contribue à doter la presse française de tous les atouts qui lui permettront de consolider ses positions face à la concurrence des médias internationaux.

II me semble que la conclusion pourrait être la même pour l’audiovisuel. En effet, le budget 2010 de l’audiovisuel public et extérieur que j’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter est en augmentation de 91 millions d’euros, soit une hausse de 2,5 % par rapport au budget inscrit en loi de finances initiale 2009.

M. François Rochebloine. Exact!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Cette progression significative, rendue possible par l’indexation de la redevance sur l’inflation et son augmentation de deux euros décidée l’hiver dernier par le Parlement, lors du débat sur la loi relative à la communication audiovisuelle, permettra de mener à bien les réformes majeures engagées pour le secteur et de poursuivre notre politique de soutien actif à la création.

Première réforme d’importance : celle de l’audiovisuel extérieur. Cette réforme, engagée dès l’été 2007 à l’initiative du Président de la République, était indispensable. Vous le savez, l’ensemble des acteurs du secteur partageaient le constat que notre politique audiovisuelle extérieure souffrait depuis trop longtemps d’un manque de cohérence et d’efficacité de ses opérateurs.

Cette réforme est aujourd’hui bien avancée : la constitution du groupe de l’audiovisuel extérieur autour de la société holding Audiovisuel extérieur de la France est achevée.

En outre, la loi du 5 mars 2009, que je vous citais il y a quelques instants, a permis de tirer les conséquences de cette réforme, puisqu’elle réaffirme le rôle de pilotage stratégique et de coordination d’AEF, qui devient la société nationale de programme chargée de l’audiovisuel extérieur de la France. À ce titre, la négociation de son contrat d’objectifs et de moyens est en cours.

Dans ce cadre, la stratégie proposée par les dirigeants d’AEF consiste, dans un premier temps, à réaliser de forts investissements dans chacune des sociétés avant une phase de retour sur investissements, grâce à une meilleure coordination entre les sociétés et grâce au développement des ressources propres. La forte augmentation des ressources publiques inscrite au PLF pour la société AEF témoigne du soutien de l’État à la stratégie proposée par ses dirigeants : 315 millions d’euros à l’audiovisuel extérieur de la France en 2010, soit une dotation en hausse de 6 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale 2009.

Grâce à ces moyens renforcés, France 24, chaîne d’information née en 2006, va se déployer progressivement au niveau mondial et en plusieurs langues. TV5 Monde, chaîne à laquelle je suis également attaché, s’engage dans la deuxième année de mise en œuvre de son plan stratégique 2009-2012, avec l’ambition de conforter sa diffusion sur les cinq continents, où elle est une vitrine de la culture et des valeurs de la francophonie.

M. François Rochebloine. Très bien!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Quant à RFI, la relance de ses audiences est prioritaire, en développant notamment la diffusion FM, mais également la diffusion sur les nouveaux médias. Il conviendra également d’adapter la politique des langues aux évolutions géopolitiques du monde, en développant notamment les langues prioritaires pour le groupe. C’est le sens du plan global de modernisation actuellement en cours.

Quelques mots à ce sujet. Vos interventions l’ont rappelé, légitimement, et je le sais : la réforme en profondeur engagée par les dirigeants de RFI est douloureuse. Et c’est pourquoi j’ai à cœur que chaque salarié de RFI soit accompagné dans cette période difficile. Mais, et je crois qu’aujourd’hui tout le monde en convient, cette réforme est indispensable…

M. Patrick Bloche. Pas la suppression des emplois!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …à la survie de la société,…

M. Patrick Bloche. Pas avec 25 % d’effectifs en moins!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …qui traverse une crise existentielle profonde, et elle a été trop longtemps différée.

Cependant, je tiens à vous dire que, malgré les difficultés rencontrées, cette réforme avance. Le processus de consultation du comité d’entreprise est aujourd’hui achevé, et le 28 octobre dernier a été ouverte la période des départs volontaires, qui durera un mois et qui devrait permettre de limiter, voire d’éviter les licenciements par désignation.

M. Patrick Bloche. Personne n’y croit! Il n’y aura pas de départs volontaires!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . La relance de RFI doit désormais se mettre en œuvre dès le début de 2010. C’est une exigence que nous devons tous porter ensemble.

Enfin, concernant le pilotage politique de l’audiovisuel extérieur, j’ai compris qu’il s’agissait là d’un sujet qui fait l’objet de beaucoup d’interrogations. Patrice Martin-Lalande a appelé de ses vœux une « clarification » de ce pilotage. Je tiens à vous le redire : il est connu et déjà opérant.

D’un point de vue administratif, la direction du développement des médias est responsable de la tutelle de l’AEF. Pour cette mission spécifique, la DDM rapporte au cabinet du Premier ministre.

D’un point de vue politique, maintenant, il est tout aussi clair que c’est à ce niveau que le pilotage s’exerce. Les différents ministères concernés par l’audiovisuel extérieur, qu’il s’agisse des affaires étrangères et européennes, de l’économie, du budget, ou de la culture et de la communication, se retrouvent à Matignon en réunions interministérielles pour débattre et arbitrer les grandes orientations stratégiques de l’AEF.

Ce fonctionnement est très encadré. Il nous permet de ne pas reproduire les erreurs du passé en ressuscitant, par exemple, l’ancien Conseil audiovisuel extérieur de la France, qui aurait existé de 1989 à 1996, une structure, il faut bien en convenir,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Fantomatique!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …qui, semble-t-il, n’a pas complètement fait ses preuves.

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . C’est un euphémisme!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Aujourd’hui, ce qui doit nous guider, c’est l’efficacité, c’est le souci d’un pilotage réactif, adapté à cet outil qui faisait cruellement défaut et que la réforme a mis en place : la holding Audiovisuel extérieur de la France. L’efficacité; le souci d’un pilotage réactif.

Deuxième grande réforme qu’il s’agira de poursuivre : celle de la télévision publique. La suppression progressive de la publicité sur les services nationaux de France Télévisions, qui libère la télévision publique de la pression de l’audience commerciale, ainsi que la rénovation de son organisation en entreprise commune, donnent désormais au groupe les moyens de son ambition éditoriale, comme l’appelait de ses vœux M. le Président de la République.

L’État a doté France Télévisions d’un nouveau cahier des charges, qui fixe ses obligations de service public : la télévision publique, forte de ses valeurs, doit à présent développer une offre de programmation ambitieuse, en termes de culture, de connaissance et de création destinée à tous les publics, et notamment les jeunes.

Comme le prévoit la loi du 5 mars dernier, le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2009-2012 a été transmis pour avis aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des finances. Comme elles pourront le constater, le modèle économique de France Télévisions a été complètement revu et, bien sûr, le projet de loi de finances en tient compte.

Le PLF prévoit en effet, au total, 2550,1 millions d’euros en 2010 pour France Télévisions. À la dotation de 2092,2 millions d’euros issue de la contribution à l’audiovisuel public – l’ex-redevance –, en progression de 2,6 % conformément au COM 2007-2010, s’ajoute donc une dotation de 457,9 millions d’euros issue du budget général, en progression de 1,75 % par rapport à la loi de finances initiale 2009. Cette dernière dotation vise à apporter un complément de financement public à l’entreprise, du fait des pertes commerciales occasionnées par la suppression de la publicité en soirée.

Pour 2009, je tiens d’ailleurs à préciser que la dotation budgétaire initialement prévue a été revue en fonction des ressources propres dégagées par France Télévisions. Le 15 octobre dernier, l’État a donc versé 415 millions d’euros au service public.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Il en manque 35.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Cet ajustement, et non le chapardage, de la subvention budgétaire en fonction des recettes publicitaires est d’ailleurs bien la preuve, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, qu’il n’y a pas de lien d’affectation entre les taxes qui ont été créées par la loi du 5 mars 2009 et le financement de France Télévisions.

À ce sujet, et pour répondre à l’interrogation de Christian Kert, je trouve prématuré de se prononcer aujourd’hui pour une diminution ou un moratoire sur la taxe sur la publicité. Certes les revenus des grandes chaînes privées ont baissé au cours du premier semestre 2009, et je suis sensible à ce que tous les opérateurs qui contribuent au financement de la création audiovisuelle et cinématographique se portent bien, mais attendons de voir les résultats effectifs en fin d’année avant de nous prononcer sur un éventuel ajustement du système mis en place en début d’année.

M. Michel Françaix. C’est la sagesse.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Chacun peut légitimement se féliciter du nouveau modèle de financement de France Télévisions. Le service public a désormais les moyens de ses ambitions. La réforme lancée par le Président de la République lui apporte une sérénité certaine, dans un contexte économique et publicitaire difficile.

Troisième priorité : le soutien réaffirmé à la création audiovisuelle. Concernant les obligations de financement de la production audiovisuelle par les chaînes de télévision, le rôle de l’audiovisuel public a été renforcé par la réforme de la publicité. France Télévisions contribuera en 2010 à hauteur de 385 millions d’euros au financement de la création audiovisuelle, et d’ici à 2012 ce montant sera porté a 420 millions d’euros, soit 20 % de son chiffre d’affaires.

À cela s’est ajoutée la modernisation des décrets dits « Tasca » pour l’ensemble des chaînes privées. Aussi, depuis cette année, les obligations de production des chaînes historiques ont été consolidées et concentrées sur les œuvres patrimoniales: fiction, documentaire, dessin animé, spectacle vivant et vidéo-musique. Désormais, et dès l’an prochain, ce sont les chaînes thématiques et celles de la TNT qui vont contribuer, elles aussi, au financement de la diversité culturelle sur les antennes, comme le prévoient les accords qu’elles viennent de signer avec les producteurs et les sociétés d’auteurs. C’est un relais important pour le soutien de la filière qui va se mettre en place. Je m’en félicite car je suis parfaitement d’accord avec Christian Kert: la situation de certaines sociétés de production est difficile à cause de la baisse du chiffre d’affaires des chaînes historiques. Je serai donc très attentif, en 2010, au respect des engagements pris par l’ensemble des parties au soutien de la création audiovisuelle.

Concernant l’Institut national de l’audiovisuel, dont le rôle dans la préservation de notre mémoire audiovisuelle est si précieux et toujours aussi dynamique, et je tiens à le saluer ici encore, sa dotation budgétaire sera en hausse de 1,2 %, soit une augmentation de 1 million d’euros par rapport à 2009. Nous sommes en train de négocier le prochain contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2010-2014, et c’est dans ce cadre que des financements complémentaires seront précisés en fonction des perspectives de développement et d’investissements de l’INA.

Par ailleurs, et pour répondre à Patrice Martin-Lalande, j’ai tenu à proposer, dans le cadre de la commission Juppé-Rocard pour le grand emprunt, que des moyens financiers importants soient alloués à la numérisation de notre patrimoine audiovisuel, au même titre qu’il va nous falloir investir massivement pour numériser les fonds exceptionnels de la Bibliothèque nationale de France et ceux de notre patrimoine cinématographique. Il s’agit là d’un des enjeux essentiels de l’action de l’État dans le domaine de la culture et de la communication pour un avenir qui se conjugue déjà au présent.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Excellent!

M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . Le cinéma est un vrai problème, en effet.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Quatrième aspect du budget de l’audiovisuel: le passage à la télévision tout numérique. C’est l’un des défis majeurs que devrons relever dans les prochaines années. Ses bénéfices sont aujourd’hui connus: il permettra d’achever la couverture du territoire par la TNT et de multiplier ainsi par trois l’offre de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre, avec dix-huit chaînes nationales gratuites.

Pour la plupart de nos concitoyens qui reçoivent la télévision par une antenne râteau classique et souhaitent continuer à bénéficier de la télévision gratuite, l’opération d’équipement pour recevoir les chaînes de la TNT est, dans la majorité des cas, simple et peu coûteuse – le prix d’un adaptateur TNT d’entrée de gamme est aujourd’hui inférieur à 30 euros. Elle pourrait néanmoins présenter des difficultés pour certains téléspectateurs, notamment les plus âgés ou les foyers les plus modestes. Conscient de cet enjeu et déterminé à permettre le passage à la télévision tout numérique pour tous et pour chacun dans de bonnes conditions, le Gouvernement a débloqué des moyens importants – 277 millions d’euros sur la période 2009-2011 –,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Très bien!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . …afin de financer une campagne nationale d’information en direction de l’ensemble de la population et un fonds d’aide au bénéfice des foyers les plus démunis et de ceux qui ne seront pas couverts par la TNT après l’extinction de la diffusion analogique. À ce sujet, pour répondre à Patrice Martin-Lalande et à de nombreux autres parlementaires, le Premier ministre a décidé qu’un complément de financement serait apporté dans les deux prochaines années pour pouvoir financer l’acquisition d’un matériel satellitaire pour l’ensemble des foyers qui se trouveront dans une zone d’ombre lors du passage au tout numérique.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Bonne décision!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Cette aide porte sur 56 millions d’euros supplémentaires. Ainsi, 100 % de nos concitoyens bénéficieront de la télévision numérique, qu’elle soit diffusée par les ondes hertziennes ou par satellite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial et M. Michel Herbillon, rapporteur pour avis . C’est une très bonne chose!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Au total, ce sont 333 millions d’euros de crédits qui permettront de financer, avec l’aide des chaînes de télévision historiques, l’ensemble des opérations, notamment de communication et d’accompagnement, que prend en charge le groupement d’intérêt public France Télé Numérique, chargé de la mise en œuvre de ces opérations. Aucun de nos concitoyens ne sera oublié: nous assurerons l’accès à la télévision numérique pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je me rendrai moi-même à Cherbourg le jour même du premier allumage de la TNT.

M. Marcel Rogemont. Ça ne manque pas de rayonnement là-bas…

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Cinquième et dernier point: le pluralisme.

Nous aurons l’occasion d’en débattre la semaine prochaine lors de l’examen de la proposition de loi visant à réguler la concentration dans le secteur des médias, présentée par le groupe socialiste.

M. Didier Mathus, rapporteur pour avis . Excellente proposition de loi!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Mais je tenais d’ores et déjà à répondre aux questions d’un certain nombre d’entre vous.

La nécessité d’assurer la sauvegarde du pluralisme des courants de pensée et d’opinion est clairement « une des conditions de notre démocratie » et c’est, en droit, un « objectif de valeur constitutionnelle », comme le rappelle régulièrement le Conseil constitutionnel. Le législateur a donc défini, dans les lois relatives à la presse et à la liberté de communication, un ensemble de règles limitant la concentration et assurant l’indépendance des médias. Ces règles ont bien fonctionné, car elles ont permis à la France de faire émerger des groupes de médias de taille européenne et mondiale tout en préservant la pluralité des acteurs qui en constitue la valeur. On peut souhaiter que les groupes français soient davantage présents à l’international. Si je partage ce souci, je ne pense pas que les règles anti-concentration inscrites dans la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication soient un frein à ce développement. Il dépend avant tout des stratégies industrielles qu’adoptent ou non nos entreprises de médias.

Concernant le marché français, il est important qu’à côté des grands groupes puissent coexister des entreprises de taille plus petite, mais tout aussi importantes pour le dynamisme du secteur. Je pense, par exemple, à la production audiovisuelle et cinématographique, où la réglementation interdit toute concentration verticale et permet de faire assurer son finance ment en grande partie par les diffuseurs, grâce aux obligations de production que nous venons justement de consolider en les élargissant à l’ensemble des chaînes de télévision.

Je concède toutefois que, pour le secteur de la radio, on peut s’interroger sur la pertinence aujourd’hui encore d’un dispositif pensé et inscrit dans la loi depuis 1994 et qui n’a pas évolué depuis. Le rapport que le Premier ministre avait commandé à Marc Tessier au sujet du développement de la radio numérique va permettre au Gouvernement de réfléchir à cette question. S’il nous faut, bien évidemment, préserver la richesse du paysage radiophonique national, et sa diversité dans l’ensemble des régions françaises, on peut aussi souhaiter voir ses acteurs poursuivre leur développement sans être entravés par des règles devenues obsolètes.

II est enfin un domaine dans lequel je partage tout à fait les préoccupations de Christian Kert, c’est celui des télévisions locales, qui n’ont pas trouvé en France le développement qu’elles connaissent dans d’autres grands pays. Souvent adossées aux groupes de presse régionale, qui connaissent les difficultés que l’on sait, nombre d’entre elles sont dans des situations très critiques, quand elles n’ont pas purement et simplement cessé leur activité. Je suis préoccupé par leur avenir, pour leur contribution au pluralisme de l’information et pour leur rôle de média de proximité assurant le lien social dans nos régions. Je soutiens donc pleinement la proposition que fait Christian Kert de diligenter une mission spécifique de l’Assemblée nationale sur leur modèle économique et leur avenir.

Voilà ce que je tenais à vous dire pour répondre à vos questions et brosser avec vous les défis, les problèmes et les enjeux qui concernent le monde de la presse et de l’audiovisuel; et pour vous dire tout l’effort de l’État en vue de soutenir, d’encourager et d’accompagner tous ces acteurs dans leur mission, quel que soit le support qu’ils choisissent ou le métier qu’ils exercent, pour rendre plus pleinement vivante encore notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

La parole est à M. Jean-Luc Reitzer, pour le groupe UMP.

M. Jean-Luc Reitzer. Ma question porte sur le statut des porteurs de journaux. Dans le cadre des états généraux de la presse, le Président de la République avait affirmé qu’il fallait engager un plan massif de développement du portage pour donner un nouvel élan à la presse écrite. Au passage, je signale qu’en Alsace la technique du portage est particulièrement développée, et depuis de très nombreuses décennies.

À l’occasion de ces états généraux, des mesures fortes ont été annoncées en faveur des entreprises d’édition, visant à réduire le coût du portage, à en structurer le marché et à fidéliser les porteurs de journaux; mais le problème du statut des porteurs de journaux n’a pas été abordé. Or ces derniers avaient fondé beaucoup d’espoir sur les états généraux de la presse, tant leur situation personnelle est précaire.

Il convient en effet de rappeler qu’ils sont payés à la tâche, que la durée de travail des contrats est théorique et qu’elle ne prend pas en compte le nombre d’heures réellement effectuées.

M. Michel Françaix. Exact!

M. Jean-Luc Reitzer. Les porteurs doivent accomplir leur tournée par leurs propres moyens de transport; et le plus souvent les frais de déplacement, l’entretien et l’assurance du véhicule ne sont pas pris en charge.

S’ils distribuent moins de cent journaux par jour, ils n’ont pas de couverture sociale. En outre, les cotisations de retraite sont indexées sur une assiette forfaitaire: selon le cas, le salarié ne valide en effet qu’un, deux ou trois trimestres sur une année. Leur situation est donc particulièrement préoccupante, d’autant que, pour de nombreux porteurs, il s’agit de leur activité principale.

Monsieur le ministre, l’attente est forte. Le Gouvernement entend-il créer un véritable statut des porteurs de journaux en regard des efforts consentis pour la presse écrite?

M. Michel Françaix. Très bonne question!

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la culture.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . On compte 15000 à 18000 porteurs de presse se répartissant, de façon équilibrée, entre deux statuts: salariés ou indépendants – les vendeurs-colporteurs de presse ou VCP.

Le VCP est un travailleur indépendant qui effectue pour le compte d’un mandant – éditeur, dépositaire ou diffuseur de presse – la vente ou la distribution sur la voie publique ou à domicile de journaux, livres ou publications. Les conditions d’exercice de cette profession sont, sur les plans physique et climatique, particulièrement rudes. Vous évoquiez l’Alsace , monsieur Reitzer; j’imagine ce que ce doit être durant les mois d’hiver! Le VCP est rémunéré à la commission, ses émoluments dépendant du nombre d’exemplaires effectivement distribués.

Plus généralement, le statut social des vendeurs-colporteurs de presse est défini par l’article 22, alinéa I, de la loi 91-1 du 3 janvier 1991. Ils sont assujettis au régime général de la sécurité sociale des salariés. C’est l’éditeur ou le commettant direct qui les affilie et verse les cotisations sociales dues. Les cotisations versées aux organismes de sécurité sociale sont intégrées dans le taux contractuel de la commission.

Une exonération partielle des charges patronales pour les porteurs au niveau du SMIC, à l’exception de la contribution accidents du travail et maladies professionnelles, a été prévue par la loi de finances rectificative du 20 avril 2009, à la suite des recommandations des états généraux de la presse écrite. Elle a pour objectif de renforcer le réseau des porteurs de presse, notamment en réduisant les coûts de distribution, jugés trop élevés, et de favoriser l’embauche de nouveaux porteurs. Outre des effets structurants au bénéfice des entreprises de portage, qui vont pouvoir se développer, cette mesure a des effets fort utiles sur la rémunération des porteurs. Certains éditeurs ont en effet décidé de redistribuer à leurs vendeurs-colporteurs de presse jusqu’à 30 % de l’économie induite par l’exonération des charges.

M. Michel Françaix. Comme dans la restauration!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Par ailleurs, l’exonération partielle des charges sociales patronales est complétée par un renforcement significatif du dispositif d’aide directe au portage de la presse – décret 2009-535 du 13 mai 2009. Le fonds d’aide au portage de la presse, doté en 2008 de 8 millions d’euros, bénéficie en 2009 d’une dotation de 70 millions d’euros.

M. Michel Françaix. Pour les entreprises!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Cette mesure est destinée à inciter les éditeurs à augmenter le volume d’exemplaires portés, ce qui devrait inévitablement avoir un effet positif sur la rémunération des VCP.

Les mesures annoncées à l’issue des états généraux de la presse écrite permettent ainsi de concilier la revalorisation de la rémunération des porteurs indépendants et la recherche d’économies pour les mandants. Ceux-ci devraient consolider leur activité de portage et garantir la viabilité économique de ce mode de distribution ainsi que les emplois qui y sont attachés pour les trois années à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour poser une première question, au nom du groupe SRC.

M. Didier Mathus. Monsieur le ministre, la loi de mars2009 avait deux objectifs. Le premier était de permettre au Président de la République de s’accaparer le pouvoir de nomination des présidents de l’audiovisuel public,…

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . C’est une codécision!

M. Didier Mathus. …fait unique dans une démocratie. De ce point de vue, l’objectif est atteint. Le deuxième objectif était de dévier les recettes publicitaires de la sphère publique vers les amis du Président, en particulier TF 1.

Malheureusement pour les auteurs de cette loi, les circonstances en ont décidé autrement. La crise, conjuguée aux erreurs stratégiques de TF1, n’a pas permis d’atteindre cet objectif. Au contraire, contre toute attente, c’est France Télévisions qui a vu augmenter, sur l’après-midi en tout cas, ses recettes publicitaires: on peut ainsi noter un excédent de près de 100 millions d’euros par rapport aux prévisions budgétaires.

L’État a bien sûr prélevé au passage une dîme de 35 millions d’euros, somme qui vient en déduction des 450 millions prévus par la loi.

M. Patrick Bloche. C’est scandaleux!

M. Didier Mathus. On peut d’ailleurs regretter que l’on tape sur la tête d’une entreprise dès lors qu’elle est bien gérée et obtient de bons résultats. C’est un mode de gestion un peu singulier.

Cela repose de façon nouvelle la question de la fin de la publicité en 2011. Nous pensons toujours que le panachage des ressources est la meilleure solution et qu’il serait dramatique de priver totalement France Télévisions des recettes publicitaires de l’après-midi.

Cela repose aussi la question de la privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions: vous avez évoqué tout à l’heure l’idée d’une réflexion nécessaire sur la fin de la publicité en 2011, mais si, comme c’est prévu, on privatise aujourd’hui, au bénéfice de quelques-uns, la régie publicitaire de France Télévisions, il ne sera plus possible de faire marche arrière.

M. Marcel Rogemont. Exactement!

M. Didier Mathus. Quel est votre sentiment personnel sur le tarissement définitif de la ressource publicitaire en 2011? Quelle stratégie entendez-vous appliquer à la privatisation de la régie publicitaire de France Télévisions? En un mot, allez-vous remettre en cause cette privatisation, qui créerait une situation irrémédiable, que nous jugeons préjudiciable pour le service public? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Excellente question!

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Excellente question, mais il n’en sera pas de même, à vos yeux, de la réponse... Pour l’instant, en effet, tout est en discussion, et je ne veux pas intervenir dans celle-ci tant que ses grands contours n’auront pas été définis.

Je me suis enquis, avec beaucoup de fermeté, des conditions dans lesquelles s’ouvraient les conversations entre France Télévisions et les éventuels partenaires envisagés pour la régie. Un certain nombre d’options ont été proposées dans ce premier rapport d’étape. J’attends le suivant pour savoir à quel moment les principaux finalistes pourront discuter de manière plus précise avec France Télévisions. J’interviendrai de nouveau, à ce moment-là, dans l’intérêt du bien public; mais pour l’instant il ne m’appartient pas de revenir sur le processus de délégation que j’ai organisé avec France Télévisions.

En ce qui concerne la publicité en général, il y en a, pour l’instant, le matin et l’après-midi. Nous verrons, lors du point d’étape, en 2011, ce qu’il en adviendra par la suite.

M. Marcel Rogemont. Il faut alors que la régie continue jusqu’en 2011!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Pour l’instant, les conversations sont en cours, la réflexion est ouverte, je la laisse se poursuivre.

Par ailleurs, Monsieur Mathus, vous êtes revenu sur le prélèvement de 35 millions d’euros, qualifié par M. Noël Mamère, avec le talent qu’on lui connaît, de « chapardage ».

M. Patrick Bloche. C’est du vol!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Je pense qu’il s’agit plutôt de bonne gestion.

M. Patrick Bloche. Mais non! France Télévisions est en déficit!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . France Télévisions va toucher, cette année, 120 millions de publicité. Que se serait-il passé si nous n’avions pas opéré ce prélèvement?

M. Noël Mamère. 137 millions de déficit!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Vous nous le reprocheriez! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. Je vous en prie, mes chers collègues! Seul M. le ministre a la parole.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . J’essaie d’expliquer à nos honorables interlocuteurs que si nous n’avions pas pris ces 35 millions d’euros, nous aurions certainement entendu un concert, peut-être légitime, d’interrogations demandant pourquoi on ne les prenait pas, voire plus… Nous les avons pris, c’est tout.

M. Marcel Rogemont. Pourquoi 35, et pas 100? Il fallait y réfléchir plus tôt.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Nous y réfléchirons pour l’avenir! (Sourires)

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour poser sa seconde question.

M. Didier Mathus. Je voudrais réagir aux propos de M. le ministre: je regrette un peu le flou de sa réponse sur la publicité, même si je peux le comprendre. Cela pose des problèmes, car il s’agit d’échéances très importantes.

Ma deuxième question concerne RFI. J’espérais que M. le ministre nous apporterait un éclairage plus précis sur RFI dans son intervention.

M. François Rochebloine. Il n’y a pas eu de réponse!

M. Didier Mathus. Je voudrais me faire l’écho de la commission des affaires étrangères.

M. Patrick Bloche. Et de la commission des affaires culturelles!

M. Didier Mathus. RFI est une grande radio. Une radio de journalistes, qui sont des experts et apportent un éclairage formidable en matière de politique étrangère.

Ils ne comprennent pas le projet de réorganisation de leur radio. On sent, en filigrane, que des maladresses ont été commises par les dirigeants de l’AEF. On ressent une sorte d’incompréhension de ce qu’est le média radio et de sa spécificité dans certaines zones géographiques, en particulier en Afrique, où l’on a pu relever des erreurs stratégiques curieuses. La direction de RFI, par exemple, veut promouvoir avec la société Orange des modes de communication de la radio par téléphone mobile et développer Internet en Afrique. Quand on connaît le prix des communications mobiles et que l’on sait que l’essentiel de son territoire n’a même pas l’électricité, on comprend que des erreurs stratégiques ont été commises.

Aujourd’hui, la situation est bloquée, car les dirigeants de l’AEF n’ont plus la légitimité, la crédibilité nécessaires pour être les artisans du dénouement de cette crise. Or ce dénouement est aujourd’hui indispensable. Il n’est pas acceptable, après le plus long conflit de l’histoire de l’audiovisuel public, que le Gouvernement s’en tienne à des atermoiements. Il doit se saisir de ce dossier, ou mieux, nommer un médiateur pour parvenir le plus vite possible au dénouement, que tout le monde souhaite. On ne peut pas laisser RFI, qui est une grande radio et accomplit un travail exceptionnel, dans la situation où elle est depuis maintenant plus de six mois. Ce n’est pas acceptable. Le Gouvernement doit intervenir. C’est une radio cent pour cent publique. Nous souhaitons un moratoire sur les 206 suppressions d’emplois. On ne peut dire, comme la direction de l’AEF, que RFI fait du bon travail et supprimer dans le même temps 25 % de ses effectifs. Nous savons qu’il y aura nécessairement des licenciements.

Il est légitime qu’il y ait des redéploiements de langues. C’est l’évolution naturelle d’une radio de cette nature. Mais il ne nous semble pas convenable que cela passe par la suppression de 25 % des effectifs.

M. Noël Mamère. et M. Marcel Rogemont. Excellente question!

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Monsieur Mathus, je reviens brièvement sur votre première question. France Télévisions bénéficiait, cette année, avec la publicité de 120 millions d’euros.

M. Marcel Rogemont. 105 millions!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Nous ne sommes pas sûrs; il n’est pas impossible que l’on arrive à 120 millions.

Comme l’indiquait le journal Libération, ce transfert miraculeux, que l’on ne s’explique pas très bien, qui fait que William Leymergie et Sophie Davant sont devenus des stars de la publicité, va permettre de diminuer considérablement le déficit de France Télévisions – les 180 millions dont vous parliez tout à l’heure.

Le sort de RFI m’est particulièrement cher, car c’est là que j’ai commencé à travailler. J’ai passé deux années à y faire des piges au tout début de son existence. Je connais donc bien cette maison et je l’admire. J’ai pu vérifier l’importance, la valeur de RFI dans le paysage audiovisuel français, la qualité des informations et du travail des journalistes. Cependant, dès cette époque-là, j’ai été frappé par un certain nombre de dysfonctionnements, qui n’ont fait que s’aggraver et appellent à une refonte de l’institution.

Dès 2007, le Président de la République a souhaité que soit réformé et relancé notre audiovisuel extérieur. Au fil des ans, les structures s’étaient empilées, sans cohérence d’ensemble, sans vision stratégique, sans ambition commune.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. C’est vrai!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Radio France Internationale est l’une des pièces maîtresses de l’audiovisuel extérieur de la France. Mais elle a été trop longtemps oubliée par sa tutelle.

Résultat: la situation financière est très dégradée, avec des déficits récurrents. Les capitaux propres sont devenus négatifs. Une grande partie des personnels éprouve un sentiment d’abandon.

Avec la réforme en cours, RFI pourra retrouver les moyens de faire face aux mutations technologiques que connaît le secteur des médias, et renforcer ses missions là où elle dispose d’une implantation forte. Je pense essentiellement à l’Afrique, où la diffusion en langue vernaculaire – en swahili, en haoussa… – va être renforcée.

En revanche, là où RFI a une audience confidentielle, comme c’est le cas en Europe de l’Est, il est légitime de repenser sa stratégie et de l’orienter vers de nouveaux modes de diffusion, comme Internet ou la webradio.

M. Patrick Bloche. Internet! Comme dans la Russie de Poutine, pour que ce soit filtré!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Le plan de sauvegarde de l’emploi qui accompagne la réforme globale de Radio France Internationale concerne 206 postes sur un effectif total de 1100, avec la création de 34 postes nouveaux pour renforcer RFI dans le domaine du multimédia et du numérique.

Aujourd’hui, malgré les difficultés rencontrées ces derniers mois, la réforme avance. Le processus de consultation du comité d’entreprise est achevé. Comme je le disais tout à l’heure, depuis le 28 octobre dernier la période des départs volontaires a été ouverte.

M. Patrick Bloche. Personne n’y croit!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Elle durera un mois et devrait permettre de limiter, voire d’éviter, les licenciements par désignation. C’est en tout cas mon souhait et celui des dirigeants de l’AEF.

M. Patrick Bloche. Vous tuez RFI!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Pas du tout, monsieur Bloche! Au contraire notre but est non pas seulement de sauver, mais de développer encore RFI, en lui donnant les moyens et les capacités de relever les défis auxquels cette chaîne est confrontée.

M. Patrick Bloche. En supprimant le quart des effectifs!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . L’État soutient RFI et souhaite qu’elle se développe dans un univers des médias en pleine mutation. C’est le sens de la réforme en cours et de l’engagement financier du Gouvernement au côté de RFI, que démontre le projet de loi de finances pour 2010.

M. Patrick Bloche. Révoquez Pouzilhac!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Déjà, un nombre important de membres du personnel s’est prononcé pour des départs volontaires.

M. Patrick Bloche. Pouzilhac démission!

M. Marcel Rogemont. Posez la question du départ volontaire à Pouzilhac!

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, je risquerai une nouvelle formule: l’État soutient RFI …comme la corde soutient le pendu!

Quand vous parlez de la suppression d’un certain nombre de langues, je citerai celle du chinois. Soyez prudent: il y a une forte communauté chinoise dans notre pays, et nous savons que le gouvernement chinois a tous les moyens de poursuivre sa propagande, alors que RFI pouvait être une formidable barrière.

La question que je vous poserai concerne l’AFP, un autre secteur de la presse française qui est menacé. L’AFP est un instrument d’information indépendant qui permet à notre pays de continuer à disposer de sources objectives et non dépendantes de tel ou tel groupe privé de médias.

Depuis des mois, la situation de l’agence est précaire, car la direction de l’AFP met en marche des changements profonds, dans une opacité totale et sans que le personnel et ses représentants aient leur mot à dire sur ces bouleversements: le changement de statut, la réorganisation rédactionnelle, le projet multimédia, le déménagement de la rédaction... Il faudrait un vrai dialogue, un vrai débat public, car il est inacceptable qu’un projet de réforme d’une telle envergure, comme celui préparé par Pierre Louette et le Gouvernement, soit élaboré dans le plus grand secret, sans que le personnel soit associé à la réflexion sur l’avenir de l’agence.

Le projet de réforme transformant l’AFP en société anonyme, fût-ce à capitaux publics, comme à La Poste, est inacceptable, car il prépare la privatisation d’une entreprise essentielle à l’exercice du droit à l’information et à la communication.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne convoquez-vous pas une table ronde pour examiner les moyens permettant à l’AFP de continuer à remplir ses missions? Cette table ronde réunirait des représentants de l’État, de la presse, des commissions parlementaires concernées – majorité et opposition –, de la direction de l’AFP, des syndicats nationaux et de leurs sections syndicales AFP.

Je souhaiterais avoir des éclaircissements sur ce qui se prépare à l’Agence France presse, la représentation nationale étant totalement exclue de cette réforme. Or nous savons très bien que les personnels de l’AFP sont aujourd’hui plongés dans une grande inquiétude en raison de cette opacité.

L’Agence France presse a un statut spécial qui fait d’elle l’une des plus grandes agences de presse du monde avec Reuters . Vous avez vous-même, monsieur le ministre, évoqué à la tribune le photoreportage: l’AFP, c’est aussi cela, et nous en avons tant besoin pour être les témoins du monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Concernant le mandarin sur RFI, je vais me renseigner, monsieur Mamère. Il me semble que la diffusion en mandarin était relativement modeste, mais la question que vous posez mérite d’être étudiée et que l’on y réponde.

M. Marcel Rogemont. Très bien.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . S’agissant de l’AFP, je rappellerai quelques points. Présente dans cent soixante-cinq pays avec un service d’information en six langues, assuré par deux mille journalistes, l’AFP est la plus ancienne des agences internationales. Elle fait aujourd’hui partie des trois premières agences de presse mondiales avec Associated Press et Reuters .

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Elle est un très bon outil pour la France!

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture . Elle est notre grand média français à l’international. C’est un atout pour la presse, le rayonnement de la France, la vitalité du débat démocratique dans le monde. C’est ce qu’illustre par exemple le fait que, la semaine dernière, un journaliste de l’AFP a été arrêté à Téhéran. Fort heureusement, il a été élargi depuis.

L’Agence fait face à une mutation profonde de son secteur d’activité, qui l’oblige à opérer un tournant stratégique important afin de conforter son statut d’agence d’information à vocation mondiale. L’Agence ayant atteint ces dernières années les objectifs de redressement financier fixés par l’État, il s’agit maintenant d’engager un véritable plan de modernisation, qui englobe notamment une réflexion sur son statut actuel. La loi du 10 janvier 1957 a en effet doté l’AFP d’un statut sui generis quasi surréaliste, celui d’un organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré suivant les règles commerciales, mais dépourvu de fonds propres. Ce statut gêne aujourd’hui l’Agence dans son développement. Le défaut d’un capital social propre ne lui permet pas de procéder aux investissements nécessaires pour s’adapter à l’évolution économique et technologique internationale. Comme il le lui a été demandé lors de la signature du nouveau contrat d’objectifs et de moyens, le nouveau PDG de l’Agence France presse a présenté le 31 mars 2009 un rapport sur la modernisation du statut et de la gouvernance de l’Agence, rapport qui suscite les questions légitimes que vous posez aujourd’hui. Ce rapport propose de transformer l’AFP en société nationale à capitaux publics, dans le respect des principes de pluralisme et d’indépendance qui ont fait sa valeur, et conformément à l’article 2 de la loi de 1957 qui définit les missions d’intérêt général de l’Agence et qui ne serait pas modifié. Sur cette base, des discussions se sont engagées entre l’Agence France presse et les pouvoirs publics pour envisager les grandes orientations du futur statut qui sera, en tout état de cause, envisagé en concertation avec l’AFP, mais aussi avec les représentants du personnel de l’Agence. Ces discussions sont toujours en cours et rien n’est arrêté à l’heure où je vous parle. On peut évidemment entrevoir que ces conversations susciteront des questions et des réflexions parlementaires très approfondies. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux prémices.

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions.

Mission « Médias »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Médias » inscrits à l’état B.

État B

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mathus, pour soutenir l’amendement n°135.

M. Didier Mathus. Il s’agit d’un amendement de clarification budgétaire visant à améliorer la lisibilité du programme 115. J’ai tout à l’heure déploré l’opacité de certaines dispositions budgétaires, notamment du fait que nous n’avions pas connaissance du contrat d’objectifs et de moyens. Un autre élément nuisible à la clarté est le suivant.

Le programme 115 comprend, outre les crédits destinés à la société Audiovisuel extérieur de la France, la subvention de la compagnie internationale de Radio et télévisions, la CIRT. Cette subvention dont le montant s’élève à 1,5 million d’euros n’a rien à voir avec l’audiovisuel extérieur de la France: elle est en fait destinée au recrutement de journalistes marocains, sous statut français, mis à disposition de la radio marocaine MEDI 1. Sans porter de jugement sur cette action, sans doute estimable et qui remonte à 1989, j’observe qu’elle a été réévaluée cette année passant d’un million à un million et demi d’euros d’un seul coup. Le problème, c’est que ces sommes ont été intégrées optiquement aux crédits de l’audiovisuel extérieur de la France, alors que c’est sans rapport.

Mon amendement a pour but de supprimer ces crédits du programme 115. Dans l’amendement suivant, je proposerai de les transférer dans un programme qui leur est propre. C’est parallèle à ce qui a été fait pour CFI, pour lequel on a prévu un ordonnancement budgétaire différent. CFI n’apparaît ainsi plus dans le budget de l’AEF, ce qui paraît pour le moins légitime.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Michel Françaix. Le rapporteur ne peut être que d’accord!

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial . Notre collègue Didier Mathus pose la question de savoir si l’action menée par la CIRT relève de la coopération ou de l’audiovisuel extérieur de la France.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est une question pertinente.

M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur spécial. Pour ma part, j’aurais tendance à penser qu’elle relève plutôt de l’audiovisuel extérieur de la France, mais il appartient au Gouvernement d’en décider.

L’amendement de notre collègue n’a pas été examiné en commission des finances. À titre personnel, j’estime qu’il ne faut pas supprimer ces crédits, quelle que soit la décision prise par le Gouvernement de les affecter à tel ou tel programme.

Avis défavorable donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture. L’amendement n°135 vise à transférer les crédits destinés à la Compagnie internationale et radio et télévisions – CIRT – du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias » vers le programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ».

Je suis défavorable à un tel transfert. Comme vous le savez sûrement, la subvention versée à la CIRT permet à l’excellente radio franco-marocaine MEDI I, grâce à la mise à disposition de journalistes francophones, de diffuser au Maroc et en Algérie ses programmes qui sont constitués à 50 % de programmes en langue française, le reste de l’antenne étant en arabe.

L’action de soutien menée par la France par le biais de la subvention versée à la CIRT a pour objectif principal le développement de la présence française et francophone dans le paysage audiovisuel mondial, qui constitue l’un des deux objectifs principaux de la mission « Médias ».

Ces crédits s’inscrivent donc pleinement et naturellement dans le cadre de l’action audiovisuelle extérieure et il est, à ce titre, tout à fait cohérent qu’ils soient retracés par le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias ».

(L’amendement n°135 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n°132 tombe.

Mme la présidente. Je suis saisi d’un amendement n°134.

La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le présent amendement est un amendement d’appel et vise à demander au Gouvernement d’apporter des réponses précises sur l’effort prévu en matière de déploiement de la télévision numérique terrestre ou sous une autre forme, afin que chaque foyer soit certain de pouvoir la réceptionner, après la fin de la télévision analogique.

Vous avez précisé, monsieur le ministre, que l’effort en la matière était maximum avec les 277 millions d’euros déjà prévus pour la campagne 2009-2011 et les 56 millions d’euros supplémentaires qui seront apportés afin que 100 % des foyers aient accès à la télévision numérique, sous forme terrestre, satellitaire ou autre.

Ces réponses m’ayant donné satisfaction, je retire mon amendement.

(L’amendement n°134 est retiré.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Médias ».

(Les crédits de la mission « Médias » sont adoptés.)

État D

Mme la présidente. Je mets aux voix le compte spécial « Avances à l’audiovisuel public ».

(Le compte spécial « Avances à l’audiovisuel public » est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».

(Le compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux médias.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Engagements financiers de l’État

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux engagements financiers de l’État (n° 1967, annexes 21, 39 et 49) .

La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les engagements financiers de l’État.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les engagements financiers de l’État. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est paradoxal que l’examen et le vote de la mission « Engagements financiers de l’État » aient à nouveau lieu un lundi soir, soit à un moment où ni l’audience médiatique ni la présence parlementaire ne sont à leur apogée, même si – que chacun des présents soit rassuré – je peux attester que la qualité supplée à la quantité.

Paradoxal, car cette mission est importante à bien des égards. Par son objet, tout d’abord, puisqu’il s’agit de la dette de l’État et de son coût. Par son volume, ensuite: 44,2 milliards d’euros de crédits sont en jeu, dont le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État » représente 96 %, soit 42,5 milliards, ce qui le place au deuxième rang des masses budgétaires. Par son actualité financière, d’autre part, puisqu’à la dérive du déficit budgétaire font écho des émissions de dettes si massives que la dette publique française représentera au moins 84 % du PIB en 2010, soit près de 25700 euros par habitant. Par son opportunité politique, surtout: nous débattons de la dette de l’État quelques jours à peine avant que celui-ci n’annonce un grand emprunt dont nous entendons les dissensions qu’il suscite au sein de la majorité et dont nous ignorons l’ampleur et les conditions de remboursement, si bien que notre Assemblée se prononce en réalité sur un programme de financement de l’État totalement virtuel. Cette mission est donc au cœur de la crise comme de l’actualité.

Le programme « Charge de la dette » m’inspire quant à lui cinq constats. Tout d’abord, le besoin de financement de l’État – constitué du déficit budgétaire et du montant des amortissements de titres arrivés à échéance – atteint un niveau historique. Pour 2009, il s’élève à 252,8 milliards, soit, mes chers collègues, un montant supérieur à lui seul à la somme des besoins de financement des trois années 1998, 1999 et 2000. Chacune de ses deux composantes connaît du reste une croissance rapide: en 2009, le déficit budgétaire est 3,7 fois plus élevé celui de 2007, atteignant 141 milliards d’euros contre 38 à l’époque; quant aux amortissements de dette à moyen et long terme, ils ont augmenté de plus de 40 milliards d’euros par rapport à 2007, passant de 69 à 110 milliards.

Le besoin de financement étant toujours sous-estimé en prévision, qu’en sera-t-il en 2010? Ainsi, alors que la loi de finances initiale pour 2008 l’évaluait à 147 milliards d’euros, l’exécution budgétaire s’est soldée par un besoin de financement de 164 milliards d’euros. Pour 2009, 180 milliards d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale; on annonce désormais un montant de 252,8 milliards.

La crise est bien entendu passée par là; mais j’observe qu’elle s’ajoute à une pratique déjà existante de la dérive. Puisque la crise n’est pas finie, ainsi que le Gouvernement ne cesse de le répéter et les conjoncturistes de le souligner, peut-on vraiment croire sincère la prévision de 212 milliards d’euros pour 2010?

Surtout, nous devons prendre conscience du fait que le besoin de financement n’est pas près de décroître: d’après les projections, il devrait dépasser 200 milliards d’euros en 2011 et 2012!

Dès lors, mes chers collègues, comment ne pas être pris de vertige face à la masse globale des besoins de financement de l’État au cours de ce quinquennat, proprement ahurissante même si l’on accepte les prévisions du Gouvernement? Reprenons les chiffres: 164 milliards en 2008, 253 en 2009, 212 annoncés pour 2010 et au moins 200 en 2011 et 2012. Au total, le Gouvernement a dû et devra lever plus de 1000 milliards d’euros – au moins, faut-il malheureusement ajouter étant donné les incertitudes qui pèsent sur les années à venir. Plus de 1000 milliards d’euros de nouveaux emprunts en cinq ans! Pour financer leur politique, les gouvernements de la présidence Sarkozy – le gouvernement actuel et ceux qui lui succéderont jusqu’à la fin du mandat présidentiel – emprunteront au moins 17200 euros par habitant. Il s’agit d’une réalité financière majeure.

Je n’aurai pas l’impudence ou la cruauté de comparer ces chiffres aux résultats des politiques menées. Ce n’est l’objet ni de ce débat ni de mon rapport, même si je laisse parfois échapper un désabusé « tout ça pour ça »… Mais il m’appartient en revanche, comme rapporteur, d’examiner l’autre face de cette réalité financière que sont les charges d’intérêts que ces 1000 milliards d’emprunts vont coûter au budget de l’État, donc aux Français. J’y viens dans un instant.

Auparavant, un deuxième constat s’impose: l’État finance de plus en plus à court terme ses besoins. Certes, le programme d’émission de titres à moyen et long terme – BTAN et OAT – atteint des niveaux sans précédent: 128 milliards d’euros en 2008, 165 en 2009, puis 175 en 2010. Mais l’essentiel est que l’encours de la dette à court terme – les bons du Trésor à taux fixe, ou BTF – s’envole plus fortement encore: après une très forte augmentation – de 59,8 milliards d’euros – en 2008, il continuerait de progresser en 2009, de 69 milliards, et en 2010, de 30 milliards.

À la fin 2010, la dette à court terme de l’État s’établirait à environ 237 milliards d’euros contre 78 milliards à la fin 2007, soit trois fois plus. Les titres à court terme représenteraient ainsi environ 18 % de l’encours total de dette, encore un niveau sans précédent.

Cela motive de ma part trois observations:

La première, c’est que même au plus fort de la récession de 1992-1993, jamais un tel pourcentage n’avait été atteint.

La deuxième, c’est qu’à 18 %, on s’approche dangereusement du seuil de 20 % que l’Agence France Trésor elle-même considère comme le seuil à ne pas franchir, eu égard à la fois aux capacités du marché et à la confiance faite à l’emprunteur. Compte tenu de ses propres contraintes de financement de trésorerie, comment comprendre que l’État puisse, entre autres, intervenir pour financer les billets de trésorerie de l’ACOSS à court terme?

La troisième observation est la plus terrible: l’État finance de plus en plus ses déficits structurels de moyen et long terme avec des financements de court terme. Cela l’expose à un double risque: un risque de rupture de liquidité de ses sources de financement; un risque de brutale remontée des taux d’intérêt. Mais c’est déjà en venir à mon troisième constat.

Ce troisième constat est que la charge de la dette est aujourd’hui contenue grâce à des taux d’intérêt encore bas et une faible inflation. D’un montant de 38,5 milliards d’euros avant swaps en 2009, la charge des intérêts serait inférieure d’environ 4,5 milliards d’euros aux crédits votés en loi de finances initiale: sur ce plan, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a eu de la chance en 2009.

Toutefois, cette situation ne va malheureusement pas durer indéfiniment. Selon les prévisions même du Gouvernement, la charge de la dette augmentera en 2010 de 4 milliards d’euros pour atteindre 42,5 milliards. En 2011, elle progresserait de nouveau, de 4 à 6 milliards d’euros, selon les mêmes estimations. De telles augmentations sont d’autant plus inquiétantes que les taux d’intérêt demeurent modérés dans les prévisions gouvernementales, et qu’elles sont calculées avant même tout grand emprunt.

Les chiffres ont cependant une conséquence mécanique très lourde: si l’État doit consacrer beaucoup plus d’argent à payer les intérêts de sa dette, comment en trouvera-t-il encore pour financer les politiques publiques et les services publics? Ne risque-t-il pas d’être privé très vite, peut-être dès demain, de l’essentiel de ses marges de manœuvre budgétaires?

Les chiffres sont implacables. Il y a un problème majeur de soutenabilité de la charge de la dette et ce problème sera d’autant plus fort, d’autant plus dur à vivre en cas de hausse des taux. À titre indicatif, il faut savoir qu’une hausse globale et pérenne des taux d’un point entraînerait, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation des intérêts de la dette d’environ 2,5 milliards dès la première année, de 4,2 milliards l’année suivante, de 6,3 milliards la troisième année, jusqu’à environ 15 milliards à un horizon de dix ans. C’est ahurissant!

Si dans les deux années qui viennent, les taux d’intérêt remontent de 2 % – est-ce si peu probable, après leur brutal décrochage l’an dernier? –, la charge de la dette pourra être augmentée de 13 à 14 milliards et approcher les 60 milliards, talonnant le budget de toute l’éducation nationale. La France de Nicolas Sarkozy consacrera alors plus d’argent à payer ses banquiers qu’à éduquer ses enfants dans ses écoles!

Il est un quatrième constat que je me dois malheureusement aussi de faire. Au-delà de la question de la charge de la dette, c’est plus généralement le problème de l’emballement de l’endettement public qui se pose aujourd’hui. C’est le problème de la dérivée première, cher aux mathématiciens: une augmentation, mais marquée en outre par une terrible accélération. Après 63,8 % du PIB en 2007 et 67,4 % en 2008, la dette publique devrait, selon les prévisions du Gouvernement, atteindre 77,1 % en 2009, puis 84 % en 2010. Le montant de 100 % du PIB n’est plus si éloigné. Quand l’atteindra-t-on? Vers 2014? 2015? Certains l’imaginent même avant.

Or cet endettement incontrôlé pourrait bien être source de multiples effets d’éviction. Il limitera à l’évidence les marges de manœuvre des pouvoirs publics en matière de dépenses publiques. Il risque bien de détourner l’épargne privée du financement de l’économie au détriment de l’investissement des entreprises. Il pourrait bien encourager une épargne de précaution chez les ménages qui anticiperaient de futures augmentations des prélèvements obligatoires. Enfin, qui peut exclure qu’il conduise à l’augmentation des taux d’intérêt à long terme, dissuadant durablement l’investissement du secteur privé et nous éloignant même, à terme, de notre chemin de croissance potentielle?

Pour l’heure, les politiques monétaires sont expansionnistes et l’inflation est basse: tant mieux! Mais lorsque s’engagera un relèvement des taux courts et que le trésor public ne pourra plus se financer à court terme, les besoins cumulés pousseront mécaniquement à la hausse les taux à long terme. Et cela renchérira d’autant la charge de la dette. Bis repetita.

Loin d’être un mouvement vertueux, l’évolution actuelle installe la France sur une spirale cumulative dont les conséquences financières, d’ores et déjà inéluctables, hypothéqueront lourdement et durablement les comptes publics et l’économie française.

En outre, est-on certain que la confiance de nos prêteurs ne viendra pas à nous manquer à un moment ou un autre? Je n’entends pas jouer les Cassandre, mais doit-on pour autant s’interdire d’être attentif et réaliste?

Car un cinquième et dernier constat doit être fait. Notre gestion de la dette n’est pas exempte d’une certaine fragilité, même si, je le concède volontiers, ce n’est pas une fragilité certaine, du moins pas encore. Un fait notable doit être pris en considération ou, à tout le moins, ne peut être négligé: les non-résidents détiennent maintenant près des deux tiers de la dette française: en 2008, 65,6 % exactement, près de 60 % de la dette à court terme, plus de 68 % de la dette à long terme et près de 90 % de la dette à moyen terme, les BTAN. Même s’il n’y a pas lieu de se plaindre, bien sûr, que l’épargne étrangère finance les besoins financiers nationaux, il est évident que cela crée une forme de dépendance, surtout lorsqu’on voit l’extrême rapidité avec laquelle la part de la dette financée par les non-résidents se développe: elle a augmenté de près de 25 points depuis 2002, partant de 41,9 % en 2002 pour atteindre, comme je l’ai dit, 65,6 % en 2008.

Alors, me direz-vous, cela prouve que la signature de la France est respectée et crédible. C’est vrai, c’est toujours le cas, je le reconnais. Mais pour combien de temps encore? Il n’est que de voir la décision des agences de notation de dégrader, il y a peu, la note du Trésor britannique, compte tenu de la dérive de ses comptes, la dette britannique dépassant les 100 % du PIB. De fait, nous n’en sommes plus si loin. Or, une note moins favorable, ce sont des conditions de prêt plus onéreuses, des charges d’intérêt plus lourdes, et donc l’accentuation de l’auto-entretien cumulatif de la dette.

Ce spectre est d’autant inquiétant, mes chers collègues, que tous ces chiffres n’intègrent pas, et pour cause, le grand emprunt. Quelles en seront les conséquences financières? Votre appréciation, vos informations sur ce point nous seraient précieuses, madame la secrétaire d’État.

Les calculs auxquels je me suis livré dans mon rapport ne sont pas rassurants. Un grand emprunt de 50 milliards d’euros augmenterait de 2,5 points de PIB la dette publique totale et porterait l’endettement public à près de 90 % du PIB dès 2011. L’augmentation totale de la dette sous cette législature, de près de 26 points de PIB, augmenterait encore de près de 2 milliards d’euros par an la charge de la dette.

Je n’ose même pas imaginer les conséquences qu’aurait un grand emprunt de 100 milliards, mais chacun comprendra qu’il suffit de doubler les chiffres que je viens de donner. En outre, cela accentuerait les problèmes d’effets d’éviction, d’assèchement, de taux d’intérêt, et pour tout dire de confiance des prêteurs, que j’ai déjà évoqués.

Alors, madame la secrétaire d’État, qu’on ne se méprenne pas sur mon propos. Je n’ignore pas la crise et je n’en rends pas responsable le Gouvernement. Mais l’examen de cette mission « Engagements financiers de l’État » et de ses perspectives ne peut que m’amener à dénoncer le bateau ivre que notre dette et ses intérêts sont en train de devenir. C’est surtout l’absence de toute perspective crédible de remise sous contrôle de l’endettement public dans les prochaines années que je déplore. Face à l’inexorable insoutenabilité de la dette publique, il y a en effet un déni de conscience gouvernemental, à moins qu’il ne faille dire présidentiel, qui pose la question soit du cynisme, soit de la compétence du décideur.

Les sujets que j’ai évoqués sont graves et justifiaient, me semble-t-il, que je leur consacre la majeure partie de mon intervention. Je serai beaucoup plus bref au sujet des autres programmes de la mission, qu’il me faut cependant présenter.

Le programme « Appels en garantie de l’État » bénéficierait de 247,8 millions d’euros de crédits en 2010. Les principales dépenses concernent deux domaines: des garanties de prêts de l’Agence française de développement pour 134 millions d’euros; des garanties d’aides à l’exportation de la Coface.

D’un montant de 86 millions, les crédits de l’action « Développement international de l’économie française » progressent sensiblement depuis 2008 mais cette augmentation est partiellement imputable aux réformes des procédures de garanties de la Coface. Et puisque nous avons la chance de bénéficier de votre présence, madame la secrétaire d’État au commerce extérieur, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure les garanties Coface ont permis, ces derniers mois, de soutenir nos exportations dans une conjoncture bien difficile?

Il se pose une autre question liée aux garanties. L’année dernière, le collectif budgétaire d’octobre2008 avait accordé la garantie de l’État à la société de prise de participation de l’État, la SPPE, afin qu’elle puisse lever des fonds et aider à la recapitalisation du secteur bancaire. À la différence de la garantie donnée à la Société de financement de l’économie française, la SFEF, cette garantie à la SPPE n’est pas bornée dans le temps. Quel est donc le devenir du dispositif SPPE dans un contexte marqué par le remboursement anticipé des aides de l’État par plusieurs banques? Il me semble qu’il s’agit d’une question de forte actualité.

Enfin, après avoir pris le soin de signaler que le programme « Majoration de rentes » n’appelle pas de remarque particulière, il me reste à dire quelques mots au sujet du programme « Épargne ». La situation de sous-budgétisation structurelle de ce programme est désormais bien connue. Principalement affectés au paiement des primes payées par l’État aux détenteurs de comptes d’épargne logement et de plans d’épargne logement par l’intermédiaire du Crédit foncier de France, les crédits de ce programme ne couvrent pas leurs charges depuis 2006.

Depuis désormais quatre ans, les crédits ouverts par les lois de finances initiales se sont systématiquement révélés insuffisants. Les ouvertures complémentaires en lois de finances rectificatives ou par décret d’avance n’ont jamais permis de couvrir la totalité des primes effectivement payées par le Crédit foncier au nom et pour le compte de l’État. En conséquence, le découvert de l’État auprès du Crédit foncier n’a cessé de croître: 495 millions d’euros fin 2006, 623 millions fin 2007 et 963 millions d’euros à la fin de l’année dernière.

Les crédits votés pour 2009 ne permettent pas de mettre fin à cette situation. Au mieux, ils réduiraient le découvert d’environ 100 millions, sur un total de près d’un milliard d’euros. Les crédits proposés pour 2010, soit 1250 millions d’euros, se bornent à compenser l’augmentation attendue de la charge de l’État l’année prochaine et n’autoriseront pas de résorption du découvert de l’État auprès du Crédit foncier. En d’autres termes, le déficit budgétaire réel de l’État continuera à être sous-évalué l’année prochaine et le Crédit foncier demeurera un banquier occulte de l’État. Pourtant, ce n’est pas faute pour la Cour des comptes ou pour moi-même de l’avoir dénoncé. Mais le Gouvernement écoute-t-il? Ou plutôt entend-il?

Le programme « Épargne » se caractérise également par l’importance des dépenses fiscales qui y sont rattachées. Elles ont augmenté ces dernières années, passant de 4,9 milliards d’euros en 2007 à plus de 6 milliards en 2010. Mais l’évaluation tant de leur montant que de leurs effets reste largement défaillante.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . J’approche de ma conclusion, madame la présidente.

Rappelons pourtant que l’article 12 de la loi de programmation des finances publiques votée il y a quelques mois exige une évaluation de l’efficacité et du coût de l’ensemble du stock de dépenses fiscales d’ici au 30 juin2011. Où en est-on?

Pour conclure, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois vous dire mon embarras et pour tout dire mon désarroi.

Les années précédentes, en dépit de mes réserves sur les budgets qui nous ont été présentés par le Gouvernement, par sens des responsabilités, j’ai toujours demandé à notre assemblée d’adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ». Il est en effet pour le moins difficile d’appeler au non-paiement des intérêts de la dette de l’État. De ce point de vue, il est d’ailleurs de mon devoir d’indiquer à notre assemblée que la commission des finances a adopté les crédits de la mission, le 29 octobre dernier. Toutefois, à titre personnel et exceptionnel, j’appelle cette année au rejet des crédits proposés pour 2010 afin de tirer symboliquement la sonnette d’alarme pour appeler l’attention sur la dérive actuelle de notre endettement et, surtout, l’absence de toute perspective crédible de redressement à moyen terme.

Une mécanique s’est enclenchée. Et la machine folle est déjà lancée à belle allure. Elle peut prendre de la vitesse encore si la conjoncture ne se ranime pas et si les taux d’intérêt se relèvent, et elle va s’accélérer encore du fait de l’énergie supplémentaire que lui insufflera le futur grand emprunt. Qui l’arrêtera? Et surtout, déjà, en a-t-on bien conscience? Les allégements fiscaux et les cadeaux fiscaux continuent comme si de rien n’était et les milliards d’euros continuent de couler à flot dans le fleuve d’une dette dont les barrages disparaissent les uns après les autres sous le niveau des eaux et qui envahit progressivement les terres des générations futures. Combien de temps encore est-il possible d’ignorer cela?

Merci, mes chers collègues, de vous mobiliser pour que cet appel soit entendu. Merci, madame la secrétaire d’État, de nous rassurer, si vous le pouvez.

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, suppléant M. Jean-Yves Cousin, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les remboursements et les dégrèvements.

M. Camille de Rocca Serra, suppléant M. Jean-Yves Cousin, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les remboursements et les dégrèvements. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, veuillez excuser mon collègue Jean-Yves Cousin qui m’a demandé de bien vouloir le suppléer pour présenter la mission « Remboursements et dégrèvements ».

L’actualité de cette mission est particulièrement fournie cette année.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est un euphémisme!

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial . En effet, les mesures du plan de relance en 2009 puis la réforme de la taxe professionnelle en 2010 ont eu un impact important sur ses crédits. Mais, au-delà des mouvements budgétaires, je m’attarderai plus particulièrement sur l’évolution de la nomenclature de la mission et sur une proposition relative à une meilleure maîtrise de la dépense fiscale.

Je souhaiterais d’abord souligner le fait que la mission « Remboursements et dégrèvements » se situe au cœur de la politique fiscale du Gouvernement et qu’elle traduit tant les mesures fiscales du plan de relance que la future réforme de la taxe professionnelle.

En 2009, en effet, les crédits de la mission atteindraient un niveau record, soit 113,7 milliards d’euros, ce qui représente une proportion historique de 35 % des recettes fiscales nettes.

Cette augmentation sans précédent des crédits de la mission s’explique par deux raisons principales: les mesures fiscales du plan de relance, pour 15,6 milliards d’euros, et le niveau très important des restitutions d’acomptes d’impôt sur les sociétés, pour 18 milliards d’euros, soit 8 milliards de plus que l’année précédente du fait de la chute de 25 % du bénéfice fiscal des entreprises pour 2008.

Après cet exercice 2009, exceptionnel à maints égards, l’année 2010 devrait retrouver un niveau de crédits plus normal du fait de la disparition des mesures de relance. La prévision s’établit à 94,8 milliards d’euros. Un événement majeur commencera toutefois à produire ses effets dès l’an prochain : la réforme de la taxe professionnelle. Celle-ci s’accompagne, en effet, de la suppression de l’ensemble des dégrèvements liés à cet impôt. Ceux-ci seraient très partiellement compensés par la création de dégrèvements sur la nouvelle contribution économique territoriale. Cet effet sera modéré en 2010 car la plus grande partie des dégrèvements, notamment le plafonnement à la valeur ajoutée, est versée avec un an de retard. À terme, ils ont vocation à disparaître; le programme 201 perdrait donc plus de la moitié de son volume de crédits.

Avant de conclure, je ferai un point rapide sur l’évolution de la nomenclature et les moyens d’améliorer l’information du Parlement sur les crédits de la mission.

À compter du présent projet de loi, les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État seront classés selon l’objectif qu’ils poursuivent, et non plus selon la nature de l’impôt auquel ils se rattachent,

Trois actions composeront désormais le programme 200: les remboursements et dégrèvements relatifs à la mise en œuvre d’une politique publique – prime pour l’emploi, crédit d’impôt recherche, etc. – ; les remboursements et dégrèvements relatifs à la mécanique de l’impôt – remboursements de crédits de TVA non imputée, restitutions d’acomptes d’impôts sur les sociétés –; enfin les remboursements et dégrèvements relatifs à la gestion des produits de l’État – restitution de sommes indûment perçues, admissions en non-valeur.

Cette évolution est particulièrement bienvenue. Elle constitue un progrès important dans l’information du Parlement et répond à un engagement pris par le ministre du budget.

J’ai formulé dans mon rapport diverses propositions qui pourraient prolonger cette réforme. Je souhaite appeler votre attention, Madame la secrétaire d’État, sur l’une d’elles, dont la mise en œuvre est permise par la nouvelle nomenclature : l’intégration dans la norme de dépense des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques.

Ces dépenses constituent, en effet, la partie restituée de dépenses fiscales et, plus particulièrement, des crédits d’impôts. Elles ne représentent que 10 % environ du montant total des dépenses fiscales mais concernent des dispositifs importants, comme le crédit d’impôt recherche, la prime pour l’emploi ou les différents crédits d’impôt sur le revenu. L’intégration de ces crédits dans la norme de dépense permettrait de trouver un juste milieu entre l’exclusion des dépenses fiscales de toute norme contraignante et leur inclusion en totalité dans la norme de dépense.

Je suis conscient des limites d’une telle évolution. La principale est le manque de visibilité dont dispose l’administration pour prévoir l’évolution des remboursements et dégrèvements, ce qui entrave le pilotage de la norme de dépense. L’efficacité de ce pilotage serait également amoindrie car le Gouvernement dispose de peu de moyens pour agir sur le niveau de ces dépenses. Mais c’est déjà le cas de nombreux crédits inscrits dans la norme, comme le prélèvement européen ou les dépenses sociales « à guichet ouvert ».

Toutefois, je pense qu’une telle évolution fait sens. Attendons de voir quels résultats donneront les nouveaux instruments de régulation de la dépense fiscale. Pour la première année de mise en œuvre, le bilan est mitigé car l’abaissement du taux de TVA dans la restauration a bouleversé tant l’application de la règle de gage que la réalisation de l’objectif de dépense fiscale. Si l’on constate, dans quelques années, que ces outils sont inefficaces, l’intégration, au sein de la norme de dépense, des remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques constituerait alors la prochaine étape dans la maîtrise des dépenses fiscales.

Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement percevrait-il une telle évolution ? Pour ma part, je pense que, malgré ses défauts, elle pourrait être efficace pour combattre le dynamisme de la dépense fiscale. En effet, le jour où des annulations de crédits devront être prises pour compenser le coût des crédits d’impôts, on peut espérer qu’il y ait une vraie prise de conscience, par tous les acteurs, des problèmes budgétaires que posent les dépenses fiscales.

Pour conclure, je souligne que la mise en œuvre de la nouvelle nomenclature constitue un progrès important dans l’amélioration de l’information du Parlement. Elle pourrait permettre, à moyen terme, d’intégrer une partie de la dépense fiscale dans la norme de dépense.

Votre rapporteur spécial vous propose d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits.

Mme la présidente. Monsieur de Rocca Serra, je vous propose de rester à la tribune pour intervenir maintenant en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les participations financières de l’État et pour les avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

Vous avez la parole pour quinze minutes.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les participations financières de l’État et pour les avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics. Madame la présidente, j’essaierai d’être plus bref.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . C’est dommage!

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial . Ne gaspillons pas non plus le temps!

Traditionnellement, la présentation des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » est l’occasion d’établir un bilan de santé de nos entreprises publiques et d’évoquer la gestion de l’État actionnaire. Avant d’aborder plus précisément ces deux sujets, il me semble nécessaire de faire un point rapide sur les crédits du compte.

En 2009, la crise a limité les opportunités de cession et donc les recettes du compte. Hors versement au fonds stratégique d’investissement, sur lequel je reviendrai, elles s’élèvent à 358 millions d’euros. Les dépenses, hors FSI, s’établissent à 138 millions d’euros, la principale étant la souscription d’obligations convertibles émises par Air France pour 103 millions d’euros.

Pour 2010, la prévision est fixée, de manière conventionnelle, à 5 milliards d’euros de recettes et dépenses. Ce montant est dépourvu de valeur prédictive pour éviter de révéler au marché les intentions de l’État actionnaire. On peut toutefois anticiper que l’augmentation de capital de La Poste, suivie à hauteur de 1,2 milliard d’euros par l’État, mobilisera une part importante des ressources.

La faible activité du compte en 2009 est bien l’un des nombreux symptômes de la crise économique et financière que nous traversons, la plus sévère depuis la Libération. Pour gagner cette bataille, l’État actionnaire a su, avec beaucoup de pragmatisme, adapter sa stratégie. Il poursuit une politique de défense des participations historiques, en participant au financement d’Air France par exemple.

Mais l’État sait aussi aller de l’avant et mener une politique offensive en donnant une impulsion nouvelle à sa politique. Au-delà du soutien aux établissements de crédit, dont on a déjà longuement débattu dans cet hémicycle, cette stratégie volontariste peut être illustrée par deux actions conduites par l’État : la création du Fonds stratégique d’investissement et l’augmentation du capital de La Poste.

La création du FSI répond à la volonté du Président de la République de faire de la crise une opportunité pour le développement de notre pays et de donner un nouvel élan à la politique industrielle.

Avec le Fonds stratégique d’investissement, l’État mène une politique offensive d’investissement dans les entreprises innovantes en croissance. Il développe la prise de participation dans des entreprises jugées stratégiques pour le développement économique ou l’intérêt national. Il s’agit notamment de valoriser la recherche et développement pour attirer et développer des compétences scientifiques, techniques et industrielles stratégiques. Mais il ne s’agit pas de le faire à fonds perdus. La rentabilité des investissements et la viabilité des projets sont inscrites dans l’ADN du fonds.

Un point clé de cette nouvelle morphologie de l’État actionnaire est la nécessaire coordination entre l’Agence des participations de l’État et le Fonds stratégique d’investissement. L’APE exerce sur le FSI un contrôle de même nature que celui qui porte sur les autres sociétés de son périmètre. Elle est présente au conseil d’administration ainsi qu’au comité d’investissement. La cohérence de la stratégie de l’État actionnaire est un élément central et il faut espérer que les liens entre l’APE et le FSI permettent de l’assurer.

L’objectif de soutien à l’innovation, fixé au FSI, se retrouve dans la logique du grand emprunt. Pourquoi ne pas affecter une partie des fonds au renforcement du capital du FSI ? Une telle option répondrait à la double condition d’un investissement rentable pour l’économie et pour l’État. Il est vrai qu’un tel choix pourrait rencontrer certains obstacles, notamment la nécessité pour la Caisse des dépôts de suivre l’augmentation de capital alors qu’elle dispose de ressources limitées. C’est néanmoins une piste que je crois intéressante. Nous aurons sans doute l’occasion d’en débattre lors de l’examen du collectif budgétaire prévu au début de l’année prochaine.

Le changement de statut et l’augmentation de capital de La Poste constituent l’autre élément majeur de l’actualité de l’État actionnaire.

Qu’est-ce que La Poste aujourd’hui? Avec 300000 emplois au sein du groupe, c’est le deuxième employeur après l’État. C’est un symbole solidement ancré dans le quotidien des Français. C’est le service universel postal, le service public du transport et de la distribution de la presse, l’accessibilité bancaire, l’aménagement du territoire.

Au sein de la majorité comme du Gouvernement, nous sommes très attachés à ce que La Poste demeure cette entreprise de service public quotidiennement au contact des Français. Son évolution est aujourd’hui nécessaire car elle est confrontée à un double défi.

D’une part, La Poste doit faire face au défi de l’ouverture totale à la concurrence, qui aura lieu le 1 er janvier 2011. Il semble qu’elle accuse déjà un certain retard par rapport à ses homologues européens. À titre d’exemple, on peut citer le groupe Deutsche Post World Net qui réalise un chiffre d’affaires et un résultat net trois fois supérieurs aux siens.

D’autre part, La Poste doit également faire face au défi de la dématérialisation des échanges. Son activité courrier a ainsi chuté de 3,3 % au premier semestre 2009.

Pour affronter ce nouvel environnement, le groupe doit investir entre 7,3 et 9 milliards d’euros pour la période 2009-2012, qui ne seront couverts par autofinancement qu’à hauteur de 3,6 milliards selon ses estimations. Il manque donc au minimum 2,7 milliards d’euros au groupe. Avec un endettement représentant 175 % de ses fonds propres, soit 6 milliards d’euros de dettes et 300 millions de charges financières, aucun développement par financement externe n’est plus possible. Seule l’augmentation de capital peut lui donner les moyens de sa modernisation.

Je souhaiterais insister sur un point qui me semble important. Il existe, au sein de la direction du groupe, une vraie vision de ce que sera l’entreprise dans dix ou quinze ans. L’augmentation de capital sera donc mise au service d’un projet de long terme, qui permettra à La Poste de s’adapter à son nouvel environnement.

Avant de conclure, je ferai un point très rapide sur l’état, dans le contexte de crise, des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation. Deux entreprises souffrent particulièrement du ralentissement : Air France et Renault. Renault a profité de l’aide de l’État, directe via les prêts aux constructeurs automobiles, et indirecte via la prime à la casse. L’État a également contribué au financement d’Air France en souscrivant, à hauteur de 103 millions d’euros, à une émission d’obligations convertibles. Toutefois, il semblerait qu’Air France n’ait pas bénéficié des moyens offerts par l’État pour faciliter l’acquisition d’avions, qui ont été prévus dans le cadre du dispositif de financement de l’économie.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous éclairer l’Assemblée sur ce point, en précisant pour quelle raison Air France n’a pu avoir accès à ces aides alors que, d’après les informations que j’ai reçues, les compagnies étrangères pouvaient y avoir accès?

Par ailleurs, EDF s’est lancée dans un vaste mouvement d’acquisitions en vue de développer son parc nucléaire. L’électricien a acquis, début 2009, British Energy pour environ 13 milliards d’euros et a reçu, le 3 novembre dernier, l’autorisation du régulateur américain d’acquérir la moitié des actifs nucléaires de Constellation , pour 4,5 milliards de dollars. Cette politique de croissance externe a été financée par la dette. S’il est vrai qu’EDF perçoit des revenus réguliers et importants, l’on ne peut écarter l’hypothèse que la course au nucléaire, que l’on constate depuis quelque temps, ne conduise à mener une politique de croissance externe peut-être trop ambitieuse.

Compte tenu des précédents – je pense notamment à l’état de France Télécom à la suite de l’éclatement de la bulle Internet en 2002 –, vous comprendrez, madame la secrétaire d’État, que l’on puisse être inquiet du fort endettement du groupe. Le rapport entre dette nette et fonds propres pourrait en effet dépasser 150 % à la fin de l’année. Pourriez-vous nous dire comment EDF fera face à cette charge et si l’hypothèse de la formation d’une bulle autour du nucléaire est plausible?

Pour conclure, je souhaiterais souligner la remarquable réactivité dont a fait preuve l’État actionnaire pendant la crise. Il a su adapter sa stratégie avec pragmatisme tout en continuant à assumer ses responsabilités, comme en témoigne l’injection de plus d’un milliard dans La Poste. Par ailleurs, après avoir auditionné quelques représentants des entreprises dont l’État est actionnaire, je tiens à saluer la qualité du travail accompli par l’agence des participations de l’État.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur spécial, mes chers collègues, vous propose d’adopter les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Louis Giscard d'Estaing. Très bien!

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion générale. Je vais suspendre la séance quelques instants pour permettre aux orateurs inscrits de rejoindre l’hémicycle.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est aussitôt reprise.)

Mme la président. La séance est reprise. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Nous examinons ce soir non pas une mais quatre missions budgétaires, « Engagements financiers de l'État », « Remboursements et dégrèvements », ainsi que les missions associées au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et au compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Ce choix, peu conforme à l’esprit de la LOLF, de regrouper l'examen de ces quatre missions en une seule discussion commune peut étonner. Quitte à paraître le justifier, je vais cependant essayer de saisir cette occasion de mettre en exergue deux grands traits de la politique budgétaire du Gouvernement.

En effet, ces missions présentent deux points communs, qui illustrent parfaitement deux travers gouvernementaux, la désinvolture – le mot est sans doute un peu faible – à l'égard du Parlement et l'irresponsabilité dans la gestion des finances publiques.

Les deux missions budgétaires que nous examinons ce soir sont particulièrement importantes par leur montant. A elles deux, elles atteignent en effet 139 milliards, soit plus du tiers du budget de l'État ! Pour peu qu'on se souvienne qu'aux termes de la Constitution, le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques », on devrait s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup à contrôler, beaucoup à évaluer, et donc beaucoup à débattre.

Pourtant, force est de constater que les trois heures et quinze minutes de temps imparti au débat sur ces missions et sur le compte d’affectation spéciale, qui seront réduits, je pense, à moins d’une heure, n'ont pas attiré sur ces bancs la foule des grands jours. Même Mme Lagarde et M. Woerth, qui ont – Mme Idrac ne m'en voudra pas de le relever – des portefeuilles plus en phase avec ces missions budgétaires, ne sont pas présents. Je me refuse à croire que l'horaire, en fin d’après-midi, ou le jour choisi, un lundi, voire la matière supposément aride de ces missions soient la cause de ce manque d'affluence.

Si nous sommes si peu nombreux, c'est parce que la désinvolture du Gouvernement à l'égard de la représentation nationale et de son pouvoir de contrôle et d'évaluation empêche tout débat véritable. Il ne s'agit pas là d'affirmations gratuites mais d'un constat.

J’en veux pour preuve le délai de réponse aux questionnaires des rapporteurs spéciaux. Si M. de Rocca Serra, à la date du 10 octobre, délai fixé par la LOLF pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires, a pu recevoir 95 % de réponses, M. Cousin, rapporteur spécial pour la mission « Remboursements et dégrèvements », n'en avait reçu que 50%, et mon collègue M. Baert, rapporteur spécial pour la mission « Engagements financiers », aucune! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. C’est vrai! Merci de le rappeler.

M. Jean-Pierre Balligand. Mes chers collègues, s’il s’agissait de budgets ridicules, la question ne serait pas grave, mais nous touchons là le fond du tonneau des Danaïdes! La situation est plus qu’inquiétante!

Surtout, la désinvolture du Gouvernement transparaît dans le choix des objectifs et des indicateurs retenus pour l'évaluation de la performance. La mission « Remboursements et dégrèvements » en est un exemple parfait, comme le relève le rapporteur spécial.

Quels sont les indicateurs retenus pour cette mission ?

Le programme 200, qui porte sur les impôts d'État et regroupe tout de même plus de 78 milliards de crédits dans le PLF 2010, ne dispose en tout et pour tout que d'un seul objectif! Celui-ci, intitulé « Permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible », est décliné en trois indicateurs dont l’examen révèle que les niveaux qui leur sont assignés pour cibles sont très peu ambitieux. Pour le premier indicateur par exemple, qui est le « Taux de demandes de remboursement de crédit TVA non imputable et de restitutions d'impôts sur les sociétés remboursées dans un délai inférieur ou égal à 30 jours », les prévisions et les cibles ont été et continuent d'être à 80 % alors même que toutes les réalisations avoisinent les 90 % ! On pourrait en déduire que la direction générale des finances publiques a trouvé un moyen commode de satisfaire ses objectifs sans faire trop d'efforts. Il n'en est rien, comme l'explique M. Cousin dans son rapport. Si « les cibles des indicateurs actuels sont déterminées de telle manière qu'aucun progrès en termes de rapidité ne puisse être fixé », c'est parce que ce programme « marche sur une seule jambe », écrit-il : « L'administration est en effet consciente du biais qu'introduit un indicateur unique de rapidité et vise ainsi à l'équilibrer par des objectifs peu ambitieux, pour ne pas sacrifier la régularité à la rapidité. » Autrement dit, le fait que Bercy n'ait encore – huit ans après le vote de la LOLF ! – défini qu'un seul objectif pour ce programme lui permet de justifier la fixation de cibles inférieures à ses propres performances pour les indicateurs liés à ce même objectif… Cette mission marche peut-être sur une seule jambe, monsieur Cousin, mais nous, nous marchons sur la tête pour accepter une telle situation !

Le même constat s'applique au programme 201, relatif aux impôts locaux, si ce n'est qu'il ne dispose pas de trois mais d'un seul indicateur... Certes, on pourrait objecter que les lacunes de ce dispositif d'appréciation de la performance tiennent en partie à l'architecture très particulière de cette mission. L'absence de crédits de personnel interdit ainsi d'espérer apprécier le coût de gestion de ces dégrèvements et remboursement. De surcroît, cette mission comprend, outre des remboursements liés à la « mécanique » de l'impôt, comme les remboursements d'acomptes, des dépenses liées à des politiques publiques comme le crédit d'impôt recherche ou la prime pour l'emploi. Or la Cour des comptes et les commissions des finances des deux assemblées ont souhaité, depuis plusieurs années, que cette architecture soit modifiée ou au moins aménagée. Des difficultés techniques ont certes pu être mises en avant par le Gouvernement, mais elles ne suffisent pas à expliquer pourquoi, alors que la Cour des comptes avait souligné dès 2007 un « pilotage très allégé » des crédits de cette mission, la seule évolution mise en oeuvre depuis lors consiste en une modification, certes intéressante mais somme toute limitée, de la nomenclature de la présentation par actions du programme 200.

Enfin, le dernier exemple de la désinvolture du Gouvernement à l'égard de la capacité de contrôle du Parlement réside dans le caractère virtuel du budget qu'il présente.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . En effet!

M. Jean-Pierre Balligand. Je reprends à dessein le terme de mon collègue Dominique Baert car c'est bien sûr la gestion de la dette qui est le plus en cause en la matière. Les lois de finances pour 2008 et 2009 avaient déjà donné l'occasion de sous-estimer grandement le besoin de financement de l'État. Celui-ci était de 164 milliards en 2008, soit 11,5% de plus que les 147 milliards figurant en loi de finances initiale ; il devrait atteindre 253 milliards en 2009, soit 40,5% de plus que la prévision initiale de 180 milliards. Cette année, nous allons franchir un nouveau cap. En effet, alors que l'on sait depuis le congrès de Versailles que le Gouvernement entend réaliser un emprunt « national », que son montant doit être défini avant la fin de l'année et que toutes les pistes évoquées aujourd'hui à son sujet se chiffrent en dizaines de milliards, l'impact de cet emprunt sur la dette de l'État et sur le coût de celle-ci n'est tout simplement pas évoqué dans le projet de loi de finances! Comme l'année dernière, où nous n’avions pas voté moins de cinq lois de finances en sept mois, le Gouvernement persévère dans sa volonté de s'adapter au rythme des annonces présidentielles en ne présentant plus des lois de finances valables pour un an mais pour quelques mois au mieux.

Cette question de l'emprunt me permet d'aborder l'autre point commun des missions budgétaires que nous examinons ce soir. Toutes ont en effet, selon des modalités certes diverses, un lien direct avec l'équilibre des finances de l'État, dans la mesure où toutes font intervenir une dimension relative aux ressources de financement de l'État.

C'est évident pour la mission « Remboursements et dégrèvements d'impôts », à tel point que notre collègue sénatrice madame Beaufils a pu suggérer de considérer une partie de ses crédits comme des « atténuations de recettes ».

C'est également le cas de la mission « Engagements financiers de l'État », et en particulier du programme qui concentre 96% de ses crédits, « Charge de la dette et trésorerie de l'État », puisque c'est ce programme qui permet de faire le grand écart entre les dépenses et des recettes toujours plus fragilisées par la politique de dépenses fiscales tous azimuts du Gouvernement.

C'est enfin le cas des missions associées aux comptes « Participations financières de l'État » et « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », du fait même de leur nature de compte. L'examen de ces deux missions fournit donc l'occasion de faire le point sur votre politique financière, marquée par une explosion de la dette de l'État, du fait notamment de la multiplication irresponsable de cadeaux fiscaux. La hiérarchie des montants des programmes budgétaires en offre un symbole éclatant: après le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » vient immédiatement le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » ; de même, l'accroissement de la dette publique est-il d'abord la conséquence de l'augmentation des dépenses fiscales – même si évidemment, le périmètre du programme 200 ne recoupe que très imparfaitement celui des dépenses fiscales.

À cet égard, il faut tordre le cou à l’idée que cette augmentation de la dette de l’État s’explique d’abord par une conjoncture économique défavorable.

En premier lieu, la dette de l’État est passée de 48 % du PIB en 2002 à plus de 53 % en 2008 – avant la crise. Entre2003 et2008, toujours avant la crise, elle avait progressé de plus de 230 milliards d’euros. La Cour des comptes estime que la baisse des recettes fiscales du fait des décisions prises depuis 2004 a aggravé de 39 milliards d’euros le déficit annuel.

En second lieu, la conjoncture économique, si bien sûr elle a eu un effet négatif sur l’équilibre budgétaire de l’État par le jeu des stabilisateurs automatiques, a également permis de limiter l’effet de la charge de la dette sur cet équilibre. En effet cette conjoncture a été marquée par un effondrement des taux d’intérêt en 2009. Cela a permis de limiter le coût de la charge de la dette, qui devrait s’élever à 38,5 milliards d’euros cette année contre 43 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale, alors même que le stock de la dette explosait.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Un coup de chance!

M. Jean-Pierre Balligand. Sans doute. En tout état de cause, cette explosion devrait faire sentir ses effets dès l’année prochaine, puisque, par rapport à l’exécution 2009, le coût de la dette devrait augmenter de 4 milliards, dont 1,8 milliard au titre de l’effet volume – c’est-à-dire de la croissance du besoin de financement lié au stock de la dette –, 1,7 milliard du fait de l’inflation et 0,6 milliard du fait des effets de taux.

En 2011, selon l’Agence France Trésor, la hausse de la charge de la dette pourrait être comprise entre 4 et 6 milliards, soit, comme le remarque le rapporteur général Gilles Carrez, « l’intégralité de la progression des charges qu’autorise chaque année la norme de dépense ».

D’ailleurs, ces prévisions sont pour le moins fragiles. Ainsi, si le Gouvernement anticipe, pour la période 2010-2012, une stabilisation du besoin de financement autour de son niveau de 2010, c’est-à-dire du montant record de 212 milliards d’euros, cette prévision repose sur des hypothèses particulièrement généreuses.

D’abord, le Gouvernement parie sur une réduction du déficit budgétaire de 36 milliards en trois ans, alors que son bilan en la matière comme ses toutes dernières décisions – telle la réforme non financée de la taxe professionnelle – montrent plutôt son incapacité à agir dans ce sens.

Ensuite, les hypothèses économiques retenues restent très optimistes, puisque le Gouvernement prévoit une progression moyenne de 2,5 % du PIB sur la période 2011-2013, alors que la croissance prévue pour 2010 est de 0,75 % et qu’elle devrait être de moins 2,25 % en 2009.

Enfin, le Gouvernement fait le pari du maintien de taux d’intérêt bas, malgré le retour de la croissance. Or qu’en sera-t-il en cas de remontée des taux d’intérêt? Le bleu budgétaire comprend, page 53, un graphique qui simule l’impact d’une hausse générale des taux de 1 %: comme l’a indiqué Dominique Baert, cela entraînerait un surcoût de 2,5 milliards d’euros en 2010 et de 4,2 milliards en 2011.

Certes, les banques centrales n’ont pas encore relevé leurs taux d’intérêt et rien n’indique qu’elles s’apprêtent à le faire à court terme, disons d’ici à la fin de l’année. Mais une reprise de l’activité pourrait entraîner une hausse des taux en 2010, d’autant que le taux moyen de la dette en septembre2009 est de 3 %. En outre, comme l’a relevé Dominique Baert, la part des financements de court terme atteint aujourd’hui des niveaux historiques, ce qui nous rend très sensibles à une augmentation des taux.

Il est donc probable que le déficit sera encore supérieur, augmentant du même coup le stock de la dette et le coût de celle-ci. Au-delà des querelles qui peuvent exister sur telle ou telle orientation, cette question de l’accroissement de la dette avec un risque d’explosion, ne serait-ce que par une remontée modeste des taux courant 2010 ou 2011, mettra la France dans une situation effrayante. Pour nous, socialistes, c’est un sujet de préoccupation, d’autant qu’on parle à présent du grand emprunt et que rien n’est budgété. Nos lois de finances deviennent surréalistes! Voilà ce que je voulais dire, au nom du groupe socialiste, en concordance avec les propos de Dominique Baert, rapporteur spécial.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Très bien!

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jardé.

M. Olivier Jardé. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la dette publique de notre pays est un mal endémique, un poison qui gangrène nos finances depuis des décennies. J’aimerais profiter de cette discussion sur la mission « Engagements financiers de l’État » pour vous montrer que cette situation sera insoutenable à moyen et long terme.

Entre2007 et2009, la dette publique au sens de Maastricht est passée de 63,8 % à 84 % du PIB pour atteindre aujourd’hui un niveau record, à hauteur de 1650 milliards d’euros. La dernière fois qu’un budget à l’équilibre a été voté, c’était il y a vingt-huit ans, avec le budget pour 1981 de Raymond Barre. Nous sommes aujourd’hui bien éloignés de ces considérations, puisque la seule charge de la dette a vocation à devenir le premier poste de dépenses de notre pays.

Croyez-vous, mes chers collègues, qu’il s’agisse d’une situation saine pour les générations qui vont nous succéder? Croyez-vous qu’il s’agisse d’un signal politique encourageant et rassurant pour nos concitoyens?

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Franchement non!

M. Olivier Jardé. Le groupe Nouveau Centre et moi-même n’adoptons pas aujourd’hui un discours de circonstance. Nous l’avons toujours dit et nous continuerons à le dire: la France ne peut vivre indéfiniment à crédit.

La lutte contre la spirale de l’endettement est une priorité pour l’avenir de notre pays. Il en va de notre capacité à financer des dépenses d’avenir, les dépenses d’investissement dont dépend notre faculté de développer une croissance durable et solidaire.

L’endettement public pourrait s’approcher de 90 % du PIB en sortie de crise. On estime d’ailleurs qu’en 2012, la charge de la dette publique serait supérieure de plus d’une vingtaine de milliards d’euros à celle versée en 2008 et avoisinerait 80 milliards d’euros. Demain, le montant des intérêts de la dette ressources pourrait donc dépasser les seules ressources issues de l’impôt sur le revenu. C’est un niveau historique, jamais atteint en dehors des périodes de guerre.

On peut se demander jusqu’où cette évolution peut se poursuivre puisque, s’il est possible de financer à court terme un écart entre dépenses et recettes par l’émission de dette, la dette présente doit pouvoir être remboursée par des surplus futurs. C’est la question de la soutenabilité de la dette. Or, rien n’est garanti en la matière.

Je profite également de cette discussion pour vous rappeler l’augmentation croissante de la part de détention par les non-résidents des titres de la dette négociable de l’État, qui est passée de 54,3 % en août2005 à 65,7 % en juin2009.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Eh oui!

M. Olivier Jardé. À ce rythme, c’est l’indépendance même de la gouvernance économique de la nation qui est menacée.

Je ne déplore pas pour autant l’accroissement de la dette lié à la crise systémique qui n’a pas épargné notre pays. Le Nouveau Centre et moi-même l’avons toujours dit: l’effort substantiel que constituent le plan de relance et la levée de fonds – non moins substantielle – à laquelle donnera lieu le grand emprunt d’État apportent et apporteront une réponse structurelle et pérenne au développement économique de notre pays face à la crise. On retrouve là la distinction, opérée par le Président de la République devant le Congrès, entre trois types de déficits: le « mauvais déficit », celui qui finance les  « mauvaises dépenses »; le déficit imputable à la crise; enfin celui qui finance les dépenses d’avenir.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est dommage de changer de ton et de passer à la langue de bois!

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . M. Jardé avait pourtant bien commencé!

M. Olivier Jardé. Il serait irresponsable de ma part de prétendre le contraire. Mais cela ne veut pas dire pour autant que nous devons prendre la crise pour alibi. Cela ne signifie notamment pas que nous devons nous exonérer de toute forme de perspective concernant le retour à l’équilibre de nos finances publiques. Comme le disait le Président lui-même, « le mauvais déficit doit être ramené à zéro par des réformes courageuses ».

Enfin, j’ajoute qu’il serait illusoire de croire qu’un simple retour de la croissance pourra résorber les déficits structurels de l’État, par ailleurs largement sous-évalués par le Gouvernement à hauteur de 45 milliards d’euros.

D’autres grandes économies occidentales l’ont fait. Citons, ainsi deux exemples significatifs: le Royaume-Uni et l’Allemagne. Je rappelle d’ailleurs que l’Allemagne a eu le courage de fixer, dans sa Constitution, un niveau maximal de déficit.

Même théorique, puisque évidemment indexé sur l’évolution du contexte économique mondial, ce retour à l’équilibre est le signe d’une volonté politique ferme et courageuse. On ne peut pas d’un côté se battre pour l’avenir économique de notre pays et, de l’autre, jeter un voile sur la situation terriblement dégradée de nos comptes publics. L’un comme l’autre concernent l’avenir et la pérennité de notre économie. Tel est le message que je voudrais vous délivrer aujourd’hui.

Ce combat n’est pas un combat d’arrière-garde: c’est un combat d’avenir. Il y va de la pérennité de notre modèle de développement comme de l’indépendance économique de notre nation. Le groupe Nouveau Centre et moi-même sommes résolus à le mener jusqu’à son terme. Nous devons sortir renforcés de cette crise. La crise doit être une opportunité, le moment de revoir tous les modèles économiques qu’elle a balayés. Elle a déjà fait de nous les agents du changement. Je prédis et j’ose espérer qu’elle fera de nous les agents d’un changement responsable.

Mme la présidente. Nous avons fini d’entendre les orateurs inscrits.

La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État chargée du commerce extérieur. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, messieurs les députés, je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de Christine Lagarde et d’Éric Woerth, qui m’ont demandé de présenter les crédits de cette mission. Cela me vaut le plaisir de retrouver une matière que j’appréciais beaucoup lorsque je siégeais, voilà quelques années, parmi vous et au sein de la commission des finances.

Comme l’a souligné le rapporteur spécial Dominique Baert, les travaux des parlementaires qui se sont penchés sur ces sujets sont d’une telle qualité que je peux me permettre de mettre simplement l’accent sur certains points, sans avoir à revenir sur la présentation d’ensemble.

Je commencerai par le compte spécial « Participations financières de l’État » en indiquant la grande satisfaction du Gouvernement d’entendre saluer le rôle de l’Agence des participations de l’État. Comme vous avez pu le constater au cours des derniers mois, nous avons fait preuve, en la matière, à la fois de pragmatisme – pour reprendre un terme utilisé par M. de Rocca Serra – et de volontarisme. L’État a été un actionnaire réactif et vigilant pendant les turbulences de la crise, particulièrement présent aux côtés des entreprises publiques qui ont été affectées à des degrés divers. Il les a accompagnées et les accompagne, avec bien sûr une vigilance accrue sur leur gestion financière, la maîtrise de leurs risques et leur stratégie de développement.

L’État a su prendre des mesures d’urgence – je pense au pacte automobile, au plan de soutien aux banques – et se doter de nouveaux moyens d’intervention, tel le Fonds stratégique d’investissement, dans des conditions de cohérence et de projection vers l’avenir qu’a rappelées Camille de Rocca Serra.

S’agissant de La Poste, il a eu raison de rappeler l’ambition de l’État et sa prochaine souscription à l’augmentation de capital, qui concrétisera entre autres cette ambition.

Je voudrais souligner un dernier point, non évoqué celui-là: l’État tient à assumer ses responsabilités d’actionnaire en faisant en sorte aussi que les entreprises publiques soient exemplaires. Je pense à la rémunération des dirigeants, et aux conditions de management dans la conduite du changement dans toutes les entreprises où cela est nécessaire.

Deux questions particulières ont été posées. La première concerne Air France et le financement des avions. En la matière, nous sommes très encadrés par les règles dites des pays producteurs, par lesquelles les organismes d’assurance crédit américains et européens sont convenus de ne pas financer les ventes d’Airbus et de Boeing aux compagnies présentes sur leur territoire respectif.

C’est pour cette raison qu’une éventuelle intervention de la SFEF, la Société de financement de l’économie française, n’aurait pas été possible: elle aurait été soumise à cette limitation.

Par ailleurs, il ne s’agit pas, par définition, d’achats à l’exportation. Or le mécanisme que nous avons mis en place avec la SFEF visait à faciliter l’accès des banques aux liquidités pour accompagner, justement, les projets d’exportations. Cela s’est d’ailleurs fait avec succès, comme on a pu le constater.

C’est la raison pour laquelle nous pensons aujourd’hui que deux voies doivent être envisagées pour faciliter les acquisitions d’avions par Air France, qui sont absolument nécessaires pour permettre à la compagnie d’améliorer sa compétitivité et l’accompagner dans les développements futurs, même si bien sûr la crise l’affecte comme ses concurrentes internationales.

La première voie consiste à continuer à travailler avec la Banque européenne d’investissement, qui permet aux compagnies aériennes de bénéficier de la facilité dite « transports propres », dont l’objectif nous semble tout à fait correspondre à ce que recherche Air France dans ses acquisitions.

La seconde voie est en fait la plus efficace, puisqu’il s’agit de travailler sur la capacité que possède d’ores et déjà Air France de rouvrir le marché obligataire. À plusieurs reprises, dans le cours du débat, on a ainsi évoqué l’accompagnement par l’État, à hauteur de103 millions d’euros, de l’émission d’obligations convertibles lancée par Air France.

J’indiquerai également que, si la question était tout à fait cruciale il y a quelques mois, elle l’est moins désormais, puisque, par exemple, Air France a réussi à mettre en place directement avec les banques le financement de quatre A380.

Vous avez posé une autre question, monsieur de Rocca Serra, sur les acquisitions américaine et britannique d’EDF et sur l’endettement qui en résulte.

Il faut d’abord rappeler l’intérêt tout à fait significatif de ces deux opérations pour le groupe EDF, dans le cadre d’une participation active de l’entreprise à ce qu’il faut bien appeler – et dont je constate personnellement l’existence‚– la relance, le renouveau du nucléaire au niveau mondial.

M. Jean-Pierre Balligand. C’est juste!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. L’acquisition de British Energy constitue ainsi une opération majeure, permettant à EDF de devenir le principal producteur d’électricité du Royaume-Uni et de confirmer son rôle de chef de file dans le renouveau britannique du nucléaire: la construction de centrales à réacteur EPR pourra aller jusqu’à quatre exemplaires dans ce pays.

S’agissant de l’opération d’acquisition de 49,9 % des actifs nucléaires de Constellation aux États-Unis, la logique est similaire, puisqu’elle permet à EDF d’entrer sur le principal marché nucléaire, aux côtés d’un partenaire local, afin de permettre à la technologie EPR de s’implanter sur ce marché stratégique.

Je voudrais d’ailleurs vous indiquer que, tout récemment, les accords nécessaires au niveau local – en l’occurrence, dans l’État du Maryland‚– ont pu être finalisés.

Bien entendu, le financement de ces opérations de croissance externe est réalisé principalement par l’endettement, comme vous l’avez rappelé. Mais il faut souligner, en regard de cette donnée, que les cash flows , générés par exemple par British Energy , permettent de couvrir la charge financière de la dette d’acquisition.

Je constate qu’au cours du premier semestre de2009, la croissance de l’EBITDA a été en grande partie portée par les activités internationales en forte progression.

Cela s’inscrit dans une tendance forte, observée au sein du groupe EDF depuis2005: ce sont les activités internationales qui, rentables dans tous les pays, assurent une croissance beaucoup plus forte que celle des activités du groupe sur le marché domestique.

Je voudrais également rappeler que, malgré la hausse de son endettement, EDF dispose d’une structure financière qui compte parmi les plus solides de son secteur au niveau international.

Par ailleurs, l’État accompagne bien sûr l’entreprise dans ses efforts en vue de renforcer sa structure financière, en jouant en particulier sur l’amélioration de la performance opérationnelle et sur l’accomplissement du programme de cession qui a été annoncé lors de la publication des résultats de l’exercice clos pour 2008.

Enfin, vous avez parlé d’une éventuelle « bulle sur le nucléaire ». Je crois véritablement – et vous le savez d’ailleurs fort bien‚– que les perspectives dynamiques de développement du nucléaire dans le monde sont au contraire particulièrement prometteuses et solides, en raison à la fois des besoins en énergie qui s’expriment à travers le monde et de la capacité du nucléaire à répondre à ces besoins de façon efficace du point de vue du développement durable.

J’en viens maintenant à la mission « Engagements financiers de l’État ». Tous les orateurs se sont exprimés sur la question de la dette et je voudrais, à cet égard, au nom du Gouvernement, faire preuve de la plus grande lucidité, d’autant plus que, comme l’a rappelé M. Jardé, cela fait vingt-huit ans que nous n’avons pas pu, dans notre pays, voter un budget en équilibre.

M. Jean-Pierre Balligand. Oui, mais là, c’est le pompon! (Sourires.)

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Eh oui!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Le besoin de financement de l’État diminue pourtant entre2009 et2010: il s’établit à 212 milliards d’euros.

Cette évolution est mécanique. Le besoin de financement est inférieur de 40,7 milliards d’euros à celui de2009, du fait d’un déficit budgétaire qui sera moindre, tout comme les amortissements de la dette à moyen et long terme.

Quant à la charge de la dette, il est prévu qu’elle s’élève à 42,5 milliards d’euros, soit un demi milliard de moins que l’année dernière et 2,7 milliards de moins que ce qui était prévu pour 2010 dans la loi de programmation des finances publiques. Cela résulte du niveau actuel des taux d’intérêt.

Il est vrai – comme vous l’avez dit‚–, et c’est pourquoi je parle de lucidité, que la charge de la dette devrait s’accroître fortement à partir de2011, d’une part sous l’effet du maintien d’un fort effet volume lié à l’augmentation de l’encours de dette lié au déficit, et, d’autre part, en raison des effets de taux qui – vous avez raison‚– pourraient malheureusement nous être moins favorables, à la faveur toutefois d’une situation économique mondiale qui, pour sa part, pourrait se révéler plus positive.

Le rythme d’augmentation de la charge de la dette sera donc fortement dépendant du rythme de remontée des taux d’intérêt et de l’évolution du besoin de financement. Nous savons qu’elle pourrait malheureusement augmenter en2011 et2012 de quelques milliards d’euros par an.

Malgré cela, il faut raison garder et prendre les choses avec une certaine sérénité, en étant conscients de notre capacité à maîtriser la situation.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Pourtant les digues ont lâché!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Je voudrais, à cet égard, répondre aussi bien à Dominique Baert qu’à Jean-Pierre Balligand sur quelques points.

D’abord, c’est depuis plus de trente ans – ce n’est donc pas lié, contrairement à ce que vous avez dit, au programme du gouvernement actuel‚– que notre dette évolue dans le sens indiqué.

Toutefois, lorsqu’on la compare, en pourcentage du PIB, à celle des pays voisins, elle n’est pas particulièrement élevée; elle a toujours été inférieure à celle du Japon ou de l’Italie. Nous occupons – et c’est cela que l’opinion publique devrait retenir‚– une position moyenne.

Par ailleurs, lorsque j’étudie les chiffres du FMI, la France est le pays où la hausse de la dette publique liée à la crise devrait être la plus contenue en termes de points de PIB, en comparaison avec des pays comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou le Japon.

En outre, la France émet aujourd’hui de la dette publique sur les marchés financiers dans les meilleures conditions de la zone euro, juste derrière l’Allemagne.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Êtes-vous sûre que cela va durer?

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. La France appartient bien à la catégorie des émetteurs les plus sûrs. Je voudrais donc rassurer les orateurs de la gauche à ce sujet!

L’Agence France Trésor n’a jamais eu de difficultés à trouver des investisseurs pour financer ses émissions. Cette situation n’est pas celle de tous nos partenaires européens.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . On dit ce qu’on peut dire!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. J’en viens maintenant à l’impact de la crise sur la dette, pour rappeler que l’essentiel est bien de constater que la dégradation des finances publiques est due à la crise.

Le déficit structurel des administrations publiques était de l’ordre de 3 % du PIB. Nous en sommes, pour2009 et2010, à 8 ou 8,5 %. Cette dégradation est, comme pour l’ensemble des pays – même l’Allemagne‚– largement due aux dépenses des plans de relance, d’une part, et au manque de recettes, d’autre part.

M. Jean-Pierre Balligand. C’était déjà la catastrophe entre2003 et2008!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. En ce qui concerne l’État en particulier, le déficit structurel n’est que de l’ordre de 45 milliards, sur un total de 116 milliards attendu en2010.

Le gros des difficultés est donc dû à la conjoncture.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Je vous donnerai un exemplaire dédicacé de mon rapport, madame la secrétaire d’État!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Enfin, il est vrai que la crise a mécaniquement éloigné l’horizon de l’assainissement des finances publiques.

Nous espérons que la part du déficit lié à la crise diminuera graduellement sous l’effet d’un retour progressif de la croissance – pour ce qui est des recettes‚– et de l’extinction des crédits de la mission « Relance », en ce qui concerne les dépenses.

Par ailleurs, le solde s’améliorera grâce à la poursuite des efforts de maîtrise de la dépense publique que nous souhaitons continuer et je ne doute pas, compte tenu des propos tenus notamment par MM. Baert et Balligand, qu’à l’avenir leur parti contribuera à ces efforts…

Je dirai quelques mots sur le grand emprunt, qui a lui aussi été évoqué. Pour ce qui est de la procédure, je confirme bien entendu que la loi de finances rectificative aura à prendre en compte les décisions qui seront arrêtées par le Président de la République et le Premier ministre à la suite du rapport de MM. Juppé et Rocard.

Je vous précise d’ores et déjà que le plus important pour nous n’est pas, évidemment, de dépenser, et encore moins de dépenser pour dépenser, mais bien de définir nos choix stratégiques pour l’avenir.

Si vous me permettez une remarque personnelle, je passe les trois quarts de mon temps hors d’Europe et les deux tiers hors de France, et je vois bien que, partout ailleurs, on réfléchit, on investit et on travaille sur l’avenir, en particulier dans le domaine des technologies innovantes.

M. Louis Giscard d'Estaing. Bien sûr, et c’est important!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Ce qui compte, in fine , c’est le montant total qui sera investi. Là encore, il ne faut pas se focaliser uniquement sur le grand emprunt et sur son montant, mais sur les différents cofinancements, européens ou privés, de la part d’entreprises qui lanceront des programmes et avec lesquelles il conviendra de travailler.

Enfin, une fois les choix stratégiques arrêtés et les cofinancements mis en place, nous ferons appel au marché en portant une attention extrême – est-il besoin de le préciser?‚– à la qualité de la signature de la France.

En ce qui concerne le montant, je vous rappelle qu’une fourchette comprise entre 25 et 50 milliards d’euros semble se dégager. Cela ne veut pas dire que nous émettrons nécessairement le même montant de dette, puisque, parmi les hypothèses, figure celle d’une mobilisation éventuelle du remboursement des banques pour contribuer au financement des dépenses d’avenir.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . Si vous aviez taxé les banques dès le départ, vous auriez diminué le déficit…

M. Jean-Pierre Balligand. Eh oui!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. J’en viens au programme « Appels en garantie de l’État ».

Dominique Baert, profitant de ma compétence ministérielle…

M. Dominique Baert, rapporteur spécial . …et de votre présence, madame la secrétaire d’État!

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. …m’a interrogée sur la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, et sur les différents programmes d’aide à l’exportation que l’État lui confie.

Il s’agit de l’assurance crédit, de l’assurance prospection et de l’assurance contre les risques de change. Comme cela a été indiqué, la dotation budgétaire est de l’ordre de 86 millions d’euros.

En ce qui concerne l’assurance crédit à moyen terme, nous avons, avec Christine Lagarde, décidé d’engager une politique proactive et volontariste en ouvrant très largement les capacités de financement, notamment en direction des pays émergents, tout en prenant toutes les précautions avec certains pays présentant des risques particuliers. Cette mesure est tout à fait bénéfique, notamment pour ce que l’on appelle les « grands » contrats.

En ce qui concerne l’assurance prospection, qui a quant à elle pour objet de faire découvrir à de nouveaux exportateurs les marchés de l’international et de l’exportation, je voudrais vous indiquer que, depuis le début de l’année, grâce à différentes réformes techniques auxquelles j’ai pu procéder, nous assistons à une augmentation de l’ordre de 40 à 50 % du nombre d’entrepreneurs ayant recours à cette procédure et qui se portent, eux aussi, plus particulièrement vers les marchés émergents.

Enfin, sur la base du succès obtenu sur le marché domestique par les procédures CAP et CAP plus, nous avons mis en place un dispositif similaire pour les exportateurs qui auraient pu rencontrer des difficultés à se faire payer par leurs clients étrangers.

Pour ce qui est de la mission « Remboursements et dégrèvements », je remercie les intervenants, et en particulier Camille de Rocca Serra, qui a bien voulu saluer les améliorations de procédure introduites par le Gouvernement, en réponse à une demande adressée tant par l'Assemblée nationale que par la Cour des comptes.

Je veux parler bien sûr de la nouvelle nomenclature, qui offre désormais une vision plus claire et plus détaillée, en permettant de mieux distinguer entre, d’une part, les remboursements et dégrèvements liés en quelque sorte à la « mécanique » de gestion de l’impôt, et, d’autre part, les remboursements liés à des politiques publiques.

Je rappelle que le premier cas représente 90 % des dépenses – dépenses sur lesquelles le Gouvernement n’a finalement aucun levier d’action – et le second à peine plus de 10 %.

Monsieur Balligand, tout en remarquant les changements de procédure, vous les trouvez insuffisamment transparents. Sur les objectifs et indicateurs de performance de cette mission, je voudrais souligner que la définition de l’indicateur ne manque pas d’ambition par rapport à la définition des objectifs; mais nous sommes tenus à un équilibre entre la rapidité de remboursement aux entreprises et le contrôle de la régularité des demandes – je pense, en particulier, au remboursement de crédits de TVA sur les excédents de versement d’impôt sur les sociétés. Un remboursement trop rapide entraînerait, malheureusement, le risque de voir des fraudes se développer.

La question de l’intégration dans la norme de dépense des remboursements liés à des politiques publiques, c’est-à-dire aux crédits d’impôts – ce sont les 10 % que j’ai évoqués, sur lesquels nous pouvons jouer –, est tout à fait légitime, y compris en termes de transparence politique. Car ces restitutions relèvent davantage des « vraies » dépenses, en quelque sorte, sur lesquelles il peut y avoir débat, que les autres remboursements et dégrèvements, qui sont beaucoup plus mécaniques.

Cela étant, la proposition soulève plusieurs difficultés. Il y a d’abord des difficultés de pilotage, que vous avez notées. La plupart des remboursements et dégrèvements ne peuvent être facilement pilotés en cours d’année; il y a là un vrai problème technique, difficile à résoudre. Sur le fond, il ne faut pas se tromper d’objectif: ce sont les dépenses fiscales qui doivent être encadrées en priorité. En encadrant mieux les dépenses fiscales, on encadrera mieux par le fait même les remboursements et dégrèvements, qui ne sont finalement que la partie émergée de l’iceberg.

Je voudrais rappeler les progrès déjà réalisés sur l’encadrement des dépenses fiscales: un plafonnement global des niches a été mis en place; l’évaluation systématique de toute dépense fiscale dans les trois ans suivant sa création doit maintenant être systématique; les dépenses fiscales déjà existantes seront évaluées d’ici au 30 juin 2011.

Comme vous l’avez vous-même indiqué, il est sage, avant de passer éventuellement à de nouvelles étapes, de vérifier d’abord si les nouveaux outils de transparence et de gouvernance fonctionnent. Je vous précise d’ailleurs que le chantier de l’évaluation de l’ensemble des niches fiscales a été engagé; il est coordonné par l’Inspection générale des finances, en vue de respecter l’échéance du 30 juin 2011. Ces niches représentent évidemment un fort enjeu budgétaire; elles seront bien évaluées avant l’été 2010, dans la perspective du projet de loi de finances 2011. Les travaux porteront en priorité sur les niches fiscales liées à l’épargne.

Voici les éclaircissements que je pensais pouvoir apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe UMP.

M. Michel Heinrich. Ma question est relative aux tarifs de l’électricité payés par les industriels, et plus particulièrement au tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché, le TARTAM.

La fin de celui-ci est programmée pour le 1 er  juillet 2010. Ensuite doivent être mises en place les recommandations de la commission Champsaur. Or celles-ci, qui préconisent un accès à des blocs d’électricité issus de la production nucléaire d’EDF pour des fournisseurs alternatifs, ne seront débattues et votées, me semble-t-il, qu’au printemps prochain.

Dès lors, il est peu probable que la revente à des clients industriels soit possible avant 2011. Il paraît donc souhaitable, pour ces industriels, que le Gouvernement prolonge le TARTAM jusqu’au 31 décembre 2010 – le temps pour le dispositif Champsaur de se mettre en place.

Quelle est la volonté du Gouvernement en ce domaine?

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. Le tarif dit TARTAM a été mis en place pour les consommateurs professionnels, les industriels, qui avaient choisi de ne plus bénéficier des tarifs réglementés au moment de l’ouverture des marchés. Ce dispositif prendra fin au 1 er  juillet 2010; cette échéance a été fixée par la loi de modernisation de l’économie, qui avait accordé à ce dispositif une prolongation de dix-huit mois.

Comme vous le savez, le TARTAM a fait l’objet d’une procédure contentieuse au niveau communautaire. C’est dans ce contexte que le Gouvernement a demandé à M. Paul Champsaur de réunir, comme vous l’avez rappelé, une commission à laquelle ont d’ailleurs participé quatre parlementaires – MM. François Brottes, Jean-Claude Lenoir, Jean-Marc Pastor et Ladislas Poniatowski.

Au cours d’un échange de lettres au mois de septembre dernier, M. le Premier ministre a obtenu de la Commission européenne la levée du contentieux, en contrepartie de la mise en place d’une nouvelle organisation du marché de l’électricité, inspirée des propositions du rapport Champsaur.

Je vous confirme donc que le Gouvernement travaille à la rédaction des dispositions législatives qui permettront de mettre en œuvre cette réforme souhaitable, de telle sorte qu’elle soit adoptée avant le 1 er  juillet 2010, et afin qu’elle prenne, sans solution de continuité, le relais du TARTAM qui sera arrivé à échéance.

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Engagements financiers de l’État »

État B

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État ».

(Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont adoptés.)

Mission « Remboursements et dégrèvements »

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

État B

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement du Gouvernement, n°183.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. L’amendement n°183 est de simple coordination avec les votes intervenus au cours de la discussion de la première partie de la loi de finances.

Il vise en effet à tirer les conséquences de l’abandon de la mise en place d’une taxe générale sur les activités polluantes spécifique sur les prestations des transports routiers, au profit d’un assujettissement des transporteurs routiers à la taxe carbone. Les transporteurs routiers ne bénéficieront donc plus d’un dégrèvement intégral, mais supporteront directement la charge de la taxe carbone, dont la mise en œuvre sera étalée sur quatre ans.

Le montant des remboursements de la taxe intérieure sur les produits pétroliers doit donc être revu à la baisse: cela représente une diminution de 265 millions d’euros.

Voilà l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial. Avis favorable.

(L’amendement n°183 est adopté.) (Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », ainsi modifiés, sont adoptés.)

Compte spécial « Participations financières de l’État »

État D

Mme la présidente. Je mets aux voix le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

(Le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » est adopté.)

Compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics »

État D

Mme la présidente. Je mets aux voix le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».

(Le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs aux engagements financiers de l’État.

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, 10 novembre 2009 à neuf heures trente:

Suite de la discussion de la seconde partie de loi de finances pour 2010:

Solidarité, insertion, égalité des chances.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma