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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 13 janvier 2010

Questions au Gouvernement

Première séance du mercredi 13 janvier 2010

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président . La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Séisme en Haïti

M. le président. Mes chers collègues, un séisme dévastateur a frappé cette nuit Haïti. Il a fait de très nombreuses victimes, en particulier à Port-au-Prince.

Je voudrais, en notre nom à tous, exprimer notre émotion face à cette catastrophe et assurer de notre entière solidarité le peuple haïtien, auquel nous sommes liés par la langue et par l’histoire.

Je vous demande d’observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et observent une minute de silence.)

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Conditions d'attribution de l'allocation de solidarité spécifique aux chômeurs en fin de droits

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Michel Hunault. Au nom de mes collègues du groupe du Nouveau Centre, je voudrais interroger M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’emploi, sur la situation des chômeurs en fin de droits.

Monsieur le secrétaire d’État, nous savons, au groupe Nouveau Centre, combien l’emploi est une préoccupation du Gouvernement. En cette période de crise économique, sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre, nous avons voté un certain nombre de dispositifs pour soutenir l’activité et l’emploi, et également des dispositifs en faveur des chômeurs, mais je voudrais, en ce début d’année 2010, vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur la situation de milliers de chômeurs qui arrivent aujourd’hui en fin de droits…

M. Roland Muzeau. Un million!

M. Michel Hunault. …et auxquels il faut verser l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS. Nous savons que des négociations sont en cours avec les partenaires sociaux, mais, au regard des chiffres et de l’incertitude qui pèse sur les conditions à la fois d’attribution et de versement de l’allocation spécifique de solidarité, je voudrais, au nom de mes collègues du Nouveau Centre et en raison de notre obligation de solidarité avec ces chômeurs, vous interroger sur les initiatives qu’entend prendre le Gouvernement pour contribuer à faire en sorte que la négociation entre les partenaires sociaux aboutisse et permette le versement de cette allocation de solidarité spécifique au plus grand nombre de chômeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.

M. Patrick Roy. …et du chômage!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Je vous remercie, monsieur Hunault, de votre question concernant un sujet que vous connaissez bien et sur lequel vous avez plusieurs fois attiré l’attention du Gouvernement au cours des mois qui se sont écoulés: la situation des chômeurs en fin de droits qui n’ont pas réussi à retrouver un emploi avant la fin de leur droit à l’assurance-chômage.

Notre priorité, c’est évidemment, d’abord, d’éviter les licenciements, avec le programme « Former plutôt que licencier ». Notre priorité, c’est aussi d’aider le plus vite possible ceux qui ont perdu un emploi à en retrouver un, et c’est notamment l’un des objectifs de la réforme de la formation professionnelle. Mais notre priorité, c’est également de veiller à ce que ceux qui, à cause de la crise, n’ont pas réussi à retrouver un emploi suffisamment vite soient protégés. C’est l’une des demandes du Premier ministre et de Christine Lagarde. Ce sujet peut concerner, en 2010, 150000 personnes supplémentaires.

Nous ne sommes évidemment pas restés les bras ballants. Tout d’abord, nous veillons à ce que le dispositif du RSA, le revenu de solidarité active, et de l’ASS puisse tourner et apporter un support à ceux qui en ont besoin; vous l’avez mentionné.

M. Henri Emmanuelli. Cela concerne les départements!

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ensuite, nous avons veillé à faire en sorte de pouvoir allonger la durée d’indemnisation de ceux qui ont été licenciés et qui ont perdu leur emploi. C’est notamment l’objectif du contrat de transition professionnelle.

Nous avons également essayé de mettre en place une réforme de l’assurance-chômage, qui est aujourd’hui effective et permet de couvrir 200000 demandeurs d’emploi de plus. Pour prendre un exemple très simple, il y a deux ans, quelqu’un n’était pas couvert par l’assurance-chômage au terme d’un contrat de quatre mois; aujourd’hui, il l’est, ce qui limite les situations de demandeurs d’emploi en fin de droits.

Enfin, les partenaires sociaux ont ouvert une négociation sur ce sujet qui relève de leur responsabilité. Le Gouvernement suit avec une très grande attention son évolution et nous vous tiendrons au courant de ses développements au fur et à mesure.

Monsieur le député, la solidarité nationale dans la crise s’exerce; cela dépasse nos clivages politiques. Elle s’exerce évidemment à l’égard de ceux qui ont perdu leur emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Bilan du sommet de Copenhague

M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Yves Cochet. Ma question s’adresse à M. Borloo, ministre de l’écologie, et porte sur le sommet de Copenhague.

Lors du Conseil des ministres du 23 décembre, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que Copenhague avait enregistré des progrès essentiels. Au cours de ses vœux aux Français, le 31 décembre, le Président Sarkozy lui-même indiquait que Copenhague était « une porte ouverte sur l’avenir ». Je me demande si vous habitez la même planète que moi et que la totalité des ONG françaises ou internationales, lesquelles ont considéré que Copenhague était un échec retentissant! Des centaines de milliards d’euros seront perdus en vain, faute de décision internationale, et, du point de vue humanitaire, des centaines de milliers de personnes vont souffrir ou même mourir à cause de l’impéritie des leaders mondiaux qui n’ont pas su trouver à Copenhague un accord courageux, voire un traité juridiquement contraignant. Monsieur le ministre, considérez-vous toujours que Copenhague est plutôt un succès, ou que c’est plutôt un échec?

Par ailleurs, il faut redonner espoir et relancer les négociations climatiques. La grande différence entre la posture des pays du nord et celle des pays du sud porte sur la notion de dette climatique. Le nord ne veut pas en entendre parler; au contraire, les pays du sud disent qu’il y a une dette climatique. Pensez-vous, monsieur le ministre, que, pour relancer les négociations climatiques en 2010 et les années suivantes, cette notion de dette climatique soit pertinente? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Patrick Roy. Et des sommets ratés!

M. le président. Monsieur Roy, vos commentaires sont totalement inutiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Les principaux dirigeants des pays du monde se sont rencontrés pour la première fois pour tenter de parvenir à un accord concernant le financement international des pays les plus vulnérables et la modification des modèles économiques. Si vous considérez, monsieur Cochet, que ce n’est pas un événement important, permettez-moi de vous dire que je ne partage pas votre avis, car c’est la première fois qu’un tel événement a lieu.

Mais mettre d’accord 194 pays est un exercice extrêmement difficile. Nous allons bien sûr continuer. Un conseil européen informel a lieu le week-end prochain, portant sur le climat et la suite de Copenhague.

Les ambitions de la France sont claires.

Premièrement, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur Cochet, il nous faut mettre en application le premier accord de solidarité internationale pour les pays les plus vulnérables: il s’agit d’un montant de 10 milliards de dollars dès cette année, qui atteindra progressivement 100 milliards de dollars par an pour la décennie à venir. Il faut cesser de jeter le discrédit, car ces pays attendent le financement de la protection de la forêt et des énergies renouvelables et, pour certains d’entre eux, le financement de la lutte contre les aléas climatiques.

M. Jacques Desallangre. Ils peuvent attendre!

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Nous devons aussi nous assurer que les engagements politiques de Copenhague, même s’ils ne sont pas à la hauteur de ce que les Français avaient souhaité, soient mis en application, et notamment avant le 31 janvier.

M. Jacques Desallangre. Il faudra attendre un peu plus!

Séisme en Haïti

M. le président. La parole est à M. Loïc Bouvard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Loïc Bouvard. Ce n’est, hélas, pas une question réjouissante que je vais poser à M. Kouchner, ministre des affaires étrangères. Je veux parler de ce terrible cataclysme qui a frappé Port-au-Prince, capitale de ce cher pays d’Haïti, si pauvre et très lié à la France.

Je n’épiloguerai pas sur l’ampleur du désastre. La télévision a montré combien ce séisme, qui a fait des milliers de victimes, est dévastateur. Je vous demande, monsieur le ministre, de faire le point sur la situation telle que vous la connaissez aujourd’hui et de nous indiquer quels moyens nous allons employer pour venir en aide à ce pauvre pays, dont les infrastructures sont très insuffisantes. Pouvez-vous nous dire si nous avons déjà des moyens sur place et ce que nous allons dès maintenant envoyer d’urgence comme secours à la population? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur ceux des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Grâce à vous, monsieur le président, nous avons parlé tout à l’heure d’une solidarité nécessaire pour Haïti.

S’agissant de l’ampleur de la catastrophe, personne ne sait s’il y a des centaines ou des milliers de victimes. Il faut s’attendre à en découvrir beaucoup – si toutefois nous les découvrons toutes. Quel est l’état des secours, alors que les besoins sont immenses? Alain Joyandet détaillera ce qui a été déjà fait dans les semaines et les mois précédant la catastrophe. Le séisme, d’une magnitude sept, a complètement détruit le bas de la ville. Le reste, sur les collines, est un peu épargné.

Il y a plus de 1200 Français en Haïti et il est très difficile de savoir où ils sont. Les bâtiments les plus détruits sont ceux de la MINUSTAH – la mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti qui, justement, aurait dû porter assistance. D’après Alain Le Roy, le directeur des opérations de maintien de la paix, ils étaient 100 dans ce bâtiment dont, apparemment, il ne reste rien, 100 personnes dont un certain nombre de Français que je ne connais pas. Notre ambassade est détruite. Les Français sont regroupés sur deux sites. Ils sont entre soixante et cent pour le moment. Pour le reste, nous ne savons rien.

S’agissant des moyens, nous disposons de trois avions du ministère de la défense, dont deux CASA qui vont arriver dans les heures qui suivent, l’aéroport étant praticable. Il y a également deux avions, dont l’un vient de France, l’autre de la Martinique, avec 120 sauveteurs, du personnel médical et des équipements.

Il faut penser à nos amis haïtiens, en particulier aux Haïtiens des Antilles et aux Antillais en Haïti, et affirmer pour longtemps – car il faudra reconstruire, pensons-y dès maintenant – la solidarité de notre pays envers eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Séisme en Haïti

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme George Pau-Langevin. Ma question portera également sur le drame qui vient de frapper Haïti.

Comme il a été souligné, ce pays vient de subir un nouveau séisme de force 7 qui a dévasté les installations existantes. Nous avons appris aujourd’hui aux informations que l’essentiel des structures de l’État haïtien a été détruit, notamment ce merveilleux palais présidentiel qui constituait un élément extraordinaire du patrimoine. Nous savons aussi que beaucoup de femmes et d’hommes venus apporter leur concours en Haïti ont été tués lors de cette catastrophe.

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et l’ensemble de l’Assemblée expriment toute leur compassion et leur solidarité au peuple haïtien et notamment à tous les Haïtiens qui vivent dans notre pays. Le destin de ce pays est tragique, car cette nouvelle catastrophe naturelle survient alors qu’il commençait à connaître une certaine stabilité politique et que, grâce aux efforts de la coopération notamment, un certain nombre de réalisations avaient pu être mises à son actif.

J’aimerais aujourd’hui que le Gouvernement précise ce qui est en train de se mettre en place pour aider de toute urgence les Haïtiens. Un certain nombre de collectivités territoriales engagées dans des coopérations locales – dont la ville de Paris et la région Ile-de-France, notamment – nous ont d’ores et déjà informés des efforts qu’elles allaient consentir. L’État, le premier aux responsabilités et dont la politique de coopération a été suivie, sait que cette île avec qui nous entretenons depuis toujours des relations est importante pour la coopération et pour la francophonie. J’aimerais qu’il nous dise précisément les actions qu’il a pu lancer en solidarité avec le peuple haïtien, qui en a tellement besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie . Madame la députée, comme vous, je tiens dès à présent à réaffirmer tous nos sentiments de compassion pour le peuple haïtien, et tout particulièrement pour la communauté haïtienne, très nombreuse en France.

Dès hier soir vingt-trois heures, sous l’autorité du ministre des affaires étrangères, la cellule de crise de l’Élysée s’est évidemment tout de suite activée. D’ores et déjà, plus de 130 de nos personnels sont en route vers Haïti: médecins, personnels d’urgence, personnels militaires avec des chiens pour la recherche sous décombres. Un hôpital de campagne va très vite se rendre sur le terrain. La France, avec les États-Unis d’Amérique, notamment, a été parmi les premiers pays à agir, réaffirmant en cela sa très grande proximité historique avec Haïti. M. le président de l’Assemblée nationale a bien voulu rappeler tout à l’heure que ce grand pays francophone était un ami de très longue date.

Aujourd’hui, un grand élan de solidarité se met en place avec le gouvernement français. Nous n’avions pas attendu. M. le Premier ministre, lors d’un premier séisme, avait décidé qu’Haïti figurerait parmi les pays prioritaires, les pays post-crise, ce qui a permis de tripler notre coopération. C’est chose faite depuis plusieurs mois. Nous débloquons dans l’urgence, avec un certain nombre de pays, des crédits exceptionnels de plusieurs millions d’euros. Nous allons travailler avec Médecins du monde, les très nombreuses ONG et la coopération décentralisée, que je vous remercie d’avoir citée, car son action sera essentielle dans ce contexte, pour œuvrer au mieux et venir en aide au peuple haïtien. Je pense qu’il y aura sans doute des milliers de disparus. Je pars moi-même dans quelques heures, à la demande du Président de la République et de Bernard Kouchner, pour assurer sur le terrain de la solidarité du Gouvernement et de la solidarité française. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mise en cause du Conseil constitutionnel

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, lors du débat sur la réforme constitutionnelle, en juin2008, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a fait des propositions pour réformer le Conseil constitutionnel. Nous souhaitions alors l'évolution du mode de nomination de ses membres pour que soit davantage respecté le pluralisme des opinions, nous demandions une procédure publique et contradictoire et nous suggérions que soit mis fin à la possibilité pour les anciens présidents de la République d'y siéger. Ces propositions ont toutes été rejetées. Nous l'avons regretté et le regrettons toujours. Mais c’est cette Constitution qui s'applique à tous les citoyens de la République. Aux termes de son article 62, jusqu'à nouvel ordre, « les décisions du Conseil Constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics » et donc, monsieur le Premier ministre, à votre gouvernement.

Aussi sommes-nous particulièrement étonnés par les déclarations extrêmement violentes de l'un de vos ministres à l’encontre du Conseil constitutionnel et de son président. Je le cite: « Je souhaite que le Conseil constitutionnel soit à l'abri des soupçons. » Notre étonnement est d'autant plus fort que la longue interview accordée par M. Devedjian au journal Le Monde est exclusivement consacrée au fonctionnement du Conseil constitutionnel, ce qui ne cadre pas tout à fait avec ses attributions ministérielles. M. Devedjian était, nous a-t-il semblé jusqu’à présent, ministre de la relance. Alors, de qui M. Devedjian est-il aujourd'hui le porte-parole? Traduit-il une position personnelle ou répond-il à une commande? Est-il l'avocat d'une position du Gouvernement ou l’expression d’une colère présidentielle après la suppression de la taxe carbone? En un mot, monsieur le Premier ministre, allez-vous approuver et confirmer les propos tenus pas votre ministre, ou allez-vous le désavouer? Au-delà de vos grands discours sur la République, nous attendons avec beaucoup d’intérêt votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je vais tout de suite vous rassurer, car je sens poindre chez vous une grande angoisse: il n’y a pas de coup d’État constitutionnel qui se prépare.

M. Jean-Pierre Brard. Le 18 brumaire!

M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement respectera naturellement l’article 62. Les décisions du Conseil constitutionnel sont sans recours et elles s’imposent au Gouvernement,…

M. Henri Emmanuelli. Alors faites taire le ministre!

M. François Fillon, Premier ministre. … comme aux pouvoirs publics.

M. Patrick Roy. Encore heureux!

M. François Fillon, Premier ministre. Toutefois, je ne peux pas cacher que le Gouvernement s’est interrogé et a été surpris par la décision du Conseil constitutionnel. (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC.) Il avait en effet considéré que les entreprises grosses émettrices de CO 2 dans notre pays relevaient d’un système de régulation européen, avec des quotas gratuits jusqu’en 2013 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) , mais qui ne le seront plus ensuite.

M. Daniel Paul. Elles ne paient pas!

M. François Fillon, Premier ministre. Comme nous avions proposé dans notre texte de rembourser intégralement aux Français le montant de la taxe carbone, il nous semblait que l’argument de l’inégalité devant l’impôt n’était pas évident. Il ne l’était tellement pas que, dans le recours du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche contre la loi de finances, cette question n’a à aucun moment été évoquée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) , l’essentiel dudit recours portant sur la taxe professionnelle.

Dès que le Conseil constitutionnel a fait connaître sa décision, je me suis exprimé, indiquant naturellement que le Gouvernement en prenait acte et qu’il proposerait au Parlement, dans les prochaines semaines, les amendements nécessaires à ce texte pour respecter intégralement les arguments du Conseil constitutionnel.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et Devedjian?

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames, messieurs les députés, depuis le début de la V e  République, nombreuses ont été les critiques émises par des responsables politiques contre les décisions du Conseil constitutionnel, que ce soit à gauche lors des décisions prises en 1981 contre les nationalisations, ou que ce soit à droite. L’essentiel, c’est que les institutions soient respectées, que le Conseil constitutionnel puisse prendre ses décisions et que le Gouvernement et le Parlement en tiennent compte! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Loi de modernisation agricole

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, nous savons tous que l’agriculture est non seulement un élément essentiel de la vie économique française mais aussi, par le modèle alimentaire qu’elle porte, une vision de la société qui touche tous nos concitoyens, ainsi que les Européens, et constitue l’un des enjeux fondamentaux du développement durable.

Or, vous le savez, nos agriculteurs, et singulièrement nos producteurs de lait, vivent une crise qui est probablement l’une des plus marquantes de leur histoire et qui se traduit pour beaucoup d’entre eux par des tragédies personnelles, familiales, une baisse drastique de leurs revenus. D’où la nécessité de répondre sur un plan à la fois conjoncturel et structurel à leurs difficultés. Vous l’avez très bien fait, en réagissant immédiatement, à l’aide de trois leviers principaux.

Le premier, c’est la solidarité européenne. Vous êtes parvenu à mobiliser vingt-deux États européens sur la ligne française d’une garantie sur les régulations du marché européen ainsi que sur la nécessaire stabilisation des prix et des revenus, et plus généralement sur une ligne consistant à renforcer notre modèle alimentaire et agricole européen. Nous vous en félicitons.

Cependant, la crise est encore présente. Elle impacte lourdement la trésorerie et je dirai même l’équilibre de la profession. Ce matin, vous avez présenté en Conseil des ministres une loi de modernisation agricole qui, conformément à l’attente de la profession, apporte des solutions de plus long terme. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur ce dispositif. (« Trop long! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Tous les agriculteurs de France ont connu en 2009 une année particulièrement difficile. Pour répondre à ces difficultés, le gouvernement de François Fillon et le Président de la République ont voulu apporter trois réponses et ouvrir trois perspectives.

M. Patrick Roy. Raté!

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. La première réponse, c’est le plan d’urgence annoncé par le Président de la République à Poligny, qui permet à tous les agriculteurs de France de faire face dans les meilleures conditions possibles aux problèmes de trésorerie qu’ils peuvent rencontrer sur les exploitations.

M. Patrick Roy. On n’y est pas!

M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture. La deuxième réponse, qui est, comme vous l’avez indiqué, madame la députée, de plus long terme, c’est la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche que j’ai présentée ce matin en Conseil des ministres.

Ce texte comporte trois orientations principales. Tout d’abord, il s’agit de garantir une meilleure stabilité du revenu des agriculteurs. Nous ne pouvons continuer sur la tendance qui a vu ce revenu baisser de 20 % en 2008 et de 30 % en 2009, soit près de la moitié du revenu des agriculteurs disparaître en deux ans. Nous voulons donc stabiliser ce revenu, notamment grâce à la mise en place de contrats entre les producteurs et l’aval de la filière.

Nous souhaitons, ensuite, comme l’a indiqué le Président de la République à Poligny, une meilleure répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs, les distributeurs et les industriels. Avec Hervé Novelli et Christine Lagarde, nous allons donc renforcer l’Observatoire des prix et des marges, pour parvenir à une répartition plus juste de la valeur ajoutée au profit des producteurs.

Enfin, il faut impérativement préserver le capital agricole national. Nous allons créer un Observatoire des terres agricoles françaises pour préserver ces terres, notamment à proximité des grandes agglomérations.

La troisième perspective, qui est indispensable et complémentaire des deux premières, c’est la régulation européenne des marchés agricoles. Je me bats depuis plusieurs mois, notamment avec l’Allemagne – je me rendrai d’ailleurs à Berlin samedi pour confirmer cette position –,…

M. Jean-Pierre Brard. Mettez votre casque à pointe: ils ne comprennent que cela!

M. Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture. …pour obtenir une régulation réelle des marchés agricoles européens.

Le cœur de la réforme de la politique agricole commune doit tenir en deux éléments: le maintien d’une politique agricole commune forte, avec un budget élevé, et une régulation européenne des marchés agricoles. C’est une question de justice et d’équité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Conférence des déficits publics

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Ma question d’adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

M. Jean-Pierre Brard. Et trésorier de l’UMP!

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre se réjouit de l’annonce faite le 14 décembre par le Président de la République de l’organisation d’une conférence sur les déficits publics, qui aura lieu le 21 janvier prochain.

Depuis le début de cette législature, notre groupe n’a cessé d’insister sur le caractère insoutenable des déficits publics, qui se sont fortement aggravés du fait de la crise économique et financière que nous traversons.

La réduction de nos déficits publics répond à un triple impératif: un impératif économique, tout d’abord, si nous voulons une croissance économique solidaire et durable; un impératif éthique, ensuite, car nous ne devons pas faire supporter aux générations futures les déficits liés aux dépenses de fonctionnement; un impératif démocratique, enfin, si nous voulons laisser une marge de manœuvre aux futurs gouvernements.

Nous avons fait, au groupe Nouveau Centre, trois propositions. Il convient, premièrement, de constitutionnaliser la règle d’or, c’est-à-dire l’interdiction de présenter un budget de l’État en déficit de fonctionnement. L’Allemagne vient de prendre cette décision, qui s’appliquera au plus tard en 2016.

Deuxièmement, nous devons diminuer nos dépenses publiques de fonctionnement de 30 milliards d’euros, sur un programme pluriannuel à établir.

Troisièmement, nous devons augmenter et préserver les recettes fiscales en élargissant les bases d’imposition sans pour autant relever les taux.

M. Patrick Roy. Bouclier!

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, au moment où l’Allemagne fait preuve d’une volonté politique forte pour lutter contre les déficits publics, la France se doit d’agir. Ma question est simple: quelles sont les propositions que vous allez faire dans le cadre de cette conférence sur les déficits publics? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Et trésorier de l’UMP!

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État. Comme les autres pays, nous sommes confrontés à des déficits publics importants, conséquence de la crise, et comme les autres pays, nous allons être amenés à mettre en place les politiques nécessaires à la réduction rapide et forte de ces déficits. Je partage vos impératifs, monsieur le député; ce sont les mêmes qui conduisent le Gouvernement.

La réduction des déficits publics passe d’abord – c’est une priorité – par la réduction de la dépense. Le gouvernement de François Fillon s’y emploie depuis maintenant trois ans, avec beaucoup de persévérance. Certes, la crise a masqué les choses, par la chute spectaculaire des recettes. Mais il n’en reste pas moins que nous avons totalement stabilisé les dépenses de l’État, et nous les avons même réduites dans un certain nombre de domaines. Sur tous les bancs, les députés présents peuvent en témoigner.

M. Marcel Rogemont. Non!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Par ailleurs, dans les domaines de l’assurance maladie, des retraites, du régime de sécurité sociale, les dépenses ont également été très contrôlées. Je pense par exemple à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie en 2009.

Nous devons simplement aller plus loin. Le Président de la République nous a invités à réunir une conférence sur les déficits publics pour qu’échangent les différents acteurs de la dépense et de la recette publiques: les régimes de sécurité sociale, les collectivités territoriales, le Gouvernement et, bien entendu, le Parlement. Nous allons le faire sans tabou; tous les sujets seront sur la table, notamment ceux que vous avez évoqués.

Je ne suis pas défavorable à la notion de règle. Nous avons d’ailleurs déjà adopté et nous respectons de nombreuses règles: le « un sur deux » est une règle, le budget triennal en est une autre, la compensation des augmentations d’intérêts d’emprunt dues au grand emprunt par des diminutions des frais de fonctionnement en est encore une autre.

M. Henri Emmanuelli. Vous avez tout gâché!

M. Éric Woerth, ministre du budget . Nous pouvons aller plus loin. Pourquoi pas la règle allemande, dès lors que nous l’adaptons à la situation française? Je me rends d’ailleurs en Allemagne lundi pour y regarder de plus près. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Prix du carburant à la Martinique et avenir de la SARA

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Serge Letchimy. Je veux tout d’abord saluer, monsieur le président, la solidarité que vous avez manifestée, accompagné sur tous les bancs de l’Assemblée, pour le peuple haïtien.

Monsieur le Premier ministre, on attendrait plutôt de vous que vous désavouiez l’attaque violente d’un des membres de votre gouvernement contre le Conseil constitutionnel (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mais ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

Dans le contexte de crise que nous connaissons tous, tant dans l’Hexagone qu’outre-mer, chaque emploi perdu, chaque entreprise fermée, c’est une errance sociale de plus dans un monde où le profit devient la règle de vie. Dès lors, madame la ministre, dans quel état d’esprit abordez-vous la question du prix du carburant aux Antilles et quel sort réservez-vous à la seule unité industrielle de raffinerie des pays d’outre-mer, la SARA? Allez-vous sacrifier cet outil industriel et les 500 salariés concernés, au nom d’un système où l’opacité et le profit priment? Tiendrez-vous compte du rapport de la mission parlementaire conduite par le président de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, qui recommande de conforter cet outil industriel, de sauver les emplois, tout en ouvrant des perspectives nouvelles de gouvernance?

Vous demandez à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail de trancher cette question. Cela est surprenant. Car il ne s’agit pas seulement de conditions de travail, mais de politique énergétique nouvelle et de choix stratégiques. L’essentiel pour ces territoires, c’est de réindustrialiser au lieu de désindustrialiser. Notre responsabilité, c’est de nous inscrire dans une perspective de mutation énergétique et écologique, et de sortir des schémas imposés par les multinationales. Et cela sans complexe: Total a fait 6,5 milliards d’euros de bénéfices au cours des neuf premiers mois de l’année 2009!

Madame la ministre, l’énergie est une cause publique, elle est de ce fait nécessairement une cause humaine. Que comptez-vous faire de la SARA, cet outil économique majeur, et de ses 500 salariés? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.).

M. Jean-Paul Lecoq. Très bien!

M. le président. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur Letchimy, avant de vous répondre, je tiens à m’associer à la tristesse de la communauté antillaise, qui est particulièrement bouleversée par le drame d’Haïti parce que les Haïtiens sont les cousins des Antillais.

S’agissant du prix du carburant, vous avez raison de soulever cette question.

M. Jean-Pierre Brard. Eh oui!

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. L’État a engagé une réforme, que j’ai présentée moi-même lors de différents déplacements. Mais vous savez mieux que moi que si nous voulons le prix économiquement le plus juste, il faut que nous ayons le courage d’aborder l’avenir de la SARA. Il ne s’agit pas de remettre en cause cet outil…

M. Henri Emmanuelli. Si! La SARA est un scandale!

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. …qui a un rôle important à jouer sur le plan économique. C’est la raison pour laquelle j’ai confié à l’ANACT le soin de nous faire plusieurs propositions qui tiennent compte de la question du pouvoir d’achat mais aussi de celle de l’emploi. Nous savons en effet que l’outil SARA a des conséquences importantes en termes de développement économique et de développement social en raison du mode de distribution des carburants qui a été choisi à un moment donné.

Je le répète: il ne s’agit pas de remettre en cause la SARA.

M. Henri Emmanuelli. Si!

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Les élus seront largement associés à ce travail puisque j’ai décidé de mettre en place une commission mixte comprenant les élus de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane parce qu’à un moment donné, il faudra faire des choix politiques et que ceux-ci devront provenir des territoires concernés.

Pour conclure, je rappelle que notre politique énergétique en direction de l’outre-mer s’inscrit parfaitement dans les orientations du Grenelle. Lors du conseil interministériel sur l’outre-mer, des mesures ont été prises, notamment pour soutenir le développement des énergies renouvelables. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Accès des étudiants boursiers aux grandes écoles

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud.

Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

La démocratisation de l’enseignement supérieur est un vrai sujet. Après l’ouverture de Sciences-Po Paris à des élèves de ZEP voilà quelques années, ce sujet fait débat. Aujourd’hui, le débat porte notamment sur votre souhait que les grandes écoles atteignent l’objectif de 30 % d’étudiants boursiers dans leurs effectifs. La conférence des grandes écoles a exprimé publiquement les plus grandes réserves sur la prescription de ce quota. Nous ne pouvons faire table rase de ces concours qui symbolisent la clé de voûte de l’égalitarisme républicain et sur lesquels repose la crédibilité internationale des grandes écoles. Cela étant, montrer du doigt la discrimination sociale lors de l’accès aux concours des grandes écoles est une posture louable, et je salue le volontarisme du Gouvernement en matière d’égalité des chances.

Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les remèdes pragmatiques que vous appelez de vos vœux afin de concilier la méritocratie que représentent les concours d’entrée aux grandes écoles et l’égalité des chances à laquelle nous aspirons tous? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Brard. Où est Pécresse? Fait-elle la sieste?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, je vous prie d’excuser Valérie Pécresse, qui est actuellement à Perpignan. Vous savez en effet que l’université de Perpignan a été frappée ce matin par un drame terrible: la mort violente d’un personnel de son administration.

Valérie Pécresse avait bien entendu prévu de vous répondre. Vous savez qu’elle et moi menons ensemble un combat pour la diversification de nos élites, objectif qui est au cœur de notre idéal républicain. À la vérité, cet idéal a été mis à mal ces dernières années.

M. Roland Muzeau. Venez-vous de le découvrir?

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale. Un seul chiffre: un élève de classe de seconde issu d’un milieu défavorisé a cinq fois moins de chances de se retrouver trois ans plus tard en classe préparatoire que son camarade issu d’un milieu favorisé.

Nous avons déjà agi. Le Gouvernement, à la suite des orientations fixées par le Président de la République, a déjà obtenu que 30 % d’élèves admis en classe préparatoire soient boursiers. C’est une avancée très importante.

Nous devons maintenant agir dans les grandes écoles elles-mêmes: création d’internats d’excellence afin d’en faciliter l’accès aux élèves de milieux défavorisés, diversification des voies de recrutement à ces concours. Valérie Pécresse et moi-même avons mandaté l’inspection générale de l’éducation nationale pour qu’elle mène un travail sur la nature des concours de recrutement. Et puis vous savez que ma collègue a pris des initiatives pour favoriser la gratuité de la présentation aux concours. J’ajoute qu’elle recevra la semaine prochaine la conférence des grandes écoles.

Vous le voyez, madame Ceccaldi-Raynaud, le Gouvernement est très engagé sur ce dossier. Nous ne lâcherons pas, parce qu’un pays qui recrute son élite parmi 10 % de sa population, c’est un pays qui se prive de 90 % de ses talents. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Réparation du pont du Larivot en Guyane

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Charasse. Cette question que je pose à la place de Chantal Berthelot, bloquée à Cayenne pour cause d'annulation de son vol, s’adresse à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.

Madame la ministre, vous avez déclaré, à la suite de la consultation référendaire en Guyane, que les électeurs « disent non parce qu'ils sont profondément attachés à la République » et vous avez ajouté qu’ils veulent « rester dans une organisation qui leur garantit un minimum de droits. »

Vous vous méprenez. Les Guyanais ne demandent pas un minimum de droits, mais l'égalité des droits au sein de la République. Leur vote traduit leur immense attente face à l'État qui, jusqu'ici, n'a pas assumé ses responsabilités, comme en témoigne la situation catastrophique du territoire dans des domaines essentiels tels que l'habitat, la santé, l'éducation, la circulation.

Depuis la fin novembre2009, la Guyane est coupée en deux puisque le pont du Larivot, qui relie l'île de Cayenne au reste de la Guyane, est fermé.

Comment en est-on arrivé là? Parce que l'État n'a pas entrepris les travaux d'entretien et de réparation, alors que des études récentes démontraient l'usure précoce de la structure.

En Guyane, il n'existe ni transport fluvial – malgré les nombreux cours d'eau – ni transport ferroviaire, et le transport routier n'assure pas le maillage complet du territoire.

Le pont ouvrira le 3 avril. En attendant, la population souffre. Il faut trois heures au lieu de quarante minutes habituellement pour rallier Cayenne à Kourou. La déviation par la route départementale 5, sinueuse et traversée par cinq ponts à sens unique, augmente le nombre d'accidents. Le dispositif de transport par voie fluvio-maritime n'améliore pas la situation de façon significative.

À la fatigue physique et morale des habitants, s'ajoutent les dépenses supplémentaires qui touchent fortement le budget des ménages et des entreprises, sans compter la désorganisation des familles.

Le Gouvernement est-il prêt à entendre les électeurs Guyanais en débloquant les moyens financiers nécessaires à l'entretien des infrastructures routières et en augmentant les moyens de transport? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement sur l’état des infrastructures routières en Guyane, et notamment sur les difficultés occasionnées par la fermeture du pont du Larivot.

Le Gouvernement est intervenu très rapidement. Dans un premier temps, Dominique Bussereau et moi-même avons débloqué des moyens considérables, notamment pour assurer le transport des personnes par barge.

Ensuite, depuis le 16 décembre, des moyens importants sont arrivés de la métropole, afin de renforcer la route départementale 5 qui sert actuellement de voie de délestage; tous les travaux seront d’ailleurs pris en charge par l’État, même s’il s’agit d’une route départementale.

Enfin, le préfet a engagé immédiatement la procédure d’urgence et de nécessité impérieuse, afin de permettre la réparation du pont. Le marché a été notifié à l’entreprise; les travaux, qui vont commencer la semaine prochaine, doivent se terminer le 3 avril.

Tout cela a coûté environ 17 millions d’euros à l’État, qui s’est donné les moyens de dégager les fonds immédiatement. Cependant, nous n’en sommes pas restés là, car nous avons bien conscience qu’il faut tenir compte de la situation économique de ce territoire. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé au préfet d’organiser une réunion rapidement – ce qu’il a fait hier – afin d’examiner la situation des entreprises et des familles et d’en tirer tous les enseignements. C’est aussi pour cela que le Gouvernement a décidé de ne pas relever le prix des carburants, contrairement à ce qu’il a fait dans les autres territoires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Sous-traitance automobile

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marcel Bonnot. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie.

Alors que la crise financière venue d’ailleurs était suivie de son corollaire immédiat, une crise économique mondiale sans précédent, la situation de la filière automobile interpellait le chef de l’État et le Gouvernement.

Des mesures importantes ont été prises: prêts consentis à chacun des constructeurs; instauration d’un fonds spécial dédié aux équipementiers de rang 1; création de la prime à la casse; mise en place de l’accompagnement social nécessaire.

Les ventes de voitures automobiles ont traduit la qualité et l’efficacité de ces mesures pour 2009. Néanmoins, deux zones d’ombre importantes obscurcissent l’évolution de la filière automobile: les velléités inacceptables de Renault de délocaliser la production de la Clio; la situation désastreuse de la sous-traitance automobile, qui connaît les pires vicissitudes.

Pour les sous-traitants, l’année 2009 a été une année de production sinusoïdale. Ces entreprises sous-capitalisées et ne disposant généralement que d’un seul donneur d’ordre ont été confrontées à la frilosité de leurs banquiers. Cette situation n’a pas échappé à votre sagacité puisque vous avez mis en place une commission et trois groupes de travail chargés de réfléchir aux moyens supplémentaires qui pourraient leur être apportés et à l’évolution de la filière.

Monsieur le ministre, pouvez vous indiquer à la représentation nationale quels enseignements ont été tirés des conclusions qui vous ont été remises à la fin de l’année? Quelles sont les mesures envisagées par vos services afin de venir en aide à la sous-traitance automobile de rang 2 et plus? Où en sont vos démarches vis-à-vis de Renault et de ses velléités de délocaliser la production de la Clio?

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur le député, vous avez raison: si le Gouvernement a pris les mesures adéquates afin de soutenir les grands groupes industriels et équipementiers automobiles, nous ne devions pas laisser sur le bord du chemin les sous-traitants de rang 2 et plus, qui représentent près 150000 emplois dans notre pays.

C’est pourquoi, en novembre dernier, j’ai créé une commission de soutien qui a réuni les équipementiers, le fonds de modernisation des équipementiers automobile et le fonds stratégique d’investissement. Je vous ai demandé d’y participer, en raison de la compétence et de l’expérience qui sont les vôtres. Nous avons doté ce fonds de 50 millions d’euros pour pouvoir les accompagner tout en définissant un grand principe: le constructeur d’une voiture française doit faire d’abord appel aux sous-traitants français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En ce qui concerne la délocalisation envisagée de la Clio 4, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, j’ai reçu le directeur général de Renault, aujourd’hui à midi. Je lui ai rappelé que nous avions apporté 3  milliards d’euros de soutien à chacun de nos deux grands groupes industriels et que, grâce à la prime à la casse, qui a coûté 600 millions d’euros, 2,7 millions véhicules ont été vendus dans notre pays en 2009, chiffre record depuis 1990, qui marque une hausse de 10 % par rapport à 2008. Dès lors, je lui ai signifié très clairement qu’en contrepartie, nous attendions de la part de nos constructeurs des efforts significatifs.

Renault produit 25 % de ses voitures en France. Alors que l’État est actionnaire à 15 % du groupe, il n’est pas acceptable que nous apprenions qu’un nouveau modèle serait produit en Turquie, sans s’inscrire dans la stratégie industrielle voulue par le Gouvernement.

Voilà ce que j’ai dit à M. Pélata ce matin. Il a pris des engagements importants qu’il fera connaître au Président de la République d’ici à la fin de la semaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Garde à vue

M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. André Vallini. Monsieur le Premier ministre, nous avons été choqués par votre réponse: vous n’avez pas désavoué votre ministre, M. Devedjian, ce qui revient à dire que vous approuvez son attaque violente contre le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Réformer les institutions est louable, mais il faut aussi les respecter.

Il existe un problème avec la garde à vue en France; un problème de procédure, d’abord, puisque la Cour de Strasbourg a récemment rappelé que celle-ci n’était pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. Certes, une réforme de la procédure pénale est annoncée pour 2010 mais, pour en avoir discuté avec Mme Alliot-Marie, nous craignons qu’elle ne soit pas à la hauteur de nos attentes.

L’autre problème est le nombre des gardes à vue, qui sont passées de 336000 en 2001 à près de 600000 l’an dernier, soit une augmentation de 80 %. Peu d’entre nous, quels que soient les bancs où ils siègent, ne pourraient citer au moins un cas de garde à vue abusive et souvent traumatisante dans leur circonscription. « La privation de liberté est un acte grave, qui doit rester exceptionnel », aviez-vous déclaré, monsieur le Premier ministre, au mois de novembre dernier, ajoutant que la garde à vue ne devait pas être envisagée comme un « élément de routine » par les enquêteurs. Vous avez raison; mais le problème est que des syndicats de policiers ont réagi à vos propos: « C’est le Gouvernement, ont-ils déclaré, qui impose des quotas d’interpellation en mettant la pression sur les policiers par une politique du chiffre. »

Ma question est donc simple: en 2010, mettrez-vous vos actes en conformité avec vos propos? En finirez-vous avec cette politique du chiffre qui, en plus d’être inefficace pour lutter contre la délinquance, conduit à des abus graves et dangereux s’agissant de la garde à vue? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Patrick Roy. Et de la douche écossaise!

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, la garde à vue, dont nous avons déjà parlé ensemble, n’est à mes yeux qu’un instrument d’enquête: ni plus, ni moins.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas ce qu’elle est devenue dans la réalité!

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je souhaite, dans la réforme à venir, en limiter l’usage aux réelles nécessités de l’enquête; c’est à cette fin que nous menons un travail avec des parlementaires de tous les groupes ainsi que des universitaires. Il s’agit notamment de prendre en compte la gravité des faits et les peines d’emprisonnement qui pourraient y être liées.

S’agissant du terrorisme, de la grande criminalité ou des trafics de stupéfiants, nous sommes tous d’accord, je pense, pour que la garde à vue demeure un instrument essentiel; pour le reste, il faut l’adapter, et nous travaillons sur plusieurs hypothèses.

Il n’est évidemment pas question, monsieur Vallini, d’ignorer les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme; pour autant, il ne faut pas lui faire dire plus qu’elle ne dit. Ses exigences essentielles concernent le respect de la dignité, l’obtention des aveux – qui ne sauraient constituer des preuves suffisantes pour une condamnation –, ainsi que la présence de l’avocat et la capacité, pour celui-ci, de faire réellement son travail.

Tels sont les domaines sur lesquels nous travaillons. Au début du mois de févier, un projet de texte fera l’objet d’une très large concertation, à laquelle vous serez associés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Détecteurs de fumée

M. le président. La parole est à M. Damien Meslot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Damien Meslot. Monsieur le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, ce matin, la commission mixte paritaire a adopté à l'unanimité la proposition de loi que j'avais déposée avec mon collègue Pierre Morange, député des Yvelines, prévoyant l'installation d'un détecteur de fumée dans tous les logements.

M. Roland Muzeau. Et ceux qui n’ont pas de logement, comment font-ils?

M. Damien Meslot. En effet, en France, un incendie se déclare toutes les deux minutes. Les incendies domestiques sont responsables chaque année de 800 morts et de 10000 blessés. Nous avons souhaité inverser cette tendance inacceptable en rendant obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dont, en France, moins de 1 % des logements sont équipés. Dans les pays qui ont adopté une législation similaire, le nombre de morts a diminué de moitié.

Il y a quelques semaines, votre ministère a lancé une grande campagne de sensibilisation afin d'inciter nos concitoyens à s'équiper d'un détecteur de fumée. Je vous remercie très sincèrement d'avoir provoqué cette campagne d'information pour sensibiliser les familles et mieux prévenir les risques liés aux incendies domestiques.

Mais il faut à présent aller plus loin en faisant définitivement adopter cette proposition de loi qui, je le répète, a été votée à l'unanimité en commission mixte paritaire ce matin. Il appartient au Gouvernement de l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, quand vous comptez le faire? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme. Comme vous venez de le souligner, monsieur Meslot, les incendies domestiques provoquent chaque année des drames qui pourraient être évités grâce à l’installation de détecteurs de fumée. Notre pays a pris beaucoup de retard par rapport à ses voisins européens, chez qui les détecteurs de fumée ont permis de diminuer le nombre de morts, alors qu’il progresse, en France, depuis une dizaine d’années.

Il est donc temps d’agir, et ce dans deux directions: l’information d’une part, l’obligation d’installer de tels détecteurs de l’autre. Pour ce qui concerne l’information, nous avons lancé au mois de décembre une campagne de sensibilisation auprès des Français; elle donne déjà de premiers résultats, puisque le public lui a décerné le prix de la meilleure campagne publicitaire de l’année, et que l’on a observé des ruptures de stock dans les magasins.

Afin d’éviter des drames tels que celui de la semaine dernière à Bordeaux et de ce week-end à Marseille, nous devons néanmoins aller plus loin et rendre obligatoire l’installation des détecteurs de fumée. Ce matin, grâce à vous, monsieur Meslot, ainsi qu’aux présidents des deux commissions des affaires économiques, la commission mixte paritaire a adopté à l’unanimité votre proposition de loi. Le Gouvernement prend aujourd’hui l’engagement de l’inscrire à l’ordre du jour de votre assemblée au cours des prochaines semaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Avenir de l’Airbus A400M

M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Françoise Imbert. Monsieur le ministre de la défense, il y a à peine un mois, l’avion de transport militaire Airbus A400M a effectué son premier vol d’essai. Cependant, Airbus, filiale de EADS, menace encore d’abandonner le programme, en raison des trois années de retard sur le programme initial, d’un surcoût de 25 %, et du manque de soutien des pays acquéreurs de l’avion.

Aujourd’hui, les négociations sont dans l’impasse et EADS, qui a provisionné 2,5 milliards d’euros, refuse de prendre à sa charge une partie des 5 milliards d’euros de surcoûts supplémentaires.

Vous imaginez bien que l’abandon de ce programme militaire constituerait un échec industriel sans précédent pour l’aéronautique européenne. Des milliers d’emplois sont en jeu chez Airbus, mais aussi chez des sous-traitants midi-pyrénéens comme Latécoère ou Ratier à Figeac. La région Midi-Pyrénées serait atteinte économiquement et socialement.

Cet avion du futur – tel était son nom initial – répond à des besoins stratégiques clairement identifiés et à des impératifs politiques de défense et de recherche-développement.

La négociation financière est difficile, avez-vous déclaré il y a quelques jours, monsieur le ministre, mais vous êtes, semble-t-il, optimiste. Pouvez-vous nous faire partager votre optimisme? Pouvez-vous garantir l’engagement ferme de la France à l’égard de ce programme industriel? Pouvez-vous nous dire où en sont les discussions engagées avec nos partenaires européens? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.).

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, ministre de la défense.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Madame la députée, c’est au début de l’année 2009 qu’Airbus Military System a annoncé que le programme phare de l’A400M avait pris quatre ans de retard et faisait l’objet de surcoûts extrêmement importants, compte tenu de difficultés technologiques concernant notamment la mise au point du moteur.

Comme vous le savez, je me suis beaucoup impliqué dans la discussion entre Airbus et les sept pays partenaires de ce programme, et ma première tâche a consisté à faire en sorte que nous restions tous ensemble dans le même bateau.

M. Daniel Paul. Dans le même avion! (Sourires.)

M. Hervé Morin, ministre de la défense. En effet, il était alors probable, notamment en raison des impératifs de nos amis britanniques, qu’un certain nombre de pays quittent le programme. Or, si les Britanniques avaient été amenés à partir, le programme aurait tout simplement sombré.

Au mois de juillet, nous avons décidé de continuer, tous ensemble, à négocier avec Airbus Military System. Aujourd’hui, nous sommes d’accord sur les nouvelles spécifications de l’avion et sur son nouveau calendrier de livraison. Il nous reste désormais à régler la question majeure du partage de la prise en charge des surcoûts entre Airbus et les sept pays partenaires.

Ma volonté est que nous puissions conclure avant la fin du mois de janvier, ou début février lors d’une réunion qui doit se tenir à Istanbul. Toujours est-il que cette négociation doit avoir lieu. Elle est difficile, mais la France et le Premier ministre souhaitent que ce programme aille à son terme.

M. le président. Monsieur le ministre, merci de bien vouloir conclure.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Il s’agit d’un programme majeur pour l’industrie européenne de défense, d’un programme phare qui illustre la volonté des Européens de construire des projets communs. Nous ferons tout pour le sauver. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Protection internationale des sportifs mineurs

M. le président. La parole est à M. Marc Joulaud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Joulaud. Madame la secrétaire d’État chargée des sports, récemment encore, des informations particulièrement préoccupantes nous sont parvenues concernant la situation de jeunes sportifs africains en situation de déshérence sur le territoire européen.

Une fois de plus, aux difficultés légales se mêlent des situations humaines souvent des plus dramatiques. Ainsi, le 20 décembre dernier, après avoir erré de club européen en club européen pendant près de trois ans, un jeune sportif camerounais a débarqué à Paris, emmené par des intermédiaires qui lui avaient fait miroiter des succès sportifs et une carrière professionnelle de très haut niveau.

Ce cas n’est malheureusement pas isolé. Nombreux sont ces mineurs « repérés » dans leur pays d’origine par des intermédiaires peu scrupuleux, qui agissent bien souvent à l’encontre de toutes les règles du sport et de la protection de l’enfance.

Dans cent quarante-cinq jours, la Coupe du monde de football se déroulera pour la première fois sur le continent africain, en Afrique du Sud. Avec les joies et les succès que génère une compétition sportive de cette ampleur, ce sont aussi beaucoup d’espoirs qui naîtront pour de jeunes sportifs du continent africain. Mais au-delà de l’allégresse et de l’enthousiasme légitimes que suscitera cet événement sportif, nous ne devons pas oublier que la protection des sportifs mineurs est un sujet sur lequel il nous faut être pleinement vigilants et mobilisés.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais connaître vos projets et vos intentions en matière de lutte contre ce fléau qui touche d’abord de jeunes mineurs en situation de souffrance et de détresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports.

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des sports. Monsieur le député, vous avez raison.

Au mois de juin débutera la Coupe du monde de football en Afrique du Sud. Ce sera un très grand événement sportif et une immense fête mais, le football étant un phénomène extrêmement populaire, il n’échappe pas aux travers les plus graves de notre société, parmi lesquels il faut ranger la traite des mineurs, dont on parle peu.

De jeunes sportifs venus du Sud sont abusés par des intermédiaires peu scrupuleux qui leur font miroiter une carrière en Europe au mépris de la convention des droits de l’enfant. Vous avez cité le cas d’un jeune Camerounais pris en charge en décembre dernier par l’aide sociale à l’enfance. Ses rêves se sont brisés au moment où il a foulé le sol européen. Au-delà de sa situation particulière, que je suis de très près, ce sont des dizaines de jeunes joueurs dont l’enfance est volée et qui sont maltraités. C’est de l’esclavage sportif, et il faut le condamner.

Nous travaillons, bien sûr, en étroite relation avec les instances du football international, mais il faut surtout que nous renforcions en amont, sur le terrain, notre action de sensibilisation, de prévention et de formation. C’est la raison pour laquelle, le 6 octobre dernier, j’ai annoncé un projet de fonds sportif pour la protection internationale de l’enfance. Après en avoir installé la mission de préfiguration, je me rendrai demain en Afrique du Sud pour constater les réalisations exemplaires en matière de protection de l’enfance, notamment auprès de l’école Diambars, dirigée par Patrick Vieira, et auprès de Football for Hope , porté par la FIFA. D’ici au début de la Coupe du monde, ces projets pourront servir de modèle au programme de ce fonds sportif pour qu’il mène une action en faveur des jeunes abandonnés à leur sort et victimes de marchands de rêves. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des circonscriptions électorales.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma