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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Séance du lundi 5 mars 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Mobilisation du foncier en faveur du logement

M. Benoist Apparu, ministre chargé du logement

M. Bernard Gérard, rapporteur de la commission des affaires économiques

Discussion générale

M. Jean-Paul Lecoq

M. Gérard Gaudron

Mme Annick Lepetit

M. Jean-François Lamour

M. Marcel Rogemont

M. Jean-Pierre Nicolas

Article unique

M. Jean-Pierre Grand

Mme Frédérique Massat

Amendements nos 3, 4, 6, 7

Titre

Explications de vote

Mme Frédérique Massat, M. Jean-Paul Lecoq, M. Gérard Gaudron

Vote sur l'article unique

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Mobilisation du foncier
en faveur du logement

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, de mobilisation du foncier en faveur du logement (nos 4426, 4429).

La parole est à M. le ministre chargé du logement.

M. Benoist Apparu, ministre chargé du logement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous sommes à nouveau réunis pour examiner le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, dont la commission des affaires économiques a rétabli le titre.

La majorité sénatoriale a souhaité modifier totalement le texte initial en proposant de lui substituer l’une des mesures du candidat François Hollande, à savoir la cession gratuite de terrains de l’État. Au-delà du fait qu’existe déjà la possibilité de céder des terrains de l’État à une valeur inférieure à sa valeur vénale – moins 35 % pour le logement social, notamment –, le Gouvernement ne souhaite pas brader le patrimoine foncier de l’État.

M. Jean-Paul Lecoq. En tout cas, pour les autoroutes, il l’a bel et bien bradé !

M. Benoist Apparu, ministre. La situation actuelle des finances publiques ne permet pas à l’État de céder gratuitement les terrains qui lui appartiennent.

Par ailleurs, je rappelle que le programme que nous avons lancé pour 2008-2012 aura permis la construction de 55 000 logements et que la nouvelle tranche prévue pour 2012-2016 devra permettre la réalisation de 100 000 logements, dont 50 000 pour la région Île-de-France. La mobilisation du foncier public est donc largement engagée.

Comme je l’ai évoqué en première lecture, la politique du logement repose essentiellement sur des financements publics et privés très importants. Chacun aura pu néanmoins noter que, ces dernières années, ces fonds, au lieu de contribuer à une économie de production, ont été essentiellement absorbés par la hausse des prix. Il nous faut donc réinventer le modèle économique en question si nous souhaitons construire les logements dont nos compatriotes ont besoin et si nous souhaitons faire baisser les prix, ou tout au moins faire en sorte qu’ils stagnent.

Certes, la France construit de nombreux logements, plus de 400 000 pour l’année 2011, soit plus du double de l’Allemagne et presque le triple du Royaume Uni. Sur le quinquennat, nous aurons construit près de 2 millions de logements. Il n’en demeure pas moins que nous ne construisons pas encore suffisamment, et surtout pas là où il le faudrait.

Nous observons des contraintes importantes d’urbanisme, des réticences des élus face non pas à la nécessité de construire des logements mais à leur coût pour les finances communales. C’est pourquoi je suis convaincu qu’il nous faudra envisager une aide aux maires bâtisseurs. La compétence urbaine est encore trop dispersée. De même, le nombre de contentieux abusifs augmente. Je vous rappelle qu’un projet de décret est en cours de rédaction sur ces questions, car elles relèvent essentiellement de mesures réglementaires, qu’il s’agisse des amendes pour recours abusif ou de l’explicitation de l’intérêt à agir. Le décret sera prêt d’ici à la fin du mois de mars.

Pour répondre à l’ensemble des contraintes, maintenir l’emploi, produire les logements dont nous avons besoin et limiter l’investissement financier dans ce secteur, nous devons travailler sur les règles de constructibilité. C’est pourquoi le Président de la République a décidé que les droits à construire seraient relevés de 30 %.

Je ne m’attarderai pas sur le texte lui-même ; nous avons eu largement l’occasion d’en débattre et nous y reviendrons en examinant les amendements. Je précise néanmoins qu’il permet d’atteindre plusieurs objectifs politiques essentiels.

D’abord, il faut construire davantage de logements.

Ensuite, il convient d’y parvenir sans argent public.

Enfin, j’insiste sur le fait qu’on peut difficilement essayer de se battre contre l’étalement urbain, contre l’artificialisation des terres agricoles, et en même temps refuser la densification des constructions, qui est évidemment un élément de réponse essentiel. Cet enjeu est lié aux engagements contractés au Grenelle de l’environnement. Je reste convaincu que nous devrons travailler de façon différente en matière de constructibilité pour éviter la surconsommation de terres agricoles.

Une étude récente de la SAFER, qui demande probablement à être vérifiée, indiquait que nous n’en étions plus à la consommation classique, citée dans nos interventions, équivalant à la disparition d’un département de terres agricoles tous les dix ans, mais que l’artificialisation des terres portait ce rythme à la disparition de l’équivalent d’un département tous les quatre ans ! Cette surconsommation foncière pose un problème majeur pour l’ensemble de notre urbanisme, et nous devons travailler sur la densité, donc sur la constructibilité, pour mieux utiliser les terrains existants. Il s’agit d’un enjeu environnemental essentiel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les raisons qui ont poussé le Gouvernement à présenter ce texte. Je remercie la commission pour son travail. Je ne doute pas que, malgré le contexte actuel, nous parviendrons à adopter ce projet de loi à l’unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Gérard, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Bernard Gérard, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le 22 février dernier, l’Assemblée a adopté, en première lecture, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

Pour encourager l’offre de logements en favorisant la densification des constructions par des allégements réglementaires, le Gouvernement a proposé la mise en place d’une majoration obligatoire, sauf délibération contraire des collectivités concernées, de 30 % des règles de constructibilité liées au gabarit, à la hauteur, à l’emprise au sol ou au coefficient d’occupation des sols.

Le texte adopté par l’Assemblée a ensuite été rejeté par le Sénat, le 29 février 2012. En commission, ce dernier a en effet adopté des amendements supprimant l’article unique du projet et y insérant un article additionnel.

Ce nouvel article prétendait étendre la possibilité de décote sur les terrains privés de l’État, possible depuis le plan de cohésion sociale, aux immeubles bâtis ou non bâtis. Par ailleurs, l’article adopté par le Sénat portait la décote à 100 % – soit une cession à titre gratuit – pour la construction de logements sociaux.

La réunion d’une commission mixte paritaire, cet après-midi, a conduit à un échec et à l’impossibilité de concilier les points de vue respectifs des membres des deux assemblées.

Lors de la nouvelle lecture, la commission des affaires économiques de l’Assemblée a supprimé cet article additionnel. En effet, si le dispositif de décote existe déjà, son pourcentage a été fixé par décret à 25 % et porté à 35 % pour les zones tendues où les prix du foncier sont beaucoup plus élevés. Le droit actuel distingue donc deux situations différentes, distinction que supprime le dispositif adopté par le Sénat. Surtout, porter à 100 % le montant de la décote est excessif, sachant que cela réduit par ailleurs considérablement les recettes de l’État dans un contexte très contraint pour les finances publiques : les cessions rapportent actuellement environ 1,15 milliard d’euros par an. L’argent de l’État n’est pas res nullius.

Défavorable au dispositif adopté par le Sénat, la commission des affaires économiques de l’Assemblée a rétabli le texte adopté en première lecture.

Rappelons brièvement que celui-ci majore les droits à construire résultant du gabarit, de la hauteur, de l’emprise au sol ou du coefficient d’occupation des sols de 30 % dans les collectivités et groupements couverts par un document d’urbanisme. Ce dispositif vise 17 000 communes et 80 % de la population.

La mesure est transitoire et devrait s’appliquer d’ici au 1er janvier 2016, sur tout ou partie du territoire des collectivités concernées. Les communes et groupements pourront décider de ne pas appliquer la majoration et devront préalablement consulter les habitants suivant une procédure simple dont les modalités d’organisation sont laissées à leur appréciation.

Cette mesure vise à augmenter l’offre de logements sans accroître la dépense publique, à densifier les constructions sur tout le territoire et à favoriser les économies d’échelle sur un terrain donné. C’est par conséquent une mesure clairement orientée vers une politique de l’offre. Le Gouvernement estime en effet qu’il est totalement inefficace de résoudre le problème de la pénurie d’offre de logements en bloquant les loyers, car cela aurait un effet inverse à l’objectif recherché.

Enfin, ce texte s’inscrit dans une politique plus large visant, par une relance du secteur de la construction de logements, à redynamiser la création d’emplois dans la filière du bâtiment.

En commission, le Sénat a supprimé cet article sur proposition de son rapporteur, M. Thierry Repentin. Ce dernier a notamment précisé être « perplexe à la lecture de ce projet de loi » qui « se révèle finalement très proche du droit existant ». Or l’objectif du texte est bien d’inverser la charge de la preuve en prévoyant que la majoration soit applicable sauf délibération contraire de la collectivité concernée.

Quant aux conséquences économiques négatives dénoncées, rappelons les propos du ministre lors de la réunion de la commission du 14 février dernier, selon lesquels, dans le bilan d’opération, le foncier coûte plus cher quand l’on a rajouté de la surface hors œuvre nette. Il est bien évident que cela se retrouve dans le bilan de l’opération, puisque l’on construit davantage de mètres carrés, accroissant d’autant le chiffre d’affaires.

La commission ne partage donc pas l’analyse du Sénat et considère qu’en continuité avec les principes posés par le Grenelle de l’environnement, ce projet de loi ira dans le sens de la densification du tissu urbain, sans que les règles autres que celles de hauteur, de gabarit, d’emprise au sol ou de COS, issues des documents de planification, soient remises en question.

C’est pourquoi elle a rétabli l’article dans sa rédaction issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Dans le cadre de ce rétablissement, la commission a apporté des modifications. Elle a précisé en particulier que, le cas échéant, la délibération contraire à la majoration peut être adoptée au cours de la séance de présentation de la synthèse des observations du public. Cette modification a pour objectif de simplifier la mise en œuvre du dispositif en limitant le nombre de réunions obligatoires du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI.

M. Marcel Rogemont. Et pourquoi ne pas organiser un référendum d’initiative populaire ?

M. Benoist Apparu, ministre. Très bonne idée !

M. Marcel Rogemont. Ou plutôt d’initiative présidentielle !

M. Bernard Gérard, rapporteur. En conséquence de la suppression de l’article unique et de l’adoption d’un article 1er A prévoyant une possibilité de céder à titre gratuit des immeubles de l’État pour la construction de logements sociaux, le Sénat a modifié l’intitulé du projet de loi, le renommant « projet de loi de mobilisation du foncier en faveur du logement ».

Mme Annick Lepetit. Eh oui !

M. Bernard Gérard, rapporteur. La commission des affaires économiques a donc aussi rétabli l’intitulé du projet de loi initial du Gouvernement : « projet de loi relatif à la majoration des droits à construire ».

La commission vous propose d’adopter le texte ainsi modifié. Vous remerciant de votre attention, j’espère que nous voterons ce texte tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu, ministre. Très bonne idée !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, pour la deuxième fois, notre assemblée examine le projet de loi majorant les droits à construire. Ce texte a été rédigé, examiné et voté dans la précipitation. En première lecture, nous avons dû l’amender à l’aveugle, sans être en possession du texte. Au Sénat, les délais étaient tellement brefs que les amendements ont été examinés par la commission alors même que la discussion générale était engagée dans l’hémicycle du palais du Luxembourg. C’est du grand n’importe quoi !

M. Jean Mallot. C’est sûr !

M. Jean-Paul Lecoq. Cette fin de législature s’apparente davantage à une course frénétique qu’à l’exercice républicain du pouvoir législatif.

Le projet de loi, trouvaille des conseillers du président en manque d’annonces cathodiques, n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les acteurs, ce qui n’est jamais bon signe. Face à l’ampleur de la crise du logement, le Président de la République ne pouvait s’exonérer de faire l’impasse sur ce sujet dans sa campagne.

La situation est catastrophique : 3,5 millions de personnes sont mal logées, il manque un million de logements sociaux et 130 000 personnes sont SDF. Pour ceux qui ont la chance d’être logés, la charge de l’habitation dans le budget s’est largement accrue ces dernières années. Ainsi, entre 2000 et 2010, le prix des logements dans l’ancien a bondi de 107 %, l’inflation du loyer moyen dans le parc privé a été de 47 % quand les loyers HLM ont crû de 29 %, alors même que le revenu médian n’augmentait, lui, que de 13 %. Quant aux prix des terrains, ils ont bondi de 31 % au cours des quatre dernières années.

Parallèlement, les aides à la pierre ont fondu comme neige au soleil. Alors qu’elles dépassaient 800 millions d’euros en 2007, elles n’atteignent pas 350 millions aujourd’hui. En cinq ans, le manque à gagner pour le logement social s’établit à plus d’un milliard d’euros. Et je ne parle ici que des seules aides à la pierre. Je pourrais aussi mentionner les centaines de millions ponctionnés dans les caisses des bailleurs sociaux. Le voilà, le bilan du quinquennat du président Sarkozy, celui dont il tente, tant bien que mal, de s’exonérer !

Face à l’ampleur de la crise, que nous propose-t-il ? Un nouveau texte, le neuvième en dix ans, qui, à l’instar de tous les autres, serait censé apporter une réponse rapide et efficace à la crise du logement. Mme Boutin nous avait déjà promis monts et merveilles avec la loi MOLLE.

M. Marcel Rogemont. La bien nommée !

M. Jean-Paul Lecoq. Le bilan est indiscutablement bien moins reluisant.

Avec ce texte, le Gouvernement propose de majorer de 30 % l’ensemble des droits à construire. Depuis l’annonce de cette mesure, les critiques n’ont cessé de pleuvoir. J’ai cru comprendre qu’au sein même de la majorité, certains députés étaient plus que dubitatifs.

M. Jean-Pierre Nicolas. Mais non !

M. Jean-Paul Lecoq. Ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux du logement. Pire, il s’avérera contre-productif et attisera les tensions en engendrant une hausse des prix.

La première critique que je formulerai a trait à la démocratie et à la participation citoyenne. Alors que des milliers de villes ont élaboré ou élaborent encore des PLU, en concertation directe avec leurs populations dans le cadre d’enquêtes publiques, vous détruisez tous ces dispositifs pour appliquer autoritairement une majoration des droits à construire de 30 %. Pour compenser, vous proposez un ersatz de consultation dont on peine à délimiter les contours. D’ailleurs, le rapporteur vient de dire que les municipalités pourront choisir elles-mêmes le mode de consultation des citoyens.

M. Bernard Gérard, rapporteur. Elles s’administrent librement !

M. Jean-Paul Lecoq. Certes, mais je doute qu’un juge considère chaque voie choisie comme plus puissante que l’enquête publique réglementaire du PLU. Ce texte n’a pas fini de faire parler de lui. D’ailleurs, rien n’est prévu dans le projet de loi en cas de prise de décision par le maire sans consultation. C’est un problème auquel le juge risque d’être confronté. Pire : si la municipalité n’engage aucune action d’information ou de délibération, la mesure s’appliquera d’office. Les citoyens seront ainsi mis devant le fait accompli. J’affirme que ce projet de loi porte en lui les germes de nombreux contentieux.

Vous répétez à l’envi que cette disposition permettra de faire jaillir de terre 40 000 logements. Pour une mesure miracle, c’est un peu court quand on connaît l’ampleur de la pénurie de logements dans notre pays. De plus, ce chiffrage est quelque peu fantaisiste : il ne repose sur aucune analyse sérieuse.

Selon l’étude d’impact, il faudrait que 66 % des communes concernées appliquent la majoration à 50 % de leurs projets en utilisant 100 % des capacités de majoration. C’est un scénario totalement improbable…

M. Marcel Rogemont. Il n’y en aura pas 15 % !

M. Jean-Paul Lecoq. …quand on sait qu’aujourd’hui, bien souvent, les promoteurs n’utilisent pas l’ensemble des possibilités offertes par les seuls PLU.

À ce sujet, monsieur le ministre, vous oubliez de mentionner que la majoration des droits à construire existe déjà pour les bâtiments BBC et le logement social. Elle est inscrite dans la loi Grenelle II et la loi MOLLE. Or seules 0,5 % des communes concernées l’ont appliquée.

M. Marcel Rogemont. Et voilà !

M. Jean-Paul Lecoq. Pourquoi donc ? Tout simplement parce que le développement de l’offre de logements dépasse la seule question des droits à construire et de la densification.

M. Marcel Rogemont. Écoutez-le bien, monsieur le ministre.

M. Jean-Paul Lecoq. Prenez Paris. C’est une des villes les plus denses du monde : 20 000 habitants au kilomètre carré, bien loin devant Londres et même New York. Une ville comme Vincennes, avec ses 23 000 habitants au kilomètre carré, dépasse Macao et se rapproche de Calcutta en termes de densité. L’impact de ce projet de loi sera donc nul pour ces villes, pourtant fortement touchées par la crise du logement.

Depuis quelques années nous assistons à une densification des agglomérations, notamment en région parisienne. Ce phénomène progressif n’a nullement freiné l’envolée des prix. La densification ne peut à elle seule constituer une solution face à la pénurie de logements, et plus particulièrement de logements sociaux.

Enfin, ce projet de loi repose sur un mécanisme aussi simpliste qu’illusoire. Il suffirait de majorer les droits à construire pour produire plus, stimuler l’offre et ainsi faire baisser les prix. Ce mécanisme est loin d’être automatique, bien au contraire. La majoration des droits à construire produira même l’effet inverse. Elle va engendrer une augmentation des prix, et ce pour deux raisons.

Premièrement, tout le monde reconnaît, même M. Apparu, que ce projet de loi impactera à la hausse le prix du foncier. Or celui-ci est un facteur majeur de l’envolée du coût de l’immobilier ces dernières années. Le prix du foncier ne dépend pas de la valeur vénale des terrains, mais bien de ses potentialités et du prix de vente final du bâti. En majorant les droits à construire, vous valorisez les prix du foncier. Vous avez beau déclarer que les promoteurs ne répercuteront pas cette hausse, au final vous n’en savez rien, ou peut-être savez-vous justement qu’ils vont se régaler. Il n’y a aucune garantie, particulièrement en zone tendue. Le renchérissement du foncier sera extrêmement préjudiciable pour le logement social et les collectivités locales. Ce sera le principal effet pervers de ce projet de loi.

Au-delà du renchérissement du foncier, le Centre d’étude sur les réseaux, les transports et l’urbanisme, organe du ministère, a publié le 6 juin dernier une étude démontrant que, passé un certain seuil de densification, les coûts du logement augmentent. Cela s’explique principalement par un renchérissement des coûts techniques. Pour les chercheurs de ce centre d’étude, il existe une densité optimale pour chaque type de bâti. Celle-ci est clairement différenciée de la densité maximale.

Au Front de gauche, nous proposons une autre politique du logement et de l’urbanisme, basée sur la concertation et la participation de l’ensemble des acteurs, au premier rang desquels les citoyens. Le Gouvernement doit faire confiance aux maires dans l’élaboration des PLU et garantir l’effectivité de la libre administration des communes. Le rapport direct entre le maire et ses concitoyens est la garantie d’un urbanisme concerté et optimal, non pas maximal. Parallèlement, dans le programme du Front de gauche « L’Humain d’abord », nous proposons de construire un million de logements sociaux en cinq ans. Cela permettrait, d’une part, de répondre à la demande et, d’autre part, de juguler la spéculation immobilière sur les loyers privés et les prix à la vente.

M. Marcel Rogemont. Ça, c’est une vraie ambition !

M. Jean-Paul Lecoq. La réalisation effective de ces objectifs impliquerait en premier lieu une réorientation et une mobilisation inédite des moyens financiers.

Parallèlement il nous faut refondre la loi SRU en renforçant les obligations de construction de logements sociaux : 30 % en zone tendue, 25 % sur le reste du territoire. En cas de non-application de la loi, aucun permis de construire pour des programmes de plus de dix logements privés ne sera délivré.

À la construction massive de logements sociaux doit se coupler l’encadrement à la baisse des loyers dans le parc privé. À l’instar du système hollandais, nous sommes favorables à un encadrement administratif des loyers, comme nous l’avons détaillé dans notre proposition de loi sur le logement débattue en décembre dernier dans cet hémicycle.

M. Jean Mallot. Tout ce qui est hollandais est assez bon, en général !

M. Bernard Gérard, rapporteur. De Hollande à la Grèce, il n’y a qu’un pas !

M. Jean-Paul Lecoq. Enfin, des mesures d’urgence doivent être prises, comme l’interdiction des expulsions, le renforcement de la réquisition des logements vacants, la revalorisation du 1 % et la maîtrise publique et sociale du foncier, une sorte de « municipalisation » des sols, avec la mise en œuvre d’une taxation du foncier non bâti fondée sur la valeur vénale du terrain. Voilà les bases d’une autre politique du logement qui répondrait concrètement aux enjeux actuels.

Ces orientations sont en totale opposition avec les politiques menées depuis dix ans maintenant. Le présent projet de loi en est un exemple supplémentaire. Nous ne cautionnons pas ce cadeau de dernière minute aux investisseurs immobiliers. Pour l’ensemble de ces raisons, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Gaudron.

M. Gérard Gaudron. Madame la présidente, monsieur le ministre, le projet de loi portant majoration des droits à construire revient en discussion après l’échec de la commission mixte paritaire, qui s’est tenue en fin d’après midi au Sénat. En effet, nos collègues sénateurs ont décidé la semaine passée de remanier singulièrement le texte qui avait été adopté ici même.

M. Jean Mallot. Ils ont eu raison !

M. Gérard Gaudron. Outre un changement de titre du projet de loi, ils ont tout simplement supprimé l’article 1er pour introduire un article 1er A qui donne la possibilité à l’État de céder non pas seulement ses terrains, mais aussi ses immeubles en portant la décote potentielle à 100 % – un moyen de les céder gratuitement dans le but de favoriser la construction de logements sociaux.

M. Marcel Rogemont. Eh oui !

M. Gérard Gaudron. Aliéner des immeubles bâtis ou non bâtis du domaine privé de l’État à un prix largement inférieur à la valeur vénale, si la décote atteint 100 %, réduirait de façon significative les recettes de l’État, qui devrait trouver ailleurs des financements équivalents.

M. Marcel Rogemont. Dans la suppression du Scellier, par exemple !

M. Gérard Gaudron. Est-il raisonnable de procéder de la sorte dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons ? Compte tenu de son coût pour l’État, cet article n’est pas opportun. Aussi, la commission des affaires économiques propose-t-elle de le supprimer.

Il convient de rappeler que le Gouvernement a quand même montré l’exemple en engageant des programmes de cessions de terrains publics à titre onéreux avec décotes autorisées, afin de permettre l’accroissement de l’offre de logements. Ainsi, entre 2008 et 2012, près de 70 000 logements auront été construits sur des terrains publics. Comme quoi ça marche ! Un programme complémentaire entre 2012 et 2016 va concerner 100 000 logements, dont 50 000 en Île-de-France, région où l’offre de logements est particulièrement tendue.

Notre droit de l’urbanisme est souvent apparu trop contraignant. Fort de ce constat, le Gouvernement a préconisé un urbanisme de projets.

Le texte répond à cet objectif, en permettant une densification raisonnée pour optimiser les surfaces construites existantes, tout en réduisant la consommation excessive de surfaces de sol pour des opérations nouvelles.

Ce projet de loi va favoriser la construction, en portant notamment de 20 à 30 % la constructibilité dans le cadre de l’agrandissement ou de la construction de bâtiments à usage d’habitation, mesure applicable dans les collectivités dotées d’un PLU, d’un POS ou d’un plan d’aménagement de zone.

Comme chacun le sait, ce sont entre 20 000 et 40 000 logements supplémentaires par an pendant trois ans qui pourront être construits.

Certains craignaient une remise en cause des prérogatives du maire. De fait, la loi devrait les rassurer, car celui-ci demeure la clé de voûte du dispositif.

En aucune manière le principe de libre administration des collectivités locales ne sera battu en brèche.

M. Marcel Rogemont. Nous verrons bien !

M. Gérard Gaudron. Outre le fait que la majoration ne s’appliquera pas dans les territoires couverts par un plan d’exposition au bruit, ni dans les secteurs sauvegardés, cette mesure ne concernera pas les communes ayant déjà appliqué le dispositif de majoration des droits à construire en zone urbanisée pour construire ou agrandir un logement.

Il sera possible aux communes ou groupements d’appliquer ou non la majoration de 30 % ou de n’appliquer le dispositif que sur une partie de leur territoire.

À tout moment, il peut être mis fin au dispositif, à condition que le public soit informé, et qu’une délibération du conseil municipal soit prise en ce sens.

Compte tenu de tous ces éléments, le groupe UMP soutient le rétablissement de ce projet de loi pragmatique, visant à augmenter la densité de logement là où elle est souhaitable et souhaitée.

Ce texte, même s’il ne résout pas tous les problèmes, permettra à nos concitoyens d’avoir une offre de logements supplémentaires.

Le groupe UMP rétablira donc la version initiale du texte et la votera le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis dans cet hémicycle pour étudier ce qui se nomme désormais le « projet de loi de mobilisation du foncier en faveur du logement ». Avant de parler du fond, je tiens tout d’abord à souligner à quel point nous vivons un bel exemple de cette fameuse revalorisation du rôle du Parlement dont nous avons tant entendu parler ces dernières années sans jamais avoir pu la vérifier concrètement.

Il y a un mois à peine, le président-candidat nous annonçait des mesures qu’il qualifiait lui-même d’« extrêmement puissantes » pour que chacun puisse enfin être logé dignement dans notre pays, c’est en tout cas ainsi que nous l’avions compris. Le projet de loi est arrivé dans la foulée à l’Assemblée où nous l’avons discuté il y a quinze jours. La semaine dernière, il a été totalement réécrit par le Sénat.

M. Benoist Apparu, ministre. Mal réécrit !

Mme Annick Lepetit. Aujourd’hui, la commission mixte paritaire s’est réunie, puis la commission des affaires économiques, enfin nous voici en séance publique.

On peut raisonnablement imaginer que ce texte sera étudié demain au Sénat, en commission et en séance. Puis il nous reviendra le jour même, pour une lecture définitive qui clôturera cette treizième législature. C’est donc un texte étudié au pas de charge, qui se termine par trois lectures en deux jours dans deux chambres différentes. Il faudrait peut-être vérifier les archives mais, de mémoire, je n’ai pas le souvenir que le Parlement ait déjà eu l’occasion d’écrire la loi dans des conditions aussi exécrables.

Par contre, il y a une bonne nouvelle : c’est que le texte qui nous revient du Sénat est bien plus intéressant que celui issu de notre assemblée.

M. Benoist Apparu, ministre. Cela nous avait échappé !

Mme Annick Lepetit. Il donne une bonne idée de ce que pourrait être une politique du logement de gauche si les prochaines élections apportent au pays le changement qu’il attend,…

M. Bernard Gérard, rapporteur. Une bonne idée à 1 milliard d’euros !

M. Marcel Rogemont. Et la TVA sur la restauration, c’est combien de milliards ?

Mme Annick Lepetit. …c’est-à-dire un État qui assumerait son rôle de locomotive, en étant à l’initiative de la politique du logement.

Cette nouvelle version du texte permet en effet à l’État de vendre ses terrains, mais aussi ses immeubles déjà construits, à des prix inférieurs à leur valeur vénale.

M. Jean-François Lamour. C’est déjà le cas !

M. Jean Mallot. Attendez la suite, monsieur Lamour !

Mme Annick Lepetit. La condition fixée est qu’ils servent à des programmes comportant principalement des logements, dont une partie de logements sociaux. Sur ces logements sociaux en particulier, la baisse de prix pourra aller jusqu’à 100 % de la valeur vénale.

De nombreuses communes offrent déjà leurs terrains afin de construire des logements.

M. Benoist Apparu, ministre. C’est bizarre, Paris ne le fait pas !

Mme Annick Lepetit. Nous étendrons cette pratique qui a fait ses preuves aux terrains de l’État. Cela permettra de diminuer réellement le coût des opérations qui en ont besoin. Car, je le rappelle, il s’agit ici d’une possibilité offerte à la puissance publique ; ce sera à elle de s’adapter ensuite à la réalité de chaque situation.

Contrairement au projet de loi initial, cette idée a donc l’avantage de la simplicité. Nul besoin de modifier un PLU longuement discuté ou d’ouvrir des nids à contentieux en modifiant des documents d’urbanisme. Tout l’inverse de votre texte, qui va ajouter de la complexité et de l’insécurité juridique à un secteur qui n’en manque déjà pas.

Les résultats que vous attendez de votre projet me semblent également assez discutables. Vous estimez dans l’étude d’impact qu’un tiers des communes ne rejetteront pas cette majoration des droits à construire. D’une part, on note une nette diminution de vos ambitions par rapport aux annonces de Nicolas Sarkozy. Ou devrais-je plutôt dire un début de prise de conscience de la réalité du terrain ? D’autre part, cette estimation nous semble encore trop élevée. Pourquoi des élus locaux, qui ont passé des années à élaborer dans la concertation un PLU adapté aux besoins de leur collectivité, devraient-ils accepter une augmentation de 30 % de la densité ? Ce serait une remise en cause complète de leur travail et des équilibres qu’ils ont réussi à trouver. Si votre loi devait être mise en œuvre un jour, je lui prédis un destin aussi peu glorieux que celui de la maison à 100 000 euros ! Vous vous en souvenez, mes chers collègues ?

M. Marcel Rogemont. La maison à quinze euros par mois !

M. Jean Mallot. C’est un souvenir, en effet !

Mme Annick Lepetit. Quant aux effets négatifs de votre mesure, nous les subissons dès aujourd’hui, puisqu’une partie des transactions est déjà gelée par des vendeurs en attente de clarifications. Votre texte entraînera automatiquement une augmentation des prix du foncier, ce qui offrira à certains une belle plus-value, mais sera totalement contre-productif pour la construction de logements. Le but que vous prétendez poursuivre depuis le début de nos débats ne sera donc pas atteint !

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. Si le prix du foncier augmente, c’est qu’il y a du logement en plus !

Mme Annick Lepetit. Pour finir, je note que les arguments que je viens d’exposer sont partagés par d’autres élus que ceux de l’opposition, et notamment certains élus de droite au Sénat. Par exemple Philippe Dallier, qui vous a expliqué pourquoi il ne croit pas en la capacité de votre texte à augmenter réellement le nombre de constructions, et qui n’utilisera d’ailleurs pas votre dispositif. Il a même regretté que l’augmentation de la plus-value des propriétaires ne soit pas taxée davantage, c’est dire !

Globalement, ce texte aura montré les divisions qui parcourent votre camp. Par exemple, je m’attends à entendre ce soir toutes les critiques possibles et imaginables concernant notre proposition, puisqu’elle figure dans le programme de François Hollande. Au Sénat, par contre, en commission des affaires économiques, l’UMP et les centristes se sont abstenus sur l’amendement socialiste qui a réécrit le texte. En commission des lois, les centristes ont même voté contre votre projet. À l’Assemblée, ce sont les députés de la majorité qui traitent habituellement de ce sujet – je ne vais pas les citer – qui ont voté avec leurs pieds, en désertant nos débats, signe d’un malaise bien compréhensible. Nous le voyons encore ce soir.

Votre projet de loi, improvisé, mal préparé et tardif est en soi un constat d’échec. Finalement, vous préférez mettre en scène le mouvement à défaut de présenter des résultats. C’est bien la preuve que votre bilan en la matière est calamiteux. C’est un bon début que d’avoir compris, au bout de dix ans, que le logement était devenu un sujet de préoccupation majeur pour les Français.

M. Gérard Hamel. Entre 1997 et 2002, vous n’avez rien fait !

Mme Annick Lepetit. Mais il aurait été préférable d’agir efficacement, comme nous n’avons cessé de vous le proposer pendant ces dix années, au lieu de vous livrer à cette agitation stérile de fin de mandat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) .

M. Gérard Hamel. Quels donneurs de leçons !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’apprécie beaucoup la nuance avec laquelle Mme Lepetit a brossé le bilan de nos cinq années de mandat.

M. Marcel Rogemont. Excusez-moi, mais pour vous c’est dix ans !

M. Jean Mallot. Et elle n’a fait que rappeler des vérités !

M. Jean-François Lamour. Madame la députée, vous oubliez les trains de réforme qui ont résolument modernisé notre pays.

À vous entendre, en tant que députée de Paris,…

M. Jean Mallot. Députée de la République, élue à Paris !

M. Jean-François Lamour. …vous semblez oublier les terrains situés dans votre arrondissement, dans le XVIIe, aux Batignolles, qui vont vous permettre de construire des milliers de logements.

Mme Annick Lepetit. Une bonne partie de ces terrains a été rachetée par la ville !

M. Jean-François Lamour. C’est bien dommage que vous l’ayez oublié, tout comme vous avez oublié la vente des terrains et des hôpitaux de l’AP-HP à Broussais, Saint-Vincent-de-Paul, qui vont également permettre de trouver des marges de manœuvre.

Quand je vous entends dire que ces terrains doivent être cédés pour zéro euro, je trouve cette proposition particulièrement scandaleuse, car elle remet en question le désendettement de l’État, ou au moins le retour à l’équilibre de l’AP-HP.

Comme d’habitude, vous voulez d’un côté des finances saines, et de l’autre côté vous imposez à l’État ou à ses opérateurs des déséquilibres financiers que vous critiquez par la suite. C’est une contradiction qui est classique chez vous.

Comme ceux d’entre nous qui sont présents ce soir, c’est en tant que député d’une grande ville que je souhaite m’exprimer sur ce texte, et en tant qu’élu de terrain, recevant chaque semaine dans ses permanences des personnes qui peinent à trouver un logement adapté à leur situation familiale, professionnelle ou financière.

Je voudrais particulièrement évoquer une proposition du parti socialiste et du candidat François Hollande : le blocage des loyers. Il prétend prendre exemple, comme Bertrand Delanoë, sur ce qui a été fait en Allemagne.

Mais, mes chers collègues socialistes, vous savez bien qu’il s’agit là d’une mystification ! Nous sommes entre nous : au moins reconnaissez-le !

C’est une mystification parce que le prétendu encadrement des loyers allemand n’en est pas un. En Allemagne comme en France, la fixation des loyers est libre. L’outil allemand appelé outre-Rhin miroir des loyers est une image du prix locatif de l’ensemble des logements d’une ville. Ce miroir des loyers, qui est une fourchette de loyers hors charges, n’est là que pour permettre aux acteurs de l’immobilier, locataires et propriétaires, de se déterminer en toute connaissance de cause.

Mais c’est surtout une mystification parce que la comparaison des marchés locatifs entre nos deux pays n’est pas possible, et vous le savez parfaitement.

Prenons les exemples de Berlin et de Paris.

Mme Annick Lepetit. Cela n’a pas de sens : le logement est beaucoup moins cher à Berlin !

M. Jean-François Lamour. La métropole de Berlin mesure 900 kilomètres carrés quand Paris fait à peine 100 kilomètres carrés. À Berlin, on achète dans l’ancien pour 1 000 euros le mètre carré, quand la moyenne parisienne est à plus de 8 000 euros. En Allemagne, on encourage le secteur privé à investir, tandis que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, préempte à tour de bras pour atteindre les fameux 20 % de la loi SRU.

M. Marcel Rogemont. Il a bien raison !

M. Jean-François Lamour. Il fait ainsi flamber les prix de l’immobilier dans la capitale.

Mme Annick Lepetit. Quelle extraordinaire argumentation !

M. Jean-François Lamour. La réalité est que si ça marche en Allemagne, c’est qu’il y a de l’espace pour construire. Le problème de nos hypercentres français, enserrés dans leurs murailles, est justement qu’ils n’ont pas de potentiel de développement du logement.

C’est la raison pour laquelle nous défendons l’initiative du président de la République, je veux parler du Grand Paris, que la gauche a toujours dénoncé. Avec François Fillon, qui s’est rendu récemment à Saclay, et mes collègues parisiens, nous sommes convaincus que ce projet permettra, notamment grâce aux dessertes automatiques, de détendre la contrainte qui s’exerce sur Paris intra muros.

Oui, nous pouvons limiter certains abus, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, pour les petites surfaces, qui atteignaient des prix astronomiques. Mais ce n’est pas en bloquant les loyers que nous réglerons le problème du logement dans les grandes villes, bien au contraire ! L’encadrement des loyers incite les propriétaires à ne plus entretenir leurs appartements – comme nous le montre l’expérience de la loi de 1948 – et surtout, tue l’investissement locatif. Avec vous, messieurs de l’opposition, c’est très simple : au lieu d’avoir des logements chers, nous n’aurons plus de logements du tout !

Il nous faut donc libérer du foncier, construire lorsque cela est possible : c’est ce que souhaite le Président de la République et ce que nous propose le Gouvernement. Ainsi, nous augmenterons la capacité d’accueil de nos villes et nous détendrons un marché locatif dont tout le monde sait qu’il est inabordable.

M. Marcel Rogemont. Il ne vous reste plus que deux mois !

M. Jean-François Lamour. En vérité, chers collègues socialistes, vous voudriez nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais je l’affirme : le « miroir des loyers » que vous nous proposez n’est rien d’autre qu’un miroir aux alouettes.

Votre candidat le sent bien. Je suis certain que, si l’on s’en donnait la peine, on trouverait un enregistrement vidéo datant de quelques années, voire de quelques mois, dans lequel il se prononce contre le blocage des loyers, de la même manière qu’il s’opposait il y a un an à une tranche d’imposition supérieure à 40 %...

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Jean-François Lamour. Je comprends que cela ne soit pas agréable à entendre, madame la présidente, mais laissez-moi terminer.

Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Jean-François Lamour. Ce taux de 40 %, disais-je, que le candidat socialiste qualifiait lui-même de confiscatoire, et dont il affirmait, dans un accès d’honnêteté et de bon sens, qu’il aurait pour conséquences de nouvelles délocalisations.

Comme l’a dit Michel Rocard dans un colloque récemment organisé par l’un de vos think tanks, le problème, ce n’est pas votre candidat, c’est son programme, celui du parti socialiste, basé sur des données « en désaccord avec les structures statistiquement informées ».

Mes chers collègues, ce n’est pas l’agitation de votre très courte majorité au Sénat qui empêchera notre assemblée de voter ce texte. Celui-ci est, je le répète, une très bonne mesure pour le logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Votre remarque était déplacée, monsieur Lamour : vous avez parlé six minutes au lieu de cinq.

La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le dernier texte de cette législature. Il s’agit d’un projet de loi tout à fait particulier, puisqu’il touche à une dépense familiale de plus en plus intolérable pour beaucoup d’entre nous. L’augmentation des taux d’effort des ménages pour leur logement, en effet, n’a cessé de croître.

Bien sûr, nous sommes tous conscients que la question du logement, notamment celui des plus modestes, est lancinante. Mais qu’avez-vous fait depuis dix ans, chers collègues de la majorité, pour y répondre ? Le Gouvernement y a-t-il répondu, monsieur le ministre ? La mesure que vous nous proposez est-elle un élément de réponse ?

Vous n’avez cessé de faire croire que, grâce à une augmentation prodigieuse de la dépense fiscale, le marché pourrait régler la question du logement. Mais le Scellier, au coût faramineux pour le budget de l’État, a mis sur le marché des logements qui ne répondent pas à la question du logement des plus modestes. Pas moins de 1,9 milliard d’euros ont été dépensés en pure perte au titre de la déduction fiscale des intérêts d’emprunt pour la résidence principale et 900 millions d’euros ont été consacrés aux divers dispositifs de défiscalisation des investissements locatifs, sans aucune contrepartie sociale pour ce qui est du Scellier.

Mme Annick Lepetit. Aucune !

M. Marcel Rogemont. Si, d’aventure, la mise à disposition gratuite des terrains de l’État, mesure que nous proposons, devait coûter à l’État, il est clair que les sommes que vous avez évoquées, de l’ordre d’un milliard, seraient nettement en deçà de la dépense fiscale, qui, elle, n’a rien résolu.

Monsieur le ministre, vous voulez faire croire avec cette mesure que les vilains petits canards sont les communes, qui refusent de construire.

M. Benoist Apparu, ministre. N’est-ce pas ce que vous dites à longueur de journée à propos de la loi SRU ?

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas seulement en imposant que l’on peut faire avancer la question.

M. Benoist Apparu, ministre. C’est pourtant ce que vous avez fait avec la loi SRU !

M. Marcel Rogemont. Pas de cette façon. Il s’agit d’une mesure qui s’applique à tout le territoire. Il en va des politiques de l’urbanisme et du logement comme de l’amour : seules les preuves comptent.

M. Benoist Apparu, ministre. Et 600 000 logements en cinq ans, ce n’est pas une preuve ?

M. Marcel Rogemont. Les preuves, c’est le texte adopté par le Sénat, qui permettra que des terrains de l’État soient mis à disposition. Bien sûr, la question de l’extension urbaine et de son rapport au territoire se pose. Mais vous oubliez, monsieur le ministre, que c’est la fonction des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d’urbanisme et des plans départementaux de l’habitat d’y répondre. Que font les services de l’État ?

M. Jean-Paul Lecoq. Il n’y en a plus !

M. Marcel Rogemont. Ne peuvent-ils agir en faveur de la densification ? Je siège au comité régional de l’habitat de Bretagne et je regrette que les services de l’État, victimes de la RGPP, n’aient plus assez d’agents pour entretenir le dialogue avec les collectivités locales et obtenir les résultats que vous préconisez.

M. Benoist Apparu, ministre. Vous allez donc augmenter le nombre de fonctionnaires ?

M. Marcel Rogemont. Oui !

M. Benoist Apparu, ministre. Je pensais que vous réserviez cette mesure à la justice et à l’éducation…

M. Marcel Rogemont. Vous attaquez un aspect de l’architecture de la politique d’urbanisme. C’est une politique marquée par un pouvoir communal fort, par la nécessité démocratique, puisque l’élaboration des documents d’urbanisme exige des concertations, par la délégation de compétences, par la recherche, et non la confiscation, de la responsabilité des collectivités locales. Mais voilà que – patatras ! – vous mettez tout cul par-dessus tête, en imposant un dispositif destiné à masquer, ni plus ni moins, votre incapacité à gérer la question du logement.

C’est dans la co-responsabilité que vous devez agir, en accompagnant les politiques locales, les promoteurs publics que sont notamment les organismes HLM, mais aussi les promoteurs privés. L’État doit rester un partenaire actif pour inciter – et non forcer – les collectivités à travailler dans la bonne direction.

Je suis tenté de vous livrer un dicton populaire de Bretagne : « On ne mène pas la bique au bouc à coups de bâton. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Serge Poignant, président de la commission des affaires économiques. C’est de très bon goût !

M. Gérard Hamel. C’est ça, l’amour !

M. Marcel Rogemont. C’est pourtant ainsi que vous entendez mener votre politique de densification, contre l’intérêt des communes, qui, pourtant, peuvent décider en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun le sait, le logement peut amplifier les différences entre catégories sociales. Il peut opposer, voire humilier. Ce doit être un amortisseur social.

Qu’on le veuille ou non, le marché du logement existe. Il nous appartient d’être des correcteurs de ce marché en conjuguant efficacité économique et cohésion sociale.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Jean-Pierre Nicolas. Or le marché du logement est particulièrement tendu du fait de la hausse des coûts, qu’il s’agisse des prix de vente, dans le neuf comme dans l’ancien, ou des loyers, qui ont augmenté de 35 % entre 2000 et 2011 alors que, sur la même période, le revenu des ménages ne croissait que de 26 %. C’est la conséquence du déséquilibre structurel constaté entre l’offre et la demande de logements.

Ce déséquilibre est d’autant plus patent que la demande est de l’ordre de 1,2 million de logements sociaux. Même si 400 000 demandeurs occupent déjà un logement social, la mission qui nous incombe – celle de corriger le marché – revient à combler le déficit de 800 000 logements sociaux.

Mais nous payons là, au prix fort, la politique conduite au début des années 2000 en matière de logement social, puisque, en dépit d’une situation économique satisfaisante, la construction plafonnait alors en moyenne à 50 000 logements sociaux par an.

M. Benoist Apparu, ministre. Enfin de vrais chiffres !

M. Jean-Pierre Nicolas. Bien que depuis 2002 le rythme annuel ait considérablement augmenté pour s’approcher, en 2009-2010, de 150 000 logements, le déséquilibre n’est pas résorbé. La suppression du dispositif Scellier à compter du 1er janvier 2013 pourrait encore l’accroître sans la mise en place rapide de mesures adaptables aux contextes locaux et économes en deniers publics.

C’est l’objet du présent projet de loi, tel que la commission des affaires économiques l’a rétabli après son examen au Sénat.

Pour détendre le marché, le bon sens plaide en faveur d’une relance de la construction de logements. Encadrer le prix des loyers, comme le préconisent certains, pour élargir l’accès des demandeurs, n’augmenterait pas le nombre de logements. Et comme l’indique Gérard Collomb, maire socialiste de Lyon, une telle mesure aurait des conséquences catastrophiques pour l’économie, puisqu’elle détournerait les bailleurs de l’investissement, alors même que la construction d’un logement entraîne la création d’1,5 emploi.

L’augmentation de l’offre de logements est manifestement subordonnée à une utilisation optimale de l’emprise foncière. Certaines dispositions ont déjà démontré leur pertinence : cession de foncier public, vente de sites publics encore occupés par les services, possibilité pour l’État de louer ses terrains sur une très longue durée pour permettre la construction de logements locatifs qui, à terme, lui reviendront gratuitement. Dans ces dispositifs, qui commencent à porter leurs fruits, le patrimoine de l’État n’est pas soldé. Il n’est donc pas nécessaire de créer une taxe additionnelle pour compenser une éventuelle perte de recettes, ainsi que le prévoyait le texte du Sénat.

Ce projet de loi complète et renforce ces dispositifs. Empreint de bon sens et de pragmatisme, il conjugue deux impératifs : accroître la construction de logements, sans accroître le déficit budgétaire.

L’architecture générale de ce texte repose sur une densification des constructions en favorisant un mécanisme moins consommateur d’espace, permettant ainsi de limiter les déplacements et de rentabiliser les équipements existants.

Il s’agit aussi de favoriser les économies d’échelle en permettant par exemple la transformation de bureaux en logements afin d’améliorer l’équilibre financier des opérations réhabilitées. Combien d’opérations terminées affichent : « bureaux à louer » pendant de nombreux mois ?

De plus, en permettant la surélévation des bâtiments collectifs existants et l’agrandissement des maisons individuelles par ajout de surfaces, ce texte permet de répondre à l’évolution de notre société, dans laquelle l’augmentation du nombre de familles recomposées est notoire, tandis que grandissent les besoins d’adaptation des logements pour le maintien des personnes âgées ou handicapées à domicile.

Outre son bon sens évident, ce projet de loi est pragmatique puisque la majoration de 30 % des droits à construire pour les collectivités locales disposant d’un POS ou d’un PLU ne concerne pas, bien sûr, les terrains non constructibles, ce qui empêchera toute spéculation. Elle ne prévaut nullement sur les diverses servitudes en vigueur, concernant notamment la protection du patrimoine architectural, les plans de prévention des risques ou encore les plans de prévention des risques d’inondation.

Ce bon sens et ce pragmatisme se retrouvent dans la disposition, fondamentale à mon sens, qui respecte la libre administration des collectivités locales. Celles-ci peuvent, par délibération, ne pas appliquer la majoration sur tout ou partie de leur territoire. C’est la liberté totale. Cette mesure essentielle, à même d’emporter l’adhésion des collectivités locales, est limitée dans le temps et réversible. Ce projet de loi renforce ainsi la co-responsabilité avec les collectivités locales.

Monsieur le ministre, ce texte confirme, et je vous en félicite, la volonté de multiplier les dispositifs avec un double but : accroître sensiblement l’offre de logement dans une démarche sociale apportant sa contribution au développement économique de notre pays. J’y souscris pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Article unique

Mme la présidente. L’article 1er A ayant été supprimé, j’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article 1er, devenu l’article unique du projet de loi.

La parole est à M. Jean-Pierre Grand, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Jean-Pierre Grand. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le logement constitue l’une des préoccupations majeures des Français.

Annoncée le 29 janvier dernier, la mesure dont nous débattons ce soir devait permettre d’augmenter considérablement le nombre de logements. Elle devait également permettre de faire, enfin, baisser les prix de l’immobilier à la vente, à l’achat ou à la location.

Je constate aujourd’hui que plus personne ne parle de cette hypothétique baisse des prix. En effet, la constructibilité d’un bien demeure un élément majeur dans la fixation du prix. Aussi, ne faut-il pas s’attendre à ce que les propriétaires fonciers maintiennent le prix d’un terrain dont les droits à construire auraient augmenté. Cette mesure ne fera donc pas diminuer le prix du foncier bâti et non bâti ; elle le fera, au contraire, augmenter.

M. Benoist Apparu, ministre. Mais non !

M. Jean-Pierre Grand. Je trouve pour le moins choquant que la mesure soit accordée sans aucune contrepartie, contrairement aux majorations existantes pour le logement social ou la performance énergétique.

Pourtant, nos concitoyens sont aujourd’hui en attente de logements à un prix abordable.

M. Marcel Rogemont. Nous sommes d’accord.

M. Jean-Pierre Grand. Dans ma région du Languedoc-Roussillon, où la pression démographique est forte, 75 % des habitants du département de l’Hérault sont éligibles aux critères d’attribution d’un logement social. Tel est le véritable défi que nous devons relever !

M. Jean-Paul Lecoq. Exactement !

M. Jean-Pierre Grand. En outre, cette mesure est contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales. Si les communes et les intercommunalités ont la possibilité de délibérer contre cette majoration, elles sont néanmoins tenues d’organiser une consultation publique. Sans être opposé à la vie démocratique de nos communes, cette consultation du public risque de faire émerger des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général.

Les règles d’urbanisme fixées dans les POS ou les PLU permettent un développement harmonieux et maîtrisé de l’espace communal et intercommunal. Cette majoration des droits à construire aura un impact fort sur l’urbanisme de nos villes.

Enfin, le scepticisme affiché par la profession prouve, s’il en était besoin, que cette majoration ne constitue pas la solution miracle pour régler le problème du logement. Au contraire, en surenchérissant le prix du foncier, elle met à mal le bouclage des plans de financement du logement social.

Pour l’ensemble de ces raisons, je considère qu’il convient de repousser cette disposition et de voter mon amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le ministre, le logement est une réelle préoccupation pour les Français. L’accès au logement est aujourd’hui un véritable parcours du combattant : 700 000 personnes sont privées de logement personnel, plus de 3 millions de Français sont en situation de mal-logement et 1,4 million de nos compatriotes sont dans l’attente d’un logement social.

Face à ce constat, votre solution miracle serait, dans l’urgence et à la veille de la fin de la session parlementaire, d’augmenter les droits à construire de 30 % sans aucune concertation, sans étude d’impact sérieuse et au mépris du travail des élus mené dans chaque territoire.

Tous ceux qui se sont investis dans l’élaboration d’un POS ou d’un PLU savent que les politiques d’aménagement sont le fruit d’un travail minutieux, sur mesure, respectant les spécificités de chaque territoire. Ces considérations ont complètement été balayées par ce texte qui instaure une règle uniforme sur l’ensemble du territoire et dont la conséquence sera la flambée du foncier.

Votre loi ne résout rien, monsieur le ministre. Une politique publique cohérente aurait dû être élaborée. Or, depuis dix ans, rien n’a été fait dans ce sens. Votre texte a pour unique finalité de mettre en œuvre, en catastrophe, à la fin du quinquennat, une annonce de campagne du président sortant au mépris du travail des élus et de l’autonomie des collectivités territoriales, communes ou intercommunalités.

Ce texte recentralisateur ne répond ni à l’attente des élus, ni à celle des citoyens et des professionnels. Il n’augmentera en rien le nombre de logements disponibles. En fait, c’est un superbe cadeau offert aux propriétaires fonciers et aux promoteurs immobiliers.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 4, tendant à supprimer l’article.

La parole est à Mme Annick Lepetit, pour défendre l’amendement n° 3.

Mme Annick Lepetit. Il s’agit de supprimer un dispositif qui s’avérera peu efficace pour remédier à la crise du logement, complexe en termes de règlements d’urbanisme et porteur de contentieux. Nous avons été nombreux à le souligner, mais nous n’avons obtenu aucune réponse de la part du ministre.

La majoration des droits à construire servira surtout ceux qui ont les moyens de faire des travaux d’agrandissement, les propriétaires d’immeubles, les propriétaires de terrains constructibles, dont le bien va prendre de la valeur. La mesure renchérit le prix des biens et des terrains à construire au détriment des nombreux ménages qui souhaitent accéder à la propriété, et qui n’ont pas de patrimoine familial.

Cette mesure ne créera pas les logements supplémentaires abordables dont nos concitoyens ont tant besoin, et ne provoquera pas de baisse des prix des logements. Pourtant, j’avais cru comprendre que chacun s’accordait à dire que les loyers étaient trop chers.

M. Benoist Apparu, ministre. Vous confondez tout !

Mme Annick Lepetit. Cette mesure n’est pas une réponse à la gravité de la crise actuelle, qui pèse de plus en plus sur le budget des ménages.

Il est donc urgent de refonder une politique publique du logement s’appuyant sur la solidarité et sur la responsabilité de l’État pour garantir à tous nos concitoyens un habitat digne. Cette refondation passe aussi par l’encadrement des loyers dans les secteurs où ils sont excessifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l’amendement n° 4.

M. Jean-Pierre Grand. Je l’ai défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements de suppression ?

M. Bernard Gérard, rapporteur. Avis défavorable. La commission a rétabli l’article adopté par l’Assemblée. Nous proposons un système simple, souple et efficace. Construire 20 000 à 40 000 logements supplémentaires, ce n’est tout de même pas rien !

(Les amendements identiques nos 3 et 4, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n° 6.

M. Marcel Rogemont. Notre amendement tend à favoriser la création de logements sociaux et à répondre à la question du logement des ménages les plus modestes.

Oui, l’État peut faire ce que de nombreuses communes font déjà : libérer gratuitement du foncier pour le logement social. Cela coûtera cher à l’État, dit M. Lamour. Mais il me semble, cher collègue, que vous avez voté la baisse de la TVA sur la restauration, qui a coûté 3,5 milliards d’euros. J’ai rappelé, ce que l’on sait depuis que M. Juppé a été Premier ministre, que la défiscalisation des intérêts de la résidence principale ne jouait en rien dans la décision de construire ; elle a coûté 1,9 milliard. Vous êtes d’ailleurs en train de supprimer cette mesure. Je rappelle également les 900 millions pour le Robien, le Borloo et le Scellier, ce dernier dispositif représentant à lui seul 500 millions d’euros. J’ai compris que vous alliez le supprimer.

Vous êtes capables de dépenser de l’argent, tout en ignorant l’objectif initial, et ce que vous avez élaboré à un moment donné, vous le détruisez maintenant.

Ceux-là mêmes qui sont responsables de l’augmentation de plus de 600 milliards de la dette en cinq ans n’ont pas de leçon à nous donner en matière de gestion publique.

De plus, avec la mesure que nous proposons, l’État n’est pas obligé de céder à 100 % de décote. « Le montant de la décote peut atteindre 100 % de la valeur vénale de l’immeuble, pondérée par le rapport de la surface de plancher affectée au logement social à la surface de plancher totale du programme immobilier. » Je constate ainsi que, contrairement à nous, vous n’imposez jamais de contreparties sociales en matière de logement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Gérard, rapporteur. Avis défavorable puisqu’il s’agit de rétablir l’amendement du Sénat que nous avons supprimé en commission.

Il me paraît pour le moins extraordinaire de proposer des mesures qui auraient pour résultat de faire perdre à l’État plus d’un milliard d’euros par an.

M. Jean-Paul Lecoq. Combien a-t-il perdu avec la cession des autoroutes ?

M. Bernard Gérard, rapporteur. Je note que mes collègues ne sont pas allés jusqu’à dire que, dans les communes où ils sont majoritaires, ils mettraient gratuitement des terrains à disposition.

M. Marcel Rogemont. Moi, je le fais !

M. Jean-Paul Lecoq. Moi aussi !

M. Marcel Rogemont. Non seulement on le fait, mais on donne de l’argent en plus !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, ministre. Avis défavorable.

Il y a quelques semaines, j’ai cru comprendre que François Hollande avait présenté un programme avec un budget.

Mme Annick Lepetit. Au moins, il en a un, lui !

M. Bernard Gérard, rapporteur. Oui : la culture de l’impôt.

M. Benoist Apparu, ministre. Je croyais qu’il avait prévu les dépenses pour chaque mesure proposée. L’ensemble de son projet, a-t-il dit, coûte 20 milliards d’euros. À ceci près qu’il a tout simplement oublié de budgéter un certain nombre de mesures, notamment celle-ci, qui coûte 1,15 milliard d’euros par an. Il nous présente des dépenses en en oubliant une partie. Bref, comme d’habitude, c’est un projet politique non financé.

Deuxièmement, je suis surpris que votre amendement n’oblige pas les collectivités locales à faire la même chose que l’État.

M. Jean-Paul Lecoq. Elles le font déjà !

M. Benoist Apparu, ministre. Pourquoi deux poids, deux mesures ? Il y a là un point qui m’échappe dans votre raisonnement, mais je ne doute pas que saurez y répondre.

Troisièmement, Mme Lepetit a indiqué que les loyers augmentaient de façon très forte à Paris.

Mme Annick Lepetit. J’ai dit « dans certains endroits », pas seulement à Paris, hélas !

M. Benoist Apparu, ministre. Je vous rappelle que pendant ce quinquennat, les loyers ont augmenté de 1,9 % par an : ni 15 %, ni 20 % ! Si vous vous reportez à l’étude d’impact, vous constaterez que la période pendant laquelle les loyers ont augmenté de plus de 5 % par an, notamment à Paris, ce n’est pas durant ce quinquennat, mais juste avant !

M. Jean-Michel Couve. Très juste !

Mme Annick Lepetit. Bien sûr !

M. Benoist Apparu, ministre. Regardez les chiffres !

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Avec sa courtoisie habituelle et son grand sens des réalités, M. le ministre nous a rappelés à l’ordre s’agissant des dépenses. Il parle haut et fort pour essayer de masquer une réalité, à savoir que ce gouvernement est responsable de plus de 600 milliards d’euros de dette supplémentaire.

M. Jean-Michel Couve. Il y a eu la crise !

M. Marcel Rogemont. S’il n’y avait eu que la crise, nous n’en parlerions pas ici.

Vous avez porté la TVA sur le logement social de 5,5 à 7 %. Sans cesse, vous pompez l’argent des organismes de HLM en augmentant la TVA ou en créant des taxes sur le potentiel financier, sur l’autofinancement. Bref, vous prenez l’argent de ceux-là mêmes qui ont pour obligation de construire.

Le Gouvernement devrait agir en concertation avec ces organismes pour accroître le nombre de logements sociaux, particulièrement à Paris. Il est important que les terrains de l’État à Paris soient disponibles à un coût qui tienne compte du nombre de logements sociaux qui seront construits.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Berdoati.

M. Éric Berdoati. En cinq ans, la majorité a produit un peu plus de 625 000 logements sociaux, bien plus que le dernier bilan de la précédente majorité de gauche pendant la même durée.

M. Gérard Hamel. Largement plus !

M. Marcel Rogemont. C’était il y a dix ans !

M. Jean-Paul Lecoq. Les besoins ont évolué et se sont accrus. Comparez ce qui est comparable !

M. Éric Berdoati. Le rapport est de deux et demi entre ce que nous avons fait pendant cinq ans et ce qu’a fait le gouvernement Jospin entre 1997 et 2002.

M. Marcel Rogemont. On peut aussi remonter au temps des dinosaures !

M. Benoist Apparu, ministre. Vous parlez de Jospin ?

M. Éric Berdoati. Vous n’avez donc pas de leçons à nous donner sur ce point. Il suffit de rappeler les faits.

S’agissant de la dette, M. Rogemont est suffisamment expert pour se rappeler qu’au moment de la crise, nous avons fait le choix de la relance par l’investissement. C’était probablement le meilleur choix possible, comme le montre la comparaison avec les pays qui ont préféré la relance par la consommation : si nous avons mieux amorti le choc de la crise que d’autres pays de la zone euro, c’est bien parce que nous avons fait ce choix que vous nous reprochez à tort.

M. Benoist Apparu, ministre et M. Bernard Gérard, rapporteur. Bien sûr !

M. Éric Berdoati. Évidemment, la relance par l’investissement creuse quelque peu le déficit.

Mme Annick Lepetit. Quels investissements ?

M. Éric Berdoati. Le déficit est réel : 1 700 milliards d’euros. Est-il raisonnable dans ces conditions de déposséder gracieusement l’État de son actif alors que l’on a besoin de remettre ses comptes en équilibre ?

M. Jean-Paul Lecoq. Ça dépend pour quoi !

M. Éric Berdoati. Je vous rappelle que la charge de la dette, avec 42 milliards d’euros, constitue le deuxième poste budgétaire de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Avec quel argent comptez-vous financer les constructions de prisons qui sont à votre programme ?

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 7.

M. Bernard Gérard, rapporteur. Je précise qu’il a été cosigné par Michel Piron.

Le projet de loi prévoit que la synthèse des observations du public fait l’objet des mesures de publication applicables aux documents modifiant les règles d’urbanisme, ce qui signifie qu’elle devrait être publiée dans les recueils des actes des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale. Or ces recueils n’existent pas dans les communes et les EPCI de moins de 3 500 habitants. Il est donc nécessaire d’y prévoir également des mesures d’information du public.

Voilà pourquoi l’amendement propose que la synthèse soit tenue à disposition du public, celui-ci pouvant la consulter sur demande. Cette mesure est d’ailleurs celle applicable à tous les documents d’urbanisme approuvés.

L’amendement indique également qu’un avis précisant le lieu où la synthèse est tenue à disposition du public est affiché en mairie ou au siège de l’établissement public et, le cas échéant, publié au recueil des actes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, ministre. Avis favorable.

(L'amendement n° 7 est adopté.)

Titre

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’article unique, j’indique à l’Assemblée que la commission a ainsi rédigé le titre du projet de loi : « Projet de loi relatif à la majoration des droits à construire ».

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, radical et divers gauche.

Mme Frédérique Massat. Comme vous l’aurez compris, chers collègues, nous regrettons fortement que les apports du Sénat aient été complètement démolis après la réunion de la commission des affaires économiques et la séance publique de ce soir. Cela nous paraissait être la seule solution pour obtenir des résultats sur l’ensemble du territoire ou, du moins, le seul début de solution car, nous l’avons tous dit, en matière de logement, il faut une politique globale et non des mesures éparses comme celles qui nous sont présentées dans ce projet de loi.

Avec ce dernier texte coup-de-poing élaboré à la hussarde, sur le fond comme dans la forme, nous voyons se parachever la politique du logement totalement négative que la majorité a menée lors des dix et plus encore des cinq dernières années : gens à la rue privés de logement, longues listes d’attente pour les logements sociaux, nombreux territoires contraints.

M. Philippe Vitel. Ne dites pas n’importe quoi : notre majorité a construit trois fois plus de logements sociaux que la gauche !

Mme Frédérique Massat. Rien non plus n’a été fait en matière de logements vacants, alors qu’il est urgent de les mobiliser. Ce quinquennat n’a apporté aucune solution à cet égard.

Par ce texte qui méprise leur travail, les élus seront contraints de mener des études d’impact dont on ne sait par qui elles seront financées. À cela s’ajouteront des contentieux et une insécurité juridique naissante.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le ministre, depuis des semaines, nous cherchons les raisons de ce projet de loi. Nous avons donc fait un peu d’histoire, comme c’est souvent nécessaire pour comprendre l’avenir.

Quand vous avez créé le bouclier fiscal, vous l’avez justifié par les créations d’emplois. Nous avons très vite compris qu’il s’agissait pour vous de servir les grands actionnaires.

Quand vous avez supprimé la taxe professionnelle, vous avez avancé l’argument d’une prétendue amélioration de la fiscalité. En réalité, vous avez amélioré la fiscalité et les recettes des grandes sociétés ; les artisans et les PME ont souffert, eux, de cette réforme.

Ensuite, quand ceux-ci vous ont dit que vous ne les aviez pas soutenus, vous avez voulu vous rattraper en créant la TVA sociale pour servir les entreprises au détriment des consommateurs.

M. Éric Berdoati. Pendant que vous y êtes, remontez à la révolution russe de 1905 !

M. Jean-Paul Lecoq. Aujourd’hui, vous justifiez votre projet de loi par la volonté de remédier à la pénurie de logements, qui est forte dans notre pays. En réalité, je crois que ce texte est plutôt là pour servir le reste de vos amis que vous aviez oubliés pendant ce quinquennat : les grands propriétaires.

M. Benoist Apparu, ministre. Pathétique !

M. Jean-Paul Lecoq. Pathétique ? C’est la seule raison que j’aie pu trouver à ce projet de loi (Rires sur les bancs du groupe UMP)…

M. Benoist Apparu, ministre. Réfléchissez un peu plus alors !

M. Éric Berdoati. Rendez-nous Brard !

M. Jean-Paul Lecoq. …et à votre volonté de le faire adopter si rapidement, à la dernière minute.

De plus, ce texte s’accompagne de méthodes cavalières. C’est un cadeau empoisonné que vous offrez aux communes. Je ne sais pas comment vous allez expliquer cela aux maires quand ils vont se retrouver face aux grands propriétaires qui exigeront l’application de ces 30 %. Ils devront se défendre sans rien pouvoir opposer. Expliquez-moi un peu quelle puissance a la décision d’un conseil municipal face à un PLU, qui est opposable ? Comment le juge va-t-il pouvoir se sortir de cette situation ?

Mme Annick Lepetit. Le ministre n’a rien à répondre !

M. Benoist Apparu, ministre. C’est absurde !

M. Jean-Paul Lecoq. Vous n’avez pas travaillé cet aspect du projet de loi, qui est de ce fait totalement inapplicable. Vous le constaterez sur le terrain. Ceux d’entre vous qui sont maires devront gérer eux-mêmes la situation qui en résultera.

Pour toutes ces raisons inavouables, vous nous présentez ce texte qui ne pourra être appliqué. D’abord parce que nous n’en aurons pas le temps. Ensuite parce que, très vite, il sera annulé.

Nous voterons contre.

Mme Annick Lepetit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Gaudron. Contrairement à ce que nous venons d’entendre, je veux dire que nous sommes fiers de notre bilan en matière de construction de logements, fiers d’avoir logé un grand nombre de nos concitoyens …

Mme Annick Lepetit. Dites-le fort !

M. Gérard Gaudron. …et satisfaits du texte qui nous est proposé. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Benoist Apparu, ministre. Simple, limpide, clair !

Vote sur l'article unique

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique, amendé, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 6 mars à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et votes, par scrutin public, sur la proposition de loi relative à la protection de l'identité et sur la proposition de loi tendant à renforcer l'effectivité de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français ;

Éventuellement, lecture définitive du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante-cinq.)