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Délégation pour l’Union européenne

mardi 8 janvier 2008

16 h 30

Compte rendu no 26

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Examen du rapport d’information de M. Pierre Lequiller sur le traité de Lisbonne (ouvert à la presse)

II. Examen d’un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

III. Informations relatives à la Délégation

I. Examen du rapport d’information de M. Pierre Lequiller sur le traité de Lisbonne (ouvert à la presse)

Le Président Pierre Lequiller, rapporteur, a débuté son propos en se félicitant que le traité de Lisbonne permette de relancer l’Europe en mettant enfin un terme au lancinant débat institutionnel qui l’obsède depuis une dizaine d’années. Il a mis à la disposition des membres de la Délégation un rapport écrit sur le traité en indiquant que s’y joindrait un second tome comparant les dispositions actuelles des traités fondateurs à leur nouvelle rédaction issue du traité de Lisbonne.

Le rapporteur a estimé, en exergue, que ce traité est tout simplement indispensable. Il est indispensable parce que l’Europe ne peut pas avancer sans lui. Certes, l’Europe n’est pas aujourd’hui totalement incapable d’agir. Le déblocage du dossier Galileo est un très grand succès. La France s’apprête à tirer partie de sa présidence de l’Union pour promouvoir un agenda prometteur, de la gestion des migrations à la relance de la lutte contre le réchauffement. Mais si l’Europe avance, le traité de Nice l’enferme dans une impasse. Chacun sait bien que nous touchons les limites de ce qu’il nous permet de faire.

En exigeant que les trois quarts des Etats soient d’accord pour avancer, le seuil de majorité au sein du Conseil ferme les voies les plus ambitieuses et affadit les actions de l’Union. Le traité de Nice fait une part trop belle à l’unanimité. Il étouffe ainsi les initiatives en matière de lutte contre le terrorisme, de gestion des migrations, de lutte contre le changement climatique, de sécurité énergétique… Et que dire de l’extrême complexité des procédures juridiques, de l’enchevêtrement des procédures, du rôle ambigu des institutions ? Comment ne pas dénoncer la part presque inexistante faite aux citoyens et aux parlements nationaux ? Tout cela entrave l’action de l’Union. Tout cela creuse le fossé qui la sépare de ses peuples.

A chacun de ces défauts, le traité de Lisbonne apporte une solution.

Avec une nouvelle règle de majorité claire et moins exigeante, le Conseil sera en mesure de décider. Elle aboutit en effet concrètement à diviser par deux la capacité de blocage de chaque pays. Et elle augmente le poids des grands Etats, en particulier celui de la France.

Le traité donne à l’Europe les moyens nécessaires pour mettre en place de nouvelles politiques. La majorité qualifiée est étendue à plus de 50 domaines. L’espace de liberté, de sécurité et de justice est intégré à la « méthode communautaire ». Deviennent crédibles les perspectives d’une politique commune d’immigration, d’une espace pénal commun, même d’un Parquet européen. C’est vrai que, prudemment, les Etats se sont conservés un veto dans ce domaine. C’est la « clause de frein », grâce à laquelle chaque Etat pourra demander de renvoyer au Conseil européen les décisions contraires à ses principes fondamentaux. Mais, en contrepartie, si aucun consensus n’émerge, une coopération renforcée sera automatiquement enclenchée entre les Etats désireux d’avancer.

Pour le reste, le traité crée de nouvelles bases légales pour une politique européenne de l’énergie, de l’espace et donne une nouvelle impulsion à la recherche commune. Il prévoit l’engagement d’actions d’appui des législations nationales pour les politiques au plus près des citoyens : le sport, le tourisme, la coopération civile. Et il « fluidifie » les prises de décisions en levant l’hypothèque de l’unanimité dans de nombreux domaines liés à l’Union économique et monétaire, aux transports, à la culture, à l’aide humanitaire…

Seule la politique étrangère et de sécurité commune demeure en grande partie isolée dans le bastion de l’unanimité. Quelques perspectives prometteuses sont cependant là aussi tracées. Le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité se voit doté des moyens d’incarner une Europe cohérente et unie. Il sera le coordinateur des Etats grâce à sa présidence du Conseil des affaires étrangères. Il sera le promoteur de la cohérence de l’action externe grâce à la concentration à son profit des prérogatives extérieures de la Commission dont il assumera la vice-présidence. L’Europe de la défense recevra une impulsion décisive, grâce au « Schengen de la défense ».

Mais pour lutter contre la confusion démocratique européenne, le rapporteur a relevé que le traité va plus loin encore.

L’Union souffre d’être désincarnée. Et sans incarnation politique, pas de responsabilité claire et identifiable, pas de lisibilité de l’action. Sans visage, l’Europe reste abstraite pour tous les citoyens. Ici réside l’effet pervers de la rotation semestrielle des présidences entre chaque Etat membre. Cet effet pervers est d’ailleurs amplifié par la brièveté des présidences qui nuit à la continuité des travaux et fractionne la représentation internationale de l’Union. L’élargissement a accentué ces défauts. Les présidences tournantes ne reviennent que tous les 14 ans. Comment éviter la tentation de privilégier les initiatives spectaculaires à usage interne plutôt que la poursuite des projets communs déjà dans les tuyaux ?

En réponse, le traité de Lisbonne crée la fonction de président du Conseil européen. Il sera élu par les chefs d’Etat et de gouvernement à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi renouvelable une fois. Il est tôt pour mesurer l’influence concrète de cette innovation. Le président sera-il un simple « chairman », modeste « facilitateur de compromis » et « honnête courtier » ? Sera-t-il à l’inverse le vrai leader de l’Union, incarnant le projet européen et donnant les grandes directions ? Tout dépendra, bien sûr, du choix du premier titulaire du poste. Le rapporteur a cependant considéré que l’usage devrait pencher vers une forte autorité, en mesure de donner un visage à l’Europe, changeant radicalement la perception que s’en font les citoyens.

L’autre grand progrès démocratique est la promotion du Parlement en véritable co-législateur de l’Europe. Et la France y sera d’ailleurs plus influente, en gagnant deux sièges. Le traité élargit le pouvoir du Parlement à presque tous les domaines. Et il établit clairement qu’il lui revient d’élire le Président de la Commission. Là encore, l’avenir est ouvert. C’est bien le Conseil européen qui reste le « faiseur de roi ». C’est lui qui sélectionne le candidat soumis à l’investiture parlementaire. Mais ce pouvoir pourrait devenir peu de chose si l’Europe se politise. Dans l’hypothèse probable où les partis politiques désignent dès la campagne pour les élections de 2009 leurs candidats à la présidence de la Commission, on voit mal le Conseil européen ignorer le suffrage universel en retenant une autre personnalité que le vainqueur des élections.

Plus près des peuples, le traité comporte aussi deux innovations décisives.

Un million de citoyens pourront inviter la Commission à rédiger un acte législatif. A l’heure d’Internet, ce droit d’initiative peut être lourd de conséquence.

Une place nouvelle et profondément originale est faite aux Parlements nationaux. Un article entier du traité sur l’Union européenne leur est consacré. Ils se voient dotés d’un droit de veto sur les révisions simplifiées des traités, qui permettent au Conseil unanime d’étendre le champ de la majorité qualifiée et de la codécision. Les parlements sont dotés d’un droit de contrôle et d’évaluation sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Surtout, les parlements nationaux sont promus en vigies de la subsidiarité.

Lorsqu’un tiers des parlements nationaux estimera qu’un texte porte atteinte au principe de subsidiarité, la Commission devra réexaminer son texte et motiver son éventuel maintien. C’est le « carton jaune ». Lorsque la moitié des parlements nationaux émettra un avis de non-conformité, le Conseil et le Parlement européen devront, en première lecture, examiner si le projet est conforme au principe de subsidiarité. Ils pourront le rejeter à la majorité de 55 % des membres du Conseil ou à la majorité des suffrages exprimés au Parlement européen. C’est le « carton orange ». Il existe enfin un « carton rouge » en toute fin de la procédure législative. Les parlements nationaux pourront former dans les deux mois qui suivent la publication d’un acte législatif un recours motivé auprès de la Cour de justice de l’Union européenne pour non-conformité au principe de subsidiarité afin d’en demander l’annulation.

Tous ces progrès dessinent un nouveau cadre institutionnel prometteur.

Le rapporteur a cependant estimé que le traité est le meilleur compromis possible. C’est tout le mérite du Président de la République et de la Chancelière allemande d’avoir réussi cet exploit : permettre à l’Europe de rédiger, en moins de six mois, un traité, accepté par tous, qui intègre toutes les dispositions aptes à remettre l’Europe sur les rails. Et ils l’ont fait sans rouvrir la boîte de Pandore institutionnelle et sans insulter les dix-huit Etats membres qui avaient ratifié la Constitution.

Les aspects les plus positifs des nouvelles institutions ont été préservés. Deux raisons justifient ce choix aux yeux du rapporteur.

La première découle d’une interprétation du verdict des peuples français et néerlandais. Les débats, et les motifs de refus, n’ont pas porté sur les institutions à proprement parler. Les Français n’ont manifestement pas rejeté la création d’un président pour l’Europe. Ils n’ont pas nié la légitimité de la nouvelle règle de décision au Conseil. Au fond, l’architecture institutionnelle est, avec la Charte des droits fondamentaux, la partie de la Constitution qui a le moins fait l’objet de critiques et, par conséquent, de rejet.

Ensuite, il faut prendre conscience de l’extrême fragilité de l’équilibre atteint en 2004. Chaque Etat membre a alors dû faire des concessions importantes. C’était la force de la démarche conventionnelle. Elle a insufflé une dynamique politique qui était parvenue à briser la traditionnelle prudence et le pointillisme des conférences intergouvernementales. Ainsi, à la différence des compromis atteints à Amsterdam et à Nice, la nouvelle architecture institutionnelle était ambitieuse et durable. On a vu à quelle vitesse les intérêts étatiques se sont engouffrés dans la brèche ouverte par la renégociation d’un traité en juin dernier. Plusieurs Etats sont ainsi revenus sur des concessions qu’ils avaient faites trois ans plus tôt. Qu’en aurait-il été si tout avait à nouveau été sur la table ? Dix-huit Etats ont ratifié la Constitution européenne. Etait-il possible de n’accorder aucun poids à leur engagement, parfois difficile ?

Le traité est à cet égard profondément différent de la Constitution. En particulier, il répond à chacune des critiques de ceux qui avaient choisi de lui dire non.

Beaucoup avait craint l’émergence d’un « super-Etat » européen se substituant aux Etats nationaux. Le traité abandonne tout ce qui pouvait s’interpréter comme les prémisses d’un fédéralisme européen. Il accroît les moyens de contrôle des Etats, en particulier de leurs parlements nationaux, pour veiller à la juste répartition des compétences. Et il abandonne l’ambitieuse démarche constitutionnelle.

L’inquiétude récurrente sur le déficit social d’une Europe acharnée à démanteler les barrières à la mondialisation avait joué un rôle décisif en France. Le traité renforce les moyens et les objectifs de l’Europe sociale. Le rôle de l’Union dans la « protection » de ses citoyens est pour la première fois reconnu. La célèbre « concurrence libre et non faussée » est ravalée à son statut nécessaire de « moyen » et non de « fin » en soi de l’action politique. Un nouveau protocole protège des services publics nationaux « de qualité aussi élevée que possible ».

On sait aussi la part qu’ont jouée les craintes face à l’accélération du rythme de l’élargissement. Le traité prévoit que soient pris en compte les « critères d’éligibilité approuvés par le Conseil européen » qui incluent désormais « « la capacité de l’Union à assimiler de nouveaux membres tout en maintenant l’élan de l’intégration européenne ».

Et en réponse aux citoyens exaspérés par le déficit démocratique européen, le traité, on l’a vu, renforce les pouvoirs des parlements nationaux grâce au nouveau carton orange.

Enfin, nombreux furent ceux qui critiquaient l’illisibilité d’une Constitution « fourre-tout ». Et beaucoup dénonçaient que les politiques libérales soient gravées dans le marbre dans la fameuse « troisième partie ». Plus de troisième partie dans le traité de Lisbonne, qui se contente d’amender les textes fondateurs. En se concentrant sur l’essentiel, le traité est simplifié. Cela ne veut évidemment pas dire qu’il soit simple, mais c’était impossible. La réalité de l’Union, qu’il décrit, ne peut pas l’être.

Pour apprécier les avancées obtenues, le rapporteur a jugé nécessaire de mesurer le prix qu’il a fallu payer pour relancer l’Europe. L’abandon des symboles et de la démarche constitutionnelle a été amplement commentée.

Mais d’autres concessions sont plus regrettables. L’application de la règle de double majorité au Conseil prend presque dix ans de retard. La nouvelle règle ne sera applicable qu’en 2014, mais les Etats pourront demander à recourir aux pondérations du traité de Nice jusqu’en 2017. En pratique, le recours au vote, conçu plutôt comme une « arme de dissuasion », est très rare au sein du Conseil. Les négociations dépendent plutôt de la perception que chaque Etat membre se fait de son aptitude réelle à parvenir à bloquer une décision. Il est donc probable que, concrètement, les membres du Conseil continueront jusqu’en 2017 de raisonner selon le système de pondération du traité de Nice. C’est lui qui définira la vraie minorité de blocage.

De même, les dérogations britanniques sur l’ensemble de l’espace de liberté, de sécurité et de justice et sur la Charte des droits fondamentaux sont des précédents regrettables. Qu’un citoyen français puisse invoquer ses droits européens auprès de ses juges lorsqu’un citoyen britannique ne le pourra pas, est une entorse importante à l’idéal d’un destin partagé.

Il faut mesurer ce prix en comprenant bien qu’il serait plus élevé encore si les Etats échouent à ratifier le traité de Lisbonne.

Le rapporteur a en effet remarqué qu’il n’y a pas de plan B mais une seule alternative claire. C’est soit le traité de Lisbonne, soit le traité de Nice. Après six années de négociations, il est inenvisageable de remettre sur le métier un nouvel ouvrage institutionnel.

Le rapporteur a conclu en insistant sur l’urgence qu’il y a à ratifier le traité.

La date du 1er janvier 2009 a été retenue par les Etats membres. C’est la première fois qu’un traité devra être ratifié en moins d’un an, les autres traités ayant en moyenne été ratifiés en vingt mois. Pourquoi aller si vite ? Tout simplement parce qu’au printemps 2009 auront lieu les élections européennes. Il est indispensable que les nouvelles dispositions institutionnelles soient mises en place avant cette échéance. A défaut, le programme législatif des prochaines mandatures serait fractionné entre deux régimes profondément différents. L’apparition de nouveaux acteurs et de nouvelles procédures changera radicalement la donne européenne. Il faudra bien procéder à de difficiles ajustements. Il est indispensable que les règles du jeu soient stables et bien comprises avant que le jeu ne débute, c’est-à-dire avant que les nouveaux Parlement et Commission ne commencent à travailler.

Le rapporteur a estimé de la responsabilité de la France de montrer l’exemple.

Le Président de la République a choisi de mettre la France aux premiers rangs de l’Union en demandant au Parlement de ratifier aussi rapidement que possible le nouveau traité simplifié. Ce choix est assumé. Nicolas Sarkozy a su prendre ses responsabilités devant le peuple. Il s’est toujours engagé à passer par la voie parlementaire, et les députés de la majorité ont été élus sur cette base. Ce choix a dès lors été approuvé par le peuple, les Français ayant voté le 6 mai 2007 en pleine connaissance de cause et sans aucune ambiguïté. Conscient que relancer l’Europe impliquait d’aller vite et de faire un geste de confiance vers ses partenaires, le Président de la République a voulu que l’élection présidentielle permette aussi de trancher cette question lancinante depuis l’échec du référendum du 29 mai 2005. Ce choix est enfin un choix efficace, jouant un le rôle décisif dans le déblocage de la situation.

Ce choix est enfin respectueux du verdict du peuple dans la mesure où le traité de Lisbonne diffère profondément de la Constitution européenne. L’Europe sociale a été renforcée, les droits des Etats membres mieux protégés et les objectifs ultimes de l’Union ont été adaptés aux attentes exprimées par les peuples.

Dans ce contexte, le rapporteur a estimé qu’il est donc permis d’aller vite. A cette fin, deux projets de loi seront débattus. L’un propose la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité, tandis que le suivant autorisera la ratification proprement dite du traité de Lisbonne. Une lecture du projet de loi constitutionnelle est prévue dans chaque assemblée, avant que le Congrès ne se réunisse début février. Le projet de loi de ratification pourrait ensuite être adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat dans des délais brefs. Le Gouvernement a fait le choix de limiter le projet de loi constitutionnelle aux seules dispositions rendues indispensables par le traité de Lisbonne, renvoyant l’amélioration nécessaire du contrôle parlementaire des affaires européennes à l’ambitieuse réforme constitutionnelle issue des travaux du comité présidé par M. Edouard Balladur.

Ainsi, le projet de loi constitutionnelle est constitué de deux étapes. La première, d’application immédiate, permet au législateur de consentir au transfert général de compétences nécessaires à la ratification du traité en amendant l’article 88-1 de la Constitution.

En revanche, l’article 2 du projet de loi constitutionnelle subordonne à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne une modification de l’ensemble du titre XV de la Constitution. Celle-ci tire les conséquences de la disparition de la Communauté européenne, remplacée par l’Union européenne et définit les procédures applicables aux nouveaux pouvoirs que le traité de Lisbonne reconnaît aux Parlements nationaux.

Le rapporteur a conclu en soulignant que l’adoption rapide de ces deux lois permettra de remettre la France aux premiers rangs des Etats européens et de confirmer son retour en Europe. C’est une responsabilité décisive. Il a indiqué qu’il voterait ce texte avec la conviction qu’il est indispensable, la certitude qu’il est le meilleur compromis possible, et l’enthousiasme lié à ce que, grâce à lui, l’Union va retrouver très vite les moyens de donner aux peuples ce qu’ils attendent d’elle. Quelle que soit la formule, l’« Europe par la preuve » ou l’« Europe par les résultats », elle résume bien ce qui attend désormais l’Union.

Le rapporteur a ensuite invité chacun des membres de la délégation à faire ce même choix, en conscience.

M. Daniel Garrigue, après avoir salué le travail du Président Pierre Lequiller dont il a rappelé la très grande implication dans les problèmes européens, a considéré que si ce traité répondait à beaucoup d’attentes, trois problèmes devaient néanmoins être soulignés.

Avec ce traité, l’Union européenne peut agir et décider notamment face à la mondialisation. Il s’est cependant interrogé sur le délai de mise en œuvre de la double majorité en s’interrogeant sur la possibilité d’abréger ce délai.

L’Union européenne va bénéficier de la personnalisation du pouvoir avec l’élection d’un Président du Conseil européen stable mais se pose la question de sa coexistence avec les présidents du Conseil « tournants » et de l’articulation de leurs pouvoirs respectifs.

Il y a une montée en puissance des Parlements nationaux longtemps tenus à l’écart de la construction européenne. Il a plaidé pour que soit relancée l’idée d’une seconde chambre européenne composée des représentants de ces Parlements nationaux.

M. Marc Laffineur a apporté son soutien aux conclusions du Président Pierre Lequiller en estimant que le redémarrage de l’Europe était indispensable après l’échec de 2005 et que la France sortait ainsi de l’isolement où elle était depuis cette époque.

Après avoir souhaité que la ratification intervienne le plus vite possible avant les élections européennes de 2009, il a reconnu, à l’instar de M. Daniel Garrigue, que des interrogations importantes demeuraient mais qu’il était primordial d’aller de l’avant afin que l’Union européenne puisse s’organiser pour pouvoir peser en faveur de la paix dans un monde de plus en plus inquiétant.

M. Thierry Mariani a estimé que le rapport du Président Pierre Lequiller pouvait constituer un bon argumentaire pour expliquer aux citoyens en quoi ce traité était différent du projet de Constitution et pour les convaincre de le soutenir.

M. André Schneider a souligné la qualité de ce rapport qui expliquait simplement un problème complexe. Néanmoins il faudra encore faciliter l’abord de ce traité dit « simplifié » pour les citoyens tant il apparaît, sur la forme, fort complexe. Il apporte son soutien à ce texte qui permet à l’Europe de se remettre en marche.

M. Jean Dionis du Séjour a rappelé sa profonde déception lors de la victoire du « non » en 2005 et qu’il avait été favorable à l’organisation d’un nouveau référendum. Saluant le courage du Président de la République préconisant une ratification parlementaire lors de la campagne électorale, il a fortement déploré l’impossibilité actuelle d’obtenir une ratification populaire sur ce type de texte dans tous les pays d’Europe simultanément. Il a estimé que le cœur du problème était que l’on ne pouvait pas, à l’heure actuelle, entraîner les peuples européens dans une marche en avant dans ce domaine. Il a conclu en indiquant qu’il soutiendrait ce texte qui était, actuellement, le meilleur compromis.

M. Christophe Caresche a estimé que, même si chacun avait dans le passé, défendu ses propres positions, pour ou contre la Constitution européenne, on pouvait considérer que le traité de Lisbonne marquait la fin d’une crise très grave pour l’Europe. On ne peut pas savoir comment les Français réagiraient si une consultation était organisée aujourd’hui. On risquerait de retrouver les mêmes arguments et la crise ne serait pas terminée.

Les motivations du « non » au référendum de 2005 étaient diverses. Certaines critiques ont été entendues et le traité de Lisbonne est bien différent du traité constitutionnel. En particulier, il ne reprend pas la troisième partie qui était consacrée à la définition et au contenu des politiques européennes. Cette troisième partie n’avait d’ailleurs pas fait l’objet de débats à la Convention et son inclusion a été une erreur.

Pour ces différentes raisons, le Parti socialiste s’est prononcé en faveur du traité de Lisbonne.

M. Christian Paul a estimé qu’on ne dissiperait pas par l’adoption parlementaire un trouble profond dans l’opinion. Il est très dangereux de considérer que l’élection présidentielle équivaut à un référendum sur tous les sujets, en particulier sur l’Europe. C’est une profonde erreur que de miser sur l’amnésie des peuples. S’il est possible d’adopter de nouvelles règles de fonctionnement de l’Union européenne, on ne peut oublier le référendum de 2005.

Il est difficile de savoir si ce traité va permettre un nouveau départ ou si au contraire c’est un traité « pour solde de tout compte ». Cette difficulté est renforcée par le fait qu’à travers les positions exprimées par le Président de la République, il est impossible de savoir quelle Europe il souhaite, puisqu’il oscille entre un discours très libéral et un discours très national.

Le Président Pierre Lequiller, rapporteur, a apporté les éléments de réponse suivants :

- les délais prévus par le traité pour l’application des règles de majorité qualifiée ne peuvent être abrégés. On peut regretter à cet égard que les élections en Pologne aient eu lieu trois jours après l’accord politique sur le traité, puisqu’à présent le nouveau premier ministre est considéré comme très européen et qu’il n’aurait probablement pas eu les mêmes exigences que son prédécesseur. Il aurait évidemment été préférable que les nouvelles règles de majorité, d’ailleurs plus simples que celles du traité de Nice, s’appliquent dès l’entrée en vigueur du traité ;

- sur la question des futures relations entre le Président du Conseil européen et le président de la Commission, le rapporteur a indiqué qu’il avait proposé lors de la Convention qu’une seule personne incarne ces deux fonctions mais que cette proposition n’avait pas été expressément retenue. Il existe en effet un risque de concurrence entre les deux, même si les fonctions sont différentes. Là encore, la pratique aura un rôle déterminant ;

- les parlements nationaux ne peuvent pas devenir une deuxième chambre. Celle-ci existe d’ailleurs déjà, à travers le Conseil des ministres. L’idée d’un congrès réunissant les parlements nationaux et le Parlement européen, proposée lors de la Convention, était très intéressante mais elle n’a pas été retenue. Dans la pratique, les réunions entre le Parlement européen et les parlements nationaux, organisées régulièrement sur différents grands sujets européens, sont une très bonne chose. La position du Parlement européen sur le rôle des parlements nationaux a d’ailleurs beaucoup évolué ;

- le choix des hommes et la pratique seront probablement aussi importants que les dispositions du traité lui-même. Le Président du Conseil européen n’exercera certainement pas son pouvoir comme le fait par exemple le Président de la République. Il aura à négocier avec les chefs d’Etat et de gouvernement, avec la Commission ;

- le traité de Lisbonne est bien différent de la Constitution européenne. Cette différence réside d’abord dans le fait qu’il amende les traités existants, à l’instar du traité d’Amsterdam et de Nice. Ensuite, par rapport à la Constitution européenne, les symboles disparaissent, ainsi que la troisième partie. Le rôle des parlements nationaux est renforcé. Les services d’intérêt général font l’objet d’un protocole, le rôle de l’Europe dans la protection de ses citoyens est affirmé et la concurrence est ravalée au rang des moyens et non plus des fins de l’action européenne.

M. Daniel Garrigue a estimé qu’il n’existait aucune différence de nature entre le traité de Lisbonne et la Constitution européenne, qui sont tous deux des traités.

Le rapporteur a répondu que la Constitution européenne reprenait dans un document unique tous les traités, auxquels elle avait vocation à se substituer, ce qui la distinguait du traité de Lisbonne.

Il a ensuite salué la foi européenne de M. André Schneider, puis souscrit aux propos de M. Jean Dionis du Séjour et regretté que l’Europe ne se construise pas assez avec le peuple. Quelle que soit leur appartenance politique, les parlementaires nationaux doivent s’efforcer de parler de l’Europe sur le terrain et dans leurs parlements. Il faut souligner qu’actuellement, selon les sondages, l’idée européenne est populaire. C’est un signe très encourageant, même s’il faut relever qu’il en allait de même à la veille du référendum de 2005.

Comme l’a exprimé M. Christophe Caresche, il est nécessaire de fermer la parenthèse ouverte par le « non » français de 2005 et d’engager des politiques nouvelles.

En réponse à M. Christian Paul, le rapporteur a souligné que, pour pouvoir manifester une volonté, quelle qu’elle soit, encore faut-il que les institutions puissent fonctionner. Le Président de la République a donné cinq axes principaux pour la présidence française : l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, l’énergie, l’immigration, la réforme de la politique agricole commune et la défense. La présidence française tournera donc autour de ces cinq objectifs, et obtenir des progrès dans ces cinq domaines serait un succès.

Ayant rappelé que la réforme constitutionnelle, qui constitue le premier acte, sera suivie de la ratification du traité, dont la discussion devrait avoir lieu le 6 février à l’Assemblée nationale, le rapporteur a conclu en proposant à la Délégation que le rapport d’information soit distribué à l’ensemble des députés.

La Délégation a autorisé à l’unanimité la publication du rapport.

II. Examen d’un texte soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné le texte suivant soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution. Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation l’a approuvé :

Point B

Ø Santé

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1924/2006 concernant les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires (document E 3572).

III. Informations relatives à la Délégation

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne serait suivi par un groupe de travail commun à la Délégation pour l'Union européenne et à la Commission des affaires étrangères.

Il comprendra au total quatorze membres, dont six membres de la Délégation et huit membres de la Commission des affaires étrangères.

Tous les groupes politiques y seront représentés.

La Délégation pour l’Union européenne a désigné :

- pour le groupe UMP : M. Bernard Deflesselles

- pour le groupe SRC : Mme Elisabeth Guigou

- pour le groupe GDR : M. Jacques Desallangre

- Le groupe NC sera représenté par un membre de la Commission des affaires étrangères.