Accueil
> Événements >
1967 : La légalisation de la pilule
|
|
La légalisation de la pilule, en 1967, fut un des grands moments de la vie parlementaire sous la Ve République. Député gaulliste de la Loire, Lucien Neuwirth [Tables nominatives des interventions de M. Lucien Neuwirth devant l'Assemblée nationale] déposa sa proposition de loi le 18 mai 1966, jour de son quarante-deuxième anniversaire : traité de « fossoyeur de la France » par ses adversaires, il voulut ainsi marquer symboliquement son respect de la naissance. Une commission spéciale, constituée le 11 juin 1966, entendit jusqu’au 17 novembre les autorités religieuses, les associations concernées, des scientifiques comme les professeurs Monod et Jacob, mais aussi l’économiste Alfred Sauvy et le sociologue Pierre Bourdieu. Examiné par l’Assemblée nationale en première lecture le 1er juillet 1967, le texte fut définitivement adopté le 19 décembre 1967. Le général de Gaulle le promulgua le 28 décembre 1967 de Colombey-les-Deux-Églises, où il passait les fêtes en famille. |
Loi du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances : texte intégral des débats à l'Assemblée nationale
- Consulter le texte (au format PDF)
- Préface de M. Bernard Accoyer, Président de l'Assemblée nationale
« Le 14 décembre 1967, les députés votaient en deuxième lecture la proposition de loi sur la régulation des naissances déposée par leur collègue Lucien Neuwirth. Après une année de débat dans l’hémicycle et dans la société, l’usage de la pilule contraceptive devenait légal en France
La chronologie même de ce tournant législatif apparaît comme chargée de symboles. Lucien Neuwirth n’avait pas attendu d’être député de la Loire, en 1958, pour s’intéresser au sujet de la régulation des naissances. Jeune combattant de la France libre, c’est à Londres qu’il avait découvert la « Gynomine », contraceptif en vente libre dans les parfumeries anglaises. En 1947, à vingt-trois ans, il devint conseiller municipal de Saint-Étienne. Confronté aux difficultés des couples en milieu ouvrier, le jeune élu gaulliste observa les effets dramatiques de la loi nataliste de 1920, alors toujours en vigueur, qui interdisait toute « prophylaxie anticonceptionnelle ».
Quand François Mitterrand évoqua le problème de la contraception au cours de la campagne présidentielle de 1965, le général de Gaulle en fut d’abord choqué. Lucien Neuwirth raconte encore avec émotion comment, l’année suivante, il alla convaincre l’hôte de l'Élysée. Après quelques minutes de réflexion qui parurent très longues au député, le Général lui déclara : « C’est vrai ; transmettre la vie, c’est important. Il faut que ce soit un acte lucide. Continuez. »
Lucien Neuwirth déposa donc sa proposition de loi le 18 mai 1966. Le Président de la République promulgua le texte définitif le 28 décembre 1967, à Colombey-les-Deux-Églises, où il passait les fêtes en famille.
Entre ces deux dates, l’Assemblée nationale s’appropria totalement le sujet. Ainsi, les députés avaient auditionné non seulement les médecins et les biologistes, mais aussi les associations concernées et les autorités religieuses ou des civils éminents tels que l’économiste Alfred Sauvy et le sociologue Pierre Bourdieu.
Le 30 juin 1967, pour obtenir l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour, Lucien Neuwirth et sa collègue de gauche Jacqueline Thome-Patenôtre n’hésitèrent pas à perturber, par des rappels au Règlement, le dépôt solennel du rapport de la Cour des comptes.
Sur ce texte, d’origine parlementaire, s’engagea, dès le lendemain en séance, un débat nourri et courtois. A l’issue des débats, une partie de la majorité et l’ensemble de l’opposition surent converger pour voter, à main levée, une loi qui allait changer la société française. Si les décrets d’application se firent attendre, s’égrenant jusqu’en 1972, les parlementaires se montrèrent vigilants et les défenseurs de la loi finirent par avoir gain de cause.
Depuis, l’Assemblée nationale a connu d’autres grands débats, tel que celui sur l’interruption volontaire de grossesse, ou celui sur la peine de mort. Les connaissances scientifiques, les données techniques et les mentalités évoluent, mais le législateur sait actualiser le droit. C’est pourquoi les députés continuent de travailler, de rencontrer les experts, d’auditionner les spécialistes, avant de débattre en séance publique, de voter la loi puis de contrôler son application.
A cet égard, il m’a toujours paru vain d’opposer expertise scientifique et engagement politique : au Parlement, ils se complètent, car c’est bien la Représentation nationale qui a reçu le mandat de maintenir la loi en accord avec son temps.
La vigueur d’une démocratie se mesure à la portée des réformes qu’elle mène à bien. C’est pourquoi les députés, aujourd’hui comme en 1967, sont toujours fondés à examiner les questions les plus complexes et les plus essentielles. C’est leur mission et j’ajouterai que c’est aussi leur honneur. »
______________________________________________________________________________________________
Voir aussi : - Dossier thématique : 1967, la pilule devient légale
- La citoyenneté politique des femmes
- Des changements sociaux et culturels modifient la place de la femme dans la société (vers la parité)
______________________________________________________________________________________________