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le 16 octobre 2007


N° 206

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

tendant à l’élimination des bombes à sous-munitions,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Armand JUNG,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

1. Présentation des bombes à sous-munitions :

Les bombes à sous-munitions sont composées d’un conteneur, aussi appelé bombe mère, qui regroupe, selon les modèles, une dizaine ou plusieurs centaines de mini-bombes ou sous-munitions. Les bombes à sous-munitions sont larguées par voie aérienne (missiles cargos…) ou terrestre (obus cargos, roquettes…). Le conteneur s’ouvre en l’air et éjecte des sous-munitions qui, en principe, explosent au contact du sol ou de l’objectif visé.

Les sous-munitions sont des armes d’attaque, conçues pour saturer et interdire une zone dans laquelle une ou plusieurs cibles ont été localisées. En fonction de l’objectif visé, les sous-munitions utilisées peuvent être à effet anti-personnel, anti-véhicule, anti-infrastructure, incendiaire, toxique… Certaines bombes à sous-munitions peuvent combiner ces différents effets.

La France, qui a utilisé des bombes à sous-munitions pendant la guerre du Golfe, en possède plusieurs modèles sophistiqués comme les roquettes à grenades, les missiles Apach-Scalp… Mais la France ne se contente pas d’utiliser et de stocker des bombes à sous-munitions : au moins quatre entreprises françaises fabriquent et commercialisent ces armes de saturation.

2. Danger représenté par les bombes à sous-munitions :

Les bombes à sous-munitions, de par leur conception et leur nature, peuvent représenter un véritable danger pour les habitants des pays en guerre à court terme et à plus long terme.

En effet, conçues pour saturer une zone dans laquelle des cibles à détruire sont localisées, les sous-munitions sont disséminées sur des surfaces très larges, touchant parfois des zones d’habitation. Par ailleurs, la plupart des bombes à sous-munitions éclatent et provoquent des destructions sur une grande surface. Mais en raison de la fiabilité limitée de certains modèles, de 5 à 30 % d’entre elles n’explosent pas à l’impact, restent sur le sol et se transforment alors en véritables mines anti-personnel. Ces sous-munitions défectueuses sont instables et peuvent exploser lorsque la terre est déplacée (travaux agricoles, déboisement, reconstruction…), bien après la fin des conflits.

Les sous-munitions sont extrêmement sensibles : le moindre contact est susceptible de déclencher leur explosion. Par conséquent, le traitement des sites pollués par les sous-munitions est laborieux et est considéré comme une opération plus chère et plus dangereuse que le déminage.

Pour répondre à ce problème, dans le cadre de la convention de Genève de 1980 sur certaines armes classiques, les États ont adopté le protocole V, ou protocole sur les débris de guerre explosifs, en novembre 2003. Il exige que les parties à un conflit armé procèdent à l’enlèvement de toutes les munitions non-explosées. L’apport de ce protocole est primordial mais il ne rentrera en vigueur qu’après sa ratification par 20 États, dont la France ne fait pas encore partie à l’heure actuelle.

3. Les bombes à sous-munitions : des mines anti-personnel de fait.

On l’a vu, un pourcentage plus ou moins élevé de sous-munitions n’explose pas lorsque la cible est atteinte. Les armes qui n’ont pas explosé restent au sol et représentent un risque pour les populations civiles qui reprennent progressivement possession des terrains pollués, bien après les conflits. Les enfants, en particulier, peuvent être attirés par les couleurs vives des sous-munitions.

Le 3 décembre 1997, la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines anti-personnel et sur leur destruction a été signée à Ottawa. Peu de temps après, avec le vote de la loi du 8 juillet 1998 tendant à l’élimination des mines anti-personnel, la France a clairement montré son engagement dans ce processus en s’engageant à détruire ses stocks de mines anti-personnel et en interdisant la mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le transfert et l’emploi des mines anti-personnel.

Cette démarche courageuse a confirmé l’implication de la France dans la lutte pour l’émergence d’un droit humanitaire international et d’une amélioration de la protection des populations civiles.

Les sous-munitions non-explosées étant assimilables aux mines anti-personnel, il est proposé de leur appliquer un traitement similaire. Ainsi, la mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le transfert et l’emploi des bombes à sous-munitions devront être interdits en France et les stocks existants devront être détruits sous peine de sanctions.

Par conséquent, il est envisagé d’ajouter au titre IV du livre III de la deuxième partie du code de la défense un chapitre IV relatif à l’élimination des bombes à sous-munitions.

Tels sont les motifs de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le titre IV du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Bombes à sous-munitions

« Section 1

« Définition

« Art. L. 2344-1. – Est considérée comme bombe à sous-munitions au sens du présent chapitre tout armement composé d’un conteneur transportant de nombreuses petites bombes et pouvant être tiré depuis la mer, l’air ou le sol.

« Section 2

« Régime juridique

« Art. L. 2344-2. – La mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le transfert et l’emploi des bombes à sous-munitions sont interdits.

« Art. L. 2344-3. – Nonobstant les dispositions de l’article L. 2344-2, les services de l’État sont autorisés :

« – à conserver les stocks existants de bombes à sous-munitions jusqu’à leur destruction au plus tard le 31 décembre 2010 ;

« – à transférer des bombes à sous-munitions en vue de leur destruction ;

« – à conserver ou transférer un certain nombre de bombes à sous-munitions pour la mise au point de techniques de détection ou de destruction de ces bombes et pour la formation à ces techniques, le nombre de bombes à sous-munitions détenues à ces fins ne pouvant excéder 5 000 à partir du 31 décembre 2010.

« Les services de l’État peuvent confier ces opérations à des personnes agréées.

« Section 3

« Dispositions pénales

« Art. L. 2344-4. – Les infractions aux dispositions de l’article L. 2344-2, sous réserve des dispositions de l’article L. 2344-3, sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

« Les tentatives d’infraction sont punies de la même peine.

« Art. L. 2344-5. – Les personnes physiques coupables des infractions prévues à l’article L. 2344-2, sous réserve des dispositions de l’article L. 2344-3, encourent également les peines complémentaires prévues aux articles 221-8 à 221-11 du code pénal.

« Art. L. 2344-6. – Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues à l’article L. 2344-2 du présent code, sous réserve des dispositions de l’article L. 2344-3.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L’amende, suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées à l’article 131-39 du code pénal.

« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

« Section 4

« Contrôles

« Art. L. 2344-7. – Peuvent constater les infractions aux prescriptions du présent chapitre, ainsi qu’aux dispositions réglementaires prises pour son application, outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les agents du ministère de la défense habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et les agents des douanes à l’occasion des contrôles effectués en application du code des douanes.

« Art. L. 2344-8. – Lorsque les infractions aux dispositions de l’article L. 2344-2, sous réserve des dispositions de l’article L. 2344-3, sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi pénale française est applicable, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 113-6 du code pénal, et les dispositions de la deuxième phrase de l’article 113-8 du même code ne sont pas applicables.

Article 2

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées par l’augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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