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mis en distribution

le 2 novembre 2007


N° 325

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2007.

PROPOSITION DE LOI

complétant l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Bernard ACCOYER,

Président de l’Assemblée nationale.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La récente commission d’enquête sur l’influence des sectes et leurs conséquences sur la santé physique et mentale des mineurs a donné lieu à de nombreuses actions en diffamation engagées contre des personnes ayant témoigné devant elle.

Tenues de déposer, de le faire sous serment et désormais publiquement, passibles le cas échéant des peines sanctionnant le faux témoignage, les personnes appelées à témoigner devant une commission d’enquête risquent d’être poursuivies pour les propos qu’elles ont tenus, sans bénéficier d’une protection analogue à celle des témoins devant les juridictions. Cette situation peut apparaître paradoxale, voire injuste.

Or, sur cette question de la protection des témoins des commissions d’enquête, la jurisprudence a fluctué. Des décisions anciennes leur ont accordé une forme d’immunité, parfois en se fondant sur le fait que les auditions avaient lieu à huis clos et que le caractère public du propos, élément constitutif du délit de diffamation, n’existait donc pas ; mais depuis 1991, l’audition publique est devenue la règle et le huis clos l’exception. Récemment, un arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2004 a soumis une personne appelée à témoigner devant une commission d’enquête au droit commun de la diffamation, en considérant qu’elle ne bénéficiait ni de l’immunité des parlementaires qui doit être interprétée strictement, ni de celle accordée aux témoins devant les tribunaux, les commissions d’enquête n’étant pas des juridictions.

Lorsque l’acharnement procédurier de certains plaignants finit par s’apparenter à une forme de harcèlement, il risque de porter atteinte à la libre parole devant les commissions d’enquête et, par voie de conséquence à la crédibilité de cet instrument essentiel du pouvoir de contrôle du Parlement.

Il n’apparaît néanmoins pas possible d’attribuer aux personnes déposant devant les commissions d’enquête la même immunité que celle reconnue aux parlementaires et qui procède d’une disposition constitutionnelle. En revanche, une solution pourrait consister à accorder aux témoins des commissions d’enquête – dont la situation est désormais très proche de celle des témoins judiciaires – une immunité partielle ayant valeur législative, puisqu’identique à celle que l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse attribue aux personnes appelées à témoigner devant les tribunaux.

Cette protection serait limitée aux poursuites pour diffamation, injure ou outrage et ne couvrirait donc pas les autres infractions ou manquements, notamment pas les fautes disciplinaires. En reprenant la formulation même de la loi du 29 juillet 1881, elle devrait donner lieu aux mêmes restrictions que la jurisprudence a dégagées concernant les témoins judiciaires : il faut que les propos tenus n’aient pas été étrangers à l’objet de l’enquête ni inspirés par une volonté manifeste de nuire, afin d’éviter qu’un témoin ne profite de cette immunité pour se livrer à des attaques sans rapport avec l’objet de son audition.

Par ailleurs, tirant les conséquences du caractère désormais public de ces auditions, cette adjonction législative pourrait être aussi l’occasion de régler expressément la question de la diffusion par la presse, notamment audiovisuelle, des propos tenus devant les commissions d’enquête, en étendant aux comptes rendus de leurs auditions publiques l’immunité attachée au compte rendu de bonne foi des seules séances publiques des assemblées elles-mêmes.

Ces modifications pourraient prendre la forme d’un alinéa nouveau inséré dans l’article 6, consacré aux commissions d’enquête, de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Tel est l’objet de l’article unique de la proposition de loi soumise à votre approbation.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après le troisième alinéa du II de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni les propos tenus ou les écrits produits par la personne tenue de déposer devant une commission d’enquête, ni le compte rendu des séances publiques de ces commissions fait de bonne foi. »


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