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mis en distribution

le 18 décembre 2007


N° 453

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à autoriser le cumul sans restriction

d’un emploi avec une retraite,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. Jacques MYARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Longtemps, la question de l’activité des seniors a été taboue : l’ordonnance du 30 mars 1982 a interdit de manière générale le cumul de l’emploi avec une retraite, dans le contexte d’un abaissement de l’âge légal de la retraite à 60 ans ; quelques dérogations étaient cependant mises en place – pour les activités artistiques, à caractère littéraire ou scientifique exercées accessoirement, les activités juridictionnelles, de consultation... –, complétées ensuite par une circulaire de 1984.

Ce système repose sur un principe : l’obligation d’interrompre son activité au moment de prendre sa retraite et la liberté de reprendre une nouvelle activité qui soit indépendante de la précédente. Ce dispositif résulte pour les salariés relevant du régime général de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, pour les professions artisanales, industrielles et commerciales, les professions libérales des articles L. 634-6 et L. 643-6 du même code, pour les exploitants agricoles de l’article L. 732-39 du code rural. Ces dispositions en principe provisoires ont été prorogées pendant 20 ans avec des aménagements qui ont rendu le système particulièrement complexe. La grande variété de situations résulte aussi des dispositions en vigueur dans les régimes complémentaires.

Le régime des salariés de la fonction publique et du secteur public quant à lui défini par le décret-loi du 29 octobre 1936 découle du code des pensions civiles et militaires (art. L. 84 et suivants).

À l’heure actuelle, le cumul d’un emploi et d’une retraite est peu développé dans notre pays.

La situation économique et démographique de notre pays oblige cependant à reconsidérer le lien entre âge et activité. La loi n°           du 21 août 2003 qui porte réforme de la retraite a désserré le verrou de l’âge 60 ans en faisant dépendre la retraite des durées de cotisations élevées progressivement jusqu’en 2012 à 42 années.

Obéissant à cette logique, la réforme du 21 août 2003 s’efforce d’harmoniser les situations entre les professions et d’assouplir les règles s’appliquant au cumul : le cumul de la retraite avec la reprise d’une activité salariée est soumis à un plafond de rémunération (inférieur au dernier salaire d’activité) et ouvre la possibilité de reprendre un emploi dans la même entreprise après 6 mois d’interruption à partir de la liquidation de la retraite.

En réalité, cette évolution doit être menée à son terme et la possibilité de prendre sa retraite et d’exercer un emploi rémunéré simplifiée, ce qui implique de lever tous les obstacles qui empêchent aujourd’hui encore sa réalisation. Il convient de donner une liberté totale aux seniors qui le souhaitent de travailler plus longtemps afin de leur permettre de se maintenir sur le marché du travail.

Pour les fonctionnaires, qui peuvent déjà cumuler une pension avec un emploi dans le privé sans restriction, cette possibilité doit leur être désormais ouverte dans la fonction publique dès lors qu’elle se fait sur la base du volontariat et dans l’intérêt du service. Peut-on s’accommoder de la situation dans laquelle on voit de grands chercheurs et professeurs s’installer à l’étranger pour poursuivre leurs travaux et leurs enseignements ?

Il est donc temps de faire de l’emploi des personnes plus âgées un atout pour notre société et de mettre en place enfin une politique volontariste à leur égard. Cette proposition s’inscrit pleinement dans la logique du rapport Camdessus de 2004 « le sursaut ».

Tout d’abord, l’évolution démographique avec le vieillissement de la population et le départ prochain de la génération nombreuse des enfants du baby-boom dès 2006, commande de reconsidérer la question de l’activité des seniors. 12 millions de personnes ont aujourd’hui plus de 60 ans dans notre pays, soit 21 % de la population ; elles seront 17 millions en 2020. En 2050, 21 millions de personnes, soit plus d’un tiers des Français auront plus de 60 ans : le vieillissement de la France constitue le fait marquant de cette première moitié du XXIe siècle, en raison principalement de l’allongement de la durée de vie.

Par nécessité, le renouvellement de la population active n’est pas garanti, c’est bien la génération du baby-boom qui devra assurer la pérennisation des régimes de retraite et le maintien de la croissance. Une pénurie d’emplois se dessine dans de nombreux secteurs d’activité et métiers à moyen terme. Alors qu’elle est actuellement mise en marge du marché du travail, l’expérience, les connaissances – pour peu que l’accompagne un dispositif de formation adaptée, le dynamisme de cette classe d’âge aujourd’hui en bien meilleure santé qu’autrefois, constituent une véritable richesse. Dès lors qu’est maintenue l’entière protection des droits reconnus aux travailleurs souffrant d’une infirmité ou d’invalidité, on ne saurait évincer les seniors du marché de l’emploi.

Enfin, l’emploi des salariés plus âgés ne constitue pas un obstacle à l’embauche des jeunes, malgré un préjugé tenace. Il est absurde d’opposer l’activité des salariés âgés et l’entrée des jeunes dans le monde du travail. La France est dans ce domaine le plus parfait contre-exemple : elle cumule un des taux d’activité des seniors les plus faibles d’Europe (32 % pour les hommes de 55-64 ans face à une moyenne européenne de 50 %) avec un taux de chômage des jeunes le plus élevé. C’est bien la preuve qu’un senior qui part n’ouvre pas mécaniquement une place à un jeune qui arrive.

Il faut donc rompre avec une logique malthusienne du marché du travail. On n’a eu que trop tendance à privilégier une rupture de l’activité pour les travailleurs âgés, avec le recours excessif aux dispositifs de préretraite et autres départs anticipés, qui ont démontré leurs effets pervers. On ne saurait rationner le travail. C’est l’emploi qui pour l’essentiel crée la croissance qui à son tour génère de nouveaux postes de travail. Plus on travaille, plus on fait travailler, telle est la vérité du circuit économique. La croissance viendra du côté des seniors, dans des secteurs comme l’alimentation, le logement, les voitures, la santé et le tourisme, les services à domicile... Ils constituent au plan économique une masse de plus en plus importante de consommateurs et d’épargnants dont le pouvoir d’achat global favorise le développement de nouveaux secteurs d’activité.

L’autorisation sans restriction du cumul d’un emploi et d’une retraite pour les salariés sera, en outre, un signal fort pour les entreprises que le travail des seniors est un mode normal d’activité alors que le dépassement de la cinquantaine est trop souvent considéré comme ouvrant la voie à une exclusion progressive du monde du travail.

Il faut donc accentuer le renversement des mentalités en ce domaine et faire évoluer les représentations collectives concernant l’emploi après la retraite. Ce renversement est souhaitable pour les intéressés eux-mêmes sur un plan social et économique, pour l’avenir de la nation dans son ensemble.

La France n’est pas isolée : confrontée aux mêmes évolutions qu’elle, plusieurs de nos pays partenaires se sont engagés dans de semblables réformes encourageant la prolongation d’activité et ont déblayé les obstacles au cumul d’un emploi rémunéré et d’une retraite, par exemple aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne.

Il convient donc de poser le principe général (article premier) que tout travailleur peut cumuler sans restriction sa retraite et un emploi. S’agissant des salariés de la fonction publique et du secteur public, le cumul de la pension et d’un emploi dans la fonction publique doit s’effectuer sur la base du volontariat et dans l’intérêt du service.

Cette mesure implique de supprimer (article 2) les dispositions qui réglementent le cumul emploi retraite, relevant du code de la sécurité sociale (art. L. 161-22 et L. 634-6, L. 643-6), du code rural (art. L. 732-39) et du code des pensions civiles et militaires (art. L. 84, L. 85, L. 86 et L. 86-1).

Les travailleurs âgés continueront bien entendu à cotiser étant précisé que les cotisations sociales ne seront pas productrices de nouveaux droits, au nom de la solidarité nationale.

Telles sont les dispositions que je vous demande, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Tout salarié ou non salarié peut cumuler sans restriction une pension avec le revenu d’une activité.

Un salarié de la fonction publique et du secteur public peut cumuler un emploi dans la fonction publique avec sa pension sur la base du volontariat et dans l’intérêt du service.

Un décret en conseil d’État fixe les modalités d’application de cette mesure, notamment au regard des régimes complémentaires obligatoires de retraite.

Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 1er janvier suivant l’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 2

Les articles L. 161-22, L. 634-6 et L. 643-6 du code de la sécurité sociale, les articles L. 84, L. 85, L. 86 et L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite et l’article L. 732-9 du code rural sont abrogés.

Article 3

Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges éventuelles qui résulteraient pour les régimes sociaux de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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