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le 14 janvier 2008


N° 553

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 décembre 2007.

PROPOSITION DE LOI

visant à la reconnaissance et à l’indemnisation
des personnes
victimes des essais ou accidents nucléaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR Mme Christiane TAUBIRA, MMPaul GIACOBBI, Jean-Marc AYRAULT, Gérard CHARASSE, Mme Patricia ADAM, MMGuillaume GAROT, Bruno LE ROUX, Joël GIRAUD, Mme Annick GIRARDIN, M. Marc GOUA, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Philippe TOURTELIER, Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Mmes Delphine BATHO, Chantal BERTHELOT, Gisèle BIEMOURET, MM. Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, MM. Christophe BOUILLON, Pierre BOURGUIGNON, François BROTTES, Thierry CARCENAC, Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mmes Marie-Françoise CLERGEAU, Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, MM. Frédéric CUVILLIER, Michel DEBET, Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Marc DOLEZ, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Mme Odette DURIEZ, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Mme Corinne ERHEL, MM. Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mme Geneviève FIORASO, MM. Pierre FORGUES, Michel FRANÇAIX, Jean-Louis GAGNAIRE, Mmes Geneviève GAILLARD, Catherine GÉNISSON, M. Jean-Patrick GILLE, Mme Pascale GOT, M. Daniel GOLDBERG, Mmes Élisabeth GUIGOU, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Sandrine HUREL, M. Christian HUTIN, Mme Monique IBORRA, M. Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Éric JALTON, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Armand JUNG, Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Mme Marylise LEBRANCHU, M. Gilbert LE BRIS, Mme Annick LE LOCH, MM. Patrick LEMASLE, Jean-Claude LEROY, Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. Victorin LUREL, Louis-Joseph MANSCOUR, Mmes Jacqueline MAQUET, Marie-Lou MARCEL, M. Jean-René MARSAC, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, M. Gilbert MATHON, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Philippe NAUCHE, Alain NÉRI, Mme Marie-Renée OGET, MM. Michel PAJON, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Sylvia PINEL, Martine PINVILLE, M. Philippe PLISSON, Mme Catherine QUÉRÉ, M. Dominique RAIMBOURG, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Michel SAINTE-MARIE, Mme Odile SAUGUES, MM. Christophe SIRUGUE, Pascal TERRASSE, Jean-Louis TOURAINE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jacques VALAX, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et apparentés(1),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de : Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Mme Delphine Batho, M. Jean-Louis Bianco, Mme Gisèle Biemouret, MM. Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Christophe Bouillon, Mme Monique Boulestin, M. Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mmes Catherine Coutelle, Pascale Crozon, M. Frédéric Cuvillier, Mme Claude Darciaux, MM. Michel Debet, Pascal Deguilhem, Mme Michèle Delaunay, MM. Guy Delcourt, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Mme Corinne Erhel, MM. Laurent Fabius, Albert Facon, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mmes Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, M. Pierre Forgues, Mme Valérie Fourneyron, MM. Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Mme Geneviève Gaillard, MM. Guillaume Garot, Jean Gaubert, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Mme Pascale Got, MM. Marc Goua, Jean Grellier, Mme Élisabeth Guigou, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. François Hollande, Mmes Sandrine Hurel, Monique Iborra, M. Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Mme Annick Le Loch, M. Patrick Lemasle, Mmes Catherine Lemorton, Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Mmes Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, MM. Jean-René Marsac, Philippe Martin, Mmes Martine Martinel, Frédérique Massat, MM. Gilbert Mathon, Didier Mathus, Mme Sandrine Mazetier, MM. Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Mmes Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, M. Michel Pajon, Mme George Pau-Langevin, MM. Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, MM. Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Mme Marie-Line Reynaud, MM. Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Mme Odile Saugues, MM. Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Mme Marisol Touraine, MM. Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Mme Chantal Berthelot, MM. Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Mme Annick Girardin, MM. Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Mmes Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Martine Pinville, M. Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont et Mme Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objet d’établir la présomption d’un lien de causalité entre, d’une part, les essais ou accidents nucléaires et, d’autre part, les pathologies développées par les personnels, civils ou militaires, ayant travaillé sur les sites concernés ainsi que la population présente dans les zones contaminées.

Entre 1960 et 1996, l’armée française a effectué plus de deux cents essais nucléaires au Sahara et en Polynésie soit atmosphériques soit souterrains. Les populations locales principalement exposées aux essais atmosphériques, aussi bien que les personnes militaires ou civiles qui ont participé à ces essais, présentent aujourd’hui de graves problèmes de santé, notamment sous forme de cancers affectant divers organes.

Par ailleurs, dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, s’est produit en Ukraine l’explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl dispersant dans l’atmosphère des quantités considérables d’éléments radioactifs. Les territoires de l’Est de la France, les Alpes, la vallée du Rhône, la ville de Nice et sa région, la Corse ont été particulièrement contaminés du fait, notamment, d’importantes précipitations dans la période qui a suivi l’accident.

En Haute-Corse, la contamination de la population, en particulier des femmes enceintes de plus de douze semaines et des enfants en bas âge se manifeste par une plus grande prévalence dans l’induction de cancers de la thyroïde, survenus dans des délais moyens d’environ quatre ans après la contamination.

Ces victimes se trouvent frappées deux fois, puisqu’elles doivent faire face à leur maladie, et en outre fournir la preuve scientifique du lien entre leur état de santé actuel et leur participation aux essais nucléaires et/ou leur présence sur des lieux contaminés par les essais ou par des accidents.

Cette situation rend complexe et aléatoire toute prise en charge sous forme d’indemnisation ou de pension, et crée une inégalité entre ceux qui peuvent ou osent saisir la justice et ceux qui en sont privés ou y renoncent.

Des pays tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie, les îles Fidji ont adopté des dispositions administratives et financières (suivi médical spécifique des populations, création de fonds d’indemnisation) pour faire droit aux revendications légitimes de leurs ressortissants ayant subi les conséquences des essais nucléaires.

Aujourd’hui, en France, les victimes, inquiètes pour leur avenir et celui de leur descendance, demandent que soit reconnue la causalité entre leurs maladies ou troubles de santé et ces activités à risque radioactif. Cette revendication s’exprime alors qu’il apparaît que les services chargés de la prévention et de la protection contre les risques nucléaires auraient disposé d’éléments suffisamment probants, à l’époque des faits, sur les risques encourus par les personnels et les populations, et qu’ils auraient négligé d’en tirer les conséquences et de prescrire ou de prendre les mesures de prévention et de suivi qui s’imposaient alors.

Saisis par des justiciables ces dernières années, plusieurs tribunaux de grande instance en France ont reconnu, encore en ce mois de juin 2005, le bien-fondé des demandes de pension d’invalidité ou d’indemnisation introduites par des personnes ayant été exposées, particulièrement aux essais nucléaires en Polynésie. Les jugements font état de « conséquences d’irradiation pouvant se révéler tardivement, même jusqu’à plusieurs décennies après l’exposition au danger radioactif ». Un tel attendu est conforme aux conclusions de nombreuses études effectuées aux États-Unis (pour les îles Marshall), en Grande-Bretagne (pour les îles Christmas et les essais en Australie), en Nouvelle-Zélande mais également en France (AEIA, Agence internationale de l’énergie atomique 1998 ; CDRPC, Centre d’études et de recherche sur la paix et les conflits 2005 se référant à des notes et documents militaires des années 1960).

Il y a un surcroît d’injustice à contraindre les victimes de ces activités à entreprendre des actions judiciaires longues, coûteuses et aléatoires, alors qu’est avéré le lien de causalité entre ces activités et des pathologies cancéreuses, ophtalmologiques et cardiovasculaires dont une liste a été établie en 1988 et actualisée en 2001 par le Sénat américain.

La présente proposition de loi vise à instaurer l’égalité entre les victimes et à créer le cadre juridique qui permettra à l’État de procéder aux justes réparations des dommages infligés par des activités considérées alors d’intérêt national.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Est établie la présomption d’un lien de causalité entre, d’une part, la ou les maladies affectant :

– toute personne à statut civil ou militaire ayant participé à une activité à risque radioactif sur tout site où il fut procédé à l’explosion d’un dispositif nucléaire du 13 février 1960 au 27 janvier 1996,

– toute personne ayant résidé entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996 dans les zones situées à proximité d’un site d’explosion de dispositif nucléaire telles que définies par le décret prévu à l’article 4 de la présente loi,

– toute personne résidant sur un territoire ayant été, de manière significative, contaminé du fait d’un accident nucléaire et défini dans le décret prévu à l’article 4 de la présente loi,

et, d’autre part, les essais et accidents nucléaires.

Article 2

Est établie la présomption d’un lien avec le service pour la ou les maladies affectant toute personne, à statut civil ou militaire, ayant participé à une activité à risque radioactif sur tout site ayant été le siège de l’explosion d’un dispositif nucléaire entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.

Article 3

Il est créé un droit à pension pour les personnels civils et militaires et leurs ayants droit visés aux articles 1er et 2 de la présente loi, et un fonds d’indemnisation des victimes civiles au bénéfice des personnes visées à l’article 1er et ne relevant pas des budgets de pension de leur corps professionnel.

Article 4

La liste des pathologies présumées liées au risque radioactif ainsi que les zones géographiques concernées au titre des troisième et quatrième alinéas de l’article 1er sont fixées par décret pris après avis de la Commission nationale de suivi des essais et accidents nucléaires.

Article 5

Il est créé une Commission nationale de suivi des essais et accidents nucléaires. Sa composition est définie par décret en Conseil d’État, publié six mois au plus tard après la promulgation de la présente loi. Cette commission inclut un collège constitué de représentants d’associations ayant pour objet la défense des intérêts matériels et moraux des victimes d’activités à risque radioactif et de leur descendance.

Cette commission aura notamment pour mission :

– de donner les avis relatifs au projet de décret prévu à l’article 4 de la présente loi ;

– d’élaborer une cartographie identifiant les territoires concernés par l’irradiation suite à des essais ou à des accidents nucléaires ;

– de veiller au suivi médical des populations qui résident ou ont résidé à proximité des sites d’essais, et des personnes qui résident ou ont résidé sur les territoires exposés aux rayons ionisants générés par un accident nucléaire ;

– d’impulser et d’accompagner la mise en place d’un registre des cancers, d’en promouvoir l’usage et la référence auprès des autorités décisionnelles, centrales et territoriales, et de faire effectuer une étude épidémiologique sur les pathologies thyroïdiennes ;

– de convenir avec les autorités médicales des mesures préventives à caractère technique et sanitaire, inspirées par les circonstances (balises, stockage ou distribution d’iode) ;

– d’émettre à l’intention des pouvoirs publics et sur la foi de dossiers ou d’enquêtes qu’elle pourrait diligenter, un avis sur les cas litigieux dont elle pourrait être saisie par toute institution sanitaire contestant le droit d’une personne se référant aux articles 1er et 2 de la présente loi pour faire valoir ses droits à indemnisation ou à pension ;

– de rédiger un état des lieux annuel et de présenter au Parlement, tous les deux ans, un rapport sur l’état du suivi dont elle a la charge.

Article 6

Les dépenses de l’État induites par l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration des droits visés par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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