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mis en distribution

le 6 mai 2008


N° 765

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2008.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d’enquête relative
à la
sécurité des installations portuaires,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR M. François de RUGY, Mme Martine BILLARD, MM. Yves COCHET et Noël MAMÈRE,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dimanche 16 mars 2008, en fin d’après-midi, lors du chargement de quatre cents tonnes de fuel d’un navire à quai « une fuite de tuyauterie » à la raffinerie Total de Donges a provoqué une importante pollution dans l’estuaire de la Loire, classé Natura 2000. Trois cents tonnes de produit toxique lourd, « qui ne peut être manipulé qu’avec les plus grandes précautions », selon les termes de la préfecture, se sont répandues sur les quais autour de la raffinerie, et cent tonnes en Loire. Pour cette raison, la préfecture a demandé aux communes « d’empêcher l’accès du public aux zones touchées afin d’éviter toute manipulation et tout ramassage » sans fournir d’information précise sur la nature de l’hydrocarbure. La zone concernée touche plusieurs communes dont Donges, Corsept, Saint-Brévin et Saint-Nazaire ; Paimboeuf, commune située sur la rive sud de l’estuaire de la Loire face à la raffinerie Total, a subi les dégâts les plus importants. Des traces d’hydrocarbures ont été retrouvées sur les plages de la région, également sur une vingtaine de kilomètres au large de la côte.

Plusieurs jours après, les causes réelles de cet accident ne sont toujours pas connues. Il entraînera pourtant des conséquences environnementales incontestablement dramatiques pour les écosystèmes. À une période où le chassé-croisé migratoire est à son plus haut niveau, de nombreuses espèces d’oiseaux mazoutés sont menacées (bécasseaux variables, pluviers argentés, tadornes de Belon, avocettes élégants, barges rousses), quelques anatidés (canard pilet, sarcelle d’hiver) ainsi que les poissons migrateurs (alose, lamproie, saumon, civelle). Les vasières, rosières, les bancs et rives les plus affectés dans ce milieu naturel particulièrement exposé et fragile, ne retrouveront leurs caractéristiques naturelles et leurs fonctions de nourricerie qu’au terme de nombreuses années. L’impact sur l’activité économique, plus particulièrement la pêche à la civelle, en sera affecté, ainsi que certains autres secteurs d’activités de la population des rives nord et sud de l’estuaire.

Cette catastrophe écologique fait suite à un autre accident de fuite d’eaux de déballastage, qui s’est produit en mai 2007 sur le quai de déchargement des pétroliers à Donges. Auparavant, en janvier 2006, une collision entre deux butaniers avait également provoqué une fuite de fioul de 30 à 40 tonnes qui mettait en péril la faune et la flore. Très récemment, le 28 février 2008, c’est en Angola qu’un accident de ce type s’est produit sur une installation pétrolière de Total. Dix-sept mille cent barils de pétrole ont causé une marée noire de 15 kilomètres sur 15 au large des côtes du pays sans que cet événement n’ait eu d’échos significatifs dans les médias français.

La fréquence de ces accidents autour des installations portuaires, tout autant que les marées noires, les dégazages intempestifs et illégaux, sont trop souvent à l’origine de la pollution du littoral, notamment en Bretagne et en Vendée, et représentent un réel danger pour les populations et l’environnement.

Avant même d’examiner un projet de loi qui prévoie la modification du statut des ports français, notamment des personnels de manutention, il paraît indispensable d’étudier minutieusement la sécurité des installations, d’évaluer les conditions de travail du personnel portuaire, d’apporter des éléments d’enquête précis sur la sécurité des activités de raffinage et de chargement-déchargement en hydrocarbures dans les ports. Il est, par ailleurs, à nouveau nécessaire de déterminer la responsabilité de la raffinerie Total, société qui se trouve aujourd’hui en quasi-monopole sur les activités pétrolières en France.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête parlementaire de trente membres relative à la sécurité des installations portuaires.

Elle devra notamment :

– établir les faits concernant l’accident de Donges ;

– évaluer la gestion des programmes de prévention et de sécurité de la raffinerie ;

– établir un constat précis de l’état matériel des installations de la raffinerie et de l’état du navire eu égard aux normes en vigueur concernant les pétroliers et les navires transportant des matières dangereuses ou polluantes ;

– apprécier le coût des investissements de la raffinerie en termes de renouvellement du matériel et de maintenance ;

– déterminer les éventuelles responsabilités humaines en termes de respect des règles de sécurité lors du transfert de chargement ;

– apprécier le délai, la transparence et les modalités de communication de la préfecture de la Loire-Atlantique qui n’a informé le public que plus de 12 heures après le début de l’accident ;

– identifier le lieu de positionnement du matériel anti-pollution ;

– s’assurer que toutes les interventions anti-pollution ont bien été engagées dès l’accident et demander la justification de la non activation du plan Polmar terre ;

– mesurer les dégâts écologiques complets sur l’écosystème et contrôler le degré de contamination des produits de la pêche ;

– évaluer les pertes en termes économiques de l’activité salariée induites par la réduction de moitié du terminal méthanier de Donges dans l’incapacité de puiser l’eau de mer pour ses activités de refroidissement ;

– évaluer les pertes en termes économiques de l’interdiction de la pêche professionnelle et de loisir ainsi que celles relatives aux activités de cultures marines et au tourisme de tous les sites (chômage technique des flottilles de pêche, et des emplois induits à terre) ;

– vérifier que la législation, au plan pénal, est adaptée dans le cas d’une pollution d’un navire à terre ;

– s’assurer que le dispositif d’inspection du port a bien été respecté ;

– évaluer les dispositifs d’approche des ports ;

– identifier les dysfonctionnements et faire des propositions pour améliorer la sécurité des installations portuaires surtout lors des transferts de charge.


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