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le 22 mai 2008


N° 837

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 avril 2008.

PROPOSITION DE LOI

visant à rénover les dérogations au repos dominical,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

PAR MM. Richard MALLIÉ, Yves ALBARELLO, Alfred ALMONT, Mme Martine AURILLAC, MM. Patrick BALKANY, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Claude BODIN, Mme Valérie BOYER, MM. Philippe BRIAND, Patrice CALMÉJANE, Gilles CARREZ, Jérôme CHARTIER, Georges COLOMBIER, Mme Geneviève COLOT, MM. René COUANAU, Gilles D’ETTORE, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Pierre DECOOL, Rémi DELATTE, Richard DELL’AGNOLA, Bernard DEPIERRE, Éric DIARD, Daniel FASQUELLE, Daniel FIDELIN, André FLAJOLET, Mme Arlette FRANCO, MM. Yves FROMION, Claude GATIGNOL, Gérard GAUDRON, Jean-Claude GUIBAL, Gérard HAMEL, Laurent HÉNART, Michel HERBILLON, Mme Françoise HOSTALIER, M. Frédéric LEFEBVRE, Mmes Geneviève LEVY, Gabrielle LOUIS-CARABIN, MM. Jean-Pierre MARCON, Thierry MARIANI, Jean MARSAUDON, Philippe Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Mme Henriette MARTINEZ, MM. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Georges MOTHRON, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Françoise de PANAFIEU, MM. Henri PLAGNOL, Axel PONIATOWSKI, Mme Josette PONS, MM. Jacques REMILLER, Franck RIESTER, Jean ROATTA, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Yves VANDEWALLE, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Jean-Sébastien VIALATTE, René-Paul VICTORIA, Philippe VIGIER, Philippe VITEL, Michel VOISIN et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Issu de la tradition chrétienne, le repos hebdomadaire dominical s’est imposé avec le vote de la loi du 13 juillet 1906, établissant ce repos en faveur des employés et des ouvriers. Le code du travail dispose qu’il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié, que ce repos doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives et doit être donné le dimanche. Il est donc possible pour tout commerçant travaillant seul, ou avec des membres de sa famille non-salariés, d’ouvrir le dimanche.

Au niveau européen, la Cour de justice des Communautés européennes, tout en reconnaissant l’obligation d’une journée de repos, est revenue en 1996 sur la spécificité du dimanche. Les États se sont organisés depuis selon des modalités qui permettent d’établir une distinction entre, d’une part, les États libéraux en la matière (Royaume-Uni, Suède, Luxembourg) et, d’autre part, les États qui ont développé des régimes de dérogations et exceptions qui leur permettent d’assouplir le principe, qu’ils conservent, de la fermeture dominicale (Pays-Bas, Espagne, Finlande, Allemagne). La France s’inscrit donc, au niveau européen, sur une ligne très conservatrice.

Cette réalité entre en contradiction avec l’opinion des Français puisque plus de 53 % d’entre eux sont favorables à un assouplissement de la législation, sentiment partagé par 61 % des habitants de l’agglomération parisienne (Le Pèlerin, janvier 2008). La consommation dominicale n’existe pas, il est vrai, de manière uniforme sur le territoire national. Dans toutes les zones rurales, la demande d’ouverture dominicale est moindre : 67 % des Franciliens sont favorables à ces ouvertures contre 46 % des ruraux. Ces chiffres sont compréhensibles puisque la vie quotidienne dans les agglomérations n’est pas la même que celle dans des départements ruraux ou semi-ruraux. Concernant le manque de temps, 61 % des Franciliens se disent très occupés la semaine, et cela se comprend, lorsqu’en semaine les embouteillages autour des grandes agglomérations annihilent toute volonté de réaliser ses courses et achats.

Le dimanche permet d’effectuer des achats en famille, pour la décoration d’intérieur, le bricolage ou l’électroménager. Ces achats anormaux, et de réflexion, sont spécifiques au dimanche. En effet, les commerces qui ouvrent actuellement le dimanche réalisent souvent plus du tiers de leur chiffre d’affaires sur cette journée. Sachant que 70 % des achats du dimanche sont exclusifs à cette journée, c’est un levier important pour notre économie.

Aujourd’hui, la situation est simple : dans plusieurs départements, des magasins sont attaqués pour avoir employé des salariés le dimanche : dans le Val-d’Oise, dans les Yvelines, dans les Bouches-du-Rhône... À cela s’ajoute le fait que l’exception prime sur la règle puisque plus de 180 dérogations de plein droit existent. La législation en vigueur date d’un autre siècle, de 1906 pour être précis, et ses décrets d’application de 1919, à une époque où la France était encore rurale, majoritairement uniconfessionnelle et la télévision n’existait pas encore.

À l’heure d’Internet, et sachant qu’un français sur trois achète désormais sur « la toile », il nous faut dépoussiérer la législation en vigueur.

De plus, aujourd’hui, des milliers d’emplois sont menacés, en dépit d’accords entre les partenaires sociaux et d’une volonté du consommateur de se rendre dans ces magasins le dimanche.

Le principe du repos dominical doit rester la règle commune. Néanmoins, il est urgent de faire évoluer la législation, de l’adapter au XXIe siècle, autour de trois idées fortes :

Il est tout d’abord important de préciser la notion de communes et zones touristiques car nous sommes aujourd’hui en face de situations ubuesques : un magasin qui vend des lunettes de soleil peut ouvrir le dimanche car son activité est considérée comme « de loisir » et si ce magasin vend des lunettes de vue, il ne peut pas ouvrir le dimanche ; les magasins de mode ne sont pas assimilés à « des activités culturelles » sauf s’ils proposent des créations. Aussi, il va falloir apprécier, boutique par boutique, s’il y a, ou non, création...

Il nous faut remplacer les notions floues « d’activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel » par une notion plus légitime de « commerces de détail ». Ces communes ou zones pourront toujours être classées sur proposition des conseils municipaux, des organisations professionnelles et syndicales, et ceci pour une durée maximale de cinq ans.

Ensuite, la consommation dominicale n’existe pas, il est vrai, de manière uniforme sur le territoire national. Il ne faut donc pas généraliser. Cela étant, il existe une demande forte en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône. Aussi, je propose d’expérimenter pour ces neuf collectivités (de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Paris, de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d’Oise, des Yvelines et des Bouches-du-Rhône), et cela pour une période de cinq ans, la notion de zone d’attractivité commerciale exceptionnelle, zone qui sera établie par le préfet sur proposition des conseils municipaux et des organisations professionnelles et syndicales.

Afin d’assurer une sécurité juridique, je propose que les dérogations accordées par le préfet (commune ou zone touristique ou thermale, préjudice au public, zone d’attractivité commerciale exceptionnelle, ou assurer le fonctionnement normal de l’entreprise) impliquent nécessairement: une consultation de tous les acteurs avant décision, le droit de refus du salarié, un accord collectif entre les partenaires sociaux ou une décision de l’employeur approuvée par référendum, décrivant les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical consistant en un repos compensateur et une majoration de salaire.

Cette proposition de loi permettrait de définir un cadre juridique national mais la décision d’application se fera au niveau local car nul ne connaît mieux les particularismes de son territoire que celui qui y vit.

Il semble essentiel que le législateur s’empare de ce qui est devenu un vrai sujet de société pour ainsi en prévenir les dérives.

Agissons afin de prendre en compte les changements intervenus dans les modes de vie des français. Tenons compte, non seulement des intérêts des consommateurs et des employés, mais aussi des données sociales et économiques : une loi nécessaire est une loi qui couronne les évolutions de la société.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 3132-25 du code du travail est remplacé par trois articles L. 3132-25, L. 3132-25-1 et L.3132-25-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné, par roulement, pour tout ou partie du personnel, pour les commerces de détail et les services au public situés dans ces secteurs, après autorisation administrative.

« La liste des communes touristiques ou thermales intéressées ou des zones touristiques et d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est établie par le préfet. Elle peut l’être sur proposition des conseils municipaux ou des organisations professionnelles et syndicales concernées.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 3132-25-1. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d’industrie et des syndicats d’employeurs et de travailleurs intéressés de la commune. L’autorisation est réputée accordée à expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande.

« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement

« L’autorisation prévue à l’article L. 3132-25 est accordée pour cinq ans. Elle est accordée soit à titre individuel, soit à titre collectif, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour des commerces ou services exerçant la même activité.

« Art. L. 3132-25-2. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25 sont accordées au vu d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de l’employeur.

« L’accord décrit les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.

« Dans les entreprises ou établissements dépourvus de délégué syndical non assujettis à l’obligation annuelle de négocier prévue à l’article L. 2242-1 et en l’absence d’accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d’une décision unilatérale de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. La décision de l’employeur approuvée par référendum décrit les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas, les contreparties pour chaque salarié privé du repos du dimanche consistent en un repos compensateur et une majoration de salaire au moins égale pour ce jour de travail à la valeur d’un trentième de sa rémunération mensuelle ou à la valeur d’une journée si l’intéressé est payé à la journée.

« Toutefois, un accord d’entreprise ou de branche régulièrement négocié s’applique dès sa signature en lieu et place des contreparties prévues à l’alinéa précédent. »

Article 2

L’article L. 3132-29 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le préfet peut exclure de l’obligation de fermeture tout ou partie des communes ou des zones définies à l’article L. 3132-25. »

Article 3

Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20 du code du travail, dans les zones d’attractivité commerciale exceptionnelle, le repos hebdomadaire peut être donné, par roulement, pour tout ou partie du personnel, pour les commerces et services au public situés dans ces zones selon les modalités décrites aux articles L. 3132-25-1 et L. 3132-25-2 du code du travail, après autorisation administrative.

Le préfet peut exclure tout ou partie de ces zones de l’obligation de fermeture prononcée en application de l’article L. 3132-29 du code du travail.

La liste et le périmètre des zones d’attractivité commerciale exceptionnelle sont établis par le préfet. Ils peuvent l’être sur proposition des conseils municipaux ou des organisations professionnelles et syndicales concernées.

Un décret en Conseil d’État précise les critères d’attractivité commerciale exceptionnelle au regard de l’importance de la clientèle concernée et de l’éloignement de celle-ci des zones commerciales en cause.

Les dispositions du présent article sont applicables aux départements de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de Paris, de Seine-et-Marne, de Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d’Oise, des Yvelines et des Bouches-du-Rhône et à titre expérimental, pour une durée de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur du présent article. Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation au terme de la période d’expérimentation.

Article 4

Les articles L. 3132-21 et L. 3132-24 du code du travail sont abrogés.

Article 5

Dans la première phrase de l’article L. 3132-13 du code du travail, le mot : « midi » est remplacé par les mots : « treize heures ».

Article 6

Les autorisations délivrées sur le fondement de l’article L. 3132-20 ou de l’article L. 3132-25 du code du travail avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent en vigueur pour la durée pour laquelle elles ont été délivrées.


© Assemblée nationale