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N° 1286

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 novembre 2008.

PROPOSITION DE LOI

permettant l’accès au mariage des couples
de personnes de même sexe,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Martine BILLARD, Yves COCHET, Noël MAMÈRE
et François de RUGY,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avant la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 ayant réécrit l’article 144 du code civil régissant le mariage, aucun des articles du code civil ne disposait explicitement que seuls les couples hétérosexuels peuvent contracter un mariage. La nouvelle formule de l’article 144 « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus », n’interdit elle-même toujours pas explicitement le mariage entre personnes de même sexe. Or, l’existence de couples homosexuels stables est une réalité. L’institution du mariage civil, telle que pratiquée aujourd’hui dans notre pays, est discriminatoire à l’égard des couples composés de personnes de même sexe. Pour les personnes homosexuelles voulant vivre en couple, l’égalité avec le reste de la société, normée sur le modèle de l’hétérosexualité, n’est pas assurée. Alors que les couples hétérosexuels ont le choix entre trois statuts (concubinage, PACS ou mariage), les couples lesbiens ou gays sont limités dans leur choix au concubinage ou au PACS. Cette discrimination se traduit en conséquence par une inégalité de traitement, contraire au principe constitutionnel d’égalité des droits, à divers moments importants de la vie : régime de la propriété des biens, régime de la succession, régime de la réversion des pensions de retraites, régime d’inscription sur les listes électorales, régime des droits d’entrée et de séjour et de l’accès à la nationalité française et régime d’entrée, séjour et droit de travail dans les pays tiers, lorsqu’un des conjoints n’a pas la nationalité française ; ce qui menace parfois l’existence même du couple dans la durée, si le conjoint n’est pas citoyen de l’Union européenne. L’inégalité de traitement commence au moment même où sont actés ces deux types de contrats : célébration du mariage en mairies contre signature du PACS dans les tribunaux.

L’adoption de la loi n° 99-944 sur le Pacte civil de solidarité (PACS) a attesté de la prise en compte par la représentation nationale de l’évolution de la société sur la question de l’union civile entre deux personnes adultes (qu’elles soient de même sexe ou de sexe différent), dispositif plus souple que le contrat de mariage, tant en termes de droits que de devoirs. Les premières années écoulées depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 ont montré que le PACS n’a aucunement bouleversé les assises de notre société, contrairement à ce que certains membres de la représentation nationale avaient alors redouté. Le PACS a bel et bien répondu à une attente de la société, puisque, sur ses six premières années d’existence, entre 1999 et 2005, plus de 200 000 pactes civils de solidarité avaient été signés. Le nombre de signatures annuelles va croissant : plus de 100 000 PACS ont été conclus durant la seule année 2007. Dans le même temps, nous constatons l’acceptation dans la société française du principe d’unions homosexuelles qu’attestent les succès populaires rencontrés chaque année par les manifestations de revendication de l’égalité des droits. Le mariage civil est lui-même une institution ayant profondément évolué, depuis sa création en 1791, en tenant compte des évolutions de la société (passage d’une sujétion juridique de l’épouse à une totale égalité en droits et en devoirs des époux ; passage de la puissance paternelle à l’autorité parentale, pour ne citer que deux exemples). Il convient de continuer à faire évoluer le code civil en ce qui concerne le mariage.

Aussi, nous faut-il rappeler quels sont les principes régissant le mariage civil, à savoir une union à caractère familial entre deux personnes adultes, célébrée par un officier d’état civil. L’union matrimoniale a un caractère familial dès sa conclusion qui n’est pas subordonné à l’arrivée d’un autre membre, par procréation ou par adoption. La notion de famille commence ainsi dès la constitution du couple, protégé en tant que tel par l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme qui garantit le droit de chaque citoyen au respect de la vie privée et familiale.

Le droit de contracter le mariage repose uniquement sur le principe du consentement des deux parties contractantes qu’atteste la procédure de vérification du libre choix, lors de sa célébration.

La vocation de l’union matrimoniale ne repose pas sur une quelconque finalité de procréation par le couple hétérosexuel, puisqu’il n’est à aucun moment exigé à un couple hétérosexuel désireux de contracter un mariage, de prouver comme condition préalable qu’il a l’intention de procréer ; sinon le mariage serait interdit aux femmes qui ne sont plus en âge de procréer. De même, il n’est jamais demandé à un couple hétérosexuel qui veut se marier de prouver par son acte qu’il entend en faire un geste d’utilité sociale propre à son caractère hétérosexuel, qui viendrait s’ajouter à la seule volonté réciproque de s’unir des deux personnes contractantes. Si, dans la perspective du droit canon, la procréation est essentielle au mariage, il n’en va pas de même dans le mariage civil, le seul ayant valeur légal, qui prévoit certes la répartition des charges relatives aux éventuels enfants, mais ne fait pas de l’absence de procréation une cause de nullité du mariage. De plus, il convient de préciser que le mariage n’est pas la seule institution qui garantit la sécurité de la filiation ; la filiation naturelle étant elle-même garantie par le code civil (voir notamment la loi n° 72-3 du  3 janvier 1971).

Plusieurs pays de l’Union européenne ont déjà ouvert le mariage aux couples homosexuels. En Belgique qui connaît la même tradition juridique que la France et où le code civil ne prévoyait nulle part explicitement que seules les personnes de sexe différent pouvaient contracter mariage, le législateur a jugé utile, par la loi du 13 février 2003 entrée en vigueur le 1er juin 2003, de préciser la possibilité pour des personnes de même sexe de se marier civilement. Ainsi le nouvel article 143 du code civil belge dispose : « Deux personnes de sexe différent ou de même sexe peuvent contracter mariage ».

Partant de cette même volonté de lever toute ambiguïté dans le code civil, et sans préjudice d’une légitime révision à la hausse des droits ouverts aux couples contractant un PACS, la présente proposition de loi définit explicitement, à l’article 144 de notre code civil, le mariage comme une union pouvant être conclue par deux personnes adultes consentantes (deux femmes, deux hommes ou une femme et un homme), et étant célébrée par un officier d’état civil. Conformément à cette précision, le droit de contracter mariage est bien sûr ouvert à toute personne transexuelle après changement légal de sexe comme à toute personne transgenre sans changement légal de sexe. Les droits acquis dans le mariage des personnes transexuelles mariées, ayant changé de sexe dans le mariage ou après un divorce, ne sont pas remis en cause.

Loin de prévoir une disposition d’ordre catégoriel, la présente proposition de loi de redéfinition du mariage s’appuie sur le principe ayant valeur constitutionnelle de l’égalité des droits et de traitement, sans aucune distinction ou discrimination, qui est le fondement de la société française depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, rappelée dans le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.

Tel est le contenu de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au sixième alinéa de l’article 75 du code civil, les mots : « pour mari et femme » sont remplacés par les mots : « conjointement pour époux ».

Article 2

Au premier alinéa de l’article 108 du code civil, les mots : « Le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « Les conjoints unis par mariage ».

Article 3

L’article 144 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 144. – Le mariage est l’union célébrée par un officier d’état-civil entre deux personnes de même sexe ou de sexe différent, ayant toutes deux dix-huit ans révolus. »

Article 4

L’article 162 du code civil est complété par les mots : « , deux frères ou deux sœurs ».

Article 5

L’article 163 du code civil est ainsi modifié :

1° Après les mots : « la nièce », sont insérés les mots : « ou le neveu » ;

2° Après les mots : « le neveu », sont insérés les mots : « ou la nièce ».

Article 6

Le 3° de l’article 164 du code civil est ainsi modifié :

1° Après les mots : « la nièce », sont insérés les mots : « ou le neveu » ;

2° Après les mots : « le neveu », sont insérés les mots : « ou la nièce ».

Article 7

À l’article 197 du code civil, les mots : « mari et femme » sont remplacés par le mot : « conjoints ».

Article 8

Au deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil, les mots : « père et mère » sont remplacés par le mot : « parents ».

Article 9

La dernière phrase du premier alinéa de l’article 412 du code civil est ainsi rédigée :

« Deux époux peuvent se représenter l’un l’autre réciproquement. »

Article 10

À l’article 980 du code civil, les mots : « le mari et la femme » sont remplacés par les mots : « deux époux ».

Article 11

Afin de garantir l’égalité des droits entre couples unissant des personnes de même sexe et couples unissant des personnes de sexe différent, un décret en Conseil d’État modifie toutes les mesures d’ordre réglementaire concernant le mariage qui indiqueraient, explicitement ou implicitement que le mariage ne s’entendrait que comme l’union d’une femme et d’un homme.


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