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N° 1940

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection des consommateurs
en matière de
vente à distance,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Pierre NICOLAS, Laure de LA RAUDIÈRE, Bernard GÉRARD, Jean-Michel FERRAND, Yves ALBARELLO, Martine AURILLAC, Jean BARDET, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Marc BERNIER, Claude BIRRAUX, Roland BLUM, Françoise BRANGET, Dominique CAILLAUD, Patrice CALMÉJANE, Jean-François CHOSSY, Jean-Yves COUSIN, Gilles D’ETTORE, Marie-Christine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Sophie DELONG, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, Cécile DUMOULIN, Yannick FAVENNEC, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Claude GATIGNOL, Georges GINESTA, Jean-Pierre GIRAN, Claude GOASGUEN, Anne GROMMERCH, Michel HERBILLON, Françoise HOSTALIER, Paul JEANNETEAU, Marc JOULAUD, Marguerite LAMOUR, Marc LE FUR, Dominique LE MÈNER, Lionnel LUCA, Henriette MARTINEZ, Jean-Philippe MAURER, Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Josette PONS, Didier QUENTIN, Michel RAISON, Frédéric REISS, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Bruno SANDRAS, Francis SAINT-LÉGER, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Georges TRON, Michel ZUMKELLER, Guy GEOFFROY et Marie-Louise FORT,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le recours à la vente à distance constitue une véritable opportunité pour les consommateurs pour acheter moins cher ou accéder à un grand choix de produits sans avoir à se déplacer. Tirée par la forte croissance du e-commerce, la vente à distance est devenue un phénomène de masse. Caractérisée par l’absence de présence physique entre le vendeur et l’acheteur, elle est soumise à un encadrement spécifique destiné à apporter une information précise au consommateur, à lui permettre de renoncer à un achat en se rétractant, et enfin à lui garantir d’avoir un interlocuteur unique (« responsabilité de plein droit » du vendeur à distance) en cas de difficulté dans l’exécution du contrat.

Mais au cours des derniers mois, plusieurs faillites d’entreprises de vente à distance sont intervenues, qu’il s’agisse d’un acteur historique de la vente par correspondance (CAMIF) ou de cybermarchands qui se sont récemment développés sur internet (ShowRoom2001, le magicien des prix), entraînant un préjudice financier pour de très nombreux consommateurs, pouvant aller parfois jusqu’à plusieurs milliers d’euros.

En effet, contrairement à la vente en magasin, la vente à distance implique dans la majorité des cas un délai de livraison, qui constitue une période à risque pour les consommateurs ayant déjà réglé leurs achats, d’autant qu’il est plus difficile d’apprécier à distance le risque de défaillance de l’entreprise. Le placement en redressement ou en liquidation judiciaire d’une société de vente à distance peut entraîner alors des préjudices importants vis-à-vis des consommateurs ayant passé commande et réglé leurs achats sans être livrés, car les règles habituelles sur le paiement des créanciers dans la cadre des faillites leur laissent peu de perspectives de dédommagement.

La mise en place depuis juillet 2007 du « baromètre des réclamations des consommateurs » permet aux services de l’État de détecter assez rapidement les sites qui ne livrent pas leurs clients, mais les procédures actuelles laissent parfois s’écouler plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant qu’une réponse soit apportée : durant cette période, ce sont souvent plusieurs centaines voire plusieurs milliers de consommateurs qui vont commander sans savoir qu’ils ne seront sans doute jamais livrés. 

Afin de prévenir rapidement les conséquences d’une telle situation, l’article 1er étend les pouvoirs de l’autorité administrative chargée de la protection des consommateurs en lui permettant d’intervenir pour suspendre ou limiter la prise de nouvelles commandes par des vendeurs à distance dans l’incapacité manifeste de les honorer dans les délais convenus avec les consommateurs. L’autorité administrative pourra également conditionner ces nouvelles commandes au paiement comptant.

Alertés par les réclamations des consommateurs ou par les associations de consommateurs, les agents de la DGCCRF apprécieront la situation en interrogeant l’entreprise sur l’état de ses stocks et, en cas d’absence de stocks, sur les commandes effectivement passées auprès des fournisseurs pour honorer les commandes des clients.

Après un débat contradictoire avec le vendeur, l’autorité administrative pourra suspendre, pour une durée limitée ne pouvant excéder 1 mois renouvelable une fois, la prise de nouvelles commandes sur tout ou partie des produits et services proposés, laissant ainsi un temps suffisant à l’entreprise pour réorganiser son activité de manière plus responsable à l’égard des consommateurs.

La suspension prend la forme d’un arrêté du ministre, celui-ci étant par ailleurs autorisé à communiquer sur la mesure de suspension. Ce dispositif, inspiré de celui en vigueur pour mettre en application l’obligation générale de sécurité des produits mis sur le marché, se fonde sur le régime de responsabilité de plein droit auquel les vendeurs à distance sont soumis en application de l’article L. 121-20-3 du code de la consommation.

Cette mesure pourra faire l’objet d’un recours dans les conditions du droit commun, et notamment d’un référé devant le juge administratif. Afin de ne pas contrevenir à l’objectif d’un redressement, elle n’est pas applicable aux entreprises ayant obtenu l’ouverture d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation ou faisant l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire).

Ce dispositif complète les pouvoirs déjà accordés à la DGCCRF d’enjoindre un professionnel de se conformer aux obligations qui lui incombent du fait de la loi ou de cesser tout agissement illicite (L. 141-1-V), ou de demander au juge d’ordonner toute mesure de nature à mettre un terme aux manquements à des obligations contractuelles ou aux agissements illicites (L. 141-1-VI). En effet ces pouvoirs permettent dans certains cas de trouver une solution aux manquements et infractions passées, dès lors que l’entreprise est encore en capacité de le faire, mais ils ne permettent pas en l’état de prévenir les conséquences financières pour un grand nombre de consommateurs, de l’incapacité manifeste d’une entreprise d’honorer des commandes qu’elle continuerait néanmoins à prendre.

Le nouveau mécanisme ainsi mis en place aura non seulement un effet préventif d’une situation fortement préjudiciable aux consommateurs et plus généralement à la confiance envers la vente à distance, mais également un effet dissuasif vis-à-vis des opérateurs indélicats qui seraient tentés d’engranger de nombreuses commandes avant de mettre la clé sous la porte.

Dans certains cas, les agents de la DGCCRF peuvent recueillir au cours de leurs investigations des indices sur les difficultés financières d’une entreprise. Or dans l’état actuel, ils ne peuvent pas saisir le Président du tribunal de commerce pour donner les suites nécessaires. Pour remédier à cette situation, l’article 2 de la proposition prévoit de permettre à la DGCCRF d’alerter le Président du tribunal de commerce afin de lui permettre de mettre en œuvre les pouvoirs de détection des difficultés qu’il tient du Code de commerce.

Enfin, en matière de vente à distance, le contrat de vente se double d’un contrat de transport. Celui-ci est régi par plusieurs articles du code de commerce qui ne s’articulent pas toujours bien avec le code de la consommation.

L’article L.132-8 du code de commerce prévoit une action directe du transporteur vis-à-vis du destinataire en cas de défaillance de l’expéditeur. Ainsi, lorsque l’expéditeur (le vendeur à distance) a remis le bien au transporteur mais ne lui a pas payé la livraison, le transporteur peut se retourner contre le destinataire (le consommateur), quand bien même celui-ci aurait déjà payé les frais de livraison. Une telle situation s’est présentée lors de la liquidation judiciaire de la CAMIF, les transporteurs allant jusqu’à réclamer aux clients désemparés des frais de plusieurs centaines d’euros. Cette situation est injuste pour les consommateurs puisqu’ils sont ainsi amenés à payer deux fois les frais de livraison, et n’ont pas les moyens de vérifier le bien-fondé et la bonne évaluation des frais de transports réclamés pour la seconde fois.

Reprenant une préconisation du forum des droits de l’Internet, l’article 3 vise donc à exclure l’action directe des transporteurs contre les consommateurs pour les contrats de vente à distance.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un VII ainsi rédigé :

« VII. – Sont recueillies, dans les conditions fixées au I, les informations nécessaires pour apprécier la bonne exécution par un professionnel des obligations résultant du contrat conclu à distance, visée au quatrième alinéa de l’article L. 121-20-3 et, notamment de celle concernant la livraison des commandes enregistrées.

« S’il apparaît, à l’issue des investigations menées, qu’un professionnel proposant la vente de biens ou la fourniture de services à distance est dans l’incapacité manifeste de respecter les obligations visées au précédent alinéa, générant ou susceptible de générer un préjudice financier pour un grand nombre de consommateurs, le ministre chargé de la consommation peut, par voie d’arrêté et après une procédure contradictoire, interdire à ce professionnel, la prise de toute nouvelle commande, sur tout ou partie des produits et services proposés, ou interdire toute prise de paiement par le professionnel avant la livraison intégrale du produit ou l’exécution effective du service, pendant une période ne pouvant excéder 30 jours, renouvelable une fois.

« En cas d’inexécution par le professionnel de la mesure prescrite par l’arrêté ministériel, l’autorité administrative compétente ordonne le paiement d’une amende administrative au plus égale à 30 000 euros et demande au juge d’ordonner, sous astreinte, toute mesure permettant d’en assurer l’exécution.

« Les amendes et les astreintes mentionnées au présent article sont versées au Trésor et sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Le ministre chargé de la consommation est autorisé à communiquer sur l’existence de cette mesure d’interdiction temporaire de prise de commandes ou de prise de paiement avant la livraison intégrale du produit ou l’exécution effective du service.

« L’interdiction ou la limitation de prendre de nouvelles commandes ou un paiement avant la livraison intégrale du produit ou l’exécution effective du service peut être levée si le professionnel apporte la preuve qu’il est à nouveau en mesure de respecter ses obligations contractuelles.

« Ces mesures ne sont pas applicables lorsque sont mises en œuvre les dispositions des articles L. 611-3, L. 611-4, L. 620-1, L. 620-2, L. 631-1 à L. 631-22 et L. 641-1 à L. 641-15 du code de commerce.

« Les modalités de mise en œuvre de ces procédures sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

L’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un VIII ainsi rédigé :

« VIII. – Sur la base des informations recueillies au cours des investigations, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut alerter le président du tribunal de commerce en vue de la mise en œuvre, le cas échéant, des mesures prévues par l’article L. 611-2 du code de commerce. »

Article 3

L’article L. 121-20-3 du code de la consommation est complété par l’alinéa suivant :

« L’action directe en paiement du voiturier prévue par l’article L. 132-8 du code de commerce n’est pas applicable à l’encontre du destinataire quand le transport de marchandises est consécutif à un contrat de vente à distance défini aux articles L. 121-16 et suivants. »


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