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N° 2118

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à étendre aux épargnants la liberté
de transférer leurs contrats d'assurance-vie non dénoués,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Alain SUGUENOT,

député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si l’assurance-vie est aujourd’hui le placement préféré des Français, nous le devons bien sûr, avant toute chose, et comme cela est souvent le cas en matière de placements financiers, aux avantages fiscaux qui y sont attachés.

Avant les années 80, les contrats d’assurance vie proposaient soit une prime unique, soit des primes périodiques qui engageaient l’épargnant à verser régulièrement des cotisations, et parfois durant un grand nombre d’années. Tout manquement à cette règle entraînait des pénalités pour ce dernier. L’apparition en 1981 des versements libres a révolutionné les pratiques utilisées jusqu’alors par les compagnies d’assurances. L’épargnant pouvait, dés lors, alimenter son contrat quand il le souhaitait sans contrainte. Cette liberté offerte aux épargnants a provoqué un afflux massif de primes vers les contrats à assurance-vie qui sont ainsi devenus le placement préféré des Français.

L’augmentation significative des flux d’épargne a permis à l’État de trouver ainsi une source continue de financement.

Cependant, la banalisation de cette forme d’épargne a entraîné les acteurs du secteur vers des innovations plus ou moins intéressantes pour les souscripteurs. L’une des plus intéressantes étant la création de contrats multisupports où l’investisseur peut à sa guise diversifier son investissement en fonction de son horizon de placement.

Afin d’inciter les clients à souscrire aux nouvelles offres marketing, certains opérateurs ont préféré avantager les rendements des nouveaux contrats au détriment des anciens et ainsi axer leur communication sur des rendements attractifs sur des courtes périodes.

En effet, tant le rendement servi sur les contrats en euros que la performance de ceux en unités de compte sont évidemment fonction, dans une large mesure, de la qualité de la gestion par la compagnie d’assurance des portefeuilles sur lesquels ces contrats sont assis. Mais pas seulement.

Tout d’abord, certaines règles techniques et/ou règlementaires inhérentes à la gestion de ces portefeuilles ont un impact direct sur la performance. C’est le cas notamment de l’obligation qui est faite aux assureurs de capitaliser les plus-values réalisées sur les actifs obligataires dans le but de lisser les performances dans le temps. Cette contrainte est importante notamment parce qu’elle concerne la plus grosse partie des actifs financiers des fonds en euros et qu’elle protège les épargnants contre des opérations spéculatives à court terme. Ce faisant, elle contribue à assurer la protection de leur capital sur le long terme (ce qui est l’essence même des fonds en euros).

En outre, s’agissant des contrats en euros, les assureurs ont la possibilité, par le biais de la mise en commun des sommes collectées, de faire bénéficier les nouveaux souscripteurs du rendement obtenu sur les sommes collectées jusqu’alors, au détriment bien sûr du rendement servi aux anciens porteurs de contrats. C’est ainsi qu’aujourd’hui, face au désintérêt des épargnants pour les contrats en unités de compte (alors même que le contexte s’y prête sans doute mieux qu’il y a seulement quelques mois ne serait-ce que compte tenu de la baisse des marchés d’actions), certaines compagnies d’assurance-vie ont proposé des fonds en euros « dopés » dont le principe consiste tout simplement à servir une rentabilité supérieure à celle obtenue sur les capitaux ainsi récoltés, le différentiel étant compensé par une rémunération des anciens souscripteurs inférieure à celle qu’ils auraient été en droit d’attendre.

Ces pratiques viennent récemment d’être sanctionnées par l’ACAM (Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles) par trois décisions en date du 16 juillet 2009 parues au journal officiel sous références Legifrance : NOR : ACAX0900042S, ACAX0900043S, ACAX0900044S.

Ainsi, un assuré ayant fait confiance à une de ces compagnies quelques mois ou quelques années plus tôt se retrouve prisonnier de son contrat et finance, généralement sans en avoir vraiment conscience d’ailleurs, par le biais d’une moindre rémunération de son contrat, la conquête de nouveaux souscripteurs par la compagnie d’assurance-vie, au plus grand profit de celle-ci et, dans une moindre mesure, des nouveaux souscripteurs.

Dans une telle situation, les épargnants se retrouvent dans l’impossibilité de transférer leurs contrats d’assurance-vie d’une compagnie à une autre si jamais ils constataient par exemple que les performances de leurs contrats devenaient, pour une raison ou pour une autre, très inférieures à celles des autres contrats de même type commercialisés par les autres acteurs du secteur.

Mais, surtout, alors qu’un épargnant peut aisément aujourd’hui céder les parts d’un O.P.C.V.M. dont les performances ne répondent plus à ses attentes, pour éventuellement les arbitrer contre des parts d’un O.P.C.V.M. géré par un autre établissement financier que celui teneur de son compte, il ne peut pas aujourd’hui transférer son contrat d’assurance-vie d’une compagnie à une autre sans perdre les avantages, fiscaux notamment, liés à la date d’effet d’origine du contrat dont on sait qu’ils sont la composante essentielle du succès de ces produits.

Ce qui revient à dire qu’en l’état actuel des choses, un épargnant déjà pénalisé par un rendement décevant sur son contrat en euros, ou par des performances sur son contrat en unités de compte très inférieures, subirait un deuxième préjudice avec la perte d’antériorité de son contrat s’il décidait de transférer ses avoirs auprès d’une autre compagnie, avec toutes les conséquences fiscales que l’on imagine.

Cela est d’autant plus dommageable que l’expérience récente nous a montré, une fois de plus, qu’en termes de gestion d’actifs (comme dans le cas de la plupart des activités économiques), les intérêts des clients captifs ne sont généralement pas ceux qui sont pris en compte en premier, lorsqu’ils sont tout simplement pris en compte… Et, compte tenu de ce qui précède, la tentation peut être évidemment grande de pénaliser la performance des clients captifs pour essayer d’en attirer de nouveaux en leur faisant miroiter des conditions tarifaires et/ou des taux attractifs.

Sur le plan des garanties proposées par les contrats, elles ont toutes une base identique (capital différé avec contre assurance décès) et parfois complétées par des garanties optionnelles et résiliables à tout moment par le souscripteur. L’existence de telles spécificités au sein d’un contrat n’est donc pas de nature à bloquer son transfert.

De même, l’existence d’unités de compte propres à un seul contrat n’altère pas la faculté d’effectuer un arbitrage préalable au transfert.

Sur le plan technique, les professionnels du secteur nous ont prouvé récemment leur capacité à transférer des PEP (Plan Épargne Populaire) ce qui relève d’une démarche similaire puisque nombre de PEP étaient souscrits dans le cadre de l’assurance vie.

En effet, l’apparition du Plan Épargne Populaire (PEP) a généré énormément d’articles de presse autour notamment de la prime d’épargne qui pouvait être versée aux épargnants non imposables. Très vite le législateur s’aperçut que cette prime ne motivait pas une population qui n’avait tout simplement pas de capacité d’épargne, elle fut donc supprimée. Le PEP n’était pas un nouveau placement mais simplement une enveloppe fiscale qui pouvait prendre la forme d’un placement bancaire ou d’un contrat d’assurance vie selon le souhait de l’épargnant. Nous nous intéresserons ici uniquement aux contrats d’assurance vie souscrits dans le cadre du PEP. Les contraintes de cette enveloppe fiscale étaient entre autres un plafond de versement (600 000 francs) et des règles complexes en cas de retrait. Le manquement à l’une de ces règles pouvant entraîner une perte de l’enveloppe fiscale et transformer le contrat d’assurance vie « PEP » en simple contrat d’assurance-vie.

Cependant, un élément qui avait pu apparaître comme secondaire aux yeux des épargnants à créer, chez les assureurs, une véritable novation. Pour la première fois, un épargnant ayant souscrit un contrat d’assurance vie dans le cadre fiscal du PEP s’est vu offrir la possibilité de le transférer selon son désir et sans limitation auprès de l’assureur de son choix. Certains épargnants ne s’en sont pas privés et quelques assureurs ont tenté de les dissuader en invoquant le risque de perte de l’antériorité fiscale. En effet, un épargnant souscrivant un contrat d’assurance vie auprès de la compagnie A dans le cadre du PEP puis qui transférait ce dernier auprès de la compagnie B quelques temps plus tard conservait la date d’effet fiscale du PEP mais se voyait décerner une nouvelle date de souscription du contrat auprès de la compagnie B. Si dans ce contexte notre épargnant dépasse le plafond de versement indiqué plus haut (120 000 euros actuellement) l’enveloppe PEP disparaît et il se retrouve avec une date d’effet correspondant à la date de souscription du contrat B.

Cette règlementation difficilement maîtrisable pour un épargnant classique ne doit pas occulter le principal ; la possibilité technique pour un assureur de transférer la provision mathématique (la valeur d’un contrat) vers une autre compagnie. C’est un élément déterminant et l’expérience du PEP nous démontre la capacité des assureurs à transférer la provision mathématique d’un contrat.

On pourrait alors légitimement se poser la question du risque de manque de renouvellement régulier des contrats. Ce risque n’en est pas un dans la réalité car la concurrence se focalisera plus sur l’aspect qualitatif du contrat sur le long terme, qui est l’essence même d’un contrat d’assurance vie, que sur une offre quantitative de taux attractif à court terme. De plus, l’expérience nous a montré que les contrats d’assurance vie n’ont jamais drainé autant d’épargne sur le long terme que depuis l’apparition des versements libres en 1981. Ainsi la liberté des épargnants se conjugue avec la facilité de délocaliser l’épargne de court terme vers le long terme. L’importance et l’attractivité des flux d’épargne à long terme ne doivent pas être confondus avec une offre pléthorique de nouveaux contrats limités en terme de volume de placement.

La liberté de transférer son contrat d’assurance vie non dénoué nous est déjà aussi offerte dans le cadre de contrats de groupe de retraite sur complémentaire destinés aux entreprises. La faculté de transfert vise uniquement les contrats en cours de constitution et non ceux qui font l’objet de prestations sous forme de rente.

Il convient ici d’adapter cette liberté aux épargnants qui seront ainsi incité à conserver leur confiance à une forme d’épargne souple et à alimenter un placement performant sur le long terme.

Tel est l’objet, Mesdames, Messieurs, de la présente proposition de loi que je vous prie de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le septième alinéa de l’article L. 132-23 du code des assurances est ainsi rédigé :

« Pour les assurances sur la vie et les opérations de capitalisation, les droits individuels en cours de constitution sont transférables vers un autre contrat dans des conditions fixées par décret. La notice d’information précise les modalités d’exercice de la clause de transférabilité. L’assureur ne peut refuser la réduction ou le rachat ».


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