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N° 2119 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2009.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir l’effectivité de la clause de conscience
des
professionnels médicaux,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jacques REMILLER, Marc DAUBRESSE, Laure de LA RAUDIÈRE, Christian MÉNARD, Lionnel LUCA, Marie-Louise FORT, Christian VANNESTE, Michel GRALL, Jean-Marc NESME, Jean-Claude GUIBAL, Daniel SPAGNOU, Gabriel BIANCHERI, Loïc BOUVARD, Jean-Pierre DUPONT, François CALVET, Jean UEBERSCHLAG, Patrick LABAUNE, Dominique DORD, Jean-Frédéric POISSON, Michel DIEFENBACHER et Jean-François CHOSSY

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Rarement évoquée dans les débats, conférences, écrits réalisés depuis plusieurs mois, au sujet de la révision des lois de bioéthique, la clause de conscience est une nécessaire évidence, pour les soignants mais aussi pour la société tout entière. Elle concerne chacun d’entre nous, chaque citoyen, car elle est, d’abord, un principe laïc : tout homme ne doit pas effectuer des actes pouvant heurter sa conscience ou ses convictions.

La liberté de conscience, ou clause de conscience, peut être considérée comme la possibilité accordée de ne pas appliquer certaines règles édictées par le droit, par la loi… En effet, les normes juridiques peuvent dans certaines situations, entrer en conflit avec les croyances ou les valeurs morales d’un individu. L’homme a le droit d’agir en conscience et en liberté afin de prendre personnellement les décisions morales. Il ne doit pas être contraint d’agir contre sa conscience, mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience.

En pratique, ce sont les médecins, médecins gynécologues, obstétriciens et les sages-femmes qui sont confrontés à ce droit d’exercer leur clause de conscience. Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse tout comme une stérilisation, mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. Depuis la loi du 4 juillet 2001, un chef de service d’obstétrique et de gynécologie, dans le service public, peut refuser de pratiquer lui-même des IVG mais a l’obligation d’en organiser la pratique au sein de son service. Conformément à l’article L. 2212-8, alinéa 3 du code de la santé publique, un établissement de santé privé, sauf s’il participe à l’exécution du service public hospitalier ou s’il a conclu un contrat de concession, et dans la mesure où d’autres établissements répondent au besoin local, peut faire valoir une clause de conscience pour refuser d’organiser des IVG.

La décision d’appliquer la clause de conscience ne relève donc pas du débat « pour » ou « contre » le principe de l’IVG ou celui de la stérilisation tubaire. Elle relève du principe de la liberté de conscience. Reconnue comme fondamentale dans notre démocratie, cette liberté permet à une personne de refuser de pratiquer un acte contraire à sa conscience. Ainsi chacun peut établir une harmonie entre sa conscience et sa pratique professionnelle. Et ceux qui se prévalent de leur clause de conscience doivent être exempts de quelque dommage que ce soit sur le plan légal, disciplinaire, économique ou professionnel.

Or, c’est là que le bât blesse. La clause de conscience constitue, de plus en plus, une discrimination à l’embauche. En effet, nombre de professionnels médicaux se sont vu refuser un poste après avoir répondu, en toute franchise, à la question qui leur était posée sur leur clause de conscience lors de l’entretien de recrutement. Pour d’autres, c’est leur évolution professionnelle qui s’en est trouvée contrariée.

Dès lors, il convient de permettre l’effectivité des droits actuellement reconnus par les articles L. 2123-1 et L. 2212-8 du code de la santé publique aux médecins, sages-femmes, infirmiers et infirmières, et aux auxiliaires médicaux en leur ouvrant des recours non-juridictionnels, comme la saisine de la HALDE habilitée à connaître de toute discrimination visée par la loi, et juridictionnels, qu’ils soient de nature civile – pour demander des dommages intérêts – ou pénale sur le fondement des articles 225-1 et 225-2 du code pénal.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le deuxième alinéa de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun des professionnels médicaux mentionnés aux deux alinéas précédents ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ni ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa clause de conscience. »

Article 2

L’article L. 2123-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un médecin, qui refuse de pratiquer l’acte chirurgical décrit au présent article, ne peut être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ni ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa clause de conscience. »

Article 3

Le premier alinéa de l’article 225-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur liberté de conscience reconnue par la loi, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »


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