Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif
Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2223

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 janvier 2010.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité
aux élections municipales aux étrangers
non ressortissants de l’Union européenne résidant en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Sandrine MAZETIER, Manuel VALLS, Claude BARTOLONE, Gisèle BIEMOURET, Marie-Odile BOUILLÉ, Christophe BOUILLON, Pierre BOURGUIGNON, Danielle BOUSQUET, François BROTTES, Christophe CARESCHE, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Jean-Michel CLÉMENT, Pierre COHEN, Michèle DELAUNAY, Guy DELCOURT, Bernard DEROSIER, René DOSIÈRE, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Laurence DUMONT, Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Odette DURIEZ, Philippe DURON, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Martine FAURE, Hervé FÉRON, Aurélie FILIPPETTI, Valérie FOURNEYRON, Guillaume GAROT, Catherine GÉNISSON, Jean-Patrick GILLE, Annick GIRARDIN, Daniel GOLDBERG, Marc GOUA, Jean GRELLIER, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Monique IBORRA, Jean-Louis IDIART, Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Marietta KARAMANLI, François LAMY, Jack LANG, Jean LAUNAY, Annick LE LOCH, Bruno LE ROUX, Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, Michel LIEBGOTT, Martine LIGNIÈRES-CASSOU, François LONCLE, Louis-Joseph MANSCOUR, Jacqueline MAQUET, Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, Didier MATHUS, Kléber MESQUIDA, Didier MIGAUD, Arnaud MONTEBOURG, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Marie-Renée OGET, George PAU-LANGEVIN, Jean-Claude PEREZ, Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, François PUPPONI, Catherine QUÉRÉ, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Odile SAUGUES, Christiane TAUBIRA, Marisol TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Daniel VAILLANT, André VÉZINHET, Alain VIDALIES et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Martine Pinville, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Marcel Rogemont et Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

C’est à la fois une mesure démocratique et progressiste, de reconnaissance politique et sociale, de lutte contre les discriminations et d’intégration, que soumettent au vote de l’Assemblée Nationale les rédacteurs de la présente proposition de loi. Celle-ci a pour objet d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers résidant en France.

Ce droit politique reconnu aux étrangers installés en France est porté depuis longtemps par les socialistes. Aux engagements politiques ont succédé des actes forts qui n’ont jamais pu aboutir, du fait de l’opposition du Sénat en mai 2000 alors qu’une proposition de loi avait été adoptée en première lecture par l’Assemblée Nationale, ou encore par le refus obstiné de la majorité au printemps et à l’été 2008 lors des débats sur la réforme constitutionnelle lorsque ce nouveau droit avait été présenté par les socialistes comme l’une des conditions de leur vote favorable.

Aujourd’hui, les esprits semblent avoir progressé dans la majorité. En 2005, alors Ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait jugé favorablement cette proposition qu’il présentait comme « un facteur d’intégration ». Depuis, à de multiples reprises, le Président de la République a confirmé cette position.

L’actuel Ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a également exprimé son adhésion, le 26 octobre 2006, voyant dans ce changement « des mesures simples » et « justes ».

Alors que le débat engagé par le gouvernement sur « l’identité nationale » a dérapé et versé dans la stigmatisation des populations immigrées, le ministre de l’immigration a, au début du mois de janvier, cherché à corriger le tir en affirmant que « vouloir priver des étrangers qui travaillent, vivent, font vivre, et payent leurs impôts, de toute forme de citoyenneté et de toute participation à notre vie démocratique, n’a d’autre sens qu’une ségrégation ».

L’argument de « l’opinion qui ne serait pas mûre » n’est plus davantage opposable. Depuis 1999, les sondages font apparaître régulièrement que les Français sont majoritairement favorables à cette évolution. Le succès des « votations citoyennes » en est une preuve supplémentaire.

Une majorité est donc maintenant possible au Parlement. Les Français sont désormais acquis à l’ouverture de ces nouveaux droits. Toutes les conditions sont réunies pour qu’ensemble, droite et gauche fassent ce pas décisif pour la citoyenneté, la démocratie et l’intégration des étrangers sur notre territoire.

Il serait temps. La France fait figure de « lanterne rouge » de l’Europe. L’Irlande depuis 1963, la Suède depuis 1975, le Danemark depuis 1981, les Pays-Bas depuis 1983 mais aussi la Belgique, le Luxembourg, ou encore plusieurs cantons suisses octroient le droit de vote aux élections locales aux étrangers qui résident sur leur territoire. Les Constitutions espagnole et portugaise prévoient que le droit de vote peut être accordé aux étrangers sous réserve de réciprocité. Le Royaume-Uni accorde le droit de vote aux élections locales aux ressortissants de tous les États membres du Commonwealth résidant sur son territoire. Pour quelles raisons refuser cette avancée démocratique réalisée par la majorité des pays européens ?

De nouvelles formes de citoyenneté

Les exemples européens sont la preuve de l’émergence et de l’adoption du concept de citoyenneté de résidence depuis plus de trente ans déjà.

Par ailleurs, par l’octroi aux résidents communautaires du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, droit consacré à l’article 88-3 de la Constitution, la France a reconnu une nouvelle articulation entre nationalité et citoyenneté.

Au niveau local, le critère de résidence doit l’emporter sur celui de nationalité. D’ailleurs, de nombreuses collectivités territoriales associent depuis longtemps les étrangers à la vie de la cité notamment par la création de conseils de résidents étrangers ayant voix consultative. Néanmoins, il ne faut pas confondre la citoyenneté de résidence avec la citoyenneté de passage. Cette proposition de loi s’adresse à ceux qui sont régulièrement et durablement installés en France. Un délai de cinq ans de résidence régulière pourrait être choisi dans le cadre de la loi organique d’application.

Il convient, par ailleurs, de distinguer les notions de citoyenneté et de souveraineté comme l’a réalisé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1992 relative au traité sur l’Union européenne de Maastricht. Il est établi une différence entre les élections nationales et les élections municipales, ces dernières ne participant pas à l’exercice de la souveraineté nationale.

L’argument par lequel les étrangers souhaitant participer à la vie démocratique « n’ont qu’à se faire naturaliser » est révélateur d’une étroitesse d’esprit. De nombreux étrangers souhaitent conserver leur nationalité, choix respectable, mais ils n’en demeurent pas moins désireux de participer à la vie locale dans le pays qui les accueille et où ils ont fait leur vie, la France.

Accorder le droit de vote et d’éligibilité aux résidents étrangers aux élections municipales, c’est reconnaître, dans un souci de cohésion nationale, la voix de tous dans la cité, sans discrimination.

Ces étrangers sont déjà acteurs de la vie économique, de la vie associative, de la vie sociale de la cité. Comme les autres habitants, ils sont redevables des impôts et des cotisations sociales. Ils participent à la vie de l’entreprise, dans laquelle ils peuvent être délégués du personnel, membres du comité d’entreprise ou délégués syndicaux. Ils peuvent également participer aux élections prud’homales. En outre, les étrangers peuvent siéger dans les conseils d’administration des structures publiques et dans les instances des établissements scolaires et universitaires et, depuis 1981, diriger une association. Des droits et des devoirs que les étrangers installés en France partagent avec les Français. Mais l’égalité s’arrête là puisque l’exclusion des droits politiques demeure.

Cette exclusion est d’autant moins justifiable que le nombre de conseillers municipaux ou encore les dotations de l’État aux communes sont calculés en fonction du nombre d’habitants et non d’électeurs. Les étrangers, ainsi « comptabilisés », ne peuvent cependant exercer leur droit de contrôle sur la politique menée au niveau local. Une absence de voix qui permet à certains élus d’ignorer ceux qui représentent parfois 10 %, 20 % ou plus encore de leur population. Le renforcement de la démocratie, notamment la démocratie de proximité tant plébiscitée, doit passer par le droit enfin donné à tous les habitants de participer à la vie politique locale. Ce dernier est un gage supplémentaire d’une véritable représentativité et légitimité des élus locaux.

Enfin, accorder aux étrangers installés en France le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est un signe de reconnaissance et de confiance. Avoir le droit de participer à la vie politique locale c’est être reconnu, être pleinement intégré. La politique d’intégration doit voir plus large que le simple accueil des primo arrivants. Les incidences positives d’une telle mesure ne sont pas négligeables, autant pour les étrangers concernés que pour leurs enfants, pour la plupart français. L’exclusion, quant à elle, ne peut qu’effriter la cohésion nationale tout comme les discriminations politiques légitiment les discriminations sociales.

Une proposition de loi pour l’égalité

La présente proposition de loi constitutionnelle vise à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers résidant en France.

Alors que seuls les étrangers communautaires ont cette possibilité actuellement, il est proposé ici d’étendre ce droit à tous les étrangers non communautaires installés en France. Le délai de résidence exigé, qui pourrait être de cinq ans, sera fixé par une loi organique.

De plus, les étrangers désormais considérés comme électeurs pourront participer aux consultations municipales prévues à l’article 72-1 de la Constitution (droit de pétition, participation aux référendums locaux et aux consultations).

L’article premier intègre ainsi un nouvel article 72-5 dans la Constitution du 4 octobre 1958 au sein du titre XII « Des collectivités territoriales ».

En conséquence, le second article supprime la référence au fait que « seuls » les citoyens européens ont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.

Ces dispositions ont déjà été adoptées par l’Assemblée nationale au siècle dernier, le 3 mai 2000. Dix ans après, il est temps que la démocratie française entre de plein pied dans le XXIe siècle.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Après l’article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Article 2

Dans la première phrase de l’article 88-3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.


© Assemblée nationale