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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2441

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 avril 2010.

PROPOSITION DE LOI

tendant à abroger le « bouclier fiscal »,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Pierre-Alain MUET, Jérôme CAHUZAC, François BROTTES, Michel SAPIN, Henri EMMANUELLI, François HOLLANDE, Pierre MOSCOVICI, Laurent FABIUS, Jean-Pierre BALLIGAND, Claude BARTOLONE, François LAMY, Arnaud MONTEBOURG, Marisol TOURAINE, Gérard CHARASSE, Thierry CARCENAC, Dominique BAERT, Jean LAUNAY, Christian ECKERT, Aurélie FILIPPETTI, Marc GOUA, David HABIB, Pierre BOURGUIGNON, Gérard BAPT, Henri NAYROU, Annick GIRARDIN, Alain CLAEYS, Patrick LEMASLE, Jean-Louis IDIART, Jean-Louis DUMONT, Michel VERGNIER, Alain RODET, Victorin LUREL, Marylise LEBRANCHU, Jean-Louis BIANCO, Alain VIDALIES, Valérie FOURNEYRON, Jean GLAVANY, Gaëtan GORCE, Geneviève FIORASO, Olivier DUSSOPT, Catherine LEMORTON, Bernard CAZENEUVE, Philippe DURON, Sandrine MAZETIER, Jean-Jacques URVOAS, Martine FAURE, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Françoise IMBERT, Alain NÉRI, Colette LANGLADE, Jean MALLOT, Marie-Lou MARCEL, Michel ISSINDOU et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

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(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo et Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat (TEPA), votée à l’été 2007 par la majorité UMP/NC, a mis en place un « bouclier fiscal » qui plafonne à 50 % des revenus la somme des impôts directs (impôt sur le revenu, impôt de solidarité sur la fortune, impôts locaux), de la CSG et de la CRDS. Chaque contribuable peut donc se voir restituer le montant de ces impôts qui dépasse 50 % de son revenu. La majorité choisissait ainsi d’aggraver les effets néfastes d’un dispositif inventé par le gouvernement de Dominique de Villepin et que Jean-François Copé, ministre du budget, avait fait voter en 2006.

Un bouclier qui ne protège que les plus gros patrimoines, la rente et la spéculation.

Cette mesure est le symbole d’une politique budgétaire et fiscale totalement inefficace sur le plan économique, injuste sur le plan social et coûteuse pour les finances publiques. Elle traduit une inspiration libérale qui tend à réduire l’impôt des plus riches en prétendant favoriser ainsi l’activité. La réalité a démontré qu’il n’en est rien. L’activité n’a pas été dopée par le « bouclier » et les expatriés fiscaux ne sont pas rentrés en France.

Pour l’année 2009, le coût pour l’État du « bouclier fiscal » est supérieur à 585 millions d’euros. Il conduit à restituer à 16 350 contribuables (soit moins de 0,05 % des contribuables français) un montant moyen de 35 814 euros. En 2008, le coût était de 563 millions d’euros pour 15 446 bénéficiaires. Malgré la récession économique, le coût pour les finances publiques est en augmentation !

Les 6 % des bénéficiaires les plus aisés (revenus et patrimoines supérieurs à 16,35 millions d’euros) perçoivent ainsi un chèque moyen de 376 000 euros avec un coût de 368 millions d’euros pour l’État. Si l’on élargit aux 10 % de bénéficiaires les plus aisés en terme de revenus (quel que soit leur patrimoine), il apparaît qu’ils bénéficient de 91,7 % des remboursements liés au bouclier fiscal. Le montant total des restitutions qui leur sont faites atteint près de 537 millions d’euros.

À l’inverse, les autres bénéficiaires du bouclier, les plus nombreux (51 % des bénéficiaires) bénéficient en moyenne d’une restitution de 565 euros pour un coût budgétaire de 4,78 millions d’euros, c’est à dire 0,8 % du coût total du bouclier. Il s’agit essentiellement de contribuables très modestes propriétaires de leur logement, pour lesquels la taxe foncière représente une charge importante. Avant la mise en place du bouclier, leur cas était pris en compte par les services fiscaux qui limitaient sur demande leur imposition. Mettre en avant les Français dits « modestes » bénéficiaires du bouclier pour justifier son existence relève de l’escroquerie intellectuelle.

La crise économique et sociale rend encore plus inadmissibles ces privilèges fiscaux exorbitants. Ce « bouclier » est moralement et économiquement choquant car il prolonge les mécanismes qui sont à l’origine de la crise financière. Comme en 1929, la crise a été précédée par une formidable explosion des inégalités. Les écarts de revenus sont passés d’un rapport de un à trente à un rapport de un à trois cent. Sans justification. Et pendant ce temps la consommation des ménages modestes a été financée au prix de leur endettement croissant.

La justification avancée par le gouvernement repose sur un mensonge.

Il est inexact de prétendre que « le bouclier permet d’éviter qu’un contribuable travaille plus d’un jour sur deux pour l’État ».

Tout d’abord, le « bouclier » ne vise pas les seuls revenus du travail. Ensuite, il est quasiment impossible d’atteindre la limite du « bouclier fiscal » par les seuls revenus du travail. Au contraire, il ne commence à jouer que si un contribuable paye des impôts sur le capital, et surtout l’ISF. Il protège ainsi surtout les revenus du capital, ceux issus de la spéculation financière ou immobilière. Ce n’est pas l’outil qui protège la France qui se lève tôt pour aller travailler. C’est celui qui sert la France qui vit principalement de ses rentes.

Le bouclier fiscal est indécent.

Le bouclier fiscal tire avantage de l’optimisation fiscale. En effet, il représente un double bonus pour ses bénéficiaires qui, d’une part, réduisent leur revenu imposable pris en compte pour le calcul du bouclier grâce à l’utilisation des niches fiscales et qui, d’autre part, se voient remboursés de tous leurs impôts sur le patrimoine. De ce fait, des contribuables aisés s’exonèrent totalement de leurs impôts sur le revenu et de leurs impôts sur le patrimoine.

Quand 13 % de la population française vit en dessous du seuil de pauvreté avec des revenus inférieurs à 908 euros par mois, de telles pratiques relèvent de la pure indécence.

Même les députés et sénateurs de la majorité en viennent à douter du bien-fondé du bouclier fiscal.

La majorité parlementaire était jusqu’ici restée sourde à la condamnation du « bouclier fiscal » par la gauche. Les propositions de loi déposées à l’Assemblée et au Sénat tendant à l’abrogation de ce symbole de l’injustice fiscale ont été rejetées avec constance par les sénateurs et les députés de droite unanimes. Lors du débat de loi de finances pour 2010, même l’amendement (modeste) défendu par Marie-Anne Montchamp (UMP) proposant de sortir la CRDS du « bouclier fiscal » avait été repoussé par la majorité.

Les élections régionales, les remarques faites par les Français aux candidats ont visiblement favorisé une prise de conscience qui dépasse désormais les rangs de l’opposition. Selon l’institut CSA, 67 % des Français réclament en effet l’abandon du bouclier, ce qui n’a pu totalement échapper à des élus qui ont déchiffré la part nationale du message que leur ont adressé les électeurs des 14 et 21 mars derniers.

La majorité est apparue si ébranlée qu’à la suite de l’ancien Premier Ministre Alain Juppé, le président du groupe UMP, Jean-François Copé jusqu’à présent ardent défenseur du « bouclier fiscal », s’est laissé gagner par le doute en admettant n’avoir « pas de religion définitive » sur le sujet : « J’avais une position ferme, Quand je ne suis pas complètement au clair sur une question, je préfère le dire. Il y a des arbitrages, des choix politiques à faire. Des voix se sont élevées, on va étudier, on va discuter. »

13 parlementaires UMP ont annoncé leur intention de déposer une proposition de loi de suspension du « bouclier fiscal ». Les voix se multiplient à droite pour dénoncer l’iniquité de cette mesure.

Pourtant, dans Les Échos du 31 mars, le nouveau Ministre du Budget fait la sourde oreille et défend la ligne présidentielle avec zèle : « C’est un bon principe d’équité fiscale », défend-il.

L’heure de vérité du 20 mai.

Le 20 mai prochain, les députés socialistes, radicaux et citoyens utiliseront la séance dont l’ordre du jour leur est réservé pour poser ce débat une nouvelle fois. Chaque député, de gauche ou de droite sera alors placé devant ses responsabilités. Chacun aura à répondre à cette question simple : Est-il légitime de protéger les plus riches avec un bouclier qui reporte sur tous les autres Français les efforts que doit réaliser notre pays ?

En conscience, chaque parlementaire sera appelé à se prononcer sur la question de savoir s’il est possible que les privilégiés puissent continuer de s’affranchir de la solidarité nationale.

M. Bussereau vient de proposer pour son département de Charente Maritime un nouvel impôt « Xynthia » qui devrait rapporter 8 millions d’euros. Si cette taxe relevait d’une augmentation des impôts locaux, les bénéficiaires du bouclier fiscal seraient les seuls à ne pas avoir à s’en acquitter1 ! Cette situation n’est pas tenable.

Le 20 mai, les défenseurs du bouclier avanceront masqués. Certains suggèreront de prolonger la réflexion, d’attendre de nouvelles évaluations. D’autres renverront à des changements ultérieurs et homéopathiques pour distraire l’opinion.

Les députés Socialistes, Radicaux et Citoyens partagent avec M. Baroin une seule certitude, « revoir cette question partiellement suppose en réalité de la revoir totalement. » 2

C’est pourquoi, ils proposent de revenir une fois pour toutes, c’est-à-dire totalement et définitivement, sur cette mesure qui blesse les idées républicaines d’égalité devant l’impôt et de fraternité.

Le 20 mai opposera deux conceptions de la vie en société. La lâcheté serait pour la majorité de se dérober à un débat clair. Les Français attendent de leurs représentants ce moment de vérité.

Ainsi :

L’article 1er abroge la disposition qui instaure le principe du « bouclier fiscal à hauteur de 50 % des revenus ».

L’article 2 supprime les conditions d’application relatives aux revenus et aux impositions qui régissent ce dispositif fiscal.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 1er du code général des impôts est abrogé.

Article 2

L’article 1649-0 A du code général des impôts est abrogé.

1 Comme ils ont déjà été exonérés du financement du RSA.

2 Les Échos du 31 mars


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