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N° 2515

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 mai 2010.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur la qualité
et le coût des prestations de maintenance et de mise en conformité du parc d’ascenseurs sur le territoire national, dans le secteur locatif public et privé ainsi que dans les copropriétés,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-George BUFFET, Pierre GOSNAT, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

Député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’ascenseur est le mode de transport le plus utilisé par les hommes et les femmes de ce pays. 60 millions de personnes sont, chaque jour, transportées par l’un des 420 000 appareils en usage, dont près des deux tiers sont situés dans des immeubles d’habitation selon le ministère du logement.

Qu’ils résident en logement social ou dans le parc privé, les usagers des ascenseurs subissent régulièrement des pannes. Alors qu’à la fin des années 1980 et au début des années 1990, un ascenseur tombait en panne en moyenne 4 fois par an selon le bureau d’études A2C, ce chiffre s’élève désormais à 10, soit près d’une panne par mois. Certains ascenseurs tombent en panne plus de 20 fois par an, notamment dans les quartiers populaires.

En conséquence de ces pannes récurrentes, les ascenseurs sont immobilisés pour des périodes relativement longues, dépassant parfois les 500 heures. Lors d’une conférence de presse, fin janvier 2008, les cinq plus grands bailleurs sociaux de Paris ont ainsi dénoncé des délais de désincarcération excessifs et un non respect des délais d’intervention. Dans le logement social, en effet, la situation est des plus préoccupantes, car les ascensoristes privilégient l’entretien du parc privé, tandis que les offices publics ne peuvent intervenir seuls, faute de moyens financiers et humains.

La fréquence des pannes et la longueur des durées d’immobilisation sont ainsi régulièrement dénoncées par les habitant-e-s, qui sont exaspérés. Les personnes résidant aux étages les plus élevés, les personnes dont la mobilité est réduite, les personnes âgées peuvent se voir, pour ainsi dire, « assignées à résidence », tandis que la crainte des avaries techniques peut générer un véritable climat d’insécurité. 126 000 personnes sont chaque année bloquées dans une cabine d’ascenseur dans notre pays. Bien que rares(1), les accidents graves ou mortels font régulièrement la une de l’actualité.

La loi n° 2003-590 portant diverses dispositions relatives à l’habitat, à l’urbanisme et à la construction de 2003, dite « Robien », s’était donné pour objectif de moderniser le parc d’ascenseurs afin de résoudre les principaux problèmes de sécurité identifiés. Précisée par 6 décrets et arrêtés de 2004 et 2005(2), elle a ainsi échelonné la réalisation d’importants travaux de mise en conformité en trois étapes – 2008, 2013 et 2018 –, la première échéance ayant été repoussée au 31 décembre 2010. Elle a également prévu la mise en place d’un contrôle technique quinquennal et d’un nouveau contrat de maintenance avec les ascensoristes, entré en vigueur au 30 septembre 2005 et prévoyant un socle minimal de prestations.

Pour l’heure toutefois, les conséquences de ces mesures semblent très discutables. Non seulement les problèmes de maintenance se sont aggravés, mais, en outre, les coûts ont explosé pour les locataires comme pour les copropriétaires.

Suite aux travaux de mise en conformité, les bailleurs, les sociétés de sécurité téléalarme, les bureaux d’étude et les amicales de locataires ont observé dans de nombreux immeubles une fréquence de pannes plus importante qu’auparavant. Cet accroissement serait en partie dû aux pièces utilisées – inadaptées à l’usage fait de l’ascenseur ou de moindre qualité pour baisser les coûts – et à leurs caractéristiques techniques, notamment à leur sensibilité mécanique ou électronique. Mais il serait surtout dû à une exacerbation de logiques plus anciennes.

En premier lieu, les représentants du personnel dénoncent vivement un sous-effectif qui, mettant à la charge de chaque technicien un nombre croissant d’ascenseurs, a pour conséquence directe, en sus d’une dégradation de leurs conditions de travail déjà pénibles, l’impossibilité matérielle pour eux d’accomplir correctement leurs missions. Cela est aggravé par un manque de formation de certains agents affectés aux chantiers les moins rentables pour leur employeur.

En second lieu, et en conséquence de ce qui précède, les clauses contractuelles ne sont pas toutes respectées, ce qui est difficile à mesurer car la fréquence et de la durée des différentes interventions n’est en général pas surveillée, en particulier par les syndics. Lorsque des données sont cependant rapportées, il est mis en évidence que les contrôles, devant être réalisés dans des délais trop brefs, sont insuffisants et que la prévention est souvent délaissée au profit des réparations, elles-mêmes souvent trop sommaires. Les causes des pannes ne sont dans ces conditions pas recherchées, alors que cela éviterait leur récurrence.

Enfin, les nouveaux contrats prévus par la loi « Robien » semblent avoir pour effet pervers d’inciter à un défaut d’entretien. En effet, le socle minimal de prestations prévu par le texte, qui est très restreint, est à la charge financière de l’ascensoriste sous réserve d’une « clause de vétusté » qui transfère le coût du changement de la pièce vers le bailleur ou les copropriétaires. Le recours croissant à ce type de clauses est doublement avantageux pour les premiers, qui non seulement économisent sur le coût de l’entretien, mais aussi, au moment venu, sur celui du changement de la pièce rendu nécessaire par leur négligence.

Ces défaillances prennent une dimension singulière quand, alors qu’elles sont une source de gêne majeure voire de danger pour les usagers, ceux-ci doivent en supporter la charge financière. Dans les copropriétés en particulier, nombreux sont celles et ceux qui éprouvent de très grandes difficultés à payer des charges dont le montant est souvent exorbitant. Pris en otage par les ascensoristes, ils sont victimes à la fois du coût induit par la loi « Robien » pour la mise en conformité du parc d’ascenseurs et d’une surfacturation qui semble habituelle.

La modernisation du parc d’ascenseurs prévue par la loi de 2003 prévoyait un échelonnement des travaux pour assurer un étalement de leur coût. En effet, dès le vote de la loi, il était certain qu’il s’élèverait au moins à 4 milliards d’euros. Très rapidement, il est apparu que ce chiffre élevé était sous-évalué, et une extrapolation des dérapages moyens constatés sur les chantiers en cours laisse plutôt estimer un coût dépassant les 7,3 milliards d’euros selon le ministère de l’écologie. S’il est indispensable de garantir à tous et toutes des conditions de sécurité et de confort convenables, cette somme très élevée est contestée par les usagers qui considèrent que de nombreuses normes, à leurs yeux superfétatoires ou exagérées, ont été calibrées au bénéfice unique des ascensoristes.

Cette défiance des usagers est en outre renforcée par une contestation des coûts de maintenance. Les associations rapportent la facturation de prestations non nécessaires ainsi que la multiplication des changements de pièces hors-contrat et du nombre de « pièces propriétaires », qu’ils sont les seuls à produire et qui sont en général plus onéreuses. De même, l’absence de détails sur les devis fournis et la grande complexité technique des contrôles ne permettent pas aux usagers d’apprécier en toutes circonstances la sincérité du prix et la nécessité des travaux. Le laxisme de certains bailleurs, qui ne font qu’un usage modéré des pénalités qu’ils doivent appliquer en cas de non respect du contrat, s’ajoute à cela et place les usagers à la merci des ascensoristes.

Ces derniers sont en effet fortement tentés, jouant de leur position « d’experts », d’augmenter les tarifs des prestations annexes pour compenser le montant, à leurs yeux trop bas, des contrats de base. Or la faiblesse de ces contrats semblerait résulter d’ententes visant à un partage des marchés sur le territoire national pour maximiser les profits, ainsi que cela peut se pratiquer dans d’autres pays. La Commission européenne a d’ailleurs infligé à des ascensoristes une amende de près d’un milliard d’euros à ce titre en 2007. Une expertise rendue publique de la DRCCRF sur ce sujet, qu’elle semble suivre avec attention, paraît donc nécessaire.

Les pannes d’ascenseur sont un problème majeur pour de nombreuses femmes et de nombreux hommes de ce pays, qui en subissent trop régulièrement les conséquences. À quelques exceptions près, l’usage d’un ascenseur dans de bonnes conditions est loin d’être luxe, un privilège. Au contraire, il semble de manière générale qu’il s’agisse de l’exercice d’un droit indissociable de celui du logement. La question du financement des travaux de modernisation et de la maintenance, dans ce contexte, prend une dimension singulière. Doit-on continuer de laisser les usagers désarmés face aux ascensoristes, ou doit-on établir les conditions d’un véritable contrôle démocratique ? Doit-on rester dans l’opacité ou au contraire garantir la nécessité des prestations et la sincérité des prix ?

Une cohérence d’ensemble paraît se dégager de tous ces éléments, rendant inextricables les questions de la sécurité et de la qualité du service rendu aux usagers et celles touchant à l’organisation économique du secteur. Cependant, plusieurs zones d’ombre existent, tenant à l’absence de nombreuses statistiques, ou à l’incohérence de certaines données chiffrées en fonction des sources. Afin de répondre à cette situation et d’apporter des clarifications d’autant plus nécessaires que les enjeux financiers sont importants, il semble opportun de mettre en œuvre une commission d’enquête parlementaire. Tel est l’objet de cette proposition de résolution.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Il est créé, en application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres chargée d’investiguer sur les causes, caractéristiques et conséquences pour les usagers des pannes d’ascenseur dans le secteur locatif public et privé ainsi que dans les copropriétés, sur la qualité, la tarification et le contrôle des opérations de maintenance ainsi que sur l’application des articles 79 et 80 de la loi n° 2003-590 portant diverses disposition relatives à l’habitat, à l’urbanisme et à la construction du 2 juillet 2003 et des dispositions réglementaires qui en découlent.

1 () Selon la Fédération des ascenseurs, 6 à 10 accidents très graves ou mortels d’usagers ou de techniciens sont dénombrés par an ; 17 accidents d’intervenants en 5 ans ont été dénombrés par le ministère du travail.

2 () Décret n° 2004-964 du 9 septembre 2004 relatif à la sécurité des ascenseurs et modifiant le code de la construction et de l’habitation ; arrêté du 18 novembre 2004 relatif aux travaux de sécurité à réaliser dans les installations ascenseurs, arrêté du 18 novembre 2004 relatif à l’entretien des installations d’ascenseurs ; arrêté du 18 novembre 2004 relatif aux contrôles techniques quinquennaux, modifié par un arrêté du 27 juillet 2005 ; arrêté du 13 décembre 2004 relatif aux critères de compétence des personnes réalisant les contrôles techniques.


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