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N° 2752

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2010.

PROPOSITION DE LOI

visant à généraliser le dépistage précoce
des troubles de l’audition,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Madame et Messieurs

Jean-Pierre DUPONT, Jean-François CHOSSY et Edwige ANTIER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, un enfant sur mille naît avec une déficience auditive et près de 800 sont diagnostiqués chaque année avant l’âge de deux ans. Les déficiences auditives sont susceptibles de retentir à la fois sur toutes les acquisitions l’éducation et sur la scolarité et l’ensemble de la vie sociale, en raison de leur impact sur les possibilités de communiquer avec autrui.

Le diagnostic de la surdité est aujourd’hui posé en moyenne entre 16 et 18 mois, et parfois beaucoup plus tard. Or, l’ensemble de la communauté médicale considère que le dépistage et la prise en charge précoces de la surdité sont décisifs pour l’avenir de l’enfant et ce quels que soient le traitement et la prise en charge – appareillage, implants cochléaires, rééducation, oralisme, langue des signes française (LSF).

Plusieurs expérimentations de dépistage précoce des troubles de l’audition ont été mises en place avec succès au cours de ces dernières années dans certaines maternités. Elles s’appuient notamment sur les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP) existants sur ces territoires pour le diagnostic, la prise en charge et l’accompagnement. Mais, ces initiatives ne sont pas toujours bien coordonnées et inégalement réparties sur le territoire.

C’est pourquoi, l’ensemble des autorités scientifiques et sanitaires soulignent, de façon unanime, le bénéfice qu’il y aurait à généraliser le dépistage de la surdité chez l’enfant à certaines conditions. En février 2010, la Haute autorité de santé (HAS) a renouvelé sa recommandation de 2007 en faveur d’un dépistage systématique de la surdité permanente bilatérale au niveau national, rejoignant ainsi les préconisations de l’Académie nationale de médecine.

Suivant ces recommandations, les pouvoirs publics ont mis en œuvre plusieurs mesures visant à améliorer le dépistage précoce de la surdité chez l’enfant au cours de ces dernières années :

La loi relative à la santé publique du 9 août 2004 s’est en effet fixée pour objectif d’assurer un dépistage et une prise en charge précoces des troubles sensoriels de l’enfant (objectif 67 figurant en annexe de la loi). Mais, selon le rapport remis par le Professeur Roger Salamon, président du Haut Conseil de la santé publique, à la ministre de la santé et des sports, en mai 2010, ces objectifs non quantifiés n’ont pu, cinq ans après, être que partiellement évalués.

Dans ce cadre, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) expérimente, depuis 2005, la faisabilité d’une généralisation de dépistage des troubles de l’audition à la maternité. Cette expérimentation, qui s’est déroulée dans six villes, visait à mettre en place un dépistage systématique en maternité et, si nécessaire, à orienter l’enfant et sa famille vers un centre de dépistage et d’orientation de la surdité (CDOS).

En février 2010, la Gouvernement a annoncé un plan triennal surdité 2010-2012 qui propose une série de mesures en matière de prise en charge et d’accompagnement de la surdité à tous les âges de la vie mais ne prévoit pas la généralisation de ce dépistage des troubles de l’audition du nourrisson, contrairement aux préconisations des autorités sanitaires et scientifiques.

C’est pourquoi, et sans attendre la révision de la loi de santé publique de 2004, nous vous proposons de généraliser, dans un délai de deux ans, au niveau régional, le dépistage des troubles de l’audition chez le nouveau-né. Ce dépistage aura lieu en deux temps :

– premier repérage à la maternité avec la méthode la plus fiable afin de permettre à l’ensemble des familles d’en bénéficier et d’éviter au mieux les erreurs de diagnostic ;

– en cas de suspicion de troubles de l’audition ou lorsque ce premier examen n’a pas permis d’apprécier les capacités auditives du nouveau-né, orientation avant la fin du 3e mois de l’enfant vers un centre de diagnostic, de prise en charge et d’accompagnement référent pour réalisation d’examens complémentaires permettant d’établir un diagnostic.

Concrètement, ce centre de référence pourrait être un CAMSP, un CDOS ou tout autre centre mis en place, à condition d’être agréé par l’agence régionale de santé (ARS) territorialement compétente.

Un cahier des charges type, publié par décret, après avis de la Haute autorité de santé (HAS) et du conseil national de pilotage des agences régionales de santé précisera les conditions de réalisation de ce dépistage.

Un tel dépistage présenterait plusieurs avantages :

– sur le plan médical, il permet de gagner un temps précieux et décisif pour le développement futur de l’enfant, quel que soit le mode de communication choisie ;

– sur le plan médico-économique, il permet de réduire les coûts de prise en charge et d’accompagnement d’un enfant atteint de troubles auditifs dépisté tardivement ;

– sur le plan social, il permet d’atteindre toutes les familles, y compris celles qui sont les plus éloignées de soins et donc de réduire les inégalités de santé ;

– sur le plan pratique, la régionalisation du dépistage permet un déploiement progressif, tel que souhaité par la plupart des acteurs concernés, dans un délai de deux ans.

Cette mesure, très attendue, s’inscrit pleinement dans le cadre de la politique de réduction des inégalités de santé promue par le Gouvernement. De fait, aujourd’hui, il existe d’importantes disparités en matière de dépistage de la surdité, selon les établissements de santé, selon les régions.

Elle serait d’ailleurs cohérente avec la politique conduite par plusieurs pays de l’OCDE tels que la Grande-Bretagne, l’Allemagne ou encore le Canada et certains États américains, qui ont mis en place un dépistage généralisé des troubles de l’audition à la maternité avec des résultats très satisfaisants et permettrait à la France de rattraper son retard à la matière.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. Après l’article L. 2132-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 2132-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2132-2-2. – En plus des consultations prévues à l’article L. 1411-6, l’enfant bénéficie à la naissance d’un dépistage des troubles de l’audition.

« Ce dépistage comprend :

« 1° un examen de repérage des troubles de l’audition réalisé dans les trois jours qui suivent la naissance dans l’établissement de santé dans lequel a eu lieu l’accouchement ou dans lequel l’enfant a été transféré ;

« 2° lorsque celui-ci n’a pas permis d’apprécier les capacités auditives de l’enfant, des examens complémentaires réalisés, avant la fin du troisième mois de l’enfant, dans un centre de référence spécialisé dans le diagnostic, la prise en charge et l’accompagnement agréé par l’agence régionale de santé territorialement compétente ;

« 3° une information sur les différents modes de communication existants et leurs disponibilités au niveau régional ainsi que sur les mesures de prise en charge et d’accompagnement susceptibles d’être proposées à l’enfant et à sa famille.

« Chaque agence régionale de santé élabore un programme de dépistage précoce des troubles de l’audition qui détermine les modalités et les conditions de mise en œuvre de ce dépistage, conformément à un cahier des charges national arrêté par décret après avis de la Haute Autorité de santé et du conseil national de pilotage des agences régionales de santé mentionné à l’article L. 1433-1.

« Les titulaires de l’autorité parentale peuvent refuser la réalisation de ce dépistage par une déclaration écrite annexée au carnet de santé mentionné à l’article L. 2132-1.

« Les résultats de ces examens sont transmis aux titulaires de l’autorité parentale et inscrits sur le carnet de santé de l’enfant mentionné à l’article L. 2132-1. Lorsque des examens complémentaires sont nécessaires, les résultats sont transmis au médecin du centre mentionné au 2° du présent article.

« Ce dépistage ne donne pas lieu à une contribution financière des familles.

« Chaque année, avant le 15 septembre, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le dépistage organisé des troubles auditifs prévu au présent article.

« Un décret détermine les conditions d’application du présent article. ».

Article 2

I. Le cahier des charges national prévu à l’article L. 2132-2-2 du code de la santé publique est publié dans les six mois suivant la publication de la présente loi.

II. Les agences régionales de santé mettent en œuvre le dépistage précoce des troubles de l’audition prévu à l’article L. 2132-2-2 du code de la santé publique dans les deux ans suivant la publication de la présente loi.

Article 3

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la majoration des droits sur les tabacs prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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