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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2776

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er septembre 2010.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire
avec l’exercice d’une fonction exécutive locale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Jacques VALAX, Christophe CARESCHE, Laurence DUMONT, Élisabeth GUIGOU, Danièle HOFFMAN-RISPAL, Marylise LEBRANCHU, Catherine LEMORTON, Bernard LESTERLIN, Jean MALLOT, Arnaud MONTEBOURG, Catherine QUÉRÉ, Jean-Jacques URVOAS, Jean-Michel VILLAUMÉ et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Guy Chambefort, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo et Christiane Taubira.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Le renforcement du Parlement par le biais d’attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n’a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d’exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. »(1) (Rapport du Comité pour la modernisation des institutions de la Ve République, 2007.)

C’est ainsi que le « Comité Balladur » justifiait en 2007 sa proposition n° 56 visant à limiter le cumul des mandats. C’est donc dans la perspective d’une véritable revalorisation du Parlement que cette proposition de loi visant à limiter le cumul des mandats des parlementaires est présentée. En effet, le cumul des mandats aggrave le déséquilibre entre les pouvoirs au détriment du législatif dans la mesure où elle ne permet pas aux parlementaires d’exercer pleinement leur fonction législative ou de contrôle.

Cette pratique nourrit également la désaffection du citoyen pour la chose publique. La limitation du cumul des mandats correspond en effet à une attente forte de nos concitoyens.

Une proposition de bon sens, simplement. Comme l’explique B. Roman, la limitation du cumul des mandats n’est pas « la réponse » mais « la première des réponses » à la crise de la représentation politique(2).

Au demeurant, la France reste le dernier pays en Europe à accepter le cumul des mandats. Dans les autres démocraties européennes, soit le cumul est proscrit par les textes (en Belgique, en Espagne et en Italie), soit il est limité par les usages (en Grande Bretagne), soit il est découragé financièrement (en Allemagne).

D’une manière générale la limitation du cumul des mandats constituerait une avancée démocratique majeure permettant de régénérer notre démocratie. L’argument selon lequel le cumul des mandats permet une articulation entre l’échelon local et le niveau national afin de permettre au parlementaire de connaître la réalité du « terrain » et de mieux répercuter les attentes de la population n’est plus valable aujourd’hui. En effet, chaque parlementaire, bien qu’élu dans un cadre géographique déterminé est avant tout un représentant de la Nation. Ainsi, tout parlementaire agit et parle au nom de l’intérêt général.

Mesurée, la présente proposition vise à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale.

Cette proposition s’inscrit dans le sens de l’histoire. À deux reprises la gauche a limité ce cumul. La loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 a rendu incompatible un mandat parlementaire avec l’exercice de plus d’un des mandats électoraux ou fonctions électives suivants : représentant au Parlement européen, conseiller régional ou conseiller à l’Assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants autre que Paris, adjoint au maire d’une commune de plus de 100 000 habitants autre que Paris.

La loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 a entendu renforcer ce dispositif et étendre le non-cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions exécutives locales : président d’un conseil régional, d’un conseil général, maire, président du conseil exécutif de Corse. Cependant, cette loi organique relative au Sénat a subi le veto de la majorité conservatrice de l’époque qui a autorisé le maintien du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale. Cette loi a toutefois permis une avancée puisque le mandat de député est devenu incompatible avec celui de représentant au Parlement européen et avec l’exercice de plus d’un des mandats énumérés ci-après : conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 3 500 habitants.

En dépit de cette avancée un parlementaire peut encore cumuler jusqu’à trois fonctions exécutives locales en étant Maire d’une commune de moins de 3 500 habitants, Président de Conseil général ou de Conseil régional et Président d’un établissement de coopération intercommunale.

Il convient donc aujourd’hui de franchir une nouvelle étape de la lutte contre le cumul des mandats.

L’exposé des motifs du projet de loi n° 827 déposé à l’Assemblée nationale le 8 avril 1998 soulignait ainsi que « Nos concitoyens souhaitent que leurs représentants se consacrent plus pleinement aux mandats qui, aux termes de la loi, leur sont confiés par les électeurs. Ils ont besoin de retrouver confiance dans la vie politique et en ceux qui l’animent ». Depuis 12 ans, cette aspiration demeure.

Une proposition de loi mesurée qui vise à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec les fonctions au sein d’un exécutif local.

Il ne s’agit donc pas d’imposer le mandat unique mais d’interdire le cumul de la fonction de parlementaire avec la participation à un exécutif local. L’argument classique présenté en faveur du cumul qui consiste à mettre en exergue l’utilité d’un mandat local dans le cadre des fonctions de représentant de la Nation s’en trouve dépourvu de toute pertinence.

La proposition est calquée sur celle formulée par le Comité Balladur en 2007 :  « Pourtant, même si une majorité des membres du Comité considère que le cumul d’un mandat parlementaire et de fonctions locales non exécutives doit encore demeurer possible, sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d’un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s’engager sur la voie du mandat parlementaire unique » 

La présente proposition prohibe ainsi tout cumul entre un mandat parlementaire et des fonctions exécutives locales. Son champ d’intervention est large.

L’article 1er affirme le principe de l’interdiction du cumul du mandat parlementaire avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

La question des sénateurs

Cette proposition traite de la même manière députés et sénateurs. Il ne saurait en effet y avoir d’exception sénatoriale. Distinguer les premiers des seconds, au motif que le Sénat représente les collectivités territoriales, n’est pas pertinent. Le mandat de sénateur est un mandat de parlementaire national, et non un « super-mandat d’élu local ». Permettre le cumul, voire même le rendre obligatoire, pourrait contribuer à faire du Sénat, à terme, non une assemblée législative à part entière, mais la chambre des territoires, dont la compétence se verrait confinée aux dispositions relatives exclusivement aux collectivités locales.

Ainsi inspirée, la proposition aurait vocation à s’appliquer au mandat de député comme à celui de sénateurs. Au demeurant, le code électoral lie les deux régimes d’incompatibilité qui sont donc identiques : en vertu de l’article LO 297 du code électoral, les dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code électoral sont applicables aux sénateurs, ce qui signifie que la rédaction proposée ci-après inclus les sénateurs dans le régime d’incompatibilité.

Une entrée en vigueur dès les prochains renouvellements des assemblées parlementaires

L’entrée en vigueur de la loi devra avoir lieu dès les prochains renouvellements des assemblées parlementaires. L’article 2 prévoit ainsi que la loi s’applique à compter de sa promulgation à chaque parlementaire nouvellement élu. Le dispositif entrera ainsi en vigueur à l’issue du renouvellement intégral de l’Assemblée nationale en 2012 et des renouvellements partiels du Sénat en 2011 et 2014.

Nombre de parlementaires concernés

À l’Assemblée nationale :

– 371 députés cumulent leur mandat parlementaire avec au moins une fonction exécutive locale, soit plus de 64 % de l’ensemble des députés.

– 91(3) députés cumulent leur mandat parlementaire avec au moins deux fonctions exécutives locales, soit 16 % de l’ensemble des députés et plus d’un quart des cumulants. Seul un député cumule sa fonction avec trois mandats exécutifs locaux.

   

GDR

SRC

NC

UMP

NI

Total

 

Région

P

0

6

0

1

0

7

19

VP

0

9

0

3

0

12

Département

P

0

11

2

6

0

19

49

VP

0

8

4

16

2

30

EPCI

P

4

17

5

30

0

56

91

VP

2

14

1

17

1

35

Commune

Maire

10

83

12

160

3

268

304

Adjoint

1

13

4

18

0

36

Total

 

17

161

28

251

6

463

 

Au moins 2 mandats dans un exécutif local

GDR

SRC

NC

UMP

NI

 

5

30

8

47

1

Total

91

       

Au Sénat :

– 198(4) sénateurs cumulent leur mandat parlementaire avec au moins une fonction exécutive locale, soit environ 60 % de l’ensemble des sénateurs.

– 94 sénateurs cumulent leur mandat parlementaire avec au moins deux fonctions locales, soit plus d’un quart (27 %) de l’ensemble des sénateurs et 47 % des sénateurs ayant au moins une fonction exécutive locale. À noter que 6 sénateurs cumulent leur mandat parlementaire avec 3 fonctions exécutives locales.

   

CRC
-SPG

Soc

RDSE

UC

UMP

NI

 

Région

P

0

4

0

0

1

0

6

VP

0

1

0

0

0

0

Département

P

0

16

1

1

9

1

55

VP

0

7

2

3

14

1

EPCI

P

0

11

2

6

30

0

100

VP

7

15

3

4

21

1

Commune

Maire

8

32

4

9

62

2

137

Adjoint

1

9

2

0

8

0

Total

 

16

95

14

23

145

5

298

 

GDR

SRC

RDSE

UC

UMP

NI

2 mandats dans un exécutif local

6

22

3

8

48

1

3 mandats dans un exécutif local

0

1

1

0

4

0

Sous-Total

6

23

4

8

52

1

Total

94

         

Cette initiative a vocation à mettre chacun devant ses responsabilités. Nous sommes, pour notre part, partisans d’une nouvelle étape de la démocratisation de la vie politique nationale, applicable à tous les partis politiques, dans les meilleurs délais.

Cette réforme, indispensable pour un meilleur fonctionnement de l’Assemblée Nationale, correspond à une attente forte de nos concitoyens, majoritairement très hostiles au cumul des mandats.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

Après l’article LO 141 du Code électoral, il est inséré un article LO 141-1 ainsi rédigé :

« Art. LO 141-1. – Le mandat parlementaire est incompatible avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ».

Article 2

« La présente loi s’applique, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire nouvellement élu ».

1 () Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la VRépublique, p.64. Le rapport précise : « L’activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le Comité est-il d’avis que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. » (Rapport du Comité Balladur, précité, p.64.)

2 () B. Roman, La fin du cumul des mandats, 2000.

3 () 463 – 91 = 372, - 1 (député cumulant 3 mandats exécutifs locaux) = 371. Cohérent avec la liste (1 % marge d’erreur).

4 () Les 6 sénateurs ultra-cumulards sont comptés 3 fois dans le premier tableau. D’où : 298 – 88 = 210. 210 – 12 = 198


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