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N° 2866

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2010.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’intervention de la médecine du travail
et à la médiation en cas de souffrance au travail,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques GROSPERRIN,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La souffrance au travail est une réalité pour bon nombre de nos concitoyens. Cette souffrance peut trouver diverses origines liées à la pénibilité du travail ou encore à l’état de santé physique ou psychologique des personnes qui travaillent.

Mais parfois cette souffrance n’est inhérente qu’à une ambiance dans l’entreprise ou encore est imputable à l’employeur lui-même.

Cette dernière peut être combattue d’une part en élargissant les conditions de saisine du médecin du travail, interlocuteur privilégié du salarié.

L’employeur lui-même décelant cette souffrance, sans pour autant la comprendre, doit pouvoir saisir le médecin du travail. Il en est de même évidemment de l’intéressé.

Cette possibilité doit être étendue au médecin traitant qui doit pouvoir alerter le médecin du travail et partager ses informations avec ce dernier.

Aujourd’hui la visite auprès du médecin du travail à l’initiative du médecin traitant n’est prévue qu’en cas de visite de pré-reprise, aux termes de l’article R 4624 du code du travail.

Cet échange entre le médecin traitant et le médecin du travail est essentiel.

Il est essentiel en premier lieu parce que le médecin traitant est le confident privilégié du salarié et il pourrait déceler à temps une souffrance au travail anormale.

Intervenant en amont, il pourra alerter plus tôt le médecin du travail.

En second lieu les deux médecins pourront confronter leur expérience du patient.

Il n’est pas rare qu’une personne en souffrance l’attribue exclusivement à ses conditions de travail alors que tel n’est pas nécessairement le cas : la conjugaison de l’expertise du médecin traitant qui connaît tout particulièrement son patient et celle du médecin du travail qui connaît également l’entreprise est donc indispensable.

Cette souffrance peut être également combattue en généralisant un règlement alternatif des litiges et en favorisant un vrai dialogue.

Un employeur, également soumis au stress peut ne pas se rendre compte de la souffrance que son comportement génère parfois.

Inversement, un salarié peut se considérer victime, par exemple de discrimination ou de harcèlement… Alors qu’une simple mise au point pourrait suffire à amoindrir les difficultés.

Pour cette raison la médiation sociale doit être généralisée.

Cette possibilité doit être ouverte non seulement à l’employeur et au salarié mais encore au médecin du travail et aux représentants du personnel.

Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est proposé, Mesdames, Messieurs, d’adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 1161-1 du code du travail, est inséré un titre VII ainsi rédigé :

« TITRE VII

« SOUFFRANCE AU TRAVAIL ».

« Chapitre I

« Champ d’application

« Art. L. 1171-1. – Les dispositions du présent titre sont applicables au personnel des personnes publiques employé dans des conditions de droit privé.

« Chapitre II

« Définition

« Art. L. 1172-1. – Tout travail peut générer intrinsèquement une souffrance, liée soit à sa pénibilité, soit à des circonstances qui sont propres au salarié.

« Toutefois certaines conditions de travail, imputables à l’employeur ou à l’ambiance de travail, peuvent être de nature à créer une souffrance spécifique et anormale et ainsi dégrader les relations de travail.

« Chapitre III

« Conditions de la saisine de la médecine du travail

« Art. L. 1173-1. – Toute personne salariée, quelle que soit la nature du contrat la liant à son employeur, et s’estimant victime d’une souffrance au travail, qu’elle soit physique ou morale et pour laquelle elle considère qu’elle excède la charge normale que suppose son poste de travail peut solliciter la mise en œuvre d’une visite médicale auprès de la médecine du travail.

« Art. L. 1173-2. – Tout employeur constatant ou pensant que l’un(e) des salarié(e)s placé(e) sous son autorité, subit une souffrance au travail qui apparaît anormale au regard de la sujétion inhérente à son poste de travail, que cette souffrance soit physique ou morale, doit solliciter une visite médicale de cette personne auprès de la médecine du travail.

« Cette demande n’exonère pas l’employeur de ses obligations en matière de sécurité au travail et de sa responsabilité civile ou pénale et ne fait pas obstacle aux dispositifs de protection mis en œuvre en matière de harcèlement.

« Art. L. 1173-3. – Tout médecin traitant constatant ou pensant que l’un(e) de ses patient(e)s subit une souffrance au travail, que cette souffrance soit physique ou morale peut solliciter du médecin du travail qu’il rencontre le salarié concerné.

« Il est, dans ce cas, affranchi du secret médical à l’égard de son confrère.

« Chapitre IV

« Conditions de mise en œuvre de la médiation sociale

« Art. L. 1174-1. – Toute personne salariée, quelle que soit la nature du contrat la liant à son employeur, et s’estimant victime d’une souffrance au travail, qu’elle soit physique ou morale et pour laquelle elle considère qu’elle excède la charge normale que suppose son poste de travail peut solliciter la désignation d’un médiateur aux fins de trouver, avec son employeur, les moyens d’y remédier.

« Cette demande de médiation n’est pas exclusive ou ne constitue pas une démarche préalable à tout autre droit dont dispose le salarié, dont, par exemple, le droit de retrait tel que prévu par l’article L. 4131-4 du présent code.

« Art. L. 1174-2. – Tout employeur constatant ou pensant que l’un(e) des salarié(e)s placé(e) sous son autorité, subit une souffrance au travail qui apparaît anormale au regard de la sujétion inhérente à son poste de travail, que cette souffrance soit physique ou morale doit solliciter la désignation d’un médiateur aux fins de trouver, avec le salarié concerné, les moyens d’y remédier.

« Cette demande n’exonère pas l’employeur de ses obligations en matière de sécurité au travail et de sa responsabilité civile ou pénale et ne fait pas obstacle aux dispositifs de protection mis en œuvre en matière de harcèlement.

« Art. L. 1174-3. – Tout médecin du travail constatant ou pensant que l’un(e) de ses patient(e)s subit une souffrance au travail, que cette souffrance soit physique ou morale peut solliciter la désignation d’un médiateur aux fins de trouver, entre le salarié concerné et son employeur, les moyens d’y remédier.

« Le médecin du travail peut notamment avoir recours à la médiation comme préalable à une déclaration d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise si cette inaptitude générale est liée, selon le médecin du travail, à une souffrance anormale liée au comportement de l’employeur ou une ambiance de travail anormale.

« Si le médecin du travail considère que la présence du salarié concerné dans l’entreprise est dangereuse pour sa santé y compris pendant la période de médiation, elle l’indique alors dans le cadre de sa demande de désignation du médiateur.

« Dans ce cas de figure, le contrat de travail sera suspendu jusqu’à la visite de reprise intervenant après la médiation, le salarié bénéficiant alors du régime social de la maladie professionnelle pendant cette période.

« Art. L. 1174-4. – Tout représentant du personnel dans l’entreprise constatant ou pensant que l’un de ses salariés subit une souffrance au travail, que cette souffrance soit physique ou morale doit solliciter la désignation d’un médiateur aux fins de trouver, entre le salarié concerné et son employeur, les moyens d’y remédier.

« Chapitre V

« Modalités de mise en œuvre de la médiation

« Art. L. 1175-1. – Que la désignation du médiateur soit provoquée par le salarié, l’employeur, le médecin du travail ou encore par un représentant du personnel, cette dernière est sollicitée par lettre recommandée avec avis de réception envoyée au salarié et à l’employeur.

« Le médiateur est choisi par l’initiateur de la médiation.

« En cas de désaccord du salarié ou de l’employeur sur le médiateur désigné, les parties tentent de trouver un accord sur la désignation.

« En cas de désaccord sur l’identité du médiateur, cette désignation sera effectuée par la formation des référés du conseil des prud’hommes compétent territorialement, saisi à l’initiative de la partie la plus diligente.

« À cet égard, toute personne mentionnée au chapitre V de la présente section a capacité et intérêt à agir.

« Art. L. 1175-2. – Doivent être désignées par les parties ou le conseil des prud’hommes, les personnes figurant sur la liste départementale des médiateurs dressée par le préfet dans des conditions précisées par décret.

« Peuvent y figurer toutes les personnes justifiant d’une formation en matière de médiation.

« Est incompatible avec cette fonction celle de conseiller du salarié.

« Leur rémunération est à la charge de l’employeur dans des conditions précisées par décret.

« Art. L. 1175-3. – Le médiateur doit convoquer l’employeur et le salarié par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai maximal de quinze jours.

« Dans un délai maximal d’un mois à compter de sa saisine, il rédige soit un procès-verbal de médiation, soit un procès-verbal d’absence de médiation.

« Il peut également émettre des recommandations contenues dans un procès-verbal spécifique.

« Les procès-verbaux de médiation, de rejet de médiation ou encore contenant des recommandations sont notifiés exclusivement à l’employeur et au salarié ainsi qu’à la médecine du travail si cette dernière est à l’origine de la médiation.

« Les procès-verbaux de médiation sont confidentiels et ne peuvent être transmis à un tiers.

« Leur communication ultérieure dans le cadre notamment d’un procès prud’homal est irrecevable et ils doivent être écartés des débats.

« Art. L. 1175-4. – Le médiateur peut procéder à toutes auditions qu’il juge utiles. Il peut notamment s’entretenir avec toute personne de l’entreprise ainsi qu’avec le médecin du travail.

« Il peut se rendre dans l’entreprise et toute entrave à sa mission est constitutive du délit d’entrave.

« Art. L. 1175-5. – Le médecin du travail, destinataire du procès-verbal rédigé par le médiateur, doit convoquer le salarié dans un délai de quinze jours à compter de la réception de ce procès-verbal et prend toute mesure utile qui s’impose en matière d’aptitude au poste de travail en considération des éventuels accords entre les parties. »

Article 2

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration des droit sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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