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N° 3262

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2011.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête relative au taux réel d’impôt sur les bénéfices payé par les grandes entreprises et les PME,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christian ESTROSI, Gérard CHERPION, Loïc BOUVARD, Alain FERRY, Arlette GROSSKOST, Laure de LA RAUDIÈRE, Nicolas FORISSIER, Jean-Pierre MARCON, Chantal BRUNEL, Marc BERNIER, Daniel SPAGNOU, Lionel TARDY, Didier QUENTIN, Marc LE FUR, Louis GUÉDON, Jacques LAMBLIN, Michel LEJEUNE, Paul JEANNETEAU, Jean-Marie BINETRUY, Rudy SALLES, Jean-Marc NESME, Jean-Pierre DUPONT, Patrick BEAUDOUIN, Michel VOISIN, Arnaud RICHARD, Christian KERT, Georges GINESTA, Jean-Marc ROUBAUD, Lucien DEGAUCHY, Jean-Claude BOUCHET, Jean-Pierre DECOOL, Patrice CALMÉJANE, François-Michel GONNOT, Alfred ALMONT, Georges COLOMBIER, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Luc REITZER, André WOJCIECHOWSKI, Brigitte BARÈGES, Anne GROMMERCH, Jacques Alain BÉNISTI, Pascal BRINDEAU, Françoise BRANGET, Louis COSYNS, Bernard PERRUT, Nicolas DUPONT-AIGNAN, Alfred TRASSY-PAILLOGUES, Dominique DORD, Jean-Pierre ABELIN, Jacques REMILLER, Jean-Michel COUVE, Jean ROATTA, Charles de COURSON, Alain MOYNE-BRESSAND, Chantal BOURRAGUÉ, Éric STRAUMANN, Philippe VIGIER, Jacqueline IRLES, François-Xavier VILLAIN, Patrice VERCHÈRE, Francis SAINT-LÉGER, Olivier JARDÉ, Sylvia BASSOT, Marie-Hélène THORAVAL, Cécile DUMOULIN, Jean-Marie SERMIER, Jean-Jacques GAULTIER, Béatrice PAVY, Yves VANDEWALLE, François GROSDIDIER, Nicolas DHUICQ, Stéphane DEMILLY, Michel GRALL, Jean-Louis CHRIST, Christian MÉNARD, Éric CIOTTI, Jean-Pierre DOOR, Paul DURIEU, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Philippe BOËNNEC, Bérengère POLETTI, Pierre LANG, Yvan LACHAUD, Marie-Christine DALLOZ, Bernard DEPIERRE, Jean-Sébastien VIALATTE, Éric DIARD, Sophie PRIMAS, Valérie ROSSO-DEBORD, Olivier CARRÉ, Francis HILLMEYER, Henriette MARTINEZ, Yves JÉGO, Alain JOYANDET, Michel SORDI, Dominique SOUCHET, Véronique BESSE, Guy MALHERBE, Philippe COCHET, Étienne BLANC, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Gilles d’ETTORE, Philippe GOSSELIN, Jean TIBERI, Daniel FIDELIN, Guy TEISSIER, Jean-Philippe MAURER, Geneviève LEVY, Marie-Louise FORT, Fernand SIRÉ, Philippe BRIAND, Jean-Pierre SOISSON, Damien MESLOT, Étienne MOURRUT et Bruno SANDRAS,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte », disait l’économiste et industriel français, Jean-Baptiste Say.

Un impôt « exagéré » peut recouvrir deux réalités : soit un taux nominal trop élevé par rapport aux pays voisins, soit un impôt qui ne respecte pas le principe de justice sociale en reposant plus sur les petits que sur les grands.

Que dire alors de l’impôt sur les sociétés, dit aussi impôt sur les bénéfices, qui remplit les deux conditions à la fois ?

En effet, si la base de cet impôt est naturellement juste dans son principe puisqu’elle repose sur les bénéfices des entreprises, nul ne peut contester que son taux soit, d’une part, l’un des plus élevés d’Europe et, d’autre part, qu’il existe des injustices dans son application.

Tout d’abord, cet impôt repose sur un principe simple, louable et incontestable : plus une entreprise fait de bénéfices, plus elle doit contribuer.

Cependant, dans les faits, cet impôt engendre des inégalités et des disparités qui sont de deux ordres: elles résident d’abord dans son taux légal, qui est plus élevé que chez nos voisins européens, puis dans son taux réel puisque les petites et moyennes entreprises (PME) sont fortement impactées par cet impôt, là où certaines grandes entreprises arrivent à en être totalement exonérées.

S’agissant du taux légal, les entreprises sont soumises par principe à l’impôt sur les sociétés au taux normal de 33,33 % pour l’ensemble de leurs activités. Par dérogation, certains redevables peuvent être soumis au taux réduit à 15 % pour la première tranche des bénéfices sous certaines conditions.

La première inégalité réside dans le fait que ce taux est le deuxième plus élevé d’Europe après Malte, ce qui décourage des entreprises et notamment des PME de s’installer en France (1).

Si le taux légal de cet impôt a baissé de 3,4 points en dix ans dans notre pays, il a diminué en même temps de 21 points en Allemagne, de 10 points en Italie et 5 points en Espagne. Et pourtant, malgré ce taux nettement supérieur à la moyenne, cet impôt ne représente que 2,4 % à 3 % du PIB contre 3,9 % dans l’OCDE et 3,5 % pour la zone euro (2).

Il conviendrait ainsi de réfléchir, comme l’ont évoqué récemment plusieurs membres du Gouvernement, à une réforme de cet impôt pour élargir son assiette en baissant son taux comme l’ont fait l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni.

Plusieurs injustices apparaissent également concernant le taux réellement payé pour cet impôt.

En premier lieu, selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (3), rattaché à la Cour des comptes, les petites et moyennes entreprises (PME) paieraient beaucoup plus d’impôt sur les bénéfices que les grandes entreprises. En effet, les sociétés du CAC 40 seraient taxées sur leurs profits à hauteur de 8 % en moyenne alors même que les PME céderaient à l’État 22 % de leurs bénéfices. Selon ce rapport, le taux implicite d’imposition est ainsi en France de 30 % pour les entreprises d’un à neuf salariés, de 20 % pour celles de 50 à 249 salariés et de 13 % pour celles de plus de 2 000 salariés.

Par ailleurs, le journal La tribune, dans son édition de 14 décembre 2009, confirme que les quarante entreprises les plus importantes de notre pays payent 2,3 fois moins d’impôts sur les bénéfices que les PME.

Pourquoi une telle différence entre le taux nominal et le taux effectif ?

Cet écart s’explique par les dispositions du code des impôts qui permettent en toute légalité aux entreprises d’éviter le taux d’un tiers à travers plusieurs dispositifs dits « d’optimisation fiscale ».

Il peut s’agir du report illimité des pertes réalisées à déduire des bénéfices imposables, de l’intégration fiscale qui conduit à consolider les gains et pertes des filiales françaises à la maison mère, de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour investissement, de la déduction des dividendes de ses filiales pour la société mère, de l’exonération des cessions de participations à long terme ou encore du crédit impôt recherche.

Ces mesures permettent ainsi à ces entreprises de payer un taux réel bien inférieur au taux légal.

Naturellement, cette initiative parlementaire n’a pas pour vocation d’aboutir à la suppression de toutes ces mesures de défiscalisation et notamment du crédit impôt recherche qui contribuent efficacement à la compétitivité des entreprises françaises. Supprimer ces mesures reviendrait à augmenter les charges de toutes les entreprises alors même que le taux de prélèvements obligatoires sur celles-ci, en France, est déjà le plus élevé d’Europe. Elle n’a pas non plus pour objet de jeter l’anathème sur les grandes entreprises françaises mais de nous interroger sur la manière dont on peut réduire les disparités entre les PME et les entreprises cotées en bourse dans le paiement de cet impôt.

On s’interroge d’autant plus lorsque l’on sait que certaines grandes entreprises françaises arrivent à échapper totalement à l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, à titre d’exemples, une grande entreprise française, malgré un bénéfice de plus de dix milliards d’euros en 2009, n’aurait pas payé d’impôt sur les sociétés en France grâce au déficit de l’une de ses activités. Au niveau mondial, cette entreprise française a pourtant payé 7,7 milliards d’euros d’impôts à l’étranger. Un autre grand groupe a pour sa part déduit de ses bénéfices le montant des emprunts contractés pour acquérir une autre société.

La presse s’est aussi fait l’écho du fait qu’une entreprise sur quatre du CAC 40 n’aurait pas payé d’impôt sur les sociétés en reproduisant le tableau ci-après.

En millions d’euros

 

Payés
en France

Payés
à l’étranger

Bénéfices 2009 après impôts

EDF

745

855

4 088

VINCI

628

117

1 698

AXA

513

1 017

4 033

GDF SUEZ

490

1 700

5 230

VIVENDI

408

267

3 699

ALSTOM

130

255

1 205

AIR LIQUIDE

100

319

1 285

BOUYGUES

351

136

1 456

UNIBAIL

100

10,7

-1 567

VEOLIA

69,9

172,3

842

CAP GEMINI

46

15

178

DANONE

0

424

1 521

ESSILOR

0

108

402

TOTAL

0

7 700

8 629

SAINT GOBAIN

0

219

241

SCHNEIDER

0

433

894

SUEZ ENVIRONNEMENT

0

129

647

ARCELOR MITTAL

0

0

52

Source : Journal du dimanche du 19 décembre 2010.

Ce constat appelle plusieurs questions.

– Est-il logique que de grandes entreprises françaises parviennent à s’exonérer totalement de cet impôt ?

– Est-il logique que les PME, qui sont les entreprises qui créent le plus d’emplois et dont nous souhaitons accroître le nombre pour être aussi compétitifs que les Allemands, soient plus imposées sur leurs bénéfices que les grandes entreprises ?

– Enfin, à l’heure où le Gouvernement souhaite, pour des raisons de justice sociale, adopter une réforme de la fiscalité du patrimoine, ne faut-il pas réfléchir à une réforme de la fiscalité des entreprises pour réduire les disparités entre PME et grands groupes et ainsi favoriser notre compétitivité et notre croissance ?

Afin de répondre à ces questions importantes, il vous est demandé d’adopter cette proposition de résolution visant à créer une commission d’enquête sur le taux réel d’impôt sur les sociétés payé par les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres relative au taux effectif de l’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises et les petites et moyennes entreprises.

Elle devra dresser un bilan sur le taux réel de l’impôt sur les sociétés payé par les grandes entreprises et les PME et se prononcer sur la nécessité de réformer l’assiette et le taux de cet impôt afin de réduire les écarts en termes d’imposition sur les bénéfices.

1 () Baromètre de l’observateur européen de la fiscalité. Selon ce baromètre d’avril, ce taux était de 15 % en Allemagne, 27,5 % en Italie, 28 % au Royaume-Uni.

2 () Source Eurostat.

3 () Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires intitulé « Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée » d’octobre 2009.


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