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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 3297

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes
et des
quartiers en difficulté,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, François PUPPONI, François BROTTES, Henri JIBRAYEL, Marc GOUA, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Pascale CROZON, Daniel GOLDBERG, Jean-Patrick GILLE, Michel LIEBGOTT, Dominique BAERT, Jacqueline MAQUET, William DUMAS, Pierre MOSCOVICI, Julien DRAY, Annick LEPETIT, Geneviève FIORASO, Pierre COHEN, Pierre BOURGUIGNON, Claude BARTOLONE, Sylvie ANDRIEUX, Chantal ROBIN-RODRIGO, Valérie FOURNEYRON, Daniel VAILLANT, Jean-René MARSAC, Frédéric CUVILLIER, Jean-Michel VILLAUMÉ, Odile SAUGUES, Claude DARCIAUX, Marcel ROGEMONT, Daniel BOISSERIE, Jean GAUBERT, Frédérique MASSAT, Corinne ERHEL, Annick LE LOCH, Jean GRELLIER, Catherine COUTELLE, Jean-Louis GAGNAIRE, Pascale GOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Jean-Yves LE DÉAUT, Serge LETCHIMY, Marie-Lou MARCEL, Kléber MESQUIDA, Germinal PEIRO, Michel LEFAIT et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1)  Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Françoise Olivier-Coupeau, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, René Rouquet, Alain Rousset, Patrick Roy, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2)  Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Égalité et Fraternité constituent deux piliers fondamentaux de notre République indivisible et sociale. Ils en assurent dans le principe la cohésion sociale, territoriale et nationale. Ils traduisent dans cette même logique la volonté d’améliorer la condition des plus démunis de nos concitoyens.

De cet objectif est née dans les années 70 la politique de la ville, une politique publique spécifique à destination des quartiers les plus en difficulté, abritant des populations en grande souffrance sociale.

Force est de reconnaître, près de 40 ans après ses premières actions, que la politique de la ville n’a pas su enrayer les dynamiques de ségrégation et de paupérisation à l’œuvre dans ces quartiers, ni s’attaquer durablement aux inégalités qui marginalisent chaque jour un peu plus ces territoires.

Ces dernières années, et bien qu’elles aient parfois permis des avancées indéniables (notamment l’ANRU), ni la loi du 1er août 2003 pour la ville et la rénovation urbaine, ni celle du 18 janvier 2005 pour la cohésion sociale, ni la dynamique Espoir Banlieue initiée le 20 juin 2008 n’ont pu renverser cette tendance. C’est ce que souligne le rapport parlementaire : Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante, remis en octobre 2010 par les députés François Pupponi et François Goulard : « les rapports annuels de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) conduisent à constater que les écarts en termes de pauvreté, de chômage, d’accès aux soins et de résultats scolaires ne se sont pas réduits depuis la loi du 1er août 2003 » (1).

C’est en premier lieu ce constat, aussi dramatique qu’inacceptable, que les députés du groupe socialiste, radical et citoyen tiennent à dénoncer. Comment notre République peut-elle en effet tolérer que, dans ces quartiers, représentant aujourd’hui près de 5 millions d’habitants dans les 751 zones urbaines dites sensibles, un habitant sur trois et un mineur sur deux vivent sous le seuil de pauvreté ?

Il serait pourtant injuste et faux d’imputer à la politique de la ville l’entière responsabilité de cet échec. Trop pauvre, marginalisée dans son affichage de politique spécifique, impuissante à mettre en mouvement les vrais leviers de l’efficacité politique, économique et sociale, la politique de la ville n’a jamais pu devenir une véritable politique d’envergure. Enclavée comme les quartiers qu’elle tend à ouvrir, isolée pour traiter des inégalités, elle n’a jamais été articulée avec une politique d’aménagement globale du territoire et les politiques de droit commun n’ont que trop peu suivi.

On ne saurait d’ailleurs nier les apports considérables qui sont les siens et qui ont permis de modifier et d’améliorer sensiblement dans ces quartiers des situations collectives et individuelles. Une forte implication des élus, la mise en place d’une réelle démocratie participative et associative, pariant sans risque sur le potentiel humain et social de ces quartiers, et la mobilisation ponctuelle de moyens financiers importants, à la hauteur des enjeux, ont souvent conduit à faire évoluer l’urbanisme des banlieues, à y resserrer les liens sociaux, à y faire baisser la délinquance, à y relancer l’activité économique. « Pourraient ainsi être mis à l’actif de la politique de la ville, dans un contexte assez sombre de maintien à des niveaux préoccupants de la pauvreté, du chômage et du retard scolaire dans les quartiers urbains sensibles, quelques évolutions et résultats en matière de développement économique et de rénovation urbaine; on peut aussi lui attribuer par ailleurs une amélioration du « lien social » au sens large dans ces quartiers, par une pratique renouvelée de l’action publique et associative auprès et avec la participation des habitants. » (2)

La situation actuelle des banlieues tient évidemment aussi de la conjonction d’une multiplicité de facteurs exogènes que nous n’avons pas su endiguer : crise économique, augmentation du chômage, faiblesse structurelle des ressources des communes concernées, identités écartelées, politiques de peuplement et de contingentement des logements mal maîtrisées, relégation métropolitaine, fermeture des services publics,…

Elle tient enfin et surtout d’une politique de l’abandon, orchestrée ces dernières années par le gouvernement actuel, qui semble préférer fermer les yeux sur les drames humains qui s’y déroulent, plutôt que de ne pas satisfaire un électorat sensible aux alarmes de l’immigration et de l’islamophobie: échec du Plan Espoir Banlieue et de ces dispositifs-rustines, baisse de 40% des crédits de la politique de la ville, notamment ceux des associations et de l’ACSé, diminution du nombre de policiers et gendarmes dans ces territoires, stigmatisation enfin de la part du Président de la République qui, par méconnaissance, n’évoque la banlieue qu’en termes de délinquance, et qui ne propose comme unique solution que le « kärcher ».

Cet échec, ce n’est donc pas celui de la politique de la ville, mais celui d’une absence d’ambition pour elle, d’une absence de volonté politique réelle et de prise de conscience partagée de l’urgence de la situation. C’est l’échec des politiques publiques de droit commun. C’est l’échec d’une France incapable depuis 50 ans de régler d’une manière forte la ghettoïsation des classes sociales les plus défavorisées.

Le constat est cinglant : on échoue dans ces villes plutôt qu’on ne s’y installe.

Par-delà ces réalités, il y a pourtant dans ces quartiers une énergie citoyenne extraordinaire, un bouillonnement culturel et associatif, une solidarité de « galère » autant que communautaire, une envie de s’en sortir, pour soi et pour les siens, de réussir professionnellement, particulièrement chez les jeunes qui voient les conditions dans lesquelles leurs parents ont trop souvent été relégués. Cette jeunesse pleine d’ambitions et de talents devrait pouvoir rendre notre pays plein d’espoirs.

Il nous faut donc agir, si ce n’est réagir, rapidement et fortement. Car, parce qu’ils concentrent les symptômes qui ébrèchent de toute part notre cohésion nationale, « se jouent dans ces quartiers l’effectivité de la promesse républicaine et donc une partie de l’avenir du pays; être né, avoir grandi, vivre quelque part sur le territoire national ne saurait sceller un destin social. Si chacun a droit à la dignité aujourd’hui, il doit aussi avoir la chance effective de faire valoir ses mérites et de tenter de satisfaire ses ambitions » (3). Le combat des banlieues n’est pas le combat des seuls élus de banlieue ; parce qu’il en appelle à la solidarité et interroge directement la cohésion nationale, parce qu’il est une promesse non tenue de la République, il est le combat de l’ensemble des Français.

La présente proposition de loi n’a pas la prétention de vouloir créer ex nihilo une nouvelle politique de la ville ; encore moins de refondre l’économie générale de nos politiques de droit commun pour gagner en efficacité et justice dans le traitement différencié, c’est-à-dire équitable, de nos territoires.

Mais face à l’urgence, les députés du groupe socialiste, radical et citoyen estiment essentiel de proposer des mesures fortes, qui ciblent les principaux symptômes de ces quartiers, en même temps qu’elles préfigurent le nouveau cap qui pourrait être celui de l’action publique conduite dans ces territoires :

– une reconnaissance nationale de la situation de ces quartiers et de la condition de leurs habitants: c’est l’enjeu d’une nouvelle gouvernance et d’un zonage rénové ;

– la mise en place d’une véritable péréquation, gage d’une politique sociale efficace : c’est l’enjeu de solidarité financière et de réduction des inégalités territoriales ;

– le développement d’une politique efficace pour lutter contre le chômage : c’est l’enjeu de l’emploi pour les habitants de ces quartiers ;

– la poursuite des actions engagées dans le domaine de la rénovation urbaine : c’est l’enjeu du renouvellement urbain et social.

Le premier chapitre de la présente proposition de loi s’intéresse donc à l’enjeu d’une nouvelle gouvernance et d’un zonage rénové.

Reconnaître la situation de ces quartiers, c’est élever au rang de priorité nationale une politique de la ville renommée politique des villes et des quartiers en difficulté. Après avoir rappelé dans l’article 1er l’enjeu pour notre République d’assurer à tous les citoyens français l’égal accès aux services publics sur l’ensemble du territoire national, l’article 2 propose donc de rattacher directement au Premier ministre cette politique, pour qu’il la conduise directement, en partenariat avec les collectivités territoriales, dans une démarche interministérielle soucieuse de réintroduire le droit commun dans ces territoires. Car force est de constater que les moyens de la politique de la ville sont venus peu à peu compenser des moyens de droit commun de moins en moins présents. Il nous faut donc repenser nos politiques publiques : il n’y a pas une politique de la ville pour les banlieues et des politiques de droit commun pour le reste du territoire national. Il y a des politiques de droit commun pour tous qui prennent en compte les inégalités de départ entre les personnes, les villes et les territoires, et une politique des villes et des quartiers en difficulté qui vient accentuer le soutien de l’État dans ces quartiers prioritaires. Afficher le caractère transversal de cette politique, c’est affirmer que cette dernière ne sera efficace que si les politiques de droit commun intègrent elles-mêmes des objectifs de lutte contre les ségrégations socio-urbaines. C’est donc conduire l’ensemble des ministères à renforcer leurs politiques de droit commun dans les quartiers les plus en difficulté, un « droit commun renforcé » complété par les crédits spécifiques de la politique des villes et des quartiers en difficulté. À cette fin, le Comité interministériel des villes doit être régulièrement et fréquemment réuni, afin d’évaluer les résultats obtenus par chacun des ministères (article 3).

Réinventer la gouvernance de la politique des villes et des quartiers en difficulté, c’est aussi réformer ses outils. Les articles 4 et 5 proposent donc de revisiter la géographie prioritaire et les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Les erreurs du saupoudrage, de la multiplication des périmètres d’action, du fractionnement des interventions entre l’humain et l’urbain, appellent aujourd’hui une nouvelle architecture, plus lisible, plus resserrée, plus cohérente, plus efficace: un unique périmètre pour un contrat unique. L’article 4 engage ainsi la remise d’un rapport gouvernemental au Parlement, qui s’attache à préciser la notion de territoires prioritaires: il faut distinguer la situation de villes qui sont des quartiers défavorisés (les communes qui aujourd’hui ont par exemple plus de 60 % de leur territoire en ZUS), de celle de villes qui ont quelques quartiers défavorisés. Il faut aussi concentrer les moyens, en ciblant l’intervention publique sur les territoires qui ont structurellement peu de ressources et beaucoup de charges socio-urbaines. Si la diminution du nombre de territoires prioritaires peut être une piste, plusieurs niveaux de priorité d’intervention pourraient également être envisagés, comme pour l’ANRU ou les CUCS actuels. Dans l’optique d’une réforme, le rapport proposé devra donc notamment s’attacher à décliner les enjeux suivants :

– au-delà de son principe réaffirmé, une géographie prioritaire renforcée, recentrée ;

– une géographie prioritaire qui tienne compte de la capacité d’une collectivité à assumer les besoins de ses habitants : définition de territoires prioritaires ayant peu de ressources mais devant assumer beaucoup de charges ;

– une géographie prioritaire qui distingue la situation de villes qui sont des quartiers défavorisés de celle de villes qui ont quelques quartiers défavorisés ;

– les modalités d’un zonage qui priorise les territoires d’intervention (par exemple sur le mode de hiérarchisation des CUCS : quartiers de priorité 1, 2 et 3) ;

– les modalités d’accompagnement des sorties progressives des territoires non retenus.

Ce rapport devra également déterminer les conditions d’une meilleure articulation entre le découpage du territoire d’intervention et la définition du projet de territoire, donc la mise en œuvre des dispositifs contractuels de la politique des villes et des quartiers en difficulté. Sur ce point, l’article 5 propose donc de faire évoluer les CUCS actuels en contrats de promotion sociale et territoriale. Ce contrat unique, déterminé en cohérence avec le périmètre prioritaire (tel que défini au précédent article), est transversal aux différents champs d’intervention, intégrant dans une logique de complémentarité les projets de développement social comme de rénovation urbaine. Défini avec l’ensemble des acteurs institutionnels et locaux, qui s’engagent contractuellement sous forme de conventions, il se donne des objectifs précis de réduction des inégalités sociales et territoriales. Cosigné par le préfet, le maire et le président de l’EPCI, ce nouveau contrat répond à un souci de démarche contractuelle souple, concertée, territorialisée, c’est à dire au plus près des besoins donc des réalités locales dans leur diversité. Il est enfin calé sur la durée du mandat municipal.

Avec l’article 6, les cofinancements de projets portés dans un contrat de promotion sociale et territoriale, aussi bien en fonctionnement qu’en investissement, sont rendus possibles entre plusieurs collectivités territoriales. De manière générale, toute action conduite dans le cadre de la politique des villes et des quartiers en difficulté ouvre la possibilité aux financements croisés. En effet, la réforme des collectivités locales a injustement interdit dans ce domaine les financements conjoints de la commune, de l’EPCI, du département et de la région, qui constituent pourtant, avec la contractualisation, l’un des principes mêmes de la politique de la ville. Car les communes les plus en difficulté sont dans l’incapacité de financer a minima 20 % de tout projet local qu’elles souhaiteraient développer. Dans le domaine du fonctionnement, ces communes ont aussi plus que de mesure besoin de moyens importants pour faire vivre les services et équipements publics, les structures associatives, nécessaires à l’ensemble de la population.

Meilleure lisibilité pour une meilleure efficacité de l’action publique : c’est enfin résoudre les contradictions d’interventions de l’État. « La politique de la ville doit (en effet) s’appuyer à la fois sur la nécessaire rénovation urbaine et sur une politique spécifique d’interventions sociales au sens large » (4), car « l’investissement que la France a consenti pour rénover ses quartiers urbains difficiles ne sera rentabilisé que si les questions « sociales » au sens large y sont mieux traitées qu’aujourd’hui » (5). Dans la logique du contrat de promotion sociale et territoriale, l’article 7 fusionne donc l’ANRU, l’ACSé et l’EPARECA, sous l’égide de l’ANRU qui a montré ses capacités à entreprendre, conduire, accompagner des projets en partenariat avec les collectivités. La nouvelle agence ainsi créée est l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale.

Au final, cette nouvelle architecture proposée de la politique des villes et des quartiers en difficulté doit pouvoir rendre cohérente l’intervention publique dans ces territoires: au pilotage transversal assuré par le chef du gouvernement au niveau national, répond un pilotage souple au niveau local, dans un contrat unique établi sur un périmètre unique et avec un opérateur étatique unique. Le maire est conforté dans son rôle de cheville ouvrière des politiques publiques nationales dans ces quartiers : « car nous avons la conviction que le maire est la seule autorité locale susceptible de traiter des problèmes territoriaux urbains dans leur globalité, en s’appuyant, le cas échéant, sur une approche et des solidarités intercommunales » (6).

Le deuxième chapitre de la présente proposition de loi porte sur l’enjeu de solidarité financière et de réduction des inégalités territoriales, à l’égard des collectivités, et notamment des communes, qui ont peu de ressources et beaucoup de charges.

Affirmer une véritable solidarité financière et territoriale, c’est rendre plus performant notre système de péréquation actuel, insuffisamment doté, insuffisamment fléché. Dans les communes les plus en difficulté, les crédits de la politique de la ville sont venus compenser l’absence structurelle de recettes pérennes, consécutive à la répartition fondamentalement inégale de la ressource fiscale et aux manquements des mécanismes de péréquation actuels. En France, les inégalités de ressources entre communes sont d’une ampleur sans équivalent en Europe : en 2010, le pouvoir d’achat par habitant des 1 % des communes les plus riches est 45 fois plus élevé que celui des 1 % les plus pauvres. L’article 72-2 de la Constitution impose pourtant au législateur de prévoir des « dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».

Il faut dire que le système actuel fonctionne quelque peu à l’aveugle. Sans évaluation des inégalités, comment en effet définir des objectifs et se doter d’outils à mettre en œuvre, pour réduire ces dernières ? Dans cette optique, l’article 8 propose que soit créé un objectif chiffré annuel de réduction des inégalités de ressources entre collectivités et que soient définis a posteriori les moyens pour y parvenir. Ainsi, chaque projet de loi de finances doit fixer un objectif annuel de réduction des écarts, individualisé pour chaque niveau de collectivité. Un plancher de ressources est évalué, sorte de SMIC communal, en deçà duquel une collectivité doit bénéficier de dotations lui permettant d’atteindre ce plancher. Cet article permettra de donner un contenu à l’alinéa de l’article 72-2 de la Constitution.

Par ailleurs, la péréquation du bloc communal doit avoir les moyens de ses ambitions: pour être efficace, le montant global actuel (environ 3,8 milliards d’euros) doit être quasiment doublé, donc abondé de 3 milliards d’euros supplémentaires, effectivement ciblés sur les collectivités en incapacité budgétaire structurelle, qui doivent faire face à des charges sociales croissantes.

En effet, la ressource fiscale des communes et des intercommunalités représente en 2010 (7) quelque 50 milliards d’euros. La répartition de cette ressource entre les communes et leurs groupements, en fonction de leur écart au potentiel fiscal moyen, est la suivante :

– 9 000 communes et 1 200 EPCI ont un potentiel fiscal inférieur de 25% et plus au potentiel fiscal moyen. Ils représentent environ 15 % de la ressource totale soit environ 9 milliards d’euros. Le produit fiscal moyen de cette catégorie est d’environ 600 €/habitant.

– 22 000 communes et 1 250 EPCI ont un potentiel fiscal compris entre 0,75 et 1,25 du potentiel fiscal moyen. Ils représentent environ 55 % de la ressource totale soit environ 33 milliards d’euros. Le produit fiscal moyen de cette catégorie est d’environ 830 €/habitant.

– Enfin, 5 000 communes et 450 EPCI ont un potentiel fiscal supérieur de 25 % et plus au potentiel fiscal moyen. Ils représentent environ 30 % de la ressource totale soit environ 18 milliards d’euros. Le produit fiscal moyen de cette catégorie est d’environ 1 800 €/habitant.

Si de manière fictive, il fallait ramener les communes et leurs groupements les plus pauvres au niveau intermédiaire (de 600 à 830 €/hab.), cela nécessiterait un déplacement de 5 % de la ressource fiscale totale, soit 3 milliards d’euros. Pris sur la catégorie supérieure, cette réduction de 3 milliards ramènerait d’ailleurs le produit fiscal moyen de cette catégorie de 1 800 € à 1 500 € par habitant.

On voit ainsi, au niveau des masses, que l’abondement de 3 milliards d’euros de la péréquation serait en mesure de régler les plus importants déséquilibres budgétaires des communes les plus pauvres, indépendamment des charges qu’elles ont par ailleurs à assumer.

Nous proposons donc un abondement ainsi réparti :

– 1,230 milliard d’euros avec le fonds national de péréquation (article 9) ;

– 270 millions d’euros avec le Fonds de solidarité de la région Île-de-France (article 10) ;

– 1,5 milliard d’euros de dotations de péréquation supplémentaires, à l’issue de réajustements annuels et de la réforme des dotations de l’État et de la fiscalité locale (article 11).

L’article 9 dispose donc que le montant du nouveau fonds national de péréquation créé par l’article 125 de la loi de finances pour 2011 doit être de 1,230 milliard d’euros, soit 2,5 % de l’ensemble des ressources fiscales du bloc communal, quand la loi actuelle ne propose qu’1 milliard, soit 2 % (hors les 420 millions d’euros de dotation en remplacement de la part « communes défavorisées » des anciens FDPTP). Ce nouveau fonds doit d’ailleurs, dans ces modalités de prélèvement et de redistribution, dans ces critères de ressources et de charges, prioritairement tenir compte et bénéficier aux villes en difficulté qui abritent des populations en grande fragilité.

À cet égard, la situation francilienne est singulière, concentrant les inégalités territoriales les plus criantes, avec des poches d’extrême pauvreté et des intercommunalités d’opportunité financière plus que de projets. C’est pour s’attaquer à cette situation qu’a été créé en 1991 le Fonds de solidarité de la région d’Île-de-France (FSRIF), d’un montant de 185 millions d’euros en 2009, qui constitue aujourd’hui l’un des seuls mécanismes performants de réduction des écarts de ressources entre les territoires. La loi de finances pour 2011 provoque la rénovation de ce dispositif pour 2012, avec un montant péréqué en 2015 de l’ordre de 270 millions d’euros. Aussi, l’article 10 garantit, en le rappelant, le montant inscrit dans la loi de finances, et précise que les modalités de ce FSRIF rénové devront conduire à cibler la dotation sur les communes prioritaires, celles les plus en difficulté, afin de s’attaquer véritablement à ces inégalités.

Enfin, la part actuelle des dotations de l’État consacrée à la péréquation est insuffisante. Elle ne représente en effet que 16 % de l’ensemble de la DGF (pour 84% de dotations de compensation). L’article 11 spécifie donc que tout ajustement futur de la dotation globale de fonctionnement (DGF) d’une part, et que la réforme des dotations de l’État, pensée conjointement à celles des valeurs locatives et de la fiscalité locale, d’autre part, doivent permettre de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour la péréquation verticale. Cet article permet ainsi de réaffirmer l’État dans son rôle de garant de la solidarité territoriale et nationale.

Le troisième chapitre de la présente proposition de loi insiste sur l’enjeu de l’emploi pour les habitants de ces quartiers et de la lutte contre les discriminations.

L’urgence sociale commande en effet de développer une véritable politique de l’emploi à destination des habitants de ces quartiers, et spécifiquement des jeunes (alors qu’il n’existe aucune politique spécifique de Pôle emploi en leur direction). En effet, les chiffres sont alarmants: en zone urbaine sensible, le taux de chômage est deux fois supérieur à la moyenne nationale, et repart de nouveau à la hausse depuis la crise de 2008, avec un taux de 18,6% (dépassant largement les 17 % enregistrés en 2003, date à laquelle la loi pour la ville et la rénovation urbaine s’était pourtant donnée comme objectif de réduire significativement en 5 ans les inégalités sociales et territoriales en banlieue). Près d’un jeune homme sur deux y est au chômage (43 %), quand 1 jeune homme sur cinq (22 %) connaît cette situation dans le reste de l’unité urbaine de la ZUS.

La fin du dispositif des zones franches urbaines est à cet égard une erreur. Ce dispositif a en effet montré des résultats probants dans les quartiers en termes d’implantation d’entreprises (les ZFU rattrapent leur retard sur l’unité urbaine dans laquelle elles se situent) et d’emplois créés (baisse du chômage plus marquée dans les ZFU que dans les ZUS notamment). Certes, il n’est pas totalement satisfaisant (avec une sur-représentation des entreprises du bâtiment, et une sous-représentation des activités tertiaires, notamment des services aux particuliers et aux entreprises), et il a parfois pu constituer un effet d’aubaine. Il convient donc d’en corriger les dérives. Afin de soutenir le développement économique de ces quartiers, l’article 12 propose donc de prolonger jusqu’à fin 2013 le dispositif actuel (qui doit actuellement se terminer fin 2011), avant de basculer dans un nouveau système début 2014, en cohérence avec la réforme de la géographie prioritaire et la signature des nouveaux contrats de promotion sociale et territoriale. Dans sa nouvelle version, ne bénéficieront du dispositif d’exonération de charges que les entreprises déjà implantées, afin de les maintenir sur le territoire prioritaire nouvellement défini, et les créations d’entreprises, afin d’avoir un dispositif incitatif d’aide à la création dans ces territoires. Le nouveau dispositif ne fonctionnera donc plus pour les transferts d’entreprises déjà existantes.

En complément, pour désenclaver ces territoires par l’emploi, il est également nécessaire de favoriser l’emploi des habitants hors de ces quartiers. L’article 13 propose ainsi qu’un rapport du gouvernement explore les pistes de nouveaux dispositifs permettant de faciliter l’embauche des habitants, et notamment des jeunes, dans le bassin d’emploi de leur quartier. Ces dispositifs devront être portés par la puissance publique dans le cadre d’un accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi. Cet accompagnement public est une mesure indispensable pour soutenir des demandeurs d’emploi qui peuvent ne pas avoir les formations complémentaires nécessaires, qui ne sont pas motorisés ou n’ont pas le permis, qui n’ont pas de logement ou de moyens de faire garder leurs enfants... « Fiabiliser » ces derniers, c’est aussi sécuriser les employeurs.

Notons sur ce sujet que d’autres propositions sont faites et seront détaillées ultérieurement, qui concernent notamment des « emplois d’avenir », emplois non marchands pour moitié réservés aux habitants des territoires prioritaires, et prioritairement aux collectivités territoriales, aux associations et aux jeunes.

Il importe conjointement de lutter contre les cas de discrimination par l’adresse que subissent trop souvent les habitants de ces quartiers. L’article 14 élargit ainsi au lieu de résidence les cas de discrimination visés à l’article L. 1132-1 du code du travail, et ouvre la possibilité d’engager des poursuites pénales contre l’auteur de cette nouvelle infraction.

Enfin, les articles 15 et 16 développent les clauses d’insertion généralisées, en conditionnant, selon les montants, tout marché public et toute subvention publique à un projet privé, à l’intégration par l’État, la collectivité ou l’entreprise qui en est bénéficiaire d’une clause d’insertion sociale. Ces clauses d’insertion sociale seront prévues dans les cahiers des charges des marchés publics, en tant que conditions de sélection, voire d’exécution d’un marché. Elles prévoiront un engagement minimum de recrutement, comme l’ANRU le fait actuellement (5 %).

Enfin, la présente proposition de loi s’intéresse à l’enjeu du renouvellement urbain et social de ces quartiers.

Poursuivre les actions engagées dans ce domaine, c’est non seulement inscrire dans la continuité une politique de la ville trop souvent malmenée à cet égard, mais aussi amplifier des actions qui sont considérées par tous aujourd’hui comme des réussites. Le Programme national de rénovation urbaine (PNRU) participe en effet utilement d’un renouvellement en profondeur de ces quartiers. Sur ce point, il faut avant tout rappeler l’État à ses obligations en la matière, c’est-à-dire le conduire à pleinement se réinvestir dans ce programme, lui qui s’est aujourd’hui totalement désengagé, aux dépens de nos partenaires traditionnels (Action Logement et organismes HLM). C’est l’objet de l’article 17 qui réaffirme le principe auquel est tenu l’État en termes d’engagement financier dans la rénovation urbaine.

C’est une nécessité non seulement pour la réussite du PNRU, mais également pour le lancement d’un PNRU 2. Par la remise d’un rapport du gouvernement au Parlement, l’article 18 entérine en effet le lancement d’un PNRU 2 pour les quartiers qui n’ont pas pu bénéficier du premier programme et pour certains quartiers mitoyens de ceux actuellement en cours de transformation. Ce nouveau programme s’inscrit dans la continuité du premier, mais axera également plus fortement l’action publique sur les copropriétés, notamment celles dégradées, et l’habitat indigne et insalubre (absents du premier programme). Il portera aussi une attention toute particulière au désenclavement physique des quartiers par les transports en commun, condition essentielle pour l’accès à l’emploi de populations très souvent faiblement motorisées.

Par ailleurs, le renouvellement urbain et l’objectif de mixité sociale réclament également des mesures coercitives dans le domaine du logement, que prennent les articles 19 et 20.

C’est d’une part contraindre les communes qui ne respectent pas l’article 55 de la loi SRU, préfèrent constituer des ghettos de riches et refusent ainsi toute participation à l’effort national de construction de logements sociaux. Ainsi, l’article 19 substitue les préfets aux communes quand est constatée une carence à l’article SRU. Il leur donne la possibilité de conclure une convention avec un organisme en vue de remplir les objectifs de construction de logements sociaux.

C’est d’autre part, avec l’article 20, interdire le DALO dans les ZUS (sauf en cas d’accord du maire), qui a aujourd’hui l’effet pervers de concentrer encore un peu plus les populations les plus précaires dans ces quartiers.

Bien entendu, cette proposition de loi est loin d’être exhaustive. Beaucoup d’autres domaines doivent être explorés, beaucoup d’autres mesures urgentes doivent être prises pour les banlieues: dans l’éducation (comme s’y attelle la proposition de loi du groupe SRC sur le décrochage scolaire), le logement (la proposition de loi du groupe SRC en faveur du logement), la santé, la sécurité et la prévention de la délinquance, la formation, la culture…

Mais ces premières mesures, aussi symboliques qu’essentielles, doivent être le prélude à une prise de conscience partagée des enjeux de cohésion sociale et nationale qu’implique la reconnaissance de ces territoires marginalisés. En prenant leurs responsabilités avec cette proposition de loi, les députés socialistes, radicaux et citoyens veulent porter haut cette exigence.

PROPOSITION DE LOI

Chapitre Ier

Nouvelle gouvernance et zonage rénové

Article 1er

L’État garantit la proximité et l’égal accès des citoyens aux services publics, fondement de la cohésion sociale et territoriale de la République sur l’ensemble du territoire.

Il est responsable de la bonne exécution des missions de service public exercées par les entreprises qui lui sont liées par un contrat de service public conformément aux impératifs de continuité, d’égalité d’accès, de péréquation tarifaire et d’adaptabilité. À ce titre, il veille à la qualité, au maintien et au développement des réseaux de service public et sanctionne les manquements et défaillances desdites entreprises.

Article 2

L’article 1er de la loi n°96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville est ainsi rédigé :

« Art. 1er. – La politique des villes et des quartiers en difficulté est une priorité nationale. Elle est conduite par l’État, sous l’autorité directe du Premier ministre, et les collectivités territoriales dans le respect de la libre administration de celles-ci, selon les principes de la décentralisation, dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire et dans un cadre contractualisé entre le représentant de l’État dans le département et le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale. Elle associe l’ensemble des acteurs concernés : État, collectivités territoriales et leurs groupements, acteurs institutionnels, associatifs, économiques, habitants.

« Outre les objectifs de diversité de l’habitat et de mixité sociale définis par la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville, elle a pour but de lutter contre les phénomènes d’exclusion dans l’espace urbain et de favoriser l’insertion professionnelle, sociale et culturelle des populations habitant dans des grands ensembles ou des quartiers d’habitat dégradé.

« À cette fin, l’ensemble des politiques publiques y contribue par la mobilisation de leurs crédits d’interventions de droit commun. En complément, les crédits spécifiques au titre de la politique des villes et des quartiers en difficulté sont mis en œuvre en vue de compenser les handicaps économiques ou sociaux des territoires prioritaires tels que définis à l’article 4 de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté. »

Article 3

Après l’article 1er de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, est inséré un article 1er bis ainsi rédigé :

« Art. 1er bis. – Le Premier ministre réunit tous les six mois le comité interministériel des villes afin d’évaluer les résultats obtenus dans chacun des domaines ministériels concernés. »

Article 4

Après l’article 1er bis de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, est inséré un article 1er ter ainsi rédigé :

« Art. 1er ter. – À compter du 1er septembre 2012, le Gouvernement engage une réforme globale de la géographie prioritaire, avec l’ensemble des acteurs concernés, associations d’élus, associations de professionnels de la politique des villes et des quartiers en difficulté et réseaux d’acteurs locaux. Cette réflexion porte sur l’actualisation des zonages prioritaires, sur la définition d’une meilleure articulation entre zonages et dispositifs de la politique des villes et des quartiers en difficulté, entre géographie prioritaire et géographie contractuelle.

« Un rapport relatif à cette réforme est remis au Parlement au 1er octobre 2013. Il précise la notion de territoires prioritaires, distingue les villes qui sont des quartiers défavorisés, des villes qui ont quelques quartiers défavorisés, et définit les modalités d’une meilleure articulation entre périmètre d’intervention et projet de territoire. »

Article 5

Après l’article 1er ter de la loi n°96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, est inséré un article 1er quater ainsi rédigé :

« Art. 1er quater. – À partir de 2014, le contrat urbain de cohésion sociale devient le contrat de promotion sociale et territoriale. Il est l’outil opérationnel local, qui coordonne l’ensemble des dispositifs mis en place dans le cadre de la politique des villes et des quartiers en difficulté, et du renouvellement urbain au sein d’un territoire identifié.

« Ce contrat unique et transversal intègre des projets de développement social et de rénovation urbaine. Ses champs prioritaires sont le renouvellement urbain, l’emploi et l’activité économique, l’habitat et le cadre de vie, la réussite éducative, la prévention de la délinquance et la citoyenneté, la santé. Il en détermine les priorités d’actions et les objectifs précis de réduction des inégalités sociales et territoriales, en cohérence avec le territoire prioritaire défini.

« Ce contrat est défini en association avec l’ensemble des acteurs locaux concernés, notamment : les collectivités locales et leurs groupements, le représentant de l’État dans le département, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale créée à l’article 6 de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, les organismes sociaux, les acteurs associatifs, les acteurs économiques et les habitants du territoire prioritaire. Des conventions régissent les modalités de participation de chacun de ces acteurs aux différents dispositifs du contrat de promotion sociale et territoriale.

« Dans le cadre de ce contrat, le maire peut conclure, avec le représentant de l’État dans le département, une convention de délégation de compétences spécifiques dans les domaines de l’emploi, de l’éducation ou de la sécurité.

« Le contrat définit également les moyens financiers mis en œuvre. Il détaille les crédits de droit commun et les crédits spécifiques de la politique des villes et des quartiers en difficulté mobilisés.

« Le contrat est conclu entre le représentant de l’État dans le département, le maire, le cas échéant le président de l’établissement public de coopération intercommunale, et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale créée à l’article 6 de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, pour une durée maximale de 6 ans, son échéance coïncidant obligatoirement avec la fin d’un mandat municipal.

« Tout contrat fait l’objet, à mi-mandat et à son terme, d’une évaluation de ses objectifs initiaux et des engagements financiers des différents partenaires. »

Article 6

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. – Au IV de l’article L. 1111-10 dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2012, après les mots : « contrats de projet État-région », sont insérés les mots : « , les contrats urbains de cohésion sociale, les contrats de promotion sociale et territoriale créés à l’article 5 de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, ».

II. – À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 1611-8, après les mots : « dans les domaines », sont insérés les mots : « de la politique des villes et des quartiers en difficulté, ».

Article 7

Il est créé une Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale issue de la fusion de l’Agence nationale de rénovation urbaine et de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et de l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

À compter de la date d’installation du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale, lui sont transférés les compétences, personnels, biens, moyens, droits et obligations des deux agences et de l’établissement public fusionnés.

Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’installation, d’organisation et de fonctionnement de la nouvelle Agence.

Chapitre II

Pour une véritable solidarité financière
et la réduction des inégalités territoriales

Article 8

La loi de finances fixe un objectif chiffré de réduction des inégalités territoriales, réévalué chaque année, et indique les moyens mis en œuvre pour l’atteindre. Cet objectif se présente sous la forme d’un plancher de ressources défini par type de collectivités, plancher en deçà duquel une collectivité perçoit des dotations et des subventions pour combler son déficit de ressources ainsi défini.

Article 9

Le II de l’article 125 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est ainsi rédigé:

« II. – L’objectif de ressources du fonds de péréquation en 2015 est fixé à 2,5 % des recettes fiscales des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. En 2012, 2013 et 2014, les recettes du fonds représentent respectivement 1 %, 1,5 %, et 2 % des recettes fiscales des communes et des établissements publics de coopération intercommunale. »

Article 10

Après le premier alinéa de l’article L. 2531-12 du code général des collectivités territoriales, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de 2012 et d’ici 2015, le montant du fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France augmente afin d’atteindre 270 millions d’euros. Dans cet objectif, la redéfinition des modalités de prélèvement et de répartition du fonds doit prioritairement tenir compte des communes les plus en difficulté, au regard de la faiblesse de leurs ressources budgétaires et des charges sociales importantes qu’elles ont à supporter. »

Article 11

Toute modification de la répartition interne de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, ainsi que toute réforme des dotations de l’État, des valeurs locatives et de la fiscalité locale, ont pour objectif prioritaire de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour les dotations de péréquation des communes.

Chapitre III

Emplois des habitants de ces quartiers

Article 12

I. – Au premier alinéa du II bis, du II ter, du V ter et aux premier et dernier alinéas du IV quater et du V quinquies de l’article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, la date : « 31 décembre 2011 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2013 ».

II. – Au 1er janvier 2014, la création et le maintien d’activités économiques, commerciales, artisanales et libérales dans les territoires prioritaires issus de la réforme globale de la géographie prioritaire prévue par l’article 4 de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, à l’exclusion de tout transfert d’entreprises déjà existantes à l’extérieur de ces périmètres, font l’objet d’exonérations de cotisations sociales et patronales.

Article 13

Six mois après l’adoption de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le désenclavement par l’emploi des territoires prioritaires. Il examine :

– les différents dispositifs à mettre en œuvre pour favoriser l’emploi des habitants de ces territoires par les entreprises situées dans leur bassin d’emploi ;

– les moyens nécessaires à la sécurisation économique et sociale des employeurs et des employés et à l’éventuel accompagnement contractualisé de ces derniers. »

Article 14

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1132-1, après les mots : « de son nom de famille », sont insérés les mots : « de son lieu de résidence » ;

2° Après l’article L. 1133-4 du code du travail, il est inséré un article L. 1133-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1133-5. – Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

II. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 225-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « de leur lieu de résidence, » ;

b) Au dernier alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « du lieu de résidence, » ;

2°° L’article 225-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

Article 15

L’insertion sociale et professionnelle est prise en compte par les pouvoirs adjudicateurs de la commande publique dans le respect des principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures.

Article 16

Toute subvention publique à une entreprise supérieure à un montant défini par décret est conditionnée à des actions d’insertion sociale par celle-ci.

Chapitre IV

Pour la poursuite du renouvellement urbain et social
des villes et des quartiers

Article 17

Au début de l’article 12 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les recettes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale sont avant tout constituées par les subventions de l’État. Elles sont complétées par les subventions, contributions et autres produits ci-après définis. »

Article 18

Après le chapitre II de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« Chapitre II bis

« Programme national de rénovation urbaine 2

« Six mois après l’adoption de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté, le Gouvernement remet au Parlement un rapport précisant les modalités de lancement d’un programme national de rénovation urbaine 2. Ce programme vise à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers mitoyens de ceux rénovés ou en cours de rénovation dans le cadre du programme national de rénovation défini au chapitre II de la présente loi, ainsi que ceux qui n’ont pas pu bénéficier du programme précité, lorsqu’ils sont effectivement situés en territoires prioritaires, tel que définis à l’article 4 de la loi n°       du         visant à prendre des mesures d’urgence en faveur des villes et des quartiers en difficulté.

« Ce programme national de rénovation urbaine 2 comprend, pour la période 2014-2023, des opérations d’aménagement urbain, la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de logements sociaux et de copropriétés, la lutte contre l’habitat indigne et insalubre, la création, la réhabilitation et la démolition d’équipements publics ou collectifs, la réorganisation d’espaces d’activité économique et commerciale, ou tout autre investissement concourant à la rénovation urbaine. Il comprend également le désenclavement par les transports collectifs, comme condition essentielle de l’ouverture et de l’intégration de ces quartiers à l’ensemble urbain auquel ils appartiennent.

« Le rapport détaille les moyens financiers consacrés à sa mise en œuvre entre 2014 et 2023, et les conventions à conclure entre l’État, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et la cohésion sociale, la Caisse des dépôts et consignations et les autres partenaires définis à l’article 12 de la présente loi.

« Pour assurer la réalisation des investissements qui seront engagés dans le cadre du programme national de rénovation urbaine 2, le coût des opérations à la charge des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes peut, après déduction des aides publiques directes ou indirectes, être, le cas échéant, inférieur à 20 % du montant total prévisionnel de la dépense subventionnée. »

Article 19

Au quatrième alinéa de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « peut conclure » sont remplacés par le mot : « conclut ».

Article 20

Le septième alinéa du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sauf accord du maire, le logement attribué au demandeur ne peut se situer sur le territoire d’une commune dans laquelle le nombre de logements sociaux, au sens de l’article L. 302-5, représente plus de 50 % du nombre de résidences principales ».

Article 21

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les pertes de recettes qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

1 () Rapport d’information n°2853, Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués: la République impuissante, François Goulard et François Pupponi, octobre 2010, p.21

2 () Rapport d’information n° 2853, Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués: la République impuissante, id., p.19.

3 () Id., p. 23.

4 () Id., p. 23.

5 () Id., p. 24.

6 () Id., p. 26.

7 () Compte tenu de l’absence de données fiables à l’issue de la réforme de la taxe professionnelle, nous nous basons sur les données avant réforme.


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