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N° 3357

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 avril 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire la recherche et l’exploitation immédiates d’hydrocarbures non conventionnels, et l’encadrement strict de celles-ci,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Louis BORLOO,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Notre sol et notre sous-sol sont une composante absolument essentielle de notre environnement. Au même titre que l’air ou l’eau, leur intégrité est déterminante des conditions de vie de l’Homme et de tout autre être vivant.

Paradoxalement, le sol et le sous-sol ne font pas l’objet d’un dispositif juridique aussi élaboré que pour les autres éléments de notre environnement comme l’eau ou l’air. S’il existe une législation spécifique à l’eau, l’air, le littoral ou la montagne, c’est en réalité un ensemble disparate et éclaté de règles, dispersées dans des polices spéciales distinctes – déchets, installations classées... – qui caractérisent l’approche du sol et du sous-sol par notre droit général et notre droit de l’environnement en particulier.

Or, notre sol et notre sous sol font aujourd’hui l’objet d’une attention croissante, et ce, dans un contexte de bouleversement profond des conditions mondiales de production d’énergie.

Pourtant, qu’il s’agisse, par exemple, de stocker le dioxyde de carbone, de développer les techniques de géothermie ou de rechercher des hydrocarbures, l’État ne dispose pas encore des instruments juridiques lui permettant d’imposer une évaluation rigoureuse, approfondie et exemplaire des incidences possibles des activités d’exploitation du sol et du sous-sol pour prévenir tout risque pour la santé et l’environnement. Surtout, l’étude de la jurisprudence administrative démontre que le Ministre en charge de l’énergie ne peut refuser la délivrance d’un permis exclusif de recherches que pour des motifs très limités, pour ne pas dire inexistants.

Dans le même temps, nos concitoyens ont récemment exprimé de manière à la fois forte, responsable et légitime, des interrogations précises et des préoccupations profondes, relatives notamment à l’exploitation des gaz et huiles de schiste, auxquelles il convient de répondre. Nos concitoyens exigent – à raison – d’être dûment informés et de pouvoir participer concrètement à l’élaboration des décisions prises qui engagent leur avenir mais aussi celui des générations futures. L’enjeu n’est pas simplement industriel, il est également écologique et celui de l’acceptabilité sociale des décisions qui seront prises.

Pour sa part, notre industrie a également besoin de disposer d’un cadre juridique clair pour planifier ses activités et ses investissements. Elle en a d’autant plus besoin qu’il lui est demandé de contribuer à la sobriété énergétique mais aussi de sécuriser et de diversifier notre approvisionnement énergétique, en évitant autant que faire se peut une augmentation des prix de l’énergie qui frappera d’abord les citoyens les plus fragiles.

Il est un fait que le droit applicable ne répond pas correctement à cette triple exigence juridique, environnementale et démocratique qui conditionne pourtant le futur du sol et du sous-sol et, in fine, celui de notre planète. Ainsi, le droit minier procède d’une conception essentiellement productiviste qui était justifiée hier mais ne l’est plus aujourd’hui. Ici comme ailleurs et dans le respect des engagements du Grenelle de l’environnement, la loi doit conjuguer écologie et économie.

L’évolution du droit minier est un impératif. C’est ce à quoi la présente proposition de loi propose de contribuer.

L’évolution du droit minier est un impératif. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Il importe de souligner que le Gouvernement a ici entendu assumer sa responsabilité en adoptant l’ordonnance n° 2011-91 du 21 janvier 2011 portant codification de la partie législative du Code minier. L’Assemble nationale et le Sénat seront prochainement saisis d’un projet de loi de ratification de cette ordonnance.

C’est dans ce contexte qu’il appartient au Parlement d’assumer sa responsabilité propre. Il le fera en examinant et en votant les dispositions de nature à compléter la réforme du droit minier proposée par le Gouvernement, de manière à ce que les permis exclusifs de recherche soient systématiquement soumis à étude d’impact et à enquête publique.

C’est la raison pour laquelle, l’article 1er de la présente proposition de loi propose de fonder cette réforme d’une part sur une interdiction claire – celle de la recherche et de l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels –, d’autre part sur les dispositions des principes de prévention et de précaution, lesquels ont été inscrits aux articles 3 et 5 de la loi constitutionnelle n° 2005-105 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.

Il va de soi que cette réforme est également fondée et compatible avec le droit de l’Union européenne, tant en matière d’évaluation environnementale, de participation du public que de retour à la qualité des eaux, notamment.

Cette interdiction de toute recherche et exploitation d’hydrocarbures non conventionnels est motivée par l’accumulation, ces derniers mois, des connaissances techniques disponibles sur les risques inacceptables qui en procèdent. Une mobilisation citoyenne exemplaire a fortement contribué à ce nouvel état des connaissances dont l’État doit tenir compte.

En premier lieu, l’exploitation des gisements des huiles et gaz de schiste ne saurait contribuer à notre indépendance énergétique mais, bien au contraire, à prolonger dans le temps la trop grande dépendance de notre économie aux énergies fossiles. Il est un fait que le recours aux gaz de schiste menace le scénario de transition énergétique que la France a confirmé avec la loi « Grenelle 1 » du 3 août 2009 et a porté au niveau européen lors de l’adoption, sous présidence française de l’Union européenne, du Paquet européen énergie climat. La maîtrise et la réduction de la consommation d’énergie, la lutte contre le changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre, la diversification de notre offre énergétique, le développement des énergies renouvelables restent nos priorités.

En second lieu, le risque sanitaire et environnemental est avéré et oblige à agir sans délai. Les conditions de forage et de fracturation hydraulique des roches sont fortement consommatrices d’eau, de produits chimiques, et émettrices d’une pollution non seulement atmosphérique (gaz à effet de serre, particules fines..) mais aussi radioactive.

Le précédent constitué des forages réalisés sur le territoire américain démontre de manière évidente que la recherche et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels ne peuvent être réalisées sans mettre en danger les populations et les écosystèmes. Ce constat nous oblige. Toutefois, la loi n’étant pas rétroactive, elle ne peut régler la situation née de la délivrance de permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels.

Telle est la raison pour laquelle la proposition de loi propose, à son article 2, d’abroger tous les permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures non conventionnels liquides et gazeux. Cette abrogation est motivée par l’intérêt qui s’attache à la protection de la santé et de l’environnement. On ajoutera qu’elle stabilise la situation des bénéficiaires des permis concernés en leur permettant de ne pas engager plus avant les investissements relatifs à ces travaux.

Pour l’avenir, l’article 3 de la proposition de loi dispose que la délivrance de permis exclusifs de recherches et de concessions de mines est subordonnée à la composition d’une étude d’impact et à la tenue d’une enquête publique, dans les conditions prévues par le code de l’environnement.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels, par des forages verticaux comme par des forages horizontaux suivis de fracturation hydraulique de la roche, sont interdites sur le territoire national.

Article 2

Les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés.

Article 3

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

I. – Après l’article L. 120-2, il est inséré un article L. 120-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 120-3. – I. – Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

« II. – Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. »

II. – Après l’article L. 122-3-5, il est inséré un article L. 122-3-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-3-6. – I. – Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

« II. – Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. »

III. – Après l’article L. 123-1, il est inséré un article L. 123-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-1-2. – Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier ne peut être accordé que s’il est précédé d’une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre. »


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