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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 3690

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, à abroger les permis exclusifs de recherche de mines d’hydrocarbures non conventionnels et a assurer plus de transparence dans le code minier,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marc AYRAULT, Yves COCHET, Jean-Paul CHANTEGUET, Philippe MARTIN, François BROTTES, François de RUGY, Geneviève GAILLARD, Noël MAMÈRE, Marie-Lou MARCEL, Frédérique MASSAT, Dominique ORLIAC, Germinal PEIRO, Philippe PLISSON, Anny POURSINOFF, Jean-Jack QUEYRANNE, Christiane TAUBIRA, Pascal TERRASSE, Philippe TOURTELIER, Jean-Louis BIANCO, Martine BILLARD, Christophe BOUILLON, Christophe CARESCHE, Claude DARCIAUX, Jacques DESALLANGRE, William DUMAS, Aurélie FILIPPETTI, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Bernard LESTERLIN Arnaud MONTEBOURG, Henri NAYROU, Catherine QUÉRÉ, André VÉZINHET, et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2),

députés.

____________________________

(1) Ce groupe est composé de Mesdames et Messieurs : Patricia Adam, Sylvie Andrieux, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Delphine Batho, Marie-Noëlle Battistel, Jean-Louis Bianco, Gisèle Biémouret, Serge Blisko, Patrick Bloche, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Jean-Michel Boucheron, Marie-Odile Bouillé, Christophe Bouillon, Monique Boulestin, Pierre Bourguignon, Danielle Bousquet, François Brottes, Alain Cacheux, Jérôme Cahuzac, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Martine Carrillon-Couvreur, Laurent Cathala, Bernard Cazeneuve, Guy Chambefort, Jean-Paul Chanteguet, Alain Claeys, Jean-Michel Clément, Marie-Françoise Clergeau, Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Catherine Coutelle, Pascale Crozon, Frédéric Cuvillier, Claude Darciaux, Pascal Deguilhem, Michèle Delaunay, Guy Delcourt, Michel Delebarre, François Deluga, Bernard Derosier, Michel Destot, Julien Dray, Tony Dreyfus, Jean-Pierre Dufau, William Dumas, Jean-Louis Dumont, Laurence Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Odette Duriez, Philippe Duron, Olivier Dussopt, Christian Eckert, Henri Emmanuelli, Corinne Erhel, Laurent Fabius, Albert Facon, Martine Faure, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Fioraso, Pierre Forgues, Valérie Fourneyron, Michel Françaix, Jean-Claude Fruteau, Jean-Louis Gagnaire, Geneviève Gaillard, Guillaume Garot, Jean Gaubert, Catherine Génisson, Jean-Patrick Gille, Jean Glavany, Daniel Goldberg, Gaëtan Gorce, Pascale Got, Marc Goua, Jean Grellier, Élisabeth Guigou, David Habib, Danièle Hoffman-Rispal, François Hollande, Sandrine Hurel, Monique Iborra, Jean-Louis Idiart, Françoise Imbert, Michel Issindou, Éric Jalton, Serge Janquin, Henri Jibrayel, Régis Juanico, Armand Jung, Marietta Karamanli, Jean-Pierre Kucheida, Conchita Lacuey, Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Colette Langlade, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Marylise Lebranchu, Patrick Lebreton, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Michel Lefait, Jean-Marie Le Guen, Annick Le Loch, Patrick Lemasle, Catherine Lemorton, Annick Lepetit, Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Bernard Lesterlin, Michel Liebgott, Martine Lignières-Cassou, François Loncle, Victorin Lurel, Jean Mallot, Louis-Joseph Manscour, Jacqueline Maquet, Marie-Lou Marcel, Marie-Claude Marchand, Jean-René Marsac, Philippe Martin, Martine Martinel, Frédérique Massat, Gilbert Mathon, Didier Mathus, Sandrine Mazetier, Michel Ménard, Kléber Mesquida, Jean Michel, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici, Pierre-Alain Muet, Philippe Nauche, Henri Nayrou, Alain Néri, Marie-Renée Oget, Michel Pajon, George Pau-Langevin, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Luc Pérat, Jean-Claude Perez, Marie-Françoise Pérol-Dumont, Martine Pinville, Philippe Plisson, François Pupponi, Catherine Quéré, Jean-Jack Queyranne, Dominique Raimbourg, Marie-Line Reynaud, Alain Rodet, Marcel Rogemont, Bernard Roman, Gwendal Rouillard, René Rouquet, Alain Rousset, Michel Sainte-Marie, Michel Sapin, Odile Saugues, Christophe Sirugue, Pascal Terrasse, Jean-Louis Touraine, Marisol Touraine, Philippe Tourtelier, Jean-Jacques Urvoas, Daniel Vaillant, Jacques Valax, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vauzelle, Michel Vergnier, André Vézinhet, Alain Vidalies, Jean-Michel Villaumé, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque.

(2) Chantal Berthelot, Gérard Charasse, René Dosière, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Christian Hutin, Serge Letchimy, Apeleto Albert Likuvalu, Jeanny Marc, Dominique Orliac, Sylvia Pinel, Simon Renucci, Chantal Robin-Rodrigo, Christiane Taubira.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nous devons faire face aujourd’hui à un prix du baril de brut à la hausse. L’or noir, ressource naturelle non renouvelable qui a permis aux pays occidentaux de s’industrialiser et de s’enrichir au siècle dernier, est une denrée rare dont le prix ne cessera, à l’évidence, d’augmenter dans les années à venir.

Pour parer à la rareté de cette ressource omniprésente dans nos vies, et à la hausse inéluctable de son prix, la France a décidé, non pas d’investir massivement dans les énergies renouvelables, afin de réussir rapidement la transition écologique plébiscitée par tant de ses citoyens, mais de s’orienter vers l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, et notamment les forages en eaux profondes et l’exploitation des gaz et huile de schiste. Concernant ces derniers et comme leur nom l’indique, il s’agit de gaz ou d’huile emprisonnés dans du schiste, roche sédimentaire déposée à l’origine sous forme d’argile et de limon. Autrefois jugées trop coûteuses et malaisées, l’exploration et l’exploitation des mines de ces hydrocarbures non conventionnels sont aujourd’hui examinées avec attention par le Gouvernement français.

La fronde citoyenne qui s’est mise en place à travers la France contre les forages en eaux profondes, notamment après l’accident de la plateforme DeepWater Horizon dans le Golfe du Mexique et, ces derniers mois, contre la prospection des gaz et huiles de schiste sur le territoire national, nous a obligés à réagir fin mars dernier en déposant une proposition de loi interdisant les gaz et huiles de schiste ainsi que les forages en eaux profondes, et abrogeant les permis de recherches.

La loi votée par le Parlement le 21 juin pour l’Assemblée Nationale et le 30 juin pour le Sénat, ne l’a pas été par les parlementaires de gauche et écologistes qui n’ont eu de cesse de s’opposer à un texte qui ne répond pas aux interrogations de ceux qui considèrent que toute exploitation de ces nouvelles énergies fossiles est impactante sur le plan environnemental quelle que soit la technique utilisée, compromettrait gravement la transition énergétique et le respect de ses engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Ce texte ne satisfait ni les parlementaires, auteurs de cette proposition de loi, ni les citoyens, toujours mobilisés contre l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.

En effet, le texte adopté n’interdit nullement l’exploration et l’exploitation d’autres hydrocarbures non conventionnels. Il interdit simplement la fracturation hydraulique, la technique communément utilisée aujourd’hui pour récupérer, notamment, les hydrocarbures de schiste (à hauteur de 40 % des réserves de gaz de schiste emprisonnées dans la roche et à hauteur d’1 % seulement des réserves d’huile ! La loi omet cependant de définir cette technique ; ce qui est source d’insécurité juridique. En outre, la loi n’interdit absolument pas le recours à d’autres techniques d’exploration de mines d’hydrocarbures de schiste. Or, d’autres techniques existent et sont aussi impactantes pour l’environnement que la technique interdite par le texte. Il s’agit par exemple de la technique de «fracturation pneumatique» qui consiste à injecter non pas de l’eau mais de l’air comprimé dans la roche mère afin de la désintégrer, ou à utiliser la fracturation en injectant du propane gélifié (deux techniques actuellement expérimentées aux États-Unis).

Ensuite, le texte n’abroge pas les permis litigieux. Le Gouvernement s’était pourtant prononcé, à plusieurs reprises, en faveur de l’abrogation des permis litigieux. Force est de constater que plus de trois mois après les déclarations rassurantes du Premier Ministre ou de la Ministre de l’écologie, aucun permis n’a pourtant été annulé.

Enfin, le Gouvernement explique son refus d’annuler les permis en mettant en avant l’argument de l’indemnisation. Or, l’indemnisation des industriels n’est pas automatique suite à l’annulation d’un acte administratif qui leur était favorable. S’il y a indemnité, celle-ci doit être obligatoirement fixée selon des critères objectifs (état d’avancement des travaux et sommes réellement déboursées) et selon une procédure exceptionnelle ou ponctuelle. En l’espèce, aucun projet de travaux n’a débuté. L’indemnisation à verser aux entreprises si le Gouvernement abroge les permis aujourd’hui ne serait aucunement élevée.

Le Gouvernement justifie également son inaction au regard d’un quelconque silence des permis. Or, les dossiers d’instruction des demandes de permis que possède l’Administration et qui ont été transmis par la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) aux collectifs anti-gaz de schiste, démontrent clairement les techniques utilisées par les industriels pour récupérer les hydrocarbures. Ils indiquent assez clairement que la fracturation hydraulique est au programme des travaux. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise sachant qu’aujourd’hui, seule cette technique permet d’explorer et d’exploiter les mines d’hydrocarbures de schiste ! Les permis litigieux sont parfaitement identifiables et donc, aisément annulables.

Les députés signataires de cette proposition de loi ont souhaité d’une part, réaffirmer leur opposition à l’exploration et à l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et d’autre part, réclamer l’abrogation des permis litigieux.

Le premier article de cette proposition de loi vise, d’une part, à interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et d’autre part, à définir le concept d’hydrocarbures non conventionnels. Le code minier ne reconnait pas ce type d’hydrocarbures, à bien des égards très différents des hydrocarbures dits « conventionnels » ciblés par le code.

Ces hydrocarbures non conventionnels sont pourtant assez facilement définissables du fait de la localisation ou du type même de leur gisement. Ils sont en effet soit situés dans de très mauvais réservoirs ou dans des réservoirs difficilement accessibles (comme le sont les gisements en eaux profondes situés à plus de 400 mètres sous le niveau de la mer1), soit piégés dans la roche ; ce qui rend leur exploration et leur exploitation particulièrement difficiles et beaucoup plus chères que celles des hydrocarbures conventionnels.

Leur exploration et leur exploitation sont contestables à plusieurs égards.

Premièrement, le coût d’exploitation de forages en eaux profondes ainsi que des mines de gaz et huile de schiste est très élevé ; ce qui compromet nettement l’investissement.

L’extraction des hydrocarbures non conventionnels est extrêmement consommatrice d’énergie, elle exige le développement de technologies assez lourdes (forage en eaux profondes pour l’exploitation en mer en ayant recours à des plateformes à lignes tendues ou semi-submersibles généralement équipées d’un derrick et d’un trépan, et utilisées pour effectuer le forage du plancher marin ; forage de puits horizontaux et fracturation hydraulique pour le gaz et l’huile de schiste) que les entreprises françaises, en ce qui concerne l’exploitation de gaz et huile de schiste, ne maîtrisent pas.

Les forages en eaux profondes coûtent plusieurs fois (3 à 4 fois) le prix du plus cher des forages à terre. De manière générale, l’exploitation offshore est plus onéreuse, notamment parce que la profondeur marine complexifie l’exploration mais aussi l’exploitation du puits forés. Ainsi Tullow, Shell et Total ont mis plusieurs millions d’euros d’investissements sur la table pour le forage d’exploration offshore au large de Cayenne. Le prix de la location de la plateforme 8503 Ensco affrétée par Tullow depuis le mois de mars dernier coûte ainsi plus de 300 000 euros par jour.

L’exploration des huiles et gaz de schiste est également très coûteuse vu les techniques utilisées : citons ici les 39 933 700 € de la société Schuepbach Energy pour explorer le sous-sol ardéchois.

Deuxièmement, leur exploration et leur exploitation auront plusieurs effets largement incompatibles avec les objectifs de protection de l’environnement et partant, avec les engagements du Grenelle de l’environnement et du Grenelle de la mer.

Si le texte de loi voté en juin 2011 interdit le recours à la fracturation hydraulique dans le cadre de l’exploration de gaz et huiles de schiste, il ne définit nullement ce qu’elle recoupe et laisse donc aux industriels la possibilité de recourir à une technique plus ou moins semblable à la fracturation hydraulique sans pour autant l’utiliser à proprement parler. Les techniques pouvant être utilisées dans le cadre d’une exploration et/ou d’une exploitation de mines d’hydrocarbures de schiste (« arc électrique » ou technique de fracturation avec du propane ou de l’air comprimé) sont à l’évidence aussi impactantes pour l’environnement (problème de gestion des déchets, de pollution des nappes phréatiques, de l’air, de destruction de paysages, de perte de biodiversité, etc.).

Quant aux forages en eaux profondes, ils impactent la biodiversité marine, et tout particulièrement pour ce qui est du forage en cours au large de Cayenne, les tortues marines.

Troisièmement, le bilan carbone de l’exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels est en effet très inquiétant. Une première évaluation de la filière d’extraction des gaz non conventionnels réalisée par une équipe scientifique de l’Université de Cornell aux États-Unis a mis en évidence que celle-ci pourrait être aussi néfaste pour le climat que l’extraction et la combustion du charbon. Cette étude s’est consacrée aux émissions de gaz à effet de serre cumulatives incluant ainsi : la combustion du méthane extrait des schistes souterrains, toutes les étapes d’extraction ainsi que les fuites et les émissions fugitives de gaz imputables à l’exploration et aux nombreux forages exigés par cette technique.

Les résultats mettent en évidence que la totalité des émissions associées à l’extraction du méthane des gaz de schiste atteindrait 33g/eq-CO2 par million de joules d’énergie, comparativement aux 20,3g/eq-CO2 par million de joules d’énergie pour des carburants classiques (diesel ou essence).

Quatrièmement, l’exploration et l’exploitation du gaz et de l’huile de schiste, de par la pollution qu’elles engendrent au niveau de l’eau mais également des écosystèmes et de la biodiversité, font évidemment courir de gros risques aux secteurs économiques de l’agriculture mais également du tourisme. L’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures impactent en effet très fortement les paysages : sachant que les puits s’épuisent rapidement, il faut régulièrement en forer de nouveaux de sorte qu’il est aisé, dans les zones d’exploration et d’exploitation, de trouver des forages tous les 500 mètres. Ceci semble, en outre, peu compatible avec la densité de population que l’on connaît en Europe.

Les forages en eaux profondes sont, quant à eux, particulièrement dangereux et risqués (la Commission européenne devrait d’ailleurs présenter le mois prochain une règlementation beaucoup plus sévère en termes de sécurité sur les plateformes pétrolières en mer). Les risques de déclencher des catastrophes pétrolières (dus à la profondeur, aux conditions de température et de pression, aux conditions météorologiques extrêmes en mer) sont énormes et obligent les pouvoirs publics à interdire l’exploration et l’exploitation de gisements en eaux profondes. L’explosion, il y a un peu plus d’un an, de la plateforme DeepWater Horizon de BP qui a entrainé le déversement dans le Golfe du Mexique de près de 780 millions de litres de pétrole et de plus de 6.5 millions de litres de dispersants chimiques a eu – et continue – d’impacter la faune et la flore marines, mais également des secteurs économiques comme la pêche et le tourisme.

Chacun des arguments énoncés ci-dessus rend inacceptable environnementalement et socialement parlant le recours aux forages en eaux profondes ou à la prospection de gaz et huiles de schiste (hydrocarbures non conventionnels présents sur le territoire national), quelles que soient les techniques utilisées.

En conséquence et en vertu de la Charte de l’environnement et du principe d’action préventive et de correction prévu par le code de l’environnement, cette proposition de loi demande, en son article 1er, l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation des mines d’hydrocarbures non conventionnels.

Un certain nombre de permis exclusifs de recherches portant sur des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux a été signé, en toute discrétion, ces dernières années. Cette situation est polémique à juste titre.

Le deuxième article de cette proposition de loi vise à annuler les arrêtés ministériels délivrés aux industriels ces dernières années et accordant ces permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures gazeux ou liquides non conventionnels.

Cette proposition s’inscrit, par ailleurs, dans le cadre d’une politique énergétique privilégiant la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que le développement des énergies renouvelables.

Selon le Centre d’Analyse Stratégique (CAS), les conséquences d’une exploitation de mines de gaz de schiste sur le mix énergétique européen de 2020 prévu dans le 3e paquet climat-énergie (« 3X20 » déclinée en France dans le Grenelle de l’environnement) peuvent être importantes, tant en terme d’émission de gaz à effet de serre, surtout si l’on considère l’ensemble de la chaîne, qu’en terme de développement des énergies renouvelables qu’il faudra subventionner de manière plus importante si l’on veut atteindre les objectifs fixés (20 % de la production d’énergie finale).

Creuser toujours plus profond, aller toujours plus loin pour puiser la dernière goutte d’hydrocarbures au risque de dénaturer l’environnement, de provoquer des dégâts irréversibles sur la biodiversité et les services éco-systémiques qu’elle nous rend, et au risque d’épuiser et/ou polluer nos ressources en eau ne paraît pas soutenable. Au contraire, il semble urgent de s’orienter vers un mix énergétique plus propre nous permettant de respecter nos engagements internationaux en termes de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Au-delà du débat sur les impacts environnementaux de l’exploration et exploitation des mines d’hydrocarbures non conventionnels, les auteurs de la présente proposition s’interrogent sur le bienfait de la politique énergétique de ce Gouvernement, qui privilégierait le développement du nucléaire et l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, au détriment des énergies renouvelables, de l’éco-innovation et des investissements dans l’efficacité énergétique. Ce choix politique nous enferme dans la dépendance aux énergies fossiles et paraît pour le moins inopportune en ces temps de crise environnementale mondiale.

Cette proposition, parce qu’elle interdit l’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, est un premier pas vers la politique énergétique souhaitée.

Elle remet en cause l’initiative gouvernementale qui, par la signature de permis de recherches d’hydrocarbures non conventionnels, soutient des activités totalement contraires aux principes du développement durable et ne permet pas d’inscrire la France dans la transition écologique que les Français appellent de leurs vœux.

Notons, à ce propos, que l’exploration de gaz et huile de schiste a été interdite en Suède, et fait l’objet d’un moratoire en Afrique du Sud et au Canada en raison des risques susmentionnés. Notons également que le commissaire européen à l’Energie, Günther Oettinger et la Commission européenne, se sont prononcés à plusieurs reprises en faveur d’un moratoire sur les forages en eaux profondes dans l’attente d’un renforcement de la législation (au niveau des règles de sécurité notamment) prévu dans le courant de l’été.

Outre les questions d’ordre économique, sanitaire et environnemental que pose la délivrance des permis de recherches de mines d’hydrocarbures non conventionnels, l’opacité qui a entouré la délivrance de ces permis d’exploration exclusifs est problématique et démontre de graves problèmes de gouvernance.

Les permis d’exploration ont été signés sans enquête publique, sans étude d’impact environnemental et social préalable et sans débat public.

Les forages d’exploration de mines d’hydrocarbures non conventionnels impactent la biodiversité, les paysages et les activités économiques locales.

Une étude d’impact environnemental – telle que définie dans le code de l’environnement – aurait dû être réalisée avant la délivrance des permis de recherches de mines d’hydrocarbures liquides et gazeux, et doit être réalisée avant toute délivrance de permis de recherche exclusif de mines afin de déterminer ses incidences sur l’environnement et la santé humaine. Le ministre en charge des mines doit être dûment informé des risques qu’il fait courir aux citoyens français avant de signer un tel permis, celui-ci ne pouvant logiquement être accordé que si la prospection qui en découle ne s’avère pas néfaste à l’environnement local.

Le code minier, qui permet, en son article L. 122-3, de délivrer un permis exclusif de recherche sans étude d’impact, méconnaît l’article 3 de la Charte de l’environnement au terme duquel « toute personne doit dans les conditions définies par la loi prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou à défaut en limiter les conséquences ». L’obligation d’évaluation préalable du risque environnemental est une exigence constitutionnelle mais également une exigence communautaire (directive 85/337 CEE du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences sur certains projets publics ou privés sur l’environnement modifiée par les directives du 3 mars 1997 et du 26 mai 2003).

Cette proposition de loi demande dès lors, en son article 4, que soit insérée dans la partie du code de l’environnement qui traite des études d’impact (section 1 du chapitre II du titre II du Livre Ier du code) l’obligation d’assortir toute demande de prospection d’une étude d’impact et ce, afin de s’assurer des conséquences environnementales et sanitaires des forages d’exploration. La proposition de loi vise également à assortir à la demande de concession la réalisation d’une étude d’impact préalable.

Les permis d’exploration ont été accordés aux entreprises sans concertation préalable avec les habitants des périmètres géographiques concernés. Or, aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement – qui, rappelons-le, a valeur constitutionnelle- : « Toute personne a droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». La procédure de délivrance des permis d’exploration méconnait, à l’évidence, ce principe. Or, au terme de la Convention d’Aarhus (1998) que la France a ratifiée le 8 juillet 2002, le pays signataire s’engage à (i)améliorer l’information délivrée par les autorités publiques, vis-à-vis des principales données environnementales ; (ii) favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement (par exemple, sous la forme d’enquêtes publiques ; (iii) étendre les conditions d’accès à la justice en matière de législation environnementale et d’accès à l’information. Le code minier français méconnait d’évidence les engagements susmentionnés.

Afin de respecter l’article 7 de la Charte de l’environnement et la Convention d’Aarhus, cette proposition de loi demande, en ses articles 3 et 5, que les permis d’exploration soient d’une part, soumis à débat public et, d’autre part, à enquête publique. Les habitants des localités situées dans un périmètre concerné par les activités de prospection doivent en effet pouvoir s’exprimer sur l’opportunité d’une telle activité en toute connaissance de cause. L’article 3 de cette proposition de loi exige également que les concessions minières soient assorties d’une obligation de débat public.

Cette proposition de loi vise à améliorer la gouvernance du code minier, qui nécessiterait, demain, d’être profondément revu dans le cadre d’une réforme globale.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

I. En application de la Charte de l’environnement, et du principe d’action préventive et de correction prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels sont interdites sur le territoire national.

II. Sont considérés comme non conventionnels les hydrocarbures, liquides ou gazeux, qui seraient piégés dans la roche ou dans un réservoir à perméabilité particulièrement faible ou qui sont enfouis dans un gisement situé en eaux profondes, et dont l’exploration et/ou l’exploitation nécessitent soit d’utiliser des moyens d’extraction pour fracturer, fissurer ou porter atteinte à l’intégrité de la roche, soit de recourir à des plateformes flottantes ou à des navires de forage ancrés au fond de l’eau et/ou maintenues en position grâce à des moteurs commandés par un GPS. 

Article 2

En application de l’article 1er, les permis exclusifs de recherches de mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux non conventionnels sont abrogés avec effet rétroactif.

Article 3

Après l’article L. 120-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 120-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 120-3. – I. Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier.

« II. Le respect de la procédure prévue par le présent chapitre conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. »

Article 4

Après l’article L. 122-3-5 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 122-3-6 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-3-6. – Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches prévu aux articles L122-1 et suivants du code minier.

« II. Le respect de la procédure prévue par la présente section conditionne l’octroi de la concession de mines prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code minier. »

Article 5

I. Le I de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 236 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Le permis exclusif de recherches prévu aux articles L. 122-1 et suivants du code minier. »

II. En conséquence, la dernière phrase de l’article L. 122-3 du code minier est supprimée.

1 IFP


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