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N° 3739 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

sur l’enfance délaissée et l’adoption,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Michèle TABAROT, Yves NICOLIN, Marie-Jo ZIMMERMANN, Chantal BOURRAGUÉ, Jean-Marc ROUBAUD, Jean-Pierre DECOOL, Manuel AESCHLIMANN, Martine AURILLAC, Pierre-Christophe BAGUET, Brigitte BARÈGES, Marc BERNIER, Étienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Françoise BRANGET, Xavier BRETON, Bernard CARAYON, Dino CINIERI, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Olivier DASSAULT, Bernard DEBRÉ, Bernard DEFLESSELLES, Sophie DELONG, Dominique DORD, Cécile DUMOULIN, Paul DURIEU, Jean-Michel FERRAND, Alain FERRY, Jean-Claude FLORY, Marie-Louise FORT, Marc FRANCINA, Bernard GÉRARD, Michel GRALL, Jacques GROSPERRIN, Arlette GROSSKOST, Françoise HOSTALIER, Jacqueline IRLES, Denis JACQUAT, Paul JEANNETEAU, Maryse JOISSAINS-MASINI, Jacques LE GUEN, Guy LEFRAND, Gérard LORGEOUX, Lionnel LUCA, Richard MALLIÉ, Henriette MARTINEZ, Patrice MARTIN-LALANDE, Christian MÉNARD, Damien MESLOT, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Yanick PATERNOTTE, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Jean PRORIOL, Jacques REMILLER, Jean ROATTA, Paul SALEN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Éric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Dominique TIAN, Michel ZUMKELLER, Rémi DELATTE, Muriel MARLAND-MILITELLO et Philippe VITEL,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Six ans après la promulgation de la loi n° 2005-744 portant réforme de l’adoption et au regard de la littérature abondante produite depuis lors sur ce sujet majeur, il apparaît nécessaire de franchir une étape supplémentaire en faveur de cette institution.

En effet, les différents rapports, analyses et travaux réalisés dans la période récente, laissent entrevoir une évolution de la perception de l’adoption en France qui offre des perspectives nouvelles du point de vue de l’enfant privé de famille.

En mars 2008, le rapport sur l’adoption de Monsieur Jean-Marie Colombani a ouvert la voie du changement.

Certaines de ses recommandations ont été mises en œuvre avec succès. Parmi les plus notables figurent la création d’un Ambassadeur pour l’Adoption internationale, l’installation d’une véritable autorité centrale, le développement de la coopération…

Dans la continuité de ce rapport, le plan pour l’adoption annoncé par le Gouvernement en août 2008, s’est traduit par le dépôt d’un projet de loi au Sénat, en avril 2009. Ce texte n’a malheureusement pas pu être inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

Depuis cette date, de nombreux travaux (IGAS, Académie de Médecine…) se sont succédés et se poursuivent pour analyser les pistes d’amélioration.

Le Conseil Supérieur de l’Adoption, instance placée auprès du ministre chargé de la Famille, composé de membres hautement qualifiés sur les problématiques liées à l’adoption, a également effectué un remarquable travail en rendant notamment des avis sur l’adoption simple, la réforme de l’agrément ou récemment sur le délaissement parental et le développement de l’adoption nationale.

La présente proposition de loi entend tenir compte de l’ensemble de ces réflexions ainsi que des préconisations qui en découlent, pour améliorer l’adoption tout en réaffirmant son rôle central en matière de protection de l’enfance.

Dépassant le cadre du projet de loi d’avril 2009, dont elle reprend et adapte certaines dispositions, elle vise notamment à faciliter le prononcé des déclarations d’abandon, à améliorer la préparation et l’information des candidats, à réformer l’adoption simple et à développer l’implantation de l’Agence Française de l’Adoption (A.F.A.) dans les pays d’origine.

Les deux premiers articles de cette proposition de loi concernent le délaissement parental.

L’article 1er réforme l’article 350 du code civil relatif à la déclaration judiciaire d’abandon dont le prononcé permet de faire entrer un enfant placé dans le statut protecteur de pupille de l’État.

Trop rare en France, à peine quelques dizaines de prononcés par an, les rapports laissent apparaître que la déclaration judiciaire d’abandon pourrait concerner plus d’enfants et intervenir plus rapidement.

Actuellement, l’abandon peut-être prononcé lorsque les parents se sont manifestement désintéressés de leur enfant pendant au moins un an. Cette notion de « désintérêt manifeste » apparaît floue. À cet égard, reprenant une préconisation du Conseil Supérieur de l’Adoption, la proposition de loi lui substitue la notion de « délaissement parental » qu’elle définit comme des carences dans l’exercice des responsabilités parentales qui compromettent le développement de l’enfant. Un référentiel permettant d’apprécier l’existence de ce délaissement parental pourrait être rédigé par le Conseil Supérieur de l’Adoption.

Plus objective, cette notion de délaissement parental centre la déclaration judiciaire d’abandon sur l’intérêt de l’enfant.

La présente proposition de loi donne également la possibilité au Ministère public de saisir d’office le juge d’une demande de déclaration judiciaire d’abandon.

L’article 2 modifie l’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles. Il prévoit que le rapport annuel établi par le service de l’aide sociale à l’enfance pour chaque enfant accueilli ou bénéficiant d’une mesure éducative, doit examiner la situation de l’enfant au regard du délaissement parental.

Pour les enfants de moins de deux ans, une première évaluation, portant notamment sur le lien avec ses parents, doit intervenir au terme des six premiers mois de prise en charge. Dans cette hypothèse, un deuxième rapport doit être rédigé avant la fin de la première année de prise en charge.

Au regard des travaux récents, il apparaît également nécessaire de réformer la réglementation relative à l’agrément.

L’article 3 procède à une réécriture des dispositions de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles.

Dans sa rédaction actuelle, cet article porte à la fois sur les pupilles de l’État et sur l’agrément.

Pour une meilleure lisibilité, il est proposé d’intégrer les dispositions relatives à l’agrément dans un nouvel article L. 225-2-1.

Il y est précisé que l’agrément est délivré dans l’intérêt de l’enfant et au terme d’un délai de neuf mois à compter de la demande initiale, une confirmation de l’agrément devant intervenir durant cette période, dans des conditions fixées par voie règlementaire.

De plus, le président du Conseil général pourra proroger d’une année la validité de l’agrément délivré pour 5 ans. Cette disposition doit permettre la finalisation des démarches les plus avancées, par exemple lorsqu’un apparentement est déjà intervenu, sans avoir à solliciter un nouvel agrément.

Le titulaire d’un agrément sera également tenu par la loi de confirmer chaque année le maintien de son projet d’adoption.

L’article précise les conditions de caducité de l’agrément.

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 225-2 dispose que l’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’au moins un enfant. La présente proposition de loi prévoit qu’il doit s’agir d’un enfant adopté. En effet, une naissance ne remet pas nécessairement en cause un projet d’adoption et en ce cas le président du Conseil général apprécie dans quelle mesure elle modifie les conditions d’accueil.

Il faut aussi mieux prendre en considération les changements qui peuvent intervenir dans la situation des couples candidats à l’adoption. Aujourd’hui, un divorce ou un décès conduit à un retrait d’agrément dont la conséquence est l’impossibilité de redéposer une demande pendant trente mois.

Pour que les candidats ne soient plus soumis à un tel délai, il est proposé de préciser que la modification de la situation matrimoniale doit être une cause de caducité et non de retrait de l’agrément. Dès lors la personne faisant l’objet d’une telle décision pourrait redéposer immédiatement une demande.

L’article 4 découle des conclusions du groupe de travail du Conseil Supérieur de l’Adoption sur la réforme de l’agrément. Parmi les priorités affichées, figure la volonté d’une nouvelle dynamique pour une véritable préparation à l’accueil de l’enfant.

S’appuyant sur le constat du rapport Colombani, qui pointait le manque de préparation des candidats à l’adoption, le groupe de travail a préconisé la mise en place de modules d’information obligatoires à suivre pour les candidats à l’agrément. Idéalement au nombre de 4, ces modules pourraient porter sur : les aspects juridiques et administratifs de l’adoption – la réalité de l’adoption – la santé, le développement et l’intégration sociale des enfants adoptés – la parentalité adoptive.

Cet article propose qu’une expérimentation sur la préparation des candidats à l’adoption, dont le cadre serait défini par voie règlementaire, soit engagée dans les départements volontaires et qu’un bilan en soit fait avant sa généralisation.

L’adoption simple apparaît comme une réponse adaptée dans certaines situations. Il est nécessaire de lever certains freins juridiques et sociaux, réels ou supposés, qui nuisent à son développement.

L’article 5 propose ainsi de rendre irrévocable l’adoption simple durant la minorité de l’adopté, sauf sur demande du ministère public pour des motifs graves.

Reprenant les préconisations du plan pour l’adoption, l’article 6 renforce l’obligation de conseil de l’AFA envers ses usagers afin de mieux les orienter dans leurs démarches.

Il étend également l’habilitation de l’AFA à tous dans les pays d’origine, signataires ou non de la convention de La Haye du 29 mai 1993.

Le ministre des Affaires étrangères conserve la possibilité de suspendre ou de faire cesser l’activité de l’AFA dans les pays d’origine où les conditions de l’adoption ne sont plus réunies.

Le dernier alinéa apporte une sécurisation juridique importante pour que l’AFA puisse contribuer à des actions de coopération dans les pays d’origine.

L’article 7 vise à gager la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 350 du code civil est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« L’enfant recueilli par un particulier, un établissement ou un service de l’aide sociale à l’enfance, délaissé par ses parents pendant l’année qui précède l’introduction de la demande en déclaration d’abandon est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa. La demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant à l’expiration du délai d’un an dès lors que l’enfant a été délaissé par ses parents. La demande peut également, à l’expiration du même délai, être présentée par le ministère public agissant d’office. »

2° Le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le délaissement parental est caractérisé par les carences des parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales compromettant le développement psychologique, social ou éducatif de leur enfant. »

3° Au troisième alinéa, les mots « n’est pas une marque d’intérêt suffisante » sont remplacés par les mots « ne sont pas suffisants ».

Article 2

L’article L. 223-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celui-ci porte notamment sur la situation de délaissement parental quand l’enfant est pris en charge au titre du 1° de l’article L. 222-5 du présent code ou des articles 375-3, 375-5 et 377 du code civil. » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’enfant accueilli ou faisant l’objet d’une mesure éducative est âgé de moins de deux ans ce rapport est élaboré au terme des six premiers mois, puis de la première année de sa prise en charge. »

Article 3

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Les trois derniers alinéas de l’article L. 225-2 sont supprimés ;

2° Après l’article L. 225-2, il est inséré un article L. 225-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 225-2-1. – L’agrément est délivré dans l’intérêt de l’enfant en attente d’une adoption afin de veiller notamment à ce que la personne agréée soit en capacité de répondre à ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs.

« L’agrément est accordé pour cinq ans, dans un délai de neuf mois à compter de la réception de la demande, par le président du conseil général après avis d’une commission dont la composition est fixée par voie réglementaire. Durant ce délai, la personne est tenue de confirmer sa demande d’agrément.

« L’agrément peut être prorogé par le président du conseil général, après avis de la commission mentionnée à l’alinéa précédent, pour une durée d’un an non renouvelable.

« L’agrément est délivré par arrêté pour l’accueil d’un ou de plusieurs enfants simultanément. Une notice décrivant le projet d’adoption des personnes agréées lui est jointe. Cette notice peut être révisée par le président du conseil général sur demande de la personne agréée.

« Toute personne titulaire de l’agrément doit confirmer annuellement qu’elle maintient son projet d’adoption.

« L’agrément est caduc à compter de l’arrivée au foyer d’un enfant adopté ou placé en vue d’adoption, ou de plusieurs simultanément, ainsi qu’en cas de modification de la situation matrimoniale.

« Les modalités d’application des deuxième, troisième, cinquième et sixième alinéas du présent article sont définies par voie réglementaire. La forme et le contenu de l’arrêté et de la notice mentionnée au quatrième alinéa sont définis par décret. » 

3° Aux articles L. 225-7 et L. 225-8, la référence « L. 225-2 » est remplacée par la référence « L. 225-2-1 ».

Article 4

À titre expérimental, le Gouvernement peut autoriser les conseils généraux volontaires à mettre en œuvre un dispositif visant à renforcer l’information et la préparation des candidats à l’agrément en vue de l’adoption.

Le ministre chargé de la famille arrête la liste des départements volontaires et définit par décret les conditions de mise en œuvre de cette expérimentation, prévoyant un cycle de modules obligatoires préalables à la délivrance de l’agrément.

Dans les trois ans qui suivent la promulgation de la loi, le ministre chargé de la famille présente un rapport établissant un bilan détaillé de l’expérimentation avant sa généralisation.

Article 5

L’article 370 du code civil est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots « âgé de plus de quinze ans » sont remplacés par le mot « majeur ».

2° Le dernier alinéa est supprimé.

Article 6

L’article L. 225-15 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« L’Agence française de l’adoption a pour mission de servir d’intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans étrangers. Elle informe et conseille les candidats à l’adoption, notamment sur les pays qui répondent le mieux à leur projet. » ;

2° Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« L’Agence française de l’adoption est autorisée à intervenir comme intermédiaire pour l’adoption de mineurs de quinze ans étrangers dans l’ensemble des départements et habilitée à intervenir dans les pays d’origine de ces mineurs. L’autorité centrale pour l’adoption internationale désigne les pays considérés comme prioritaires pour l’implantation de l’Agence française de l’adoption et s’assure de la complémentarité de son action avec celles des organismes privés autorisés pour l’adoption. » ;

3° Le quatrième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Sur décision du ministre en charge des affaires étrangères, l’Agence française de l’adoption suspend ou cesse cette activité dans l’un de ces pays si les procédures d’adoption ne peuvent plus être menées dans des conditions garantissant l’intérêt des enfants et des familles. Elle reprend cette activité dans ce pays après accord du ministre en charge des affaires étrangères.

« En accord avec l’autorité centrale pour l’adoption internationale, l’Agence française de l’adoption peut contribuer à des actions de coopération en faveur des institutions accueillant des enfants en vue de leur protection. »

Article 7

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement, et corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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