N° 3753
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 septembre 2011.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
sur l’attachement au respect des principes de solidarité nationale face à la croissance constante des dépenses de santé
et aux inégalités d’accès aux soins,
présentée par
M. Jean-Marc NESME,
député.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans tous les pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), les dépenses totales de santé progressent plus rapidement que l’activité économique, entraînant une hausse de la part de la richesse nationale consacrée à la santé.
En France, si l’on projette les dépenses d’assurance maladie à l’horizon 2015, sur la base des tendances observées sur la période 1998-2004, on estime qu’elles devraient atteindre 210 milliards d’euros contre 148 milliards actuellement, soit une hausse de plus de 40 %.
De 2005 à 2015, le rythme d’évolution tendanciel des dépenses d’assurance maladie est estimé à 5,3 % par an.
Les caractéristiques démographiques de la population française, la prévalence des maladies, les progrès médicaux et technologiques, les évolutions des modes de vie sont autant de facteurs qui continueront, de manière prévisible, à exercer des pressions sur les coûts dans les années à venir.
Le nombre de personnes atteintes d’une affection de longue durée (ALD) s’élèverait environ à 12 millions d’assurés en 2015.
Avec une hausse annuelle de 4 %, la part des assurés en ALD représenterait 18,7 % de la population couverte par le Régime général en 2015.
Cette progression est principalement liée à l’augmentation de la prévalence des affections de longue durée à structure d’âge identique et dans une moindre mesure au vieillissement de la population.
On estime que 2,6 millions de personnes seront suivies dans le cadre d’une ALD pour une tumeur maligne (1,4 million en 2005) et 2,6 millions pour un diabète (1,3 million en 2005).
Le taux de croissance des dépenses pour les assurés en ALD et les autres assurés serait équivalent (respectivement +21 % et +20 %) entre 2005 et 2015.
Les dépenses de santé croissent alors même que l’Assurance Maladie est déficitaire d’environ 12 milliards d’euros à la fin de l’année 2010.
La persistance du déficit de l’Assurance maladie fragilise le pilier essentiel qui soutient son financement : la solidarité entre bien portants et malades et la garantie, pour chacun, quel que soit son niveau de revenus et de richesse, d’une prise en charge collective de ses besoins de santé.
Face à ces problèmes de financement, la tendance à transférer aux assurances complémentaires une part croissante des dépenses s’enracine depuis maintenant plusieurs années dans la politique de gestion de l’Assurance maladie.
Le taux moyen de prise en charge par l’Assurance maladie, de l’ordre de 76 %, recouvre deux situations distinctes : celle des patients pris en charge à 100 %, soit au titre d’une ALD, soit au titre d’une hospitalisation, soit encore au titre de la Couverture Maladie Universelle complémentaire (4,5 millions de personnes) et celle des autres assurés pour lesquels le taux de prise en charge n’excède pas 60 %.
Pour cette majorité d’assurés, le solde représente un reste-à-charge parfois important, qui contraint plus d’un tiers des Français à renoncer à se faire soigner.
Facteur aggravant ces difficultés, la pratique des dépassements d’honoraires se répand de façon immodérée et mal contrôlée. Conjugué au problème de l’indisponibilité des praticiens de secteur 1 en de nombreuses zones du territoire, le doublement des dépassements d’honoraires en 15 ans représente un frein à l’accès aux soins qu’il est nécessaire et urgent de lever.
Si les organismes d’assurance maladie complémentaire interviennent pour prendre en charge ces reliquats, leurs coûts augmentent d’environ 7 % par an depuis 2009 et propose à leurs souscripteurs des contrats de différentes natures, plus ou moins protecteurs selon les tarifs et le critère discriminant de l’âge.
La prise en charge du risque maladie, ainsi transférée partiellement mais résolument vers les complémentaires, repose de moins en moins sur un socle solidaire mais de plus en plus sur des entreprises agissant sur un marché concurrentiel, excluant des millions de Français d’un système qui tend à se déréguler.
Pourtant, notre pays, cinquième puissance économique mondiale, dispose des moyens requis pour solvabiliser l’égalité d’accès aux soins. Ces ressources se comptent à la fois dans la richesse produite chaque année par la France mais également au travers des actions de lutte contre la non-qualité et l’inefficience de nombreuses pratiques observables tant au sein des établissements de santé qu’en ambulatoire. L’égalité d’accès aux soins procède ainsi de choix politiques qu’il convient de faire dans l’intérêt de notre collectivité tout entière.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
Vu l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel « la nation garantit à tous […] la protection de la santé ».
Vu l’article 25, paragraphe 1 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 qui énonce que « [Toute personne] a droit à la sécurité en cas de maladie [...] ».
Vu le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté en 1966 appelant les États Parties à prendre des mesures pour garantir l’accès aux services médicaux pour tous.
Vu l’article 1er de la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance Maladie prévoyant que « la Nation affirme son attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de l’Assurance Maladie. Indépendamment de son âge et de son état de santé, chaque assuré social bénéficie, contre le risque et les conséquences de la maladie, d’une protection qu’il finance selon ses ressources ».
Considérant que le droit à la santé est un droit fondamental et que la protection de la santé est un principe à valeur constitutionnelle.
Considérant que l’égalité d’accès aux soins constitue un des éléments déterminants du droit à la santé et un principe républicain.
Considérant que l’égalité d’accès aux soins suppose l’accessibilité économique des biens et services de santé.
Réaffirmant que la Sécurité sociale, et l’Assurance maladie en particulier s’appuie sur le principe de la solidarité nationale pour garantir l’égalité d’accès aux soins.
Prenant acte que les pouvoirs publics ont décidé de faire de 2011 l’année des patients et de leurs droits.
Affirme qu’entre dans le champ du droit à la santé l’accessibilité économique des soins délivrés par tout professionnel de santé et qu’à ce titre, chacun doit pouvoir accéder librement et sans conditions de ressources, à un médecin et aux traitements, notamment médicamenteux, qui lui sont nécessaires.
Reconnaît que la juste répartition de l’offre médicale sur le territoire procède de l’égalité d’accès aux soins, précisant qu’un minimum d’actes doit pouvoir être réalisé aux tarifs opposables dans chaque spécialité au premier rang desquelles figure la médecine de premier recours.
Estime que l’égalité d’accès aux soins ne doit pas être remise en cause par les nécessaires mesures visant à endiguer le déficit de l’Assurance maladie.
Considère que l’alourdissement du reste-à-charge représente un frein à l’égalité d’accès aux soins, tant il est à l’origine de renoncements aux soins parmi les personnes les plus défavorisées et les plus jeunes.
Souhaite que la lutte contre les inégalités et la promotion de la solidarité nationale soient une priorité des politiques menées dans le domaine de la santé et des finances publiques.
Réaffirme que l’égalité d’accès aux soins représente un facteur de progrès social qui doit élever le niveau d’exigence de notre nation pour qu’à chacun soit garanti le droit d’être soigné et pris en charge par la solidarité nationale.