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N° 3868

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2011.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’encadrement des loyers
et au renforcement de la
solidarité urbaine,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre GOSNAT, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Marie-George BUFFET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Jacqueline FRAYSSE, André GERIN, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années maintenant notre pays fait face à une profonde crise du logement. Celle-ci est multiforme et se décline à différents degrés sur l’ensemble du territoire avec une plus forte intensité dans les zones dites « tendues », comme la région Île-de-France, PACA, le Nord ou encore Rhône-Alpes. Plusieurs phénomènes entretiennent cette crise. Ses causes principales résident dans la pénurie de logements et particulièrement de logements sociaux, le sous-financement des politiques publiques du logement, la baisse du pouvoir d’achat des habitants et l’aggravation de la situation sociale de notre pays.

Le sous-investissement par l’État du logement social est manifeste. Le désengagement en matière d’aide à la pierre a été continu depuis 2007. À la fin du mandat présidentiel, celles-ci ne s’élèveront plus qu’à 60 millions d’euros, alors même qu’en 2008 elles s’établissaient à plus de 800 millions. Le « manque à gagner » cumulé est de à 1,126 milliards d’euros. Le gouvernement ne cesse de communiquer sur le fait que l’État n’a jamais autant financé de logements sociaux : 130 000 selon ses affirmations. Ce chiffre comprend 45 000 logements PLS, non financés par l’État et qui ne sont pas de véritables logements sociaux alors que 50 % des demandeurs sont éligibles au PLAI. Au final, l’augmentation du volume de logements financés compense à peine la croissance de la population française au cours de cette période. Il y a une véritable crise du logement social. Il manque un million de logements sociaux dans notre pays. Pour rattraper notre retard, il faudrait lancer un plan massif de construction de 200 000 logements sociaux par an pendant cinq ans. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3,6 millions de personnes sont non ou mal logées. 82 % de nos concitoyens considèrent qu’il est difficile de trouver un logement. Un sur cinq déclare rencontrer des difficultés pour payer son loyer.

La crise du logement est de plus amplifiée par un phénomène d’intense spéculation dans le parc privé. Le logement, ramené à une marchandise comme les autres et soumis aux lois du marché, subit depuis plusieurs années un renchérissement irréfréné. Alors que dans les années 80, le coût du logement représentait 13% du revenu des ménages il en constitue aujourd’hui près d’un quart. Et cela reste une moyenne. Pour certaines populations comme les étudiants, les précaires et les retraités, cette part atteint les 50 %. Cela se cumule à l’explosion du coût de l’énergie qui ne fait qu’alourdir la facture. Tous les indicateurs sont au rouge. Au plan national, en treize ans les prix à la location ont doublé. En Île-de-France, les loyers des appartements augmentent en moyenne de près de 5 % par an. À Paris, le prix au mètre carré s’établit à 20 euros. Il dépasse largement les 30 voire 40 euros dans certains arrondissements, notamment pour les petites surfaces. Se loger est aujourd’hui devenu un véritable parcours du combattant. Or, depuis des années les politiques mises en œuvre par le gouvernement ont nourri cette spéculation. À l’instar du Scellier, des milliards d’euros ont été dépensés dans des dispositifs inefficaces et coûteux. Quant à la politique de la « France des propriétaires », c’est un échec flagrant. L’accession à la propriété recule depuis plusieurs années maintenant dans les couches populaires et moyennes. Seuls les plus aisés en tirent bénéfice. Les Français ne sont pas dupes. Ils jugent très sévèrement la politique du gouvernement en matière de logement. Pour 69 % d’entre eux, l’action des pouvoirs publics n’est pas satisfaisante.

En mars 2011, les député-e-s communistes, républicains, citoyens, et Parti de gauche ont déposé une proposition de loi de mobilisation pour le logement et lutte contre la spéculation. Texte législatif de 30 articles, il décline toute une série de mesures traçant les contours d’une autre politique du logement. Il acte notamment la mise en œuvre d’un plan massif de construction de logements sociaux, il dégage plusieurs pistes de financement au travers d’une réforme de la fiscalité immobilière, il refond les APL pour renforcer leur quotient solvabilisateur, il renforce la SRU, met en place un système d’encadrement des prix à la vente et à la location, crée un PTZ pour les bailleurs sociaux...etc... L’exercice très particulier que constitue la niche parlementaire exige que soient présentés des textes courts sur des thématiques précises. Il n’a donc pas été possible d’inscrire cette PPL à l’ordre du jour. Les député-e-s communistes, républicains, citoyens, et Parti de gauche présentent donc un texte court constitué de quatre articles relatifs à l’accès au logement locatif public comme privé. Ce texte s’inspire substantiellement des dispositions contenues dans la PPL mobilisation pour le logement et lutte contre la spéculation. Pour répondre aux attentes des français et impulser une nouvelle politique du logement à la hauteur des enjeux de la crise, il nous faut imposer des mesures d’ampleur. C’est l’objet de cette proposition de loi. Celle-ci s’articule autour de trois axes : interdiction des expulsions, encadrement des loyers privés et renforcement de l’article 55 de la loi SRU.

Chaque année 100 000 jugements d’expulsions sont prononcés. De nombreuses familles se retrouvent ainsi privées de logement et renvoyées à des structures d’hébergement dont le gouvernement coupe aujourd’hui les financements. Bon nombre de ses locataires sont de « bonne foi », confrontés à la violence du chômage et à la précarité, et quelquefois victimes d’accidents de la vie. L’expulsion locative est alors vécue comme un traumatisme d’une violence insupportable. Elle déstabilise individus et vie familiale, et fragilise de nombreux enfants. Pourtant le droit au logement est reconnu par la législation nationale comme internationale. C’est pourquoi, l’article 1 de cette proposition de loi interdit les expulsions pour les personnes rencontrant des difficultés économiques et sociales.

Les articles 2 et 3 concernent la mobilisation du parc privé locatif pour lutter contre la crise du logement. Selon un sondage IPSOS pour Nexity publié le 21 septembre dernier, 60 %des français sont favorables à un encadrement des loyers. Considérant que les logements privés, à l’égal du logement social, doivent concourir à la mise en œuvre du droit au logement pour tous et revêtent un caractère d’utilité publique, il est proposé dans l’article 2 d’encadrer les loyers dans le parc privé. Le Préfet de Région fixe par arrêté un loyer plafond au mètre carré par bassin d’habitat prenant en compte une série de critères. Cette décision est prise après consultation du Comité régional de l’habitat. Ce dispositif a pour vocation de faire baisser les loyers en zones tendues et de les stabiliser sur le reste du territoire. Cet article ne concerne que les loyers privés. Or, une réflexion doit aussi être menée pour encadrer les prix dans le parc public. Cela nécessite toute une refonte du financement du logement social impossible à décliner dans une PPL de niche.

L’article 3 concerne la mobilisation des logements vacants. Il rend obligatoire en zones tendues la réquisition par le Préfet des immeubles constatés vacants. Il réduit de 18 à 12 mois le délai au bout duquel est constaté la vacance. Enfin, il multiplie par dix la taxe sur les logements vacants.

La dernière partie de cette proposition de loi concerne l’article 55 de la loi de solidarité et de renouvellement urbains, et plus particulièrement le seuil de logements sociaux obligatoires. L’article 4 fixe ce seuil à 30 % en zones tendues et 25 % sur le reste du territoire. Ne sont pris en compte dans ce calcul uniquement les logements de type PLAI et PLUS. Au-delà sont inclus les logements PLS. Il décline une série de sanctions en cas de non-respect par les communes des objectifs fixés dans le cadre de la loi SRU. Il prévoit une baisse de la DGF pour le commune en constat de carence. Il propose une baisse des aides publiques aux équipements et l’interdiction de tous permis de construire pour des projets immobiliers de plus de 10 logements. Enfin, il oblige le Préfet à suppléer la commune pour mener à bien les projets de construction de logements sociaux.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 611-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes éprouvant des difficultés particulières, au regard de leur patrimoine, de l’insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence ne peuvent faire l’objet d’une procédure d’expulsion. »

Article 2

I. – À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, après les mots : « des deux premiers alinéas de l’article 6, », sont insérés les mots : « , de l’article 17 ».

II. – Le a) de l’article 17 de la même loi est ainsi rédigé :

« a) À l’exception du contrat de location passé par un organisme d’habitation à loyer modéré, le contrat de location ne peut prévoir un loyer supérieur au plafond de loyer fixé par un arrêté du représentant de l’État dans la région applicable à ce bien. Cet arrêté est pris après avis du comité régional de l’habitat mentionné à l’article L. 364-1 du code de la construction et de l’habitation.

« Un arrêté du représentant de l’État dans la région détermine chaque année par bassin d’habitat le plafond de loyer mentionné au premier alinéa dans des conditions définies annuellement par un arrêté du ministre chargé du logement.

« L’arrêté du représentant de l’État dans la région fixe, pour chaque bassin d’habitat, un plafond de loyer applicable à des catégories de logements qu’il définit. Il fixe également les taux de modulation maxima de ces plafonds de loyer en fonction :

« a. des aides publiques perçues au titre de la construction, de l’acquisition ou de la rénovation de ce bien ;

« b. de la performance énergétique du bâtiment ;

« c. de l’ancienneté et de la salubrité de ce logement ;

« d. de son éloignement d’équipements publics et commerciaux et des zones d’activité. »

III. – Les b) et c) du même article sont supprimés.

Article 3

I. – L’article L. 642-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :

« Art. L. 642-1. – Le représentant de l’État dans le département peut réquisitionner, pour une durée d’un an au moins et de six ans au plus, des locaux sur lesquels une personne morale est titulaire d’un droit réel conférant l’usage de ces locaux et qui sont vacants depuis plus de douze mois, dans les communes où existent d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logement »

II. – La dernière phrase du IV de l’article 232 du code général des impôts est ainsi rédigée :

« Son taux est fixé à 15 % la première année d’imposition, 20 % la deuxième année et 25 % à compter de la troisième année. »

Article 4

Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

I. L’article L. 302-5 est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase des premier et deuxième alinéas, les mots : « 20 % des résidences principales » sont remplacés par les mots : « 30 % des résidences principales dans des zones, définies par décret, se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande, et moins de 25 % en dehors de ces zones ».

2° Après le mot : « conventionnés », la fin du sixième alinéa est ainsi rédigée : « ayant bénéficié du prêt locatif à usage social et du prêt locatif aidé d’intégration définis aux articles R. 331-1 à R. 331-28. »

3° Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sont décomptés les logements conventionnés bénéficiant du prêt locatif social défini aux articles R. 331-17 et R. 331-21 et du prêt locatif intermédiaire défini aux articles R. 391-1 à R. 391-9. »

II. À la fin de la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 302-6, les mots : « 20 % des résidences principales de la commune » sont remplacés par les mots : « 30 % des résidences principales de la commune dans des zones, définies par décret, se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande, et moins de 25 % en dehors de ces zones ».

III. Le deuxième alinéa de l’article L. 302-7 est ainsi modifié :

1° Après les mots : « fixé à », le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 100 % » ;

2° Après le mot : « entre », le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;

3° Le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

IV. Après le mot : « atteindre », la fin de la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 302-8 est ainsi rédigée : « 30 % du total des résidences principales de ces communes dans des zones, définies par décret, se caractérisant par un déséquilibre entre l’offre et la demande, et 25 % du total des résidences principales de ces communes en dehors de ces zones, chacune de ces communes devant se rapprocher de l’objectif de 30 % ou de 25 % en fonction de sa localisation. »

V. L’article L. 302-9-1 est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « au terme de la », est inséré le mot : « première ».

2° Le deuxième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« En tenant compte de l’importance de l’écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la première période triennale échue, du respect de l’obligation, visée à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 302-8, d’acquérir ou de mettre en chantier, pour chaque période triennale, au moins 30 % de logements locatifs sociaux définis à l’article L. 302-5, rapportés au nombre total de logements commencés, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le représentant de l’État prononce la carence de la commune. Par le même arrêté, il détermine, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l’année suivant sa signature, un prélèvement modulé des contributions financières des collectivités territoriales et de l’État à la construction ou à la rénovation d’équipements publics de la commune, et de la dotation globale de fonctionnement mentionné à l’article L. 1613-1 du code général des collectivités territoriales. Cette modulation établie en fonction de la réalisation des objectifs de logements sociaux est fixée par décret. Elle prévoit notamment une majoration des contributions financières de l’État pour les villes ayant plus de 50 % de logements sociaux sur leur territoire.

« Lorsqu’il a constaté la carence d’une commune en application du présent article, le préfet conclut une convention avec un organisme en vue de la construction ou l’acquisition des logements sociaux nécessaires à la réalisation des objectifs fixés dans le programme local de l’habitat ou déterminés en application du premier alinéa de l’article L. 302-8. »

« Dans les communes ne respectant pas les obligations définies au précédent alinéa tout permis de construire pour des programmes de plus de dix logements est déclaré illégal. »

Article 5

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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