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N° 3903

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2011.

PROPOSITION DE LOI

pour des mesures réellement contraignantes en faveur de la parité
au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus
par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le basculement de la majorité politique du Sénat lors du renouvellement de 2011 ne doit pas faire oublier les autres enseignements de ce scrutin. En particulier, le bilan de la parité fait apparaître un blocage affligeant et même pire, une régression.

– Ainsi en 2001, parmi les sénateurs sortants, le taux de femmes était de 6,9 % (7 F et 94 H). Parmi les sénateurs élus, il monta à 21,6 % (22 F et 80 H), soit une amélioration considérable.

– En 2011, ce taux parmi les sortants était de 31,9 % (52 F et 111 H). Par contre, parmi les élus, il a reculé à 28,8 % (49 F et 121 H).

Outre ce constat spécifique aux sénateurs, il faut aussi rappeler la progression limitée de la parité lors des élections législatives de 2008 (taux de femmes de 18,5 %). Quant au remplacement des conseillers régionaux par des conseillers territoriaux élus avec un scrutin moins favorable à la parité, il est évident que les séquelles en seront dévastatrices lors des élections de 2014. Ainsi, au cours des dernières années, la parité en politique n’a pas seulement stagné ; elle a régressé.

Des mesures fortes sont indispensables pour rétablir une dynamique de parité au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat. Dans ce but, le présent exposé des motifs propose trois leviers qui pourraient être décisifs :

– interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale ;

– instaurer des pénalités financières ciblées contre les partis politiques ayant un trop grand écart entre le nombre de leurs parlementaires de chaque sexe ;

– rétablir le scrutin proportionnel avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs.

I. – Interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale

Le cumul de mandats et son corollaire direct, l’absentéisme parlementaire, sont deux particularités bien françaises. Deux particularités affligeantes qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie. Toutefois pour un parlementaire, le problème est moins le cumul de mandats en général, que surtout le cumul de lourdes fonctions exécutives locales qui sont déjà par nature des activités à plein temps.

La charge de travail pour un mandat de simple conseiller municipal ou de simple conseiller général est très ponctuelle. Elle n’a absolument rien à voir avec l’activité de maire ou de président de conseil général. C’est pourquoi, la limitation des cumuls doit avant tout cibler les fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales et des intercommunalités.

La situation des sénateurs élus ou réélus en 2011 montre que les cumuls abusifs de mandats sont également un frein pour la parité. Ainsi, parmi les 20 sénateurs qui sont, soit président de conseil général ou conseil régional, soit maire de ville (ou d’arrondissement de Paris) de plus de 100 000 habitants, il n’y a que des hommes. Au contraire, parmi ceux qui ne sont ni président de conseil général ou conseil régional, ni maire de ville de plus de 100 000 habitants, il y a 101 hommes et 49 femmes.

La comparaison de ces chiffres montre que plus le cumul de mandats est important moins il y a de parité. Les parlementaires supercumulards accrochés à leurs multiples mandats et aux prébendes qui les accompagnent sont essentiellement des hommes. En monopolisant abusivement les mandats et les fonctions, ils bloquent complètement les progrès de la parité.

De nombreux responsables politiques se déclarent certes hostiles aux cumuls abusifs ; toutefois, dans les faits rien ne se concrétise. Les déclarations de principe relèvent trop souvent de l’hypocrisie. Quant aux réelles bonnes intentions de certains, elles se heurtent à l’obstruction de ceux qui usent et abusent du système.

La disponibilité des parlementaires pour leur travail législatif passe à l’évidence par l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec une fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’une intercommunalité. Le corollaire en sera une amélioration considérable de la parité.

II. – Des pénalités ciblées pour sanctionner la mauvaise volonté des partis

Dans les départements qui élisent leurs sénateurs à la proportionnelle, l’obligation de parité sur les listes aurait dû conduire à une meilleure représentation des femmes. Ce n’est cependant pas le cas, car le nombre de sièges attribués à chaque liste victorieuse est en général très limité (en général un, deux ou trois). Or, la plupart des partis politiques composent leurs listes en plaçant systématiquement un homme en tête.

S’il y a un élu, la parité est alors à 0 % ; s’il y en a trois, elle n’est que de 33 %. Dans les deux cas, l’écart profite systématiquement aux hommes. Les pratiques sont même parfois machiavéliques puisque pour contourner la parité, certains partis sont allés jusqu’à présenter deux listes concurrentes, conduites chacune par un homme.

Pour l’élection des députés, le dévoiement de la procédure est tout aussi flagrant. L’importance des pénalités financières infligées aux partis politiques qui ne respectent pas la parité conduit ceux-ci à équilibrer le nombre d’hommes et de femmes parmi l’ensemble de leurs candidats. Par contre, le résultat des élections législatives, montre qu’ensuite la proportion de femmes parmi les élus est considérablement inférieure à ce qu’elle est parmi l’ensemble de leurs candidats. Le paradoxe n’est qu’apparent, il s’explique par le fait que les grands partis politiques concentrent systématiquement les candidatures de femmes dans les circonscriptions perdues d’avance, c’est-à-dire dans celles où leurs résultats sont les plus mauvais.

Face aux artifices utilisés pour contourner les lois sur la parité, il convient de mieux cibler les pénalités. Pour cela, il ne faut pas se contenter d’imposer une obligation de moyens (parité au niveau des investitures des députés ou sur les listes de sénateurs). Il faut imposer une obligation de résultat, sanctionnée par une lourde pénalité financière s’appliquant dès que le nombre de leurs parlementaires de chaque sexe est trop différent.

La solution la plus dissuasive est de comparer le nombre de parlementaires de chaque sexe qui se rattachent à un parti pour le calcul de la seconde fraction de l’aide publique de l’État. Si l’écart est supérieur à dix, il suffirait alors d’exclure du calcul de cette aide les parlementaires du sexe en excédent au-delà de dix.

III. – Rétablir la parité dans les départements élisant trois sénateurs

Lors du renouvellement sénatorial de 2001, le scrutin proportionnel avec obligation de parité avait été appliqué pour la première fois. Toutefois en juillet 2003, la majorité sénatoriale de l’époque a rétabli le scrutin majoritaire et supprimé toute obligation de parité. L’évolution de la parité dans ces départements entre les élections de 2001 illustre la régression corrélative :

– En 2001 et pour les départements ayant trois sénateurs, il y avait parmi les sortants 29 hommes et une femme (parité de 3,4 %). Parmi les élus de ces départements, il y eut 24 hommes et 6 femmes (parité de 20 %). La progression de la parité a dont été considérable.

– En 2011 et pour les départements ayant trois sénateurs, il y avait parmi les sortants 16 hommes et 8 femmes (parité de 33,3 %). Parmi les élus de ces départements, il y a eu 19 hommes et 5 femmes (parité de 20,8 %). Le recul de la parité est tout aussi flagrant.

Le même constat avait d’ailleurs déjà été fait à la suite des élections sénatoriales de 2004 dans une proposition de loi de la députée Marie-Jo Zimmermann (proposition n° 2995, Assemblée nationale 29 mars 2006). Dans son exposé des motifs, la députée écrivait : « Ainsi, en 2001, la proportionnelle avec obligation de parité s’est appliquée aux départements élisant trois sénateurs et parmi les 30 sénateurs élus dans ces départements, il y avait 6 femmes (soit 20 %). Au contraire, lors du renouvellement de 2004, le scrutin majoritaire s’est appliqué dans les départements élisant trois sénateurs et parmi les 21 élus dans ces départements, il n’y a eu qu’une seule femme (soit 4,8 %) ».

Enfin, le scrutin proportionnel avec obligation de parité présente accessoirement deux autres avantages (questions écrites n° 1267 de M. Masson, J.O. Sénat du 5 septembre 2002 et n° 47823 de Mme Zimmermann, J.O. A.N. du 30 novembre 2004). D’une part, les sénatrices élues ont une moyenne d’âge nettement plus faible que les sénateurs, ce qui a entraîné en 2001 et en 2004 un net rajeunissement. D’autre part, la proportionnelle avec obligation de parité favorise une véritable respiration démocratique en empêchant les ententes entre notables en place qui additionnent leur clientèle de grands électeurs.

Il est donc clair que dans les départements élisant trois sénateurs, le rétablissement du scrutin proportionnel avec obligation de parité présenterait de multiples avantages, lesquels s’ajouteraient à une incidence très positive sur les progrès de la parité

***

Les mesures évoquées dans l’exposé des motifs qui précède relèvent, les unes d’une proposition de loi organique, les autres, d’une proposition de loi. Ces deux textes sont déposés simultanément sur le bureau de l’Assemblée nationale. Pour ce qui la concerne, la présente proposition de loi tend :

– d’une part, à écrêter le financement public des partis politiques pour lesquels l’écart entre les nombres de parlementaires de chaque sexe est supérieur à dix ;

– d’autre part, à rétablir le scrutin proportionnel avec obligation de parité dans les départements élisant trois sénateurs.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, il est inséré un article 9-2 ainsi rédigé :

« Art. 9-2. – Lorsque l’écart entre le nombre de parlementaires de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à un parti ou à un groupement politique est supérieur à dix, le montant de la seconde fraction attribuée à ce parti ou groupement en application de l’article 9 est calculé en retenant le nombre de parlementaires du sexe le moins représenté multiplié par deux et majoré de dix. »

Article 2

Le code électoral est ainsi modifié :

I. Au premier alinéa de l’article L. 295, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « trois ».

II. Au premier alinéa de l’article L. 294, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « deux ».


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