N° 4491
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2012.
PROPOSITION DE LOI
relative au renouvellement des autorisations d’occupation
du domaine public des opérateurs de télécommunications,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Xavier BRETON, Charles de la VERPILLIÈRE, Michel VOISIN, Émile BLESSIG, Pascal CLÉMENT, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Dominique DORD, Marianne DUBOIS, Paul DURIEU, Daniel FASQUELLE, Jean-Michel FERRAND, Marc FRANCINA, Jean-Paul GARRAUD, Jacques GROSPERRIN, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Dominique LE MÈNER, Guy MALHERBE, Alain MARTY, Patrice MARTIN-LALANDE, Christian MÉNARD, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Bernard PERRUT, Josette PONS, Jacques REMILLER, François ROCHEBLOINE, Max ROUSTAN, Paul SALEN, Daniel SPAGNOU, Éric STRAUMANN, Christian VANNESTE et Philippe VITEL,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’aménagement numérique du territoire, et plus particulièrement la couverture par le très haut débit des zones rurales, est une priorité constamment réaffirmée par le gouvernement.
Facteur d’attractivité et de désenclavement, la question d’un déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné sur l’ensemble du territoire, constitue aujourd’hui pour les collectivités territoriales un enjeu majeur, dans la continuité de leur mission d’aménagement numérique du territoire.
Par les lois n° 2004-575 du 21 juin 2004 et n° 2004-669 du 9 juillet 2004, le législateur a consacré la compétence des collectivités territoriales comme acteurs majeurs du développement des réseaux de télécommunications, en leur permettant de déployer des réseaux d’initiative publique et d’acquérir la qualité d’opérateur de réseaux.
De cette réforme du code général des collectivités territoriales, est née l’idée selon laquelle, dans la continuité de la mission d’aménagement du territoire, il convenait de conférer également aux collectivités territoriales la mission de l’aménagement numérique.
Aujourd’hui encore, dans certaines régions, la faiblesse de l’investissement des opérateurs privés, faute de rentabilité immédiate, rappelle la nécessité d’une vision de long terme que seuls peuvent porter les acteurs publics.
Cette mission particulière dévolue aux collectivités territoriales dans le domaine des télécommunications, a également été reconnue par le Conseil d’État à l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l’article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques.
Aux termes de l’arrêt rendu le 8 juin 2010 (requête n° 327062), le Conseil d’État retient l’existence d’un « objectif d’intérêt général qui implique que les collectivités territoriales disposent des informations nécessaires à la gestion efficace des infrastructures et réseaux de communications électroniques sur leur territoire notamment en vue d’améliorer l’accès à leurs habitants au très haut débit ».
Toutefois, malgré le volontarisme du gouvernement sur ce sujet et l’implication des collectivités territoriales, force est de constater que perdurent des obstacles au déploiement de la fibre optique, et notamment des obstacles juridiques résultant des dispositions ayant ouvert à la concurrence le secteur des télécommunications en France.
En transférant à la société anonyme France Télécom, « l’ensemble des biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom », la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l’entreprise nationale France Télécom a créé une situation fortement préjudiciable aux objectifs affichés de couverture de l’ensemble du territoire.
En raison de l’imprécision des termes de la loi, de la difficulté qu’il existe à circonscrire la notion de biens visée par cette disposition, un contentieux important est né sur la question de la propriété des infrastructures de génie civil, indépendamment des réseaux appartenant aux opérateurs de télécommunication, qu’elles sont destinées à accueillir.
En effet, ces infrastructures de génie civil, qu’il s’agisse des fourreaux ou des chambres de tirage, réalisées aussi bien à l’occasion de la construction que de l’enfouissement des lignes aériennes, ont été financées en grande majorité par les collectivités territoriales ou par des aménageurs notamment dans le cadre de ZAC. De surcroît, ces infrastructures sont dans certains cas entretenues par les collectivités gestionnaires du domaine public routier au sein desquels elles sont le plus souvent incorporées.
L’incertitude juridique qui persiste sur ce point en raison du nombre de jurisprudences divergentes, démontre la nécessité d’assurer l’absence de discussion sur la propriété des infrastructures, et ce, en raison de leur caractère essentiel au déploiement de la fibre optique en France.
Le nombre de contentieux portés auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et postes (ARCEP) démontre également la difficulté qu’il existe à faire respecter par la société France Télécom le droit de passage des autres opérateurs, au sein de ces infrastructures de génie civil.
Saisie des difficultés rencontrées par les opérateurs, l’ARCEP a lancé en juillet 2007 une consultation publique en vue de mettre en place une régulation des fourreaux, qui a abouti à la publication d’une décision n°2008-0835 en date du 24 juillet 2008, au terme de laquelle elle enjoignait la société France Télécom d’ouvrir ses infrastructures aux opérateurs concurrents, conformément à la réglementation nationale et communautaire.
Il n’est pas utile de disserter longuement sur les difficultés persistantes et sur les conséquences de cette situation quant au déploiement des réseaux de fibre optique, notamment dans des territoires enclavés où France Télécom ne souffre d’aucune concurrence d’opérateurs privés, et où seules les collectivités territoriales sont aujourd'hui désireuses de mettre en place un réseau de très haut débit.
Par delà les difficultés posées par la détention d’infrastructures essentielles par un opérateur privé, il convient également de faire mention du problème auquel sont confrontées les collectivités territoriales tenant à l’absence d’identification et de recensement précis de la part des opérateurs, et plus particulièrement de la société France Télécom, des infrastructures de génie civil existantes.
En effet, aux termes du décret n° 97-683 du 30 mai 1997 relatif aux droits de passage sur le domaine public routier et aux servitudes prévus par les articles L. 47 et L. 48 du code des postes et télécommunications, France Télécom avait l’obligation de déclarer à l’autorité gestionnaire du domaine avant le 1er janvier 1998 « les installations établies avant la publication du présent décret », cette déclaration valant titre d’occupation du domaine public et devant servir de base au calcul de la redevance due à la collectivité concernée.
Sur ce point, un rapport réalisé pour l’ARCEP en décembre 2003, intitulé « Installation de réseaux de télécommunications sur le domaine public » faisait le constat suivant : « Il apparaît que ce recensement n’est toujours pas définitivement achevé et que les autorités gestionnaires du domaine rencontrent parfois certaines difficultés pour obtenir communication de la part de France Télécom du plan du réseau présentant les modalités de passage et d’ancrage des installations ».
Alors qu’il est essentiel pour les collectivités territoriales de connaître avec précision ce réseau, afin de gérer au mieux leur domaine public et de jouer pleinement leur rôle d’aménageur du territoire, le non-respect de cette obligation par la société France Télécom apparaît également comme un obstacle majeur au partage d’utilisation des installations existantes et par conséquent, au déploiement de la fibre optique à l’intérieur de ces ouvrages.
De surcroit, il résulte de la méconnaissance de cette obligation, qu’en l’absence de recensement et d’autorisation d’occupation du domaine public pour une part importante de ces réseaux, la plupart des collectivités territoriales ne perçoivent pas les redevances d’occupation du domaine public auxquelles elles ont droit.
Au vu de ces éléments et afin de permettre un déploiement rapide de la fibre optique sur l’ensemble du territoire par la réalisation des initiatives des collectivités territoriales et de leurs groupements, il apparaît indispensable de clarifier par la loi le droit régissant la propriété des réseaux de communications électroniques.
La proposition de la loi présentée à cette fin propose de réaffirmer et de préciser, conformément aux dispositions régissant l’occupation privative du domaine publique, telles que définies par le code général de la propriété des personnes publiques, qu’à l’issue des permissions de voirie délivrées aux opérateurs de télécommunications, l’ensemble des ouvrages réalisés sur le domaine public seront réintégrés au patrimoine des collectivités gestionnaires.
Alors que, lorsqu’elles existent, les conventions d’occupation du domaine public, conclues initialement avec France Télécom pour une durée de quinze ans, arrivent prochainement à expiration et ne règlent que rarement la question du sort des ouvrages réalisés sur le domaine public à l’issue de l’autorisation, il apparaît indispensable d’anticiper cette difficulté, et de réaffirmer sans ambigüité l’application des principes généraux de la domanialité publique au droit des télécommunications.
À contrario, le maintien d’un vide juridique, d’une imprécision des termes de la loi, ou de divergences d’interprétation, serait source de contentieux, freinant encore davantage les initiatives des collectivités et des opérateurs privés pour déployer la fibre optique sur le territoire national.
Par suite, les collectivités continueront d’assurer conformément aux dispositions de l’article L. 47 du code des postes et des télécommunications le droit de passage des opérateurs privés de télécommunication, en mettant à leur disposition des réseaux ouverts et neutres.
Cette disposition permettra ainsi aux collectivités territoriales de jouer pleinement leur rôle dans l’aménagement numérique du territoire, de gérer d’une manière satisfaisante leur domaine public et de lever les obstacles au déploiement de l’accès à internet sur l’ensemble du territoire et principalement des réseaux de très haut débit.
Tels sont les objectifs de la présente proposition de loi que je vous propose d’adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À la première échéance des autorisations d’occupation du domaine public, tous les ouvrages constitutifs des infrastructures des réseaux de communications électroniques établis sur le domaine public sont maintenus en état et incorporés au patrimoine des autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public. »
Article 2
Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.