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APRÈS ART. UNIQUEN°4

ASSEMBLÉE NATIONALE
17 janvier 2014

RATIFICATION DE LA CHARTE EUROPÉENNE DES LANGUES RÉGIONALES OU MINORITAIRES - (N° 1703)

Commission
 
Gouvernement
 

Rejeté

AMENDEMENT N°4

présenté par

M. Le Fur, M. Aubert, M. Christ, M. Cinieri, M. Costes, Mme Dalloz, M. Decool, M. Estrosi, M. Gandolfi-Scheit, M. Furst, M. Gilard, Mme Le Callennec, M. Frédéric Lefebvre, M. Le Ray, M. Lett, M. Lurton, M. Marcangeli, M. Moudenc, M. Priou, M. Reiss, M. Reitzer, M. de Rocca Serra, Mme Rohfritsch, M. Siré, M. Sordi, M. Straumann et M. Sturni

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE UNIQUE, insérer l'article suivant:

L’article 75‑1 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le statut public des langues régionales est défini par la loi. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

La reconnaissance constitutionnelle des langues régionales à l’initiative des auteurs du présent amendement, opérée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, implique que leur soit donné un cadre législatif et que soient créés les outils juridiques nécessaires à leur sauvegarde. 

Par le nouvel article 75‑1, le Constituant a reconnu que la sauvegarde des langues régionales n’était pas seulement l’affaire de leurs locuteurs, mais concerne la collectivité nationale dans son ensemble car ces langues constituent un patrimoine commun à l’ensemble de la France. 

Avec cette avancée constitutionnelle notre Nation a enfin reconnu que l’unité n’est pas l’uniformité, que l’égalité est non pas la confusion, mais la possibilité pour chacun d’être soi-même. Pour bon nombre de nos concitoyens, les langues régionales signifient quelque chose d’important, même pour ceux qui ne les maîtrisent pas totalement, ou qui ne sont pas des locuteurs habituels.

Il n’existe actuellement aucun cadre législatif consistant sur l’usage des langues régionales.

L’article 40 de la loi 2013‑595 du 8 juillet 2013 se contente d’énoncer que « Les langues et cultures régionales appartenant au patrimoine de la France, leur enseignement est favorisé prioritairement dans les régions où elles sont en usage et que « cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ».

Pour le reste, les règles légales qui ont été dégagées sont surtout restrictives ou sont interprétées par le juge administratif dans un sens défavorable aux langues et cultures régionales :

– la loi du 4 août 1994 sur l’emploi de la langue française a été interprétée par le Conseil d’État dans le sens d’une restriction de l’utilisation de la méthode immersive ;

– les refus de prendre en compte les langues régionales dans le fonctionnement de La Poste ont été jugés légaux ;

– certains tribunaux administratifs imposent le retrait des panneaux signalétiques en langues régionales. La situation de Villeneuve-lès-Maguelone a ainsi défrayé la chronique en 2010 !

Enfin, la loi n’assure pas une présence significative des langues régionales dans l’audiovisuel public.

Il arrive même que les langues régionales de France soient moins bien traitées que les langues étrangères (dans l’enseignement par exemple).

Il n’existe en somme aucun statut légal des langues régionales, mais seulement une politique de « tolérance » parfois empreinte de bienveillance, mais souvent aussi d’hostilité, cela dépend souvent des contingences locales ; un inspecteur d’académie pourra être coopératif, mais son remplaçant mettra à bas ce que le prédécesseur aura entrepris ! On ne peut conditionner les développements des langues à la seule bonne volonté, il faut un soutien juridique.

Si donc le législateur veut tirer les conséquences de la reconnaissance des langues régionales comme éléments du patrimoine commun de notre pays, il est nécessaire de leur accorder un soutien juridique. Cela est d’autant plus vrai que ces langues sont aujourd’hui affaiblies et ne bénéficient pas toujours de modalités naturelles de transmission.

Alors que le législateur a estimé nécessaire d’adopter un cadre juridique protecteur pour la langue française et de développer une politique de soutien à cette langue, une telle nécessité apparaît encore davantage pour les langues régionales.

Sans doute, les langues régionales ont-elles besoin d’une protection juridique différente de celle prévue pour la langue française puisque leur position n’est à l’évidence pas la même. Comme cela a été relevé dans beaucoup d’autres pays pour des langues comparables, il ne suffit pas d’autoriser l’usage de ces langues ou de supprimer les discriminations dont elles font l’objet.

Il est nécessaire de construire une véritable politique de soutien à ces langues, qui combine les outils juridiques, institutionnels, financiers et autres. Il s’agit non seulement de sauver ce patrimoine commun, mais de le promouvoir. Dans ce contexte les locuteurs de ces langues sont moins les bénéficiaires de mesures que les agents d’une stratégie publique. Quiconque le souhaite peut participer à cette action de sauvetage.

Afin qu’un tel régime de promotion puisse être développé par le législateur, il convient de compléter l’article 75‑1 de la Constitution et de donner aux langues régionales un statut public.