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ART. 9N°125

ASSEMBLÉE NATIONALE
22 juin 2015

RÉFORME DU DROIT D'ASILE - (N° 2883)

Commission
 
Gouvernement
 

Retiré

AMENDEMENT N°125

présenté par

M. Robiliard, M. Cherki, M. Sebaoun et Mme Carrey-Conte

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ARTICLE 9

Substituer aux alinéas 4 à 6 les deux alinéas suivants :

« Art. L. 556‑1. – Lorsqu’un étranger, placé en rétention en application de l’article L. 551‑1, présente une demande d’asile, si l’autorité administrative constate que cette demande a pour seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement, elle saisit sans délai le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la rétention pendant l’examen de la demande d’asile. Cette prolongation ne peut être ordonnée que si la demande est manifestement infondée et que l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ou a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour.

« Le juge statue dans les vingt-quatre heures de sa saisine, après audition du représentant de l’administration et de l’étranger assisté d’un conseil. L’étranger peut demander au juge des libertés et de la détention de lui désigner un conseil. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, I.M. contre France, 2 février 2012, n° 9152/09), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 30 mai 2013, Arslan, C-534/11) puis le Conseil d’État (CE, 30 juillet 2014, Cimade, n° 375430) ont considéré que la rétention d’un demandeur d’asile, même si la demande a été formulée après que celui-ci a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, est possible seulement si sa demande est présentée dans le seul but de faire obstacle à l’éloignement et s’il est nécessaire de maintenir l’intéressé dans un centre pour éviter qu’il se soustraie à cette mesure. Les trois juridictions ont donc limité la rétention du demandeur d’asile à des cas exceptionnels et ont considéré que la législation et les pratiques françaises n’étaient pas conformes au droit européen et la jurisprudence de la CEDH.

La loi devrait elle aussi se limiter à ces deux seuls critères.

En l’état du projet de loi, c’est l’OFPRA qui prend la décision d’accélérer la procédure après le constat effectué par le préfet. Il s’agit certes d’une compétence liée mais il serait plus cohérent que l’appréciation soit effectuée directement par le juge judiciaire, déjà reconnu comme le juge de la rétention.

Les critères d’appréciation de la notion de fuite seront également précisés. On ne peut reprocher à un demandeur d’asile d’être entré ou d’avoir séjourné irrégulièrement sur le territoire (en application de l’article 31‑1 de la convention de Genève), ni de ne pas disposer de garanties de représentation (d’autant qu’il appartient à l’État de lui fournir un hébergement).

Seules les hypothèses où le demandeur s’est déjà soustrait à une mesure d’éloignement ou a utilisé de faux documents (sauf s’il justifie leur utilisation pour quitter le pays où il craint d’être persécuté) peuvent être prise en compte.

Par ailleurs, les directives européennes prévoient deux types de recours à l’étranger demandeur d’asile qui est maintenu en rétention :

- un recours accéléré portant sur la légalité de la mesure de rétention décidée par l’autorité administrative (article 9‑3 de la directive 2013/33/UE dite Accueil) ;

- un recours effectif dirigé contre les décisions de refus d’asile (y compris les décisions d’irrecevabilité et de clôture). Si ce recours ne confère pas à l’intéressé le droit de se maintenir pendant son examen, il doit lui permettre de demander à une juridiction le droit de rester (article 46‑6 de la directive 2013/32/UE).

Le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale souffrait d’une lacune. Contrairement aux dispositions précises et inconditionnelles de l’article 9‑3 de la directive 2013/33/UE, le demandeur d’asile ne disposait pas d’un recours juridictionnel accéléré pour apprécier la légalité de la décision de maintien en rétention.

Le texte du Sénat a prévu un recours devant le juge administratif dans le délai de quarante-huit heures. Cependant, la solution adoptée n’est pas conforme à la jurisprudence constitutionnelle. En matière de privation de liberté, c’est le juge judiciaire qui doit apprécier le bien-fondé de la mesure, c’est-à-dire le caractère manifestement « infondé » et le risque de fuite (cf. CC, 25 février 1992, n° 92‑307DC, §11 et TC, 9 février 2015, Hegazy ; n°3986). Lui seul peut décider de maintenir en rétention ou non, notamment si la demande intervient à l’audience du juge des libertés et de la détention ou postérieurement, lorsque le demandeur a préalablement été maintenu dans un local de rétention ou allègue de circonstances permettant de présenter sa demande après ce délai : défaut d’information, circonstances apparues après le délai, difficulté pour l’assistance juridique et linguistique, procédure de réadmission Dublin qui fait l’objet d’un refus de l’État membre saisi et décision préfectorale d’éloignement vers le pays d’origine. Le juge doit notamment apprécier si le dépôt d’une demande d’asile est l’exercice d’un droit fondamental et non une mesure d’obstruction volontaire à l’éloignement (cf. Cour Cass., 29 juin 2011, n° 10‑21431, Publié au bulletin) ou si la personne peut faire l’objet d’une mesure d’assignation à résidence (cf. Cour Cass., 24 octobre 2012, n° 11‑27956, Publié).

Il faut donc instituer une saisine spéciale du Juge des libertés et de la détention pour qu’il apprécie le bien-fondé du maintien en rétention.