Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 4127

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2016.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE
loi de finances pour 2017 (n° 4061)

TOME IX

ÉCONOMIE

INDUSTRIE

PAR M. Jean GRELLIER

Député

——

Voir les numéros : 4061 et 4125 (annexe 20).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : L’INDUSTRIE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 (PLF 2017) 7

I. UNE NÉCESSITÉ DE SÉCURISER LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX CENTRES TECHNIQUES INDUSTRIELS ET ORGANISMES ASSIMILÉS 8

II. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE POLITIQUE INDUSTRIELLE PILOTÉS PAR L’ADMINISTRATION CENTRALE 8

III. DES ACTIONS DU RÉSEAU DÉCONCENTRÉ DES DIRECCTE À RECENTRER SUR LE SOUTIEN AUX FILIÈRES INDUSTRIELLES 9

IV. LA NORMALISATION, LEVIER DE COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES 10

V. UN POINT DE VIGILANCE : LE RYTHME DE DÉCAISSEMENT DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 11

SECONDE PARTIE : L’ADAPTATION DE LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE AUX MUTATIONS DU MONDE INDUSTRIEL 11

I. LE SYSTÈME DE FORMATION DOIT PRENDRE EN COMPTE LES MUTATIONS QUE CONNAÎT LE MONDE INDUSTRIEL 12

A. L’INDUSTRIE EN MUTATION 12

1. La révolution numérique 12

2. La transition écologique et énergétique 13

B. DES NOUVEAUX DÉFIS POUR LE SYSTÈME DE FORMATION 14

1. Répondre aux nouveaux besoins des entreprises 14

2. Prendre en compte l’incertitude sur le contenu précis des métiers de demain 15

3. Réduire le délai entre l’expression du besoin de formation et l’action de formation 16

II. COMMENT ÉTABLIR UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ DES EMPLOIS DE DEMAIN ET DES COMPÉTENCES REQUISES ? 17

A. DE LA NÉCESSITÉ D’UN DIAGNOSTIC NATIONAL PARTAGÉ 17

1. Laisser aux industriels le soin de définir leurs besoins de manière stratégique et prospective 17

2. Améliorer la concertation et la coordination entre tous les acteurs 19

B. ARTICULER CE DIAGNOSTIC AVEC LES RÉALITÉS TERRITORIALES 20

III. COMMENT ADAPTER AU MIEUX LE SYSTÈME DE FORMATION AUX DÉFIS QUE DOIT RELEVER L’INDUSTRIE ? 22

A. ADAPTER LA FORMATION INITIALE AUX MUTATIONS INDUSTRIELLES ET RENFORCER L’APPRENTISSAGE 22

1. Les dispositifs existant en faveur de l’apprentissage 22

a. La prime régionale 22

b. Les exonérations de charges sociales 22

c. Le crédit d’impôt apprentissage 23

d. L’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire 23

e. L’aide « TPE jeune apprenti » 23

2. Quelques recommandations en matière d’apprentissage 23

a. Permettre une orientation pleinement éclairée et désirée vers l’apprentissage et les métiers de l’industrie 24

b. Davantage préparer et faciliter l’entrée des jeunes dans l’apprentissage 24

c. Favoriser une approche collaborative de l’apprentissage entre maîtres d’œuvre et sous-traitants 24

d. Ne pas alourdir les contraintes juridiques et administratives pesant sur les entreprises ayant recours à l’apprentissage 25

B. SOUTENIR LA MONTÉE EN GAMME DE L’INDUSTRIE PAR L’ÉLÉVATION DES COMPÉTENCES ET DES QUALIFICATIONS DES SALARIÉS EN PLACE 25

C. FACILITER LES RECONVERSIONS 26

D. RÉPONDRE AU DÉFI DES MÉTIERS EN TENSION PAR LA FORMATION DES PERSONNES ÉLOIGNÉES DE L’EMPLOI 27

EXAMEN EN COMMISSION 29

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 33

INTRODUCTION

La France a connu un indéniable phénomène de désindustrialisation, comme l’ensemble des économies développées. Ce phénomène s’est caractérisé par trois transformations concomitantes : un recul de l’emploi industriel, un recul de la contribution de ce secteur au produit intérieur brut (PIB) et une forte croissance du secteur des services marchands. Si la France a été particulièrement touchée par la désindustrialisation, il ne s’agit toutefois pas, dans le cadre de ce rapport, d’alimenter des visions et des discours déclinistes.

L’affaiblissement de l’industrie n’est pas irréversible. L’industrie a d’ailleurs récemment stoppé cette phase de déclin grâce à un contexte économique favorable du fait de taux d’intérêt bas et de prix du pétrole peu élevés. Certaines mesures, comprises notamment dans le Pacte de responsabilité, ont également contribué à l’augmentation de la production, à un début de reprise de l’investissement, à la diminution du taux de destruction d’emplois industriels et à l’augmentation du taux de marge des entreprises. Toutefois, il ne s’agit pas non plus, dans ce rapport, d’ignorer les difficultés que traverse le monde industriel.

Le redressement industriel doit demeurer une priorité nationale. L’industrie a un effet d’entraînement extrêmement important sur l’ensemble de l’économie puisque le secteur industriel assure 74 % des exportations et 80 % de la recherche et développement (R&D) privée. La France a mené depuis les états généraux de l’industrie, qui se sont tenus en 2010, une politique industrielle active qu’il faut pérenniser et adapter aux nouveaux défis.

La politique industrielle passe, notamment, par les crédits budgétaires du programme 134. Les actions couvertes par ces crédits concernent principalement le soutien aux pôles de compétitivité, l’accompagnement des filières pour favoriser leur meilleure structuration et l’anticipation des mutations économiques. En dépit des réserves qu’il expose dans ce rapport, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption du présent projet de budget de la mission Économie pour 2017.

Comme le soulignait M. Louis Gallois, ancien commissaire général à l’investissement, auditionné le 4 octobre 2016 dans le cadre du groupe de travail parlementaire sur l’industrie présidé par votre rapporteur, les deux leviers principaux qui permettront le redressement industriel de la France sont l’investissement et la formation. C’est sur ce deuxième thème que votre rapporteur a souhaité se concentrer. Le développement des compétences et des savoir-faire est crucial dans le rétablissement productif du pays. La France est en effet confrontée à un paradoxe : la difficulté à recruter dans de nombreux métiers industriels coïncide avec la persistance d’un chômage de masse. La création récente d’une section thématique « emploi et compétences » au sein du Conseil national de l’industrie (CNI) témoigne de l’importance qu’il faut accorder à la formation et à l’attractivité des métiers du secteur industriel.

PREMIÈRE PARTIE :
L’INDUSTRIE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2017 (PLF 2017)

L’action n° 3 du programme 134 regroupe les financements d’actions de soutien à la politique industrielle. Elle se caractérise par la prédominance des crédits affectés à des dépenses d’intervention, ce qui justifie des évolutions assez marquées d’un budget à l’autre.

La forte augmentation des crédits de paiement (CP) dans le PLF 2017 par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2016 s’explique par un changement de périmètre du programme 134. Les mesures en faveur des entreprises électro-intensives affectées par le prix du carbone, prises en application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, sont désormais mises en œuvre par la direction générale des entreprises (DGE), dans le cadre de la politique de soutien à la compétitivité des entreprises. Cela se traduit par un transfert entrant de 116,7 M€ en autorisations d’engagement (AE) et en CP en provenance du programme 345 « Service public de l’énergie » du ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer (MEEM).

ÉVOLUTION DES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE L’ACTION N°3 DU PROGRAMME 134

(En millions d’euros)

 

CP votés en LFI pour 2016

CP prévus en PLF 2017

Dépenses de fonctionnement

4,7

4,5

Dépenses d’intervention :

56,5

167,4

– Dont, contributions aux organismes internationaux

2,76

3,15

– Dont, comité français d’accréditation

0,2

0,18

– Dont, association française de normalisation - AFNOR

8,88

9

– Dont, centres techniques industriels

17,01

15,1

– Dont, Agence France Entrepreneur

3,99

3,2

- Dont, politiques industrielles

23,6

(dont 5,3 pour les actions mises en œuvre en centrale et 18,31 par les Direccte*)

20,1

(dont 4,4 pour les actions mises en œuvre en centrale et 15,7 par les Direccte*)

– Dont, compensation carbone des sites très électro-intensifs

 

116,7

Source : PLF 2017 et réponses aux questionnaires budgétaires

* Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

I. UNE NÉCESSITÉ DE SÉCURISER LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX CENTRES TECHNIQUES INDUSTRIELS ET ORGANISMES ASSIMILÉS

Votre rapporteur regrette la baisse de 11 % des crédits consacrés aux centres techniques industriels, comités professionnels de développement économique et organismes assimilés.

Créés par la loi n° 48-1228 du 22 juillet 1948, les centres techniques industriels (CTI) sont des établissements d’utilité publique qui exercent diverses missions de développement économique et technique au service des entreprises d’une filière. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de la recherche, les CTI « ont pour objet de promouvoir le progrès des techniques, de participer à l’amélioration du rendement et à la garantie de qualité dans l’industrie ». Il existe aujourd’hui 11 CTI relevant du ministre chargé de l’industrie et donc de la mission « Économie ». Ils emploient au total 3 200 collaborateurs et œuvrent dans des secteurs d’activités divers, caractérisés par un tissu de nombreuses PME.

Les comités professionnels de développement économique (CPDE) ont été créés par la loi n° 78-654 du 22 juin 1978. Initialement distincts des CTI et centrés sur des missions de compétitivité et d’adaptation au marché, les CPDE ont vu leurs missions considérablement élargies par la loi en 2004 et en 2007. Ils exercent aujourd’hui tout type d’action en faveur de leur secteur.

La baisse des crédits consacrés aux CTI et CPDE dans le PLF 2017 montre bien que le financement de ces organismes dépend excessivement des équilibres du budget général de l’État.

Afin de compenser ces baisses de crédits, votre rapporteur estime nécessaire de reconduire les taxes affectées existantes en supprimant leur plafonnement ou, du moins, en ajustant ce plafonnement, taxe par taxe. Trois amendements, déposés par M. Jean-Louis Gagnaire et votre rapporteur, ont été adoptés en commission des finances à ce sujet. Ils visent à rétablir le plafond des taxes affectées à trois CPDE (Codifab, Defi et Franceclat) à leurs niveaux de 2012, en cohérence avec le budget réel de ces organismes et avec la stratégie du Gouvernement sur la Nouvelle France industrielle.

II. UNE DIMINUTION DES CRÉDITS DE POLITIQUE INDUSTRIELLE PILOTÉS PAR L’ADMINISTRATION CENTRALE

Les crédits de politique industrielle pilotés par l’administration centrale ont fortement diminué par rapport à la loi de finances initiale pour 2016 (- 17 %). Ceci est dû à un recentrement de la politique industrielle vers les opérateurs de l’État, notamment le Commissariat général à l’investissement (CGI), qui pilote les programmes des investissements d’avenir, BPIfrance ou encore Business France. Plus généralement, la diminution successive des crédits accordés à l’accompagnement de la politique industrielle s’inscrit dans la démarche de réduction du déficit de l’État.

Votre rapporteur regrette cette baisse de crédits et réaffirme que les dépenses d’intervention accordées au titre de la politique industrielle ont un effet de levier important sur l’appareil productif et sur l’emploi, qui compense largement ces dépenses.

Les actions pilotées et mises en œuvre par l’administration centrale soutiennent, sur des thèmes correspondant aux priorités des ministres, des opérations initiées par les filières professionnelles pour faire face à des enjeux de compétitivité, principalement sous forme d’appels à projets en faveur des petites et moyennes entreprises. Le ministère de l’économie et des finances prévoit de poursuivre, en 2017, les actions de politique industrielle suivantes :

– le programme « Industrie du futur », auquel votre rapporteur est particulièrement attaché ;

– le financement de la deuxième année de la première promotion du programme « Accélérateur de PME » mis en œuvre par la DGE en 2015 ;

–  le lancement d’un second concours de robotique sur le thème des drones aériens civils à usage professionnel ;

– le financement des derniers projets sélectionnés dans le cadre de l’appel à projets « partenariats technologiques européens » lancé en 2014, dont l’objectif est d’améliorer l’accès des PME implantées dans des pôles de compétitivité aux financements européens ;

– le financement de plusieurs actions visant à diffuser le design dans l’économie et à mettre en valeur l’excellence du design français.

III. DES ACTIONS DU RÉSEAU DÉCONCENTRÉ DES DIRECCTE À RECENTRER SUR LE SOUTIEN AUX FILIÈRES INDUSTRIELLES

Les crédits consacrés aux actions collectives pilotées par les services déconcentrés de l’État, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dirrecte) ont fortement diminué
(- 14 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Cette baisse s’explique essentiellement par l’achèvement du financement de la génération 2007-2013 des contrats de plan État-régions (CPER). Le niveau de CP destiné à apurer les restes à payer des CPER 2007-2013 est limité à 0,74  millions d’euros (M€) en PLF 2017 alors qu’il était de 4,31 M€ en LFI 2016. Aucun crédit du programme 134 ne sera contractualisé pour la nouvelle génération de contrat de plan. Le dialogue stratégique s’appuiera sur les solutions de la Nouvelle France industrielle, les contrats de filières, les stratégies régionales et sur les crédits du programme d’investissements d’avenir consacrés à l’Industrie du futur.

Les actions couvertes par ces crédits concernent principalement le soutien aux pôles de compétitivité, l’accompagnement des filières pour favoriser leur meilleure structuration locale et l’anticipation des mutations économiques. Votre rapporteur insiste sur l’importance d’aider les entreprises à anticiper les diverses mutations économiques en leur proposant des évolutions pertinentes de reconversion et d’adaptation aux nouvelles données des marchés. La seconde partie du présent rapport se concentre, à cet égard, sur la manière dont le système de formation doit s’adapter pour accompagner les mutations que connaît le monde industriel.

Votre rapporteur note qu’aucun financement déconcentré ciblé sur le soutien aux filières industrielles n’a été mis en place en 2016 par le réseau des Dirrecte. Un tel financement pourrait toutefois être utile pour l’accompagnement local des grandes filières porteuses d’emplois, le renforcement des collaborations interentreprises, la diffusion des bonnes pratiques auprès des PME ainsi que le soutien au déploiement des technologies du numérique au sein des entreprises.

IV. LA NORMALISATION, LEVIER DE COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES

L’Association française de normalisation (AFNOR) a été créée en 1926. Depuis sa fusion avec l’Association française pour l’assurance de la qualité en 2004, elle fait partie du groupe AFNOR, qui est organisé autour de 4 grands domaines de compétences : la normalisation, la certification, l’édition et la formation.

Le BIPE, société indépendante d’études économiques et de conseil en stratégie auprès des entreprises privées et des pouvoirs publics, a publié en février 2016 une étude intitulée « Étude de l’impact économique de la normalisation » (1) soulignant 3 effets positifs des normes :

– un impact déterminant sur la croissance des entreprises : une entreprise inscrite dans un processus de normalisation volontaire bénéficie statistiquement d’une augmentation de son chiffre d’affaires annuel supérieure de 20 % à la moyenne. Les normes engendrent une plus grande confiance des consommateurs dans les produits et services ;

– un levier productif important : l’apport annuel de l’utilisation des normes volontaires à la production est estimé à 15 milliards d’euros (Md€) ;

– un atout pour l’internationalisation : le surcroît de chiffre d’affaires à l’export observé dans les entreprises acheteuses de normes ou parties prenantes des commissions de normalisation est de 19 %. Les normes volontaires facilitent l’interopérabilité entre acteurs proposant différents produits et services.

Pour permettre à l’AFNOR de mener à bien sa mission d’intérêt général, le ministère chargé de l’industrie contribue au financement de l’association. Le PLF 2017 prévoit une subvention de 9 000 000 €, soit en légère hausse par rapport à celle de 8 800 000 € prévue en LFI 2016.

V. UN POINT DE VIGILANCE : LE RYTHME DE DÉCAISSEMENT DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Votre rapporteur se félicite du lancement du troisième programme d’investissement d’avenir (PIA) d’un montant de 10 Md€, décaissé au profit des bénéficiaires finaux sur une durée de 10 ans. Alors que l’action des PIA 1 et 2 était organisée autour de secteurs économiques, celle du PIA 3 se structure de l’amont vers l’aval de la chaîne de valeur.

Toutefois, votre rapporteur regrette que les décaissements du programme d’investissements d’avenir soient réduits de 1,2 Md€ dans le PLF 2017 par rapport à la prévision du programme de stabilité. Si cette nouvelle trajectoire est en légère progression par rapport à 2016, un rythme de décaissement plus important est souhaitable. Comme le montre le rapport de France Stratégie (2), le PIA parvient, en effet, à susciter une dynamique au-delà des seuls fonds publics. Diminuer les décaissements conduit à restreindre cet effet levier sur les fonds privés et sur les financements des collectivités territoriales.

SECONDE PARTIE :
L’ADAPTATION DE LA FORMATION INITIALE ET CONTINUE AUX MUTATIONS DU MONDE INDUSTRIEL

Faire face aux mutations industrielles est un défi majeur du XXIe siècle. Ces mutations, tant sociétales, économiques, technologiques qu’organisationnelles touchent tous les secteurs industriels. Certains métiers disparaissent, tandis que d’autres voient le jour. Au-delà de ce mouvement de création et de destruction d’emplois, ce sont les contenus mêmes des métiers industriels qui sont amenés à se transformer. Ces mutations doivent être anticipées au mieux et prises en compte dans le système de formation, tant initiale que continue.

La formation est un sujet sur lequel il est nécessaire de se pencher. La coexistence de difficultés de recrutement, voire de pénuries de main-d’œuvre et d’un chômage élevé pose des défis importants, à la fois en termes de compétitivité de long terme de l’industrie et de cohésion sociale. Le système de formation peut et doit s’adapter aux mutations que connaît le monde industriel.

I. LE SYSTÈME DE FORMATION DOIT PRENDRE EN COMPTE LES MUTATIONS QUE CONNAÎT LE MONDE INDUSTRIEL

Les mutations du monde industriel sont principalement engendrées par la révolution numérique et la transition énergétique et écologique. Les effets de ces mutations sur les métiers industriels ne sont pas connus avec certitude. Cela ne doit toutefois pas conduire à adopter une posture attentiste : le système de formation doit dès aujourd’hui apprendre à s’adapter au mieux à ces évolutions.

A. L’INDUSTRIE EN MUTATION

Le monde industriel a connu une évolution constante. Aujourd’hui, certains auteurs vont jusqu’à qualifier les mutations technologiques et écologiques de nouvelle révolution industrielle, succédant ainsi à la révolution industrielle engagée au XVIIIe siècle en Angleterre, centrée sur la machine à vapeur et la mécanisation de la production textile, à celle fondée sur le pétrole et l’utilisation de l’électricité au XIXe siècle, puis à celle basée sur la production en série au XXe siècle.

1. La révolution numérique

Une des principales mutations que connaît le monde industriel est due à la révolution numérique qui, en raison du développement du big data, des imprimantes 3D, de la « cobotique » (c’est-à-dire de la robotique collaborative), et de l’apparition d’usines connectées, a des conséquences tant dans le champ de la production que dans ceux de l’ingénierie, de la conception, de la logistique, du commerce et du management.

Les effets de cette révolution numérique sur les métiers industriels ne sont pas connus avec certitude.

Selon certains auteurs, la révolution numérique a pour conséquence une forte automatisation des métiers industriels. D’après une étude du Roland Berger Institute (3), la moitié des 185 métiers industriels recensés à cette occasion auront une très forte probabilité d’être automatisés d’ici les 20 prochaines années. La disparition de ces métiers industriels irait de pair avec l’apparition ou le développement de nouveaux métiers, comme celui de statisticien de maintenance prédictive, de formateur de cobots, de cyber-testeur (tests de produits par simulation) ou de paramétreur de systèmes de contrôles.

Votre rapporteur insiste sur l’importance de ne pas raisonner uniquement en termes de création et de disparition d’emplois mais bien en termes d’évolution du contenu des métiers. Selon le rapport final du groupe de travail allemand Industrie 4.0 (4), deux grandes tendances auraient un impact important sur les tâches et les compétences. Le processus de production classique très segmenté serait, d’une part, inséré dans une organisation plus complexe, enrichie en termes de fonctions de décision, de coordination, de contrôle et de services attachés. D’autre part, un nouveau besoin, consistant à organiser les interactions entre les machines réelles et virtuelles, apparaîtrait.

En France, le projet « Osons l’industrie » a été lancé en mars 2016 à l’initiative du Conseil national de l’industrie et de l’Alliance Industrie du futur afin de réfléchir aux emplois de demain et de créer un portail internet pour informer les élèves et leurs familles sur les métiers, les formations et les besoins de recrutement. Programmé sur dix-huit mois, le projet est aujourd’hui dans une phase devant permettre de construire de nouvelles offres de formation.

2. La transition écologique et énergétique

L’industrie doit également s’adapter à la transition écologique et énergétique. Comme le souligne le rapport de BPIFrance « Croître avec la révolution écologique » (5), ses effets sur l’industrie sont majeurs.

Certaines industries peuvent se retrouver fragilisées par les nouvelles règles liées à la transition écologique, qu’il s’agisse des hausses de la fiscalité énergétique, de l’élaboration de réglementations thermiques relativement strictes ou encore de la mise en place de systèmes de bonus-malus. France Stratégie (6) estime que les industries intensives en énergie (industries chimiques, raffineries, métallurgie, bois et papier, ciment) perdraient près de 60 000 emplois sur dix ans, mais que le déclin de leurs effectifs serait comparable à celui de l’ensemble de l’emploi industriel.

D’autres industries peuvent, au contraire chercher à tirer parti de cette transition écologique et s’orienter vers les éco-activités c’est-à-dire des activités visant, notamment, la sobriété énergétique, la réduction de la pollution de l’air, de l’eau et des sols ou la décarbonation de l’énergie. La France possède une industrie manufacturière et de services dans le domaine des éco-activités qui emploie à ce jour 442 000 salariés. Parmi les 9 solutions industrielles qui bénéficient d’un accompagnement renforcé de l’État, 5 concernent particulièrement la transition énergétique : la solution « nouvelles ressources » (de nouveaux matériaux biosourcés et recyclés pour toutes les industries), la solution « ville durable » ( la ville économe de ses ressources, du producteur au consommateur), la solution « mobilité écologique » (une mobilité moins chère, plus libre, plus respectueuse de l’environnement et plus sûre au quotidien), la solution « transports de demain » (un transport des personnes et des marchandises plus écologique et plus compétitif ), ainsi que la solution « alimentation intelligente » (une alimentation sûre, saine, durable et exportable).

Votre rapporteur insiste, ici encore, sur la nécessité ne pas raisonner uniquement en termes de création et de destruction d’emplois mais de compétences. Selon le rapport du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) (7), si la transition écologique ne génère qu’à la marge de nouveaux métiers, elle engendre, en revanche, des évolutions de compétences à différents niveaux :

– pour plusieurs filières, elle modifie le « cœur de métier technique » ;

– elle sensibilise l’ensemble des salariés à la nécessité d’intégrer dans leurs gestes professionnels des exigences associées au développement durable (précision, traçabilité, gestion de la complexité…) ;

– elle génère des besoins accrus de coordination entre métiers et entre filières ;

– elle fait appel à de nouvelles compétences liées aux services associés aux nouveaux usages ;

– elle suppose un renforcement des compétences stratégiques dans les TPE et PME.

B. DES NOUVEAUX DÉFIS POUR LE SYSTÈME DE FORMATION

Les mutations que connaît le monde industriel doivent être anticipées au mieux et prises en compte dans le système de formation, tant initiale que continue. L’appareil de formation se doit non seulement de proposer des parcours répondant aux mutations constatées, mais également d’être innovant dans les outils pédagogiques mis en œuvre, afin d’être en phase avec les contraintes que connaissent les entreprises.

1. Répondre aux nouveaux besoins des entreprises

Les métiers industriels sont parmi ceux pour lesquels la proportion de recrutements jugés difficiles est la plus élevée. Une entreprise qui a des postes à pourvoir mais ne parvient pas, ou difficilement, à recruter est considérée en « difficulté de recrutement ». Les recrutements dits « difficiles » peuvent néanmoins aboutir et ne doivent pas être confondus avec les offres non pourvues.

Le manque de qualification des candidats est souvent mis en avant par les industriels qui n’arrivent pas à recruter. Il est probable que les difficultés de recrutement dans l’industrie n’iront qu’en s’accentuant si le système de formation ne s’adapte pas aux mutations que traverse l’industrie.

PART DE RECRUTEMENTS DIFFICILES EN 2016 DANS L’INDUSTRIE

Secteur

Projets de recrutement

Difficultés à recruter

Industrie agroalimentaire

53 262

31,3 %

Métallurgie et produits métalliques

15 502

52,0 %

Industries extractives, énergie et gestion des déchets

15 078

25,8 %

Autres industries manufacturières

13 950

47,7 %

Équipement électrique, électronique, informatique et machines

12 828

39,6 %

Matériel de transport

9 266

27,7 %

Caoutchouc, plastique et minéraux non métalliques

8 431

29,3 %

Industrie chimique, pharmaceutique et raffinage

7 385

27,5 %

Travail du bois, papier et imprimerie

5 711

38,1 %

Textile, habillement, cuir, chaussure

5 131

36,6 %

Total

146 543

35,1 %

Source : à partir des données de Pôle emploi

Votre rapporteur tient à souligner que le manque ou l’inadéquation des qualifications n’est pas le seul facteur expliquant les difficultés à recruter. La faible attractivité de certains métiers industriels ou la difficile mobilité des candidats jouent également un rôle important.

2. Prendre en compte l’incertitude sur le contenu précis des métiers de demain

Les mutations que traverse l’industrie provoquent une incertitude très forte sur la nature même des métiers industriels de demain et des compétences qui seront nécessaires.

Il existe certes des travaux sur les métiers qui seront ceux de demain mais les incertitudes entourant ces projections sont nombreuses. Selon France Stratégie (8), les industries de très haute technologie (aéronautique, pharmacie) ou celles relativement abritées de la concurrence internationale (agroalimentaire) seraient les seules à connaître une évolution positive de l’emploi et à conquérir de nouveaux marchés.


CRÉATIONS ET DESTRUCTIONS D’EMPLOIS PAR SECTEUR ENTRE 2012 ET 2022

en France en milliers d’équivalent temps plein (ETP)


Source : France Stratégie

Cette imprévisibilité nécessite d’adapter le système de formation. Ce dernier gagnerait peut-être à promouvoir davantage des compétences transversales et transférables. Cela permettrait de sécuriser les parcours professionnels et de faciliter les transitions entre les secteurs qui rencontrent des difficultés et ceux qui sont en recherche de compétences que l’on peut trouver dans les autres secteurs.

3. Réduire le délai entre l’expression du besoin de formation et l’action de formation

Les mutations que traverse l’industrie n’ont pas uniquement pour conséquence de modifier le contenu des formations, initiale et continue, mais également les modalités de ces formations. Le système de formation, dans sa configuration actuelle, a parfois du mal à répondre à la constante évolution du contenu des métiers. Il serait utile de pouvoir réduire le délai entre l’expression du besoin de formation et l’action de formation.

Étant donné l’accélération de l’évolution des compétences jugées indispensables, le digital learning gagnerait à être davantage utilisé au sein de l’entreprise. Ce dernier regroupe 3 grandes familles de modalités pédagogiques :

1° La formation traditionnelle au sein de l’entreprise ;

2° La formation à distance, dite « asynchrone », où la personne formée effectue sa formation indépendamment de la présence du formateur, grâce notamment au e-learning ;

3° La formation à distance, dite « synchrone », où la personne formée est en contact en temps réel avec son formateur via des outils de communication telle que la visioconférence ou le tchat.

II. COMMENT ÉTABLIR UN DIAGNOSTIC PARTAGÉ DES EMPLOIS DE DEMAIN ET DES COMPÉTENCES REQUISES ?

Seul un système de formation adapté aux mutations du monde industriel constitue un réel levier de redressement industriel. Avant même de s’interroger sur les modalités d’adaptation de la formation initiale et continue, tous les acteurs estiment qu’il est nécessaire d’établir un diagnostic partagé sur les métiers de demain et les compétences qui seront requises. L’élaboration de ce diagnostic est une étape indispensable mais relativement complexe, certaines filières ayant du mal à cerner leurs besoins qui, du reste, peuvent différer entre les grands groupes et les PME.

La question principale, posée également par le Conseil national de l’industrie, est la suivante: comment permettre aux différents acteurs de produire des visions prospectives répondant à leurs propres besoins tout en dégageant une représentation partagée de l’avenir ?

A. DE LA NÉCESSITÉ D’UN DIAGNOSTIC NATIONAL PARTAGÉ

Il s’agit d’enclencher un processus permettant la prise en compte par le système éducatif et les branches professionnelles de l’expression des besoins des industriels.

1. Laisser aux industriels le soin de définir leurs besoins de manière stratégique et prospective

Tout diagnostic partagé doit se fonder sur une évaluation des besoins réalisée par les industriels eux-mêmes afin d’éviter l’inadéquation entre les formations proposées et les besoins des entreprises.

Les travaux réalisés par de nombreuses instances nationales sur l’évolution des métiers, des emplois et des formations sont très utiles. Votre rapporteur souhaite toutefois insister sur l’importance de laisser aux industriels le soin de définir leurs besoins de manière stratégique et prospective, sur le court, moyen et long termes. Deux instances ont un rôle particulier dans cette définition des besoins.

Au niveau des branches professionnelles, les observatoires prospectifs des métiers et des qualifications produisent des outils particulièrement utiles. La loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social a impulsé leur mise en place dans chaque branche professionnelle. Ils ont trois fonctions ; celle d’observer les besoins en emplois, compétences et formes, celle d’anticiper et de favoriser le changement et celle de communiquer les résultats, de faciliter les échanges et les partenariats. Votre rapporteur souligne l’importance d’améliorer la visibilité de leurs travaux et d’accroître la synergie entre observatoires afin de mutualiser au mieux les résultats, les outils et les méthodes.

Ce diagnostic se réalise également au niveau des filières, désignant l’ensemble des activités complémentaires qui concourent, d’amont en aval, à la réalisation d’un produit fini et intégrant, en général, plusieurs branches. Votre rapporteur souligne à cet égard le rôle important que pourront jouer les « visions prospectives partagées emplois et compétences » (VPPEC) dont le Conseil national de l’industrie recommande la mise en place (9). Il existe aujourd’hui une expérimentation de VPPEC pour la filière du numérique dont il devrait être possible de tirer des enseignements d’ici la fin de l’année 2016.

Les VPPEC auront le mérite de partir des réalités et des stratégies industrielles et non des simulations de scénarios macro-économiques. Elles permettront de créer des références communes appropriables par l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse des PME ou des grands groupes industriels. Les entreprises « têtes de filière » ont, en effet, la responsabilité de dessiner et d’informer l’ensemble des entreprises de la filière sur les grandes tendances qui structurent l’évolution des métiers et des emplois à moyen-terme.

Il pourra être également intéressant de croiser les VPPEC des différentes filières pour établir une vision consolidée des besoins en formation initiale et définir des socles de compétences communs à plusieurs filières.

Alors que des engagements avaient été pris par le Gouvernement pour engager des moyens d’accompagnement humains, matériels et financiers et ainsi faciliter la mise en place des VPPEC dans les différentes filières, aucune ressource supplémentaire n’a pourtant été accordée. Votre rapporteur souligne l’importance pour le Gouvernement de respecter ses engagements dans ce domaine.

2. Améliorer la concertation et la coordination entre tous les acteurs

Une fois les besoins des entreprises en termes de compétences définis, ces derniers doivent connaître une traduction opérationnelle en termes d’offre de formation. Il s’agit alors d’initier un processus permettant la prise en compte par le système éducatif et les branches professionnelles de l’expression des besoins des industriels.

Les liens actuels existant entre le ministère de l’éducation nationale, les autres ministères certificateurs, la direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et le monde de l’industrie ne suffisent pas toujours à produire un diagnostic commun sur les formations aux métiers industriels à mettre en place. Pourtant, les instances de concertation sont relativement nombreuses.

Les instances de concertation sur la formation aux métiers industriels

Les commissions consultatives paritaires sont des instances placées auprès du ministre de l’éducation nationale où siègent employeurs, salariés, pouvoirs publics et personnalités qualifiées. Elles formulent des avis sur la création, l’actualisation ou la suppression des diplômes professionnels, du certificat d’aptitude professionnelle (CAP) au brevet de technicien supérieur (BTS). Il en existe 14, organisées par grands secteurs professionnels.

Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Cnefop) a pour mission d’organiser, au niveau national, la concertation, le suivi, la coordination, et l’évaluation des politiques de l’emploi de la formation professionnelle initiale et continue et de l’orientation tout au long de la vie. Il rassemble des représentants de l’État, des régions et des départements, des partenaires sociaux, des réseaux consulaires, des principaux opérateurs de l’emploi, de la formation et de l’orientation, ainsi qu’une personnalité qualifiée.

Le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation professionnelle (Copanef) est composé de 10 représentants des organisations professionnelles d’employeurs et de 10 représentants des organisations syndicales de salariés, représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il a notamment pour mission d’élaborer, après concertation avec les organisations professionnelles d’employeurs et après consultation du Cnefop, la liste des formations éligibles au compte personnel de formation (CPF) au niveau national et interprofessionnel.

Votre rapporteur note que certains progrès ont eu lieu en termes de concertation et de coordination. Les travaux publiés et les données produites par le Conseil national de l’industrie sont dorénavant mieux connus de l’éducation nationale et de la DGEFP. Il faut désormais que l’appropriation des travaux du CNI par les différents ministères se traduise en termes opérationnels.

Il est indispensable de mettre en place un dialogue régulier entre les comités de filière et les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, les autres ministères certificateurs et la DGEFP. Votre rapporteur est favorable à l’introduction d’un volet formation initiale et continue dans les contrats de filière, qui soit, par exemple, co-signé par le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

Le travail en amont des commissions consultatives paritaires mériterait également d’être renforcé. Votre rapporteur insiste sur l’importance de la mise en œuvre de la 3e recommandation de l’avis du Conseil national de l’industrie (10). Il est nécessaire d’organiser un dialogue entre les branches industrielles et les comités stratégiques de filières en amont des réunions des commissions professionnelles consultatives ou instances équivalentes pour permettre à ces acteurs de contribuer davantage à la définition du contenu des diplômes.

B. ARTICULER CE DIAGNOSTIC AVEC LES RÉALITÉS TERRITORIALES

Parvenir à un diagnostic partagé au niveau national est indispensable mais il est tout aussi nécessaire d’articuler ce diagnostic avec les réalités territoriales, non pas seulement au niveau régional mais également au niveau des bassins d’emploi. Une plus grande adéquation de la formation avec les besoins locaux permet de favoriser l’emploi, de conforter l’ancrage territorial des filières industrielles et de soutenir le tissu des PME et ETI industrielles.

Afin d’adapter au mieux ce diagnostic partagé au niveau des territoires, divers outils et dispositifs existent et mériteraient d’être renforcés.

Les campus des métiers regroupent des acteurs de la formation professionnelle autour d’une filière économique sur un territoire. L’objectif est de créer des synergies entre des lycées professionnels et polyvalents, des centres de formation des apprentis, des organismes de formation, des établissements d’enseignement supérieur, des laboratoires de recherche ainsi que des entreprises. Les filières industrielles mériteraient d’être davantage représentées au sein de ces campus qui peuvent jouer un rôle important dans la revalorisation de l’image de l’industrie. Il serait bon de valoriser les démarches engagées par les campus en mutualisant les expériences et en organisant une réunion nationale de l’ensemble des campus des métiers et des qualifications.

Les régions sont les acteurs pilotes de la politique publique de formation professionnelle, d’orientation et d’apprentissage. Elles ont la responsabilité de la politique de formation professionnelle de tous les publics, en dehors de la formation professionnelle initiale, compétence de l’État et de celle des salariés dont la responsabilité de la formation relève des partenaires sociaux. Pour cela, elles élaborent un « contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles » et adoptent une « carte régionale des formations professionnelles ». Votre rapporteur insiste sur la nécessité pour les régions de prendre en compte les bassins d’emplois et d’organiser une concertation des différents acteurs présents sur le territoire (services de l’État, partenaires sociaux, organismes en charge de l’emploi, pôles de compétitivité …). Le rôle du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CREFOP) qui assure la coordination entre les acteurs des politiques d’orientation, de formation professionnelle et d’emploi et la cohérence des programmes de formation dans la région est essentiel.

Raisonner en termes de bassin d’emplois ne veut pas pour autant dire ignorer toute interaction avec les autres territoires. À cet égard, votre rapporteur souligne l’importance d’une coordination entre régions ou bassins d’emploi. Le développement ou le maintien de l’offre de formation est souvent soumis à des enjeux de volume de stagiaires, d’investissements et d’équipements, tout particulièrement dans l’industrie. Il est indispensable de pouvoir élargir le recrutement au-delà des frontières du bassin d’emploi ou de la région, notamment pour les métiers jugés peu attractifs pour les stagiaires. Votre rapporteur reprend ainsi à son compte une proposition du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) intitulé « Les besoins de formation non satisfaits au regard des besoins de l’économie » (11). Le CNEFOP pourrait porter une attention particulière aux formations ou certifications pour lesquelles la baisse de l’offre de formation conduit à un seuil critique (moins de 2 sessions de formations sur le territoire, par exemple). Il serait chargé d’évaluer si ces formations « en danger » représentent ou non un enjeu stratégique et s’il est nécessaire de les faire subsister.


COÛT MOYEN DES PLATEAUX TECHNIQUES PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ

Source : « Les besoins de formation non satisfaits au regard des besoins de l’économie », IGAS, juillet 2015

III. COMMENT ADAPTER AU MIEUX LE SYSTÈME DE FORMATION AUX DÉFIS QUE DOIT RELEVER L’INDUSTRIE ?

Une fois le diagnostic établi et les instances de concertation et de coordination renforcées, se pose la question des modalités mêmes de l’adaptation du système de formation aux mutations industrielles. Quatre leviers peuvent être distingués pour faire de la formation un levier de compétitivité et de cohésion sociale : favoriser le recours à l’apprentissage, faciliter la montée en compétences des salariés, aider aux reconversions et mieux former les personnes éloignées de l’emploi.

A. ADAPTER LA FORMATION INITIALE AUX MUTATIONS INDUSTRIELLES ET RENFORCER L’APPRENTISSAGE

Si l’ensemble du système de formation initiale mériterait d’être davantage adapté aux mutations industrielles, votre rapporteur souhaite concentrer son intervention sur la nécessité de renforcer le recours à l’apprentissage.

1. Les dispositifs existant en faveur de l’apprentissage

Il existe d’ores et déjà un nombre relativement important de dispositifs facilitant l’apprentissage. S’ils ont une certaine efficacité, ils ne sont toutefois pas toujours suffisants ou bien adaptés à la réalité du monde industriel.

a. La prime régionale

Le Gouvernement a remplacé, au 1er janvier 2014, l’indemnité compensatrice forfaitaire par une prime régionale à l’apprentissage de 1 000 euros pour les entreprises de moins de 11 salariés, qui représentent près de 60 % des employeurs d’apprentis. Les régions ont toujours la possibilité d’accorder un régime d’aide plus large à toutes les entreprises, en fonction des besoins des territoires et des filières prioritaires.

b. Les exonérations de charges sociales

Les exonérations de charges sociales varient selon l’effectif de l’entreprise au 31 décembre de la date de conclusion du contrat et s’appliquent jusqu’à la fin du contrat ou de la période d’apprentissage.

Pour les entreprises de moins de 11 salariés, qu’elles soient dans le secteur de l’industrie ou dans tout autre secteur, l’État prend en charge l’ensemble des cotisations sociales patronales et salariales d’origine légale et conventionnelle. Seules sont dues les cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Pour les entreprises de plus de 10 salariés, seules sont exonérées les cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Les cotisations sociales restent dues pour les entreprises de plus de 10 salariés.

c. Le crédit d’impôt apprentissage

Depuis le 1er janvier 2014, le bénéfice de ce crédit d’impôt est de 1 600 euros par apprenti. Ce montant peut être de 2 200 euros dans certains cas, notamment pour les travailleurs handicapés, ceux employés par une entreprise du patrimoine vivant ou encore ceux embauchés à l’issue d’un contrat de volontariat par l’insertion. Ce crédit est concentré sur les seuls apprentis préparant un diplôme d’un niveau inférieur ou égal au BAC + 2 et est limité à la première année du cycle de formation.

d. L’aide au recrutement d’un apprenti supplémentaire

L’article 123 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 institue une aide de 1 000 euros pour toute entreprise, dans le secteur industriel ou dans tout autre secteur, de moins de 250 salariés pour le recrutement d’un apprenti supplémentaire.

e. L’aide « TPE jeune apprenti »

Cette aide, cumulable avec les autres dispositifs de primes et d’aides existantes pour les entreprises de moins de 11 salariés, consiste en une aide forfaitaire de l’État d’un montant maximum de 4 400 euros pour la première année du contrat d’apprentissage signé par un mineur employé par une entreprise de moins de 11 salariés.

2. Quelques recommandations en matière d’apprentissage

Ces dispositifs ont permis de stabiliser voire d’augmenter le nombre d’apprentis dans l’industrie. D’après la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) (12), les embauches d’apprentis ont augmenté de 2 % entre 2015 et 2016 dans les secteurs de l’industrie. Les embauches sont tirées par les secteurs de l’agroalimentaire (+ 5 %) et de la fabrication de matériels de transport (+ 4 %). Seul 13 % des apprentis des spécialités de l’industrie et de la construction sont des femmes.

Toutefois, l’apprentissage gagnerait à être davantage développé dans l’industrie. L’apprentissage est un choix de sécurité et de qualité de parcours pour les jeunes comme pour les entreprises ainsi qu’une voie d’accès privilégiée à la qualification et à l’insertion professionnelle durable. Le développement de l’apprentissage est également un moyen de s’adapter aux mutations que connaît le monde industriel.

a. Permettre une orientation pleinement éclairée et désirée vers l’apprentissage et les métiers de l’industrie

L’apprentissage aux niveaux V et IV, principalement effectué en centre de formation des apprentis (CFA), souffre de sa mise en concurrence implicite avec l’enseignement professionnel scolaire dispensé en lycée professionnel (LP). L’élève en lycée professionnel est élève de l’éducation nationale, assiste à des cours de septembre à juin, et doit réaliser quelques périodes ponctuelles de stage. En CFA, en revanche, l’élève alterne période de cours et période de travail en entreprise.

Votre rapporteur insiste sur l’importance de ne pas considérer l’apprentissage comme une voie « par défaut ». Il faut donc améliorer l’image que peut avoir l’apprentissage dans notre pays. Afin de changer le regard des élèves, de leurs parents, du corps enseignant et des conseillers d’orientation, il serait sans doute bon d’ouvrir la possibilité de réaliser le stage obligatoire de 3ème en CFA.

b. Davantage préparer et faciliter l’entrée des jeunes dans l’apprentissage

Afin de renforcer l’adéquation entre la formation de l’apprenti et le besoin de l’entreprise, il pourrait être intéressant, au-delà des réflexions sur le contenu même des formations d’apprentis, de s’interroger sur les manières de faciliter la rencontre entre l’apprenti et l’entreprise qui lui convient le mieux.

Votre rapporteur reprend à son compte une proposition du Cercle de l’industrie (13) et recommande de rendre obligatoire la centralisation des offres de contrats en apprentissage et de stages conventionnés sur le portail numérique public de l’alternance www.alternance.emploi.gouv.fr et de valoriser davantage ce portail auprès des CFA, des jeunes et de leurs parents.

c. Favoriser une approche collaborative de l’apprentissage entre maîtres d’œuvre et sous-traitants

Certaines initiatives méritent d’être connues et généralisées. Le comité stratégique de la filière aéronautique a mis en place un parcours partagé d’apprentis dans lequel les grandes entreprises du secteur s’engagent à co-former des apprentis avec d’autres entreprises (fournisseurs, PME, clients) dans une logique de solidarité et de coopération au sein de la filière.

L’objectif est d’encourager l’emploi de jeunes qualifiés dans toutes les PME et entreprises du secteur sur des métiers en tension, de favoriser une approche collaborative entre maîtres d’oeuvre et sous-traitants sur les besoins en compétences et de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes dans la filière.

d. Ne pas alourdir les contraintes juridiques et administratives pesant sur les entreprises ayant recours à l’apprentissage

Votre rapporteur insiste sur l’importance de ne pas alourdir inutilement les contraintes pesant sur les entreprises ayant recours à l’apprentissage.

Or, au cours des auditions menées par votre rapporteur a été évoqué un projet de texte gouvernemental consistant à comptabiliser les apprentis dans les seuils d’effectifs. Pour un même nombre de salariés non apprentis, les entreprises ayant recours à l’apprentissage franchiraient plus rapidement les seuils portant sur l’effectif salarié que les autres. Votre rapporteur se prononce contre un tel projet car l’accumulation de réglementations au franchissement de ces seuils est un frein important à la croissance de ces entreprises qui ont pourtant le mérite de permettre le développement de l’apprentissage en France.

B. SOUTENIR LA MONTÉE EN GAMME DE L’INDUSTRIE PAR L’ÉLÉVATION DES COMPÉTENCES ET DES QUALIFICATIONS DES SALARIÉS EN PLACE

Afin de s’adapter aux mutations industrielles et d’améliorer la compétitivité hors-coût de l’industrie française, le système de formation doit pouvoir soutenir l’élévation des compétences et des qualifications des salariés en place. La compétitivité industrielle se joue aujourd’hui à tous les niveaux de qualification.

En matière de formation professionnelle, l’employeur a plusieurs obligations à l’égard des salariés qu’il emploie. Il doit notamment participer au financement de la formation du personnel, réaliser un entretien professionnel tous les deux ans et établir un plan de formation soumis aux représentants du personnel.

Depuis le 1er janvier 2015, l’employeur est assujetti à une contribution légale unique versée à un seul organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) : 0,55 % de la masse salariale annuelle brute (MSAB) pour les entreprises de moins de 10 salariés et 1 % de la MSAB pour les entreprises de plus de 10 salariés. La loi supprime la cotisation obligatoire de 0,9 % de la masse salariale due au titre du financement du plan de formation. Certains, comme la Fabrique de l’industrie (14), saluent cette suppression estimant que l’obligation fiscale de financement déresponsabilisait les employeurs et engendrait des coûts de gestion inutiles. La plupart des entreprises, notamment les grandes, consacrent à leur plan de formation des moyens largement supérieurs à l’obligation légale minimale. Sans se prononcer pour ou contre la suppression de cette obligation, votre rapporteur note qu’elle engendre un retrait de la mutualisation et peut inciter certaines entreprises à opérer un arbitrage défavorable à la formation.

Le rapport de la Fabrique de l’Industrie (15) montre bien que certains industriels ont toutefois pris conscience de ce phénomène et s’investissent dans la montée en compétences de leurs salariés. L’organisation professionnelle Allizé-plasturgie, par exemple, a mis en place le dispositif ADC+ (Action de développement des compétences) en 2013, afin de faire monter en compétences, via des certificats de qualification professionnelle (CQP), les salariés des entreprises du bassin d’emploi tout en assurant leur remplacement. Pour ce faire, une équipe de 10 intérimaires a été formée pour prendre la place des salariés en formation. De telles initiatives mériteraient d’être mieux connues. La formation professionnelle ne doit pas être considérée comme une charge par les entreprises industrielles mais comme un investissement.

C. FACILITER LES RECONVERSIONS

Afin de s’adapter aux mutations industrielles, il est nécessaire de faciliter la mise en place des passerelles de mobilité, c’est-à-dire d’identifier, en termes de champs de compétences, les métiers les plus proches du métier exercé et de définir les compétences à acquérir afin de rendre la mobilité possible.

Les CQP sont à cet égard particulièrement utiles. Ce sont des certifications créées et mises en place par une ou plusieurs commissions paritaires nationales de l’emploi et reconnues au sein des branches qui les ont établies. Par exemple, dans le secteur de la fabrication de bijoux et de la joaillerie, un CQP de concepteur 3D en bijouterie-joaillerie a été établi pour faire face à l’implantation rapide du numérique dans le processus de production. Ce CQP forme à la réalisation, à partir de différents supports fournis (dessin gouaché, photos, croquis…), des fichiers techniques informatiques nécessaires à la conception de pièces prototypes et de maquette de bijouterie-joaillerie.

Votre rapporteur est favorable à toutes les mesures facilitant les passerelles entre les CQP et note à cet égard l’utilité du guide pour l’élaboration de passerelles entre certifications (16) de la Commission nationale de la certification professionnelle.

Les certificats de qualification professionnelle

Deux principaux motifs, généralement cumulés, préludent à la création d’un CQP :

1° Un besoin identifié par les entreprises :

– d’acquisition ou de développement de compétences pour l’exercice d’un métier stratégique, d’un métier de niche, d’un métier en évolution ;

– de reconnaissance de la qualification des actifs, sanctionnée par une certification professionnelle ;

– de signal de qualification pour sécuriser les parcours professionnels, notamment en cas de mobilité interne ou externe ;

– de projet de développement des compétences individuelles et collectives lié à la stratégie de l’entreprise ;

2° Un besoin de qualification, auquel les diplômes ou titres existants ne répondent pas :

– parce que les spécificités du métier, concerné par le CQP, ne sont pas couvertes par les certifications existantes ;

– parce que les publics visés par le CQP diffèrent de ceux visés par les autres certifications existantes ;

– parce que les modalités de formation et d’évaluation, proposées par les certificateurs ou les organismes de formation sont peu adaptées au contexte du secteur.

Source : Agefos-PME

D. RÉPONDRE AU DÉFI DES MÉTIERS EN TENSION PAR LA FORMATION DES PERSONNES ÉLOIGNÉES DE L’EMPLOI

Afin de répondre à la fois à la problématique des métiers industriels en tension et à celle du chômage de masse, il est indispensable, au-delà de l’identification des métiers en tension, d’améliorer la visibilité des dispositifs existants, notamment celle des préparations opérationnelles à l’emploi (POE), et de renforcer les liens entre les acteurs, notamment entre Pôle emploi et les OPCA actifs dans le monde de l’industrie.

Votre rapporteur note que les POE, individuelle ou collective, sont des dispositifs mal connus des demandeurs d’emploi et des entreprises alors qu’ils sont de formidables outils de recrutement. La POE individuelle permet à une entreprise de bénéficier d’une aide financière pour former un demandeur d’emploi, préalablement à son embauche, ou certains salariés en contrat aidé. La formation est financée par Pôle emploi et les OPCA. La POE collective est une action de formation qui permet à plusieurs demandeurs d’emploi inscrits de bénéficier d’une formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper des emplois correspondant à des besoins identifiés par une branche professionnelle ou, par défaut, par le conseil d’administration d’un OPCA. Les OPCA, en partenariat avec le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), prennent en charge les coûts pédagogiques des actions de formation mises en oeuvre dans le cadre de POE collectives.

Le plan « 500 000 formations supplémentaires », annoncé par le Gouvernement en janvier 2016, vise également la réalisation d’actions de formation supplémentaires à destination des personnes en recherche d’emploi. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit la création d’un fonds de concours de 350 millions d’euros au titre du programme 103 du budget de l’État « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » pour financer la continuité du plan 500 000 formations supplémentaires pour les chômeurs, ainsi que l’indiquent deux notes des services de Bercy. Les excédents des OPCA seraient mis à profit. Votre rapporteur est défavorable à une telle ponction sur les OPCA. Si une telle disposition était adoptée, les OPCA risqueraient de ne plus pouvoir, faute de moyen, mettre en œuvre leurs actions en direction des demandeurs d’emplois. À défaut de ponctionner les OPCA, il est toutefois possible de les inciter à diriger une plus grande part de leurs ressources vers la formation des demandeurs d’emplois.

EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de M. Lionel Tardy (Entreprises), Mme Jeanine Dubié (Commerce extérieur), Mme Corinne Erhel (Communications électroniques et économie numérique), M. Jean Grellier (Industrie) et Mme Annick Le Loch (Postes), les crédits de la mission « Économie » (voir le compte rendu officiel de la commission élargie du 4 novembre 2016, sur le site internet de l’Assemblée nationale (17)).

*

À l’issue de la commission élargie, la commission des affaires économiques a délibéré sur les crédits de la mission « Économie ».

*

La commission examine l’amendement II-CE 47.

Mme Frédérique Massat. Je demande à M. Jean Grellier de bien vouloir présenter son amendement.

M. Jean Grellier. C’est un amendement que j’ai déposé avec M. Jean-René Marsac, co-président du groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire. Cet amendement vise à rétablir une dotation de 500 000 euros en faveur du Conseil national des chambres françaises de l’économie sociale et solidaire (CNEES), comme cela avait été fait dans le projet de loi de finances pour 2016, puisque la même « punition » leur avait été infligée. Mme Karine Berger proposera une rectification de cet amendement.

Mme Frédérique Massat. Je donne la parole au rapporteur pour avis sur les crédits des « Entreprises », M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis. Les crédits de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) augmentent cette année de 21,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit de 4,8 %, et de 16,5 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit de 3,6 %. Cette hausse vise à compenser les moindres attributions de produits qui résulteront de l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2017, du principe de gratuité des données publiques prévu par la loi pour une République numérique.

Les crédits consacrés à l’économie sociale et solidaire (ESS) connaissent une hausse des autorisations d’engagement de 130 000 euros, soit de 3 %, mais une baisse en crédits de paiement d’environ 500 000 euros. Votre amendement, qui augmente de 500 000 euros les AE comme les CP, me paraît donc justifiable pour l’augmentation des CP, puisqu’il s’agit de préserver le même budget que l’an dernier, mais moins pour les AE, qui, eux, augmentent.

Plus largement, on observe depuis 2012 une forte redirection des crédits vers l’économie sociale et solidaire. Contrairement à d’autres actions comme l’artisanat, l’économie sociale et solidaire me paraît être bien lotie. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Frédérique Massat. Mme Karine Berger, vous aviez une rectification ?

Mme Karine Berger. Je pense que la démarche de notre collègue Jean Grellier est la bonne car il faut que nous maintenions en AE et en CP les moyens de l’économie sociale et solidaire. Toutefois, la ponction du budget déjà très tendu de l’Insee est problématique. Le rapporteur spécial, M. Joël Giraud, me l’a confirmé. Ma proposition de rectification, sur la suggestion de
MM. Jean Grellier et Jean-René Marsac, est de prendre ces 500 000 euros non pas sur le programme « Statistiques » mais sur le programme « Stratégie économique et fiscale ». Je vais être tout à fait franche avec vous Mme la présidente, si la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) nous donnait plus de possibilités, j’irai chercher ces 500 000 euros sur le programme que je présenterai cet après-midi dans le cadre de l’examen de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines», notamment sur la ligne relative aux cabinets ministériels de Bercy. Cette possibilité n’est malheureusement pas possible, sauf si le Gouvernement s’y rallie dans l’hémicycle.

Mme Frédérique Massat. Je propose que cet amendement soit redéposé en séance par les mêmes signataires. Mme Karine Berger, vous pourrez vous y associer.

M. Jean Grellier. Je vais le retirer et le redéposer en séance.

L’amendement II-CE 47 est retiré.

La commission examine l’amendement II-CE82.

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis. Les opérateurs de télécommunications font aujourd’hui l’objet d’une injonction contradictoire. D’une part, l’ambition du Gouvernement et des collectivités territoriales dans la couverture du territoire en haut débit mobile (3G, 4G) se traduit par une forte pression exercée sur ces opérateurs pour qu’ils accélèrent leur effort d’investissement dans les infrastructures. D’autre part, l’imposition des stations radioélectriques est calculée de façon proportionnelle : plus un opérateur fait l’effort d’investir, plus sont taux de pression fiscale augmente. Ainsi, 74 000 nouvelles stations radioélectriques devraient être déployées sur le territoire entre 2016 et 2024. Avec le maintien du système actuel, les charges d’IFER augmenteraient sensiblement.

Cet amendement propose non pas de réduire l’IFER payé par les opérateurs télécoms, mais de prévoir un mécanisme de plafonnement fixé au plus à 200 millions d’euros. Cette somme représentant la recette attendue pour 2016 : il n’y aurait donc pas de perte de matière fiscale.

L’amendement II-CE82 est accepté.

Conformément aux avis favorables de Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis sur les crédits du « Commerce extérieur », Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis sur les crédits « Communications électroniques et économie numérique », M. Jean Grellier, rapporteur pour avis sur les crédits de « Industrie », Mme Annick Le Loch, rapporteure pour avis sur les crédits des « Postes » et contrairement à l’avis défavorable de M. Lionel Tardy, rapporteur pour avis sur les crédits « Entreprises », la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Cercle de l’Industrie

– M. Jean-Marie Danjou, délégué général

Groupe des fédérations industrielles (GFI)

– M. Vincent Moulin-Wright, directeur général

Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM)

– M. Gilles Lodolo, directeur emploi et formation

Confédération française démocratique du travail (CFDT) *

– Mme Isabelle Martin, secrétaire confédérale chargée des politiques industrielles de la CFDT, présidente de la section transversale « Emplois et compétences » du Conseil national de l’industrie (CNI)

Ministère de l’éducation nationale

– Mme Brigitte Trocmé, adjointe à la sous-directrice des lycées et de la formation professionnelle tout au long de la vie

Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle

– M. Hugues de Balathier, chef de service, adjoint à la déléguée générale

– M. Michel Ferreira-Mia, chef de la mission politique de la formation et de la qualification

– M. Nicolas Thierse, chef de la mission des affaires financières

Direction générale des entreprises

– M. Patrick Lelarge, adjoint au secrétaire général

– M. Benjamin Gallezot, directeur adjoint

Opcalia

– M. Yves Hinnekint, directeur général

– M. Vincent Graulet, directeur des partenariats institutionnels

Opca Defi

– M. Laurent Selles, président

– M. Frédéric Fabre, vice-président

– M. Jean-Louis Delajot, directeur général

Agefos-Pme

– Contribution écrite

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () La synthèse de l’étude est disponible à l’adresse suivante : http://www.bnib.fr/wp-content/uploads/2016/05/synthese-etude-afnor-impact-economique.pdf

2 () « Programme d’investissements d’avenir. Rapport du comité d’examen à mi-parcours », France Stratégie, mars 2016

3 () « Les classes moyennes face à la transformation digitale », octobre 2014

4 () « Forschungsunion Wirtschaft und Wissenschaft », Acatech, 2013

5 () « Croître avec la révolution écologique », BPIFrance, novembre 2015

6 () « Les métiers en 2022 », France Stratégie, avril 2015

7 () « Propositions de priorités nationales de formation liées à la transition écologique et recommandations pour les futurs CPRDFOP », février 2015

8 () « Les métiers en 2022 », France Stratégie, avril 2015

9 () « Avis du conseil national de l’industrie sur la formation initiale », octobre 2015

URL : http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/conseil-national-industrie/Publications/Avis_et_rapports/CNI-_Avis_formation_initiale_-_Octobre_2015.pdf

10 () Ibid.

11 () « Les besoins de formation non satisfaits au regard des besoins de l’économie », IGAS, juillet 2015

12 () « L’apprentissage en 2015 », Dares résultats, septembre 2016

13 () http://www.cercleindustrie.eu/sites/default/files/images_site/3_apprentissage_-_fiche_detaillee_ci_-_01.06.2016.pdf

14 () « Formation professionnelle et industrie. Le regard des acteurs de terrain », La Fabrique de l’Industrie, 2015

15 () Ibid.

16 () « Guide pour l’élaboration de passerelles entre certifications », Commission nationale de la certification professionnelle, octobre 2011

17 () http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2017/commissions_elargies/cr/