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Commission d’enquête relative aux tarifs de l’électricité

Mercredi 10 décembre 2014

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 25

Présidence de M. Alain Leboeuf, Vice-président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Myriam Maestroni, présidente d'Économie d'Énergie SAS et de M. Hugues Sartre, secrétaire général du GPC2E.

M. Alain Leboeuf, président. Nous accueillons les représentants du Groupement des professionnels du certificat d’économie d’énergie, le GPC2E.

Madame Maestroni et monsieur Sartre, nous vous demanderons tout d’abord de bien vouloir situer la question des certificats d’économie d’énergie dans la problématique de notre commission, qui est celle des tarifs de l’électricité.

Votre groupement se présente comme le rassemblement de 80 % des acteurs « indépendants » du dispositif des certificats d’énergie. Quel est le critère de cette indépendance, apparemment revendiquée par vos mandants ?

Vos activités vous amènent à fournir des services en matière énergétique, dont on peut penser qu’ils ont principalement pour but les économies d’énergie. Quelles propositions et quelles pistes en ce sens vous paraît-il souhaitable de suivre au titre de la démarche nationale de transition énergétique ?

Avant de vous céder la parole pour un exposé liminaire, à la suite duquel les membres de la commission d’enquête ne manqueront pas de vous poser différentes questions, je vous demande, conformément aux dispositions de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Mme Myriam Maestroni et M. Hugues Sartre prêtent serment.

Mme Myriam Maestroni, présidente d’Économie d’Énergie SAS. Je rappellerai tout d’abord ce que sont les certificats d’économies d’énergie, qui existent depuis huit ans, et qui sont au cœur du projet de loi relatif à la transition énergétique et à la croissance verte, puisqu’ils visent à améliorer l’efficacité énergétique. Ces certificats, qui ont été créés en 2006 dans le cadre de la loi de programmation fixant les orientations de la politique énergétique (POPE), ont été révisés par le Grenelle de l’environnement et reconduits dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour leurs troisième et quatrième périodes. Leur fonctionnement s’inscrit en effet dans des périodes triennales : la première a couru de juin 2006 à juin 2009 ; après une période transitoire, la deuxième, qui a débuté en janvier 2011 et aurait dû s’achever en décembre 2013, a été prolongée jusqu’à fin 2014. Commencera alors la troisième période, qui devrait s’étendre jusqu’en 2017, avant une quatrième adoptée par voie d’amendement.

L’État a créé, avec les certificats d’économies d’énergie, un mécanisme qui permet de mesurer les économies d’énergie. Cet outil est à la disposition des vendeurs d’énergie, qui ont désormais tous l’obligation d’aider leurs clients à moins consommer, leur permet de tracer les différentes actions qu’ils entreprendront dans le cadre de cette aide.

L’objectif que doit remplir chaque énergéticien est calculé en fonction de son volume de vente. Il doit y parvenir selon trois modalités : en s’acquittant d’une pénalité libératoire
– 20 euros par gigawattheure cumac ; en mettant en œuvre les actions nécessaires à la réalisation d’investissements conduisant à des économies d’énergie, au travers de fiches standardisées qui sont établies par des professionnels et des organismes qui délibèrent sur les économies réalisées par opération ; en recourant au marché, les énergéticiens qui génèrent un nombre de certificats supérieur à leurs besoins ayant la possibilité de les vendre.

Le rôle du GPC2E est de faciliter la création d’opérations d’efficacité énergétique donnant lieu à des certificats en vue de les mettre à la disposition des énergéticiens obligés.

Plus de 200 opérations sont aujourd’hui en cours de révision : elles concernent l’ensemble des secteurs. S’agissant du secteur résidentiel, elles ciblent l’isolation des combles, le changement de chaudière ou la mise en place de systèmes de régulation. De nombreuses opérations ont été révisées pour s’assurer qu’elles contribuaient bien à réaliser des économies d’énergie. L’objectif est de permettre à la France de se conformer à l’article 7 de la directive européenne 2012/27 relative à l’efficacité énergétique, ce qu’elle a fait dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique.

Chaque période triennale a fixé des objectifs croissants. Nous sommes, à l’heure actuelle, dans la phase de discussion des objectifs de la troisième période. Si des sujets ne sont pas encore définitivement tranchés, nous savons déjà que l’ensemble des énergéticiens sont désormais assujettis, y compris les vendeurs de carburant, contrairement à la première période. Le volume des économies à générer sera de 700 térawattheures cumac, les vendeurs d’électricité devant réaliser 28 % du total.

Ce dispositif remporte un vif succès : l’objectif de la première période a été largement dépassé ; quant à la deuxième période, à la fin de l’année 2014, non seulement le volume des certificats d’économies d’énergie réalisé dépassera largement l’objectif fixé, mais on peut même supposer, sur la base des chiffres actuels, qu’il aura une année d’avance.

Le mécanisme des certificats d’économies d’énergie s’applique dans d’autres États membres de l’Union européenne – Italie, Flandre, Royaume-Uni ; d’autres pays ont fait état de leur intérêt à le développer.

Il a également permis de financer des actions de formation des artisans et des entrepreneurs impliqués dans la rénovation et la mise en œuvre des différents travaux d’efficacité énergétique. Ces actions ont révélé un déficit important de main-d’œuvre disponible pour réaliser l’ensemble des travaux, puisque, en France, un logement sur deux n’atteint pas la catégorie F du diagnostic de performance énergétique créé dans le cadre de la loi POPE, en même temps que les certificats d’énergie. Ces logements ont une consommation six à huit fois supérieure à celle d’un logement neuf. Il est d’autant plus nécessaire de le rappeler que le projet de loi relatif à la transition énergétique prévoit d’élever le nombre des rénovations annuelles de 300 000 à 500 000 : or ce ne sont pas moins de 15 millions de logements qu’il est nécessaire de rénover en France. Le sujet est donc au cœur du débat politique et sociétal français.

Votre commission d’enquête se penche aujourd’hui sur l’impact sur le prix de l’électricité du coût de ces certificats et des mesures mises en place pour réaliser des économies d’énergie.

Il faut savoir que chaque entreprise est libre de mettre en œuvre les actions qu’elle jugera nécessaires pour inciter ses clients à entreprendre des travaux énergétiques : c’est une véritable gageure, sachant que cette question n’est pas au cœur des préoccupations des Français. Il importe donc de conduire un important travail d’éducation du marché, comprenant des actions de sensibilisation et d’information. Il convient aussi de prévoir des outils permettant, dans le secteur résidentiel, d’accompagner les ménages à prendre les bonnes décisions : ils doivent, à cette fin, savoir quels travaux sont éligibles, qui les réalisera et comment ils seront réalisés.

Si les premières mesures adoptées en la matière datent déjà de huit ans, toutefois, le défi à relever n’en est encore qu’à son commencement. Il faut en effet persuader, avec des mécanismes de décision et des types d’intervenants différents, le plus grand nombre possible de ménages à réaliser des travaux d’économies d’énergie, sachant que le secteur résidentiel se répartit en trois principales catégories : le logement social, les copropriétés et les maisons individuelles, qui représentent 54 % du parc de logements en France.

Pour l’ensemble des opérations à conduire, que ce soit en termes de sensibilisation, d’information, d’aide à la décision, d’accompagnement ou de suivi, les énergéticiens sont maîtres des coûts puisqu’il leur appartient de promouvoir les différents moyens d’inciter les Français à entreprendre des travaux de rénovation énergétique. Ces travaux ont un retour sur investissement puisque, en réduisant la consommation énergétique des logements, ils améliorent à terme leur valeur. En effet, différents observatoires notent l’apparition sur le marché de la valeur « verte ».

À l’heure actuelle, les coûts liés aux différentes étapes de la démarche d’efficacité énergétique figurent, pour la plupart des entreprises, dans le chapitre des coûts commerciaux, qu’il est difficile de mettre à plat. En octobre 2013, la Cour des comptes a publié un rapport qui fait état d’un écart important entre, d’une part, le coût affiché par l’énergéticien électricien de référence français, c’est-à-dire le prix de revient des opérations mises en œuvre et, d’autre part, le prix du marché. Cet écart, de trois, pour le prix du marché – 3,5 ou quatre en prix de revient – à dix, a été réduit de 40 % dans le rapport publié plus récemment par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Il est difficile de donner plus d’éléments en l’absence d’une comptabilité analytique détaillée de chaque énergéticien.

Pour le GPC2E, il convient, dans le cadre de cette commission d’enquête, de prendre en compte tous les coûts constitutifs du prix de l’électricité, en levant notamment des ambiguïtés sur des éléments de coût qui pourraient être perçus comme plus importants qu’ils ne sont en réalité, a fortiori lorsqu’on les replace dans le contexte du projet de loi relatif à la transition énergétique.

Mme Clotilde Valter, rapporteure. S’agissant de la question de l’électricité, qui est au cœur de la commission d’enquête, quels sont les objectifs de la démarche que vous nous avez décrite et comment évaluez-vous leur réalisation ? Vous avez souligné que les objectifs fixés pour la deuxième période avaient été atteints avec une année d’avance : cette avance concerne-t-elle également la consommation d’électricité ?

Par rapport aux ambitions du projet de loi relatif à la transition énergétique, quelle est, à vos yeux, la marge d’économies encore réalisables dans le secteur électrique pour les années à venir ? Comment la mesurez-vous ?

Par ailleurs, comment décryptez-vous le rapport de la Cour des comptes au regard de votre connaissance des coûts de l’électricité ?

Mme Myriam Maestroni. Les objectifs en termes d’économies d’énergie correspondent à un chiffrage précis : 54 térawattheures cumac pour la première période et 345 térawattheures cumac pour la deuxième, un tiers de ce chiffre devant être réalisé en 2014, qui est une année de prolongation. Pour la troisième période, l’objectif, après discussion, a été fixé à 700 térawattheures – d’aucuns avaient évoqué 900. Le même objectif devra être atteint au cours de la quatrième période si nous souhaitons réaliser le volume d’économies d’énergie fixé à l’horizon 2020.

La notion de térawattheure cumac, qui est une innovation française dont nous devons nous féliciter, est un hybride des mondes de la finance et de l’énergie. Il s’agit, en effet, d’une unité comptable permettant de mesurer les économies réalisées grâce à des travaux dont la durée de vie est utile durant plusieurs années. Je prends un exemple : le remplacement d’une chaudière consommant 100 par une chaudière plus efficace consommant 80 permet de réaliser une économie théorique de 20. Le calcul réel de l’économie réalisée doit toutefois prendre en compte la durée de vie utile de la chaudière – mettons dix ans – modifiée par un facteur d’usure – la performance de la nouvelle chaudière ne sera pas la même la dixième année que la première année. C’est sur cette méthodologie, dont j’ai simplifié la présentation, que repose le calcul des économies à réaliser en kilowattheures cumac. Toutes les fiches sont analysées avec un grand sérieux par des experts mandatés à cet effet dans le cadre de l’Association technique énergie environnement (ATEE), en coopération avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC).

Il faut savoir également que les objectifs des trois périodes ne sont pas comparables entre eux, car ils reposent sur des périmètres différents : la première période excluait les vendeurs de carburant, principalement la grande distribution qui représente plus de 60 % des ventes de carburant en France. Celle-ci a, par ailleurs, bénéficié d’une période transitoire après son inclusion en deuxième période. Comme la part des vendeurs de carburant augmente dans le total, celle des électriciens s’en trouve fortement réduite, ce qui change la donne : elle passera de 50 % en deuxième période à seulement 28 % en troisième période.

S’agissant du secteur résidentiel, la plupart des opérations d’économies d’énergie recensées qui font l’objet de fiches standardisées concernent les plus gros postes de consommation d’énergie dans une maison : l’eau chaude sanitaire et le chauffage. Je rappelle les six usages de l’électricité dans un foyer en suivant, comme moyen mnémotechnique, l’évolution de l’humanité : l’homme préhistorique a découvert la cuisson ; les Romains ont développé l’eau chaude sanitaire et le chauffage ; l’humanité est ensuite passée de la bougie à l’éclairage ; à partir des années 60 arrivent les appareils ménagers et, par extension, la domotique ; enfin, sixième et dernière utilisation, les usages spécifiques de l’électricité liés notamment aux nouvelles technologies. Cela pour vous dire que notre consommation d’énergie est croissante et de plus en plus « électrodépendante ». Quelques réfrigérateurs fonctionnent encore au gaz, ainsi que quelques sèche-linge au Japon, mais les nouveaux usages spécifiques exigent absolument de recourir à l’électricité.

En matière de réduction de consommation d’énergie, les efforts ont donc principalement porté sur ces deux postes que sont l’eau chaude sanitaire et le chauffage. Il n’y a pas de publication régulière de statistiques en la matière. Les dernières que j’ai consultées révèlent que ces deux postes ont connu une réduction de 2006 à 2012 de l’ordre de 20 %, alors que la consommation d’énergie demeure globalement stable du fait de l’augmentation des usages spécifiques de l’électricité.

S’agissant du rapport de la Cour des comptes, je salue l’effort qui a été fourni : il est, en effet, très difficile d’évaluer un mécanisme aussi récent et aussi innovant que celui des certificats d’économies d’énergie. D’autant que cela requiert de prendre en compte non seulement l’objectif de réaliser des économies d’énergie, mais également de nombreuses externalités comme celles que j’ai évoquées à l’instant.

L’argent est une condition nécessaire mais pas suffisante pour réaliser des économies d’énergie. Les Français entreprennent le plus souvent les travaux de rénovation visant l’efficacité énergétique par étapes. Un effet de pédagogie se met en place : deux ou trois ans après avoir changé leur chaudière, ils isolent les combles puis les murs ou les sols. Au niveau macroéconomique, au bout de dix ans, le résultat de cette démarche par étapes est la même que celle d’une démarche globale, la durée de vie des travaux réalisés étant généralement longue. Cette démarche repose de plus sur un système d’autofinancement naturel, auquel la plupart de nos concitoyens peuvent recourir : ce financement filé n’implique pas, en effet, de mobiliser d’un coup une somme d’argent trop importante. Encore faut-il qu’ils soient bien sensibilisés et bien informés quant à la nature des travaux qu’il est possible de réaliser.

Le rapport de la Cour des comptes est complet au sens où il a analysé l’ensemble des moyens mis en œuvre : force est de constater que, si des acteurs ont fait d’importants efforts de sensibilisation et d’information auprès de leurs clients, tous ne sont pas dans ce cas. Or moins les efforts consentis pour sensibiliser les Français sont importants, plus les coûts sont réduits. Ce travail se fait dans la durée. Ainsi, en trois ans, plus de 5 millions de Français ont visité les différentes plateformes d’Économie d’Énergie SAS. D’autres sociétés au sein du groupement ont également mené des actions très innovantes visant à mobiliser les Français.

Le rapport de la Cour des comptes est également équilibré : il a permis de mettre en évidence le fait que le mécanisme des certificats d’énergie a donné lieu à des innovations importantes et créé une relation de proximité avec le consommateur final d’énergie. Celui-ci est, du reste, de plus en plus conscient de l’importance de la part de l’énergie dans son budget. La précarité énergétique est un nouveau concept, qui a émergé il y a environ cinq ans et les travaux en la matière ne font que commencer. Cette problématique se trouve intégrée dans les objectifs de la troisième période, alors même que les programmes qui la ciblaient en avaient été tout d’abord exclus. Il convient donc à la fois de mener une politique de prévention de la précarité énergétique, via la rénovation des 15 millions de logements concernés, à côté d’une politique de lutte contre cette même précarité.

La Cour des comptes a également fait état de disparités entre les prix de revient et les pratiques de chacun. C’est une des vertus du mécanisme de laisser une grande souplesse à chaque opérateur pour juger les meilleures actions à mener pour sensibiliser leurs clients. Un paragraphe est notamment consacré au réseau Bleu Ciel d’EDF et à ses installateurs qui doivent devenir « RGE » – « Reconnus garants de l’environnement ». On leur demande à la fois de fournir des efforts importants en matière de formation et d’acquisition de nouvelles compétences, de travailler avec de nouveaux corps de métier et de réaliser un effort commercial et didactique très important auprès de leur clientèle – cela fait beaucoup. Ce sujet est au cœur du débat sur la transition énergétique, au même titre que la formation des jeunes : à ma connaissance, aucun nouveau métier lié à la transition énergétique n’a vraiment émergé – je pense au métier de rénovateur énergéticien ou de spécialiste de l’efficacité énergétique, des économies d’énergie et de l’environnement. Des moyens doivent être alloués en la matière.

Les conclusions du rapport de la Cour des comptes sont très favorables au mécanisme, les bémols, auxquels il ne faudrait d’ailleurs pas réduire le rapport, portent principalement sur la nécessité de réaliser des contrôles et d’apporter des améliorations au dispositif.

M. Alain Leboeuf, président. Les informations que vous nous avez apportées sont utiles. Nous avons noté votre « cocorico » relatif aux certificats d’énergie qui encouragent la transition énergétique que nous souhaitons pour notre pays.

Madame, monsieur, nous vous remercions.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Réunion du mercredi 10 décembre 2014 à 18 h 45

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Alain Leboeuf, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. François Brottes, M. Guillaume Chevrollier, M. Michel Destot, Mme Jeanine Dubié, M. Hervé Gaymard, M. Marc Goua, M. Jean Grellier, Mme Viviane Le Dissez, M. Stéphane Travert