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Commission d’enquête relative aux tarifs de l’électricité

Mercredi 14 janvier 2015

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 27

Présidence de Mme Viviane Le Dissez, Vice-présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs et d’usagers CLCV (Consommation, logement et cadre de vie)

Mme Viviane Le Dissez, présidente. Nous accueillons, ce soir, M. François Carlier, délégué général et responsable du secrétariat national de l’association de consommateurs et d’usagers CLCV (Consommation, Logement et Cadre de vie).

Il est apparu utile à l’information de notre commission d’entendre une organisation telle que la vôtre. Depuis longtemps, elle porte une attention particulière à l’impact des coûts de l’énergie sur le budget des ménages. Ce thème appelle une réflexion sur la question de la précarité énergétique qui, selon de récentes études, concernerait plus de cinq millions de foyers.

Vous nous direz ce que pense CLCV de la mise en œuvre du futur chèque-énergie, notamment du problème de son éventuelle conciliation avec les tarifs sociaux de l’électricité.

Au-delà de la question de la précarité énergétique, votre organisation a interpellé les pouvoirs publics sur les modes de calcul des tarifs de l’électricité. À cet égard, vous avez officiellement saisi la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour obtenir les données économiques et comptables que lui transmet EDF et à partir desquelles le régulateur fonde chacun de ses avis sur l’évolution tarifaire. Il semble que vous n’ayez pas eu satisfaction. En effet, EDF considère que les données dont vous demandez communication sont protégées par le secret industriel et commercial.

Vous nous direz également en quoi le nouveau mode de fixation des tarifs de l’électricité, tel qu’il a été défini à la fin de l’année passée, constitue ou non un progrès.

Avant de vous entendre pour un bref exposé liminaire, je vous informe qu’en application de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les personnes auditionnées dans le cadre d’une commission d’enquête doivent prêtent serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande donc de lever la main droite et de dire : « Je le jure. ».

(M. Carlier prête serment.)

M. François Carlier, délégué général de l’association de consommateurs et d’usagers CLCV. La CLCV réunit trente et un mille adhérents, dont deux mille militants actifs, qui assurent quatre-vingt-dix mille heures de permanence, dans soixante-dix départements. Nous abordons la libéralisation des marchés de manière très pragmatique, estimant par exemple que, dans le domaine des télécoms ou du transport aérien, elle va dans le bon sens. Elle fonctionne également assez bien sur le marché du gaz, l’accès à la matière première étant « indiscriminé » selon les opérateurs. En revanche, pour ce qui concerne le marché de l’électricité, nous avons toujours été très sceptiques sur sa libéralisation dans notre pays, à cause du monopole nucléaire qui rend difficile l’établissement d’une réelle concurrence.

J’en viens aux tarifs. La méthode de régulation retenue par la CRE et consistant à aligner l’augmentation des tarifs sur l’augmentation observée des coûts supportés par EDF nous posait deux problèmes.

Le premier est lié au fait que la loi ne confère à la CRE aucun rôle normatif et que celle-ci doit se borner à constater l’évolution des coûts, sans pouvoir la contester. EDF a donc tout loisir de laisser dériver ses coûts, cette dérive étant ensuite solvabilisée par l’augmentation du tarif réglementé (TRV), ainsi que l’a montré le récent rapport de la Cour des comptes.

Le second problème touche à la manière dont la CRE évalue les coûts. Si nous considérons comme normal qu’après une période, entre 1985 et 2005, où les tarifs de l’électricité ont progressé moins vite que l’inflation, ils augmentent aujourd’hui de 2,5 ou 3 % par an, l’affectation des coûts et la manière dont elle influe sur la hausse des prix nous paraît en revanche problématique. En effet, si les coûts globaux supportés par EDF sont connus, les données concernant leur répartition entre le secteur international et la France, puis, au sein de celle-ci, entre abonnés professionnels et abonnés domestiques ne dépendent que de ce qu’EDF veut bien transmettre à la CRE. Or, en toute logique, l’opérateur aura tendance à charger au maximum les abonnés domestiques, de manière à faire évoluer en sa faveur les tarifs réglementés.

Dans la mesure donc où la CRE, pour décider de l’évolution des tarifs, se fonde sur des pièces émanant d’EDF, nous avons souhaité y avoir accès et avons fait une demande en ce sens, demande à laquelle EDF a opposé une fin de non-recevoir dans un courrier où figurait, je crois, à onze reprises le terme de « secret », y compris dans l’expression « secret stratégique », dont j’ignorais qu’elle fut une notion juridique. Ne pas avoir accès à ces données est pour nous un problème car, tout en respectant le secret commercial, nous considérons que, dans la mesure où elles déterminent l’évolution des tarifs réglementés, elles doivent être rendues publiques, à travers l’organisation d’un système d’open data. Je ne pourrais dire d’emblée où doit se situer la frontière entre secret commercial et transparence – pourquoi ne pas s’inspirer pour cela des pratiques de l’Autorité de la concurrence ? –, mais il nous semble que cela passe par une adaptation de la loi. Si nous n’avons pas saisi la CADA, c’est en effet qu’il nous a semblé qu’en l’état actuel du droit, elle ne pourrait guère nous apporter de réponse satisfaisante.

Nous jugeons positive la refonte du mode de calcul opérée ces derniers mois, dans la mesure où elle intègre davantage de données objectives. Plutôt que les coûts d’approvisionnement déclarés par EDF, elle prend par exemple en compte l’évolution des prix du marché de gros de l’électricité, ce qui est une bonne chose dans la mesure où, ces prix étant actuellement au plus bas, il était incohérent d’augmenter de 5 % par an le tarif de l’électricité. Reste que cette refonte ne règle pas la question des coûts commerciaux, qui demeurent évalués à partir des seules déclarations d’EDF. La CRE ne peut donc faire autrement que de valider, sachant qu’in fine ils seront « solvabilisés » par la hausse des TRV. D’où la nécessité, à nos yeux, de conférer à la CRE un pouvoir normatif.

J’en viens ensuite à la responsabilité de l’État actionnaire dans cette dérive des coûts. Soyons francs : EDF, ex-monopole historique, a toujours été une entreprise « confortable » pour ses salariés. Sans y être hostiles et sans nullement défendre un quelconque moins-disant social, nous considérons cependant qu’une augmentation des coûts d’exploitation de l’ordre de 5 % par an n’est acceptable que si elle ne se traduit pas immédiatement par une amélioration proportionnelle de la facture présentée aux consommateurs. Il y a ici un juste milieu à trouver entre l’intérêt des salariés et celui des consommateurs.

Se pose ensuite la question des dividendes. Tandis que les entreprises du CAC40 distribuent en moyenne 40 à 50 % de leur bénéfice net à leurs actionnaires, la part du bénéfice d’EDF affectée aux dividendes est supérieure à 60 %, ce qui fait de l’État un actionnaire plus gourmand que le plus vorace des fonds de pension américains actionnaire d’un groupe privé ! Certes, les termes du débat ont un peu évolué depuis la loi sur la transition énergétique, qui prévoit qu’une partie de ces dividendes seront fléchés vers les investissements d’avenir, mais nous insistons sur la nécessité d’une équitable répartition des charges et appelons l’État à au moins aligner sa politique actionnariale sur celle des entreprises du CAC40. Cela permettrait de soustraire quelques centaines de millions d’euros aux dividendes pour financer les investissements d’EDF, sans qu’il soit besoin de toucher aux tarifs.

Mme Viviane Le Dissez, présidente. Quel regard portez-vous sur les mesures de lutte contre la précarité énergétique mises en place par la loi Brottes ?

M. François Carlier. À l’origine association de locataires HLM, l’organisation CLCV est sensible à la dynamique enclenchée contre la précarité énergétique. On sait que gens ne demandent pas toujours les prestations auxquelles ils ont droit, et la mise en place d’un dispositif d’allocation automatique est donc une bonne chose, même si, selon le Médiateur de l’énergie, nombre de personnes continuent de ne pas être couvertes. On peut regretter par ailleurs le champ relativement restreint des aides. Quant au chèque-énergie, il a l’avantage d’englober d’autres énergies, comme le fioul. Le prix du baril a certes baissé, mais la consommation reste forte, notamment parmi les ménages précaires, auxquels le chèque-énergie apportera une aide bienvenue.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure suppléante. Permettez-moi tout d’abord d’excuser la rapporteure de notre commission d’enquête, Clotilde Valter, retenue en commission spéciale pour l’examen du projet de loi sur la croissance et l’activité.

Vous vous êtes montré sceptique, voire critique, sur la manière dont EDF déclarait ses coûts. Il me semble cependant qu’il s’agit de comptes validés par des commissaires au compte. Vous dénoncez une répartition léonine de la charge de ces coûts, selon des critères dont vous contestez l’objectivité. Certains facteurs peuvent pourtant expliquer leur progression importante – je pense notamment au grand carénage pour ce qui concerne les coûts d’exploitation, ou aux certificats d’économie d’énergie en matière de coûts commerciaux. Cela m’amène à vous demander si vous seriez plus favorable à un système de fixation des prix qui repose uniquement sur le prix de marché. Celui-ci est désormais intégré dans la formule de calcul, mais l’est-il selon vous à une hauteur suffisante, et comment empêcher, le cas échéant, que le consommateur soit trop exposé aux fluctuations possibles de ces prix de marché ?

Dans le cadre de l’élaboration du tarif d’utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), les gestionnaires des réseaux, les collectivités concédantes et la CRE effectuent un arbitrage entre le montant des investissements sur les réseaux et le niveau de qualité d’alimentation. L’équilibre retenu vous paraît-il adapté et le niveau d’investissement des gestionnaires de réseau est-il suffisant ? Ces investissements sont-ils concentrés sur les bons secteurs ?

La facture d’électricité n’intègre pas uniquement les coûts supportés par EDF mais également les taxes, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) et le TURPE. Comment jugez-vous le niveau atteint aujourd’hui par la CSPE ? De quelle manière peut-on en assurer la maîtrise ?

Pour faire baisser les tarifs de l’électricité ou à tout le moins empêcher leur croissance exponentielle, sur quel segment de la facture faudrait-il agir en priorité : la CSPE, le TURPE ou encore les coûts de production ?

Les centrales à gaz censées assurer le « back-up » en période de pointe connaissent des difficultés de financement qui font craindre des défaillances lors des prochains pics de consommation. Pensez-vous que le mécanisme de capacité soit une solution adaptée ?

Êtes-vous favorable à la mise en place de dispositifs tarifaires particuliers pour les entreprises électro-intensives, comme cela se pratique en Allemagne ? De cette question dépend en effet la survie d’entreprises exposées à une forte concurrence internationale.

L’optimisation de la consommation semble aujourd’hui être un axe prometteur, que l’on a souvent évoqué dans le cadre de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte. Que pensez-vous des compteurs intelligents ? Avez-vous des réserves sur l’utilisation des données à des fins commerciales ? Pensez-vous que l’on puisse aller vers l’effacement diffus et le pilotage à distance de la consommation ?

M. François Carlier. Ce que valident les commissaires aux comptes, ce sont les comptes globaux d’EDF. Or les tarifs réglementés dépendent des coûts affectés au parc domestique, affectation qui relève de la comptabilité analytique et n’est donc pas du ressort des commissaires aux comptes.

De nombreux exemples illustrent le fait que l’évolution des coûts dont fait état EDF est objectivement trop importante, au premier rang desquels celui des certificats d’économies d’énergie. Jusqu’à cette année, EDF valorisait ces certificats 10 euros le mégawattheure cumac, somme qu’elle affectait sur le tarif réglementé. Suite à une réclamation de notre part auprès de la CRE, le coût de ces CEE a été diminué de 30 à 40 % pour être ramené à 6 ou 7 euros le mégawattheure cumac. Or, il se trouve que CLCV a lancé auprès des particuliers « Prime cash énergie », sa propre offre de CEE, lesquels sont valorisés 3 euros, comme chez Leclerc, Auchan ou Carrefour, ce qui correspond au cours du marché des certificats d’économies d’énergie. Il est donc disproportionné qu’EDF fasse payer ces mêmes certificats 6 ou 7 euros, et nous persistons à penser que l’évolution des coûts affichée par EDF est excessive, et ce d’autant plus qu’elle génère une trop forte augmentation des tarifs.

En ce qui concerne l’empilement des coûts et le TURPE, je tiens d’abord dénoncer le fait que les collectivités locales ne puissent pas faire jouer la concurrence et qu’elles ne puissent pas retourner en régie si elles le souhaitent. On m’opposera l’argument de la péréquation tarifaire. C’est certes un argument de poids mais guère définitif, et nous persistons à juger problématique l’impuissance dans laquelle se trouvent les collectivités face à leur délégataire.

Quant à l’évolution du TURPE, il est normal que le rattrapage des investissements sur le réseau génère une augmentation des coûts et donc des tarifs. Ce que nous contestons en revanche, c’est le rendement des actifs. L’opérateur exige en effet des rendements de l’ordre de 7,5 %, ce qui n’a aucun sens dans un contexte marqué par une inflation quasi nulle et des taux extrêmement bas : je rappelle que les taux directeurs sont proches de zéro et que le rendement de l’assurance vie est inférieur à trois points. On ne peut donc plus fonctionner avec les mêmes rendements qu’il y a cinq ans. Le fait que la CRE ne veuille pas discuter de la question des rendements est pour nous problématique. Le Médiateur de l’énergie est d’ailleurs d’accord avec nous sur ce point.

La CSPE est une vaste question. Les projections indiquent une explosion financière effrayante, mais, dans la mesure où ce n’est pas pour des motifs illégitimes, il apparaît complexe de l’endiguer. Cela passe en premier lieu par la maîtrise des tarifs de soutien aux énergies renouvelables, que l’on pourra difficilement maintenir à leur niveau actuel. Mais l’on doit considérer que les énergies renouvelables sont des industries émergentes et que, s’il est justifié, à ce titre, de les soutenir, elles sont en passe d’atteindre une certaine maturité, ce qui doit permettre d’envisager une baisse des aides dont elles bénéficient.

On peut également s’interroger sur la répartition des charges entre le contribuable et le consommateur. De même que les redevances aux agences de l’eau sont aujourd’hui le seul segment dynamique de la facture d’eau, la CSPE connaît une augmentation exponentielle qui pose question : même si, pour toute une série de raisons, il est plus simple pour les pouvoirs publics de ponctionner le consommateur que le contribuable, est-ce pour autant à la CSPE de financer certaines charges ?

En ce qui concerne les industriels électro-intensifs, je noterai simplement – non sans amusement – que la CRE a bien voulu leur accorder une réduction temporaire du TURPE, au nom de la défense de la compétitivité française. Elle a fait preuve en cela d’un pragmatisme dont elle est rarement capable quand il s’agit des tarifs destinés aux particuliers. Nous comprenons parfaitement qu’il faille ainsi soutenir l’appareil industriel français dès lors néanmoins que cela ne se fait pas au détriment des usagers domestiques que nous défendons, a fortiori lorsque EDF procède déjà à une répartition inéquitable de ses coûts entre les abonnés professionnels et les abonnés particuliers.

Nous avons décidé d’adopter une attitude constructive envers le compteur intelligent. Il peut aider à la maîtrise de la consommation mais plus encore à l’écrasement de la pointe, car les usagers ont un « profil de pointe » extrêmement thermosensible, ce qui a des incidences en termes environnementaux mais aussi en termes de coûts et de tarifs. Reste la question des informations et des services qui seront fournis aux consommateurs. En Californie, où la bascule vers les compteurs intelligents a été rendue quasi obligatoire et s’est accompagnée de la fourniture de services gratuits, le taux de souscription des consommateurs est resté extrêmement faible, ce qui témoigne d’une appétence limitée pour ce type d’informations. En règle générale, la domotique énergétique ne fonctionne pas chez les particuliers, pour qui, à la différence des utilisateurs professionnels qui ont un comportement très optimisateur, les gains financiers attendus du comptage intelligent ne sont pas assez significatifs.

Nous attendons encore des opérateurs qu’ils définissent clairement les services qu’ils entendent développer. Dans la foulée de la loi sur la transition énergétique et des garanties qu’elle comporte, nous espérons, par exemple, la mise en place d’alertes à la surconsommation ou la fourniture de bilans annuels permettant de comparer ses performances de consommation aux performances moyennes réalisées dans le voisinage par des foyers équivalents – ce type de service a, pour le coup, su séduire les Californiens et leur goût de l’émulation. Quoi qu’il en soit, nous avons sur le sujet un partenariat avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), et nous mettons en place, en régions, quatre groupes de parole ouverts à nos adhérents.

S’agissant de la question des pointes, l’avenir est au stockage, dont dépend le développement des énergies renouvelables. C’est une chance pour la France, dont les entreprises sont plutôt bien positionnées dans ce domaine d’innovation et pour qui le stockage doit être un axe de la création d’emplois. Nous nous intéressons plus particulièrement aux procédés de stockage décentralisé, sous forme, par exemple, de piles géantes installées chez les particuliers, qu’EDF expérimente déjà dans les îles. C’est une perspective qui ouvre de nouvelles questions : les consommateurs doivent-ils être rémunérés pour le stockage ? Quel doit être le statut juridique des piles ?

Dans l’absolu, nous sommes favorables au mécanisme de capacité, même s’il pose quelques difficultés.

Quant à la question de savoir s’il faut accroître la part des prix du marché dans le calcul du TRV, il convient, avant de se la poser, de s’interroger sur la libéralisation du marché de l’électricité. Est-elle possible ? Est-elle souhaitable ? Nous sommes par ailleurs et par principe plutôt favorables à la libéralisation des marchés, mais Léon Walras, père de la théorie de l’équilibre général, aurait sans doute identifié dans l’électricité un monopole naturel auquel il convient de ne pas toucher.

Reste qu’accroître la part des prix du marché dans le calcul du TRV aurait l’avantage de l’asseoir sur des données plus objectives que celles fournies par EDF. Se pose néanmoins le problème de la variabilité des cours sur un marché qui n’a pas encore atteint la maturité du marché du pétrole ou du marché du gaz. Cette objection faite, je pense que cet accroissement va dans le sens de la libéralisation en cours et qu’il est inéluctable.

Mme Jeanine Dubié. Les opérateurs alternatifs que nous avons auditionnés pensent que les tarifs réglementés fixés artificiellement par les pouvoirs publics entravent la concurrence et sont défavorables au consommateur. Qu’en pensez-vous ?

Vous vous êtes montré assez critique envers la CRE, dont vous regrettez qu’elle n’ait pas de pouvoir normatif. Pourriez-vous nous préciser ce que vous entendez par là ?

M. François Carlier. Les associations de consommateurs ont, d’une manière générale, de bonnes relations avec les opérateurs alternatifs, qui stimulent la concurrence. La situation est un peu différente dans le secteur de l’électricité. Alors que dans les télécoms l’arrivée d’un opérateur alternatif – dont le nom commence par F – s’est traduite, au début des années 2000, par une baisse des prix et par de l’innovation, avec le triple play, l’arrivée des opérateurs alternatifs sur le marché de l’électricité ne s’est traduite par aucune innovation notable et elle n’a pas véritablement fait évoluer les prix dans la mesure où, quoique légèrement inférieurs, leurs tarifs restent indexés sur le TRV. C’est ainsi qu’en cas de rattrapage des tarifs d’EDF, Direct Energie le répercute sur ses propres tarifs…

La contribution principale de ces opérateurs a essentiellement consisté jusqu’à présent à exploiter les failles que comportait le système avant le changement de la formule de calcul, pour lancer des recours contentieux aboutissant in fine à l’augmentation des TRV, ce qui, vous en conviendrez, présente peu d’intérêt et semble paradoxalement laisser croire qu’il faut que les prix augmentent pour que la concurrence vive ! J’insiste donc ici sur l’attitude néfaste des opérateurs alternatifs, qui ne plaide pas pour la libéralisation du marché.

En ce qui concerne le rôle de la CRE, il faudrait qu’elle puisse non seulement se prononcer sur l’évolution des coûts d’EDF mais également imposer à l’opérateur une fourchette de progression, en se fondant par exemple sur l’évolution des coûts commerciaux chez les autres opérateurs, dans le secteur de l’énergie ou des utilities. C’est ainsi que procède le régulateur britannique dans le secteur de l’eau.

Mme Viviane Le Dissez, présidente. M. Carlier, il me reste à vous remercier pour les éclairages que vous nous avez apportés.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Réunion du mercredi 14 janvier 2015 à 17 heures

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Marie-Anne Chapdelaine, Mme Jeanine Dubié, Mme Viviane Le Dissez, Mme Annick Le Loch

Excusés. - M. Philippe Bies, M. Hervé Gaymard, M. Marc Goua, M. Jean Grellier, M. Alain Leboeuf, M. Stéphane Travert, Mme Clotilde Valter