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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 10 septembre 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 103

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–   Audition de M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les organismes de gestion agréés

–  Présences en réunion

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les organismes de gestion agréés (1).

M. le président Gilles Carrez. Notre commission a aujourd’hui le plaisir et l’honneur d’accueillir M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, que nous allons entendre sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les organismes de gestion agréés. Nous avons demandé ce rapport en décembre 2013, en même temps que d’autres relatifs à la gestion du Défenseur des droits et aux frais de justice depuis 2011, ainsi qu’un bilan des conventions et des crédits de revitalisation des territoires – un bilan limité pour 2014 aux zones de restructuration de la Défense, étant précisé qu’une étude plus générale des actions de redynamisation des territoires économiquement sinistrés sera effectuée pour l’année prochaine. Pour 2015, nous avons également formulé une demande relative aux dispositifs et aux crédits mobilisés pour les jeunes sortis sans qualification du système scolaire.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. Je vous remercie de me permettre de vous présenter ce rapport qui nous a été demandé, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les organismes de gestion agréés. Je serai assisté dans ma tâche par Stéphanie Cabossioras, auditrice, qui a coordonné les travaux de rédaction, de François Écalle, contre-rapporteur, et de Christian Charpy, qui préside la section de la première chambre en charge des sujets qui nous intéressent aujourd’hui.

Ce rapport a été établi à l’issue d’un contrôle auprès des services de l’État (la direction générale des finances publiques – DGFIP), d’une enquête de terrain dans trois régions, mais également d’une enquête auprès des fédérations représentatives des organismes de gestion agréés, du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et d’organisations professionnelles regroupant les adhérents d’organismes agréés.

Les organismes de gestion agréés – OGA – regroupent, d’une part, les centres de gestion agréés composés d’artisans, commerçants, industriels et agriculteurs et, d’autre part, les associations agréées composées de professions libérales. Leur situation actuelle résulte d’une histoire complexe – comme l’indique le titre de notre rapport : « Les organismes de gestion agréés, 40 ans après » – que je vais rappeler brièvement. Ils ont été créés dans un contexte fiscal particulier, en 1974, afin de pacifier les relations entre les travailleurs indépendants et l’administration fiscale et de favoriser la sincérité des déclarations fiscales, ce qui reste leur objectif premier. Leurs adhérents souscrivent à un engagement de sincérité fiscale et de tenue d’une comptabilité. En contrepartie, dès la création des OGA en 1974, ils se sont vu reconnaître le bénéfice de l’abattement de 10 %, porté à 20 % à la fin des années 1970, et qui, en matière d’impôt sur le revenu, était jusqu’alors réservé aux salariés.

La réforme de l’impôt sur le revenu de 2006 a supprimé l’abattement sur les revenus professionnels et l’a directement intégré au barème de l’impôt. Afin de maintenir une différence d’imposition entre les professionnels adhérents et non adhérents, une majoration de 25 % a été instaurée sur les revenus des professionnels non adhérents à un organisme agréé, soumis à un régime réel d’imposition. Je précise que, selon le ministère des Finances, la non-majoration ne constitue pas une dépense fiscale, mais une modalité de calcul de l’impôt. La considérer comme une dépense fiscale signifierait en effet que l’on considère comme la norme fiscale le fait de majorer de 25 % les revenus déclarés par les entrepreneurs individuels.

Des intermédiaires entre les services fiscaux et les entreprises individuelles similaires aux organismes agréés existent dans de nombreux pays – je vous renvoie à l’annexe 4 du rapport, consacrée aux comparaisons internationales –, mais le système français s’en distingue notamment en ce qu’il est le seul à prévoir une incitation fiscale à l’adhésion des entreprises.

Les organismes agréés s’adressent essentiellement aux entrepreneurs individuels imposés sur le revenu au régime réel dans les catégories des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux. Au total, les entreprises qui ont un intérêt à adhérer aux organismes agréés représentent environ un tiers des entreprises françaises, soit 1,25 million d’artisans, commerçants, industriels, agriculteurs et professions libérales.

Compte tenu du fait que les entrepreneurs ont de plus en plus souvent recours à un statut de société ou à un statut allégé en termes d’obligations fiscales – notamment le statut d’auto-entrepreneur –, on constate une réduction tendancielle de la part des adhérents potentiels des organismes agréés : celle-ci est en effet passée de 55 % à 45 % de l’ensemble des entrepreneurs de 2008 à 2012. En valeur absolue en revanche, le nombre d’adhérents des organismes de gestion agréés – 1,1 million en 2012 – augmente légèrement : de 3 % en moyenne entre 2009 et 2012. Cette progression – certes modérée – va à l’encontre des inquiétudes de certains organismes agréés, qui mettent en avant une baisse drastique de leurs adhérents.

Après ce bref rappel historique et chiffré, je vais aborder les cinq messages-clés que contient ce rapport.

Premièrement, l’amélioration de la sincérité des déclarations fiscales des indépendants imputable à l’action des organismes agréés n’est pas démontrée. Les OGA effectuent en amont différentes vérifications censées améliorer la régularité du comportement fiscal de leurs adhérents et la sincérité des revenus déclarés. Ils peuvent également élaborer les déclarations fiscales de leurs adhérents qui en font la demande. Chaque année, ils procèdent à un examen formel des déclarations de résultats et de leurs annexes – sauf lorsque la comptabilité et la déclaration sont élaborées par un professionnel de l’expertise comptable, ce qui est très souvent le cas. Le cœur de leur activité est constitué par les examens annuels de concordance, de cohérence et de vraisemblance des déclarations fiscales transmises par chaque adhérent, c’est-à-dire les déclarations de résultats et leurs annexes et les déclarations de TVA. Ces examens ont deux objectifs : assurer la cohérence interne des déclarations et de leurs annexes ; apprécier la vraisemblance du résultat déclaré, notamment en comparant les ratios de gestion de l’entreprise avec ceux de son secteur professionnel d’activité. À la suite de l’examen du dossier de chaque adhérent, les organismes agréés établissent un compte rendu de mission concluant ou non à la concordance, à la cohérence et à la vraisemblance des déclarations, qui est adressé à l’adhérent ainsi qu’à l’administration fiscale.

Malgré les vérifications opérées, des écarts demeurent entre les indépendants et les salariés en matière de sincérité fiscale, même si la mesure de la sous-déclaration reste forcément imprécise. Les travaux de l’INSEE qui ont donné lieu à publication en 2011 montrent que la sous-déclaration de revenus représenterait environ 25 % des bénéfices des entreprises individuelles. D’après le même organisme, les taux de fraude, en pourcentage du chiffre d’affaires, ont tendance à être plus élevés dans les plus petites entreprises, donc dans le segment couvert par les OGA. Par ailleurs, il existe toujours une proportion significative d’entrepreneurs individuels – environ un tiers des professionnels au réel à l’impôt sur le revenu – qui n’adhèrent pas aux organismes agréés, alors même qu’ils déclarent des bénéfices et auraient normalement intérêt à adhérer. Ceux-ci ne font donc pas l’objet de vérifications annuelles de leurs déclarations fiscales et supportent en contrepartie une majoration de 25 % de leur assiette.

Cette approche statistique globale est confortée par une analyse du comportement fiscal comparé des adhérents et des non-adhérents, basée sur le contrôle fiscal réalisé par la DGFIP. Les adhérents d’organismes agréés sont entre 1,5 et 2 fois moins contrôlés par l’administration fiscale que les non-adhérents, principalement parce que leurs déclarations fiscales sont formellement mieux présentées, ce qui fait qu’ils passent plus facilement au travers des mailles du filet de l’analyse-risque – constitué de contrôles sur pièces ou sur place. Quand les adhérents d’organismes agréés sont contrôlés, ils sont redressés dans les mêmes proportions élevées que les non-adhérents : environ 80 % des adhérents comme des non-adhérents sont ainsi redressés à l’issue d’un contrôle sur place. En revanche, lorsqu’ils sont redressés, les fautes commises par les adhérents sont moins graves que celles des non-adhérents. Ainsi, les montants des redressements et des pénalités sont plus faibles chez les adhérents que chez les non-adhérents – de 1,5 à 2 fois plus faibles pour le montant des redressements et de 2 à 6,5 fois plus faibles pour le montant des pénalités.

La contribution directe des organismes agréés à la sincérité fiscale des adhérents n’est donc pas démontrée. Les données qui précèdent, relatives à l’importance des redressements, peuvent donner à penser que les adhérents sont plus sincères, mais il est également probable que les contribuables les plus sincères aient une propension plus élevée à adhérer à un OGA. Dans cette dernière hypothèse, la moindre gravité des manquements constatés lors d’un contrôle ne résulterait pas de l’intervention de l’organisme agréé, mais du fait que les adhérents ont spontanément un comportement fiscal plus régulier – ce que les techniciens appellent un « billet de sélection ».

Le deuxième message, c’est que les relations entre l’administration fiscale et les organismes agréés trouveraient grandement matière à être améliorées. L’articulation des organismes agréés avec l’action de l’administration fiscale est aujourd’hui insuffisante : on constate une juxtaposition des deux structures plutôt qu’une articulation entre elles. Il n’existe en effet aucune coordination en matière de programmation des contrôles fiscaux. L’administration ne tient jusqu’à présent pas compte des contrôles préalables effectués par les organismes agréés pour programmer ses propres contrôles. En 2010, seuls 3,8 % des contrôles sur place d’adhérents d’organismes agréés avaient porté sur des entreprises ayant un compte rendu de mission négatif. Par ailleurs, l’administration fiscale ne communique pas systématiquement aux organismes agréés les résultats de ses propres contrôles.

Le contrôle de l’administration sur les organismes agréés trouverait par ailleurs matière à être renforcé. Si quelques rares non-renouvellements d’agrément ont été prononcés ces dernières années, la sanction du retrait d’agrément est insuffisamment utilisée pour garantir la bonne application des recommandations issues des audits de l’administration. Ceux-ci ont été remodelés en profondeur depuis 2008, mais apparaissent toujours relativement formels et gagneraient à ce que leur application se fasse de façon plus homogène au niveau des services déconcentrés.

En fin de compte, les organismes agréés ont, au-delà de leur contribution à la préservation de la sincérité fiscale, surtout un rôle pratique d’interface entre l’administration fiscale et les entrepreneurs individuels. Ce rôle d’intermédiation fiscale se manifeste par une assistance à la télédéclaration, une aide à l’établissement des déclarations et au respect des délais de dépôt, ainsi que par des relances amiables. Cette fonction a permis, dès l’origine, et ce n’est pas négligeable, tout à la fois de décharger l’administration fiscale de certaines tâches et de pacifier les relations entre l’administration et les petits entrepreneurs.

Le troisième message du rapport porte sur l’accumulation – que la Cour estime mal justifiée – d’incitations fiscales visant à encourager l’adhésion aux organismes agréés. Les avantages se sont en effet multipliés, notamment sur une période récente, et font l’objet d’une juxtaposition peu cohérente. Cette évolution nous semble, pour une large part, dictée par des considérations liées au souci de préserver et de développer l’activité des organismes agréés, alors même que le constat d’une réduction drastique des adhérents sur lequel se fondent ces évolutions est erroné.

Deux dispositifs dont la justification est particulièrement fragile méritent d’être soulignés. D’abord, la réduction d’impôt pour frais de tenue de comptabilité, en contrepartie de l’adhésion à un organisme agréé et du passage du régime micro au régime réel, représente un coût budgétaire pour l’État de l’ordre de 40 millions d’euros par an. Pour autant, elle a surtout des effets d’aubaine pour les contribuables pour qui le passage du régime micro au régime réel s’impose naturellement à partir d’un certain stade de développement pour pouvoir déduire leurs charges du revenu imposable, et pour qui l’adhésion à un organisme agréé paraît alors judicieuse pour pouvoir bénéficier de la non-majoration du bénéfice. Cette niche fiscale complexifie donc inutilement le paysage fiscal. De même, l’introduction en 2010 de la réduction du délai de reprise de l’administration fiscale de trois à deux ans pour les adhérents réduit l’efficacité du contrôle fiscal. Les adhérents d’organismes agréés ne peuvent désormais faire l’objet de redressements que sur les deux années précédant leur déclaration de résultats, quand bien même des irrégularités seraient observées sur l’exercice n – 3.

Quatrièmement, des marges de progrès certaines existent en matière d’efficience des organismes agréés. Cela recouvre de nombreux domaines. Tout d’abord, en parallèle de leurs missions fiscales, les organismes agréés ont développé des missions annexes à la valeur ajoutée incertaine. Ces missions annexes – aide à la gestion, formation, information des entrepreneurs – ont d’ailleurs été renforcées par la législation en 2005, avec la superposition d’une mission de prévention des difficultés économiques. Pour autant, l’utilité de ces missions annexes n’est pas établie et elles font fréquemment double emploi avec des prestations qu’offrent les professionnels de l’expertise comptables et les chambres consulaires en matière d’accompagnement et de formation.

En parallèle, l’activité des organismes agréés occasionne, pour leurs adhérents, des coûts qui pourraient être réduits. Ces coûts excessifs sont liés à deux caractéristiques. Premièrement, à une structure éparpillée : le réseau des organismes agréés apparaît actuellement dense et très hétérogène. Les OGA regroupent un nombre très variable d’adhérents, allant de quelques centaines à plusieurs milliers, ce qui ne permet pas la réalisation d’économies d’échelle suffisantes, alors même que le contexte de dématérialisation et d’informatisation de ces dix dernières années y aurait été favorable – le travail quotidien d’un centre de gestion agréé consiste essentiellement dans le traitement de masse d’informations dématérialisées.

Deuxièmement, on constate dans les organismes agréés une accumulation de trésorerie importante et certainement excessive. Ces réserves de trésorerie représentent près de 300 millions d’euros en 2012, soit 120 % de leur chiffre d’affaires annuel moyen. Cela peut s’expliquer en partie par la pratique consistant à appeler de façon très anticipée les cotisations – un an et demi avant la réalisation des travaux. Cependant, cela suggère également que les cotisations des entreprises adhérentes, qui ont augmenté depuis 2009, sont trop élevées.

Enfin, l’indépendance des organismes agréés vis-à-vis des professionnels de l’expertise comptable nous semble insuffisante. La ligne de partage est floue entre les professionnels de l’expertise comptable qui établissent les comptes et les organismes agréés qui vérifient les déclarations fiscales. Certains experts-comptables et certains organismes agréés peuvent à la fois établir les comptes de leurs clients et vérifier leurs déclarations fiscales, ce qui fait peser des risques sur la qualité des travaux des organismes agréés. Il peut même arriver que des experts-comptables membres de conseils d’administration menacent de retirer leurs clients de l’organisme agréé si les comptes rendus de mission envoyés à l’administration concernant leurs clients ne sont pas positifs.

Le dernier message concerne les pistes d’évolution du dispositif. Je dis bien « évolution » car, somme toute, le bilan des organismes agréés appelle moins la suppression du dispositif que sa réorientation profonde. Le bilan des organismes agréés apparaît en effet mitigé quarante ans après leur création. Au fil des années, le coût du dispositif s’est alourdi, sans pour autant que l’avantage principal attendu en termes de garantie de la régularité des déclarations fiscales des entreprises individuelles soit démontré. L’automatisation généralisée des vérifications effectuées par les organismes agréés depuis une dizaine d’années du fait de la dématérialisation des déclarations fiscales a considérablement facilité leur travail, mais n’a pas modifié substantiellement leur contribution à l’amélioration de la sincérité fiscale des adhérents.

Pour autant, la suppression du dispositif ne semble ni souhaitable ni envisageable, et ce pour deux raisons.

Premièrement, il apparaît nécessaire de maintenir une différenciation dans l’imposition des entreprises selon qu’elles acceptent ou non de se plier à une procédure visant à assurer une plus grande transparence de leurs revenus. En effet, supprimer la non-majoration pour les adhérents d’organismes agréés – ce qui équivaudrait à imposer tous les professionnels à l’IR sur 125 % de leurs revenus – ne paraît guère envisageable, ni juridiquement ni pratiquement, car cela reviendrait à considérer par principe que tous les travailleurs non salariés sont fraudeurs à hauteur de 25 % environ et doivent être imposés sur une base supérieure d’autant à celle déclarée. D’après les estimations de l’administration fiscale, cela représenterait un surcroît de recettes pour l’État de 3,8 milliards d’euros à barème inchangé. Inversement, faire bénéficier de la non-majoration les non-adhérents, c’est-à-dire imposer tous les professionnels à l’IR sur 100 % de leur revenus, n’apparaît pas non plus souhaitable, dans la mesure où il n’y aurait plus aucune incitation à adhérer à un organisme agréé et à soumettre annuellement ses déclarations fiscales à un regard extérieur. En outre, cette option coûterait environ 150 millions d’euros au budget de l’État. Il paraît donc inévitable de maintenir une différenciation de traitement fiscal liée à la transparence et au regard externe qu’acceptent ou non les travailleurs non salariés sur les revenus qu’ils déclarent.

Deuxièmement, les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé ont mis en évidence l’utilité de conserver une forme spécifique d’intermédiation entre les travailleurs non salariés et l’administration fiscale. Cette dernière ne souhaite d’ailleurs pas remettre en cause le dispositif d’intermédiation – qui existe dans la plupart des pays développés sous des formes variables.

Le bilan des organismes agréés appelle cependant à une réorientation profonde du dispositif au profit de sa dimension fiscale initiale, consistant en un objectif d’amélioration de la régularité des déclarations. Il s’agit, dans le contexte actuel, qui n’est plus celui des années 1970, de rééquilibrer au bénéfice de la collectivité le bilan coûts-avantages de l’intervention des organismes agréés. Le rapport formule à cet effet quinze recommandations, que l’on peut regrouper en trois directions.

Il s’agit d’abord de recentrer l’activité des organismes agréés sur leurs missions fiscales. Ainsi, les vérifications des organismes agréés pourraient être étendues à de nouvelles déclarations telles que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE –, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – ou les déclarations sociales des indépendants. Elles pourraient également porter sur les pièces justificatives des dépenses, qui en sont pour l’instant exclues. La contribution des organismes agréés à la gestion de l’impôt pourrait également être améliorée en accompagnant les entrepreneurs dans le développement de la télétransmission et de la comptabilité dématérialisée. En parallèle, les missions annexes des organismes agréés – dossier d’analyse économique et financière, formation –, dont l’utilité paraît souvent limitée, seraient rendues facultatives. Ces propositions devraient également être appliquées aux professionnels de l’expertise comptable délivrant le visa fiscal, c’est-à-dire aux experts-comptables, qui peuvent jouer le rôle des organismes agréés et ouvrir droit à la non-majoration de 25 %.

Le deuxième bloc de recommandations consiste à réexaminer les avantages fiscaux accessoires. Dans la mesure où de nombreux avantages concourent au même objectif – l’adhésion aux organismes agréés –, il serait souhaitable de simplifier le système autour de la principale mesure incitative qu’est la non-majoration de 25 % des revenus professionnels.

Enfin, il apparaît nécessaire de rationaliser le fonctionnement du système, ce qui passe par une harmonisation des conditions d’exercice entre organismes agréés et professionnels de l’expertise comptable disposant du visa fiscal. L’indépendance des organismes agréés pourrait également être renforcée en introduisant une durée minimale d’adhésion et en révisant les règles relatives à la composition des conseils d’administration des organismes agréés. Enfin, il apparaît nécessaire de réduire les coût de gestion des organismes agréés en favorisant une transparence des tarifs vis-à-vis des adhérents et en veillant, à travers les audits de l’administration, à éviter une accumulation de trésorerie injustifiée. Ces différentes mesures – réduction des missions annexes des organismes agréés, résorption des montants de trésorerie excessivement élevés et informatisation des processus – devraient permettre d’assumer de nouvelles missions fiscales avec un niveau de cotisation inchangé.

Telles sont les constatations que nous avons faites et les recommandations que nous en avons tirées.

M. le président Gilles Carrez. Comme vous l’avez dit, le bilan que vous dressez est plutôt mitigé – plus que je ne l’aurais pensé. Pouvez-vous nous rappeler les raisons pour lesquelles une majoration fictive de l’assiette d’imposition de 25 % pour les non-adhérents des organismes de gestion agréés a été mise en place, en dépit du problème constitutionnel qu’une telle mesure paraissait poser – le Conseil constitutionnel l’ayant cependant validée, contre toute attente ? N’aurait-il pas été plus simple de considérer que les adhérents devaient bénéficier d’une réduction de leur assiette ?

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. En fait, c’est le législateur qui a pris cette décision à la suite de l’intégration de l’abattement dans le barème de l’impôt sur le revenu en 2006.

M. le président Gilles Carrez. Effectivement : à défaut, nous aurions eu une perte de recettes.

M. Charles de Courson. Il y a environ vingt-cinq ans, le Conseil des impôts avait procédé à un tirage aléatoire parmi les adhérents et les non-adhérents aux organismes de gestion agréés, et demandé à l’administration fiscale d’effectuer des contrôles sur les contribuables tirés au sort, afin de déterminer si le taux de redressement des non-adhérents était supérieur à celui des adhérents. Si j’ai bonne mémoire, le différentiel constaté n’était que de 10 % à 15 %. Je m’interroge sur la validité méthodologique des constatations faites par l’INSEE – à mon sens, seule la méthode du tirage aléatoire permet de procéder à des comparaisons sur des échantillons homogènes – et, partant, sur le taux de sous-déclaration de 25 % retenu. Ce taux de 25 % résulte-t-il des contrôles fiscaux effectués ? Ne conviendrait-il pas de le ramener à 10 % ou 15 % ?

Ma deuxième question porte sur la constitutionnalité de la majoration de 25 % appliquée aux non-adhérents, majoration pour le moins étonnante en dépit de sa validation par le Conseil constitutionnel : imposer des contribuables sur l’hypothèse qu’ils sont tous fraudeurs à hauteur de 25 % en moyenne constitue une aberration juridique. Il me semble qu’il faudrait pour le moins s’interroger sur les motivations de ceux qui décident de ne pas adhérer aux organismes de gestion agréés. Le coût de l’adhésion, en particulier pour les petites entreprises, est parfois invoqué : il n’est pourtant que d’environ 200 euros, à mettre en regard de l’avantage fiscal qu’il permet d’obtenir.

M. Alain Rodet. Je m’étonne que vous ne fassiez pas la distinction, dans votre exposé, entre les différents types de centres de gestion agréés. Ceux qui interviennent dans le secteur de l’agriculture et qui, à leurs débuts, ont été chaperonnés par les chambres d’agriculture, ont-ils de meilleures pratiques que les autres ? Par ailleurs, une partie des recettes des agriculteurs est constituée de primes versées par l’État ou par l’Europe : vos constatations sont-elles les mêmes pour eux que pour les autres travailleurs indépendants ?

M. Laurent Grandguillaume. Je salue la qualité du travail effectué par la Cour des comptes, notamment des propositions qui sont faites, et qui mériteraient d’être reprises par le législateur – non seulement pour aboutir à des économies, mais pour financer des mesures nouvelles en direction des entrepreneurs individuels. Une grande partie de ces entrepreneurs, imposés au forfait, ne sont pas suivis par les organismes de gestion agréés alors qu’ils ont un besoin essentiel d’accompagnement et, de ce fait, se retrouvent souvent isolés – a fortiori ceux qui se trouvent pratiquement au seuil d’assujettissement à la TVA, qui les ferait basculer du régime simplifié forfaitaire au régime réel. Le suivi exercé par les organismes de gestion agréés des entrepreneurs imposés au forfait permettrait d’y remédier.

Par ailleurs, à l’heure actuelle, les artisans reprochent aux auto-entrepreneurs leur concurrence fiscale déloyale, tandis que certains auto-entrepreneurs se plaignent du « salariat déguisé », que leur imposent des employeurs soucieux de diminuer leurs charges : là aussi, l’intervention des organismes de gestion agréés pourrait améliorer la situation.

Enfin, les économies produites par les mesures que vous proposez permettraient également de réaliser le statut unique de l’entrepreneur individuel, en établissant une distinction entre les revenus de l’entreprise, qui seraient soumis à l’impôt sur les sociétés
– IS –, de ceux de l’entrepreneur, qui seraient soumis à l’impôt sur le revenu – IR. En l’état actuel des choses, le fait que les entrepreneurs individuels soient soumis en totalité à l’IR – à l’exception de ceux constitués en entrepreneur individuel à responsabilité limité – EIRL – et ayant opté pour le régime de l’IS – constitue une injustice.

Vos propositions permettraient une gestion plus saine et procureraient des économies permettant de réaliser des mesures nouvelles allant dans le sens de la justice fiscale. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette question des entrepreneurs individuels imposés au forfait ?

M. Jean-Louis Dumont. Je souhaite, moi aussi, évoquer la question de l’agriculture. Ne serait-il pas possible de recentrer l’activité des organismes agréés sur leur mission fiscale initiale, aujourd’hui largement dépassée par celle de conseil ? Par ailleurs, il très fréquent, actuellement, qu’un agriculteur cherche à convertir tout ou partie de ses terres – en transformant, par exemple, une prairie naturelle de fond de vallée en champ de céréales, dans une logique spéculative. Or, quand un exploitant désireux de mener à bien un tel projet, quel que soit son statut – individuel, groupement agricole d’exploitation en commun – GAEC – ou société anonyme – SA –, voit sa demande de subvention européenne refusée, il se retrouve seul, sans aucun conseil ni suivi.

J’en viens donc à cette question : les organismes de gestion agréés sont-ils soumis à des contrôles portant sur la déontologie de leurs pratiques et sur la nature de leurs missions ? Que des spécialistes privés accompagnent certains gros contribuables soucieux d’optimisation fiscale – en clair, souhaitant payer le moins d’impôts possible –, nul ne songe plus à s’en étonner, mais il me semble qu’au-delà de cette pratique, on assiste aujourd’hui à des détournements qui s’opèrent au détriment des équilibres du milieu rural.

M. Dominique Lefebvre. Si la Cour fait un bilan mitigé de l’action des organismes de gestion agréés, les propositions d’évolution qu’elle fait ne me paraissent pas révolutionnaires. Dans la mesure où vous avez largement consulté les administrations fiscales, mais aussi les organismes gestionnaires et les organisations professionnelles, pouvez-vous nous préciser le degré de consensus – ou de dissensus – de ces différents acteurs quant au diagnostic de la situation et aux voies et moyens permettant d’avancer ?

M. Charles de Courson. J’aimerais que vous nous éclairiez sur le lien entre la fonction de base – c’est-à-dire fiscale – des organismes de gestion agréés et la fonction de conseil. Est-il vrai que nombre de ces organismes entretiennent la confusion entre les tarifs de la fonction de contrôle fiscal et ceux de la fonction de conseil ?

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. Pour ce qui est de la première question de M. de Courson, il ne faut pas perdre de vue que les données statistiques dont nous disposons relèvent de la comptabilité nationale, et que le chiffre de 25 % doit être considéré avec prudence. Les taux de redressement respectifs des adhérents et des non-adhérents ont été établis en prenant pour base la totalité des contrôles réalisés durant trois ans par la DGFIP sur les travailleurs non salariés imposés au réel, et sur la base d’une analyse risque standard, c’est-à-dire sans tenir compte du fait que les entrepreneurs soient adhérents ou non – la DGFIP n’utilisant pas les rapports de mission des organismes agréés pour déterminer sa politique de contrôle. Il a donc été procédé à une analyse exhaustive d’une population d’adhérents et de non-adhérents, choisie de manière aléatoire ou du moins sur des critères relevant de l’analyse standard mise en œuvre par la DGFIP. Cette analyse a mis en évidence des résultats très proches de ceux auxquels avait abouti le Conseil des impôts il y a une vingtaine d’années, à savoir que les irrégularités constatées sont pratiquement aussi fréquentes parmi les adhérents que parmi les non-adhérents, étant toutefois précisé que la gravité des errements – ainsi que leur pénalisation – est plus faible chez les adhérents.

Quant à savoir si le fait que les irrégularités soient moins graves parmi les adhérents doit être attribué à l’intervention des organismes de gestion, ou simplement au fait que les professionnels choisissant d’adhérer ont un comportement fiscal plus sincère, c’est là une question à laquelle personne ne saurait répondre. Le chiffre de 25 % renvoie à l’historique de l’abattement, que le législateur avait fait passer de 10 % à 20 %. En 2010, le Conseil constitutionnel a motivé sa décision de valider la non-majoration de 25 % au profit des adhérents en indiquant que les organismes de gestion agréés contribuaient à l’objectif constitutionnel de lutte contre l’évasion fiscale, et que la différence de traitement entre les adhérents et les non-adhérents se justifiait par une considération et un objectif de portée générale, à savoir l’égalité devant l’impôt. Cette décision, qu’il ne nous appartient pas de commenter, donne en tout état de cause un fondement juridique solide au système actuel.

Les raisons poussant une partie des entrepreneurs à ne pas adhérer ne sont pas faciles à cerner. L’argument du coût, parfois invoqué, ne paraît pas déterminant. Il nous a été dit que les relais d’information professionnels et syndicaux présentaient une efficacité variable : alors que l’adhésion procède rarement d’une démarche spontanée de l’entrepreneur – elle résulte le plus souvent de l’intervention d’un syndicat professionnel ou d’une chambre consulaire –, il se peut qu’en certains points du territoire, des professionnels appartenant à un secteur insuffisamment structuré ne soient même pas informés de l’existence des organismes de gestion. Enfin, des responsables de centres de gestion nous ont indiqué que certains professionnels faisaient le choix de ne pas adhérer afin d’éviter qu’un regard extérieur ne soit porté sur leurs comptes, prenant ainsi sciemment le risque d’un redressement fiscal en même temps qu’ils renoncent au bénéfice de la non-majoration de 25 %.

M. le président Gilles Carrez. Le choix de la non-adhésion est-il plus fréquent quand il s’agit d’une association agréée – s’adressant aux professions libérales – plutôt que d’un centre ?

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. À ma connaissance, il n’y a pas de différence majeure de ce point de vue.

M. Christian Charpy, président de section à la première chambre de la Cour des comptes. Les taux d’adhésion des professions libérales sont tout de même plus élevés, notamment en raison du fait que les revenus des professionnels de santé sont déclarés à la Caisse nationale d’assurance maladie.

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. La question de M. Rodet portait sur les chiffres par sous-secteurs, en particulier sur ceux de l’agriculture. Les chiffres que j’ai cités s’entendent de façon globale, c’est-à-dire qu’ils valent indépendamment de la nature des revenus – qu’ils soient agricoles, industriels ou commerçants, ou issus de l’exercice d’une profession libérale –, aucune différence significative n’ayant été relevée entre les différents secteurs d’activité.

Pour ce qui est des remarques de M. Grandguillaume au sujet de l’imposition au forfait, je ne peux que confirmer que nous n’avons pas étudié la situation des contribuables soumis à ce régime, les adhérents des organismes de gestion agréés étant, par définition, soumis au régime réel d’imposition.

Les très nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé nous ont donné le sentiment que la mission initiale des centres de gestion agréés, principalement fiscale, s’était diluée avec le temps pour se muer en un contrôle effectué de manière mécanique, notamment en raison de la dématérialisation des documents, tandis que les missions considérées à l’origine comme annexes – d’information, de conseil, de formation – avaient tendance à devenir les missions principales. C’est ce qui motive notre proposition, peut-être naïve, de revenir en arrière pour faire en sorte que les centres de gestion agréés aient à nouveau pour mission essentielle de consacrer leur énergie et leurs moyens à l’apport d’une plus-value en termes de sincérité fiscale, les fonctions d’information, conseil et formation pouvant facilement être assumées par d’autres organismes de nature publique, parapublique ou privée – notamment les chambres d’agriculture, pour ne citer qu’elles.

M. Lefebvre nous a interrogés sur l’état d’esprit des personnes que nous avons auditionnées. Je dois dire que le travail réalisé par la Cour à votre demande auprès des organismes de gestion agréés a manifestement suscité de l’émoi et de l’inquiétude de la part de ces entités qui, depuis l’intégration de l’abattement au barème fiscal en 2006, vivent dans l’idée que leurs jours sont comptés. Si, huit ans plus tard, ils sont toujours là, il faut reconnaître que le choix de plus en plus fréquent des entreprises de se constituer en société, ainsi que le développement du statut de l’auto-entrepreneur, réduisent d’autant l’étendue du marché sur lequel ils ont vocation à intervenir. Nous avons donc eu affaire à des personnes sur la défensive, et avançant fréquemment l’idée selon laquelle leur survie passait par un renforcement de l’incitation fiscale récompensant l’adhésion des entrepreneurs – cette idée étant d’ailleurs confortée par le fait que l’intégration de l’abattement au barème en 2006, qui avait semblé faire peser une menace sur les centres de gestion agréés, s’était accompagnée d’une augmentation de l’incitation fiscale. Le sentiment d’angoisse auquel sont en proie les organismes explique également en partie le fait qu’ils aient de plus en plus tendance à élargir leur mission en proposant des services allant au-delà de l’aspect strictement fiscal. C’est un univers complexe, présentant des particularités socioprofessionnelles fortement marquées – agriculteurs, professions libérales, commerçant et artisans – et très émietté dans sa composition, qui comporte un grand nombre d’entités fédératives.

Quant à l’administration fiscale, il est clair qu’elle ne souhaite pas la disparition de l’interface que constituent les organismes de gestion agréés, qui aurait pour conséquence de la placer en relation directe avec les travailleurs indépendants. Reprendre le rôle d’intermédiation consistant à délivrer des informations aux entrepreneurs en vue de l’accomplissement de leurs obligations fiscales nécessiterait, selon elle, la création de nombreux emplois au sein de la direction générale des finances publiques – et, quand bien même il pourrait être pourvu aux nouveaux besoins par des redéploiements, elle n’a aucune envie d’en arriver là. À notre sens, la vraie difficulté pour l’administration fiscale réside dans le fait de se servir réellement des centres de gestion agréés, en faisant pression sur eux afin qu’ils se consacrent davantage à la mission consistant à favoriser la régularité des déclarations, c’est-à-dire la sincérité fiscale. Si je ne vais pas jusqu’à dire que les recommandations que nous avons formulées – qui n’entraînent pas de grands bouleversements pour l’administration fiscale et les centres de gestion agréés – font consensus, il nous semble cependant qu’elles constituent une base sur laquelle nous pourrions organiser une concertation associant l’ensemble des professionnels concernés.

M. Dominique Lefebvre. Vous ne faites pas la distinction, dans votre réponse au sujet de l’état d’esprit de vos interlocuteurs, entre les responsables des centres de gestion agréés et les représentants des professions – vous avez rencontré notamment le président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises – CGPME – et celui de l’Union professionnelle artisanale – UPA. Or, si une éventuelle réforme aurait des conséquences pour l’administration, notamment en termes d’emploi, elle impliquerait également des enjeux importants pour les professions. De ce point de vue, l’administration et les professions ont-elles une position divergente ou opposée ?

M. Christian Charpy, président de section à la première chambre de la Cour des comptes. Les gestionnaires des centres de gestion sont beaucoup plus inquiets pour l’avenir de leur profession que ne le sont les fédérations d’entrepreneurs : de ce point de vue, la CGPME et l’UPA, que vous avez citées, ne nous ont pas semblé très motivées par le sujet – à la différence des représentants des professions libérales que nous avons rencontrés.

La situation est ambiguë : on peut se demander si nous sommes aujourd’hui en présence d’associations qui rendent service à leurs adhérents, ou de prestataires de services qui facturent des conseils à leurs clients – personnellement, je penche plutôt pour la seconde hypothèse.

L’effectif des centres de gestion a depuis 2008-2009, notamment en raison de la séparation entre les activités de comptabilité et celles relative à la fiscalité ; il est actuellement de 2 500 personnes.

M. Alain Fauré. J’ai effectivement relevé que 2 500 salariés étaient employés au service des différents OGA. Leur travail ne consiste pas seulement à fournir du conseil fiscal et va actuellement dans le sens d’une diversification, dont témoigne la réorganisation des services de CERFRANCE, qui fédère les organismes agréés. On sait que les OGA, créés pour « pacifier les relations » entre l’administration fiscale et les professions, supervisent une assiette d’impôt s’élevant à 10 milliards d’euros, et que l’administration fiscale n’est guère enthousiaste à l’idée de devoir reprendre leurs attributions. J’aimerais savoir ce qui a motivé la réalisation de ce rapport et les gains que l’on en attend. Une réforme de l’organisation actuelle permettrait-elle d’améliorer la sincérité fiscale, donc le montant des rentrées fiscales ? Cette réforme passe-t-elle par une modification des abattements, ou par une réorganisation des OGA qui permettrait d’alléger les services fiscaux ?

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. Je commencerai par rappeler que c’est votre commission qui nous a demandé d’effectuer ce travail en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, comme l’a indiqué tout à l’heure le président Carrez. Pour faire un bref rappel historique, la mise en place des centres de gestion agréés est contemporaine des débats fiscaux du début des années 1970, de la création de la Confédération intersyndicale de défense et Union nationale d’action des travailleurs indépendants – CID-UNATI –, de la forte contestation par les professions non salariées de l’impôt sur le revenu – justifiée à l’époque par le fait qu’elles ne bénéficiaient pas de l’abattement de 10 % des salariés –, et de l’instauration du Conseil des impôts. Il y a eu à cette époque une sorte de mouvement « donnant-donnant » aux termes duquel la collectivité a fait bénéficier les travailleurs non salariés des mêmes avantages que les salariés à la condition que ces professionnels acceptent de soumettre leurs revenus et leur comptabilité à un regard externe, celui des centres de gestion agréés.

Le rapport que nous vous présentons aujourd’hui constitue le bilan qui peut être dressé de la situation quarante ans après ce mouvement historique, afin de vérifier si les objectifs qui étaient poursuivis sont aujourd’hui atteints. Si la situation n’est pas pleinement satisfaisante en termes de sincérité fiscale, la fonction d’intermédiation entre les professions et l’administration fiscale est perçue positivement par les deux parties, même si la mission fiscale assignée initialement aux centres de gestion agréés a progressivement été perdue de vue au profit d’autres activités qui, d’annexes, sont en train de devenir principales.

M. Christian Charpy, président de section à la première chambre de la Cour des comptes. Le rapport met également en évidence le fait que l’incitation fiscale consistant en une non-majoration de 25 % est suffisante.

M. le président Gilles Carrez. Il y aurait 40 millions d’euros à trouver pour compenser la non-majoration accordée aux adhérents... Par ailleurs, la Cour préconise la suppression de la réduction du délai de reprise de l’administration fiscale de trois à deux ans.

M. Charles de Courson. Les représentants de la Cour des comptes n’ont pas tout à fait répondu à la question que j’avais posée au sujet de la tarification de la prestation fiscale par rapport à celle des prestations non fiscales. Il y a quelques années, les professionnels m’avaient expliqué qu’il était fréquent qu’ils sous-tarifent la prestation fiscale au profit de la prestation de conseil – quand ce n’était pas l’inverse.

M. Christian Charpy, président de section à la première chambre de la Cour des comptes. Il y a obligation pour un organisme de gestion agréé d’appliquer le même tarif à tous les membres d’une association – ce qui n’est d’ailleurs pas forcément logique, car le travail effectué n’est pas le même selon qu’un professionnel fait ou non appel à un expert-comptable. Les tarifs pratiqués diffèrent beaucoup d’un OGA à l’autre : ils peuvent aller de 120 euros à 350 euros, étant précisé que les prestations fournies sont, elles aussi, très variables – ainsi, la fédération CERFRANCE a des tarifs assez élevés, mais cela s’explique par le fait qu’elle pratique davantage le conseil et l’aide à la comptabilité.

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. Nous nous sommes inquiétés, lors des auditions auxquelles nous avons procédé, du niveau exceptionnellement élevé des réserves de trésorerie des centres de gestion agréés – qu’ils justifient par la nécessité de faire des provisions afin de faire face aux licenciements qu’entraînerait leur disparition. En exigeant l’encaissement des factures de leurs prestations un an et demi avant que celles-ci ne soient effectuées, ils ont accumulé une réserve de 300 millions d’euros. Le montant très faible de chaque facture prise individuellement fait que les professionnels ne sont pas incités à remettre en cause ce qui, pour eux, constitue pratiquement un prélèvement obligatoire, dans la mesure où le non-paiement se traduirait par une augmentation de 25 % de leur assiette fiscale. Une telle situation est choquante et, de ce point de vue, la DGFIP nous paraît manquer de pugnacité et de vigilance. On peut même considérer qu’elle favorise la tendance des gestionnaires à thésauriser – par exemple, en ne diminuant pas le montant des cotisations alors que la dématérialisation engendre des gains de productivité massifs.

M. Charles de Courson. Vous avez rapidement évoqué la situation des entrepreneurs situés juste au-dessus de ceux soumis à l’imposition réelle, à savoir les SARL et les EURL. Deux grandes mesures ont été prises au cours des quinze dernières années, à savoir l’extension de l’abattement de 20 % au profit des gérants majoritaires et le taux d’IS réduit à 15 %. Selon vous, faut-il y voir une bonne chose ?

M. le président de la première chambre de la Cour des comptes. Nous ne portons pas d’appréciation sur ce sujet, qui n’entrait pas dans le champ d’étude que le législateur nous avait assigné, à savoir l’action des organismes de gestion agréés.

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 10 septembre 2014 à 16 h 30

Présents. - M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Jérôme Chartier, M. Romain Colas, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Louis Dumont, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Marc Goua, M. Laurent Grandguillaume, M. Dominique Lefebvre, M. Jean-François Mancel, M. Pierre-Alain Muet, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Alain Rodet, Mme Eva Sas, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Pierre Moscovici, M. Thierry Robert

Assistait également à la réunion. - M. Lionel Tardy

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1 Ce rapport peut être consulté sur le site de la Cour des Comptes http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-organismes-de-gestion-agrees-40-ans-apres