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Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mercredi 20 janvier 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 58

Présidence de M. Gilles Carrez, Président

–  Audition de M. Pascal Duchadeuil, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les dispositifs et les crédits mobilisés en faveur des jeunes sortis sans qualification du système scolaire

–  Informations relatives à la commission

–  Présences en réunion

La commission entend M. Pascal Duchadeuil, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les dispositifs et les crédits mobilisés en faveur des jeunes sortis sans qualification du système scolaire.

M. le président Gilles Carrez. Nous examinons aujourd’hui le rapport d’enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les dispositifs et les crédits mobilisés en faveur des jeunes sortis sans qualification du système scolaire. Cette enquête avait été demandée en 2013, à l’initiative de Régis Juanico. La Cour nous avait alors prévenus qu’il s’agirait d’un très long travail. C’est le dernier des rapports que nous devions recevoir au titre de l’année 2013.

En 2014, dans le cadre du même 2° de l’article 58 de la LOLF, nous avons demandé à la Cour de travailler sur les contributions internationales de la France entre 2007 et 2014, sur le bilan d’étape du transfert de services de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à Metz et sur les pistes de rationalisation de l’organisation territoriale en ce qui concerne les groupements sans fiscalité propre – syndicats intercommunaux à vocation unique (SIVU) et à vocations multiples (SIVOM), syndicats mixtes. Seul ce dernier rapport, demandé par Christine Pires Beaune, ne nous est pas encore parvenu.

Fin 2015, nous avons demandé quatre nouvelles enquêtes, sur la tutelle des majeurs, sur la prise en compte de la dépense locale et de son efficacité dans la répartition des concours de l’État aux collectivités territoriales et dans les critères de péréquation, sur les moyens des services de police technique et scientifique et leur coordination, ainsi que sur l’efficacité de la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans la collecte des impôts. Ces rapports devraient nous être remis entre septembre 2016 et janvier 2017.

M. Pascal Duchadeuil, président de la cinquième chambre de la Cour des comptes. Cette enquête sur le parcours des jeunes « décrocheurs » a été un travail long. Sept régions, huit académies et, au sein de celles-ci, sept bassins d’emploi ont fait l’objet d’investigations approfondies.

Pour définir la notion de jeunes sans qualification, la Cour s’est appuyée sur le code de l’éducation : ce sont les jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme ou sans titre professionnel. Deux grandes catégories sont donc concernées : d’une part, les décrocheurs à proprement parler, c’est-à-dire ceux qui, à partir de seize ans – âge auquel se termine la scolarité obligatoire –, sortent du système éducatif sans qualification, et pour lesquels des dispositifs spécifiques de « raccrochage » sont prévus ; d’autre part, les jeunes sans qualification de dix-huit à vingt-cinq ans, pour lesquels il existe des dispositifs spécifiques ou généraux visant à assurer leur insertion sur le marché du travail.

Pour vous présenter les principaux enseignements de cette enquête, je suis entouré de l’équipe de contrôle, issue de deux chambres de la Cour – la troisième, compétente pour l’éducation, et la cinquième, compétente pour l’emploi et la formation professionnelle.

Les sorties sans qualification du système scolaire sont en relative diminution ; mais le phénomène reste très préoccupant du point de vue de l’accès à l’emploi. Le flux de jeunes sortant chaque année sans qualification du système scolaire peut être estimé pour la France métropolitaine à 103 000 jeunes en moyenne sur les années 2010 à 2012, soit 15 % des sortants. Cet indicateur évolue à la baisse, ce qui est heureux.

Si l’on raisonne maintenant, non pas en flux, mais en stock, la population des jeunes sans qualification est estimée par la Cour, pour la métropole toujours, à environ 480 000 jeunes pour la catégorie des dix-huit à vingt-quatre ans, soit 9 % des jeunes de cette tranche d’âge. La tendance est là aussi à la baisse. Les dernières données consolidées, qui remontent à décembre 2015, confirment ces estimations.

La France se situe par ailleurs dans la moyenne européenne : avec un taux de « sortants précoces » de 9 %, nous nous situons à peu près au même niveau que l’Allemagne, qui est à 9,5 %.

Toutefois, les difficultés d’insertion des jeunes les moins qualifiés se sont fortement accentuées au cours des dix dernières années. Le taux de chômage des jeunes sortis depuis un à quatre ans du système éducatif atteint ainsi presque 50 % pour les jeunes non diplômés, tandis que celui des diplômés de l’enseignement supérieur se situe à moins de 10 %. C’est un écart très important, et de surcroît durable, puisque le taux de chômage des jeunes sortis du système éducatif sans diplôme depuis cinq à dix ans atteint 33 %.

Il n’y a pas de politique unique visant ces jeunes sortis sans qualification du système scolaire, mais plusieurs réponses juxtaposées. Il existe quatre acteurs principaux. Le ministère chargé de l’éducation nationale a mis en place les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD), qui sont des instances de coordination des acteurs locaux. Le ministère chargé de l’emploi alloue des moyens budgétaires à la politique d’aide aux jeunes sans qualification, mais ils sont englobés dans le programme 102 Accès et retour à l’emploi. Les régions sont des acteurs essentiels, puisque 45 % des jeunes qui participent aux programmes régionaux de formation professionnelle continue n’ont aucune qualification. Enfin, il y a les partenaires sociaux : l’accord national interprofessionnel (ANI) du 7 avril 2011 visait tout particulièrement les décrocheurs, avec un dispositif confié aux missions locales.

Il faut souligner deux faits nouveaux.

La « garantie pour la jeunesse » adoptée par l’Union européenne en avril 2013 impose à chaque État membre de proposer à l’ensemble des jeunes une solution d’insertion dans les quatre mois qui suivent leur sortie du système éducatif : cela peut être un emploi, une formation continue, un apprentissage ou un stage. Ce nouvel instrument s’appuie en particulier sur l’initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ). Dans ce cadre, la France a décidé de développer un dispositif innovant, la « garantie jeunes ».

Par ailleurs, la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école invente un « droit au retour » : tout élève n’ayant pas atteint un niveau de formation de niveau V à l’issue de sa scolarité obligatoire doit pouvoir suivre une formation sous statut scolaire, soit en apprentissage, soit en tant que stagiaire de la formation professionnelle.

Ces évolutions renforcent la nécessité d’une meilleure convergence des interventions publiques. Aujourd’hui, aucune instance spécifique ne coordonne les politiques destinées aux jeunes sans qualification. De nombreuses initiatives au niveau régional cherchent à pallier cette absence. Mais la prise en charge de ces jeunes résulte surtout d’un ensemble de décisions individuelles, prises sans régulation d’ensemble, et sans qu’il soit possible de vérifier qu’une solution est effectivement proposée aux jeunes ou de garantir l’efficacité et la cohérence des parcours.

Vous pourrez voir, à la page 31 du rapport, un schéma des multiples dispositifs destinés à prendre en charge les jeunes sans qualification. Il vous paraîtra sans doute extraordinairement confus. Il est pourtant très simplifié par rapport à la complexité de l’organisation actuelle – celle-ci atteint des niveaux rares… En se limitant aux jeunes déjà éloignés du système éducatif, on trouve ainsi le contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS), l’ANI jeunes décrocheurs, le projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), la garantie jeunes, les formations organisées par les régions ou par Pôle emploi, les écoles de la deuxième chance, l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe), les formules d’alternance, les emplois aidés, les emplois d’avenir, les structures d’insertion par l’activité économique… Tout cela compose un paysage particulièrement éclaté.

Ce constat amène la Cour à recommander la mise en place d’outils de convergence, qui pourraient prendre la forme de contrats de programme régionaux, associant l’État, la région, Pôle emploi, le réseau des missions locales et les partenaires sociaux.

Sur le plan opérationnel, une instance partenariale locale pourrait aussi être mise en place, non pour gérer des dossiers individuels, mais pour vérifier globalement que l’offre est bien adaptée à la demande, pour réguler l’orientation des jeunes sans qualification sur la base de critères partagés, et enfin pour s’assurer que des réponses adéquates leur ont bien été proposées.

Les dépenses publiques en faveur des jeunes de seize à vingt-cinq ans sans qualification représentent environ 1,9 milliard d’euros. La part de l’État est de 50 %, celle des régions de 25 %, le reste étant partagé entre les partenaires sociaux, Pôle emploi et les autres collectivités. Cette multiplicité des financements engendre de réelles difficultés de gestion pour les structures, par exemple les missions locales et les écoles de la deuxième chance, qui sont confrontées à la superposition des sources de financement.

La Cour a constaté, notamment par des visites de terrain, que le dispositif de raccrochage scolaire est correctement organisé, mais perfectible, notamment parce qu’il donne aux jeunes peu de solutions en dehors d’un simple retour à l’école.

Les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD) jouent un rôle intéressant en améliorant la collaboration entre les institutions locales à l’échelle d’un territoire. Dans les faits, toutefois, l’éducation nationale reste le maître d’œuvre de ce dispositif : 78 % des responsables de plateformes sont issus de l’éducation nationale. On note inversement une faible présence de certaines structures, comme les centres de formation d’apprentis (CFA).

En 2011, le ministère de l’éducation nationale a mis en place une base de données, le système interministériel d’échange d’informations (SIEI), afin de repérer les élèves qui devraient être scolarisés, mais qui n’apparaissent plus dans les bases « élèves ». Le périmètre du SIEI est incomplet : il ne recoupe pas les bases de données de l’agence du service civique, des écoles de la deuxième chance, des centres EPIDe et des formations pré-qualifiantes des régions. Il n’est pas non plus connecté au système d’information du ministère de la défense, qui organise les journées défense et citoyenneté (JDC) – pourtant un moment privilégié pour repérer les décrocheurs. Selon le ministère de l’éducation nationale, près de la moitié des jeunes en situation de décrochage ne sont pas identifiés par le SIEI.

En outre, il y a par la suite une déperdition importante : la part des jeunes reçus en entretien n’est que d’un tiers parmi les décrocheurs potentiels repérés.

Une autre difficulté est que les jeunes sortant du système éducatif et accueillis dans le cadre des PSAD sont prioritairement orientés vers des solutions de simple retour en milieu scolaire. Or ce sont des jeunes qui ont, dans la plupart des cas, fui l’institution scolaire, et ont donc probablement une envie plus que limitée d’y retourner… On leur propose des places vacantes dans l’institution scolaire, mais aussi des actions de remobilisation ou des solutions de « deuxième chance », mais celles-ci sont quantitativement peu importantes.

L’enquête de la Cour montre que la tranche d’âge de seize à dix-huit ans constitue une véritable zone d’ombre. Elle est particulièrement difficile à prendre en charge : déliés de l’obligation scolaire, les jeunes de cet âge ont rarement un projet professionnel et ils sont mal pris en compte par les dispositifs d’insertion, qui s’adressent plutôt aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans : en 2013, par exemple, 1 % seulement des jeunes en emploi d’avenir et 3 % des jeunes ayant conclu un contrat de professionnalisation avaient moins de dix-huit ans. Il y a là un véritable problème.

L’apprentissage est ouvert aux jeunes n’ayant obtenu aucun diplôme : c’est la situation d’un tiers des jeunes qui entrent en apprentissage. Toutefois, un accès direct à l’apprentissage est souvent difficile pour un jeune décrocheur, parce qu’il n’a pas les acquis nécessaires. Des dispositifs de pré-apprentissage ont donc été mis en place pour permettre une remise à niveau.

Pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, les missions locales et Pôle emploi constituent les principales portes d’entrée vers les dispositifs d’insertion. Les missions locales accueillent chaque année plus de 500 000 jeunes dans le cadre d’un premier contact : 45 % d’entre eux, c’est-à-dire 240 000 personnes, n’ont aucune qualification. De même, parmi les 600 000 jeunes inscrits en 2013 depuis plus de trois mois à Pôle emploi, près de la moitié étaient sans formation ou peu qualifiés.

Il existe deux types de dispositifs vers lesquels ces jeunes sont orientés.

Les premiers sont réservés à des jeunes sans qualification, tels que le CIVIS renforcé, les écoles de la deuxième chance, ou l’EPIDe. Le nombre de jeunes accueillis par chacun de ces dispositifs varie énormément : 80 000 jeunes pour le CIVIS, 23 000 pour l’ANI jeunes décrocheurs, 9 700 pour les écoles de la deuxième chance, 2 500 pour l’EPIDe. Il existe donc aussi une différenciation des publics. Le coût unitaire varie beaucoup : 1 400 euros par jeune concerné pour le CIVIS, 1 300 euros pour l’ANI jeunes décrocheurs, 8 700 euros pour les écoles de la deuxième chance et 23 900 euros pour l’EPIDe. Tout dépend bien sûr de l’intensité de l’encadrement et de la nature des prestations offertes.

Les seconds sont des dispositifs de droit commun, qui ne sont pas réservés aux jeunes sans qualification, mais auxquels ceux-ci peuvent néanmoins accéder. On retrouve la même hétérogénéité : ainsi, le coût unitaire est de 4 400 euros pour les formations organisées par les régions, 6 600 euros pour les contrats de professionnalisation, 11 700 euros pour l’insertion par l’activité économique, 18 200 euros pour l’apprentissage, 24 000 euros pour les emplois d’avenir.

Vous trouverez en annexe du rapport, sans doute pour la première fois dans un document public, un inventaire exhaustif des caractéristiques – objectifs, effectifs concernés, indicateurs d’efficacité, coûts globaux, coûts unitaires – des vingt-deux dispositifs sur lesquels nous avons travaillé. Il va de soi qu’aucun acteur local ne peut prétendre les connaître tous.

La définition du besoin d’accompagnement et de formation devrait faire l’objet d’un diagnostic approfondi pour chaque jeune, ce qui est loin d’être la règle. Un bilan est réalisé dans le cadre des structures de deuxième chance, mais il serait souhaitable qu’un bilan fondé sur un référentiel commun à l’ensemble des acteurs – qui n’existe pas encore – soit organisé systématiquement.

En outre, les décisions d’orientation vers un dispositif reposent le plus souvent sur le jugement d’une seule personne, par exemple le conseiller de mission locale. La Cour souligne qu’il serait intéressant d’associer des partenaires plus nombreux, et de préciser des lignes de partage claires entre les différents dispositifs.

Je ne recenserai pas ici les vingt-deux dispositifs. Je dirai seulement quelques mots de certains d’entre eux.

Il nous est notamment apparu que les performances du CIVIS, et même du CIVIS « renforcé », qui prend en charge 80 000 jeunes, se sont émoussées avec le temps. La concurrence d’autres dispositifs plus récents peut amener à s’interroger sur d’éventuels arbitrages.

Les écoles de la deuxième chance constituent un dispositif original. C’est un modèle pédagogique qui propose un cursus à temps plein, et qui se montre efficace, au regard de la nature des publics, particulièrement difficiles, qui sont pris en charge. Ces écoles de la deuxième chance sont toutefois coûteuses, ce qui empêche leur généralisation.

Il en va de même de l’EPIDe, qui n’accueille que 2 500 personnes.

Je précise ici que, lorsque nous parlons de taux de sortie positive, il s’agit d’une sortie soit vers l’emploi, soit vers la formation, dans des conditions parfois difficiles à comparer d’un dispositif à l’autre.

Quant aux dispositifs généralistes, ils contribuent à apporter des solutions d’insertion, mais ils sont insuffisamment orientés vers les jeunes sans qualification.

C’est par exemple le cas de l’alternance. J’ai déjà évoqué certaines des raisons pour lesquelles il peut être ardu pour un jeune sans qualification de s’engager dans la voie de l’apprentissage. Il peut également y avoir pénurie de places. Enfin, ces jeunes peuvent être réticents à l’idée de s’engager pour une durée de deux ans.

Il y a même, dans le cas du contrat de professionnalisation, un effet de marginalisation : il n’a concerné qu’un peu moins de 9 000 jeunes sans qualification seulement en 2013, soit 8 % du total des entrées.

A contrario, les emplois d’avenir sont plutôt bien ciblés : en 2014, 41 % des emplois d’avenir ont été pourvus par des jeunes sans qualification, soit 36 000 personnes. Nous n’avons pas assez de recul pour évaluer l’efficacité de ce dispositif. Il est indéniable qu’il est coûteux – environ 24 000 euros par an et par personne.

Par ailleurs, la Cour a noté un phénomène de concurrence entre les différents dispositifs, par exemple entre l’apprentissage et les contrats d’avenir. Certains choix peuvent être dictés par la logique financière plutôt que par celle des parcours des jeunes concernés.

La garantie jeunes permet quant à elle au jeune d’obtenir une allocation équivalente au revenu de solidarité active
(RSA). L’objectif est de toucher 100 000 jeunes en 2017. L’accompagnement est plus intensif que celui du CIVIS, par exemple. Le coût global serait de 3 600 euros par jeune, soit 360 millions d’euros au minimum pour 100 000 jeunes, ce qui obligera sans doute à des arbitrages.

Au total, l’enquête de la Cour l’amène à constater que la multiplication des dispositifs nuit à la lisibilité globale de l’offre d’insertion. Il serait souhaitable de procéder à une recomposition, autour de quatre types de dispositifs : un dispositif d’accompagnement inspiré de l’actuel PPAE, pour les jeunes les plus proches de l’emploi ; un dispositif inspiré de la garantie jeunes pour ceux ayant besoin d’un accompagnement plus intense ; un dispositif géré par les régions et adapté aux décrocheurs de seize à dix-huit ans n’ayant pas vocation à réintégrer le système scolaire ; enfin, les dispositifs de deuxième chance pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi doivent absolument être maintenus, mais de façon beaucoup moins éclatée.

En définitive, il apparaît que les difficultés rencontrées tiennent, plutôt qu’au manque de moyens, à leur dispersion entre un trop grand nombre d’intervenants et de dispositifs, à des diagnostics insuffisamment coordonnés et à de grands écarts d’efficacité et de coût.

La politique du ministère de l’éducation nationale, avec les plateformes de soutien et d’appui aux décrocheurs, constitue un progrès, même si ce dispositif est perfectible. Cependant, des choix devront être faits. On ne peut maintenir vingt-deux dispositifs différents, pour des coûts allant de un à quinze ! Il faut se montrer attentif à la diversité des publics, mais aussi privilégier les dispositifs les plus efficaces. Malheureusement, l’évaluation n’est pas systématique. La Cour souhaite notamment l’établissement d’un référentiel d’évaluation partagé.

La fragmentation des opérateurs et l’éclatement des financements conduisent à un empilement de dispositifs qui paraît peu efficace. La Cour appelle à des arbitrages, qui seraient l’occasion de définir une architecture nouvelle au service d’une politique plus unifiée.

M. le président Gilles Carrez. Merci de cette présentation claire d’un sujet d’une très grande complexité.

Parmi ces dispositifs, certains sont des contrats avec un employeur, public ou privé, tandis que d’autres sont des formations, dans un cadre scolaire ou parascolaire. Faut-il établir une distinction entre les premiers, qui relèvent de l’emploi, et les seconds ?

M. Régis Juanico. Notre pays dispose d’un atout formidable : sa jeunesse. Nous sommes le deuxième pays européen le plus jeune, après l’Irlande. Mais notre modèle a ses faiblesses. Le taux d’emploi des jeunes est aujourd’hui très bas, inférieur à la moyenne européenne. La reproduction sociale, la faible mobilité sociale et le fort taux d’échec scolaire des enfants issus de milieux modestes sont des réalités.

La question du décrochage est cruciale et devrait constituer la priorité des pouvoirs publics. Il faut mettre le paquet ! Les chiffres sont clairs : trois ans après la fin de la scolarité, 50 % des jeunes non diplômés sont au chômage, quand ce taux n’est que de 10 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur. Ces jeunes au chômage représentent un véritable gâchis économique et social : la réparation sociale de ces échecs représente un coût qui n’est pas soutenable pour nos finances publiques. Il faut donc s’attaquer au problème fortement et précocement.

Le travail de la Cour des comptes est d’une grande qualité ; les constats qu’elle fait sont très proches de ceux qu’établissait le rapport sur la mobilité sociale des jeunes que Jean-Frédéric Poisson et moi-même avions réalisé dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle. Mais la Cour a approfondi le sujet, notamment en se rendant dans de nombreuses régions ; son rapport tire les leçons de nombreux retours d’expérience. Il dessine, en analysant les bonnes pratiques, ce que pourrait être une politique plus cohérente.

La Cour regrette, comme nous, la multiplicité des acteurs – Europe, État, collectivités territoriales, missions locales, Pôle emploi, partenaires sociaux… –, l’éparpillement des financements, l’empilement des dispositifs. Cette dispersion, cette complexité des dispositifs les rendent incompréhensibles pour ceux qui sont chargés de les mettre en œuvre, et surtout pour les publics visés, c’est-à-dire des jeunes sortis du système scolaire sans qualification.

Le schéma que citait M. Duchadeuil, qui se trouve page 31 du rapport, est en effet très simplifié. Dans notre rapport, Jean-Frédéric Poisson et moi-même avions compté que, depuis 1977, quatre-vingts dispositifs de la politique de l’emploi ont visé les jeunes ! Chaque année, il y a de nouvelles annonces. Et personne n’y comprend rien.

Ma première question portera sur la multiplicité des dispositifs et sur leur évaluation. Aujourd’hui, il n’y a pas de politique unifiée à destination des jeunes peu ou pas qualifiés : préconisez-vous un système unique, comme nous l’avions fait en proposant un « contrat de réussite », aide unique à l’insertion professionnelle, qui pourrait être personnalisée en fonction du parcours du jeune ? Faut-il généraliser la garantie jeunes, dont les premiers retours semblent montrer qu’elle donne de bons résultats sur le terrain, notamment par rapport au CIVIS en effet un peu émoussé ?

Nous rencontrons d’autre part un problème de gouvernance. Comment mieux coordonner les différents acteurs à l’échelle d’un bassin de vie, d’emploi ? Vous citez notamment les comités de coordination territoriaux de l’emploi et de la formation professionnelle (CCTEF). Quel est l’échelon le plus pertinent ?

Vos chiffres montrant le coût des dispositifs sont très intéressants. Il faut bien sûr distinguer coût moyen et coût à la place, car les différences peuvent être significatives : dans le cas de l’EPIDe, le coût moyen – qui est d’environ 24 000 euros – est très supérieur au coût à la place, en raison du grand nombre de jeunes qui quittent cet établissement en cours de route. On constate néanmoins, à la lecture du rapport, que les dispositifs les plus onéreux sont globalement les plus efficaces, sans doute parce qu’ils assurent un meilleur accompagnement. N’est-ce pas une leçon pour les politiques publiques ? Ne devrions-nous pas nous débarrasser de certains dispositifs, sans doute peu coûteux mais peu efficaces, pour concentrer tous les moyens sur ceux qui sont plus chers, mais qui ont fait leurs preuves ?

S’agissant du décrochage, vous montrez très bien les failles du système, puisque les plateformes de suivi ne détectent par exemple que la moitié des décrochages – on sait pourtant à quel point la rapidité d’intervention est importante. Vous évoquez les solutions de raccrochage scolaire, par exemple les micro-lycées. Voyez-vous aujourd’hui d’autres moyens de diversifier l’offre scolaire, afin de ramener les jeunes dans le système ? Il y a des places vacantes dans l’éducation nationale : dans notre rapport, nous citions les chiffres de 40 000 places vacantes dans les lycées professionnels, et de 48 000 places vacantes dans les internats de l’éducation nationale. Vous avez peu évoqué la voie professionnelle, la plus touchée par le décrochage – 42 % des jeunes décrocheurs sont issus d’un cursus qui devait les mener à un CAP ou à un BEP. Que proposez-vous sur ce sujet ?

Enfin, comment mieux éviter les disparités territoriales ?

Mme Arlette Grosskost. Vos conclusions sont aussi claires qu’édifiantes. La concurrence entre les dispositifs est surprenante.

Il existe aussi des mesures européennes : avez-vous pu établir des comparaisons internationales qui vous permettraient de désigner le dispositif le plus efficace ?

Quel est le surcoût d’un élève décrocheur ? Quelle méthode utilisez-vous pour l’évaluer ? Nous augmentons souvent les budgets. Mais les millions supplémentaires annoncés serviront-ils à quelque chose ?

Qu’est-ce qu’un micro-lycée ?

Enfin, que penser de la garantie jeunes ? Sommes-nous sûrs qu’elle a un effet positif ?

M. Dominique Lefebvre. Merci de ce rapport, qui va éclairer nos débats. Je note que tous les constats ne sont pas négatifs : en particulier, la France est revenue dans la moyenne européenne en matière de « sortants précoces ». On sait néanmoins que certains pays ont des taux nettement inférieurs : cela nous invite à continuer nos efforts. La réforme du collège est en cours. Il apparaît difficile d’orienter de manière trop précoce des jeunes vers des voies professionnelles tout en continuant de faire des promesses d’égalité. Mais ces sorties sans qualification posent vraiment problème. Une partie de la solution réside, je crois, dans la mise en place de systèmes d’alternance plus précoces.

La formation et le diplôme sont un passeport pour l’emploi, vous le rappelez très bien – au passage, cela devrait faire cesser rapidement le débat sur les mesures tout juste annoncées en matière de formation des chômeurs. L’absence de formation débouche sur le chômage ; en revanche, plus on est formé, plus on a une chance d’y échapper, c’est certain ; et l’on sait bien que la formation soutient la compétitivité des entreprises, et donc notre économie.

Vous montrez surtout la multiplication des dispositifs de toutes sortes : elle traduit sans doute l’incapacité des politiques à prendre des décisions certes difficiles, mais aussi l’extraordinaire diversité des situations. Il existe des motifs de sortie du système scolaire qui peuvent être assez différents les uns des autres. Il faut tenir compte des lois de la reproduction sociale : il serait bon de savoir de quels milieux sociaux, de quels territoires viennent les jeunes décrocheurs, car la réponse ne peut pas être unique. À Cergy-Pontoise, nous disposons d’une école de la deuxième chance, de dispositifs à destination des décrocheurs, d’une mission locale… Les publics concernés sont très hétérogènes. Les réponses doivent être adaptées à chacun.

Il faut donc sans doute, vous avez raison, réorganiser et simplifier. Il faut surtout résoudre les problèmes de pilotage. Les régions devraient à mon sens être les protagonistes de ces politiques publiques.

En tout cas, les recommandations de la Cour me semblent devoir être reprises.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce rapport est fondamental. Il y a une prise de conscience collective des difficultés que rencontrent ces jeunes décrocheurs pour s’insérer dans la société. C’est tout l’enjeu de la garantie jeunes – dont je souligne que vous ne savez trop qu’en faire… C’est un accompagnement, mais vers quoi ? Elle ne permet pas d’aller vers l’emploi ! On fait un bout de chemin avec ces jeunes, mais comment peuvent-ils sortir de ce dispositif ? Passent-ils tout simplement au RSA ? Ce sont des questions qu’il faut poser.

Il est urgent de tirer les leçons de ce rapport. On ne sait plus qui est le pilote dans l’avion : faut-il s’adresser à l’éducation nationale, à Pôle emploi, aux régions, aux départements, à la mission locale… ? Certaines villes ont également voulu mettre en place des écoles de la deuxième chance. Nous disposons d’outils très nombreux, et nous ne sommes jamais sûrs d’utiliser le plus adapté. Il y a des places vacantes, mais aussi des sureffectifs.

S’agissant par exemple des emplois d’avenir, vous citez le chiffre de 36 000 entrées pour un coût élevé de 24 000 euros par jeune, et un coût global de 435 millions d’euros en 2014. Vous notez que nous n’avons pas assez de recul pour juger l’efficacité de ce dispositif. Mais je serais curieuse de savoir si les jeunes, à l’issue d’un emploi d’avenir, trouvent un véritable emploi. Le pire serait que cette voie, sur laquelle nous les avons emmenés, soit une impasse, et qu’ils retombent dans la précarité. Or le danger est réel.

Il aurait été intéressant de mesurer l’efficacité de chaque dispositif. Pour établir des comparaisons – ce qui sera difficile – il faudra notamment des critères homogènes. Vous avez, de manière très élégante, souligné que ce ne serait pas une tâche facile. Mais nous ne pouvons pas continuer de consacrer 1,9 milliard d’euros à un système si peu efficient. Il faudra avoir le courage de supprimer des dispositifs, car certains sont à la fois onéreux et inefficaces. Le plus grave, c’est que nous faisons naître des espoirs qui ne se concrétisent pas.

M. Éric Woerth. Merci de ce travail. Vous décrivez une stratégie de l’empilement qui est d’ailleurs assez classique, et assez souvent dénoncée par la Cour des comptes. L’institution connue des élus locaux, c’est en général la mission locale, financée pour partie par l’État, pour partie par les collectivités territoriales, et qui doit jouer un rôle de guide des jeunes vers les différents dispositifs d’aide et d’accompagnement. J’ignore l’étendue des disparités entre les différentes missions locales.

Il y a au fond, le président Gilles Carrez l’a souligné, deux catégories de dispositifs : ceux qui relèvent plutôt du contrat, de l’emploi, et ceux qui relèvent plutôt d’un accompagnement personnalisé. Les premiers sont plus chers que les seconds, mais il ne faut pas, à mon sens, privilégier les moins onéreux : il faut privilégier ceux qui fonctionnent. Soutenir tout au long de la vie quelqu’un qui ne peut pas s’insérer dans la vie professionnelle coûte en effet très cher à notre société – en dehors même de l’aspect proprement humain de telles situations.

Il me semble qu’il faudrait surtout établir des comparaisons avec le coût d’une année scolaire – une dizaine de milliers d’euros au lycée, de 7 000 à 8 000 euros au collège. Ces jeunes sont sortis du système scolaire, et lui font finalement faire des économies ; dès lors qu’ils coûtent à peu près, dans d’autres cadres, ce qu’ils coûteraient dans un collège ou un lycée, on ne peut pas être choqué du coût des dispositifs d’aide. Même un montant de 15 000 euros ne me gênerait pas si ces jeunes sont repris en main, retrouvent des repères, et ont à nouveau des chances de trouver un emploi. L’EPIDe ou les écoles de la deuxième chance sont plutôt efficaces, même s’ils sont très chers, ce qui est normal, l’encadrement étant très renforcé.

Encore une fois, il me semble qu’il faut garder à l’esprit le coût d’une année au collège ou au lycée. Il n’y a pas de raison, sous prétexte qu’un jeune a quitté le système scolaire, de dépenser pour lui moins d’argent que pour ceux qui y sont restés.

M. Laurent Wauquiez. Je vais me montrer quelque peu provocant, car, pour ma part, je ne vous remercie pas de ce rapport. Vous dressez, de façon impeccable, un constat accablant : notre système est illisible, les intervenants sont trop nombreux, les dispositifs s’empilent… Bref, et c’est d’ailleurs caractéristique de la France, aucun choix institutionnel n’a été fait. Mais vous êtes la Cour des comptes : si vous ne faites pas preuve d’audace dans vos propositions, qui le fera ? Or votre rapport n’opère aucun choix ! Vous vous accommodez finalement très bien du fait que l’État et les régions coexistent sur un même sujet ; vous proposez de laisser subsister côte à côte quatre ensembles de dispositifs d’insertion des jeunes, et vous évitez surtout de dire qui va faire quoi et comment on va trancher.

Combien de temps allons-nous continuer ainsi ? Choisissons entre l’État et la région, mais arrêtons cet empilement où plus personne ne décide rien ! Je ne comprends pas ces pudeurs de chat. Pourquoi ne pas trancher ce nœud gordien institutionnel ?

M. le président Gilles Carrez. Je sais déjà, cher collègue, quelle réponse nous fera la Cour, car elle est toujours identique, et systématiquement répétée par son Premier président, Didier Migaud : c’est aux politiques qu’il revient de prendre des décisions.

Cela dit, je partage, je l’avoue, une partie de votre frustration. C’est d’ailleurs une forme d’hommage au travail de la Cour. Ses diagnostics sont sans concession, mais nous aimerions parfois entendre ce qu’elle pense, ce qu’elle voudrait proposer.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je rejoindrai plutôt le point de vue d’Éric Woerth : il serait en effet intéressant d’établir une comparaison entre le coût unitaire des différents dispositifs que vous décrivez et le coût d’une année passée au collège ou au lycée – mais aussi avec le coût d’un emploi créé grâce au pacte de responsabilité, sans doute bien supérieur à 24 000 euros.

Vous traitez notamment, dans votre rapport, du contrat d’apprentissage et du contrat de professionnalisation : 91 000 entrées en 2013 pour le premier, 9 000 pour le second. Cette proportion ne pose-t-elle pas problème ? L’idée de recruter des jeunes sans qualification en contrat de professionnalisation ne provoque-t-elle pas chez les entreprises une certaine frilosité, tout simplement parce qu’elles reçoivent des aides bien inférieures à celles reçues au titre du contrat d’apprentissage ?

Dans certains territoires, certaines formations sont proposées dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, mais pas d’un contrat d’apprentissage. On peut prendre le cas de l’œnologie qui, pour les jeunes de Midi-Pyrénées, n’est proposée qu’à Bergerac : cela implique des coûts de logement et de transport importants. Avez-vous pu dresser une carte des offres de formation en contrat de professionnalisation et en contrat d’apprentissage ? La Cour propose-t-elle de fusionner ces deux dispositifs, ou voyez-vous un intérêt à maintenir les contrats de professionnalisation ?

Mme Monique Rabin. Monsieur Wauquiez, on ne peut pas se plaindre sans cesse que l’État est étouffé par la technocratie, et admettre que les politiques ne jouent pas leur rôle ! C’est à nous qu’il revient de trancher. Je remercie la Cour des comptes de ce travail très exhaustif, qui me paraît justement un très bon instrument d’aide à la décision.

La question des liens avec les entreprises serait intéressante, ne serait-ce que parce que le Gouvernement envisage d’instaurer de nouvelles aides, afin, en particulier, de soutenir l’apprentissage. L’entreprise peut être la meilleure ou la pire des choses. Ainsi, certains jeunes motivés, capables, font des stages, mais sont ensuite chassés de l’entreprise qui les accueillait, parce qu’elle n’a plus besoin d’eux : souvent, ils ne reviennent pas dans le système scolaire, mais sont simplement au chômage. C’est alors l’entreprise qui a provoqué le décrochage ! Ce sont des cas que tous ceux qui ont siégé dans les conseils d’administration de lycées professionnels ont connus. Inversement, l’entreprise peut jouer un rôle vraiment positif. Dans la région des Pays de la Loire, les dispositifs destinés à lutter contre le décrochage nous ont paru si insatisfaisants que des parlementaires ont décidé d’agir – je pense notamment à notre collègue Dominique Raimbourg, qui a investi l’essentiel de sa réserve parlementaire dans un dispositif intitulé « Jeune Envie Motivation ». Nous avons vraiment réussi à tirer des jeunes d’affaire, avec des moyens vraiment faibles. Vous êtes-vous penchés sur ces dispositifs alternatifs, qui font intervenir des entreprises soucieuses d’aider les jeunes ?

Enfin, vous n’avez pas évoqué le cas des décrocheurs handicapés. Avez-vous travaillé sur ce dossier ? La question de leur accueil par des entreprises adaptées s’est posée lors de la discussion du projet de loi de finances, mais nous n’avons pas trouvé de financement.

M. Gaby Charroux. Je remercie moi aussi la Cour pour son travail.

Ces constats confirment le quasi-abandon de milliers de jeunes. C’est un phénomène qui ne date pas d’hier, ni d’avant-hier, mais qui dure depuis des décennies. Les dispositifs d’insertion coûtent cher, mais le problème réside plutôt dans leur dispersion et dans l’absence de coordination des acteurs. À mon sens, il faut aussi souligner que ces organisations nombreuses, variées, sont aussi souvent vite abandonnées, au gré des décisions des tutelles successives. Sans arbitrage ministériel fort pour un pilotage fort, je ne vois pas comment nous sortirons de cette impasse. Or ce sont bien des jeunes qui, par milliers, sont victimes de cette situation.

M. Charles de Courson. Êtes-vous sûrs que les indicateurs statistiques français mesurent bien la réalité sociale ? Le concept de NEET – Not in Employment, Education or Training, c’est-à-dire les jeunes qui ne se trouvent ni en formation, ni en études, ni en emploi – me paraît le plus intéressant. Or les chiffres sont là en hausse depuis 2008, et vous nous dites que la légère baisse observée à partir de 2012 est peut-être simplement liée à un changement de méthode statistique. Quant aux ESL – Early School Leavers, c’est-à-dire sortants précoces –, êtes-vous sûrs que le critère du diplôme soit bien adapté à la mesure de ce phénomène ?

S’agissant des remèdes au décrochage, le vrai problème se situe, me semble-t-il, très en amont. Une grande partie de ces décrocheurs sont connus dès l’enseignement primaire : à la fin du CM2, une proportion d’environ 20 % des élèves – proportion en hausse lente, mais continue au cours des vingt à vingt-cinq dernières années – ne savent pas correctement lire, écrire et compter. Les enseignants que je rencontre me disent qu’ils repèrent ces enfants dès le CP ; les raisons de cette situation sont d’ailleurs nombreuses. Vous n’abordez pas cette question, mais ne faudrait-il pas intervenir dès l’école primaire ? Ne serait-ce pas beaucoup plus efficace et beaucoup moins coûteux ? Permettez-moi de penser, mes chers collègues, que la question de la réforme du collège est tout à fait subsidiaire par rapport à cette question de fond de l’enseignement primaire.

Pour ce qui est du problème institutionnel, je me sens assez proche de la réflexion de notre collègue Wauquiez, sans y mettre autant de vigueur, étant moi-même issu de la Cour des comptes. Je rappelle que ce n’est pas la Cour qui dirige ce pays, mais l’exécutif, de temps en temps sous l’influence du législatif.

Il n’est pas à mon sens possible de mener en la matière une politique nationale. Pourquoi ne pas confier cette compétence aux régions ? Cela ne voudrait pas dire que l’État s’en désintéresserait ; il pourrait signer des accords avec les régions, afin de mettre en place des politiques adaptées à chacune. Il reviendrait aux régions de mener des politiques par bassin d’emploi, car les situations peuvent différer du tout au tout. Mais vous n’osez pas faire cette proposition : vous vous montrez au fond très conservateurs. Vous vous contentez de demander des plans pluriannuels.

C’est là la dérive de la gouvernance à la française : on ne restructure jamais. Il faudrait pourtant désigner un pilote dans l’avion, un patron, responsable, à qui on donne les moyens d’agir – l’État surveillant bien sûr la mise en œuvre de ces politiques.

Enfin, s’agissant de l’évaluation, je regrette que vous ne portiez pas d’appréciation sur le rapport entre le coût et l’efficacité, au regard de la difficulté des différents publics, qui n’est pas du tout la même pour chacune des cibles de ces vingt-deux dispositifs.

M. le président de la cinquième chambre de la Cour des comptes. Vous comprendrez, monsieur le président, que je ne m’écarte pas de la position du Premier président de la Cour, que vous avez rappelée. Notre rapport dresse un état des lieux de l’ensemble des dispositions, y compris législatives, sur lesquelles il est possible de s’appuyer pour améliorer le pilotage et la coordination. Mais il ne revient en effet pas à la Cour d’effectuer des choix qui ne sont pas de son ressort.

S’agissant des NEET, cette notion permet d’établir des comparaisons, et donc de s’apercevoir que l’approche de ces sujets diffère fortement selon les pays, et aussi selon que l’on se situe à l’échelon national ou européen. Je précise que la notion de NEET comprend certains jeunes qui sont diplômés, mais qui n’ont pas d’emploi et ne sont pas en formation : ce sont plus généralement des jeunes qui sont sur le bord de la route. Notre rapport essaie, sur les différentes notions, de faire un effort de définition.

Il a été question de la prévention du décrochage. Ce rapport ne se penche que sur ceux qui ont effectivement décroché : c’était notre cahier des charges. Si nous avions dû intégrer la question de la prévention, il nous aurait fallu encore plus de temps !

Nous n’abordons pas ici spécifiquement la question du handicap. Mais celle-ci figure au programme de travail de la Cour pour cette année. Ce sujet sera donc traité.

Il en va de même des rôles respectifs de l’apprentissage et des contrats de professionnalisation : une enquête approfondie doit être organisée sur ce sujet.

Monsieur le président, vous soulevez un problème majeur. Tous les acteurs de ce secteur se demandent souvent – en termes très simples, voire simplistes – s’il faut commencer par former les jeunes, ce qui leur permettra d’accéder à l’emploi, ou s’il faut que ces jeunes occupent un emploi le plus vite possible, ce qui créera une appétence pour la formation. C’est un débat très ancien. Il n’est pas anormal que les dispositifs de politique de l’emploi mélangent emploi et formation, dans des proportions très inégales de l’un à l’autre.

Je n’ai peut-être pas assez insisté sur la typologie des publics. Nous ne pensons pas qu’une seule solution puisse convenir à tous : les publics visés par les écoles de la deuxième chance n’ont, à l’évidence, pas grand-chose à voir avec ceux, plus classiques, qui peuvent être pris en charge par les missions locales. Nous recommandons un regroupement des dispositifs en quatre grandes catégories : il y a plusieurs publics, il doit donc y avoir plusieurs types de solutions, dont les ratios entre coût et efficacité peuvent varier grandement. Ainsi, l’EPIDe coûte cher, mais cela n’a rien de très étonnant au vu des publics accueillis. En revanche, le taux de sortie positive est supérieur à 50 % : cela montre une efficacité. Plutôt que sur le coût, il faut à notre sens s’interroger sur l’efficacité – qui peut être, parfois, anormalement faible. Ainsi, j’ai le souvenir d’une donnée très locale, où un CIVIS classique n’avait un taux de sortie positive que de 10 % : là, on peut en effet se poser des questions.

S’agissant enfin du diplôme, la Cour constate de façon très régulière ce que les enquêtes d’insertion « Génération » du Centre d’études et de recherche sur les qualifications (CÉREQ) démontrent également les unes après les autres : le diplôme est un facteur essentiel d’accès à l’emploi. C’est une donnée de base dont il faut évidemment tenir compte.

M. Pierre Stussi, rapporteur extérieur, rapporteur général. Je reviendrai sur un point fondamental : en effet, il n’y a pas de pilote dans l’avion, et ce diagnostic est préoccupant. Les opérateurs du service public de l’emploi qui accompagnent les jeunes – missions locales, Pôle emploi – dépendent eux-mêmes de financements multiples : ainsi, les missions locales sont financées par l’État, par différentes collectivités territoriales – communes, EPCI, régions… – ainsi que par les fonds européens. À défaut d’une direction forte, il n’y a donc pas de pilote clairement identifié : les uns et les autres se renvoient systématiquement la balle. Nous avons pu nous en rendre compte par exemple à Saint-Dié, où nous nous sommes rendus. C’est votre collègue Gérard Cherpion qui y préside la mission locale. Le sous-préfet nous dit que la mission locale relève des élus ; M. Cherpion fait remarquer qu’elle est financée majoritairement par l’État et la région. Cette situation est fâcheuse. On retrouve le même phénomène du côté de Pôle emploi, avec des financements reçus à la fois de l’État et des partenaires sociaux.

De plus, les opérateurs sont dispersés, ce qui rend difficiles et longs les parcours des jeunes. La question de la réactivité est pourtant cruciale. Pour accéder à une formation proposée par les régions, il faut une prescription, faite soit par la mission locale, soit par Pôle emploi. En principe, le jeune est pris en charge, la prescription est faite, il accède à une formation ; mais, dans ce parcours, il y a des pertes en ligne. C’est tout l’enjeu de la garantie européenne pour la jeunesse, sur laquelle notre rapport insiste beaucoup : elle prévoit en effet une obligation de résultat – précisons qu’il ne s’agit pas de promettre l’accès à un emploi, mais qu’une solution est apportée à tout jeune dans un délai de quatre mois.

L’absence de pilotage comme l’éclatement institutionnel et financier nuisent à l’efficacité de notre système. Il faut un pilote dans l’avion, mais il ne nous revient pas de dire quel il doit être.

Nous sommes à la croisée des chemins : l’État joue encore un rôle majeur dans les politiques de l’emploi, mais les régions montent en puissance. J’observe que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui prévoit une expérimentation destinée à mieux coordonner les acteurs de la politique de l’emploi dans les régions, n’aborde pas la question de l’insertion des jeunes. C’est sans doute dommage.

Le coût d’un lycéen est en effet d’environ 10 000 euros par an. Certains des dispositifs que nous avons étudiés coûtent deux fois plus cher. Mais on peut s’interroger sur la réallocation des moyens à l’intérieur de l’éducation nationale, et d’ailleurs d’un redéploiement plus général. Nous préconisons notamment d’allouer plus de crédits aux micro-lycées. Il s’agit des structures de l’éducation nationale qui appliquent des méthodes innovantes – petits groupes, séquences interdisciplinaires, séquences en entreprise... – mais qui visent à la préparation d’un diplôme. Ils n’existent pas dans toutes les académies. Ils s’appellent parfois « lycée de la nouvelle chance ».

Mme Corinne Soussia, conseillère maître. Nous sommes ici dans un champ qui se prête difficilement à l’évaluation. Les méthodes scientifiques d’évaluation, fondées notamment sur l’affectation aléatoire dans les dispositifs, suscitent de fortes réticences, car beaucoup estiment que ceux qui ne sont pas tirés au sort pour être affectés dans une école de la deuxième chance ou à l’EPIDe perdent des chances précieuses.

De plus, certains des dispositifs fonctionnent en tuyaux d’orgue, indépendamment les uns des autres. Mais il y a aussi, souvent, une succession d’étapes au bénéfice de certains jeunes particulièrement en difficulté : s’ils accèdent à un emploi, il ne faut donc pas voir là l’efficacité de la dernière séquence du parcours. Or nous n’avons pas pu reconstituer ces parcours, car il n’y a pas de traçabilité dans le service public de l’emploi : aucun identifiant ne permet de repérer le parcours d’un jeune qui commence par venir à la mission locale, est orienté vers une école de la deuxième chance, bénéficie ensuite d’un emploi d’avenir et finit par trouver un emploi classique chez un employeur du secteur privé… Les chemins suivis effectivement par les jeunes nous échappent, et eux-mêmes ne s’y retrouvent d’ailleurs pas toujours : ils ont du mal à reconstituer leur propre cheminement administratif. C’est une vraie difficulté, car il faudrait raisonner sur des parcours, et non pas seulement sur des étapes séparées les unes des autres.

S’agissant des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation d’une part, des contrats aidés – emplois d’avenir, contrats uniques d’insertion – de l’autre, nos travaux sur l’accès des jeunes à l’emploi montrent qu’il est préférable de les envisager ensemble. Tous n’ont pas la même finalité, et tous ne bénéficient pas de la même manière à tous les profils de jeunes. En revanche, pour ceux qui nous intéressent aujourd’hui, il faut tenir compte du fait que l’on n’assigne pas les objectifs quantitatifs avec la même intensité à tous les dispositifs. Le poids des conseillers des missions locales est prépondérant dans l’orientation des jeunes vers tel ou tel dispositif. Selon les consignes données, on orientera plutôt vers certains types d’employeurs ou de contrats que vers d’autres… Le dernier dispositif a tendance à chasser les autres : l’effet de concurrence ne joue pas forcément en faveur du contrat de professionnalisation, pour lequel les aides sont inférieures à ce qu’elles sont pour d’autres. Ainsi, le contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) a été volontairement vidé de ses jeunes pour alimenter les emplois d’avenir. Mais cet effet de vases communicants a pu jouer ailleurs, d’une façon qui n’avait pas été anticipée.

Les contrats aidés sont de plus en plus souvent assortis d’obligations de formation : dès lors, lorsque l’on réfléchit sur l’emploi des jeunes, il faut prendre en considération la totalité des choix possibles.

M. le président Gilles Carrez. Je remercie chaleureusement la Cour pour ce travail d’ampleur, qui constitue une base de réflexion importante pour nous. Je comprends de cette audition que certains dispositifs ont vocation à être supprimés. La question de la gouvernance générale se pose également ; la réponse de M. Stussi était éclairante : il n’y a pas de chef de file.

Dans le domaine de l’emploi comme dans celui du logement par exemple, nous ne pouvons plus aujourd’hui mener de politiques uniquement nationales : les situations sont trop diverses. Dans une région comme l’Île-de-France, qui est un bassin d’emploi, il est tout à fait imaginable d’utiliser la possibilité d’expérimentation ouverte par la loi NOTRe. Mais l’organisation institutionnelle ne peut pas être la même partout. Il faudrait offrir des palettes de réponses différentes, en fonction des situations qui sont elles-mêmes très diverses.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il a été question du coût moyen d’une année passée en collège ou en lycée. On pourrait aller plus loin : il y a aussi de très fortes disparités dans ce domaine, puisque ce sont les collectivités territoriales qui financent les infrastructures. Ne pourrait-on pas envisager de reprendre le modèle de financement et d’organisation de l’enseignement secondaire, qui établit un partage clair entre ce qui relève de l’éducation nationale et ce qui relève des collectivités territoriales ?

En tout cas, un pilotage très lisible et une forte volonté d’harmonisation nationale des politiques en faveur des jeunes sont nécessaires. Si les responsabilités sont trop diluées, l’efficacité disparaît.

M. Marc Le Fur. Merci encore de ce rapport. Il est nécessaire d’opérer des choix, c’est évident.

Le rapport n’aborde pas, me semble-t-il, la question des effets redoutables de certains emplois aidés. Ceux-ci privilégient des publics par rapport à d’autres ; ces derniers se retrouvent exclus d’emplois auxquels ils avaient auparavant accès – dans le monde hospitalier, par exemple. Certains employeurs privilégient en effet, de façon rationnelle, des personnes qui bénéficient de contrats aidés. Ceux qui sont privés de ces emplois, qui sont exclus de métiers pour lesquels ils s’étaient préparés, vivent très mal ce phénomène. C’est une vraie difficulté.

M. le président de la cinquième chambre de la Cour des comptes. Le rapport évoque des effets – classiques – d’éviction, ainsi d’ailleurs que des effets d’aubaine.

J’insiste enfin sur l’importance d’étudier des parcours. Pour certains jeunes, il y a une succession de dispositifs, aussi mal évalués d’ailleurs les uns que les autres : certains de ces dispositifs éloignent plus qu’ils ne rapprochent de l’objectif final. Cela nécessiterait des études par cohorte.

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Informations relatives à la commission

– La commission a nommé MM. Nicolas Sansu, Jean-Pierre Gorges et Jean-Claude Buisine rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle sur La transparence et la gestion de la dette publique.

– La commission a nommé Mme Eva Sas rapporteure de la mission d’évaluation et de contrôle sur Les programmes d’investissements d’avenir (PIA) finançant la transition écologique.

– La commission a nommé M. Jean Launay rapporteur de la mission d’évaluation et de contrôle sur La formation continue et la gestion des carrières dans la haute fonction publique.

La mission d’évaluation et de contrôle est ainsi composée :

Co-présidents

M. Olivier Carré

M. Alain Claeys

Membres de droit

M.  Gilles Carrez, président de la commission des finances

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances

Rapporteurs sur La transparence et la gestion de la dette publique

M. Nicolas Sansu

M. Jean-Pierre Gorges

M. Jean-Claude Buisine

Rapporteures sur Les programmes d’investissement d’avenir (PIA) finançant la transition écologique

Mme Eva Sas

Mme Sophie Rohfritsch

Rapporteurs sur La formation continue et la gestion des carrières dans la haute fonction publique

M. Jean Launay

Membres

M. Olivier Carré

M. Christophe Castaner

M. Alain Claeys

M. Charles de Courson

M. Marc Francina

M. Jean-Pierre Gorges

M. Laurent Grandguillaume

M. Jérôme Lambert

M. Hervé Mariton

M. Nicolas Sansu

Mme Eva Sas

M. Pascal Terrasse

M. Philippe Vigier

M. Éric Woerth

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Membres présents ou excusés

Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 20 janvier 2016 à 9 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. François André, M. Guillaume Bachelay, M. Dominique Baert, M. Laurent Baumel, M. Jean-Marie Beffara, M. Étienne Blanc, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Gilles Carrez, M. Gaby Charroux, M. Jérôme Chartier, M. Pascal Cherki, M. Alain Claeys, M. Romain Colas, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Dassault, M. Alain Fauré, M. Olivier Faure, M. Marc Francina, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Yann Galut, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Laurent Grandguillaume, Mme Arlette Grosskost, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Jean-François Lamour, M. Jean Lassalle, M. Jean Launay, M. Dominique Lefebvre, M. Marc Le Fur, Mme Véronique Louwagie, M. Hervé Mariton, M. Patrick Ollier, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, Mme Monique Rabin, M. Camille de Rocca Serra, M. Alain Rodet, M. Nicolas Sansu, Mme Eva Sas, Mme Claudine Schmid, M. Laurent Wauquiez, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Henri Emmanuelli, Mme Aurélie Filippetti, M. Jean-Claude Fruteau, M. Claude Goasguen, M. Marc Goua, M. Razzy Hammadi, M. Patrick Lebreton, M. Victorin Lurel, M. Pascal Terrasse, M. Jean-Paul Tuaiva, M. Michel Vergnier, M. Philippe Vigier

Assistait également à la réunion. - M. Christophe Léonard

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