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Mercredi 3 octobre 2012

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 1

Présidence de M. Jean-Paul Chanteguet Président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur « Les énergies renouvelables au service de la transition écologique » avec la participation de MM. Nicolas Wolff, président de France énergie éolienne, Cyril Le Picard, président de France biomasse énergie, Yann-Hervé de Roeck, directeur général de France énergies marines et Thierry Mueth, président d’Énerplan..

Commission
du développement durable et de l’aménagement du territoire

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé une table ronde sur les énergies renouvelables au service de la transition écologique, avec la participation de MM. Nicolas Wolff, président de France énergie éolienne, Cyril Le Picard, président de France biomasse énergie, Yann-Hervé de Roeck, directeur général de France énergies marines et Thierry Mueth, président d’Énerplan.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. À la suite de la conférence environnementale qui s’est tenue les 14 et 15 septembre 2012 et des mesures décidées par le Gouvernement dans la « feuille de route pour la transition écologique », la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a décidé d’organiser une série de tables rondes sur les sujets liés à la transition écologique.

Aujourd’hui, notre rencontre associe plusieurs filières des énergies renouvelables afin de mieux comprendre comment elles peuvent participer à la diversification de sources d’approvisionnement et contribuer ainsi au développement durable de la société française.

Ce cycle se poursuivra la semaine prochaine par une autre table ronde, organisée conjointement avec la commission des affaires économiques, qui s’interrogera sur la composition du bouquet énergétique de demain. Nous recevrons alors des représentants d’EDF, d’Areva, d’IFP Énergie nouvelles et du Syndicat des énergies renouvelables.

En votre nom à tous, je suis heureux d’accueillir M. Nicolas Wolff, président de France énergie éolienne, M. Cyril Le Picard, président de France biomasse énergie, M. Yann-Hervé de Roeck, directeur général de France énergies marines et M. Thierry Mueth, président d’Énerplan.

M. Nicolas Wolff, président de France énergie éolienne. L’association France énergie éolienne représente l’ensemble des acteurs de la filière éolienne, soit plus de deux cent cinquante membres. Cette activité s’appuie sur 4 000 machines et 7 000 mégawatts installés ; elle génère 11 000 emplois directs répartis sur l’ensemble du territoire national et non délocalisables. La France ne fabrique pas les machines elles-mêmes, toutefois bon nombre de leurs équipements et de leurs composants sont produits par des PME et des PMI hexagonales. La balance commerciale est ainsi presque à l’équilibre : les 950 millions d’euros de composants exportés viennent quasiment couvrir le milliard et demi d’euros de machines importées.

Le prix du mégawatt par heure est de 82 euros, ce qui rend cette énergie compétitive. À titre de comparaison, le coût annoncé de la production du réacteur EPR devrait se situer dans une fourchette allant de 70 à 90 euros le mégawatt-heure, et celui de l’énergie électrique s’élève à 75 euros en tarif de pointe. Nous sommes donc très proches de la parité réseau, objectif que la profession souhaite rapidement atteindre. La contribution au service public de l’électricité – la CSPE – ne représente que deux à trois euros par an et par ménage pour l’éolien.

L’année 2012 s’annonce très mauvaise pour la filière puisque nous estimons que seuls 700 mégawatts seront installés contre 875 en 2011 et 1 080 en 2010. Cette décélération est due à l’incertitude qui prévaut autour du tarif d’achat et à l’accumulation de textes réglementaires.

Le tarif a fait l’objet d’un recours formé par des associations anti-éoliennes il y a quatre ans. En mai dernier, le Conseil d’État a renvoyé ce contentieux à la Cour de Justice de l’Union européenne dont la décision ne devrait pas être rendue avant un an et demi à deux ans. Dans l’intervalle, les banques refusent de financer les projets éoliens en raison de cette incertitude juridique. Nous avons demandé au Gouvernement d’élaborer un nouveau tarif qui serait, lui, notifié à la Commission européenne.

L’excès de réglementation s’est accru depuis la promulgation de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2. Ainsi, six ans sont nécessaires pour développer un projet éolien en France, contre trente mois en Allemagne. En outre, plus de 40 % des permis déposés font l’objet d’un contentieux qui confirme, dans 85 % des cas, leur légalité. Les recours juridiques constituent un instrument utilisé par les associations anti-éoliennes pour entraver le développement de cette énergie.

L’objectif fixé par le Grenelle 2, à l’horizon 2020, est de disposer d’une puissance éolienne de 25 000 mégawatts – soit 19 000 mégawatts sur terre et 6 000 en mer. Cela représente l’installation de 1 300 à 1 400 mégawatts par an : nous ne réalisons aujourd’hui que la moitié de cette exigence. Atteindre ce résultat permettrait l’embauche de 60 000 personnes, mais cela nécessiterait un environnement réglementaire stable et favorable au développement de la filière.

L’énergie éolienne possède une grande légitimité dans le nouveau bouquet énergétique. C’est ce message que nous porterons dans le cadre du débat sur la transition écologique. Nous avons suggéré la rédaction d’amendements à la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie : suppression des zones de développement éolien, les ZDE, qui ne fonctionnent pas ; abandon de la règle des cinq mâts, qui bloque de nombreux projets dans l’ouest de la France ; aménagement de la loi littoral ; modification du régime de l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) qui pourrait devenir déclaratif. Nous espérons leur adoption.

M. Cyril Le Picard, président de France biomasse énergie. France biomasse énergie est une branche sectorielle du Syndicat des énergies renouvelables, qui a proposé plusieurs idées reprises dans les conclusions de la récente conférence environnementale – à laquelle elle a, d’ailleurs, participé. Je suis également président de l’Union des coopératives forestières françaises et, à ce titre, je pourrai répondre à des questions relatives à l’approvisionnement en bois-énergie.

L’ensemble des composantes de la biomasse – le bois, le biocarburant et les déchets organiques – produit 65 % des énergies renouvelables en France. C’est donc la source majoritaire. L’énergie créée par le bois représente 46 % de la biomasse ; le biogaz, obtenu par fermentation de matières organiques animales, est la deuxième source en forte progression ; les biocarburants ferment la marche avec 11 %. La France est le troisième pays européen en termes de production de biomasse, derrière l’Allemagne mais devant la Suède.

Plus de 4 000 chaufferies utilisent du bois ou de la biomasse. Deux tiers d’entre elles sont collectives et tertiaires, les autres industrielles. La puissance installée s’élève à plus de 3 300 mégawatts. La production de chaleur est supérieure à un million de tonnes équivalent pétrole. La cogénération biomasse prend de plus en plus d’importance ; elle est effectuée par une quinzaine d’installations d’une puissance cumulée de 181 mégawatts électriques. Le biogaz est produit dans des décharges couvertes, centres de stockage non dangereux, par une méthanisation de matières provenant du secteur agricole.

À l’horizon 2020, l’objectif fixé est très ambitieux puisque 23 % de la consommation énergétique devront provenir d’énergies renouvelables. Le Grenelle de l’environnement a confié à la biomasse la responsabilité de réaliser 42 % de cet effort. Le bois-énergie a vocation à effectuer plus de la moitié de cette montée en puissance. La production de chaleur provenant de la biomasse doit être multipliée par trois entre 2010 et 2020. Dans cette optique, France biomasse énergie a sollicité une dotation du fonds chaleur de 500 millions d’euros ; elle se montera à 250 millions seulement en 2013.

M. Yann-Hervé de Roeck, directeur général de France énergies marines. France énergies marines n’est pas un syndicat mais un institut d’excellence en matière d’énergies décarbonées (IEED). Ce label lui a été octroyé en mars 2012. Les trente membres de l’association – en attendant un conventionnement – proviennent des secteurs privé et public ; ils travaillent à la conception d’un centre de recherche capable de débloquer les verrous technologiques, environnementaux et sociétaux qui freinent le développement des énergies marines renouvelables. Nous développons aussi des centres d’essais pour la validation et la certification de systèmes qui sont, pour l’heure, au stade de prototypes. Le Royaume-Uni, l’Irlande et l’Espagne – nos concurrents – élaborent également des programmes de déploiement de ces énergies. Un centre de ressources a été ouvert à la profession pour des actions de formation, cette filière disposant de fortes capacités de création d’emplois dans des métiers nouveaux.

Les établissements privés participant à notre partenariat représentent les principaux acteurs de ce secteur. Ces entreprises sont à la fois de grands groupes – Alstom, Areva, DCNS, STX, Technip, EDF – et des PME. Les pôles de compétitivité mer et Capénergies sont à nos côtés, tout comme six régions, dont La Réunion.

Les énergies marines sont les énergies physiques de la mer. Elles comprennent l’éolien, dont les premières installations en mer auront lieu en 2016 ou 2017. L’expérience de l’Europe du nord est mobilisée mais des interrogations subsistent, d’où la phase actuelle – qui devrait durer dix-huit mois – de levée de risques sur l’appel d’offres déjà lancé.

L’éolien en mer flottant est une perspective encore plus attrayante pour la France : notre plateau continental est relativement court, mais nos eaux territoriales et notre zone économique exclusive (ZEE) nous permettent de nous éloigner du littoral et de bénéficier des connaissances des industries navale et pétrolière.

S’agissant de l’énergie marémotrice, la France en a longtemps été le leader mondial grâce à son usine de la Rance – dont la puissance installée vient d’être supplantée par la Corée du Sud. Du fait de son impact sur la biodiversité des estuaires, lui est aujourd’hui préférée l’exploitation des courants en mer ouverte, qui permet la production d’énergie hydrolienne.

La récupération de l’énergie des vagues, le houlomoteur, est également une source à fort potentiel. Comme pour l’hydrolien, la France métropolitaine dispose de la deuxième ressource virtuelle en Europe. L’outre-mer offre également des possibilités – à l’embouchure des atolls, par exemple.

L’énergie thermique des mers – qui, le jour où de l’énergie sera transportée sur de grandes distances, pourrait produire des dizaines de térawatts par heure – est une source d’avenir potentiellement très importante pour la France grâce à sa ZEE, la deuxième mondiale. Les pompes à chaleur permettent de recourir à cette énergie en zone tempérée ; ainsi, un quartier de La Seyne-sur-Mer et la ville de Stockholm l’utilisent pour leur chauffage collectif.

Il faut savoir que, en ce domaine, la base industrielle française est forte – l’industrie navale doit se reconvertir –, que des grands groupes industriels se sont développés à partir de l’industrie pétrolière en mer et que des énergéticiens investissent déjà dans des installations de ce type. Des consortiums ont vu le jour.

Pour ces types d’énergies, qui sont encore chères, l’effort doit porter sur le lancement de la filière et sur l’innovation. Ainsi, le coût élevé du mégawatt installé dans l’hydrolien et l’houlomoteur se situe dans une fourchette comprise entre quatre à cinq millions d’euros. En 2015, le prix du mégawatt-heure devrait s’élever à 200 euros.

Ce montant atteint 400 euros pour l’énergie thermique des mers. À titre de comparaison, la production d’énergie thermique revient à 600 ou 700 euros le mégawatt-heure dans les îles d’accès difficile des zones intertropicales. Là, le prix est déjà compétitif.

En ce qui concerne l’éolien posé sur la mer et l’éolien flottant, leur montant respectif, en 2020, devrait atteindre 170 et 200 euros le mégawatt-heure.

Les objectifs de coût devraient être atteints par les effets d’échelle et les retours d’expérience des différents modes de production d’énergie marine au sein des grands groupes tels que DCNS, Alstom, EDF ou GDF – l’expérience de l’éolien posé en mer étant ensuite transféré à l’éolien flottant puis à l’hydrolien et, en enfin, à l’houlomoteur et à énergie thermique marine.

Quels sont nos souhaits d’actions publiques ? Nous souhaitons la création de guichets uniques pour les principales autorisations : c’est nécessaire afin d’unifier les pratiques de l’administration et de répondre à la complexité du droit maritime. Cette création devrait s’accompagner de la simplification des procédures pour la conduite de projet. Des appels d’offres ouverts aux autres types d’énergie marine que l’éolienne devraient être lancés. L’élaboration d’une véritable feuille de route devrait comporter un zonage exhaustif, un mode de déploiement et une tarification. La question de l’extension de la réglementation aux eaux territoriales doit être tranchée par le Conseil d’État.

L’effort d’innovation doit être amplifié : un premier appel à manifestation d’intérêt de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie (ADEME) n’a représenté que quelques dizaines de millions d’euros et ne concernait que cinq démonstrateurs : deux pour l’hydrolien, deux pour l’éolien flottant, un pour le houlomoteur. Il y a de la place pour de nouveaux concepts, notamment celui de fermes comportant plusieurs machines.

Enfin, la compétition énergétique étant mondiale, une stratégie européenne est requise. Le Royaume-Uni dispose d’ailleurs d’une avance en matière d’hydrolien et l’Irlande nourrit de grandes ambitions pour l’houlomoteur grâce à son long plateau continental. Mais il faut savoir que tous les prototypes qui ont pu être inventés pour l’hydrolien ou pour le houlomoteur sont déjà clonés dans les universités chinoises.

M. Thierry Mueth, président d’Énerplan. Énerplan représente deux cents entreprises – principalement des PME – agissant dans le domaine du solaire thermique et photovoltaïque.

Le photovoltaïque emploie encore dix mille personnes malgré la perte de dix mille autres postes. Il s’agit de l’énergie dont la baisse du prix de revient a été la plus forte. En 2006-2007, l’énergie photovoltaïque était achetée 60 centimes le kilowattheure. Ce montant est désormais de 18,4 centimes pour les petites centrales. Le tarif trop élevé avait conduit beaucoup de financiers à investir dans ce secteur pourtant industriel. À la suite du moratoire, les financiers ont disparu mais de nombreux entrepreneurs ont emprunté la même voie. Depuis, de fortes économies d’échelle ont été réalisées : il est désormais possible de délivrer douze à quinze gigawatt-heures pour le coût de production qui permettait auparavant d’en fabriquer trois

L’énergie solaire n’est pas qu’une énergie d’avenir ; elle est surtout une énergie du présent. La filière, qui ne se limite pas aux panneaux solaires, doit être structurée en France car elle recèle, dans la compétition internationale, un enjeu considérable qui est une source de croissance potentielle. Il faut que des entreprises françaises puissent se développer sur le territoire national, grandir et exporter. Cela permettrait que le français devienne une langue de ce secteur, dominé aujourd’hui par l’allemand et l’espagnol. Les perspectives d’emplois sont fortes si les entreprises françaises et européennes peuvent accroître leur production afin d’en amortir les coûts et de réduire l’écart avec leurs concurrentes chinoises. Mais il n’y a pas que les panneaux, il y a aussi les études, la distribution de matériels, les installations, la fabrication de matériels électriques – onduleurs, câbles, protections –, la maintenance, autant d’éléments que l’on trouve dans la filière française.

Le photovoltaïque est constitué du solaire énergie, soit les centrales de moyenne ou de grande puissance, et du solaire bâtiment qui correspond aux toitures sur de l’habitat et des sites industriels. D’ici à 2017, la « fausse » parité réseau – celle calculée au regard du prix d’achat et non du coût de production – devrait être atteinte : le prix de l’autoconsommation devrait être inférieur à celui de l’énergie acquise sur le réseau. Cette parité sera plus rapide dans les grandes centrales que dans l’habitat, où le photovoltaïque doit venir en complément d’une bonne isolation.

L’évolution du photovoltaïque devrait être similaire à celle de l’informatique : la puissance de production va se décentraliser de la centrale à l’habitat qui produira son eau chaude et son chauffage, comme jadis l’immense calculateur s’est effacé devant les ordinateurs personnels. Dans cette évolution, les compétences des régions devraient s’élargir pour une production énergétique décentralisée.

Quant au solaire thermique, il s’agit d’une technologie largement répandue dans de nombreux pays étrangers du fait de sa simplicité. Les entreprises françaises furent longtemps en pointe et elles sont toujours présentes dans le secteur. L’assimilation avec le photovoltaïque et ses déboires a conduit à une relative désertion provoquée par le questionnement sur la pérennité des aides comme le crédit d’impôt ou le prêt à taux zéro. Le solaire thermique a donc, lui aussi, besoin de visibilité et de pérennité.

M. Jean-Yves Caullet. Pour paraphraser un ancien Président de la République, je dirai : « les freins au développement des énergies renouvelables, ça suffit » ! Les interventions que nous venons d’entendre tissent le fil d’une schizophrénie d’un pays et d’une société qui promeuvent la diversité énergétique et le développement des énergies renouvelables tout en s’ingéniant à compliquer leur situation, dans la loi comme dans le règlement. Pour autant, il ne faut pas se départir de toutes les précautions : nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de préserver l’environnement et le développement harmonieux du territoire. Cela dit, dans la circonscription rurale où je suis élu, une grande société européenne fabriquant des roulements d’orientation – dont la phase de croissance soutenue il y a trois ou quatre ans asséchait le bassin d’emploi – a connu un arrêt brutal de son développement qui a entraîné une période de chômage technique.

Quelle est notre capacité à définir une stratégie conciliant une vision énergétique globale, la mise en œuvre de projets grâce aux compétences disponibles et la promotion technique de solutions simples que pourraient appliquer les collectivités locales et les particuliers, sans rencontrer une série de difficultés – et pas seulement financières ?

Je forme le vœu que le quinquennat qui s’ouvre permette la mobilisation de moyens stratégiques qui assureront le développement des énergies renouvelables, objectif qui semble partagé par tous.

M. Martial Saddier. Pour les députés de la majorité, l’année 2012 a connu deux phases : celle des critiques durant les échéances électorales et celle, actuelle, de reprise des objectifs et des initiatives de l’ancienne majorité.

Ainsi, la conférence environnementale a réactivé les principes comme la forme du Grenelle de l’environnement, hier voué aux gémonies. Nous vous remercions de reprendre les principaux objectifs des lois Grenelle 1 et 2 ; nous vous aiderons à les atteindre en étant vigilants lorsque vous dévierez de cette ligne conductrice. Ainsi, la part de 23 % d’énergies renouvelables dans la production nationale figurait dans le Grenelle 1. Le Grenelle 2 avait permis l’adoption de plusieurs mesures : le crédit d’impôt, l’obligation d’achat d’énergie propre, l’hydroélectricité – amorcée par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 que la XIIe Législature avait été incapable d’élaborer –, la simplification des démarches administratives pour faciliter l’installation de dispositifs énergétiques domestiques et la certification de professionnels. L’éolien en mer a été développé jusqu’à faire de la France le septième acteur mondial : le premier appel d’offres a été lancé le 12 juillet 2011 ; le Gouvernement n’a plus qu’à lancer le second, qui a été entièrement préparé par son prédécesseur.

Malgré les difficultés qu’a connues la filière voltaïque, son activité a triplé. L’éolien a crû de 22 %. Ainsi, la part de l’ensemble des énergies renouvelables atteint 13 % actuellement contre 6 % avant le Grenelle. Sur les 35 milliards d’euros des investissements d’avenir, 10 milliards ont été alloués au développement durable. S’agissant de la biomasse, 172 nouveaux projets de pompe à chaleur ont été lancés, 866 dans le domaine solaire et 236 dans les réseaux de chaleur. Les mesures en faveur de la production de chaleur de la filière biomasse devraient lui permettre d’atteindre l’objectif du Grenelle d’une croissance de 50 % d’ici à 2020 : le Fonds chaleur a été doté de 1,2 milliard d’euros.

L’énergie la moins chère est celle qui n’est pas consommée ; celle qui l’est doit s’inscrire dans le développement durable : la mise en œuvre de ces principes reste notre priorité, bien plus que le système de bonus-malus promu par la proposition de loi de François Brottes et qui sera impossible à appliquer.

Le Président de la République n’a pas fait de l’environnement une priorité. Au reste, l’environnement est le grand perdant du projet de loi de finances pour 2013.

Nous sommes favorables à l’éolien, mais à un éolien organisé. Et quand M. Wolff parle d’amendements qui auraient pour but de s’exonérer des dispositions de la loi littoral, cela me fait froid dans le dos.

Je constate que fonds chaleur n’est doté que de 250 millions d’euros quand le double serait nécessaire pour remplir l’objectif fixé pour 2020, qu’aucune mesure n’est prévue pour structurer l’amont de la filière d’approvisionnement de la biomasse et, enfin, que des inquiétudes existent quant au crédit d’impôt alloué au remplacement des appareils de chauffage domestique alors qu’au-delà du volet social, cinq millions de nos concitoyens se chauffent au bois. Je rappelle d’ailleurs que, dans ce secteur du chauffage au bois, nous avons été condamnés par l’Europe.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Saddier – et cette remarque s’adresse à tous les membres de la commission – cette réunion n’a pas pour objet de débattre du budget de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ». Par respect pour les personnes invitées et pour nous permettre de réfléchir collectivement aux dispositions législatives qu’il conviendrait d’adopter, nos discussions ne doivent pas dévier de leur objet. Évitons de transformer cette salle en cours de récréation !

M. Bertrand Pancher. Les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’énergies renouvelables sont ambitieux et il est normal que tout ne soit pas simple dans les progrès que nous voulons accomplir. La réglementation et les procédures doivent être améliorées. Des freins, de nature non financière, doivent également être levés.

Monsieur Wolff, la superposition des procédures entrave le développement de l’éolien, mais elles n’ont pas été conçues dans ce dessein. Dans le département où je suis élu, la Meuse, beaucoup d’éoliennes ont été implantées, mais cette installation a rencontré de fortes oppositions en raison d’une certaine anarchie, d’où la nécessité d’un encadrement juridique.

Le problème réside dans le fait que quatre niveaux de réglementation ont été créés. Le dispositif des ZDE devait permettre de dialoguer et de déterminer les endroits d’établissement des éoliennes afin d’attirer les promoteurs. Les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie – les SRCAE – ont été conçus comme des instruments où sont définies des priorités. Aux côtés de ces espaces de dialogue local et régional, on a introduit les permis de construire et les ICPE. Or, les ZDE et les SRCAE ont été utilisés comme un outil de validation des procédures réglementaires. Ainsi, quatre échelons réglementaires ont émergé, ce qui explique que les projets traînent plusieurs années. Supprimer les ZDE serait une erreur, et il conviendrait de veiller à ce qu’elles restent des espaces de concertation afin de surmonter les oppositions. Que pensez-vous de l’avantage d’une telle évolution par rapport à la suppression des ZDE et des SRCAE ?

Je vous remercie, monsieur Le Picard, d’avoir rappelé que la biomasse constituait une part importante des énergies renouvelables sur laquelle repose la moitié des efforts à réaliser pour atteindre nos objectifs. Des moyens financiers doivent être dégagés, notamment en direction du réseau de l’ADEME, afin de mettre en place les unités de valorisation de la biomasse. Doter le Fonds chaleur de 500 millions d’euros est ainsi indispensable. Le montant prévu dans le projet de loi de finances est-il suffisant ?

S’agissant de la mobilisation des ressources en biomasse, la forêt est négligée. Dans le Grenelle de l’environnement, nous nous étions engagés à utiliser 40 % des sous-produits du bois ; or, nous ne disposons pas de plan de mobilisation de la forêt, et ce manque n’est pas uniquement dû à des raisons financières. Il résulte de l’absence de réflexion sur des sujets comme le remembrement des petites parcelles de bois, le rôle des petites parcelles forestières et le transport du bois. Quelles sont vos idées sur cette question ?

Enfin, pour ce qui est du photovoltaïque, la stabilisation des prix est indispensable. Si nous n’y sommes pas parvenus jusqu’à présent, cela est dû au yo-yo mondial des tarifs de rachat lié à l’augmentation de la productivité et à la baisse du coût des matériaux. Monsieur Mueth, quel regard portez-vous sur la législation internationale et que conseillez-vous pour assurer une constance à ce secteur ?

M. Patrice Carvalho. Tous les projets rencontrent une multitude d’obstacles : six ans pour une éolienne, dix ans pour une route. N’importe quelle association, aussi petite soit-elle, peut bloquer une opération plusieurs années. Cette réglementation est néanmoins le prix de la démocratie.

Pour revenir à la loi sur l’eau évoquée par Martial Saddier, elle s’avère, dans son application, une catastrophe. Des dizaines et des dizaines de turbines électriques sont fermées alors qu’elles produisent de l’électricité. Surdimensionnée pour certains territoires, cette loi est appliquée de manière homogène dans l’ensemble du pays. Monsieur le Président, une enquête serait utile car la plupart de ces turbines cesseront de fonctionner en 2014.

Quelle est la capacité de production d’une éolienne, monsieur Wolff, sachant que dans des parcs de vingt machines, il arrive parfois que seule la moitié soit en activité malgré un vent puissant ? Vous avez, par ailleurs, évoqué le nombre de 11 000 emplois : comment se répartissent-ils ? Vous avez rapidement indiqué que les machines étaient importées. Or, la production d’aluminium pourrait être stimulée si elles étaient fabriquées en France.

Concernant la biomasse, je suis, comme Bertrand Pancher, étonné du gaspillage des ressources forestières. Peut-on quantifier la biomasse que l’on pourrait utiliser pour fabriquer de l’énergie ? Enfin, comment pourrait-on développer les unités de méthanisation pour réduire fortement les gaz à effet de serre ?

M. Denis Baupin. Les énergies renouvelables sont bonnes pour l’environnement, l’emploi, l’économie et le développement de nos territoires. La France est en retard dans ce domaine ; elle doit prendre un virage industriel négocié avec nos voisins puisque certains d’entre eux ont de l’avance. Le Président de la République, en lançant l’idée d’une communauté européenne de l’énergie, a créé l’occasion de mettre en place cette coopération.

Nous disposons pourtant d’un formidable potentiel qui a été décrit pour les énergies marines et pour la biomasse, et qui existe pour l’ensemble des énergies renouvelables. En reprenant un vieux slogan, « en France, on n’a pas de pétrole », nous devons nous dire que nous avons bien mieux puisque nous possédons une grande quantité d’énergies renouvelables, inépuisables et qui n’émettent pas de gaz à effet de serre.

Afin de favoriser ces énergies, la suppression de contraintes administratives est nécessaire. Quand on parle de compétitivité sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, on ne devrait pas accepter que nos délais pour les projets éoliens soient largement supérieurs à la moyenne européenne. Le groupe écologique soutiendra donc, à l’occasion de la discussion de la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie, des amendements qui permettront de faire disparaître la règle des cinq mâts, celle obligeant un projet à être réalisé dans une ZDE pour bénéficier du tarif d’achat et celle créée par l’ICPE qui astreint les éoliennes aux exigences des industries polluantes.

Si nous voulons comparer le prix des énergies, il est nécessaire que les conditions de la concurrence soient identiques. Ainsi, pourquoi les promoteurs d’un parc éolien doivent-ils acquitter l’intégralité du prix du raccordement quand d’autres énergies n’ont pas à subir cette obligation ? Pourquoi le coût du démantèlement de la future éolienne doit-il être versé dès sa construction alors que son versement pourrait être, au minimum, étalé dans le temps ? Là encore, la comparaison avec d’autres énergies est intéressante, puisque que l’on ignore le montant de ce coût et l’identité de celui qui devra le solder. De même, pourquoi des assurances doivent-elles être souscrites par les promoteurs d’éoliennes alors que, pour d’autres énergies susceptibles de causer des dégâts bien plus importants, l’assurance n’est pas à la charge de l’exploitant ? Mon intention n’est pas de polémiquer mais de permettre une comparaison équitable du coût des différentes sources d’énergie. Si l’on subventionne autant celle à laquelle je fais allusion et que l’on fait peser autant de contraintes sur les autres, il n’est pas difficile de faire apparaître la première comme bon marché.

S’agissant de l’acceptabilité, elle doit être prise en compte pour toutes les sources d’énergie et pas seulement pour les éoliennes. Une ligne à très haute tension est en construction en Normandie ; son acceptabilité par les riverains reste à démontrer. Des sondages ont fait apparaître que 67 % de nos concitoyens sont favorables à l’implantation d’une éolienne à un kilomètre de chez eux. Quand Areva diffuse une publicité à la télévision, elle choisit de montrer des éoliennes plutôt que des fûts de déchets radioactifs ; il doit y avoir une raison.

En conclusion, nous avons besoin de lisibilité et de pérennité de notre cadre réglementaire et tarifaire pour développer une filière industrielle. J’aimerais demander aux intervenants ce qu’ils attendent du grand débat sur l’énergie à venir.

M. Jacques Krabal. L’utilité des énergies renouvelables pour lutter contre le réchauffement climatique, favoriser la transition écologique et permettre l’évolution de notre modèle économique est aujourd’hui un constat partagé. Il reste à aplanir les difficultés dans la mise en œuvre de leur développement.

Nous ne pouvons que constater l’absence de véritable pilote régional et local. L’État joue ce rôle d’un point de vue stratégique et devrait se réapproprier l’ensemble du sujet en lien avec les régions. Les obstacles administratifs ont été identifiés et la réflexion doit maintenant porter sur les moyens de les lever. Les financements – de fonctionnement comme d’investissement – doivent être pérennes. Un guichet unique est également nécessaire.

La décentralisation de la production énergétique doit être accompagnée localement. Les PME doivent être aidées car la concentration de l’activité dans certaines entreprises ne permettra pas de créer autant d’emplois que nous espérons. Les agriculteurs, enfin, doivent pouvoir participer à cet essor pour relocaliser l’activité économique dans nos territoires ruraux.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je remercie les représentants des groupes pour toutes les questions. Je souhaite indiquer à Patrice Carvalho que, s’agissant des petites centrales hydroélectriques, la difficulté provient de l’application de la directive cadre sur l’eau, de la continuité écologique et de la lecture différente des circulaires et des textes par les fonctionnaires de l’État dans les départements.

Qu’attendent les intervenants de l’acte III de la décentralisation prévu en 2013 et dont le lien avec la décentralisation énergétique est fondamental ? L’autonomie énergétique des territoires, des collectivités, des acteurs locaux, des industriels et des particuliers est souvent évoquée. Si cette évolution est souhaitable, elle devra trouver une concrétisation législative.

M. Nicolas Wolff. Ce que l’on reproche à la superposition réglementaire, monsieur Pancher, c’est d’organiser une double planification. Les SRCAE définissent des zones propices. Ceci vide les ZDE de leur utilité, mis à part le dialogue avec la population dont nous souhaitons le maintien à travers les études d’impact et d’opinion inhérentes au permis de construire. Si l’on ajoute l’ICPE, le système repose sur une double planification et une double autorisation. Cette situation a multiplié par trois la durée de traitement des demandes de permis, d’où un délai supérieur à six ans pour implanter un parc d’éoliennes.

S’agissant du tarif, il a certes été validé par le Conseil d’État. Mais le financement des parcs éoliens est aujourd’hui impossible puisque les banques attendent la décision de la CJUE. Nous souhaitons que soit mis en place un nouveau tarif dûment notifié à la Commission européenne. Sans initiative rapide, les opérateurs seront contraints de licencier dès la fin de cette année.

Sur le fonctionnement des machines, monsieur Carvalho, les éoliennes tournent environ les deux tiers du temps – si les opérateurs choisissent une bonne machine – et génèrent 3 % de l’électricité produite en France. Il y a une semaine, elles ont fourni 9 % de l’électricité. L’objectif se monte à 10 % en 2020.

Le nombre des emplois directs créés par la filière éolienne est validé par l’ADEME. Ces postes concernent l’ensemble de la chaîne de production. Ainsi, de nombreuses PME fournissent des composants intégrés dans les machines ; cent cinquante entreprises sont des fournisseurs attitrés des fabricants. Ce tissu économique permet une balance commerciale presque à l’équilibre. Mon souhait est évidemment d’attirer en France des constructeurs de machines mais cela nécessiterait une stabilité de la réglementation.

Nous attendons du débat sur l’énergie le courage de comparer le véritable coût des différentes filières. Nous avons besoin de plusieurs sources énergétiques et nous devons donc élaborer une feuille de route qui assure la stabilité de la réglementation, qui permette le déploiement de l’éolien et de l’ensemble des énergies renouvelables. Or, depuis cinq ans, tout a été mis en œuvre pour nous entraver.

L’industrie éolienne est mature et responsable. Elle conduira sa croissance en harmonie avec les activités des régions mais elle a besoin d’une réglementation efficace, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas.

M. Cyril Le Picard. D’emblée, je dirai que la biomasse est une énergie locale, et même rurale, et une source d’emploi sur tout le territoire. En ce sens, je rejoins le député qui insistait sur l’importance des collectivités : elles sont un catalyseur de premier ordre.

Le député de la Meuse parlait des moyens financiers nécessaires pour concrétiser nos ambitions. En fait, les obstacles auxquels nous nous heurtons sont relatifs au développement de la filière, s’agissant plus particulièrement de la chaufferie bois.

La première inquiétude est liée à notre incertitude sur la pérennité du soutien aux installations – le fameux Fonds chaleur. Il nous faudrait disposer, entre 2013 et 2020, de 500 millions d’euros par an pour tenir les objectifs du Grenelle de l’environnement. Actuellement, et pour 2013, nous n’en serons qu’à 220 millions d’euros. Il est donc évident que nous allons prendre du retard.

La deuxième inquiétude est liée à la mobilisation forestière. Celle-ci n’a jamais été aussi dynamique, en amont comme en aval, depuis la création de l’organisation interprofessionnelle « France Bois Forêt », qui réunit la totalité des intervenants, producteurs ou transformateurs. Malgré tout, il reste beaucoup à faire. C’est essentiellement dans la forêt privée qu’on trouve du combustible forestier, mais nous nous heurtons à l’épouvantable atomisation des forêts françaises. Il faut mobiliser les 3,5 millions de propriétaires forestiers, très attachés à leur patrimoine et qui entendent le conserver pour leurs enfants. Or une forêt doit d’être entretenue, travaillée et produire du bois. Nous tentons donc, dans nos coopératives forestières, de faire du propriétaire inactif un producteur et un planteur.

Je rappelle que la forêt publique fournit très peu de bois-énergie car son exploitation est surtout orientée vers le bois d’œuvre. Néanmoins, les coopératives forestières et ONF Énergie Bois assurent plus de 50 % de la consommation du bois-énergie en France.

Il y a quelques années, des incitations fiscales intéressantes ont été mises en place pour les propriétaires privés. M. Stéphane Le Foll, ministre chargé de la Forêt, est très sensible à cet aspect des choses. La dynamique forestière est en marche.

L’un de vous a évoqué un gaspillage autour du bois mort et des petits rémanents de coupe. Il se trouve que de nouveaux métiers sont nés : des TPE ou des PME sont particulièrement actives sur le petit bois mort. Ce dernier représente des volumes très importants et permet d’alimenter de grosses chaufferies industrielles ou collectives.

En ce qui concerne la méthanisation, les agriculteurs modernes et performants savent qu’elle constitue un facteur de rentabilité. Il y a encore beaucoup d’efforts à faire en ce domaine, mais un conseiller technique du ministère de l’agriculture s’en occupe activement.

Enfin, nous espérons que le fonds chaleur pourra gagner en envergure. En effet, nous sommes très en retard. Sur le plan purement administratif, nous travaillons avec les permanents du Syndicat des énergies renouvelables à lever deux ou trois contraintes, afin de faciliter les installations de biomasse. C’est le moment de se dépêcher.

M. Yann-Hervé de Roeck. Les énergies marines ont été peu citées malgré leur potentiel de développement. Cela dit, je voudrais corriger quelques points.

Plutôt que du second appel d’offres pour l’éolien en mer, je préférerais que l’on parle du deuxième. En effet, si un troisième appel d’offres n’intervient pas dans les deux ou trois ans à venir, les 6 gigawatts prévus pour 2020 seront inaccessibles : le deuxième appel d’offres ne nous conduit qu’à la moitié. La mise en place des éoliennes prend beaucoup de temps et un accompagnement est nécessaire.

L’appel d’offres pourrait également être ouvert à l’éolien en mer flottant et à l’hydrolien à partir des prospectives de l’IFREMER, lesquelles figurent dans certains plans. Nous pourrions produire 500 mégawatts avec l’hydrolien, 200 avec le houlomoteur, jusqu’à 1 gigawatt avec l’éolien en mer flottant, et encore 200 mégawatts avec l’énergie thermique des mers d’ici à 2020.

S’agissant des autorisations, l’expérience des sites pilotes et des sites d’essais prouve que, avant la mise en place effective des implantations, les durées sont à peu près équivalentes à celles nécessaires pour l’installation d’éoliennes terrestres : plus de six ans.

Il faut aussi se préoccuper des lignes. RTE se penche sur la question du réseau à déployer en mer. Malgré tout, nous restons éloignés de l’Allemagne et de la mer du Nord, où existe un réseau public auquel les fermes se raccrochent. Il y a encore beaucoup à faire.

Les énergies marines sont pour la plupart intermittentes. Je remarque que l’éolien en mer affiche des taux de charge un peu plus importants que l’éolien terrestre, dans la mesure où le vent est plus constant et plus fort en mer. C’est un élément à ne pas négliger, surtout dans le calcul des coûts finaux. L’hydrolien produit, quant à lui, une énergie que l’on peut prédire très facilement – c’est ce que l’on sait faire depuis plusieurs siècles s’agissant de la marée. C’est également le cas du houlomoteur, dont les taux de charge peuvent tourner autour de 30 et 35 %. Enfin, s’agissant de l’énergie thermique de mer, il existe une énergie thermique de base qui peut être produite à longueur d’année, comme en milieu naturel, avec les pompes à chaleur.

Tout à l’heure, je n’ai pas mentionné le nombre d’emplois liés aux énergies marines. On l’évalue aujourd’hui à 1 000 en comptant le déploiement de l’éolien maritime. Les prévisions sont de 40 000 emplois pour 2020.

Nous allons contribuer à la diversité des sources énergétiques. Je représente un ensemble qui ne demande qu’à se développer, ne serait-ce qu’en raison des particularités physiques différentes d’un lieu à un autre. Ce sont des énergies pour lesquelles il y a peu d’externalités, notamment d’approvisionnement. Reste le problème des aimants permanents, mais si nous passons à la supraconductivité, nous pourrons peut-être nous en passer. Quant au déploiement de l’éolien maritime posé, il peut sans doute relancer l’industrie sidérurgique : des centaines de milliers de tonnes d’acier seront nécessaires pour construire les éoliennes.

Enfin, je me réjouis du dépôt de l’amendement tendant à supprimer la règle des cinq mâts, laquelle pénalise aussi les sites pilotes et les sites d’essais en mer.

M. Thierry Mueth. L’énergie solaire ne se construit pas contre d’autres énergies plus traditionnelles. Nous demandons que la réciproque soit vraie. Il faudrait donc éviter de diffuser le discours tournant des maux du solaire, par exemple son caractère intermittent ou son manque de maturité. On avance que le soleil n’est jamais là quand on en a besoin. Mais je remarque qu’à l’instant précis où nous nous parlons, alors que nous ne sommes pas en pic de consommation, 70 % de notre électricité provient du nucléaire et 6 % du charbon. Or, si on regarde dehors, on s’aperçoit qu’il fait beau : du point de vue environnemental, il aurait mieux valu recourir au solaire qu’au charbon.

Pour évoquer la visibilité, je comparerai la situation en France et en Afrique du Sud. Dans ce pays, les séries d’appels d’offres sont planifiées : remise du dossier à telle date, puis fourniture de certaines pièces, puis remise de toutes les pièces, puis début du travail, etc. En une année, trois salves d’appels d’offres sont lancées et trois procédures sont engagées. En France, il en va différemment : le premier appel d’offres organisé il y a quelques années pour les centrales solaires est devenu caduc. Quant au second, annoncé en mars 2011, il n’a reçu les dossiers qu’en février dernier pour des résultats en juillet.

De plus, les garanties bancaires exigées pour répondre aux appels d’offres sont source de difficultés pour les PME. Pour le dernier appel d’offres, la première garantie bancaire était de 55 000 euros par mégawatt pour l’installation et la seconde de 33 000 euros par mégawatt pour provision de démantèlement. Un grand groupe peut se prévaloir d’une garantie d’entreprise, mais pas une PME qui doit bloquer ces sommes pendant tout le temps de traitement du dossier. En outre, si elle n’a pas l’heur d’être sélectionnée, elle devra demander une mainlevée à l’État, laquelle prendra environ un an. Il est un peu compliqué pour une PME de bloquer 88 000 euros par mégawatt sur des périodes aussi longues. Pour améliorer la situation, il faudrait que l’entreprise puisse être présélectionnée sur un appel d’offres et n’ait que trois semaines pour justifier ses capacités financières – au risque de sortir de la file d’attente.

Nous souhaiterions aussi que les règles ne changent pas à tout moment. Le mois dernier, pour les petits projets de moins de 100 kilowatts – à peu près 700 mètres carrés – il suffisait de faire installer un compteur permettant de faire de l’injection et du sous-tirage. Or, depuis quinze jours, il faut deux compteurs : l’un d’injection et l’autre de sous-tirage, soit deux abonnements et deux taxations TURPE pour utilisation du réseau. Nous ne sommes pas persuadés que ce soit très utile. Ce genre de pratiques ne nous aide pas.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Qui l’a décidé ?

M. Thierry Mueth. ERDF, je pense …

M. Bertrand Pancher. Ce n’est pas le précédent Gouvernement !

Mme Florence Delaunay. J’ai une question pour M. Le Picard à propos du bois-énergie et des freins au développement de la ressource. Je précise que je suis élue des Landes. Les installations de chaudières industrielles et de réseaux de chaleur collective, auxquels s’ajoutent les chaudières individuelles et les poêles, bénéficient d’incitations financières. Néanmoins, les sylviculteurs correctement rémunérés pour le bois d’œuvre le sont un peu moins pour le bois destiné à la papeterie, et encore moins pour le bois-énergie souvent composé de résidus – récupérés soit sur la parcelle, soit en scierie. Il est à craindre que la ressource issue des coupes d’entretien et des éclaircies soit insuffisante si le secteur devait connaître un fort développement. Avez-vous des propositions à faire pour dynamiser le bois-énergie au niveau de l’exploitation forestière ?

M. Cyril Le Picard. Madame Delaunay, vous parlez de conflits d’usage. Dans un arbre, il y a du bois d’œuvre, du bois d’industrie et du bois-énergie. Il n’est pas question, avec l’évolution de la biomasse forestière, de confondre ces trois catégories qui n’ont ni les mêmes qualités ni le même prix. Sans doute craignez-vous des glissements entre chacune des utilisations du bois – par exemple en faisant passer le bois d’industrie pour du chauffage. C’est en effet un risque. Mais pour sortir du bois-énergie dans la forêt, il ne suffit pas de picorer, il faut ouvrir des chantiers de coupe. Pour autant, qu’il s’agisse d’une coupe rase ou d’une coupe sélective, on sort ensuite du bois d’œuvre, du bois d’industrie et du bois-énergie. Les forestiers, notamment les exploitants forestiers, ne les confondent pas. La plupart du temps, y compris dans les Landes, la partie haute de l’arbre est destinée au bois-énergie. Et, actuellement, le haut de l’arbre est suffisant pour approvisionner les chantiers.

Je précise que la forêt française recouvre 16 millions d’hectares, soit 28 % de la surface du pays. Le potentiel de bois en général, et plus particulièrement le potentiel de bois-énergie, est considérable. Les études publiées par les instances officielles nous le confirment. Je remarque par ailleurs que la mobilisation du bois en France est liée à cette politique de non conflit d’usage. Tous ceux qui sortent le bois des forêts – les coopératives, les exploitants et les experts, mais aussi les propriétaires forestiers – doivent faire très attention à l’utilisation du bois. Je pense plus particulièrement aux propriétaires forestiers qui, il y a encore deux ou trois ans, ne savaient pas ce qu’était le bois-énergie. En fait, c’est une nouvelle industrie qui suppose des moyens et des intervenants nouveaux, ainsi que de nouvelles stratégies. Voilà pourquoi nous devons prendre des initiatives vis-à-vis des propriétaires privés et leur faire comprendre qu’il y a des milliers de tonnes de bois-énergie à sortir de leurs forêts sans compromettre le bois d’œuvre et le bois d’industrie.

Mme Sophie Rohfritsch. Monsieur Le Picard, il arrive que la Commission de régulation de l’énergie sélectionne par appels d’offres des projets d’importance de nature à assécher d’autres projets plus modestes, qui pourraient émarger au fonds chaleur. On sait par ailleurs que la quasi-totalité les projets validés par la CRE ne sont pas encore opérationnels et ne le seront peut-être jamais. Intervenez-vous dans cette sélection, voire dans celle des appels d’offres européens ?

M. Cyril Le Picard. Nous n’intervenons pas directement car ce n’est pas du tout l’objet de France biomasse énergie. Mais vous vous doutez bien que je surveille cela de très près en tant que président de l’Union des coopératives forestières. Peut-être pensiez-vous au projet de Gardanne, que connaît bien M. le député Lambert. Il convient d’être réaliste et vigilant s’agissant de l’approvisionnement des grandes centrales, dont les besoins devraient atteindre 14 millions de tonnes de bois en 2020. Pour y parvenir, il est impératif de mobiliser toute la filière forestière.

Tout comme vous, je ne suis pas sûr que tous les projets se concrétisent. Déjà, pour les premiers projets, les réalisations prévues n’ont pas toutes abouti. Quoi qu’il en soit, en tant que président de France biomasse énergie, je me place au niveau de l’approvisionnement.

M. Jean-Jacques Cottel. Je voudrais revenir sur l’éventuelle suppression des ZDE. Autant je suis favorable à l’idée de supprimer le minimum de cinq mâts pour favoriser le développement de l’éolien, autant je m’interroge à propos de ces zones. J’ai l’impression que la mise en place de la ZDE sur mon territoire a facilité le développement éolien. En effet, elle a permis de régler le conflit qui était né entre deux villages et deux investisseurs.

Par ailleurs, il me semble que ERDF, qui est en retard pour l’implantation des postes sources, se fonde sur l’implantation des éoliennes dans le cadre des ZDE pour planifier celle des postes sources manquants. De fait, il y aurait lieu d’accélérer cette implantation des postes sources, compte tenu de leur importance pour la récupération du courant. Or, selon ERDF, ses projets sont à trois ou quatre ans. C’est très long.

Enfin, nous rencontrons de nombreuses difficultés sur les territoires pour implanter des éoliennes : autoroutes, cimetières militaires, VOR (radiophare V.H.F omnidirectionnel) – il semble qu’on ne puisse pas implanter d’éoliennes à moins de 15 km de ces VOR. Tels sont les problèmes que l’on rencontre sur les territoires. Nous aimerions qu’ils soient rapidement résolus.

Mme Sophie Errante. Dans cette réflexion sur l’avenir énergétique, l’agriculture a toute sa place. Députée d’une circonscription où l’agriculture tient une place prépondérante, je connais son rôle majeur tant dans la diminution de la consommation énergétique que dans la diversification du bouquet énergétique. Pour un mode de vie plus économe en matière d’énergie, nous devons envisager la manière dont le secteur agricole peut concevoir cette exigence d’avenir. L’enjeu réside essentiellement dans la capacité d’adaptation de l’agriculture à ces nouveaux défis, ce qui soulève des interrogations tant sur le plan de l’économie et de l’environnement que sur celui de l’aménagement du territoire. Attachée à ce que notre agriculture prenne le chemin de la durabilité, je voudrais savoir ce qu’il est possible de faire à moyen terme pour lui permettre de s’adapter aux enjeux énergétiques.

Mme Martine Lignères-Cassou. Je déplore que personne n’évoque la géothermie dans l’ensemble des énergies renouvelables. En revanche, j’ai bien entendu que tout le monde demandait un cadre réglementaire stable et simple. Au-delà, j’ai cru comprendre que, pour l’innovation comme pour le déploiement des projets, il fallait d’importants fonds propres. Or je m’interroge sur la capacité de la future Banque publique d’investissement à aider les entreprises du secteur et sur le rôle que pourrait jouer l’Union européenne, notamment à travers le Pacte de croissance, pour soutenir les efforts d’innovation ou de recherche-développement.

M. Jean-Pierre Vigier. Aujourd’hui l’énergie nucléaire représente 75 % de l’électricité produite en France. Malgré cela, en période hivernale, nous achetons de l’énergie à certains pays voisins. Nous allons certainement, d’ici à 2025, diminuer de 25 % notre production nucléaire pour développer les énergies durables. C’est, je crois, une bonne chose. En revanche, comment sécuriser cette énergie renouvelable, qui est tributaire des éléments, notamment du vent et du soleil ? Et quel en sera l’impact sur la facture des ménages ?

M. Philippe Plisson. Martial Saddier se félicite de l’action du précédent Gouvernement en matière d’environnement. Certes, le Grenelle 1 représentait une avancée significative – le groupe SRC l’a d’ailleurs voté. Mais il a été détricoté par le Grenelle 2, lequel a plus particulièrement lesté les éoliennes, comme l’a affirmé le président du Syndicat des énergies renouvelables. Aujourd’hui, il va falloir lever les difficultés existantes.

Commençons par les ZDE. J’ai mis en place la première ZDE d’Aquitaine il y a six ans. Mais nous en sommes toujours au même point : devant le Conseil d’État. Les usagers en colère et la Fédération de l’environnement durable engagent systématiquement des actions en justice. La ZDE est plus qu’un frein, c’est un empêchement à faire.

Comme l’ont indiqué nos intervenants, le Gouvernement vient de faire un geste significatif en faveur des énergies renouvelables en augmentant le tarif d’achat photovoltaïque. La proposition de loi Brottes, dont nous allons reprendre l’examen demain, devrait desserrer le carcan administratif qui entoure l’installation des éoliennes. Concrètement, quelles décisions attendez-vous encore pour que les objectifs fixés par le Grenelle 1 dans le domaine des énergies renouvelables soient enfin atteints ? Je pense, en particulier, à la nécessaire adaptation des réseaux électriques.

J’ai entendu dire que vous étiez plutôt favorable à l’installation des éoliennes en mer. Ma circonscription borde l’estuaire de la Gironde, et j’aimerais savoir s’il serait envisageable d’en installer dans cette région. Je suis président d’un syndicat qui pourrait éventuellement diligenter une étude en ce sens.

Par ailleurs, le bois-énergie en tant qu’énergie renouvelable ne menace-t-il pas l’équilibre de la filière, déjà fragilisée par les délocalisations et la spéculation ? En effet, il est devenu une source d’approvisionnement, notamment pour les établissements scolaires, et j’ai peur qu’à ce rythme, la forêt n’y survive pas. Comment voyez-vous l’avenir ?

Enfin, la production de pétrole avec du CO2 et des algues, à partir de procédés de conversion énergétique accélérés, est-elle crédible ?

M. Stéphane Demilly. Dans les nouvelles filières figurent les biocarburants. Au sein du conseil d’administration de France biomasse énergie, je crois savoir que siège un représentant de Cristal Union dont une filiale, Cristanol, a développé un biocarburant, le bioéthanol.

Personnellement, je suis très inquiet pour l’avenir des biocarburants de première génération, après la conférence environnementale qui s’est tenue il y a quelques jours. Il me semble contradictoire de vouloir à la fois rompre avec le tout pétrole dans les transports et geler le développement des biocarburants dont les bénéfices environnementaux ont été confirmés par l’ADEME.

Je m’interroge sur la capacité de la France à respecter son engagement européen de porter à 10 % la part des énergies renouvelables dans les transports d’ici à 2020. Les biocarburants de deuxième génération ne seront lancés et industrialisés qu’à partir de 2020 et 2025.

Enfin, comme le disait très bien Mme Lignères-Cassou, en matière énergétique comme ailleurs, les investisseurs ont besoin d’un cadre législatif durable et stable. Or les à-coups pratiqués jusqu’à présent risquent d’avoir des conséquences très négatives. Je souhaiterais que vous nous apportiez vos lumières sur ce sujet.

M. Jacques Kossovski. En février dernier, une étude du cabinet Xerfi, intitulée Vers une filière française de l’éolien sur mer, a révélé l’existence de plusieurs freins importants susceptibles de retarder la maturation des projets de ce secteur.

Premièrement, le coût des parcs est élevé : il devrait être encore de 183 euros par mégawattheure en 2016, soit deux fois et demi celui de l’éolien terrestre et deux fois celui du nucléaire. Deuxièmement, alors que notre pays connaît une grave crise économique, l’accès aux financements par les opérateurs se trouve perturbé. Troisièmement, des recours ralentissent certains projets malgré la concertation préalable. Enfin, les acteurs devront relever les défis de la formation et de la logistique pour assurer la construction, l’exploitation et la maintenance des parcs.

Dans ce contexte, je souhaiterais savoir comment les acteurs concernés perçoivent l’avenir de l’éolien en mer. À court et à long terme, ces projets auront-ils un impact sur les emplois dans notre pays ?

M. François-Michel Lambert. S’agissant de l’énergie carburant, qui est le premier poste déficitaire de notre balance commerciale, il me semble que certaines analyses ne prennent pas suffisamment en compte le facteur que constitue l’appropriation des terres. Son impact environnemental n’est pas négligeable : ce phénomène est reconnu par l’ADEME pour les carburants de première génération, et c’est sans doute pour cette raison qu’on les abandonne partout dans le monde.

Je tiens à saluer M. Cyril Le Picard, président de France biomasse, avec lequel j’échange notamment dans le cadre de la mission d’information sur la biomasse au service du développement durable que notre commission m’a fait l’honneur de me confier. Notre collègue Sophie Rohfritsch en fait également partie, et nous entendrons cet après-midi même M. Le Picard en audition sur les enjeux de la biomasse.

Mon intervention portera sur le modèle de société qu’impliquerait un important développement des énergies renouvelables. La France énergétique est structurée autour d’une vingtaine de points de production nucléaire totalement incompatibles avec un modèle fondé sur des énergies renouvelables, inséré dans le territoire et adapté aux réalités socioéconomiques, ainsi qu’aux particularités géographiques et climatiques locales.

À cet égard, j’aimerais faire part des recommandations contenues dans le rapport des conseils généraux de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET), remis aux ministres chargés de l’Écologie et du Redressement productif, et intitulé Éolien et photovoltaïque, enjeux énergétiques, industriels et sociétaux. Elles semblent marquées par une certaine schizophrénie. En effet, la première recommandation propose de « veiller, dans toute réflexion prospective sur le mix énergétique 2025 durable, à préserver une part conséquente de production d’électricité à bas coût ». Cela sous-entend donc de laisser toute sa place au nucléaire subventionné. Or cette préconisation entre en contradiction avec d’autres que je soutiens totalement : l’une qui suggère de « rapprocher la décision du citoyen en renforçant le rôle des collectivités locales, afin de permettre une meilleure appropriation locale, de susciter un intérêt financier pour l’accueil des éoliennes, et de faciliter la constitution de structures de financement participatif citoyen local, notamment de SEM, qui associent collectivités locales et privé dans le montage de projets »; l’autre qui invite à « étudier de nouveaux modes de rémunération de l’électricité éolienne et photovoltaïque qui encouragent l’autoconsommation, la gestion de l’intermittence, la prise en compte par le producteur des risques de marché. »

D’où ma question : comment concilier, d’une part, une idéologie d’énergie électrique à bas coût, et, d’autre part, une vision bien plus large sur la valeur ajoutée d’une chaîne de production qui va de la source à la consommation en intégrant les externalités, comme l’entretien de la forêt, la robustesse du réseau, l’intégration locale, la création d’emplois locaux et le développement d’une filière industrielle pour l’exportation ?

M. Christophe Bouillon. Ma question, relative à l’autoconsommation énergétique, s’adresse à M. Thierry Mueth. Lorsque le photovoltaïque a commencé à percer sur le marché français, de nombreux propriétaires de maisons et de bâtiments se sont mis à rêver d’une autonomie énergétique. Ils voyaient peut-être là le moyen de s’affranchir du réseau et de gagner un peu de liberté. Mais leur déception fut grande. Comment en sont-ils arrivés à cette situation ? Est-ce parce qu’ils devaient vendre la totalité de leur production, que le kilowattheure électrique était encore bon marché ou que les tarifs de rachat étaient, au début, trop élevés ? Quoi qu’il en soit, nous devons aujourd’hui nous inscrire dans l’avenir et encourager l’autoconsommation en nous inspirant, par exemple, de modèles étrangers. Ainsi, en Allemagne, la production électrique qui est injectée dans le réseau bénéficie d’une bonification. En Espagne et en Italie, l’énergie injectée est déduite de celle consommée

D’ores et déjà, dans notre pays, des exemples de transition énergétique existent. On s’intéresse notamment à l’énergie diurne : il est sans doute possible, pendant la journée, d’utiliser l’énergie produite par le solaire photovoltaïque pour alimenter certains appareils électriques ou électroménagers – réfrigérateurs ou routeur internet – dont la consommation annuelle n’est pas négligeable. Je voudrais savoir si les réseaux intelligents, les onduleurs et les compteurs intelligents peuvent contribuer à inscrire notre pays dans ce modèle d’autoconsommation, qui est un avenir pour le photovoltaïque.

M. Arnaud Leroy. Je remercie les intervenants et les opérateurs de leur présence et je m’efforcerai d’être à leur écoute pendant les cinq prochaines années. La majorité, qui leur est favorable, essaiera de répondre à leur attente. Et surtout, elle ne jouera pas au yo-yo au gré des conjonctures politiques.

Je rejoins M. Baupin sur de nombreux points. Il existe effectivement une différence de traitement entre les énergies. Par exemple, on ne demande pas aux exploitants d’énergies traditionnelles des provisions pour le démantèlement de leurs installations. Cette dissymétrie, qui pénalise des énergies renouvelables, mérite réflexion. Les parlementaires que nous sommes devraient s’y intéresser.

J’en viens à l’éolien. Je suis élu de la 5e circonscription des Français de l’étranger qui comprend le Portugal et l’Espagne ainsi que les principautés de Monaco et d’Andorre. Il se trouve que le Portugal a parié sur cette énergie du vent. Des sociétés internationales, notamment canadiennes ou australiennes, s’y implantent pour développer des projets tests. Je voudrais savoir s’il existe au niveau européen des projets pilotes de coopération, en particulier entre la France, l’Espagne et le Portugal. Des parcs éoliens plus éloignés nous épargneraient peut-être les problèmes de cohabitation avec certains autres secteurs d’activité.

Je m’intéresse par ailleurs à la construction navale, secteur d’activité qui n’est pas au mieux de sa forme en Europe. Pourquoi ne pas développer la construction des navires de ravitaillement en mer (Supply Vessels) ? Quelques grands groupes comme Bourbon ou STX, qui travaillent dans l’éolien en mer, pourraient être intéressés. Cela permettrait de faire travailler les chantiers qui doivent quitter le secteur de la pêche. J’aurais enfin souhaité faire le point avec vous sur la réglementation en place, notamment au niveau des navigants.

M. Laurent Furst. Je remarque que le prix de l’électricité en France est parmi les moins élevés d’Europe. Quelles que soient les évolutions, qui sont nécessaires, il faudra conserver cet avantage comparatif au risque de perdre de nombreux emplois. Je remarque aussi que l’autoconsommation électrique n’a pas été encouragée, alors qu’elle pourrait bénéficier à deux filières : le photovoltaïque et le petit éolien de proximité. D’où ma question : ne faudrait-il pas légiférer pour l’encourager ?

M. Yann Capet. Je voudrais revenir sur les énergies marines et me féliciter de la création de France énergie marine. Notre pays dispose du deuxième espace maritime au monde, ce qui constitue une chance formidable de participer au développement des énergies propres, lequel contribue au développement de l’emploi – 1 000 emplois actuellement et 40 000 emplois à l’horizon 2020.

Pour autant, les contraintes attachées à ce type d’énergie sont grandes : celles que l’on subit sur terre – tarifs d’achat, coûts d’investissement – se superposent à d’autres spécifiques au milieu marin. De fait, les réglementations terrestre et maritime s’appliquent toutes les deux. Par ailleurs, si l’on veut développer les énergies marines sur la zone économique exclusive, il faudra résoudre un certain nombre de problèmes d’ordre juridique. Plus précisément, comment envisagez-vous la cohabitation avec les aires marines protégées et les parcs marins, garants de la protection de la biodiversité marine ? Ceux-ci peuvent être des instances de dialogue en cas de conflits d’usage.

Les énergies marines constituent une chance pour nos ports français et pour nos industries, notamment sidérurgique. Mais il ne faut pas oublier que le leader des câbles sous-marins est français et qu’il est implanté dans la ville principale de ma circonscription, Calais.

Enfin, je voudrais que vous nous parliez des zones tests. Il en existe au sud de la Grande-Bretagne, dans le détroit du Pas-de-Calais, ainsi qu’au Portugal, comme l’a dit notre collègue Arnaud Leroy. Ne sommes-nous pas en train d’accumuler du retard ?

M. Jean-Marie Sermier. Je regrette, monsieur le président, que les représentants de la filière hydrogène, qui me tient à cœur, ne participent pas à cette table ronde. Selon une récente étude, 35 millions de véhicules pourraient rouler grâce à cette énergie à l’horizon de 2030. Il serait donc important que notre pays s’y intéresse et développe sa recherche en ce domaine, à l’instar de ce que font les autres nations européennes.

S’agissant de la biomasse, il faudrait en finir avec le mythe du gaspillage du bois. À quand un véritable plan d’approvisionnement national tenant compte aussi bien de l’ensemble des forêts que de la topographie, des parcelles et des difficultés spécifiques à certains espaces, comme les zones humides ? Il ne faudrait pas confondre production théorique par hectare et possibilités de récolte.

À quand une réelle réflexion faisant la part entre les grands projets qui ont été évoqués tout à l’heure et les microprojets des territoires ? Il ne doit pas y avoir de concurrence entre eux, les uns devant tirer les autres.

À quand une véritable réflexion sur le transport de la biomasse, faisant intervenir le rail, avec des gares implantées à proximité des forêts, et le réseau fluvial ?

Je terminerai en formulant deux remarques. Premièrement, il faut éviter le travail clandestin en forêt, qui constitue un handicap pour la filière : l’ONF doit y veiller en permanence. Deuxièmement, il faut travailler sur le bois bûche et en faire la promotion : il est le moyen le plus facile pour se chauffer et le meilleur pour économiser du CO2.

M. Patrick Lebreton. Je souhaitais revenir sur la conférence environnementale pour la transition écologique qui s’est tenue dernièrement. Pour la première fois, nos territoires d’outre-mer ont été reconnus comme des territoires clé pour la mise en œuvre d’une nouvelle révolution industrielle et sociétale.

Nos territoires sont reconnus comme remarquables par leur biodiversité. Mais la mise en valeur de la biodiversité n’a pas un impact économique et social fort. La transition écologique pourrait représenter une chance réelle pour ces espaces faiblement industrialisés, économiquement mal développés et socialement sinistrés.

Vous avez été nombreux à souhaiter un cadre réglementaire stable et adapté, en particulier à l’éolien et au photovoltaïque. Nous sommes les premiers, sous les tropiques, à avoir souffert de cet effet yo-yo. Mais que faudrait-il d’autre pour faire des outre-mer un véritable champ d’investigation permettant de développer en milieu tropical une expertise française en matière d’énergies renouvelables ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous indique que nous organiserons une table ronde sur le développement durable outre-mer le mercredi 17 octobre.

M. Alain Gest. Monsieur le président, j’ai bien compris votre intervention tout à l’heure à propos de nos discussions, qui ne doivent pas dévier de leur objet. L’un d’entre nous a parlé de schizophrénie en matière d’énergies renouvelables, mais, pour ma part, je rêve du moment où l’on pourra débattre sereinement des problèmes liés à ces énergies, sans se jeter à la figure critiques et insultes. Quoi qu’il en soit, cela me paraît encore relever d’un vœu pieu.

Ma première question concerne l’éolien. J’ai entendu parler de la suppression des ZDE. Mais ne risque-t-on pas, de ce fait, de favoriser l’anarchie que nous avons connue et que nous déplorons tous ? Je conseille à l’honorable invité qui a affirmé que tout avait été fait pour stopper le développement de l’éolien, de ne pas venir le répéter dans la Somme, au candidat qui s’est présenté contre moi, uniquement pour protester contre les éoliennes. En effet, dans ma circonscription, dans quelque lieu qu’on se trouve, on voit des machines.

Ne risque-t-on pas non plus, si l’on abroge la règle des cinq mâts, de favoriser les implantations anarchiques ? Enfin, est-il opportun de revenir sur l’obligation d’installer des éoliennes à 500 mètres au moins des habitations ? Tout à l’heure, Denis Baupin nous a dit que 67 % des Français étaient favorables à ce qu’on les implante à une distance d’au moins un kilomètre – ce que j’avais moi-même proposé à l’époque.

Ma dernière question concerne les emplois générés par l’éolien et le photovoltaïque. Comment se fait-il que, dans un département particulièrement doté en éoliennes, aucune activité – au moins de maintenance – liée à cette technologie ne se soit développée ? Dans un même ordre d’idées, sur le photovoltaïque, on nous a parlé de 10 000 emplois restants et de 10 000 emplois supprimés. Mais où sont-ils ? Dans ma région, je n’en vois pas beaucoup.

M. Guillaume Chevrollier. Je souscris à l’objectif des 23 % d’énergie électrique renouvelable d’ici à 2020. Cependant, je considère que l’éolien pose deux problèmes notables, surtout lorsque j’entends parler de l’éventuelle suppression des ZDE.

Le premier problème est lié à l’implantation des éoliennes, qui ont un impact négatif sur nos paysages et sur notre patrimoine. Je pense notamment aux nombreux châteaux de mon département de la Mayenne. Ces paysages et ce patrimoine constituent des atouts durables pour nos territoires ruraux et il ne faudrait pas qu’ils soient sacrifiés au développement de cette énergie.

Le deuxième problème est lié au stockage de l’électricité. Aujourd’hui, avez-vous des solutions à nous proposer ?

M. Jean-Michel Clément. Bien qu’appartenant à la commission des lois, j’ai quelques responsabilités dans le domaine de l’énergie dans mon département. Nous sommes d’accord sur l’importance de la transition, de la diversité et de l’autonomie énergétiques et sur la nécessité de maîtriser les coûts. Les éoliennes se multiplient, des schémas régionaux sont mis en place et des études sont lancées. Toutefois, j’ai deux observations à présenter.

Premièrement, lorsqu’il n’y a pas de postes sources, il faut en créer. Mais ils ont un prix et, en fin de compte, c’est le consommateur qui paie. Cet élément me paraît devoir être pris en compte.

Deuxièmement, on ne fait pas de lien entre les besoins de consommation sur un territoire donné et la production. Dans mon département, j’ai fait procéder à une analyse prospective des besoins en électricité et nous avons découvert un territoire rural peu développé alimenté très au-delà de ses besoins. Et même en intégrant les futures exigences liées aux véhicules électriques et une probable augmentation de la consommation, il reste en surproduction. Est-il pertinent de produire, sur des territoires déjà très largement dotés, des énergies différenciées, quelles qu’elles soient ?

Mme Fanny Dombre-Coste. Un certain nombre de mes concitoyens m’ont alertée sur des techniques de commercialisation un peu douteuses, s’agissant de l’éolien domestique – de petites éoliennes qui se placent sur le toit des maisons. Certains modèles sont manifestement peu rentables et il faudrait réfléchir au moyen de protéger les consommateurs.

Par ailleurs, dans le cadre d’un contrat de filière bois signé entre l’État et la région Languedoc-Roussillon, nous avons mis en place une stratégie décennale, pour le bois-énergie comme pour le bois construction. Certes, le bois est un matériau innovant et moderne, qui a des qualités extraordinaires pour remplir les obligations de la RT 2012 dans la construction. Mais nous devons veiller à maintenir un équilibre entre les différents usages.

L’un de nos collègues a appelé de ses vœux un plan d’approvisionnement national en matière de bois-énergie, et il a raison. Dans la mesure où c’est un secteur qui va se développer de plus en plus dans nos régions, il convient d’avoir une vision globale de la question, de manière à maintenir un équilibre entre les territoires.

M. Thierry Mueth. Plusieurs facteurs interviennent dans le choix d’une source d’énergie. Il y a les émissions de CO2. Il y a les risques associés – et, à ce propos, je remarque que l’on a rarement vu une centrale solaire exploser. Il y a les coûts en matière de sécurité, d’approvisionnement et de démantèlement. Il y a enfin l’avenir de l’export ou le risque d’importation.

Cela m’amène à parler de l’autoconsommation qui, jusqu’à ce jour, a été très clairement pilotée par les coûts. On peut trouver le moyen d’alléger très significativement la contribution au service public de l’électricité. Légiférer sur ce point serait à mon avis une bonne démarche, sachant qu’un certain nombre de projets ont d’ores et déjà été engagés. C’est le cas à Perpignan, où un projet a été lancé pour le marché Saint-Charles dont les chambres froides consomment beaucoup d’énergie. Ce dossier avait été lancé avec un tarif d’achat ; avec la disparition de ce dernier, il va se poursuivre avec un système d’autoconsommation.

Certes, le solaire n’est pas disponible en permanence. Je remarque tout de même que les bases de données d’ensoleillement sur les vingt dernières années montrent un écart entre une bonne et une mauvaise année limité à 10 %. Pour d’autres énergies, les variations peuvent être bien plus élevées. Si le solaire n’est pas stable à l’échelle du jour ou de l’heure, il l’est à l’échelle de l’année. Toutefois, il n’est pas intégré dans des modèles mathématiques de gestion car ceux-ci ne prennent en compte que des données horaires. Je pense que le savoir-faire de RTE et ERDF est suffisant pour enrichir les modèles existant en y intégrant une planification plus longue.

Lorsque j’ai dit que 70 % de l’électricité que nous consommons était d’origine nucléaire, j’ai utilisé des données figurant sur le site de RTE, qui retrace la consommation et de la répartition de la production. Et je confirme bien qu’à l’instant, 6 % de l’électricité que nous utilisons proviennent du charbon, alors que nous sommes en plein jour et que nous pourrions utiliser de l’énergie d’origine solaire.

Le jour où l’on saura stocker l’énergie, on aura surmonté l’intermittence. Mais il faut reconnaître que nous ne savons pas le faire. Voilà pourquoi il est important de consacrer de l’argent à la recherche sur le stockage d’énergie. Toutes les énergies en bénéficieront.

Je veux dire quelques mots sur les emplois. Le Gouvernement précédent avait décidé, pour soutenir des projets de grandes centrales au sol, de régionaliser les tarifs. Une fois que ces équipements ont été attribués à un ou deux acteurs, le système a été abandonné. Pourtant, la régionalisation des tarifs pourrait permettre une répartition plus large du gisement d’emplois sur le solaire. Enfin, la maintenance est à l’origine d’une activité tout à fait significative dans notre pays. Certes, une société ne se consacre pas uniquement à la maintenance photovoltaïque. Mais l’emploi est bien là, et je peux vous citer le nom de plusieurs entreprises.

M. Yann-Hervé de Roeck. L’une des questions posées portait sur les hydroliennes en Garonne. Nous nous intéressons à la fois à l’éolien marin et estuarien. Un site d’essais a été créé pour les hydroliennes estuariennes et pour des prototypes de petite taille en hydrolien marin, qui se mettent place au pied du Pont de pierre de Bordeaux.

Il faut aussi créer des sites pilotes. Je précise qu’il y a une différence entre les sites d’essais et les sites pilotes : un site d’essais est une infrastructure ouverte à des développeurs pour tester et valider des prototypes ; un site pilote permet à un consortium ou à un développeur de faire la démonstration d’une technologie donnée – c’est donc un système moins ouvert.

S’agissant de l’éolien en mer, les chiffres de 280 euros le mégawattheure sont les bons. Mais comme pour l’éolien terrestre, ils sont amenés à baisser. Nous n’en sommes qu’à la première implantation en France d’éoliennes en mer. À titre de comparaison, la première éolienne marine a été implantée il y a vingt-deux ans au Danemark, époque où la première machine terrestre a été installée en France. Il y a donc des marges.

Mais surtout, l’intérêt de l’éolien en mer est qu’il permet d’installer des éoliennes de très forte puissance : loin des côtes, on peut envisager 8 à 10 mégawatts par machine avec des envergures spectaculaires soulevant peu de conflits d’usage. En outre, l’économie d’échelle réalisée permettra de faire baisser les coûts.

La maintenance en mer génère des emplois. Toutefois, comme l’a fait remarquer l’un d’entre vous, les réglementations marine et terrestre s’ajoutent, sans oublier celles liées au milieu marin. Il y a des efforts à faire ; je pense au déploiement du réseau par RTE.

Je n’ai pas connaissance d’initiative franco-espagnole ou franco-portugaise dans le golfe de Gascogne. Malgré tout, les Français et les Portugais sont très portés sur l’éolien flottant. C’est aussi le cas des Norvégiens, qui ont fabriqué le premier prototype : il fonctionne sur leur réseau depuis deux ans et nous avons participé techniquement à sa mise en place. L’éolien flottant – davantage d’ailleurs que l’éolien en mer posé – a donc un potentiel, et il faudrait sans doute passer des accords, tant du côté atlantique que du côté méditerranéen. Je pense aux projets d’éolien flottant en Catalogne et au projet Vertiwind d’éoliennes à axe vertical, particulièrement adaptées à la Méditerranée où le fond descend assez vite.

S’agissant de la construction de navires pour la maintenance et l’installation, il existe effectivement un très gros marché. Les groupes français sont déjà à l’affût des développements prévus, en particulier au Royaume-Uni, pour l’installation et la maintenance de plus d’une dizaine de gigawatts – c’est-à-dire deux fois plus ambitieux que le projet français sur l’éolien en mer posé.

L’un de vous a évoqué la cohabitation avec les aires marines protégées. À l’occasion des premières discussions que nous avons eues avec l’Agence, j’ai constaté qu’il n’y avait pas d’exclusion systématique des systèmes de récupération d’énergie marine. Ce sont des lieux de dialogue, tout particulièrement avec les milieux de la pêche. Au reste, la concertation est permanente. Lundi, dans le cadre d’une réunion du Comité national des pêches, nous avons prévu l’intervention des comités départementaux et régionaux pour chacun des sites d’essais mis en place par France énergie marine.

Les énergies marines, tout comme l’industrie navale, constituent une chance pour nos ports. Ceux-ci se sont rapidement mis en concurrence, alors que cela n’a pas lieu d’être : ne serait-ce qu’avec le projet des 3 gigawatts pour l’éolien en mer posé, il y a largement de quoi occuper l’ensemble des grands ports de la façade atlantique. Je remarque également que la France a un avantage par rapport au Royaume-Uni : ses systèmes portuaires sont publics et ont des capacités d’expansion supérieures.

S’agissant de la construction des réseaux câblés, elle représente un potentiel économique très important.

Avons-nous pris du retard ? D’autres pays que la France ont mis en place des sites d’essais. Les plus avancés sont très clairement les Britanniques, avec l’EMEC – l’European Marine Energy Center. Néanmoins celui-ci est situé dans les îles Orcades, où les conditions océaniques et météorologiques sont assez rudes. Il est clairement opportun de développer d’autres sites d’essais, notamment en France, ne serait-ce que parce qu’ils favorisent l’implantation des PME à leur proximité. Quant aux zones pilotes, elles sont bien plus nombreuses que les cinq ou six sites d’essais. Il y en a déjà plus d’une dizaine en France, en comptabilisant les zones pour le houlomoteur et l’hydrolien de petite capacité.

L’outre-mer représente un extraordinaire potentiel. Le Plan Réunion 2030-GERRI nous permet d’avancer dans tous les domaines des énergies renouvelables. Je citerai plus particulièrement l’utilisation directe de l’eau froide pour la climatisation, qui se développe à La Réunion et en Polynésie.

Cela m’amène à parler des schémas régionaux. France énergie marine est implantée en Bretagne, région qui dispose d’un schéma régional, le Triskell, destiné à remédier à sa position de péninsule « sous-énergétique ». En revanche, cette région a des objectifs en matière d’énergies renouvelables très ambitieux et fixés dans le schéma.

Les coûts des énergies marines sont les plus élevés de ceux que l’on a évoqués aujourd’hui. La recherche et l’innovation sont donc une nécessité. Sur les dix IEED (instituts d’excellence en matière d’énergies décarbonées) existants, trois sont dédiés aux énergies renouvelables dont un aux énergies marines. S’y sont associés, dans le cadre du partenariat public-privé, des établissements de recherche et de formation – l’IFREMER, l’IFP Énergies nouvelles, le CEAEA – EA pour énergies alternatives – pour les questions de stockage de l’énergie, le CNRS ; des écoles – Centrale Nantes, ENST Bretagne, etc. – et des universités telle celle de Bretagne occidentale. Il y a là tout un potentiel prêt à travailler dans une unité public-privé parce que c’est le meilleur moyen d’avancer très rapidement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous avez eu raison de préciser que le CEAEA était le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Il n’y a pas eu une grande campagne de communication sur ce changement d’orientation et de dénomination.

M. Yann-Hervé de Roeck. C’est un peu la même chose à l’IFPEN (Institut français du pétrole Énergies nouvelles) où l’on ne parle pas du tout de pétrole.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Lorsque nous recevrons ses représentants la semaine prochaine, je le ferai remarquer.

M. Cyril Le Picard. S’agissant du biogaz, France biomasse énergie a organisé un colloque national le 13 septembre dernier à Rennes, ce qui prouve que nous n’oublions pas ce secteur d’activité. Nous avons accueilli trois cents personnes, dont deux cents agriculteurs. L’objectif du milieu agricole est de montrer les succès remportés en matière de biogaz malgré l’existence de freins importants, notamment financiers.

J’ai participé au lancement des assises régionales agroalimentaires et bois, qui ont été lancées par le ministère de l’Agriculture et qui se dérouleront jusqu’au printemps. Présente lors de cette première réunion, la Banque publique d’investissement s’est engagée à soutenir les agriculteurs dans le domaine de la biomasse.

Les biocarburants sont aujourd’hui la seule filière en substitution du carburant fossile. Les biocarburants de deuxième génération sont prévus pour 2020 et après 2020. Entre 2012 et 2020, l’objectif est d’incorporer 10 % de biocarburants dans les énergies fossiles. Je ne vous cache pas que c’est un secteur compliqué, et je ne pense pas que les objectifs qui ont été fixés seront atteints.

S’agissant d’un plan d’approvisionnement national en bois-énergie, il faut rappeler que le bois-énergie passe par des marchés régionaux, départementaux, voire cantonaux, avec un approvisionnement local. Il est compliqué de dresser un plan national. Malgré tout, l’ensemble des acteurs forestiers s’active. Les coopératives forestières ont créé une « super » coopérative pour le bois-énergie, le GCF – Groupe coopération forestière –associé à ONF Énergie pour répondre aux appels d’offres, y compris aux petits appels d’offres locaux. Il ne faut pas en effet que les grands projets biomasse nuisent aux petits ; c’est un danger, mais nous veillons à maintenir un équilibre.

Il faut également veiller à une pondération entre le bois-énergie et le bois d’œuvre qui, avec le bois d’industrie, donne sa valeur à une forêt. À cet égard, la ministre du Logement, Mme Duflot, a signé un accord de coopération avec les forestiers sur les maisons à ossature bois : sur quelques 200 000 logements sociaux prévus, le bois sera intégré par les concepteurs – les architectes, les bureaux d’études techniques et les promoteurs.

Même si l’ONF fait partie du conseil d’administration de France biomasse énergie, ce n’est pas à moi d’apporter une réponse sur le travail clandestin : c’est à son directeur, Pascal Viné, que revient ce rôle.

J’ajoute que tout propriétaire privé d’une forêt de plus de quatre hectares est tenu d’avoir un plan de gestion qui l’oblige à s’adresser à un homme de l’art pour exploiter son territoire. Faute de quoi, les impôts fonciers peuvent être relativement lourds. Ce système contribue à limiter le travail clandestin dans la forêt privée.

Le bois bûche n’est pas un secteur oublié. Il est même très dynamique puisqu’il y a actuellement sur le marché de 750 000 à 1 million de mètres cubes de bois bûche. C’est un marché qui grandit, notamment en périphérie des grandes villes, dans les zones pavillonnaires où se sont installés les fabricants de chaudières bois. La livraison est même organisée directement dans les foyers.

Je voudrais également souligner que le volume de bois est très important en France. Sachez, par exemple, que les plaquettes forestières – la forme qui sera très rapidement majoritaire dans l’approvisionnement des chaufferies – passeront de 800 000 tonnes actuellement à 3,2 millions de tonnes en 2020. Pour cela, nous disposons de tout le bois nécessaire dans la forêt française. Et qu’on ne vienne pas nous dire que l’on va l’abîmer : il s’agit de la gérer intelligemment, comme on le fait, par exemple, dans les Landes.

Enfin, je vous encourage à vous procurer le Livre blanc que le SER (Syndicat des énergies renouvelables) a édité, car il comprend un gros chapitre sur la biomasse.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pouvez-vous me confirmer ces informations chiffrées : l’Angleterre aurait demain le plus grand parc éolien du monde, avec 35 gigawatts, et l’Allemagne s’engagerait dans la mise en œuvre de deux plans successifs de développement de l’éolien : un premier de 15 gigawatts et un second de 10 gigawatts ?

M. Nicolas Wolff. La mise en place des ZDE avait pour objectif de favoriser les échanges locaux. Dans certains départements, comme celui de la Somme, les ZDE sont exemplaires. Mais dans la majorité des cas, elles sont attaquées. Or, même avec un permis de construire permettant d’installer un parc, ce n’est pas possible si la ZDE est attaquée.

Cela étant, les SRCAE définissent, comme les ZDE, des zones propices au développement de l’éolien et sont établis avec les régions – et donc, je l’imagine, avec les collectivités locales. Ils constituent sans doute la solution permettant d’assurer un développement harmonieux de l’éolien.

Il est entendu que l’on ne pourra pas réussir dans l’éolien sans prêter attention aux attentes des citoyens. L’ensemble de la profession travaille à faire en sorte que les projets soient réalisés en concertation avec les populations. D’ailleurs, tous les projets qui réussissent ont obtenu l’accord et le soutien des communes et des intercommunalités. Je voudrais que l’on cesse de dire que l’éolien n’est pas accepté en France : plusieurs sondages démontrent que les populations sont au contraire très favorables à son déploiement.

S’agissant du raccordement des installations, les retards s’accumulent. ERDF a beaucoup de mal à suivre le rythme, ou refuse de le suivre. Je remarque d’ailleurs que le décret sur le raccordement impose à la filière éolienne les surcoûts qui sont liés au raccordement. C’est tout à fait inéquitable puisque, à ma connaissance, il n’y a pas eu de transfert équivalent sur d’autres sources énergétiques.

Aujourd’hui, nous représentons à peu près 3 % de l’électricité produite, avec environ 7 gigawatts installés, très en deçà de ce qui se passe en Allemagne (29 gigawatts et 9 % de l’électricité) ou en Espagne (21 gigawatts). L’hiver dernier, à un moment où le vent soufflait fort, l’électricité éolienne a atteint 62 % de la production espagnole d’électricité, et les réseaux ne se sont pas effondrés. On peut donc monter en puissance. Bien évidemment, l’intégration au réseau nécessite des adaptations. Un des enjeux du débat sur la transition écologique consiste à considérer qu’il faut sortir d’un modèle centralisé – avec un squelette massif desservant les centrales nucléaires – pour aller vers un modèle décentralisé.

Pour ce qui est de l’éolien en mer, nous prenons du retard. Deux appels d’offres – deux tranches de 3 gigawatts – devaient être lancés en 2011 et début 2012. En définitive, il n’y a eu qu’un seul appel d’offres et 2 gigawatts attribués. Dans ces circonstances, je ne vois pas comment, en 2020, nous pourrions être au rendez-vous avec 6 gigawatts installés. C’est dommageable car, au-delà de l’enjeu français, il y a un enjeu international. Les Anglais ont un projet de 32 gigawatts, le Round 3, qui constitue la troisième étape de leur stratégie éolienne maritime. Je ne sais pas s’ils seront capables mener à bien leurs ambitions mais, bien évidemment, les opérateurs et les industriels sont en train de s’y préparer. La France, qui possède des compétences, qui est dotée de sociétés capables de relever ce défi, est de nouveau en retard. Est-ce pertinent à une époque où des pans entiers de notre économie s’effondrent, alors que l’éolien, qui a un énorme potentiel, est prêt à décoller ?

Reste la question du coût, plus onéreux en mer, mais appelé à baisser comme M. de Roeck l’a souligné. Les Anglais, dans leur stratégie à vingt ans, estiment cette baisse de l’ordre de 20 %. Tous les industriels travaillent aujourd’hui à faire en sorte que ces sources énergétiques soient les plus proches possible de la parité réseau.

S’agissant des départements ultramarins, nous avons la chance d’avoir une PME installée dans la région Centre, la société Vergnet, qui est le seul fabricant de machines qui résistent aux conditions cycloniques. Mais cette entreprise a énormément souffert des changements incessants de réglementation, et elle se trouve aujourd’hui dans une situation particulièrement difficile.

Je dirai, en conclusion, qu’un des enjeux fondamentaux du grand débat sur la transition énergétique sera de finir par accepter qu’on ne peut plus vivre dans le paradigme d’une croissance forte avec une énergie à bas coût. Il faut que notre pays se prépare au futur.

M. Martial Saddier. Nous passons notre temps à l’expliquer !

M. Nicolas Wolff. Plus que des incantations, monsieur le député, j’aimerais des actes. Le cap fixé est ambitieux, mais les actions ne suivent pas. Or il faut profiter de l’opportunité qui se présente et permettre à la France de se positionner. Il s’agit de faire en sorte que notre économie se prépare à ce qui arrivera demain.

Nous organisons le 18 octobre à Paris une nouvelle édition du Colloque national éolien, auquel je vous invite à participer. Il est de notre devoir, de votre devoir, d’expliquer à nos concitoyens que nous ne pouvons plus vivre dans un monde dans lequel l’énergie sera durablement à bas coût, que nous allons entrer dans un monde où l’énergie sera traitée différemment, où elle sera décentralisée et autoconsommée. Cela suppose de consentir des investissements et de favoriser les échanges européens. Notre pays doit absolument se garder de toute approche franco-française.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je reconnais l’importance des enjeux. Tout le monde est conscient que, demain, l’énergie sera plus chère. Cela dit, j’observe que si le prix de l’électricité est moins élevé en France qu’en Allemagne, notre balance commerciale est déficitaire de 70 milliards d’euros, alors que celle de nos voisins d’outre-Rhin est excédentaire de 170 milliards...

Notre système est aujourd’hui très centralisé, tant au niveau de la production que de la distribution. Il faudra aller vers un système décentralisé. Il conviendra également de favoriser l’autonomie énergétique et l’autoconsommation. Tout cela suppose une véritable révolution. Et je pense que le débat sur la transition écologique favorisera une prise de conscience et nous incitera à nous engager dans la bonne direction. J’observe enfin que, malheureusement, nous risquons de ne pas pouvoir atteindre les objectifs que nous nous étions fixés en termes de développement des énergies renouvelables. Pour les atteindre, en particulier passer de 75% à 50% d’électricité d’origine nucléaire en 2025, il nous faudrait réviser nos moyens à la hausse.

Messieurs, je vous remercie très sincèrement pour votre participation à cette première table ronde.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 3 octobre 2012 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Serge Bardy, M. Denis Baupin, Mme Catherine Beaubatie, Mme Chantal Berthelot, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Florence Delaunay, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Olivier Marleix, M. Jean-Luc Moudenc, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, M. Christophe Priou, Mme Marie-Line Reynaud, Mme Sophie Rohfritsch, M. Martial Saddier, M. Gilbert Sauvan, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, M. David Vergé, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Alexis Bachelay, Mme Geneviève Gaillard, M. Christian Jacob, M. Philippe Martin, Mme Catherine Quéré

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Michel Clément, M. Patrick Lebreton