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Commission des affaires économiques

Mercredi 8 avril 2015

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 50

Présidence de M. François Brottes Président

– Audition de M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, et de Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la Politique de la ville, sur la politique de la ville 2

La commission a auditionné M. Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, et Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État auprès du ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, chargée de la Politique de la ville, sur la politique de la ville.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, madame la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, c’est avec un grand plaisir que nous vous accueillons : cette audition avait été reportée en raison des événements dramatiques du mois de janvier. Entre-temps, vous avez lancé un grand nombre d’actions très concrètes sur l’ensemble des territoires, avec des mesures en faveur des quartiers. Vous allez pouvoir faire le bilan de ces mesures de portée immédiate.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Les fractures territoriales qui traversent notre pays menacent ce beau projet d’égalité républicaine qui constitue le fondement de la cohésion nationale. Ce projet ayant été fragilisé, notre pays est lui-même fragilisé. Sur la base de ce constat, que nous avons fait très tôt, nous avons entrepris une rénovation profonde de la politique de la ville avec une nouvelle géographie, une nouvelle approche et un nouveau programme, inauguré par la loi Lamy de février 2014.

Nous devons aujourd’hui accélérer les réformes. Le sentiment d’injustice, voire, chez certains, le ressentiment, est devenu prégnant, renforcé encore après les attentats des 7 et 9 janvier. À la suite de ces événements dramatiques, le Président de la République a tenu une conférence de presse le 5 février, puis le comité interministériel sur l’égalité et la citoyenneté s’est réuni le 6 mars. Notre plan d’action est donc d’ores et déjà opérationnel.

L’un de ses premiers leviers est la politique de peuplement, dont parlera plus précisément Mme Myriam El Khomri. Je souhaite, pour ma part, insister sur deux autres leviers : le développement économique et l’action associative.

Comment redonner aux quartiers des perspectives économiques et des perspectives d’emploi ? Comment les aborder sans compassion, mais en encourageant le réel potentiel des populations qui y vivent ? Si la rénovation urbaine est essentielle, elle ne permet pas, à elle seule, de développer économiquement un territoire. Nous devons donc poursuivre deux objectifs, qui se renforcent mutuellement : soutenir, d’une part, l’activité et la création d’entreprises, et d’autre part, l’emploi.

Nous avons fait, pour commencer, le choix de revisiter le dispositif des zones franches urbaines (ZFU), qui avait perdu l’essentiel de son intérêt, compte tenu des effets des nouvelles exonérations de cotisations sociales du pacte de responsabilité et de solidarité conjuguées au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) à partir du 1er janvier 2015. En lieu et place des ZFU, nous avons imaginé le dispositif des « Territoires entrepreneurs ». Pendant une période de huit ans, les entreprises bénéficieront ainsi d’une exonération d’impôt sur leurs bénéfices. Pour éviter les effets d’aubaine, le plafond de cette exonération sera ramené de 100 000 à 50 000 euros, mais majoré de 5 000 euros par nouveau salarié embauché domicilié dans l’un des quartiers prioritaires. Il s’agit là d’une véritable prime à l’embauche pour les habitants de ces quartiers.

Un soutien spécifique sera apporté aux commerces de proximité dans l’ensemble des 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville – 1 300 en métropole, 200 en outre-mer. Les entreprises de moins de dix salariés ayant une activité commerciale bénéficieront d’une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pendant une période de cinq ans et de cotisation foncière des entreprises (CFE) pendant une période de huit ans. Ce dispositif fiscal très prometteur s’inscrit dans le droit fil du plan de soutien à l’investissement public et privé présenté ce matin par le Premier ministre.

Nous allons également mobiliser des financements des grands acteurs de l’économie pour favoriser la création et le développement d’entreprises dans les quartiers. La Banque publique d’investissement (Bpifrance) proposera cette année une offre de financement nouvelle intitulée « prêt quartier ». Les entreprises accéderont à un financement de 20 000 à 50 000 euros. Une garantie complémentaire leur sera apportée à hauteur de 70 % du montant du prêt bancaire. Ainsi, nous proposons des aides non seulement pour consolider les entreprises existantes, mais aussi pour encourager celles qui veulent se créer et se développer.

Par ailleurs, Bpifrance abonde pour 10 millions d’euros un fonds public-privé, appelé « Impact partenaires », qui distribuera 45 millions d’euros aux entreprises en croissance dans les quartiers.

Les acteurs sont également sollicités dans le domaine de l’immobilier d’entreprise – nous savons que c’est l’un des points de blocage pour le développement économique. Un montant de 500 millions d’euros sera ainsi dégagé pour la période 2015-2020, notamment par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour des investissements dédiés à des projets immobiliers à vocation économique – petit immobilier de proximité, pépinière d’entreprises, immobilier commercial. À côté de la BPI et de la CDC, l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) est aussi mobilisé, puisqu’il aura engagé 75 millions d’euros sur trois ans – 2013-2015 – pour des investissements consacrés à des opérations d’aménagement et de restructuration d’espaces commerciaux et artisanaux. Il s’agit là de sommes importantes qu’il faut coordonner : ce sera la vocation de l’agence de développement économique des territoires, dont la création est souhaitée par le Président de la République qui en précisera très prochainement les contours.

Nous consentons également un effort particulier en faveur de l’emploi. Le premier enjeu est de veiller à ce que tous nos dispositifs d’emplois aidés touchent leur cible prioritaire dans les quartiers de la politique de la ville. Nous avons donc fixé des objectifs chiffrés pour chacun d’eux en termes de déploiement dans les quartiers prioritaires, par le biais d’une convention passée avec le ministère de l’emploi, traduite par une circulaire du 25 mars 2015. Il s’agit de réserver aux quartiers prioritaires 25 % des emplois d’avenir en 2014 et 30 % en 2015 ; 20 % des contrats d’insertion dans la vie sociale ; 12 % du volet marchand du contrat unique d’insertion ; et 50 % des 1 000 nouvelles places en établissement public d’insertion de la défense (EPIDE). Évoquons aussi notre volontarisme en matière de garantie jeunes ou de service civique. L’idée est simple : ces dispositifs d’emploi aidé ou d’accompagnement social doivent bénéficier en priorité aux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Autre mesure : la convention avec Pôle emploi a prévu que 400 des 2 000 contrats à durée indéterminée (CDI) supplémentaires attribués à ce dernier en 2013 sont affectés aux agences les plus concernées par la population en zone urbaine sensible. C’est une autre dimension de notre politique de l’emploi pour les quartiers : concentrer l’accompagnement là où il est le plus utile.

Nous voulons donc proposer une panoplie de réponses pour faire face à la variété des situations des jeunes face à l’emploi. Pour compléter cette palette, un nouveau dispositif a été créé, le contrat « starter », destiné aux jeunes décrocheurs et tourné exclusivement vers le secteur marchand. Ce contrat s’accompagnera d’une prise en charge à 45 % par l’État, soit le montant des cotisations pour un emploi au SMIC.

Enfin, nous voulons développer le parrainage, qui montre de très bons résultats pour l’insertion des jeunes. C’est l’objet de la charte Entreprises et quartiers. Plus d’une cinquantaine d’entreprises ont déjà signé cette charte, qui les engage pour l’emploi, la formation ou le soutien aux entreprises locales. Mme Myriam El Khomri et moi-même souhaitons porter le nombre de signataires à 100 d’ici à la fin de l’année : étant donné la motivation et la mobilisation des entreprises, cet objectif n’est pas irréaliste. Nous souhaitons que, dans chaque nouveau contrat de ville, la charte soit déclinée avec les entreprises concernées.

Notre deuxième levier d’action est le « New Deal associatif », une nouvelle donne avec le monde associatif, rendue possible par d’importants rétablissements de crédits. Nous voulons qu’un plus grand nombre d’adultes soit formé dans ces quartiers, dans un double objectif d’éducation et de prévention, et afin de lutter contre la banalisation du racisme et de l’antisémitisme. Nous entendons renouveler notre pacte de confiance avec le secteur de l’éducation populaire et amener quelques grandes fédérations, dont les noms sont bien connus, à investir ou à réinvestir ces quartiers en priorité.

Dans ce dessein, et pour rebâtir un projet associatif, nous allons rétablir des crédits à hauteur de 50 millions d’euros dès cette année, et de 100 millions d’euros en 2016 et en 2017. Je rappelle que, en raison d’autres choix prioritaires, le secteur associatif dans ces quartiers avait perdu 90 à 100 millions d’euros entre 2008 et 2012.

Dans le même temps, nous voulons simplifier la vie associative par la mise en œuvre concrète de la charte des engagements réciproques, avec comme mesure phare l’incitation à recourir de plus en plus systématiquement aux conventions triennales, c’est-à-dire aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens.

Telles sont quelques-unes des soixante mesures issues des travaux du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté. Nous voulons lutter contre la ségrégation urbaine, faire de la réussite des quartiers un enjeu national. Lorsque les quartiers vont mal, c’est le pays qui va mal : s’ils vont mieux, le pays ira mieux. Il ne peut y avoir de République solide si nos concitoyens, dans des territoires entiers, éprouvent un sentiment de relégation et se sentent discriminés. C’est tout l’objet de la mobilisation portée par le Premier ministre au travers de ce comité interministériel du 6 mars 2015.

Mme Myriam El Khomri, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville. Comme M. Patrick Kanner vient de le rappeler, nous agissons depuis deux ans en faveur des quartiers populaires, au travers à la fois de la nouvelle géographie, de la sanctuarisation des crédits, puis de leur augmentation, mais aussi du programme de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) annoncé par le Président de la République le 16 décembre dernier. Mais il faut aller plus vite et plus loin, et c’est pourquoi le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté s’est réuni le 6 mars. Pour ma part, je voudrais insister sur les réponses qu’il apporte, à brève et plus longue échéances, dans deux domaines : la lutte contre la concentration des personnes les plus pauvres ; un meilleur accompagnement au quotidien des habitants par les services publics dans ces quartiers.

En matière d’habitat et de logement, il a fallu résoudre nombre de difficultés, qui ont fait l’objet de la concertation préalable à l’adoption de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), puis de l’avis du comité des sages. Une circulaire du 3 février 2015 relative au droit au logement opposable (DALO) évoque la nécessité d’un meilleur accompagnement des publics et la volonté de mieux répartir les foyers éligibles, dans un souci de mixité sociale. Le Club des maires de la rénovation urbaine a également porté de nombreuses revendications.

Je voudrais vous citer quelques-unes de ces complexités. D’un côté, les maires de l’association Ville et banlieue proposent, dans un objectif de mixité sociale, d’interdire les foyers éligibles au DALO dans les quartiers de la politique de la ville ; de l’autre, il est clair qu’il faut bien loger ces personnes prioritaires, ce qui nécessite de leur trouver une offre de logement accessible ; or cette offre de logement accessible se trouve, en particulier, dans les quartiers de la politique de la ville.

Autre complexité : si près de 46 % des foyers pour lesquels le DALO est reconnu se situent sous le seuil de bas revenus, cela signifie, a contrario, que l’on peut être éligible au DALO sans être sous ce seuil.

Par ailleurs, il est dit que l’échelle intercommunale est la meilleure pour mutualiser tout ou partie des contingents ; or certains maires avancent que, en leur ôtant leur prérogative, on les priverait d’un outil de politique locale.

Nous avons aussi entendu dire que les préfets devaient prendre en compte les difficultés particulières auxquelles font face les élus locaux en matière de production de logements – permis de construire attaqués, zones soumises aux risques naturels. Mais nous restons convaincus que l’ordre républicain, c’est appliquer toutes les lois de la République, notamment celle relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).

Nous avons également entendu dire que les attributions devaient être concertées entre les différents réservataires du parc social. Pour autant, nous ne sous-estimons pas les difficultés pour obtenir des critères d’attribution partagés.

L’énoncé de toutes ces contradictions met en évidence la complexité à laquelle nous devons faire face dans le cadre de notre action en faveur de la politique de la ville. Mais, pour reprendre l’expression de M. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, il y a des quartiers sensibles parce qu’il y a des quartiers insensibles. Nous restons persuadés que les problèmes dans ces quartiers ne sont pas ceux des quartiers, mais bien ceux de la France entière. C’est pourquoi nous voulons agir simultanément sur trois leviers.

Il convient d’abord d’encourager la mixité sociale dans les communes. Il s’agit de soutenir les préfets dans l’application stricte de la loi SRU dans les 216 communes qui ne remplissent pas leurs obligations légales, avec deux options : la délivrance des permis de construire au nom de la commune et la préemption du foncier. Les préfets devront nous faire des propositions d’ici au mois de juin pour chaque commune carencée. Une mission interministérielle sera confiée à Thierry Repentin, pour accélérer la production de logements dans les communes SRU.

La construction de logements sociaux sera limitée dans les territoires qui comportent déjà plus de 50 % de logements sociaux.

La politique des loyers sera révisée dans le parc social existant, non pas au regard des conditions de financement du logement au moment de sa construction, mais en fonction des ressources des demandeurs.

Au-delà de la construction, il faut également agir sur les attributions, en réorganisant le pilotage des attributions, grâce à une politique d’attribution à l’échelle intercommunale, et en organisant le relogement prioritaire des populations les plus pauvres en dehors des quartiers de la politique de la ville.

Enfin, il faut accélérer l’amélioration du cadre de vie des 400 quartiers prioritaires de la politique de la ville – 200 quartiers d’intérêt national et 200 quartiers d’intérêt régional – qui bénéficieront du programme de renouvellement urbain de l’ANRU. Les opérations pourront ainsi débuter dès 2015, grâce à des subventions de l’ANRU de l’ordre de 1 milliard d’euros, avec l’appui de la CDC. Les aides financières de l’ANRU seront conditionnées à la définition d’un projet global, intégrant la prise en compte des enjeux de mixité, d’emploi, de développement économique et d’excellence environnementale.

Par ailleurs, nous travaillons à des clauses d’embauche plus ambitieuses et plus rigoureusement appliquées, notamment dans le cadre de la charte avec l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui sera bientôt signée.

Toutes ces opérations feront l’objet d’une co-construction avec les habitants, comme le prévoit la loi Lamy de février 2014.

Ce volet pour une politique de l’habitat et du logement responsable sera mis en œuvre par Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, en lien avec M. Patrick Kanner et moi-même, et nous donnera véritablement les moyens de lutter contre ce phénomène de relégation. Nous avons bien conscience que ces équilibres-là ne seront pas modifiés en un an. Néanmoins, tous ces outils nous permettront de mieux travailler.

Il faut, d’autre part, répondre aux besoins des habitants, c’est-à-dire renforcer l’accompagnement dans tous les aspects de la vie quotidienne et mener une politique de la ville de proximité. Il s’agit de conforter les services publics en matière de sécurité, d’éducation, de réussite éducative ou de culture, de modes de garde adaptés. Pour toutes ces mesures, l’interministérialité est bien sûr la règle.

S’agissant des modes de garde, nous souhaitons développer les crèches à vocation d’insertion professionnelle, car nous savons que beaucoup de familles monoparentales vivent dans ces quartiers.

Concernant la sécurité – deuxième préoccupation, après l’emploi, des habitants de ces quartiers –, nous sommes convenus, avec le ministre de l’intérieur, que les policiers fraîchement sortis de l’école seront affectés en priorité dans les quartiers de la politique de la ville. Nous avons aussi souhaité développer le « pack deuxième chance », expérimenté dans le département du Rhône. Nous mettrons également en place des dispositifs de réparation pénale du type « Tu casses, tu répares » pour les dégradations de bien, qu’il s’agisse du patrimoine des bailleurs ou du mobilier urbain.

En matière d’éducation, au-delà des EPIDE et de la lutte contre le décrochage scolaire, nous allons déployer progressivement tous les programmes de réussite éducative dans chacun des collèges REP + (réseaux d’éducation prioritaire) et les écoles associées, avec un renforcement des moyens dès septembre prochain. Ce sont ainsi près de 3,3 millions d’euros qui seront affectés dès la rentrée prochaine.

Huit millions d’euros seront consacrés au développement des actions culturelles dans l’ensemble des territoires. Les événements de janvier ont montré que l’approche culturelle est extrêmement importante et qu’il faut aussi combattre l’ignorance. L’implication du ministère de la culture, grâce à Mme Fleur Pellerin, est extrêmement importante. Nous avons également proposé l’objectif « pas un contrat de ville sans un établissement culturel » et la réactivation du fonds de soutien aux médias de proximité.

Dans la mesure où le secteur du numérique sera à l’origine de la création de près de 40 000 emplois d’ici à 2018, des métiers du numérique peuvent être proposés rapidement à des jeunes en décrochage scolaire. C’est pourquoi nous avons décidé l’implantation de près de 200 « fabriques du numérique » d’ici à deux ans – 50 dès le mois d’octobre –, qui permettront de former aux métiers du numérique, et sans condition de diplôme, les jeunes issus des quartiers. Ainsi, 10 000 d’entre eux pourront être formés en trois ans. Une mission de préfiguration est menée depuis le 24 mars dernier.

L’ensemble de ces mesures a vocation à être décliné au sein des contrats de ville en cours d’élaboration.

Le maître mot est la participation citoyenne. Nous sommes particulièrement vigilants à la mise en œuvre des conseils citoyens sur l’ensemble du territoire. Il nous semble important, au travers de toutes ces démarches, de co-construire les politiques publiques et de lutter contre le sentiment d’abandon dans ces quartiers et contre la forte abstention que nous avons tous notée lors des dernières élections.

M. le président François Brottes. Je salue la nomination de M. Thierry Repentin et, à travers lui, l’interministérialité ! Ce qui nous intéresse, maintenant, c’est la nature du pilotage de ces dispositifs, pour qu’ils soient accessibles à tous sur l’ensemble du territoire.

Mme Audrey Linkenheld. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen avait plaidé pour la création de la fonction de délégué interministériel à l’habitat et à la ville : nous nous réjouissons de l’annonce de la nomination de M. Thierry Repentin à ce poste. Où en sommes-nous depuis le 6 mars ? Quel est l’ordre de mission du nouveau délégué ? Comment va-t-il s’y prendre pour que les préfets veillent à une meilleure mise en œuvre des lois votées ? Surtout, comment va-t-il s’assurer que les préfets parviennent à surmonter toutes les complexités que vous avez soulignées ? Il serait bon, en effet, que les préfets soient plus fermes dans l’application de la loi SRU, mais nous ne réussirons que s’ils s’intéressent aussi à la mise en œuvre des mesures en faveur de la rénovation urbaine.

Ne pas construire dans les quartiers comportant déjà plus de 50 % de logements sociaux implique de construire ailleurs. À Lille, six quartiers sur dix relèvent de la politique de la ville, mais nous construisons déjà dans les quatre autres : notre objectif est de le faire à l’échelle intercommunale. Or comment s’y prendre si les objectifs politiques ne sont pas partagés, et quel rôle peuvent jouer les préfets ?

Un grand nombre de territoires sont déjà très avancés dans leurs projets. Or ils ne peuvent rien faire sans le règlement financier de l’ANRU. Pouvez-vous nous rassurer sur la mise en place rapide de ce règlement ? J’entends parler de mai et juin.

Par ailleurs, la mise en place du contrat de ville, qui devra définir l’ensemble des actions, est incompatible avec la multiplication des appels à projets des ministères, y compris le ministère de la ville, car cela se fait parfois en dehors des priorités fixées dans le contrat de ville. Il me semble donc nécessaire de limiter les appels à projets.

Dans ma circonscription, une classe a été supprimée dans une école maternelle en REP +. Comment cela est-il possible ? On ne peut pas vouloir scolariser plus facilement les enfants de moins de trois ans et, dans le même temps, supprimer une classe de maternelle en REP +, surtout quand cette école se situe dans un quartier en cours de rénovation urbaine – si nous avons perdu des enfants, c’est parce que des logements ont été démolis pour en construire d’autres. Certes, il est difficile de combler les 80 000 suppressions de poste intervenues sous le précédent quinquennat. Mais, dans le Nord – qui est l’un des territoires qui ont le plus gagné grâce à la politique d’éducation prioritaire –, la plupart des nouveaux postes annoncés sont consommés par ces nouvelles écoles de l’éducation prioritaire et en raison des justes mesures prises pour la décharge des directeurs d’école, si bien qu’il n’en reste plus pour les dispositifs « Plus de maîtres que de classes » et pour l’accueil des enfants de trois ans. Or les indicateurs économiques et sociaux montrent que, dans ces territoires, ces mesures sont indispensables.

Enfin, s’agissant des emplois d’avenir, la question de la formation est cruciale. C’était, on s’en souvient, l’une des faiblesses du dispositif des emplois jeunes mis en place sous le gouvernement Jospin. Je pense, en l’occurrence, aux organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), car c’est souvent le même qui est concerné et qu’il n’a pas les moyens financiers de payer la formation de ces emplois d’avenir, quand bien même les jeunes et l’employeur sont favorables à cette formation.

M. Lionel Tardy. Lors de la discussion de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, je m’étais interrogé sur une nouvelle catégorie figurant à l’article 3 : « les quartiers présentant les dysfonctionnements urbains les plus importants ». Ces quartiers sont ceux qui bénéficieront du nouveau programme de renouvellement urbain, et leur liste est fixée par arrêté ministériel.

Au nom du groupe UMP, j’aurais souhaité que les critères de dysfonctionnement urbain soient publiés par décret, afin d’y introduire un peu d’objectivité et d’éviter les choix arbitraires. Pouvez-vous nous indiquer ce que recouvrent cette qualification et les critères qui conduisent à parler de dysfonctionnement urbain ?

Mme Michèle Bonneton. Dans ces quartiers, il est souvent fondamental de stimuler la citoyenneté. Le groupe écologiste aimerait avoir des précisions sur la méthode consistant à s’appuyer le plus possible sur les associations existantes et les habitants des quartiers, à accompagner leur mobilisation et à écouter leurs attentes, plutôt qu’à leur imposer des solutions clé en main ?

Vous avez évoqué les conseils citoyens. Cela sera-t-il suffisant ? Sont-ils obligatoires ? Qui les met en place ?

Dans ces quartiers, il s’agit souvent de rétablir le droit commun. Or les services publics, qui devraient y jouer un rôle décisif, sont en train de les quitter plutôt que d’y revenir. Comment renforcer la présence des services publics ?

Le rôle de l’école est également très important pour créer une vie de quartier, pour favoriser la mixité sociale dans une visée intégrative. Dans la principale ville de ma circonscription, la fermeture d’une école a été décidée par le conseil municipal, alors qu’elle n’était pas demandée par la directrice d’académie. Je me suis impliquée dans cette affaire, mais cela n’a pas suffi : comment éviter ce genre de problème ?

Mme Jeanine Dubié. « Égalité et citoyenneté : la République en actes », tel est la dénomination du comité interministériel qui s’est tenu le 6 mars. Pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste, le mot « actes » est essentiel : le terrain attend la réalisation effective des mesures annoncées.

Nous l’avons constaté à l’occasion des dernières élections, le sentiment de relégation est très fort, aussi bien dans les villes que dans les territoires ruraux. Le citoyen se sent de plus en plus mis à l’écart, voire isolé, ce qui nécessite de recentrer nos politiques publiques autour de ses besoins.

Lors de la signature des contrats de ville, la priorité a été donnée à l’emploi des jeunes. Il s’agit d’un bon signal, et il est important de soutenir cette démarche pour créer de l’activité économique. Dans le cadre des contrats de ville uniques, vous avez annoncé le doublement des prêts à la création d’entreprises accordés par Bpifrance, qui passeront de 7 000 à 14 000 euros pour les jeunes dans les quartiers prioritaires. Pouvez-vous dresser un premier bilan de ce dispositif ? Les jeunes sont-ils informés de ces possibilités de financement, et par qui ?

Dans cet objectif de soutien à la création d’entreprises, le Président de la République a annoncé la création d’une agence de développement économique des territoires. Si j’ai bien compris, cette agence devrait rassembler l’ensemble des dispositifs et des réseaux locaux existants pour offrir un point d’entrée unique et simplifier la création d’entreprises. Pourriez-vous nous préciser les contours de cette future agence ? Où sera-t-elle installée ? Quels seront ses missions et son périmètre d’intervention ? Quelles en seront les modalités de gouvernance ? Enfin, la nouvelle répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales est-elle prise en compte, notamment en matière de gouvernance ?

M. André Chassaigne. Ma première question porte sur les montants et la répartition des crédits de l’ANRU. Parmi les opérations fléchées qui figurent dans la liste nationale, certaines devront être financées par des crédits globalisés dans les régions, sur lesquels viennent s’imputer de nouveaux programmes. Un problème de répartition des crédits se pose donc dans les régions : des communes retenues dans le cadre de la liste nationale se retrouvent maintenant en concurrence avec d’autres sites qui ont émergé, et elles s’inquiètent du volume des aides qui pourront leur être apportées. Cette inquiétude est très vive à Thiers, pour citer une commune que je connais bien. Pourriez-vous me donner des éclaircissements sur ce point ?

Ma deuxième question concerne les services publics de proximité. En début de semaine, La Poste a annoncé qu’elle allait fermer de nombreux bureaux dans des quartiers, comme elle avait pu le faire dans des territoires ruraux. N’y a-t-il pas une forme de contradiction entre la volonté politique – que je salue – de soutenir les commerces de proximité et ces fermetures de bureaux de poste ? Dans de nombreux domaines tels que le maintien des services publics, je constate souvent une similitude entre ce que vivent les territoires ruraux depuis plusieurs années et les actions menées actuellement dans des quartiers. Les maisons de services publics peuvent être utiles en milieu rural, mais aussi en milieu urbain. Avez-vous des échanges avec La Poste pour que des fermetures de bureaux ne soient pas envisagées, alors qu’il existe des projets de mutualisation, par exemple, par le biais de maisons de services publics ?

Troisième question : quelle est la nature du partenariat envisagé avec les missions locales où 4 200 adultes relais sont annoncés ? Ces missions locales représentent un levier très important.

Ma quatrième et dernière question se rapporte à une information parue hier dans Le Parisien : trente-trois sites seraient à l’étude, dans la perspective de construire près de 200 000 logements en Île-de-France, dont plus de 60 000 en Seine-Saint-Denis et 16 000 dans les Yvelines. Ces projets pourraient voir le jour dans le cadre d’une opération d’intérêt national. Les élus concernés dénoncent un processus qui les écarte de toute décision. Qu’en est-il de cette opération ? Quelle est la nature du partenariat avec les élus locaux ?

M. François Pupponi. Je ne peux que saluer l’action menée par le Gouvernement dans un domaine difficile : nous n’avions pas vu une telle action publique depuis de nombreuses années.

Lors du comité interministériel du 6 mars, il a été beaucoup question de politique de peuplement et le Premier ministre a prononcé de fortes paroles sur ces problématiques réelles. Comment faire en sorte, concrètement, que les populations les plus fragiles ne se voient plus attribuer un logement dans ces quartiers-là ? Comment faire en sorte aussi, comme l’a suggéré le Premier ministre, que des logements sociaux ne soient pas reconstruits à la même place de ceux qui sont détruits ? Il faut construire ailleurs les logements détruits et ne plus envoyer les populations les plus fragiles dans les quartiers où il y a déjà plus de 50 % de logements sociaux.

Au passage, je précise à Audrey Linkenheld que nous n’avons pas encore les réponses aux questions qu’elle pose : pour être en phase avec les mesures annoncées lors du comité interministériel, l’ANRU, que je préside, ne validera son règlement qu’en juin. Il s’agit de mettre en adéquation les annonces du Gouvernement et les financements de l’ANRU, afin que les porteurs de projets puissent connaître précisément les règles des financements.

M. Henri Jibrayel. Je voudrais remercier Mme la secrétaire d’État d’être venue passer deux jours à Marseille et d’avoir pu mesurer la situation de ses quartiers populaires. Elle était accompagnée – c’était une première – du président de l’ANRU : c’est dire qu’elle s’était déplacée avec la bourse ! Elle n’est pas restée dans les salons de la préfecture, mais a visité la ville, quartier par quartier. Je voulais remercier aussi M. Patrick Kanner, qui est venu il y a quelques mois, à la veille de Noël, dans le quartier de la Viste. Pour ma part, je n’y croyais plus – car j’ai vu beaucoup de ministres venir et repartir –, mais un espoir est né à Marseille. Madame la secrétaire d’État, vous avez constaté les retards accumulés et mesuré les manques à combler, notamment en ce qui concerne le plan de sauvegarde des copropriétés du parc Kallisté.

Nous avons lutté pour que les ZFU soient maintenues. Le Gouvernement nous a entendus et elles sont reconduites jusqu’en 2020 sous l’appellation Territoires entrepreneurs. Les commerces de proximité ont été inclus. Tous les ingrédients sont donc réunis au pied des cités. Il faut désormais rénover et penser à l’emploi. Mais il faut revenir rapidement pour poser des premières pierres. Si tel n’était pas le cas, ce serait une catastrophe.

Tout au long de la visite, François Pupponi a répété que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu des cités dans cet état. Le parc a plus de soixante ans et il est dans un état lamentable. Sans jeter l’anathème sur la mairie pour les retards accumulés, je vous interroge : comment faire pour aller vite ? Sans doute, la ville n’implose pas, mais nous sommes en situation d’urgence. Les habitants étaient là ; ils vous posaient des questions précises ; ils manifestaient leur volonté de voir réhabiliter les quartiers. Comme François Pupponi, je pense qu’on ne peut pas démolir et reconstruire au même endroit. On a besoin de mixité.

Mme Jacqueline Maquet. Dans vos exposés, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, on mesure l’importance de la politique de peuplement et des politiques d’attribution. Irons-nous un jour vers la politique du logement choisi ?

Dans tout ce que j’ai lu, à la suite du comité interministériel du 6 mars, nous trouvons des propositions sur l’accession sociale dans le neuf, mais que pensez-vous de la vente de HLM qui permettrait de fidéliser les habitants dans les quartiers ?

La transformation des quartiers prend du temps. La qualité de la présence des services publics, des services de gestion de proximité des villes et des bailleurs sont indispensables. Comment comptez-vous mobiliser l’ensemble des acteurs pour que le « travailler ensemble » porte ses fruits et conduise à un « mieux vivre ensemble » ?

M. Philippe Kemel. Vous avez détaillé la politique de la ville que vous menez : elle est riche et permettra à beaucoup d’habitants de ces quartiers de trouver de l’espérance. Mais, sur le terrain, notamment dans ma circonscription où les quartiers éligibles à l’ANRU ne sont pas encore connus, nous rencontrons une difficulté : dans les conseils citoyens, la demande des populations va bien au-delà des dispositifs de financement qu’apporte l’État. Les collectivités se retrouvent dans un étau, face à des demandes particulières qu’elles n’ont pas les moyens d’accompagner. Certes, vous évoquez un New Deal avec les associations ou la création de colonies de vacances. Mais les collectivités doivent bien souvent construire des pépinières d’entreprises ou des structures qui permettront aux gens – notamment aux jeunes – de se rencontrer, sans qu’aucun des moyens de la politique de la ville n’y soit dédié. Les élus locaux ont du mal à affronter ces contradictions.

M. Daniel Goldberg. S’agissant de la politique de peuplement, je ne partage pas l’enthousiasme de mon ami François Pupponi : ce terme est peu utilisé pour les quartiers favorisés dits « insensibles ». Pour ma part, j’aimerais que l’expression s’applique à tous les territoires urbains, y compris les plus favorisés, car le risque est une ghettoïsation par le haut de certains d’entre eux. Comment créer un équilibre dans une aire urbaine ? Dans les territoires les plus urbanisés, la ville, ce n’est plus la commune : en Île-de-France, la future métropole du Grand Paris comptera 124 communes. Comment prendre en compte cette diversité ?

La question essentielle est de libérer du foncier constructible. Il ne s’agit pas d’en inventer, mais de faire en sorte que celui qui existe puisse être utilisé. Certaines idées reviennent régulièrement, comme celle de taxer les terrains non construits en fonction de leur valeur vénale et non pas de leur valeur locative. Dans les territoires où la situation du logement est la plus tendue, c’est une piste à explorer.

Je me réjouis des mesures prévues pour les communes carencées, c’est-à-dire qui ne respectent ni l’objectif ni le rythme de construction de logements sociaux prévus par l’article 55 de la loi SRU. Mais la question se pose aussi pour les communes qui, sans être carencées, présentent un pourcentage de logement locatif social relativement faible. À quel rythme peuvent-elles combler leur retard pour atteindre un taux de 25 % de logements locatifs sociaux en 2025 ?

La Cour des comptes a publié ce matin un rapport sur le logement en Île-de-France. Couvrant la période 2005-2012, il montre que les bailleurs franciliens ne construisent pas en fonction des besoins, mais privilégient les logements de type prêt locatif social (PLS), assortis des niveaux de loyers les plus élevés, au détriment des logements de type prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), accessibles aux plus modestes. Dans le cadre de la loi de janvier 2013, qui a renforcé la loi SRU, il serait possible de prendre des mesures pour remédier à ces faiblesses, y compris dans les communes qui n’évoluent pas assez vite vers le taux de 25 %, même si elles ne sont pas dites carencées.

Les élus ont toute leur place dans la politique de la ville, mais je ne partage pas l’avis d’André Chassaigne : pour construire le long des gares du futur réseau Grand Paris, il est nécessaire d’en passer par une opération d’intérêt national multi-sites. Sinon, on risque de se retrouver dans une situation ubuesque : les objectifs de construction de logements prévus par les contrats de développement territorial, signés dans le cadre de la loi relative au Grand Paris, pourraient être bien inférieurs à ceux que l’État et la région Île-de-France se sont assignés en vertu de leurs prérogatives respectives. L’État joue un rôle important pour empêcher que ne s’applique une logique qui a montré plus que ses limites et ses inconvénients, que je qualifie de « pétrole contre nourriture », le pétrole de ces territoires étant le foncier disponible pour le logement et l’activité économique. Les opérations réalisées doivent avoir des retombées positives pour les habitants de ces territoires.

Mme Catherine Troallic. La même logique s’applique à l’éducation prioritaire et à la politique de la ville : pour gagner en efficacité, les moyens sont concentrés là où les besoins sont les plus criants. J’appelle cependant votre attention sur les quartiers encore fragiles qui sortent de ces deux mécanismes, même s’ils restent dans un dispositif transitoire, celui des territoires de veille active.

Dans ma circonscription, une partie de la commune d’Harfleur est ainsi entrée en territoire de veille active, alors que le chômage y est très élevé et le revenu par habitant très faible. C’est une commune socialement et économiquement fragile. Dans ces territoires, la sortie de l’éducation prioritaire et de la politique de la ville est parfois vécue comme une double peine. Il faut leur envoyer des messages forts, leur réserver des mesures concrètes et des financements, afin qu’ils ne se sentent pas oubliés par l’État.

Qu’en est-il, dans ces territoires de veille active, des crédits pour la réussite éducative et pour les adultes relais ? Quels dispositifs concrets envisagez-vous en faveur de l’emploi et de la jeunesse dans ces quartiers qu’il ne faudra pas oublier ?

M. Dino Cinieri. Dans ma circonscription, la vallée de l’Ondaine regroupe six communes, soit environ 50 000 habitants. Le chômage y est élevé, la population vieillissante. C’est une vallée très ouvrière où le revenu moyen annuel est estimé à quelque 13 500 euros pour un couple avec un enfant, c’est-à-dire que le revenu moyen par habitant ne dépasse pas 800 à 900 euros par mois.

Certains logements HLM sont vacants, vu leur nombre, mais les nouveaux arrivants sont encore plus pauvres que les résidents actuels. Nous avons voulu promouvoir l’accession à la propriété de ces logements sociaux, car certains locataires vivent parfois depuis quinze ou vingt ans dans un appartement qu’ils souhaiteraient acquérir. Ces acquisitions, qui ne peuvent se faire que via des emprunts minimes à taux zéro, permettent d’ailleurs de réduire les problèmes d’insécurité et de voisinage. Comment aider l’accession à la propriété de ces locataires démunis, mais qui paient leur loyer depuis de nombreuses années ? Comment faire en sorte que leur remboursement d’emprunt soit égal au loyer existant ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Ma question concerne les réseaux de réussite scolaire (RRS) qui remplacent les réseaux d’éducation prioritaire (REP), même si je sais qu’ils n’entrent pas directement dans vos attributions ministérielles. Il existe cependant un lien fort entre les politiques en faveur des quartiers prioritaires et les REP, et, si nous ne voulons pas que notre action soit vaine, il est nécessaire de veiller à la cohérence d’ensemble et de ne pas exclure les quartiers aidés des dispositifs de soutien scolaire.

Dans ma circonscription, la commune de Fontaine, où la précarité et l’absence de mixité sociale restent très fortes, a perdu son classement en REP alors qu’elle entre pleinement dans le dispositif des quartiers dits prioritaires. Il faudrait veiller à la concertation entre votre ministère et celui de l’éducation nationale : on ne peut pas réussir dans les quartiers sans l’école. Comment pensez-vous pouvoir faire évoluer les RRS de ces communes défavorisées en cohérence avec vos actions propres ?

Mme Frédérique Massat. L’entrée des territoires ruraux dans la politique de la ville est une véritable nouveauté. Certains ajustements sont donc nécessaires, et je remercie le président de l’ANRU et Mme la secrétaire d’État d’avoir accompagné certains territoires ruraux dans cette démarche.

Les conseils citoyens ont été un grand succès dans nos territoires et ont été mis en place avec enthousiasme. La population, les associations et les élus s’y sont engagés pleinement et les font vivre. L’annonce concernant les associations est une très bonne nouvelle : le lien social passe aussi par elles, par l’éducation populaire et la culture. Il est indispensable d’associer les établissements culturels aux contrats de ville dans nos territoires.

Comme j’ai bien retenu la leçon de M. Jibrayel, j’ai déjà lancé les invitations : M. Pupponi et Mme la secrétaire d’État se sont engagés à venir en Ariège. Madame la secrétaire d’État, le festival de rue auquel vous assisterez cadre totalement avec la politique de la ville. Merci par avance.

Mme Clotilde Valter. L’emploi des jeunes est l’une des grandes préoccupations dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Or il me semble que les actions de Pôle emploi ne sont pas toujours adaptées à ces territoires où il ne suffit pas de décliner les outils et les financements habituels. À partir de cette année, les services de Pôle emploi vont lancer des schémas territoriaux d’actions, mais ils n’ont pas forcément prévu cette dimension. Avez-vous eu des échanges à ce sujet ? Allez-vous les inciter à s’adapter ? Ils déclinent leurs actions de façon uniforme sur le territoire tout en ayant bien mesuré la nécessité de s’adapter, notamment aux territoires ruraux évoqués par Frédérique Massat. Mais il faudrait leur donner des marges de manœuvre plus importantes que celles dont ils semblent disposer, afin qu’ils puissent proposer des actions innovantes dans ces territoires où les situations varient d’un quartier à l’autre. Il ne peut pas y avoir un produit ou une offre unique pour l’ensemble du territoire national.

M. Christophe Borgel. Nous allons devoir lutter d’arrache-pied pour que certaines écoles des quartiers prioritaires soient maintenues dans les REP. La volonté de cohérence entre les différents ministères, qui s’est manifestée lors du lancement de cette politique, est tout à fait essentielle. L’éducation nationale n’est pas un ministère facile et je mesure la complexité de la tâche, mais nous devons appliquer une règle simple vis-à-vis des écoles situées dans des quartiers qui relèvent de la politique de la ville, surtout quand ils sont concernés par les principales opérations de l’ANRU. Le caractère prioritaire de certains quartiers saute aux yeux, sans qu’on ait besoin de consulter les statistiques. Il ne faut pas abandonner le débat sur la cohérence des cartes sous prétexte que les problèmes de chaque circonscription seraient réglés ou en passe de l’être.

Permettez-moi de revenir sur un sujet que j’ai déjà évoqué avec vous, madame la secrétaire d’État, dans l’hémicycle : l’emploi des jeunes de ces quartiers, et en particulier des diplômés. La preuve du pudding, dit-on, c’est qu’on le mange. Certes, des dispositifs sont prévus, mais, une fois que nous les avons présentés aux habitants et aux jeunes des quartiers, nous avons l’impression qu’ils ne leur parlent pas. Comment aller plus loin, à partir des actions publiques engagées et présentées ? Comment faire la démonstration que ça marche ? Avec Pôle emploi, avec les missions locales et les collectivités locales, il faut repérer les diplômés de l’enseignement supérieur issus de ces quartiers qui n’ont pas de boulot, régler leur problème et faire la publicité de ce succès. En somme, il faut démontrer l’efficacité concrète de ces dispositifs qui apparaissent parfois un peu désincarnés aux habitants. Si vous reteniez une telle logique de preuve par l’exemple de l’action publique, je serais évidemment candidat à une expérimentation à Toulouse.

M. Yves Daniel. Nombre des mesures annoncées le 6 mars dernier ont vocation à être réalisées au niveau intercommunal. Qu’en est-il de l’agence de développement économique des territoires ? Pour vérifier le caractère démocratique des voies d’accès à la fonction publique, les collectivités territoriales seront encouragées à obtenir le label Diversité de l’Association française de normalisation (AFNOR). Quelle forme concrète ce soutien prendra-t-il ? S’agira-t-il d’un accompagnement technique, financier ou autre ?

M. Jean-Luc Laurent. Ma première question porte non pas sur le nouveau programme de renouvellement urbain, mais sur les projets non retenus par l’ANRU, qui font l’objet de discussions à l’échelle des régions et des préfectures de région. Où en est-on ? Y a-t-il une bonne cohérence d’une région à une autre, au regard des enjeux identifiés par le ministère et par les acteurs ? Nous menons des discussions sur vingt-deux contrats de projets. Y a-t-il des retards ? Certains projets pourraient rester en souffrance. Il me semble important d’avoir des éléments permettant de nous assurer de la cohérence des actions.

En ce qui concerne l’aspect foncier du renouvellement urbain, j’ai la conviction que, en élargissant le périmètre des projets de renouvellement urbain qui ont vu le jour depuis le plan Borloo, nous pourrions dégager du foncier disponible et accentuer l’action par projet d’aménagement, pour mettre fin à la relégation et réintroduire une réelle diversité dans l’habitat.

Cela étant, l’État a fixé des règles dont l’ANRU doit veiller à l’application, entre autres celle du « un pour un » – un logement social reconstruit pour un logement démoli – à l’échelle du département. Dans la nouvelle politique de renouvellement urbain, comment appliquez-vous ces règles ? Y a-t-il des adaptations ?

En plus des nécessaires reconstructions de logements démolis, plusieurs centaines de logements supplémentaires sont parfois créées. L’État envisage-t-il de jouer son rôle pour que la diversité soit assurée dans les nouveaux programmes de logements supplémentaires ? Les politiques publiques conduites par les différents ministères doivent s’articuler avec les mesures que nous votons, notamment celle de la loi ALUR du 18 janvier 2013 qui impose 25 % de logements sociaux en Île-de-France et 20 % dans d’autres territoires. Il s’agit aussi d’assurer une cohérence avec les programmes locaux de l’habitat (PLH).

M. Dominique Potier. Je pense beaucoup de bien de toutes les mesures que vous avez présentées, mais je m’inquiète du fait que les emplois en contrat starter soient réservés aux seuls quartiers. Plus largement, je crois qu’il faut faire le lien entre les quartiers et les périphéries, c’est-à-dire les zones de relégation. Les jeunes des petits villages de ces périphéries vivent à quelques kilomètres seulement de ceux qui sont visés par votre politique, et ils présentent exactement le même profil sociologique. Ce sont aussi des décrocheurs, mais ils n’accéderont pas à cet emploi marchand particulièrement aidé puisque pratiquement exonéré de toute charge. Or les effets de frontière, avec la stigmatisation et la provocation qui vont de pair, peuvent alimenter un puissant sentiment d’exclusion. Telle n’est pas votre intention. Comment tracer les limites afin d’embrasser la jeunesse défavorisée d’un grand territoire en visant particulièrement, mais pas exclusivement le quartier ?

M. le président François Brottes. Pour avoir contribué à l’émergence des contrats starter, je soutiens totalement le propos de M. Dominique Potier.

M. Régis Juanico. Ma première question porte sur les ZFU-Territoires entrepreneurs, et plus particulièrement sur la mesure de soutien très innovante aux commerces de proximité. Dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville, les entreprises pourront bénéficier d’une exonération d’impôts locaux, de taxe foncière sur les propriétés bâties et de contribution économique territoriale. Quand l’instruction fiscale paraîtra-t-elle ? Les commerces de proximité concernés – qui sont très intéressés par cette nouvelle mesure – pourraient-ils en être directement informés ?

La création d’une agence de développement économique des territoires n’est-elle pas l’occasion de rapprocher les structures et de déconcentrer les modalités d’intervention de l’EPARECA, dont on constate parfois, lors de restructurations de centres commerciaux dans les quartiers, qu’il est loin des réalités ?

Enfin, le sport est une dimension qu’avait jusqu’alors négligée la politique de la ville. La circulaire du 25 mars 2015 définit l’intégration des enjeux du sport au sein des contrats de ville ; le comité interministériel à l’égalité des chances prévoit un programme « citoyens du sport ».

Dans les quartiers, l’activité physique et sportive est un facteur de cohésion sociale, d’insertion, de citoyenneté et de réussite scolaire. Comment mobiliser les dispositifs pour développer les équipements sportifs dans les quartiers ? Des actions spécifiques du Centre national pour le développement du sport (CNDS), voire de l’ANRU, sont-elles prévues ?

S’agissant de l’offre des pratiques sportives encadrées, comment aider ces clubs de façon pérenne dans le cadre des projets éducatifs de territoire ? Enfin, les diverses aides à l’emploi et au recrutement sont très importantes dans le secteur des associations sportives. Combien de postes d’éducateurs sportifs comptez-vous créer au cours des prochaines années dans ces quartiers ?

M. le ministre. On nous signale de plus en plus souvent que, pour se donner bonne conscience, on attribue volontiers des emplois d’avenir à des jeunes sans se préoccuper de la formation qui leur permettrait de pérenniser l’emploi en passant des concours. Je suis très sensible à cette question dans le cadre du développement de l’Agence du service civique et je compte l’évoquer directement avec François Rebsamen. Il faut veiller à ne pas créer d’illusions chez des jeunes qui ne seraient pas capables de poursuivre leur mission auprès de telle ou telle collectivité.

La question de l’utilité d’une agence de développement économique a été posée. Les dispositifs sont déjà nombreux et le Président de la République a souhaité disposer d’un outil de coordination intégrant les missions existantes. La conception de cette agence, dont la création conduira à repenser l’EPARECA, a été confiée à deux personnes dont l’identité n’est pas encore déterminée. Nous souhaitons associer pour ce travail un acteur de l’action territoriale et un acteur de l’action économique qui seront directement nommés par le Président de la République. Il ne s’agit pas de créer une strate supplémentaire dans l’intervention économique des pouvoirs publics au sein des quartiers, mais d’imaginer une coordination efficace. L’Agence doit donc être regardée comme une valeur ajoutée. L’objectif de développement économique des quartiers prioritaires prendra aussi en compte les zones rurales en souffrance.

Pour répondre à M. Chassaigne au sujet du fléchage de l’ANRU, je relève que 5 milliards d’euros, négociés pied à pied avec Action logement, ont été obtenus en subventions ou équivalent subvention. La CDC a débloqué un préfinancement de 1 milliard d’euros à taux de 0 % – nous l’espérons en tout cas –, ce qui va permettre de lancer plus tôt que prévu le plan ANRU 2 ainsi que la mise en œuvre des projets existants. Nous avons retenu 200 quartiers dits d’intérêt national, en nous fondant non pas sur des appels à projets, mais sur des critères objectifs. Nous avons également pressenti une cinquantaine de quartiers dits d’intérêt régional en raison de la faiblesse de l’investissement public nécessaire, le nombre de logements y étant plus réduit. À cela viendront s’ajouter environ 150 quartiers dans le cadre des contrats de plan État-Région sur proposition des préfets. Quelque 850 millions d’euros seront consacrés aux quartiers d’intérêt régional et 4 milliards aux quartiers d’intérêt national.

Nous aurions pu désigner de façon quasi autoritaire les quartiers concernés par l’intervention publique. Nous avons préféré organiser une concertation des élus locaux avec les préfets. Leurs propositions seront examinées par un conseil spécifique de l’ANRU, qui livrera le résultat de ses délibérations au cours du mois de juin prochain.

Les opérations d’intérêt national ne sauraient être balayées d’un revers de la main, car leur intérêt est indéniable et certaines situations sont d’une complexité telle que seule l’intervention de l’État permet d’agir dans de bonnes conditions.

Les missions locales sont partie intégrante du dispositif lié à l’emploi des jeunes. Nous allons mobiliser Pôle emploi qui désignera 230 conseillers pour les accompagner, en coordination avec les missions locales. Ce plan de fléchage des politiques publiques en direction des quartiers, par le biais des emplois d’avenir et des contrats uniques d’insertion, est sans précédent. Il ne s’agit pas d’emplois directs, mais de dispositifs tels que les 50 000 garanties jeunes prévues pour cette année à destination de ceux qui n’ont rien. Le nombre de services civiques va presque doubler à deux reprises, en 2015 puis en 2016. Ces mesures d’accompagnement le montrent, l’égalité républicaine passe par des mesures spécifiques en faveur des quartiers prioritaires.

Bien qu’elle n’ait pas été traitée par le comité interministériel, et bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité – nous nous heurtons en particulier aux positions de principe des bailleurs sociaux –, la question de la vente de logements HLM mérite d’être prise en considération, car elle permet aux personnes qui ont toujours vécu dans ces logements d’accéder à la propriété dans de bonnes conditions. La réflexion doit se poursuivre. Nous nous réservons la possibilité de l’évoquer devant la représentation nationale.

Les territoires de veille active seront concentrés sur la durée du contrat de ville, et il est prévu de maintenir à terme la réussite éducative et les adultes relais dans ce cadre. Le champ de la question posée est plus vaste : ces quartiers ont-ils vocation à toujours être prioritaires ? Nous envisageons une « sortie en sifflet », car notre action doit leur permettre de ne plus avoir besoin d’aide particulière lorsque leur situation sociale et économique se sera améliorée.

En réponse à la question de M. Dino Cinieri, je rappelle l’importante disposition qui crée un taux de TVA de 5,5 % pour l’accession sociale à la propriété des logements dans les 1 500 quartiers prioritaires, ainsi que son extension à un rayon de 300 mètres autour des quartiers concernés. Cette dépense fiscale doit notamment permettre à de jeunes couples disposant de revenus moyens d’accéder à la propriété dans les meilleures conditions. Je rencontrerai les grands promoteurs immobiliers le 10 avril prochain pour les mobiliser autour de cette facilité nouvelle.

Les 13 000 emplois starters s’adresseront à tous les jeunes en difficulté, où qu’ils se trouvent, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans les zones rurales.

En ce qui concerne le sport, M. Thierry Braillard a préparé le programme « Citoyens du sport » qui prévoit la création de 400 emplois d’éducateur sportif dans les quartiers prioritaires, grâce au rétablissement de crédits que nous avions perdus entre 2008 et 2012. Ainsi, 3 millions d’euros seront disponibles dès 2015 et permettront aux clubs sportifs, qui ont une forte vocation sociale, de maintenir des repères pour des jeunes en grande difficulté. Par ailleurs, des adultes relais seront présents dans ces clubs. Le CNDS sera mobilisé pour la fourniture d’équipements sportifs de proximité. Les quartiers prioritaires recevront ces crédits d’investissement de façon à venir en aide aux élus locaux.

Mme la secrétaire d’État. En ce qui concerne ce que l’on a nommé la « politique de peuplement », tout ce que nous vous avons indiqué au sujet des travaux du comité interministériel fera l’objet de communications en conseil des ministres. Ce sera le cas, le 15 avril prochain, pour le volet « Habiter » : c’est à cette occasion que M. Thierry Repentin sera désigné délégué interministériel. Pour obtenir la mixité sociale, il faut agir à la fois sur la production et sur l’attribution de logements. Nous allons saisir les préfets au sujet de l’usage du droit de préemption et leur demander de délimiter, d’ici au mois de juin, les secteurs dans lesquels ils envisagent de faire des propositions d’instruction de permis de construire. Il s’agit encore d’encourager la cession de foncier public, action pour laquelle la précédente mission de M. Thierry Repentin sera précieuse. Des mesures législatives seront nécessaires afin de pouvoir obliger les intéressés à produire des PLAI. Nous tenons à développer les loyers très modérés pour les communes déficitaires et les communes carencées. Les préfets de région prendront les arrêtés de carence.

Dans le domaine de la mixité sociale par l’attribution de logements sociaux, le comité des sages a notamment évoqué la transparence par le biais de la cotation, que nous allons expérimenter dans certains territoires. Nous verrons comment nous pourrions obtenir, avec un groupe d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) volontaires, des contingents dans le cadre de règles d’attribution à l’échelle intercommunale, qui est d’ailleurs préconisée par les lois ALUR et Lamy.

La politique des loyers est également un levier important du développement de la mixité sociale. Il s’agit de permettre de modifier le montant des loyers dans le parc social existant non pas en fonction des aides qui existaient au moment de la construction, mais en fonction du public qui doit être accueilli. Les aides de l’ANRU seront modulées, à l’occasion de démolitions, en fonction de là où sera reconstruite l’offre de logement. Aujourd’hui, 50 % de l’offre de logement est reconstruite sur site, et, au sein des 50 % restant, 80 % l’est dans un autre quartier de la politique de la ville. Lorsque les maires viendront présenter leurs projets à l’ANRU, il sera ainsi possible de mesurer les propositions en termes de reconstruction de l’offre de logement.

Par ailleurs, la TVA à 5,5 % en faveur de l’accession sociale à la propriété ne concernera pas uniquement les sites dits ANRU, mais aussi les 1 500 quartiers relevant de la politique de la ville avec la bande périphérique de 300 mètres déjà évoquée. Cela permettra de diversifier l’offre, car le parcours résidentiel est, à nos yeux, très important.

M. Thierry Repentin sera donc à pied d’œuvre dès la semaine prochaine pour mener à bien cette mission.

En ce qui concerne le règlement de l’ANRU évoqué par M. Pupponi, il y avait un besoin de co-construction avec les partenaires sociaux et nous serons prêts pour le conseil d’administration du mois de juin.

Nous avons récemment réuni les sous-préfets chargés de mission pour la politique de la ville et les préfets délégués pour l’égalité des chances au sujet de la multiplication des appels à projets. Un cadre unique existe : le contrat de ville, et nous voulons développer les conventions pluriannuelles d’objectifs. Nous souhaitons que la simplification administrative s’étende dès cette année aux associations et nous voulons travailler avec les centres socioculturels et les régies de quartier qui constituent des équipements structurants des quartiers concernés par la politique de la ville. Ce travail démarrera en 2016 avec ce type de structures pour être développé par la suite.

Nous souhaitons qu’une cohérence entre les quartiers de la politique de la ville et la géographie de l’éducation prioritaire soit établie. Cependant, nous sommes sous le coup d’une géographie prioritaire résultant d’un décret du 31 décembre dernier, pris après consultation des rectorats, dont nous avons pris acte. Aujourd’hui, 99 % des collèges en REP + sont dans des quartiers de la politique de la ville, ce qui, à l’inverse, ne signifie pas que, dans l’ensemble de ces quartiers, les écoles sont en REP +. Dans le cadre du contrat de ville, nous avons obtenu que le rectorat s’engage sur des conventions académiques dont la durée est égale à celle du contrat de ville pour toutes les « écoles orphelines », celles qui ne sont pas rattachées à un collège en REP +. La durée de ces conventions sera de trois ans pour les quartiers en veille active.

Après les événements de janvier, nous avons réuni, autour du Premier ministre, l’ensemble des préfets et des recteurs en présence de la ministre de l’éducation nationale et de M. Patrick Kanner pour rappeler ce principe. À cet effet, nous avons adressé aux recteurs une instruction conjointe de nos ministères il y a un mois et demi.

M. le président François Brottes. Ce que vous dites est très important, car mes collègues peuvent s’appuyer sur vos propos afin d’amener l’administration à se comporter différemment.

Mme la secrétaire d’État. Je parlais des écoles, situées dans des quartiers relevant de la politique de la ville, qui sont orphelines et ne sont donc pas rattachées à un collège, puisque, aujourd’hui, les réseaux REP + se fondent sur un collège. Celles-ci doivent faire l’objet d’une convention académique dont la durée est égale à celle du contrat de ville. Je me propose d’adresser cette instruction à tous les membres de votre commission.

Nous ne voulons pas opposer les territoires, ce que démontre la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, et nous constatons que quatre EPCI sur dix ayant des quartiers prioritaires sont des communautés de communes. Les nouveaux visages de la politique de la ville sont périurbains. Les difficultés rencontrées dans ces quartiers sont parfois les mêmes que pour la ruralité : par exemple le développement des centres de santé dont le comité interministériel consacré aux ruralités, qui s’est tenu à Laon sous l’égide du Premier ministre, s’est emparé.

L’Agence de développement économique va se tourner vers tous les territoires sous contrat, ceux qui sont sous contrat de centre-bourg comme ceux qui sont sous contrat de ville. L’enjeu est bien celui de la présence des services publics. Ainsi, le 14 avril prochain, le ministre de la ville signera une convention avec le directeur général de La Poste qui va rejoindre le mouvement Entreprises et quartiers. On ne nous a pas signalé la fermeture de bureaux de poste au sein des quartiers relevant de la politique de la ville. Le comité interministériel a demandé aux préfets de signaler les fermetures de caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), d’antennes de la caisse nationale d’allocations familiales (CAF) et des bureaux de poste, et les ministres se sont engagés à rester vigilants. Ces quartiers connaissent souvent des problèmes de transport et, lorsque le service de la CPAM de Trappes est déplacé à Versailles, cela crée une difficulté pour les habitants de Trappes.

Sur 4 200 adultes relais, 150 sont affectés, en liaison avec les éducateurs de rue, aux missions locales afin de faire le lien avec les jeunes qui, estimant qu’on ne leur a rien proposé, ne veulent pas y retourner. J’ai pu constater à Trappes que cela fonctionne très bien.

Je rappelle que les conseils citoyens sont obligatoires aux termes de la loi Lamy. Ces conseils sont fondés sur trois principes : l’autonomie ; le tirage au sort ou le panachage, en fonction de l’appel au volontariat ou en se fondant sur les listes électorales et les factures d’EDF afin de ne pas exclure les résidents étrangers ; la participation à toutes les instances de pilotage de la politique de la ville. La circulaire du 27 octobre dernier, relative aux modalités d’élaboration des contrats de ville – qui doivent être conclus au mois de juin prochain –, prévoit la participation des conseils citoyens à l’élaboration et à la mise en œuvre de ces contrats. Aujourd’hui, cette participation est tout aussi importante dans le cadre de l’élaboration des projets de renouvellement urbain que dans la co-construction des politiques publiques.

Les situations étant très contrastées, j’ai réuni la semaine dernière un comité de suivi national des conseils citoyens, auquel ont participé la Fédération nationale des centres sociaux, la Coordination « Pas sans nous », l’Association nationale des délégués du préfet, les associations d’élus, Villes & Banlieue, l’Association des maires de France et les intercommunalités, afin de faire un premier point. Nous constatons que le principe est acquis et que le tirage au sort est majoritairement pratiqué. Nous allons d’ailleurs rappeler aux préfets le cadre de référence de ces conseils. C’est, à mes yeux, un enjeu important. Il faut rendre plus transparent le mécanisme des subventions versées aux associations. L’État doit indiquer aux habitants comment l’argent est investi dans les politiques publiques, afin que le débat puisse avoir lieu au moment de l’attribution des subventions aux associations. La situation de ces quartiers, où règne un fort sentiment d’abandon, où les logements sociaux sont nombreux et où la participation aux élections des amicales de locataires s’élève à 15 %, nous pousse à agir.

Nous sommes fiers de conduire un programme de renouvellement urbain qui porte notamment sur les copropriétés dégradées. La question de la gouvernance se pose en effet avec acuité à Marseille, M. Henri Jibrayel, car, si l’argent public est bien là, on constate des lenteurs dans la réalisation des équipements publics : la ville rencontre des difficultés pour mener de front autant de projets urbains. La situation, dramatique, nous oblige.

M. le ministre. Je signale que le Premier ministre tiendra un comité interministériel consacré à Marseille avant l’été.

Mme la secrétaire d’État. Je partage l’avis de M. Daniel Goldberg au sujet des opérations d’intérêt national (OIN) et du Grand Paris. Le Premier ministre réunira un comité interministériel avant la fin du mois. Les OIN sont nécessaires pour stimuler la construction : cinq ont déjà été annoncées, notamment le canal de l’Ourcq. D’autres le seront pour atteindre la production de 70 000 logements par an en Île-de-France, zone particulièrement tendue : ce chiffre s’élève actuellement à 45 000.

M. le ministre. J’ai apprécié l’expression « quartiers insensibles ». Comment faire pour que la réponse intercommunale souhaitée dans le cadre du comité interministériel sur l’égalité des chances devienne pertinente ? Beaucoup de maires sont inquiets de voir des commissions d’attribution passer à l’échelon intercommunal. Il faudra les convaincre qu’il ne s’agit pas de les déposséder du rôle de premier magistrat de leur commune. De fait, la dimension intercommunale est sûrement la plus propre à favoriser les politiques de peuplement les plus équilibrées et à éviter les concentrations, y compris de riches, dans certains secteurs. Je reprends volontiers le mot de votre ancien collègue Alain Cacheux qui disait : « Faire venir les pauvres chez les riches, je sais faire, mais faire venir les riches chez les pauvres, c’est plus difficile. »

Mme la secrétaire d’État. Le foncier étant le nerf de la guerre, il sera à nouveau demandé aux préfets d’encourager la cession de foncier public : c’est là que la mission de M. Thierry Repentin sera cruciale. Les communes déficitaires, mais pas carencées, sont particulièrement concernées, et il faut s’interroger au sujet des communes se situant au-dessous du seuil de 25 % de logements sociaux. Ainsi, la construction de logements relevant du régime du PLAI pourrait être augmentée dans ce cadre, particulièrement pour les grands logements. Si l’on recourt au prêt locatif social (PLS) pour des petits logements, on n’atteindra pas les familles bénéficiaires du DALO en Île-de-France, où la situation est particulièrement difficile.

Les propositions d’enveloppes présentées par les préfets régionaux seront examinées par le conseil d’administration de l’ANRU le 21 avril prochain. Les enveloppes destinées aux projets régionaux pré-fléchés par l’échelon national ont déjà reçu 2 millions d’euros lors du conseil d’administration de l’ANRU du 15 décembre dernier.

En ce qui concerne la participation de la région Île-de-France aux projets d’intérêt régional et national, le débat commence seulement, car le nouveau préfet régional est arrivé il y a quelques jours, mais la question sera réglée rapidement. Dans de nombreuses régions, on assiste à une mobilisation pour les 10 % du Fonds européen de développement régional (FEDER) comme pour les 10 % du Fonds social européen (FSE) qu’il est désormais obligatoire de concentrer dans les quartiers relevant de la politique de la ville.

Je confirme que les prêts de la BPI seront disponibles dès la fin du mois d’avril.

En ce qui concerne les critères de sélection retenus pour l’accession à la catégorie d’intérêt national des quartiers connaissant les dysfonctionnements urbains les plus importants, j’indique que l’ANRU ne fonctionne plus sur le principe d’appels à projets depuis le printemps dernier. Les préfets et l’ANRU ont examiné les quartiers les plus peuplés, les plus pauvres et ceux connaissant les dysfonctionnements urbains les plus importants. Des critères quantitatifs et qualitatifs ont ensuite été définis par l’ANRU : j’en tiens la liste à la disposition de M. Lionel Tardy. Tous les préfets ont été consultés dès l’été 2013 afin d’identifier ces 200 quartiers d’intérêt national, et c’est le conseil d’administration de l’ANRU qui a établi la liste. Contrairement au précédent programme, où il y a eu 25 % d’opérations dites isolées au titre de l’article 6 de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, ce ne sont pas les collectivités qui ont présenté les projets, le travail a été conduit de façon objective et impartiale.

M. le ministre. À la question de M. Régis Juanico, je réponds que l’instruction fiscale est pressentie pour le mois de juin prochain.

M. Yves Daniel m’a interrogé au sujet d’une norme AFNOR relative à la diversité : j’avoue ne pas savoir à quoi il faisait allusion.

M. Yves Daniel. J’avais compris que, pour garantir le caractère démocratique des voies d’accès à la fonction publique territoriale, les collectivités territoriales seraient encouragées à obtenir le label Diversité de l’AFNOR.

M. le ministre. J’interrogerai Mme Marylise Lebranchu à ce sujet, qui est important puisqu’il concerne la garantie de l’objectivité du recrutement au sein de la fonction publique territoriale, particulièrement dans la catégorie C. Je vous adresserai une réponse dès que possible.

Mme la secrétaire d’État. Les jeunes diplômés sont nombreux dans les quartiers. Les actions de parrainage menées par des salariés, des chefs de grandes entreprises ou l’association « Nos quartiers ont du talent » permettent de trouver, en moyenne, un emploi au bout de six mois au lieu de deux ans. Il faut imaginer l’effet de découragement sur les plus jeunes, lorsqu’ils voient que leurs aînés diplômés ne trouvent pas d’emploi. Nous souhaitons développer massivement cette pratique et l’expérimenter dans divers territoires en liaison avec les missions locales et les autres acteurs, pour passer de 30 000 à 60 000 parrainages annuels.

M. Régis Juanico nous a interrogés sur la communication à l’intention des commerces de proximité. En effet, aujourd’hui, ni les maires ni les intéressés ne connaissent l’exonération sur les commerces. Un plan de communication a été établi par le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté. Il sera mis en œuvre d’ici à un mois dans le cadre d’une action interministérielle.

M. Henri Jibrayel. Le conseil d’administration de l’ANRU s’est réuni le 24 mars dernier en présence du préfet de Marseille : je pense qu’il faut créer un comité de suivi pour cette ville, car nous ne pouvons pas rester dans la situation de lenteur actuelle.

Mme la secrétaire d’État. J’ai demandé aux partenaires locaux de me communiquer, d’ici à quinze jours, un calendrier opérationnel comportant la date de délibération dans chacune des assemblées, notamment au sujet des équipements publics. Sur cette base, M. Patrick Kanner et M. François Pupponi délivreront une information relative à l’ensemble des projets marseillais, car une accélération de la réalisation des projets urbains a été constatée au cours de l’année passée. Au demeurant, nous comprenons le mécontentement et la souffrance des habitants au regard de leurs conditions de logement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Mme Myriam El Khomri a évoqué la situation des écoles orphelines. Cependant, ma question portait sur le cas où le collège sort du dispositif REP, entraînant à sa suite toutes les écoles rattachées. Une mesure d’accompagnement a été adoptée : ce qui reste prioritaire est apprécié selon des critères quantitatifs, mais la situation des quartiers concernés n’a pas évolué. L’accompagnement proposé prend en compte toutes les dispositions relevant du cadre scolaire, mais pas, par exemple, les activités à vocation culturelle incluses dans les horaires scolaires. Cela pose la question de l’ouverture de l’école sur le monde qui, dans ces quartiers, constitue un facteur de réussite.

M. le ministre. Je propose que nous nous livrions à une analyse ad hoc de ce cas particulier.

Mme la secrétaire d’État. Il me semble que M. le ministre a répondu à la question de Mme Clotilde Valter sur l’emploi, notamment au sujet des postes spécifiques de Pôle emploi dans l’accompagnement.

M. le ministre. Il s’agissait de la mobilisation par Pôle emploi de 230 conseillers spécifiques pour l’emploi des jeunes.

Mme la secrétaire d’État. Nous pourrons vous communiquer la circulaire signée la semaine dernière.

Mme Clotilde Valter. J’entends que des postes vont être créés à Pôle emploi, mais vont-ils couvrir un territoire et prendre les habitants en charge au titre de la politique de la ville, ou auront-ils une marge de manœuvre, la latitude d’adapter les instruments disponibles afin de répondre aux particularités du territoire concerné ?

M. le ministre. Je vous concède, madame la députée, que nos réponses sont quantitatives, mais elles ont le mérite d’exister. Nous créons au sein de chaque mission locale un référent contrat de ville afin de créer des synergies entre Pôle emploi et les collectivités territoriales. C’est là l’esprit du contrat de ville, qui n’est pas un document figé. Il faudra que chacun se mobilise pour en faire un acte de développement social et économique local. Nous disposons aujourd’hui d’un outil qu’il faudra expérimenter sur le terrain.

M. le président François Brottes. Merci, madame la secrétaire d’État et monsieur le ministre. Serait-il possible que vous reveniez, vous ou M. Repentin, avant la fin de la session pour nous expliquer comment la feuille de route se met en place ?

M. le ministre. Volontiers, monsieur le président.

Mme la secrétaire d’État. Nous pourrions venir avec Mme Sylvia Pinel.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mercredi 8 avril 2015 à 16 h 15

Présents. – Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, M. Henri Jibrayel, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. François Pupponi, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, Mme Clotilde Valter

Excusés. - M. Joël Giraud, M. Thierry Lazaro, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Claude Mathis, M. Kléber Mesquida, M. Bernard Reynès, Mme Béatrice Santais

Assistait également à la réunion. - M. Régis Juanico