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Commission des affaires économiques

Mardi 11 octobre 2016

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de Mme Frédérique Massat, Présidente

– Projet de loi de finances pour 2017 :

– Examen pour avis de la première partie du projet de loi de finances pour 2017 (M. François Pupponi, rapporteur pour avis)

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2017, la commission a examiné pour avis la première partie du projet de loi, sur le rapport de M. François Pupponi.

Mme la présidente Frédérique Massat. Mes chers collègues, depuis trois ans, nous nous saisissons non seulement, comme le veut la procédure budgétaire, de la seconde partie du projet de finances, mais aussi de la première partie.

Nous examinons donc aujourd’hui, pour avis, l’article 10 du projet de loi de finances pour 2017 (PLF), qui porte sur le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) et l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Le texte sera examiné en commission des finances demain, et en séance publique à partir du 18 octobre.

Vingt-huit amendements ont été déposés ; treize d’entre eux ont été déclarés irrecevables, soit parce qu’ils ne se situaient pas dans le champ de notre saisine, soit parce qu’ils relevaient de la seconde partie du PLF.

Le temps nous est compté aujourd’hui, mais je connais votre efficacité.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) est un grand succès : plus de 660 000 ménages en ont bénéficié en 2015. Il représente, en 2016, une moins-value fiscale de 1,6 milliard d’euros : c’est une dépense importante, mais c’est la conséquence d’un choix politique. En revanche, l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) fonctionne moins bien : 23 500 seulement ont été distribués l’an dernier, contre 70 000 six ans plus tôt. L’article 10 vise donc à supprimer la condition de ressources jusqu’ici nécessaire pour bénéficier du cumul de ces deux dispositifs, qui peuvent être complémentaires. Cette suppression de la condition de ressources amènera sans doute l’État à dépenser des sommes conséquentes, mais dans le but louable de favoriser les économies d’énergie, et donc l’environnement.

Tous les amendements déposés vont dans le même sens : il s’agit de corriger des anomalies législatives pour favoriser davantage encore la construction de logements, notamment de logements intermédiaires dans les quartiers où il en existe peu. Nous voulons prendre des mesures efficaces, dans une optique pragmatique, en nous fondant sur le travail spécialisé et les compétences particulières de la commission des affaires économiques. C’est là notre force : les acteurs du secteur du logement pourraient sans doute confirmer que nous avons contribué à l’amélioration de cette législation sectorielle. Aujourd’hui, l’activité repart et les délivrances de permis de construire augmentent : c’est donc que les mesures que nous avons votées ont une certaine efficacité.

Nous verrons bien si la commission des finances accepte nos amendements. La première année, nous avons essuyé les plâtres ; je crois que notre démarche – apporter les compétences de notre commission sur des sujets que nous maîtrisons peut-être mieux que d’autres – est maintenant bien comprise, et nos amendements sont en général retenus.

M. Daniel Goldberg. Je voudrais faire une remarque liminaire. J’entends les arguments de notre rapporteur ; toutefois, je ne comprends pas bien ce que le Gouvernement attend de cette levée de condition de ressources – alors que la limite était jusqu’ici assez restrictive. Le Gouvernement lui-même indique que la distribution des éco-PTZ s’est fortement redressée à la fin de l’année 2015. On peut également imaginer que ce sont surtout les taux d’intérêt extrêmement bas qui font perdre de l’attractivité à un prêt à taux zéro. Je crains que cette mesure ne soit chère, sans être plus efficace socialement.

Il serait donc nécessaire que le Gouvernement nous explique ses intentions de façon claire et circonstanciée.

Mme la présidente Frédérique Massat. Vous interrogerez en séance le Gouvernement qui, comme vous le voyez, n’est pas représenté aujourd’hui.

Mme Michèle Bonneton. Les citoyens de ma circonscription me disent que, si l’éco-PTZ ne fonctionne pas bien, c’est surtout parce que les banques traînent des pieds et multiplient les obstacles à son obtention. Je partage donc les inquiétudes de M. Daniel Goldberg.

M. Guillaume Chevrollier. Tout le monde s’accorde à dire que le CITE est un dispositif intéressant, et tous les acteurs soulignent l’importance de la stabilité législative.

Mais, lorsque j’entends le rapporteur dire que l’élargissement de la possibilité de cumul du CITE et de l’éco-PTZ coûtera des sommes importantes, sans plus de précision et sans étude d’impact, je m’inquiète. Sans polémique aucune, j’ai peur que ce budget ne soit simplement très électoraliste, ouvrant les robinets dans un secteur certes très stratégique.

L’intérêt des investissements permettant des économies d’énergie peut faire consensus entre nous, mais, compte tenu de l’état de nos comptes publics, entendre le rapporteur dire qu’il faut prendre cette mesure quel que soit son coût me paraît peu raisonnable.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Daniel Goldberg, je compte bien interpeller le Gouvernement sur la question que vous soulevez. Nous pourrions même envisager de déposer des amendements visant à modifier les conditions d’accès à l’éco-PTZ, afin de simplifier son obtention. Car, Madame Michèle Bonneton, vous avez raison : il faut regarder précisément, techniquement, quels sont les obstacles à l’utilisation de l’éco-PTZ. Elles peuvent être autres que fiscales.

Monsieur Guillaume Chevrollier, le Gouvernement chiffre cette mesure, dans son étude d’impact, à 60 millions d’euros. Je disais seulement que nous ne saurons qu’après coup combien elle aura vraiment coûté… Il faut en outre comparer ce montant au 1,6 milliard d’euros du CITE. D’ailleurs, si les causes de l’insuccès relatif de l’éco-PTZ sont à chercher ailleurs que dans celles pointées par cet article 10, les sommes dépensées seront stables.

M. Lionel Tardy. Je regrette que cette saisine soit limitée à l’article 10. Bien d’autres articles relèveraient de nos compétences.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur Lionel Tardy, nous avons déjà largement débattu de cette question. J’ai expliqué les raisons qui nous ont menés à cette décision, prise en concertation avec votre groupe. Ne refaisons pas ce débat !

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le rapporteur, le cumul du CITE et de l’éco-PTZ sans condition de ressources est déjà possible depuis le 1er mars 2016. C’est en tout cas ce qui ressort de la lecture de l’exposé des motifs du projet de loi, et l’annonce a été faite peu après cette date.

D’autre part, l’éco-PTZ et le CITE relèvent de deux logiques différentes : quand le premier vient plutôt en complément d’un prêt immobilier, au moment de l’achat de la résidence principale, le second est plutôt utilisé – en raison des conditions de ressources pour cumuler – quelques années plus tard, lorsque le propriétaire décide de se lancer dans des travaux de rénovation. En permettant le cumul, on n’augmentera donc pas forcément les dépenses globales ; en revanche, on agira sur leur échelonnement dans le temps. Les mêmes propriétaires feront simplement des travaux plus tôt.

M. le rapporteur pour avis. Aujourd’hui, le cumul n’est pas juridiquement possible : il le deviendra, de façon rétroactive, si le texte est voté. C’est un point important pour le calcul, en particulier, de l’impôt sur les sociétés.

Mme Audrey Linkenheld. L’annonce de l’ouverture du cumul du CITE et de l’éco-PTZ à tous les ménages a été faite le 8 mars 2016 ! Je reconnais néanmoins que je n’ai pas essayé…

M. le rapporteur pour avis. Les annonces sont faites, mais ensuite il faut voter la loi… Les dates d’application rétroactive servent à empêcher que tous les projets ne s’arrêtent en attendant que le texte ne soit voté.

Mme Audrey Linkenheld. En tout cas, si la mesure s’applique depuis plusieurs mois, on doit avoir une idée des montants en jeu.

M. le rapporteur pour avis. Sans doute, mais, dans les faits, j’ai du mal à croire que, depuis le début du mois de mars, beaucoup de dossiers aient été effectivement menés à bien.

Mme la présidente Frédérique Massat. S’agissant de crédits d’impôt, l’application rétroactive permet de monter des dossiers, mais c’est bien au moment des déclarations de revenus que l’on peut faire les comptes !

M. Lionel Tardy. Je vais quitter cette réunion. Vous dites, Madame la présidente, que nous avons discuté de la saisine, mais la décision a été prise lors d’une réunion du Bureau de notre commission le 21 septembre, c’est-à-dire avant que nous n’ayons connaissance du projet de loi de finances !

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous en avons largement débattu ici même, lorsque nous avons désigné notre rapporteur ! Auparavant, nous ne nous saisissions pas du tout de la première partie du projet de loi de finances ; nous le faisons depuis trois ans – c’est une innovation qui commence d’ailleurs à faire école – mais c’est un surcroît de travail important pour les services, car nous n’abandonnons pas pour autant la seconde partie, qui mobilise de nombreux députés comme rapporteurs pour avis.

Cette saisine limitée à l’article 10 ne vise pas à limiter le travail des parlementaires. Elle vise à s’adapter aux moyens qui nous sont alloués, tout en permettant aux députés de traiter des sujets qui leur tiennent à cœur.

M. Lionel Tardy. Il n’en reste pas moins que nous ne nous sommes saisis que d’un seul article, contre sept l’an dernier.

Mme la présidente Frédérique Massat. Nous essayons de faire au mieux, mon cher collègue.

La commission en vient à la discussion des articles.

Article 10 : Prorogation du CITE et ouverture du cumul avec l'éco-PTZ sans condition de ressources

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 sans modification.

Après l’article 10

La commission se saisit des amendements identiques CE5 de M. Philippe Bies et CE16 de M. Jean-Luc Laurent.

Mme Jacqueline Maquet. L’objectif des sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété (SCIAPP) est de permettre aux ménages ayant des ressources inférieures aux plafonds de ressources HLM de devenir propriétaires de leur logement de manière progressive. Ceux-ci sont d’abord locataires et associés de la SCIAPP dont ils acquièrent progressivement les parts représentant leur logement de façon à en devenir à terme totalement propriétaires.

La SCIAPP n’étant pas soumise à l’impôt sur les sociétés, ce sont les associés qui seront personnellement imposables à l’impôt sur le revenu sur les éventuels bénéfices fiscaux dégagés par la société, à proportion de leurs droits dans le capital. Pourtant, il s’agit du résultat de la location de leur résidence principale.

Afin d’éviter cette imposition, il est proposé de mettre en place une exonération d’impôt sur le revenu au profit des locataires associés, à condition que la SCIAPP fonctionne conformément aux dispositions des articles L. 443-6-2 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement répond à des questions soulevées lors du dernier congrès de l’Union sociale pour l’habitat. Ce mécanisme d’accession progressive à la propriété pour les ménages dont les ressources sont inférieures au plafond des HLM est original et intéressant. Cette exonération d’impôt sur le revenu se justifie pleinement.

M. le rapporteur pour avis. Avis très favorable : il existe un risque que des personnes dont, de surcroît, les ressources sont faibles soient imposées sur des revenus qu’ils ne touchent pas.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE1 de M. Philippe Bies et CE21 de M. Jean-Luc Laurent.

Mme Jacqueline Maquet. Le Gouvernement a rappelé l’importance de l’amélioration de la performance énergétique des logements et l’objectif de rénovation énergétique de 500 000 logements par an, dont la moitié au moins de logements occupés par des ménages aux revenus modestes. Or, dans le cas des logements HLM, le financement de ces travaux pose des difficultés particulières : ce sont les locataires qui bénéficient des économies d’énergie, mais le bailleur n’a quasiment aucun retour sur investissement puisque les loyers sont plafonnés.

Pour compléter les financements aidés qui s’avèrent souvent insuffisants, la loi permet aux organismes HLM d’obtenir des certificats d’économie d’énergie (CEE) au titre de certaines actions effectuées sur les immeubles locatifs sociaux leur appartenant et auprès des locataires. Ils cèdent ensuite ces CEE aux « obligés », c’est-à-dire aux producteurs d’énergie.

Ce dispositif constitue une source de financement complémentaire souvent indispensable. Pourtant, une interprétation stricte du code général des impôts conduit à soumettre le produit de ces ventes de CEE à l’impôt sur les sociétés, au taux de 33,33 %, ce qui est d’autant plus pénalisant que les organismes HLM ne peuvent déduire aucune charge correspondant aux travaux réalisés en déduction du produit de la vente de ces CEE.

Le présent amendement propose donc d’aménager la rédaction de l’article 207 du code général des impôts afin d’exonérer les produits accessoires perçus dans le cadre de la construction, de l’amélioration ou de la gestion de ces logements. Cette mesure concernerait non seulement les produits de la vente de CEE, mais également, de manière plus générale, les autres produits dont les organismes HLM peuvent bénéficier à l’occasion de leurs opérations relatives au logement social.

La portée de cette modification est néanmoins limitée par la nécessité que ces produits soient « accessoires » aux activités d’intérêt général des organismes HLM et se rapportent aux actions engagées par les organismes sur les logements sociaux, lesquels sont strictement définis par la loi.

M. Jean-Luc Laurent. Il s’agit encore d’un amendement qui répond à une préoccupation des bailleurs sociaux. En effet, il y a un « trou dans la raquette », ou plus exactement l’administration a choisi d’interpréter les textes d’une façon que je ne qualifierai pas de malveillante, mais de très restrictive – ce qui mène à des résultats aberrants. Notre proposition vise donc à rétablir l’intention du législateur.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable. Il y a là, en effet, un problème d’interprétation des textes. Une disposition d’ordre législatif ne serait sans doute pas nécessaire, mais ainsi, ce sera plus clair.

La commission adopte les amendements.

Puis elle se saisit de l’amendement CE22 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. La rédaction actuelle de l’article 210 F du code général des impôts, qui vise à inciter les entreprises à céder des locaux afin qu’ils soient transformés en logements, en contrepartie d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés, ne vise que les locaux à usage de bureaux ou de commerce. Les friches industrielles ou les locaux industriels ou artisanaux inutilisés sont exclus du dispositif. Je vous propose de corriger cette anomalie.

M. Jean-Luc Laurent. Vous avez absolument raison, ce n’est pas cohérent ! Je souligne qu’il existe aussi des opérations mixtes, bureaux et logements. L’amendement du rapporteur me semble très bienvenu.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE23 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. L’État dépense, vous le savez, quelque 2 milliards d’euros par an pour aider les mal-logés et les demandeurs d’asile. Il doit souvent payer des nuits d’hôtel, ce qui revient très cher. Le projet de loi « Égalité et citoyenneté » crée une catégorie spécifique de résidence hôtelière à vocation sociale. Cet amendement précise le statut fiscal de ces nouvelles structures, en proposant que les prestations d’hébergement et d’accompagnement social y soient soumises au taux réduit de TVA, soit 5,5 %.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement CE24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Lors de sa visite à Romainville, le 8 avril dernier, le Président de la République a annoncé l’extension du taux réduit de TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété dans une bande de 500 mètres autour des quartiers prioritaires de la politique de la ville, au lieu de 300 mètres auparavant. C’est une mesure qui a dû lui être soufflée par des personnes présentes ce jour-là – je n’accuse pas du tout M. Daniel Goldberg, même s’il était bien présent. (Sourires.)

Nous avions proposé d’amender le projet de loi « Égalité et citoyenneté », mais le Gouvernement a jugé plus pertinent que l’amendement soit déposé en loi de finances.

M. Éric Straumann. Où est la séparation des pouvoirs ?

M. Daniel Goldberg. Merci de ces citations répétées, Monsieur le rapporteur... (Sourires.) Je souligne que ces mesures concernent maintenant, grâce à un amendement que nous avions déposé de concert, tous les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et non plus les seuls quartiers relevant de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), ce qui augmente la superficie concernée de 100 kilomètres carrés pour la seule Île-de-France. De plus, le Président de la République, à Romainville, s’est écarté de son discours écrit pour proposer une extension à la zone des 500 mètres.

Cette mesure a-t-elle permis de construire plus ? Je ne saurais le dire. A-t-elle permis une localisation des constructions là où nous le souhaitions ? Oui, je le crois vraiment. La différence entre le taux normal et le taux réduit profite-t-elle in fine aux acquéreurs ? Je suis bien plus réservé, car rien ne démontre qu’il y ait eu un effet sur les prix.

Or il me paraît indispensable que les 14,5 points de TVA que l’État ne reçoit pas servent effectivement à faire baisser les prix payés par les acquéreurs. Il faudrait, à tout le moins, un engagement des professionnels en ce sens, peut-être sous forme de charte nationale. L’effort de l’État doit être vraiment ressenti par ceux qui devraient en être les bénéficiaires.

M. Jean-Luc Laurent. Je ne boude pas mon plaisir et j’apprécie une annonce du Président de la République qui va dans le bon sens. Il appartient au législateur de se prononcer, certes, mais je le ferai bien volontiers : cela répond à une vraie préoccupation.

M. le rapporteur pour avis. Le Président de la République propose, nous agissons ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Laurent. J’entends également ce que dit M. Daniel Goldberg : cette mesure coûteuse doit bénéficier aux acquéreurs, en faisant vraiment baisser les prix. Il faut éviter les effets d’aubaine que nous avons connus dans le passé dans les périmètres ANRU.

Mme Audrey Linkenheld. C’est un débat que nous avons déjà eu. Je comprends les préoccupations qui viennent d’être exprimées, mais, en tant que députée non francilienne, je ne fais pas le même constat. Je voudrais souligner qu’il existe, en région, des conventions-cadres qui fixent des prix maximaux que les promoteurs sont obligés de respecter s’ils veulent bénéficier des aides publiques et de la TVA à 5,5 %. Ces logements se vendent vraiment en dessous des prix du marché.

Il faut éviter, à mon sens, de prendre des mesures nationales pour répondre à des problèmes concentrés sur certains territoires. Nous pouvons demander à l’État de vérifier que les réductions de TVA sont bien répercutées sur les acquéreurs, là où ce n’est pas le cas. Mais, très franchement, je pense qu’en région, c’est en général le cas : cela a commencé avec l’ANRU, et cela s’est poursuivi depuis. Dans la plupart des grandes métropoles, il existe une politique d’accession sociale à la propriété – c’est d’ailleurs ce dont parle le Président de la République dans le passage que vous citez dans l’exposé des motifs de votre amendement, Monsieur le rapporteur.

Pour obtenir cette nécessaire répercussion de la réduction de TVA sur les prix, il faut, je crois, se tourner vers des outils locaux.

J’ajoute que M. Michel Piron et moi-même travaillons sur les aides à l’accession à la propriété dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) ; nous présenterons prochainement notre rapport.

M. Éric Straumann. Je m’étonne à nouveau que l’on évoque, dans l’exposé des motifs d’un amendement, une proposition du Président de la République ! Je n’ai jamais vu cela. Il y a un Gouvernement, des parlementaires.

Je partage les craintes exprimées par M. Daniel Goldberg. Il y aura un effet d’aubaine, c’est absolument évident. Quant à l’évaluation de 40 millions d’euros dont vous parliez, comment arrive-t-on à ce chiffre ? Vous voulez faire un cadeau aux primo-accédants, mais vous allez faire un cadeau aux promoteurs !

Mme Michèle Bonneton. Je pense également que ce cadeau fiscal doit être assorti de conditions très strictes : 40 millions d’euros, c’est loin d’être négligeable, et je peux vous citer des mesures qui ont fait beaucoup de mal, aux territoires ruraux par exemple, pour beaucoup moins cher que cela.

Quant à la distance de 500 mètres, elle me paraît très exagérée : à Grenoble, ville très contrainte par la géographie, cela doit représenter à peu près toute la ville.

M. le rapporteur pour avis. On ne peut pas à la fois se prononcer en faveur de la mixité sociale – or il s’agit de quartiers exempts de mixité, au sein desquels on ne trouve que de l’habitat social, et pas de diversification de l’offre – et s’opposer à une proposition permettant de diversifier l’offre, qu’il s’agisse de logements intermédiaires ou en accession à la propriété !

Les promoteurs considèrent qu’avant l’adoption de cette mesure il n’y avait quasiment pas de production de logements en accession à la propriété dans ces quartiers. Aujourd’hui, en Île-de-France, 27 % des ventes sont réalisées dans ces quartiers, ce qui signifie que la mesure est en passe d’atteindre son objectif. Les promoteurs viennent construire dans ces quartiers parce qu’ils y trouvent un avantage fiscal. À titre de comparaison, le coût du CITE s’élève à 1,6 milliard d’euros ; il s’agit d’un choix politique assorti d’un avantage fiscal, qui a certes un coût, mais c’est le résultat qu’il faut considérer ; en l’occurrence, la mesure a produit son effet.

Ce qui importe c’est que l’offre soit présente, à l’intérieur ou à l’extérieur du quartier prioritaire, et ce d’autant plus qu’il est demandé que les logements sociaux qui y sont détruits ne soient pas reconstruits sur place, afin de libérer du foncier pour favoriser l’accession à la propriété.

En revanche, je partage l’avis de M. Daniel Goldberg : il est vrai que, même si le résultat est atteint, l’acquéreur primo-accédant n’a pas nécessairement conscience de l’intérêt de la mesure. Nous devrons, toutefois, étudier de plus près la situation en Île-de-France, et établir des comparaisons avec d’autres régions afin de comprendre comment elles procèdent. Je rappelle qu’aujourd’hui, seuls peuvent bénéficier de la TVA à 5,5 % les promoteurs qui vendent à un certain prix, qui prend en compte les revenus de ceux qui achètent ; il existe donc des critères. Aucune baisse des prix n’a été constatée, mais quiconque achète ne bénéficie pas nécessairement de ce taux de TVA.

Au demeurant, nous constatons que le dispositif fonctionne, et je suis favorable à son élargissement. J’ai certes fait allusion à une annonce du Président de la République, mais c’est une proposition que nous faisons tous les ans, et à laquelle le Gouvernement s’opposait régulièrement jusqu’ici…

Mme Audrey Linkenheld. À Lille, l’accession aidée au logement est encadrée par des prix connus de tous les promoteurs : 2 000 euros le mètre carré sous un certain plafond de ressources, 2 400 euros le mètre carré sous un autre plafond de ressources. C’est une pratique qui a cours dans la plupart des grandes métropoles régionales, avec des prix variables, bien sûr – ils peuvent atteindre, à Lyon, 2 800 euros le mètre carré, mais les résultats sont bel et bien au rendez-vous. Pour construire dans les quartiers populaires, il faut attirer les promoteurs, et si le levier fiscal constitue un excellent moyen de persuasion, encore faut-il que les prix qu’ils offrent soient inférieurs à ceux du marché pour que les logements trouvent preneurs. À Lille, 25 % des acquéreurs de ce type de produits sont issus du parc HLM : cette mesure est donc utile à la diversification évoquée par M. François Pupponi.

À ceux qui redoutent l’effet d’aubaine, j’indique que, depuis que je travaille sur ce sujet, notamment dans le cadre des lois de finances, je suis contactée au moins deux fois par semaine par des particuliers au sujet des conditions de remboursement de cette TVA à 5,5 %. Car, s’ils ne remplissent plus les conditions qu’ils remplissaient au moment où ils ont acheté, ils doivent rembourser la différence, les engagements qu’ils ont pris courant sur dix ou quinze ans.

Il ne faut donc pas laisser croire qu’il puisse y avoir des effets d’aubaine et que l’argent n’irait que dans la poche des promoteurs : ces mesures ont été conçues pour bénéficier aux acquéreurs. C’est pourquoi j’estime un périmètre de 500 mètres préférable à un périmètre de 300 mètres. L’exemple de Grenoble a été évoqué, mais Grenoble n’est pas toute la France, et il y a des endroits où le périmètre des 500 mètres favorise la mixité sociale et la diversification à l’échelle d’un territoire.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine en discussion commune, les amendements identiques CE9 de M. Daniel Goldberg et CE20 de M. Jean-Luc Laurent, ainsi que l’amendement CE13 de Mme Audrey Linkenheld.

M. Daniel Goldberg. Nous proposons la mise en œuvre d’un taux réduit de TVA sur les baux réels solidaires prévus par la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

M. Jean-Luc Laurent. Cet amendement répond à une préoccupation exprimée par les bailleurs sociaux qui réclament l’application du taux de 5,5 % qui serait conditionné à un agrément, en amont de ces opérations, lors de l’acquisition du terrain par l’organisme de foncier solidaire (OFS). Cela permettrait d’améliorer la production de logements, singulièrement de logements à bon marché.

Mme Audrey Linkenheld. Il s’agit d’introduire en France la dissociation du foncier et du bâti afin de favoriser l’accession sociale à la propriété. Mon amendement va dans le même sens que les précédents, qui, toutefois, conditionnent le bénéfice du taux de TVA réduit à la délivrance d’un agrément que les textes existants ou à venir ne prévoient pas à ce jour. Je propose donc de ne pas alourdir inutilement la procédure, et de supprimer cette condition.

M. le rapporteur pour avis. Le dispositif présenté par Mme Audrey Linkenheld étant le plus simple et le plus efficace, je lui donne la préférence et suis favorable à son amendement.

Les amendements CE9 et CE20 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE13.

Puis elle examine l’amendement CE25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à favoriser la mixité sociale dans davantage de quartiers, en développant le logement intermédiaire. Les promoteurs hésitent à investir dans les quartiers défavorisés, convaincus qu’ils ne trouveront pas de preneurs si le montant des loyers est trop élevé.

J’ai beaucoup consulté, notamment le bailleur social SNI, et suis parvenu à la conclusion qu’il fallait proposer un logement intermédiaire bonifié, bénéficiant, comme tous les autres logements de ces quartiers, d’un taux de TVA de 5,5 %. Le montant du loyer serait alors inférieur au loyer habituel du logement intermédiaire hors QPV.

La commission adopte l’amendement.

Elle étudie ensuite, en discussion commune, les amendements CE27, CE26 et CE28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le sujet abordé par ces amendements est délicat, et j’avoue tâtonner depuis plusieurs années. Dans un souci de mixité sociale, la règle impose que, lorsque l’on construit des logements intermédiaires, l’ensemble immobilier dont ils font partie comprenne au moins 25 % de logements sociaux. Or il est absurde d’imposer cette obligation là où se trouve déjà une proportion de logements sociaux bien plus élevée.

Aussi avons-nous adopté, l’année dernière, un amendement dispensant du respect de cette règle les opérations dans les quartiers ANRU et dans les communes comprenant au moins 50 % de logements sociaux. Il se trouve cependant que très peu de communes répondent à cette dernière condition.

Il faut donc aller plus loin, mais mon hésitation porte sur le taux à retenir : 35 % ou 40 % ? C’est la raison pour laquelle j’ai déposé trois amendements, et je m’en remets à la sagesse de notre commission pour choisir.

Mme Audrey Linkenheld. Je comprends l’hésitation du rapporteur, et souhaite lui apporter mon soutien. Nous nous efforçons toujours d’adopter des dispositifs aussi simples et de bon sens que possible ; or, l’expérience montre que, sur le terrain, l’obtention de l’exception consentie par la loi relève du chemin de croix, tant auprès des administrations décentralisées que de l’administration centrale.

Faut-il retenir un taux de 35 % ou de 40 % ? Je n’ai pas de certitude, mais si un taux de 35 % nous apporte au moins l’assurance d’avoir moins souvent besoin de faire de longues démarches pour obtenir le bénéfice de l’exception, j’y serai volontiers favorable.

Mme Michèle Bonneton. La condition de 25 % de logements sociaux est déjà obligatoire pour l’immobilier neuf.

Par ailleurs, je m’interroge sur le bien-fondé des mesures visant à favoriser le logement intermédiaire : n’oublions pas qu’environ 80 % de ménages sont éligibles au logement social ! Celui-ci ne risque-t-il pas de pâtir de la diminution des recettes qu’entraînerait la baisse du taux de TVA ?

M. Jean-Luc Laurent. Il faut trouver le bon équilibre, comme nous avions pensé le faire en choisissant le taux de 50 %. S’il faut, comme c’est probable, assouplir le dispositif pour le rendre plus efficace, je plaiderai pour un taux de 40 %, celui de 35 % étant trop proche de celui de 25 % – d’ailleurs dépassé dans un certain nombre de communes d’Île-de-France – et susceptible, à mon avis, d’induire des effets non désirés, liés à l’appréciation erratique des stocks et des flux.

M. le rapporteur pour avis. L’encouragement du logement intermédiaire a été une bonne idée, mais il s’est surtout développé hors des QPV, compte tenu du niveau de loyer. Si l’on veut faire revenir le « public » du logement intermédiaire dans les QPV, il faut pratiquer des loyers plus bas.

Là où il y a peu de logements sociaux, il faut imposer leur construction ; là où ils sont déjà en forte, voire en trop forte proportion, il faut développer le logement intermédiaire en levant la condition relative à la part de logements sociaux dans les programmes immobiliers. Dans les deux cas, il s’agit de diversifier l’offre en favorisant la mixité sociale et de lutter contre la ghettoïsation dénoncée par le Premier ministre.

Un taux de 40 % affecterait à peine une centaine de communes ; un taux de 35 % permettrait une couverture plus large, solution qui a ma préférence, étant donné que nous pourrons, dans un deuxième temps, nous livrer à une analyse plus fine du nombre des communes concernées dans l’un et l’autre cas.

M. Jean-Luc Laurent. Je suis prêt à me ranger à l’avis du rapporteur, mais je souhaite que soient pris en compte non seulement les communes, mais aussi les quartiers concernés et leur poids démographique au sein de ces communes, car certaines jouent à fond la carte des dispositifs de diversification afin de réduire la part du logement social sur leur territoire, ce qui a des effets négatifs sur la gestion des stocks et des flux ainsi que sur les programmes locaux de l’habitat (PLH).

Les amendements CE26 et CE28 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE27.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de la première partie du projet de loi de finances pour 2017, modifiée.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 11 octobre 2016 à 14 heures

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Michèle Bonneton, Mme Karine Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Jean-Luc Laurent, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Frédérique Massat, M. François Pupponi, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy

Excusés. – M. Denis Baupin, M. Jean-Michel Couve, M. Georges Ginesta, M. Thierry Lazaro, Mme Catherine Troallic

Assistait également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier