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Mission d’information sur la simplification législative

Jeudi 15 mai 2014

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n° 9

Présidence de Mme Laure de La Raudière, Présidente

– Audition de M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des Affaires européennes (SGAE), accompagné de Mmes Liza Bellulo, conseillère juridique, Véronique Fourquet adjointe à la conseillère juridique, Juliette Clavière, responsable du département Parlement National, Parlement européen, collectivités locales.

– Audition de M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, accompagné de M. Christian Le Roux, directeur de cabinet

– Audition de représentants du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) : M. Bernard Gaud, président du MEDEF Rhône-Alpes et président de la commission « Simplification » du MEDEF, Mmes Dorothée Pineau, directrice générale adjointe du MEDEF en charge du dossier simplification et Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques, rapporteure de la commission « Simplification » du MEDEF 19

La séance est ouverte à 9 heures 55.

Présidence de Mme Laure de la Raudière, présidente.

La mission d’information procède à l’audition de M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des Affaires européennes (SGAE), accompagné de Mmes Liza Bellulo, conseillère juridique, Véronique Fourquet adjointe à la conseillère juridique, Juliette Clavière, responsable du département Parlement National, Parlement européen, collectivités locales.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Je vous prie d’excuser M. Thierry Mandon, rapporteur de notre mission d’information, qui est retenu.

Monsieur le secrétaire général, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation dans le cadre de la mission d’information sur la simplification législative que j’ai l’honneur de présider. Nous avons souhaité vous auditionner dans le cadre de nos travaux visant à réfléchir aux moyens de mieux légiférer et de provoquer un changement de culture normative. Nous souhaitons nous inspirer des exemples étrangers et nous nous sommes ainsi rendus à Bruxelles, Londres, Berlin et La Haye. L’étude des bonnes pratiques adoptées par nos voisins nourrit notre réflexion qui porte, en particulier, sur l’importance d’une évaluation ex ante renforcée et d’une évaluation ex post plus méthodique et plus systématique qu’elle ne l’est dans notre culture administrative et politique. De manière générale, nous étudions les différents aspects de la procédure législative comme la méthode de transposition des directives européennes. Monsieur le secrétaire général, je vous laisse la parole pour un exposé liminaire.

M. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général des affaires européennes (SGAE). Madame la présidente, nous contribuons volontiers à vos réflexions, car une grande partie des missions du SGAE sont consacrées aux travaux de transposition, tâche obligatoire qui, bien réalisée, contribue à l’enrichissement de notre droit et à celui de nos voisins.

Certes, le droit de l’Union européenne constitue une source importante des normes législatives, mais plutôt à hauteur de 20 % de nos lois que de 80 %, contrairement à ce que l’on peut lire dans la presse.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Cette part de 20 % est calculée à partir de quelle référence ? Le nombre de textes ? Le nombre d’articles ? Cette question est importante, car certains partis, dans le cadre de la campagne pour les élections du Parlement européen, affirment que les trois quarts de nos lois découlent de normes européennes.

M. Philippe Léglise-Costa. Un cinquième des lois adoptées sont notifiées au titre des transpositions.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Lorsqu’une loi transpose quatre directives, comment s’opère le décompte ?

M. Philippe Léglise-Costa. Une seule loi est comptée comme la transposition de quatre directives. En sens inverse, une directive peut être transposée par quatre lois différentes.

Mme Cécile Untermaier. Pourriez-vous préciser ce point ?

Mme Véronique Fourquet (SGAE). La transposition d’une directive donne lieu à la notification des mesures nationales d’exécution – un article de loi ou un texte législatif entier – à la Commission européenne ; nous recensons le nombre de lois prises pour transposer les directives, et qui ont donc été officiellement communiquées, et nous les rapportons au total de lois adoptées dans une année. Au cours des deux dernières années, cette proportion atteignait à peine 20 %, alors même que l’on compte les textes pouvant ne comporter qu’un seul article de transposition.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Il conviendrait de prendre également en considération les normes réglementaires, afin d’évaluer la charge administrative totale découlant du droit de l’Union et qui a un impact dans la vie quotidienne des Français. En tout état de cause, il est intéressant de connaître ce chiffre, car il permet d’établir que ce n’est pas exclusivement l’Union européenne qui nourrit le travail du Parlement français.

M. Philippe Léglise-Costa. J’ai mentionné ce taux pour souligner qu’il était très surévalué dans le débat public, cette exagération recouvrant une connotation positive il y a vingt ans, mais négative aujourd’hui. Il est vrai qu’une grande partie des textes européens – dans un rapport de 20 à 80 % – sont transposés par le biais d’une norme réglementaire.

La transposition constitue, aux termes des traités, une obligation pour les États membres, consacrée par notre droit constitutionnel. Elle permet d’assurer l’uniformité de l’application des textes européens – si nos partenaires mettent en œuvre des mesures comparables aux nôtres –, ce qui répond à notre intérêt politique ou économique et permet de protéger nos concitoyens.

Les règles communautaires de transposition sont de plus en plus strictes, les conséquences d’une non-transposition s’avérant de plus en plus rapides et de plus en plus onéreuses. Nous risquons désormais une condamnation pécuniaire dès le premier arrêt en manquement – et non plus seulement en cas d’arrêt constatant un manquement sur manquement. Pour la France, l’amende atteindrait au moins 10 millions d’euros avec une pénalité minimale de 36 000 euros par jour de retard jusqu’à la mise en conformité. Les délais de transposition – prévus par le texte des directives – sont dorénavant impératifs, si bien que nous les prenons en compte dans notre organisation administrative et dans la négociation de la directive elle-même. En effet, nous avons intérêt à anticiper les exigences – temporelles et de fond – de la transposition dès la phase de négociation. Les discussions sur les délais de transposition sont difficiles, même si nous avons développé une coopération avec les parlementaires européens pour les sensibiliser aux contraintes de nos procédures internes. Le Parlement européen souhaite souvent réduire les délais de transposition – avec la bonne intention de voir le droit européen rapidement traduit dans les faits –, ce qui peut créer des risques pour les États membres.

La transposition est un exercice contraignant qui rend nécessaires l’adoption de lois, l’amendement de textes législatifs, voire la révision de nos codes. En France, nous sommes particulièrement exigeants ; contrairement à d’autres États et conformément à notre tradition légistique ancienne, nous intégrons le droit de l’Union en protégeant la structure, l’intelligibilité et l’adaptation aux besoins de notre droit interne. Cela nous conduit souvent à ne pas effectuer de transposition « sèche » – méthode qui revient à incorporer tel quel le texte une fois traduit –, et à revoir l’ensemble de notre dispositif pour que le droit européen s’y intègre mieux ; pour ce faire, nous pouvons être amenés à modifier plusieurs textes de loi ou à transposer une directive selon divers véhicules juridiques. Ainsi, nous sommes toujours en discussion avec la Commission européenne au sujet de la transposition de la directive « Services », car la France n’a pas adopté une loi « Services », mais a intégré la directive dans une quarantaine de textes. Cela permet une assimilation plus complète et plus respectueuse de nos traditions, mais exige en même temps un travail plus important du Parlement et du Gouvernement.

De la même manière, nous ne procédons pas à l’adoption d’ordonnances systématiques – décrets-lois ou leggine que pratiquent les Italiens – et nous efforçons de travailler avec le Parlement pour déterminer le véhicule le plus pertinent : soit la loi ordinaire, soit les lois portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE), soit l’ordonnance si le Parlement y consent pour un texte particulièrement technique édictant des règles directement transposables. Ce processus conduit parfois la Commission à s’interroger sur la réalité de la transposition et il arrive d’ailleurs que la transposition ne soit pas nécessaire quand notre droit offre déjà les garanties nécessaires. Cette faculté relève des prérogatives des États membres, car le traité ne pose qu’une obligation de résultat, mais elle nourrit les interrogations de certains commissaires, notamment Mme Viviane Reding.

En dépit de ces spécificités, le Gouvernement, l’administration et le Parlement ont amélioré leur efficacité de manière remarquable ces dernières années ; ainsi, parmi les vingt-huit États membres, la France se situe en cinquième position en termes de performance de transposition, alors qu’elle n’était que onzième il y a trois ans et dix-septième il y a sept ans. Cette progression n’est pas due à un recul des autres États – qui s’améliorent également –, mais bien à un effort important consenti par notre pays. Les derniers États membres intègrent presque systématiquement le droit de l’Union tel quel, car ils ont complètement refondé leur droit, mais cette méthode ne leur est pas exclusive, et le Royaume-Uni, l’Allemagne ou l’Italie ont également créé des mécanismes de transposition accélérés, ce qui ne donne que plus de relief à notre performance.

Notre déficit de transposition ne dépasse pas 0,6 %, alors que le taux à ne pas dépasser est fixé à 1 %. Là aussi, un effort considérable a été effectué depuis quinze ans, puisqu’il atteignait 7,1 % en 1997 et 4,1 % en 2004. Le durcissement des règles européennes a bien entendu constitué un puissant stimulus pour l’amélioration de notre performance. L’amélioration s’avère comparable s’agissant du nombre moyen de mois de retard, puisque celui-ci est passé de 4,5 en 2011, à 3,6 en 2012 et à 2,7 en 2013. Depuis trois ans, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’a jamais été saisie pour non-transposition d’une directive par la France. En outre, nous n’accusons un retard supérieur à deux ans pour aucune directive.

M. Régis Juanico. Qui peut saisir la CJUE ?

M. Philippe Léglise-Costa. En l’occurrence, c’est la Commission qui le fait. La France est particulièrement observée car la langue de notre droit reste parlée par la totalité des administrateurs de la Commission. En outre, son caractère centralisé et transparent facilite cette surveillance. Ainsi, tout défaut de délai ou de qualité est facilement visible, ce qui n’est pas le cas pour tous les États membres.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Réalisez-vous un travail de comparaison avec les transpositions opérées par d’autres pays européens ? Il est important de vérifier que les règles édictées par l’Union européenne sont appliquées de façon similaire dans tous les pays, afin qu’aucune distorsion de concurrence ne se crée à l’intérieur du marché unique.

M. Philippe Léglise-Costa. Ce travail relève de la Commission.

Mme la présidente Laure de La Raudière. La France peut-elle saisir la CJUE si elle constate qu’un autre État transpose mal ou ne transpose pas une directive ?

M. Philippe Léglise-Costa. Les États peuvent saisir la Cour, mais cela s’apparenterait à la bombe atomique : attaquer un autre État sur un tel sujet nous exposerait en retour à de nombreux contentieux. Les acteurs économiques et de la société civile intéressés par la transposition d’un texte font montre d’une grande vigilance en la matière.

Mme Cécile Untermaier. Si le délai de transposition est dépassé, la directive s’applique directement, et il ne peut donc y avoir de distorsion de concurrence.

M. Philippe Léglise-Costa. En effet, la responsabilité de l’État est engagée quant à la réalité de l’application du droit communautaire, qui est donc directement opposable. La Commission peut poursuivre les États devant la CJUE, laquelle peut instruire des plaintes si des intérêts ont été lésés en raison de l’absence de transposition. En outre, la Cour agit directement en cas de manquement. Il est de notre intérêt de nous assurer de la conformité de notre situation et de celle d’autres États au regard des exigences de transposition. Même s’il peut apparaître comme une contrainte, il est préférable que le dispositif de suivi des transpositions soit strict.

Afin d’améliorer nos performances et d’éviter l’effet de stigmatisation et les mises en demeure qui conduisent à des sanctions financières, le SGAE a mis en place des dispositifs qui concernent la coopération avec le Parlement et avec le Gouvernement et l’administration. Notre objectif principal est d’accroître notre capacité d’anticipation sur le plan politique, dès la diffusion d’une proposition d’acte par la Commission européenne, – qui débouche presque toujours sur l’adoption d’un texte –, voire encore plus en amont lors de la parution de livres verts ou blancs si c’est possible, en établissant des fiches d’impact simplifiées. Ces fiches servent à détecter l’impact qu’un projet de texte pourrait avoir sur la législation française et, ainsi, à informer le Parlement, qui peut dès lors s’exprimer s’il le décide. Le SGAE s’efforce également d’anticiper la transposition législative dans la phase de négociation grâce à l’élaboration d’une fiche d’impact stratégique, qui permet d’identifier les besoins en termes de transposition et de disposer d’une première idée de l’impact de celle-ci. Les négociateurs français intègrent ainsi cette dimension, notamment si un problème majeur – de fond ou de délai – est identifié.

Au sein du comité de liaison, le SGAE analyse les besoins législatifs de transposition, identifie les véhicules juridiques nécessaires et établit un calendrier avec le secrétariat général du Gouvernement (SGG) et les représentants des commissions des Affaires européennes du Parlement et des cabinets ministériels concernés. Par ailleurs, nous incitons les ministères à faire en sorte que la personne chargée de la négociation suive également la transposition. Ce principe s’applique de plus en plus – par exemple pour les directives sur la qualification professionnelle et la commande publique –, même s’il peut s’avérer compliqué à mettre en œuvre, puisque les rotations dans les carrières des agents peuvent être plus rapides que le temps long de la transposition, ce qui induit des pertes de temps liées à l’oubli de l’intention du législateur ou de la façon dont la France a défendu ses intérêts au cours de la négociation.

Nous avons également installé un groupe de haut niveau, présidé par le secrétaire général du Gouvernement et le secrétaire général des Affaires européennes, qui rassemble les cabinets ministériels, les directeurs des affaires juridiques des ministères, et qui se réunit désormais chaque trimestre. Cela permet de maintenir la mobilisation des ministères, de rappeler les calendriers fixés par les directives et d’échanger sur les performances des États membres en matière de transposition sur lesquelles la Commission fait le point en avril et en octobre.

Le guide de légistique comprend plusieurs chapitres consacrés à la transposition et un guide des bonnes pratiques pour la transposition des directives européennes a été élaboré à destination de l’administration.

Nous mettons également en place un plan de transposition pour les textes les plus complexes pouvant engendrer d’importants retards ; des équipes de projets interministérielles sont chargées d’assurer la cohérence des travaux pour l’intégration de ces directives.

Nous avons défini certains axes d’amélioration qui nous restent à explorer, certains concernant notre travail interne, d’autres touchant à notre action au sein des instances de l’Union.

En France, nous menons, comme vous, mesdames et messieurs les députés, une réflexion visant à éviter les surtranspositions. Cela répond à une volonté exprimée par le Président de la République et le Premier ministre, car les surtranspositions ont un coût matériel et politique croissant. En effet, le rejet des contraintes nées de la législation européenne doit nous inciter à ne pas en créer de nous-mêmes ; au titre de la compétitivité, nous devons également veiller à ne pas nous surcharger d’obligations.

L’intégration profonde d’un texte européen dans notre droit ne constitue pas une surtransposition : elle ne crée pas de contraintes supplémentaires, elle est simplement une façon d’adapter le texte européen à notre propre droit. Il nous arrive également de refonder un dispositif législatif, administratif ou de surveillance à l’occasion de la transposition d’un texte européen ; nous saisissons ainsi l’opportunité de mettre à jour notre droit sans qu’il s’agisse d’une surtransposition. Cela peut, en revanche, conduire à retarder la transposition de textes que la France avait beaucoup portés, tel que le paquet consacré à la sécurité maritime qui a nécessité une période de quatre ans. En revanche, il y a surtransposition lorsque nous créons une norme dont la teneur dépasse l’exigence posée par une directive, mais cela est permis par le principe de l’harmonisation minimale. Il est possible d’éviter les surtranspositions grâce aux ordonnances – si le Parlement y consent –, aux DDADUE ou à l’examen attentif de ce qui relève de l’harmonisation minimale ou maximale.

Au sein de l’Union européenne, nous sommes engagés dans un exercice de simplification, d’allègement des charges, de réduction des délais et d’amélioration de la flexibilité. Le droit européen s’est lui-même stratifié – ce dont la Commission est consciente –, et nous veillons à ce que les textes européens imposent le moins de charges possible et qu’ils soient lisibles, simples, solides et cohérents entre eux. Cela nous amène à revoir des dispositifs de préparation et de négociation des textes où nous essayons, de l’étude d’impact à l’évaluation de leur application, d’améliorer les normes et de faciliter ainsi notre tâche de transposition. Les études d’impact de la Commission européenne se révèlent souvent de qualité médiocre ; lorsque nous travaillons à les parfaire, le résultat final correspond davantage à nos besoins et prend mieux en compte les contraintes de l’État et des collectivités locales. Nous essayons donc de renforcer le processus d’élaboration et d’examen des études d’impact, de manière que les textes européens soient plus pertinents. Les efforts que nous déployons en France doivent donc être accompagnés de progrès dans le processus européen, cette exigence constituant l’une des orientations majeures de travail pour les institutions européennes après l’élection du nouveau Parlement.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Ne pourrait-on pas transposer les directives en deux temps ? On les traduirait directement, « mot à mot », dans nos lois sous la forme d’ordonnances, avant d’ouvrir un débat politique sur l’opportunité de surtransposer et sur les moyens d’intégrer les textes dans le droit interne.

M. Régis Juanico. Monsieur le secrétaire général, les fiches d’impact évaluent-elles les seules conséquences juridiques ou mesurent-elles également les effets économiques, sociaux ou sociétaux des dispositions de transposition ?

Le SGAE conduit-il un travail d’harmonisation des fiches d’impact avec les autres pays européens ? Veillez-vous à connaître les évaluations menées par nos partenaires sur les transpositions du droit européen dans leur droit national ?

Une directive européenne de 2001 comporte des mesures sur le droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise ; elle n’a pas encore été transposée, mais trois articles du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire vont intégrer ces dispositions dans notre droit. Quelles ont été, depuis 2001, les conséquences juridiques et financières de cette non-transposition sur le droit d’information préalable ?

Mme la présidente Laure de La Raudière. Les trois articles du projet de loi constituent-ils une transposition stricto sensu de la directive européenne ?

Mme Cécile Untermaier. Monsieur le secrétaire général, vous nous avez expliqué que la fiche d’impact stratégique se situait très en amont dans la négociation et qu’elle n’alimentait que partiellement l’étude d’impact de la Commission. Comment pourrions-nous améliorer cette étude dont vous avez souligné la médiocrité et dont la qualité constituerait un atout pour la rédaction de la loi ?

Mon expérience de transposition d’une directive européenne m’a permis de constater que le texte était très bien écrit, mais qu’il posait certaines questions d’interprétation. En outre, nous, parlementaires, devons faire preuve d’une grande discipline pour ne pas surtransposer le texte. En revanche, il est important que le Parlement, contrairement au système italien, se saisisse et débatte de la directive.

M. Philippe Léglise-Costa. Le système allemand, dit de la « double corbeille », consiste à transposer rapidement le texte européen afin de répondre aux obligations de délai dans un premier temps, avant que l’administration et le Parlement national n’étudient les moyens d’intégrer profondément la directive dans l’ordre juridique interne. La performance en matière de rapidité de transposition n’est atteinte que parce que le texte est plaqué dans le droit national, ce qui peut créer des contradictions et donc une obligation d’adapter très rapidement le droit interne pour que les opérateurs ne pâtissent pas d’une insécurité juridique. Les avantages diplomatiques, politiques, voire financiers, de ce modèle nous obligent à ne pas le rejeter d’emblée, mais celui-ci peut néanmoins engendrer des difficultés dans le droit interne. En France, comme dans quelques autres États membres, l’importation de cette méthode entraînerait davantage de problèmes qu’ailleurs, car nous tenons à la structure de notre droit, à son intelligibilité et à la stabilité de ses piliers.

C’est après l’élaboration d’une proposition d’acte européen et de l’étude d’impact que la Commission lui rattache que nous établissons une fiche d’impact. Dans sa version simplifiée – produite très rapidement –, la fiche étudie l’insertion du texte dans notre ordre juridique en recensant les normes qui régissent cette matière et en étudiant les évolutions que celles-ci devront subir. La fiche d’impact stratégique, dont la confection réclame davantage de temps et de ressources administratives, développe les points de la première fiche et dresse un premier tableau de concordance entre chaque disposition de la future directive et le véhicule juridique qui serait choisi en droit interne ; elle analyse également l’impact budgétaire, économique, financier, social, technique ou administratif, de la directive, ainsi que celui touchant les collectivités locales – impact longtemps sous-estimé alors que ces dernières sont souvent amenées à supporter le coût, parfois financier, de la mise en œuvre du texte européen – et les entreprises, qui sont consultées à cette occasion. Cette fiche permet aux négociateurs de défendre au mieux nos intérêts et nos propositions.

Nous avons observé les pratiques des autres États membres, notamment leurs choix en matière de véhicule juridique utilisé pour la transposition, d’organisation administrative et d’évaluation de l’impact économique du texte, tâche qui s’avère complexe. Le Royaume-Uni a ainsi développé un système de consultation des entreprises dont nous pourrions tirer quelques enseignements.

Mme Liza Bellulo (SGAE). Il ne semble pas, monsieur Juanico, qu’il existe de contentieux sur la transposition de la directive 2001/23 à laquelle vous faites allusion – mais nous allons vérifier ce point. Le champ d’application de la directive est assez étroit et l’on peut penser qu’elle ne s’applique qu’en cas de désavantage substantiel pour les salariés et ne concerne pas a priori les établissements publics administratifs et les contrats de droit public. Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire est allé au-delà de ce que prévoit la directive 2001/23 en l’absence de représentant du personnel ; en outre, la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a également ajouté des délais de réponse pour les représentants des salariés. Si vous souhaitez des éléments plus précis, nous vous les fournirons en lien avec le ministère concerné.

M. Philippe Léglise-Costa. S’agissant des études d’impact, nous nous efforçons d’améliorer notre capacité d’anticipation et d’identifier, dans le processus de décision interne à la Commission européenne, le moment où un acte se trouve en cours d’élaboration. La publication de textes préalables – livres verts, livres blancs et consultations – nous permet de savoir quand la Commission réalise une étude d’impact. Les directions générales compétentes sont chargées de rédiger l’étude, celle-ci faisant l’objet d’une évaluation – souvent approfondie et orientée vers les objectifs politiques du texte – opérée par un Impact Assessment Board (IAB) ou « bureau d’analyse d’impact ». Ce processus ne permet que rarement d’aboutir à une étude d’impact totalement étayée. Dans cette phase préliminaire, nous faisons valoir notre compréhension de l’impact qu’aura le futur acte européen en France et nous incitons les différents acteurs, notamment les entreprises, à relayer ces considérations pour défendre leurs intérêts économiques. Le mieux serait d’améliorer le processus interne d’élaboration des études d’impact, ce qui augmenterait la qualité de celles-ci. Nous souhaitons porter ce sujet auprès du prochain président de la Commission européenne, afin que la procédure intègre des phases de consultations ouvertes, qui nous permettraient d’intervenir de manière plus formelle.

Mme Cécile Untermaier. Il est important de développer, très en amont, la consultation des personnes auxquelles le dispositif s’appliquera. Des efforts sont menés en France et, à l’échelle européenne, il existe un site Internet qui permet aux citoyens de s’exprimer, mais ceux-ci n’utilisent pas beaucoup cette possibilité.

M. Philippe Léglise-Costa. Vous avez raison, madame la députée, l’Union européenne ne cible pas suffisamment les publics ou les autorités concernés par le texte. Nous demandons à la Commission de procéder en amont de l’étude d’impact à des consultations réelles et, en aval, nous travaillons au Conseil et avec le Parlement européen pour mettre en place une évaluation approfondie de l’étude, qui n’existe pas formellement aujourd’hui. En effet, un travail superficiel est mené dans les instances préparatoires au Conseil, et les moyens administratifs et politiques mobilisés par le Parlement pour examiner les études d’impact ne sont pas suffisamment ouverts. Nous plaidons donc pour que l’évaluation des études associe les États et l’ensemble des parties prenantes, afin que la Commission ait à répondre de la qualité de ses études d’impact et soit incitée à en accroître la qualité. En outre, cela nous permettrait de faire valoir, avant la négociation, les points qui pourraient nous poser des difficultés. L’amélioration de cette phase fondamentale de l’élaboration des textes européens constitue, à nos yeux, une priorité.

Le Gouvernement, l’administration et le Parlement peuvent travailler ensemble pour distinguer les dispositions d’harmonisation maximale de celles d’harmonisation minimale et ainsi identifier le périmètre de nos obligations de transposition et choisir les véhicules juridiques les plus appropriés – loi, DDADUE ou ordonnance ; pour finir, il convient que cette discipline se traduise dans les textes et dans le processus de transposition.

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La mission d’information procède ensuite à l’audition de M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, accompagné de M. Christian Le Roux, directeur de cabinet.

Mme la présidente Laure de la Raudière. Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir accepté notre invitation. Notre mission d’information porte sur la rationalisation du flux normatif davantage que sur la simplification du « stock » des normes législatives et réglementaires, laquelle fait, parallèlement, l’objet d’autres travaux, le rapporteur de notre mission, Thierry Mandon, étant d’ailleurs coprésident du Conseil de la simplification pour les entreprises.

Nous nous sommes rendus à Bruxelles, Londres, Berlin et La Haye afin de nous instruire de l’expérience de ces pays pour mieux légiférer. Certains ont institué des comités consultatifs indépendants, composés de représentants de la société civile et chargés d’évaluer la qualité des études d’impact remises par les administrations. Ces comités rendent leur avis dans un délai très bref, allant de dix à trente jours. Cette évaluation se conclut par la publication d’un avis que les gouvernements sont libres de suivre ou non, à charge pour eux d’assumer les conséquences politiques et médiatiques de leur choix. Nous avons jugé l’idée intéressante. Certaines des personnes que nous avons auditionnées ne partagent pas cet avis, considérant que c’est au Parlement qu’il appartient d’évaluer les études d’impact et que celui-ci devrait être totalement indépendant du pouvoir exécutif, comme le veut d’ailleurs notre Constitution. Reste que, dans les faits, il est rare qu’un projet de loi soit rejeté : dans la logique de nos institutions, la majorité soutient les projets gouvernementaux. D’autres personnes que nous avons entendues ont suggéré que l’entité chargée de rendre un avis sur les études d’impact puisse être le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Nous avons donc tenu, monsieur le président, à vous auditionner. Vous nous direz si l’organisation et les procédures internes du CESE lui permettraient de rendre en dix à trente jours un avis indépendant sur les études d’impact et s’il dispose des moyens ainsi que des compétences internes pour ce faire. Faudrait-il y associer une institution comme l’INSEE ou d’autres, ayant des compétences particulières dans le domaine économique et l’analyse des données chiffrées ?

M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental. Lors des contacts préparatoires à cette audition, il m’avait été demandé également quel regard je portais sur la complexité administrative en tant qu’ancien médiateur de la République. Je commencerai donc par là.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que nous puissions aller vers une simplification de notre société. Je pense au contraire que celle-ci va devenir de plus en plus complexe. J’avais été frappé, lorsque j’étais médiateur de la République, de constater que le législateur – je l’avais été – ne s’assurait jamais de la capacité de l’administration à appliquer les textes, si bien que la déconnexion est aujourd’hui totale entre l’inflation législative et la capacité de « digestion » des acteurs administratifs. Une des premières leçons que j’ai retirées est qu’une étude d’impact doit évaluer si l’administration aura ou non la capacité d’appliquer la loi. Au moment où, avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), était engagée une vaste réorganisation de l’administration, il devenait flagrant que plus le législateur, dans un souci légitime d’intérêt général, produisait des textes en abondance, plus leur application devenait source d’inégalités. Ainsi l’inflation de la législation relative au séjour des étrangers avait-elle atteint un niveau tel que, dans certaines sous-préfectures, on avouait être dans l’incapacité de suivre l’évolution des textes, ce qui, par la force des choses, entraînait une grande instabilité juridique et des contentieux.

J’ai toujours été frappé de voir qu’un industriel analyse en permanence les contentieux dont son produit peut faire l’objet afin d’en améliorer la qualité – c’est même son souci constant – alors que pour l’administration, sans doute parce qu’elle considère que la législation vise à donner un cadre collectif, jamais l’étude des contentieux individuels ne sert à améliorer les dispositions. Dans une société de plus en plus complexe, la simplification administrative passe pourtant par une analyse permanente des contraintes, des contrôles et des contentieux. Le Médiateur de la République, ou maintenant le Défenseur des droits, occupe une fonction privilégiée pour observer ce qui, dans l’application de la loi, pose des problèmes sur le terrain. Des juges administratifs m’ont dit appliquer la loi tout en ayant conscience qu’elle n’était pas toujours juste, dans le même temps que des fonctionnaires peuvent y déroger, ce qui ne peut qu’entraîner une instabilité juridique. Pour améliorer les textes législatifs, on ne peut faire l’économie d’une analyse des contentieux.

Deuxième élément, qui faisait l’objet d’un travail que nous avions commencé avec Philippe Séguin, alors premier président de la Cour des comptes, et que j’avais demandé à Didier Migaud, son successeur, de bien vouloir poursuivre : il faut tenir compte du souci, bien normal, des fonctionnaires de ne prendre aucun risque pour leur carrière au travers de l’interprétation d’un texte, toujours incertaine. Lorsqu’un fonctionnaire fait parfois seulement preuve de bon sens en dérogeant à une disposition, cela peut se retourner contre lui si un contentieux doit en naître. L’excès de rigueur dont font parfois preuve certains d’entre eux tient probablement au sentiment de fragilité qu’ils peuvent ressentir quant à leur notation et leur carrière future lorsqu’ils interprètent un texte.

Troisième élément : la relation entre le politique et le droit. Aucun juge n’a jamais demandé que le droit prime sur la politique. Or, aujourd’hui, par exemple dans le texte concernant l’énergie éolienne, ce n’est pas le préfet, mais le juge qui, in fine, décide d’accorder ou non le permis. D’où des problèmes de jurisprudence. Soit on se place dans le système anglo-saxon d’une soft law, où c’est la jurisprudence ultérieure qui assied la lecture de la loi, soit on se place dans le système français où c’est au travers de la gestion des contentieux que se précisent la lecture de la loi et la volonté politique, quelquefois même au détriment de celle-ci.

En matière de simplification administrative, importe aussi la bataille du temps. L’instabilité juridique et les divergences d’interprétation d’un même texte sont source de contentieux. Or, lorsqu’un citoyen ou une entreprise sont obligés de bloquer des capitaux pendant quatre à cinq ans, qui est la durée moyenne d’un contentieux en France contre un an au Royaume-Uni, il en résulte une perte de compétitivité. Au moment où on se lance dans la transition énergétique et l’isolation à grande échelle des bâtiments, la difficulté de préciser certains points sur ce sujet laisse des possibilités d’interprétation au niveau local, qui risque d’entraîner une redoutable instabilité néfaste à la compétitivité.

Dernier élément : nous entrons dans une économie de l’innovation, où le futur prévaut sur le passé et où c’est la capacité d’analyse de la demande qui fait la qualité de l’offre. Or toutes les dispositions législatives et les normes emprisonnent dans le passé, empêchant de regarder vers le futur et entravant l’innovation. C’est ainsi que, en respectant les normes, on crée des maisons de retraite où le séjour coûte 2 200 euros par mois alors que le montant mensuel moyen des pensions est de 900 euros !

Accepte-t-on de laisser place à une certaine initiative dans l’application de la loi ? Le comportement des fonctionnaires pourrait en être différent. Peuvent-ils prendre un risque sans pénaliser leur carrière ? Leur reconnaît-on un droit à l’interprétation des textes et, partant, un droit à l’erreur ? Accepte-t-on le droit à l’expérimentation tout en sachant que, d’un autre côté, il peut entraîner une rupture d’égalité par rapport à la loi ? Dans la législation récente sur les schémas éoliens, une politique d’intérêt général s’est trouvée livrée aux intérêts privés. Ce sont en effet les promoteurs qui achètent les terrains et rétribuent les collectivités locales ; ce sont eux qui obtiennent les permis qu’ils négocient ensuite, privant les élus de la capacité de peser sur l’aménagement de leur territoire.

Le sujet dont vous vous êtes emparés va bien au-delà de la simplification administrative. Le législateur est-il capable de laisser aux acteurs une certaine liberté d’innovation ? Aujourd’hui, alors que les marchés publics font l’objet de suspicions et de tricheries, leurs procédures continuent de prédéterminer une solution du passé alors que des solutions innovantes peuvent parfois mieux répondre à des intérêts généraux.

Il faudrait un profond changement culturel, avec des textes et des normes fixant des objectifs, tout en offrant une latitude d’interprétation, dans certaines limites bien sûr – c’est le principe de l’expérimentation. Le sujet est toutefois complexe. Les défenseurs de l’environnement, par exemple, nous demandent de nous garder d’une simplification excessive, qui pourrait faire courir un risque pour la préservation des milieux naturels ou de la biodiversité.

Dans une économie de l’innovation, les initiatives de terrain, comme l’écopartage, des sites comme « CouchSurfing » ou « BlaBlaCar » soulèvent de nouveaux problèmes de caractère politique, hors du champ normatif. Au lieu d’adhérer au futur, cherchera-t-on à défendre le passé ? L’heure est importante et le sujet stratégique. La contrainte normative constituera-t-elle une entrave à l’avenir ou, au contraire, permettra-t-elle de libérer les initiatives ? La force de l’Allemagne réside dans le respect des process, celle de l’Angleterre dans l’obsession du résultat, celle de la France dans l’imagination, la créativité et l’innovation. Adapterons-nous les procédures, de façon que l’administration puisse mettre à profit son intelligence pour imaginer comment on peut faire, là où aujourd’hui, sous le poids des normes, elle explique comment on ne peut pas faire ? Actuellement, un fonctionnaire a intérêt à ne prendre aucun risque. Il faut réfléchir sur son droit à l’erreur.

Je ne crois absolument pas, je l’ai dit, à une simplification de la société future. Elle sera au contraire de plus en plus diverse, de plus en plus complexe, avec toujours plus de domaines à défricher. Or, plus elle sera complexe, plus les accès devront être simples. Nos concitoyens continuent de penser que la loi est faite pour protéger le faible, tout en percevant que, aujourd’hui, son application est si absconse que celui qui a du temps, de l’argent et la connaissance des procédures est mieux protégé que celui qui n’a rien. Alors que l’esprit de la Révolution française était de mettre à bas les privilèges, la complexité actuelle aboutit à en rétablir et crée des inégalités. N’entend-on pas souvent dire qu’on se donne aujourd’hui plus de chances en violant la loi qu’en la respectant ?

Simplifier, c’est mener un combat pour l’égalité d’accès au droit. La révolution numérique offre à tous un égal accès à l’administration et garantit une égale qualité de la réponse, ce qui devrait prévenir les contentieux. Cela suppose de mutualiser les pôles d’intelligence et d’accompagner les citoyens. Il faut un lieu unique, clairement identifié, où, sans résoudre leurs problèmes, on puisse les orienter vers un pôle d’intelligence capable de les accompagner sur un chemin administratif de plus en plus touffu. On pourrait utilement s’inspirer de l’exemple des maisons des services publics créées en Espagne, où c’est tout un ensemble de démarches administratives que l’on peut effectuer en un même lieu.

Dans la société de parcours qui est appelée à devenir la nôtre, les barrières que créent, par exemple, les frontières administratives départementales créent de la complexité. Ainsi, les textes applicables à l’enfance handicapée varient d’un département à l’autre, si bien que des parents qui déménagent peuvent soudain avoir affaire à d’autres règles et se retrouver face à un contentieux à gérer.

Si l’on considère que la loi vise à protéger le confort de la collectivité, alors il ne faut rien changer. Si l’on pense au contraire qu’elle doit favoriser le bien-être des individus, rendre leur parcours à la fois plus simple et plus sûr, et non les contraindre, c’est toute la culture de son élaboration et de son application qu’il faut inverser et un nouvel accompagnement qu’il faut mettre au point pour aider les citoyens à surmonter les obstacles administratifs. Ce n’est pas à l’individu de faire les frais de la complexité administrative, mais à l’administration de faire son affaire, elle, de la complexité des textes et des procédures. C’est un élément majeur du sentiment d’équité par rapport à la loi et l’administration.

Au moment où le discrédit politique et syndical a atteint un niveau dangereux pour le système démocratique lui-même, au moment où l’on prend conscience que la complexité est telle que seuls quelques privilégiés peuvent en surmonter l’obstacle, si nous n’y prenons garde, le risque est que l’on perde confiance dans la force du droit et que l’on revendique le droit à la force. Paradoxalement, plus la loi sera appliquée de manière complexe, plus les ruptures d’égalité seront nombreuses et plus se nourrira la violence contre le système. On l’a vu avec la révolte des jeunes entrepreneurs ou encore les vives réactions de certains élus locaux.

Comme le montrait bien une étude américaine sur l’économie de l’innovation, l’avenir n’appartient ni aux plus anciens ni aux plus puissants, mais aux plus réactifs. La complexité administrative fait perdre la bataille du temps. Chaque fois qu’un texte doit être adopté, on allonge le temps entre la prise d’une décision et son exécution. Simplifier, c’est aussi aller voir sur le terrain comment la loi est appliquée, comment les contentieux sont gérés afin d’éviter que la contestation de la légitimité de l’élu – qui la tient de l’élection – ne vienne à légitimer les contestations. Certaines minorités utilisent aujourd’hui le contentieux pour remettre en question un intérêt général au nom d’un droit ou d’un intérêt particulier.

Ce sujet politique majeur dépasse le cadre de votre travail sur la simplification législative. Il y va de la relation entre le juge et le politique, et sans doute aussi des relations entre majorité et opposition. De ce point de vue, les alternances, où l’obsession est de remettre en cause ce qu’a pu faire la majorité précédente, sont dramatiques : derrière l’instabilité qui en résulte, il est difficile pour le citoyen de percevoir la notion d’intérêt général. Il faudrait que les enjeux politiques l’emportent sur les stratégies de conquête du pouvoir et les postures politiciennes. Si dans l’esprit de nos concitoyens, la loi n’est faite que pour contraindre et non pour organiser la vie collective, le risque est que des mouvements contestataires ne deviennent perçus comme plus légitimes que la représentation issue d’une élection.

J’en viens plus précisément au Conseil économique, social et environnemental. Avec Pierre Rosanvallon notamment, qui a développé avec Jacques Attali, la notion du temps long, nous nous sommes beaucoup interrogés sur les relations entre la société civile et le Parlement, sur les moyens de restaurer le rôle du législateur, du politique, du syndicalisme dans la conduite du changement. Le CESE doit-il être systématiquement consulté et avoir même, comme le suggérait Jacques Attali, le droit de demander au Parlement de réviser un texte quand l’application pourrait s’en révéler néfaste pour les générations futures, voire un droit de veto ?

Aujourd’hui, par exemple, en l’absence de décisions politiques au niveau européen, certains secteurs économiques sont condamnés. Si l’Union européenne ne prend pas de décisions dans le domaine de l’énergie, tant pour la croissance que pour le tissu industriel, dans quinze ans, toute industrie grosse consommatrice d’énergie aura disparu en Europe. De même, si elle ne fait rien concernant la fusée Ariane 6 d’ici à la fin de l’année, dans quinze ans, les Européens ne lanceront plus aucun satellite. Ce champ aura été totalement abandonné aux Américains, avec, pour conséquence, un espace de déploiement du numérique entièrement américanisé.

Une institution comme le CESE doit-elle avoir un pouvoir d’interpellation, voire un droit de veto, si elle estime qu’un travail législatif risque de nuire aux générations futures ?

Mme la présidente Laure de la Raudière. Il serait logique et préférable que cette interpellation ait lieu avant l’adoption des textes.

M. Jean-Paul Delevoye. En effet, c’est tout l’enjeu de l’étude d’impact ex ante. Il appartiendrait ensuite au législateur de prendre sa décision. À titre personnel, et comme je le pensais déjà lorsque j’étais médiateur de la République, je ne suis pas favorable à ce qu’un conseil ait un pouvoir décisionnel. Son pouvoir doit demeurer d’influence. C’est le pouvoir parlementaire qu’il faut renforcer.

Le CESE pourrait parfaitement se saisir des études d’impact afin d’évaluer toutes les conséquences, positives ou négatives, des projets de loi. Il lui faudrait simplement revoir ses procédures, y compris le processus de désignation de ses personnalités associées, afin de pouvoir mobiliser avec plus de souplesse des experts. Quand, en matière de fiscalité par exemple, il faut analyser les thèses diamétralement opposées de Thomas Piketty et d’Étienne Wasmer, nous ne disposons pas nécessairement des compétences en interne pour trancher sur de tels sujets. De même, pour traiter de la protection des données personnelles à l’ère de l’open data, il faut faire appel à de l’expertise.

Nous sommes tout à fait ouverts pour réfléchir à ce que pourraient être les liens entre le Parlement et la société civile, en lien avec le Comité économique et social européen et les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux avec lesquels nous sommes en relation.

D’ores et déjà, pour l’élaboration de ses avis, le CESE met en place des plates-formes collaboratives sur lesquelles nos concitoyens peuvent s’exprimer. Si la décision politique est solitaire, son élaboration doit être collective. Plus nos concitoyens auront les moyens d’appréhender les enjeux, de se les approprier et de contribuer à la réflexion, plus on pourra les rapprocher du politique, ce qui est aujourd’hui un enjeu majeur.

M. Régis Juanico. Je remercie Jean-Paul Delevoye pour l’acuité et la précision de son analyse des blocages de notre société. Nourries de son expérience de médiateur de la République et aujourd’hui de président du CESE, ses analyses sont du plus haut intérêt pour nous. Elles nous permettent notamment de prendre du recul par rapport au travail législatif que nous effectuons au quotidien, souvent « le nez dans le guidon ».

Comment raccourcir le temps législatif ? Il peut s’écouler aujourd’hui beaucoup de temps entre la prise d’une décision et son application sur le terrain. Comment pourrait-on mieux évaluer ex ante les études d’impact ? Mais, au-delà, comme une loi vit sur le terrain, il faut analyser bien davantage qu’on ne le fait aujourd’hui ses conséquences sur le plan juridique et sur le plan pratique. Je ne crois pas nécessaire de créer un énième organisme. Demandons-nous plutôt lequel, parmi ceux qui existent, il serait judicieux de mobiliser et à quel moment du processus législatif ce serait le plus opportun, au service du Parlement, dans le respect des prérogatives de ce dernier.

Les avis du CESE sont très utiles. Il nous faut apprendre à intégrer le regard de l’ensemble des composantes de la société civile que le CESE peut recueillir au travers de ses avis, comme celui qu’il a rendu sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, en cours d’examen.

Quel sort réserver par ailleurs aux nombreux rapports de la Cour des comptes ? Comment associer la haute juridiction à l’évaluation ex post ? Comment mobiliser d’autres outils statistiques que ceux des ministères – aujourd’hui les études d’impact sont élaborées par les services ministériels ? Quel rôle voyez-vous pour chacun des acteurs et comment l’ensemble pourrait-il s’articuler, de façon à améliorer le travail législatif ?

Mme Cécile Untermaier. Je vous remercie à mon tour, monsieur Delevoye, pour votre exposé particulièrement intéressant. Il est une phrase de la professeure honoraire au Collège de France, Mireille Delmas-Marty, que j’aime à citer : « Il faut faire la pédagogie de la complexité, et non la démagogie de la simplicité. » J’ai retrouvé ce souci dans vos propos.

J’en suis d’accord avec vous, une loi devrait être faite d’abord pour ceux à qui elle s’applique. Pour ne pas se tromper, il faudrait associer davantage les citoyens ou les chefs d’entreprise à son élaboration, selon les sujets traités. Il appartient aussi aux députés d’associer par tous moyens les citoyens dans leur circonscription. Ainsi ai-je mis en place dans la mienne des ateliers législatifs citoyens, de façon à informer, mais aussi à faire remonter des « amendements citoyens ». Avec le non-cumul des mandats, c’est un dispositif qui pourrait être sinon imposé, du moins fortement conseillé aux parlementaires. J’aimerais connaître votre avis sur le sujet.

Je voudrais ensuite insister sur ce « confort » du fonctionnaire que vous avez évoqué. J’ai le cas, dans ma circonscription, d’un jeune majeur ballotté entre les conseils généraux de deux départements, avec impossibilité de trouver une solution, chacun se renvoyant la balle et nul ne se hasardant à prendre le moindre risque. Il faut en effet changer de culture et convaincre les administrations, comme les élus, que le premier impératif est de se soucier de ce que vit la personne en situation de difficulté.

Le système judiciaire devrait pouvoir interpeller le Gouvernement ou le Parlement devant les dysfonctionnements du dispositif législatif ou réglementaire, dont les contentieux sont un révélateur.

Nous aurions tout intérêt à ce que le CESE soit le plus possible associé aux études d’impact en amont de la loi et, pourquoi pas, à l’évaluation ex post.

M. Jean-Paul Delevoye. Rétablir la confiance dans le politique et restaurer son crédit passe par une autre gestion du temps. Le citoyen a le sentiment que les fonctionnements institutionnels restent dans une logique dominant/dominé : « Je décide, vous obéissez. » Or nous entrons dans une société horizontalisée où il veut être coproducteur du futur. La respiration démocratique ne peut plus se limiter à « je fais une loi, vous l’appliquez ». Je me demande si la réhabilitation du politique ne passe pas par une respiration démocratique à quatre temps.

Pour tout sujet, il faut dans un premier temps se demander quel enjeu justifie qu’on légifère. La Suède a mis sept ou huit ans à préparer sa réforme des retraites. Ce temps de maturation dans les esprits, indispensable pour qu’un débat autour d’enjeux fondamentaux soit accepté, n’a bien sûr rien à voir avec le rythme électoral. C’est par cette pédagogie de l’enjeu qu’il faudrait aborder des sujets comme le vieillissement, la place du travail dans la société, l’adaptation de la fiscalité… Cela devrait également conduire à adopter de nouveaux comportements politiques – c’est certes quelque peu utopique –, notamment dans les relations entre opposition et majorité.

Le second temps a trait à l’organisation des débats. Dans notre société, les excès des médias et les postures politiciennes tuent les débats. On ne souffre pas d’un excès de politique, mais d’un excès d’attitude politicienne. Les politiques apparaissent davantage comme des stratèges dans la conquête du pouvoir que comme des porteurs de projets de société. Or le débat est indispensable, nos concitoyens en ont besoin. Le CESE offre précisément des espaces de débat, de participation, grâce à ses plates-formes collaboratives. Si les enjeux n’ont pas eu le temps de mûrir dans l’esprit des citoyens, le débat lui-même est rejeté ou ne peut être canalisé. Et si une décision est prise sans débat préalable, elle risque d’être contestée. Nous devons réfléchir à ces temps de la respiration démocratique. Mais il serait ici trop long de développer ce sujet.

Dans la société complexe qui est la nôtre, l’expert, loin d’apporter des certitudes, introduit au contraire de l’incertitude. La place de l’expert dans l’élaboration d’une décision politique est devenue à la fois déterminante et déstabilisante. Ainsi, sur le sujet de la fiscalité et des inégalités, Thomas Piketty et Étienne Wasmer défendent-ils chacun de leur côté des thèses opposées. Qui a tort ? Qui a raison ? La confrontation de leurs points de vue mériterait d’avoir lieu dans un lieu indépendant, à l’écart du pouvoir, qui pourrait être le CESE, avant que le politique n’arbitre dans un débat dont l’opinion comprendrait qu’il a été nourri de diverses expertises. Il en va de même pour tous les problèmes éthiques soulevés par les progrès de la science. La décision ne peut pas être prise sous le coup de l’émotion. Trêve des lois émotionnelles ! Il faut des lois fondées sur des convictions collectives, qui demandent du temps pour se forger. Or vous vous interdisez souvent ce temps d’élaboration, pourtant indispensable, comme on le voit sur le sujet de la transition énergétique.

Quel serait donc le temps de l’expertise compatible avec le temps législatif ? Tout le débat sur la réduction de la dépense publique, par exemple, va peser sur la politique de santé, l’accès aux soins et exiger que soit de nouveau expertisée la prise en charge respective des dépenses par le régime général, les assurances complémentaires, les mutuelles. Toutes ces décisions ne doivent pas être prises dans l’urgence, car cela emporte des conséquences majeures : il y va des transferts intergénérationnels ou des pactes collectifs. Tout cela mérite un débat en un lieu à distance du pouvoir, qui pourrait être le CESE, après quoi il appartiendrait au politique d’en retirer ce qu’il estimerait nécessaire pour forger sa conviction et décider. Plus la décision sera élaborée de manière collective, mieux elle sera appliquée et acceptée, moins elle risquera d’être remise en question. Le temps pris pour préparer une décision politique n’est jamais perdu : c’est, entre autres, ce qui évite qu’elle ne soit ensuite contestée.

Permettez-moi de dire un mot sur les statistiques. Elles devraient être élaborées par des instances indépendantes. Aujourd’hui, certaines études d’impact sont réalisées par des inspections dépendant directement des ministères. Pourquoi ne pas imaginer un organisme dépendant de la représentation nationale ? Le citoyen n’acceptera bientôt plus que les corps de contrôle ne soient pas indépendants du pouvoir qu’ils sont censés contrôler, au risque de conflits d’intérêts. En revanche, si le pouvoir parlementaire peut s’appuyer sur des organes indépendants, y compris de lui-même, ayant du crédit, garantissant la transparence et permettant le débat, l’opinion et la démocratie y gagneront en stabilité. Une démocratie en crise ne fonctionne pas de la même façon qu’une démocratie en bonne santé, quand il faut exiger des sacrifices alors qu’auparavant on pouvait promettre des récompenses. Si l’on n’y prend garde, dans une démocratie en crise, les réflexes du peuple peuvent être suicidaires : plus il faudrait penser monde, plus on pensera village ; plus il faudrait penser moyen terme, plus on pensera court terme ; plus il faudrait penser autrui, plus on pensera chacun pour soi. Et s’ensuivront, à notre corps défendant, des dérives émotionnelles et populistes.

Pour stabiliser l’opinion, il faut laisser le temps aux enjeux de mûrir dans les esprits et, pour éviter les heurts dans le débat lui-même, s’appuyer sur des expertises indépendantes et des données chiffrées, même si elles sont inconfortables pour les détenteurs du pouvoir ou remettent en question vos propres convictions. Mais cela, les gouvernements, quels qu’ils soient, ont du mal à l’accepter. Pensons aux débats sur l’éducation et l’échec scolaire, sur la santé… Cette indépendance de l’expertise est pourtant indispensable pour garantir la transparence et obtenir l’adhésion de l’opinion. Aucune décision ne sera durable si elle suscite sa méfiance.

La simplification que vous appelez de vos vœux n’est pas simple affaire de confort pour le citoyen. Il ne s’agit pas de permettre de « consommer plus facilement de la République ». Elle appelle un réveil des consciences et de la citoyenneté. Nous sommes disposés à nous investir sur ce sujet.

Un dernier mot sur les études d’impact ex ante et ex post. Le CESE a déjà un pouvoir d’évaluation : ainsi a-t-il évalué Pôle emploi. Vis-à-vis du Parlement, son pouvoir doit se limiter à l’interpellation, afin de le nourrir des réflexions de la société civile. Il ne doit en aucun cas avoir pouvoir de décision ni de veto. Le Parlement doit conserver son plein et entier pouvoir de décision – lequel devrait même être renforcé.

M. Thierry Mandon, rapporteur. Dans cette discussion se juxtaposent des réflexions d’ordre général passionnantes que l’on aurait envie de prolonger, ce que ne permet hélas pas le temps qui nous est imparti, et des éléments plus opérationnels qui pour le coup mériteraient d’être précisés.

Notre objectif est d’améliorer la « fabrique » de la loi. Qu’attendons-nous de cette amélioration ? Une loi de meilleure qualité, c’est une loi opportune – la première question sur tout sujet est de savoir s’il faut ou non légiférer –, une loi claire, y compris sur le plan sémantique – au Royaume-Uni, afin de mieux légiférer, on fait désormais appel à des linguistes chargés de transcrire les textes de loi en un anglais compréhensible de tous –, une loi applicable, une loi efficace.

Nous pensons comme vous que les motivations de la décision publique doivent être transparentes. Lorsqu’un gouvernement, un pouvoir, quelle que soit sa couleur politique, prend une décision, il le fait sur la base d’éléments d’information, d’appréciations, de données dont il n’y a aucune raison qu’elles demeurent secrètes. Le Parlement doit être le garant de cette transparence : c’est un devoir absolu, qui n’ôtera rien aux oppositions qui existent. D’une certaine manière, ce devoir devrait être étendu à nos propres moyens de créer du droit – propositions de loi, voire amendements substantiels…

Comment pouvons-nous faire en sorte que les études d’impact soient beaucoup plus fournies qu’elles ne le sont et qu’elles soient contre-évaluées de façon indépendante ? Elles comportent aujourd’hui différents chapitres que l’on essaie de renforcer, notamment, à côté de l’impact économique, l’impact social – sociétal même, devrais-je dire –, qui est aujourd’hui le plus négligé. C’est sur cet aspect que le CESE peut jouer un rôle dans le processus législatif. Si ce n’est sans doute pas de sa compétence stricto sensu, cela répond en tout cas à sa raison d’être.

Concrètement, le CESE dispose-t-il des moyens d’évaluer les études d’impact dans des délais raisonnables ? Que pourrait-il apporter sur ce point ? Pourrait-il également évaluer l’applicabilité et l’application d’un texte ? Très souvent, une loi est pervertie par ses décrets d’application, que ceux-ci ne sortent pas ou soient inadaptés. Le CESE dispose-t-il des moyens techniques de procéder à cette évaluation ?

Mme la présidente Laure de la Raudière. À côté des motifs conduisant à légiférer, il faudrait aussi évaluer les objectifs attendus d’une loi. Le CESE en aurait-il les moyens ?

Mme Cécile Untermaier. J’ajouterais, pour ma part, l’évaluation a posteriori des critères d’efficacité des dispositifs mis en place.

M. Jean-Paul Delevoye. Avant cette audition, j’ai pu réunir l’ensemble des premiers présidents de section du CESE pour connaître leur avis. Chacun au sein de l’institution ressent la pertinence de la responsabilité nouvelle qui pourrait nous incomber.

Pour ce qui est des délais, nous savons déjà nous adapter quand nous sommes saisis en urgence par le Gouvernement. Très souvent d’ailleurs, des décisions sont prises sinon dans l’urgence, du moins très rapidement – or la rapidité est rarement gage de qualité ! Si l’étude d’impact vise à être un élément de stabilisation d’un texte de loi, vous ne pourrez pas faire l’économie d’une réflexion sur le droit de déposer des amendements de dernière minute à l’incidence parfois considérable – en matière fiscale, certains peuvent dénaturer totalement un dispositif. Le chantier que vous avez ouvert peut être gros de conséquences : l’impact des décisions qui seront les vôtres mériterait lui-même d’être analysé !

Il me paraît tout à fait possible que le CESE rende un avis en trente jours – pas en dix jours en revanche. Nous allons nous préparer à cet exercice nouveau. Il faudra que nous nous adaptions pour la mobilisation des experts, mais il existe aujourd’hui, dans toutes les composantes de la société civile, des capacités d’analyse croisée tout à fait intéressantes. Je croyais connaître la société française lorsque j’étais président de l’Association des maires de France ; je l’ai découverte en réalité dans mes fonctions de médiateur de la République ; je croyais en avoir fait le tour alors et je la découvre de nouveau, sous d’autres angles, dans mes fonctions de président du CESE. C’est là pour moi une école de formation permanente.

Ces missions nouvelles, notamment celles de contre-évaluation des études d’impact, conduiront sans doute le CESE lui-même à évoluer : il faut y réfléchir.

Alors que des postures politiciennes rendaient explosif le débat sur les relations inter-cultuelles et l’identité nationale, au CESE, instance où chacun a appris à débattre, y compris en confrontant des points de vue diamétralement opposés, nous avons pu, au contraire, étudier la situation et formuler des propositions. Un thème aussi lourd que celui de l’immigration qui va devenir le sujet politique de l’Europe dans les dix prochaines années, est l’exemple même de celui qui pourrait être analysé en étude d’impact au CESE préalablement à la tenue du débat politique.

Mme la présidente Laure de la Raudière. Monsieur le président, nous vous remercions.

*

* *

La mission d’information procède enfin à l’audition de de représentants du Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) : M. Bernard Gaud, président du MEDEF Rhône-Alpes et président de la commission « Simplification » du MEDEF accompagné de Mme Dorothée Pineau, directrice générale adjointe du MEDEF en charge du dossier simplification, et de Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques, rapporteure de la commission « Simplification » du MEDEF.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Notre mission de simplification législative s’intéresse davantage à la rationalisation des flux normatifs qu’à la simplification du stock des normes législatives et réglementaires. Dans ce cadre, la mission examine la nécessité de renforcer l’évaluation ex ante, de rendre plus méthodique l’évaluation ex post ainsi que, d’une manière plus générale, la nécessité de repenser différents aspects de la procédure législative, notamment en matière de transposition des directives européennes.

Nous réfléchissons aux moyens de mieux légiférer et de provoquer un changement de la culture normative, en nous inspirant des exemples étrangers. Nous nous sommes rendus à Bruxelles, à Londres, Berlin et La Haye, où nous avons notamment rencontré des représentants d’organisations patronales. Nous avons pu constater que, aussi bien au Royaume-Uni qu’en Allemagne, les chefs d’entreprise étaient particulièrement impliqués dans le processus d’élaboration des normes, au sein de conseils indépendants chargés d’évaluer la qualité des études d’impact.

Compte tenu de l’impact de la production normative sur le quotidien des entreprises, vous avez souhaité être entendu par la mission. Faut-il, selon vous, charger un organe indépendant de contrôler la qualité des études d’impact, assortissant non seulement les projets de textes réglementaires concernant les entreprises, mais aussi tous les projets de loi, qu’ils concernent ou non les entreprises ? Quel pourrait être cet organe ? Pensez-vous que cela puisse être le Conseil économique, social et environnemental ? Faut-il rendre les études d’impact obligatoires pour les propositions de loi et les amendements qui seraient qualifiés par la commission saisie au fond de « substantiels » ?

M. Bernard Gaud, président du MEDEF Rhône-Alpes et président de la commission « Simplification » du MEDEF. Si le MEDEF a sollicité cette audition, c’est que son président Pierre Gattaz a fait de la simplification de l’environnement législatif et réglementaire des entreprises l’un de ses principaux chevaux de bataille. Nous travaillons activement avec la « mission Simplification » dont nous saluons les objectifs et la méthode.

Notre propos n’est pas partisan et nos analyses concernent des faits récurrents. Voilà des décennies que nous considérons qu’il faut agir sur le stock comme sur le flux de normes.

Nos objectifs sont les suivants : réduire le nombre et la taille des textes, améliorer leur qualité, c’est-à-dire leur lisibilité, leur accessibilité, leur pertinence, mais aussi leur évaluation. Mes interventions porteront surtout sur les textes concernant les entreprises, mais elles auront néanmoins une portée générale.

Je commencerai par les constats. Sans revenir sur l’inflation du nombre de textes, j’insisterai ici sur l’allongement substantiel de leur longueur, qu’illustre un exemple récent : le projet de loi sur la consommation comportait à l’origine soixante-treize articles ; la loi promulguée le 17 mars 2014 en comporte cent soixante et un.

Les « cavaliers législatifs », largement utilisés en matière budgétaire depuis des décennies, se multiplient aujourd’hui dans l’ensemble des textes : ainsi la loi sur la consommation comporte-t-elle des dispositions sur les relations interentreprises, alors que ce n’est pas le sujet de la loi.

En tant qu’industriel de l’agroalimentaire, je suis particulièrement sensible enfin au phénomène de surtransposition des directives communautaires. Je salue donc l’engagement pris par le Gouvernement de lutter contre cette surtransposition et le MEDEF veillera à ce qu’il soit respecté.

Il découle de ce qui précède une instabilité et une insécurité juridiques qui sont, avant le coût du travail, le premier frein à l’investissement étranger en France. La loi sur la consommation en offre encore un exemple particulièrement frappant en s’appliquant à des faits survenus ou à des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur. De même, la loi du 20 janvier 2014 crée un compte personnel de prévention de la pénibilité alors qu’il existait déjà, depuis 2010, un dispositif de prévention de la pénibilité. Cette usine à gaz, que nous dénonçons vigoureusement, va se traduire pour nos entreprises par une complexité et des coûts administratifs accrus. Enfin, on ne dénombre pas moins de quatre réformes du droit des offres publiques d’achat (OPA) en cinq ans, ce qui est préjudiciable à la place financière de Paris.

Nous dénonçons également la piètre qualité des études d’impact, qui ne sont le plus souvent que des plaidoyers pro domo : j’en veux encore pour preuve la loi sur les retraites, qui ne s’est accompagnée d’aucune étude précise sur l’impact économique, social et juridique du dispositif pénibilité sur les régimes de retraites, alors qu’il s’agit d’une véritable bombe à retardement.

Par ailleurs, ni les propositions de loi ni les ordonnances ne sont soumises à l’obligation d’être accompagnées d’une étude d’impact, et les propositions de loi ne sont toujours pas soumises à l’avis du Conseil d’État, alors que la récente censure de la loi « Florange » par le Conseil constitutionnel a montré la nécessité de telles procédures.

Dans le même esprit, la proposition de loi relative aux pouvoirs de l’inspection du travail et la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance ont été examinées selon la procédure accélérée : pourquoi une telle urgence, qui nous semble contraire à la sérénité dans laquelle devraient être abordés les textes, ce qui n’a pas empêché M. Jean-Marie Le Guen de déclarer hier que la procédure accélérée serait davantage utilisée ?

Nous constatons en outre que les délais de consultation sur les projets de textes sont de plus en plus courts. C’est ainsi que le projet d’ordonnance portant réforme du droit des entreprises en difficulté a été envoyé à la veille de Noël, avec un retour attendu pour les premiers jours de janvier.

Cela nous amène à dénoncer une concertation en trompe-l’œil, l’avis des parties prenantes n’étant souvent pris que pour la forme. Ce fut le cas pour la réforme des OPA de 2014 qui faisait suite aux réformes de 2008, 2009, 2010 et 2012 : bien que l’ensemble des acteurs consultés s’y soient opposés, leurs revendications n’ont pas été entendues. Je dirai, non sans taquinerie, que cela peut être imputable à une certaine méconnaissance de l’économie et des réalités de l’entreprise par nombre des parlementaires…

Nous critiquons également les lois d’habilitation, qui sont souvent prétexte à adopter des dispositions sans rapport avec la simplification législative. Ainsi la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises comportait-elle des dispositions sur le Grand Paris...

De même, les textes à portée symbolique, adoptés sous le coup de l’émotion et dictés avant tout par un souci de communication ne contribuent pas à la clarification du droit. J’ai peu de chances d’être entendu, mais ne serait-il pas envisageable de cesser de baptiser les lois du nom de leur concepteur : cela épargnerait à certains la tentation d’en rédiger…

En matière de normes fiscales, le ministère du Budget ne semble plus guère en maîtriser l’initiative, la fiscalité étant de plus en plus instrumentalisée à des fins d’affichage politique par des décideurs qui privilégient la logique de court terme au détriment de réformes structurantes. Je rappelle ici que, depuis 1998, ce sont quatre-vingt-treize taxes qui ont été créées.

Ce constat appelle des réponses de bon sens : du temps plutôt que de l’urgence ; de la concision plutôt que du délayage ; du pragmatisme plutôt que du dogmatisme, de la frugalité plutôt que de la boulimie législative et réglementaire. C’est dans ce sens que vont nos propositions.

Nous proposons d’abord des réformes structurelles, dont certaines exigeraient une réforme constitutionnelle. Nous préconisons le retour à des sessions parlementaires brèves : comme à l’époque du général de Gaulle, une session de quinze jours consacrée au budget et deux sessions de quinze jours consacrées aux autres textes.

Nous suggérons de rendre obligatoires les études d’impact sur les propositions de loi dès lors qu’elles sont inscrites à l’ordre du jour, ainsi que sur les amendements emportant une modification substantielle du texte législatif en discussion. Il importe de revenir à la règle jurisprudentielle édictée par le Conseil constitutionnel et selon laquelle le droit d’amendement trouve des limites dans son ampleur. Vous savez très bien combien cela fait rire d’entendre que sur un texte ont été déposés mille ou trois mille amendements. Il en va de la crédibilité du politique.

Même si nous savons que ce n’est pas simple, nous recommandons ainsi, pour davantage de transparence, que soit systématiquement rendu public l’avis du Conseil d’État.

Nous sommes favorables à la mise en place d’un organe indépendant, à géométrie variable, chargé d’évaluer les études d’impact. Ne commençons pas par créer quelque chose de fixe et d’inscrit dans le marbre. Comme on le fait dans les entreprises, créons des groupes de projet sur des sujets particuliers. Pourquoi ne pas utiliser la « mission Simplification » ?

Nous insistons sur la nécessité de limiter les cavaliers législatifs.

Nous proposons de développer la soft law, ou droit souple, dont le code AFEP-MEDEF sur la gouvernance des entreprises offre un bel exemple. Cela permettrait de désengorger l’appareil législatif.

Nous préconisons également, comme cela se pratique à l’étranger, d’évaluer systématiquement l’impact des lois sur les PME. À titre d’exemple, l’instauration de la taxe « Écofolio » oblige un entrepreneur à remplir un formulaire qui comporte vingt-sept questions portant sur la nature du papier, la qualité de l’impression, etc.

Dans la même optique, nous sommes favorables au développement des expérimentations, géographiques ou temporelles.

Afin de faciliter le travail des juristes d’entreprise, nous recommandons de présenter avec la loi les décrets d’application nécessaires à sa mise en œuvre. Les dispositions de la loi sur la consommation concernant les actions de groupe ne peuvent par exemple s’appliquer sans les décrets, puisqu’elles ont un effet rétroactif.

Nous préconisons l’application de la règle du one in, one out, en l’interprétant de manière moins quantitative que qualitative et en cherchant à compenser de manière équitable pour les entreprises les coûts induits par la loi.

Pourquoi également – et je le demande avec humour sur le ton de la provocation – ne pas créer, pour les administrateurs des assemblées, un concours du meilleur réducteur de textes ? Pourquoi ne pas valoriser celui qui réduit le plus de textes ?

En matière fiscale, un seul exemple suffira à illustrer mon propos : la loi de finances pour 2014 a fiscalisé l’avantage que constitue pour les salariés le paiement par l’employeur d’une complémentaire santé. Or le fait que la loi n’ait été publiée qu’à la toute fin de l’année a contraint les entreprises à corriger en janvier toutes les feuilles de paie du mois de décembre. Pourquoi, dès lors, ne pas anticiper le vote des lois de finances au 31 octobre, afin de permettre son application au 1er janvier de l’année suivante ?

Nous avons d’ailleurs noté avec une grande satisfaction que, parmi les cinquante propositions récentes du Conseil de la simplification pour les entreprises, figurait l’interdiction de la rétroactivité de la norme fiscale, qui correspond à une très forte demande des entreprises.

Je conclurai par une citation de Gandhi : « La politique moderne fait de la loi un fétiche, simplement parce que c’est la loi. »

Mme Cécile Untermaier. Nombre des propositions que vous faites sont au cœur de notre réflexion. Nous pensons comme vous qu’un amendement peut déséquilibrer un dispositif et qu’une loi doit être concise. Pourquoi, en effet, nommer une loi du nom du politique qui l’a portée ?

Comme vous, je considère qu’il est important de renforcer les procédures de consultation en amont du travail législatif. Je m’interroge sur les modalités de cette consultation. Pensez-vous qu’elle puisse passer par Internet, ce qui permettrait d’atteindre une multitude d’entreprises ?

M. Bernard Gaud. En tant que représentant du MEDEF, je recommande évidemment la concertation avec les organisations patronales. Je répète que nous avons souvent le sentiment que nous ne sommes consultés que pour la forme et dans l’urgence. Il peut sembler étrange que nous demandions du temps quand, par ailleurs, les entreprises insistent sur la nécessité d’agir vite. Mais l’on va d’autant plus vite que l’on a défini une stratégie et des objectifs clairs. Nous compatissons évidemment à l’effondrement d’une usine au Bangladesh, mais fallait-il pour autant adopter immédiatement une loi « à chaud » ?

Mme Cécile Untermaier. Nous dénonçons en effet les lois inspirées par des faits divers. Nous essayons bien évidemment de nous en écarter.

M. Régis Juanico. Vous mettez en cause la connaissance qu’ont les parlementaires du monde de l’entreprise. Si certaines catégories de la population sont surreprésentées parmi nous – ce ne sont d’ailleurs pas tant les fonctionnaires que les avocats ou les professions libérales –, cela ne nous empêche pas d’être, chaque semaine, en contact sur le terrain avec des chefs d’entreprise et des salariés, que nous aidons à démêler certains problèmes, comme ceux que rencontre par exemple, à l’exportation, une entreprise stéphanoise de ma circonscription qui fabrique les composants de la navette spatiale indienne. Quant aux membres du Gouvernement, ces deux dernières années, une quinzaine d’entre eux se sont déplacés pour visiter des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes dans la Loire : HEF, Cardial, Clextral, Olivo, autant de leaders mondiaux ou européens dans leurs secteurs. Nul besoin donc que nous fassions chaque été des stages d’immersion ! Et le fait que notre rapporteur Thierry Mandon soit également le co-président du Conseil de la simplification pour les entreprises témoigne de notre ouverture au monde de l’entreprise.

Nous partageons certaines des propositions que vous faites en matière de simplification législative, notamment concernant le calendrier des lois de finances. Nous consacrons beaucoup trop de temps à l’examen du projet de loi de finances initiale, qui est avant tout un texte d’affichage, et pas assez à celui de la loi de règlement. De surcroît, la navette entre l’Assemblée nationale et le Sénat alourdit la procédure. Il serait souhaitable en effet de ne pas attendre le 31 décembre pour produire des règles lisibles par les acteurs concernés.

Je note en revanche que c’est souvent lorsque le législateur accorde de nouveaux droits aux salariés que vous parlez d’usine à gaz… Le compte personnel de prévention de la pénibilité n’existait pas sous cette forme avant le vote de la loi. Le législateur s’est d’ailleurs donné un an pour achever sa mise en œuvre, conscient des difficultés que cela impliquait. Nous souhaitons que le compte puisse être effectif au 1er janvier 2015, sans que cela alourdisse de manière trop significative les charges administratives pesant sur les très petites entreprises (TPE) et les PME.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Si les décrets d’application étaient fournis avec les textes ou si nous pouvions en débattre, cela nous permettrait de recueillir les remarques des acteurs de terrain non seulement sur les objectifs, mais aussi sur la mise en œuvre des lois. Cela contribuerait sans doute à apaiser nos débats et cela éviterait que les uns ou les autres veuillent à toute force préciser certains éléments dans la loi.

Je prends ici l’exemple de l’article 20 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013, qui porte sur les interceptions de sécurité. Sa rédaction relativement floue a suscité beaucoup de débats, notamment sur les dérives d’un État sécuritaire, qui n’auraient probablement pas eu lieu si nous avions disposé des décrets d’application, qui clarifiaient les choses.

Au-delà de cette piste et de celles que vous avez évoquées par ailleurs, comment pensez-vous que l’on puisse améliorer l’évaluation ex post de la norme ?

Mme Cécile Untermaier. Je partage ce qu’a dit Laure de La Raudière sur les décrets d’application. J’ajoute qu’il est nécessaire que l’étude d’impact porte non seulement sur la loi, mais aussi sur ses décrets d’application.

M. Régis Juanico. Je ne partage pas l’avis de M. Gaud sur le calendrier parlementaire. Nous devons dès à présent réfléchir à ce que sera l’Assemblée nationale du non-cumul des mandats. Aujourd’hui, les mandats exécutifs locaux, qui pèsent très lourd dans un agenda, empêchent les députés d’exercer pleinement leurs fonctions de contrôle et d’évaluation, qui sont des fonctions au moins aussi importantes que celles de législateur. Nous aurons donc à mieux organiser notre travail hebdomadaire, ce qui ne passe pas forcément pas le raccourcissement de nos sessions. Cela étant, nous nous accordons tous sur l’encombrement législatif – trop de textes, trop bavards.

Enfin, le code AFEP-MEDEF rencontre selon moi ses limites dans le simple fait que certains ne se sentent malheureusement pas tenus par les engagements qu’il implique. Il est donc parfois nécessaire de recourir à la loi.

M. Bernard Gaud. Nous ne remettons pas en cause le compte pénibilité, pas plus que la taxe « Écofolio » ; nous souhaitons simplement que leur mise en œuvre soit la plus simple possible.

M. Régis Juanico. Je vous rejoins. Une mission a certes été confiée à Michel de Virville sur la mise en œuvre de ce compte, mais force est de constater que, après le vote de la loi, les parlementaires les plus investis sur ce projet n’ont pas été associés au « service après-vente ».

M. Bernard Gaud. L’évaluation ex post fait naturellement partie de la logique normale de fonctionnement d’une institution. Nous pensons qu’il faut réfléchir à la notion de droit transitoire et à ces « clauses de grand-père », qui permettent aux dispositions légales antérieures de s’appliquer un temps après le vote de la nouvelle loi.

Sans la généraliser, nous pensons également que, pour certains textes dictés par la conjoncture, la notion de durée limitée contenue dans une clause de revoyure pourrait être une bonne chose.

Mme la présidente Laure de La Raudière. Nous vous remercions, monsieur le président, pour vos remarques et vos propositions.

La séance est levée à 12 heures 40.

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Membres présents ou excusés

Présents. - M. Régis Juanico, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Mandon, Mme Cécile Untermaier

Excusé. - M. Philippe Gosselin