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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 10 juillet 2013

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Élection des conseillers de Paris (suite)

Discussion générale

Mme Sonia Lagarde

M. Denis Baupin

M. Thierry Braillard

M. Patrick Bloche

M. Philippe Goujon

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Bernard Debré

M. Daniel Vaillant

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

Mme Annick Lepetit

M. Carlos Da Silva

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Discussion des articles

Article 1er

M. Bernard Debré

Amendement no 1 rectifié

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Article 2

M. Pascal Cherki

M. Bernard Debré

Amendement no 2

Article 3

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

2. Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Rappel au règlement

M. Patrick Hetzel

Motion de rejet préalable

M. Jean Leonetti

Mme Dominique Orliac, rapporteure

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Louis Touraine

M. Patrick Hetzel

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Véronique Massonneau

Motion de renvoi en commission

M. Philippe Gosselin

Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

M. Thierry Braillard

Mme Jacqueline Fraysse

M. Olivier Véran

Mme Valérie Boyer

M. Jean-Christophe Fromantin

M. François de Rugy

Rappel au règlement

M. Jean Leonetti

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Élection des conseillers de Paris (suite)

Suite de la discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l’élection des conseillers de Paris (nos1145, 1172).

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sonia Lagarde.

Mme Sonia Lagarde. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en procédant à l’examen de ce texte, notre assemblée se livre aujourd’hui à un exercice devenu coutumier : la modification de notre système électoral. Voilà un an qu’une part importante de notre travail législatif est consacrée au bouleversement et au démantèlement progressif de l’ensemble de notre édifice électoral. Élections municipales, cantonales, régionales, sénatoriales, élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France : pas un mode de désignation des élus n’aura échappé à des modifications de modes de scrutin, de calendrier ou de répartition des sièges.

Bien loin des véritables attentes des Français, toutes ces réformes sont à l’évidence guidées par une seule et même logique, celle du calcul politique. Elles vont à l’encontre d’un principe démocratique intangible : on ne modifie pas les règles électorales à moins d’un an des élections. Le rapporteur aura beau affirmer que cette réforme n’est ni une révolution du mode de scrutin, ni une évolution du nombre total de membres du conseil de Paris, ni une modification de la sectorisation par arrondissement, on ne peut ainsi éluder les conséquences d’une telle réforme à quelques mois de la prochaine échéance électorale.

Certes, suite à la récente censure du Conseil constitutionnel, vous prétendez n’avoir d’autre issue que de légiférer afin de combler un vide juridique laissé béant et de rétablir dans le code électoral un tableau fixant la répartition par arrondissement des conseillers de Paris. Pour autant, cette censure a bel et bien été provoquée par les dispositions relatives aux conseillers de Paris que vous avez vous-même introduites dans la loi du 17 mai 2013. L’article 30 du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires modifiait la répartition des sièges des conseillers de Paris entre arrondissements : trois d’entre eux aujourd’hui acquis à la gauche – les 10e, 19e et 20e – gagnaient un siège tandis que trois autres – les 7e, 16e et 17e – en perdaient un. Personne n’aura été dupe d’une telle manœuvre : il s’agissait à l’évidence de diminuer le nombre de conseillers des arrondissements tenus par la droite pour augmenter celui des arrondissements tenus par la gauche.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est vrai que le 15e arrondissement est connu pour être à gauche !

Mme Sonia Lagarde. Cette volonté de corriger les déséquilibres démographiques était d’autant moins crédible qu’elle se limitait au cas de Paris, sans prévoir la moindre modification concernant Lyon et Marseille.

C’est bien le caractère arbitraire de cette répartition que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel. Elle ne correspondait à aucun critère démographique avéré, et laissait subsister des écarts disproportionnés : d’un arrondissement à l’autre, le nombre d’habitants représentés par un conseiller de Paris pouvait aller du simple au triple, l’écart maximal par rapport à la moyenne étant de 57 %. La décision du Conseil constitutionnel ne peut donc être interprétée comme un encouragement à aller plus loin, mais bien comme la censure d’une disposition qui ne respectait pas les principes établis par la Constitution en matière électorale.

En vertu de ces principes, rappelés a de nombreuses reprises par le Conseil constitutionnel, le conseil de Paris doit, comme tout organe délibérant d’une collectivité territoriale, être élu sur des bases essentiellement démographiques…

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Rappelez-le à M. Sauvadet !

Mme Sonia Lagarde. … selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage. Le législateur ne peut tenir compte d’autres impératifs d’intérêt général que dans une mesure limitée.

Ainsi, ce principe d’égalité devant le suffrage sur lequel était basée la précédente réforme des élections des conseillers de Paris est celui-là même qui a servi de fondement à la décision du Conseil constitutionnel.

Suite à la censure sans détour des Sages, la majorité propose d’instaurer une nouvelle méthode de répartition des conseillers de Paris, avec pour principale modification l’abandon de la règle selon laquelle chaque arrondissement bénéficie au minimum de trois sièges, quelle que soit sa population.

Cette solution n’est guère plus satisfaisante : au final, les 1er, 2e, 4e, 7e et 17e arrondissements perdront des sièges au profit des 10e, 15e, 18e, 19e et 20e. Là encore, l’écart est grand entre les objectifs affichés – prendre en compte la démographie actuelle de la capitale, respecter la jurisprudence constitutionnelle en matière d’égalité devant le suffrage, combler un vide juridique – et le but véritable de cette loi, ouvertement électoraliste et guidée par des intérêts partisans.

En outre, le texte recèle d’autres imperfections. Cette nouvelle répartition ne sera notamment pas sans conséquence dans le 1er arrondissement, qui ne comptera plus qu’un conseiller de Paris, et dans les 2e et 4e qui n’en n’auront plus que deux. Il y aura ainsi un effet équivalent à un scrutin purement majoritaire dans les arrondissements où les Parisiens auront à élire un ou deux conseillers de Paris.

Sincèrement, la censure du Conseil constitutionnel devait être l’occasion de nous interroger sur le mode d’élection du conseil de Paris. En effet, elle nous offrait l’opportunité non pas d’agir dans la précipitation, mais bien de nous donner du temps pour étudier une réforme à la fois plus ambitieuse et plus juste. Des propositions existent, comme celle qui préconise de faire de Paris une circonscription électorale unique, et du maire de Paris un élu du suffrage universel direct.

Parallèlement, il y avait déjà, et il y a pour l’avenir une réflexion à mener de manière plus globale sur le rôle, la place et les pouvoirs des maires d’arrondissements.

En définitive, cette proposition de loi, plutôt que de proposer une réforme ambitieuse, à la hauteur des enjeux, s’inscrit dans une démarche purement tactique à huit mois des élections municipales, au détriment de l’intérêt général et de celui des Parisiens. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Vous vous en doutez, la tonalité de mon intervention sera légèrement différente de celle de notre collègue.

Nous pensons que la proposition de loi qui nous est présentée ce soir était nécessaire, car elle prend en compte les évolutions démographiques de la capitale et surtout qu’elle vient corriger l’inégalité de fait des Parisiennes et des Parisiens devant le suffrage.

Déjà à son adoption, en 1982, la règle de calcul jusqu’ici en vigueur, qui permet de répartir les 163 membres du conseil de Paris dans les vingt arrondissements de la capitale, posait question quant à la juste représentation de ces arrondissements. Force est de constater que cette représentation est aujourd’hui largement caduque.

Au cours des trente dernières années, la capitale a énormément évolué. Depuis longtemps, Paris n’est plus cristallisée autour de ses arrondissements centraux. Tous les quartiers participent aujourd’hui du dynamisme et du rayonnement de la capitale et doivent, à ce titre, être justement représentés au conseil de Paris. En trente ans, la population parisienne a augmenté de 3 % en moyenne, mais comme toute moyenne, celle-ci reflète une réalité bien plus contrastée. Alors que la population du 4e arrondissement a connu une baisse de 17 %, les arrondissements du nord-est parisien, les 10e, 18e, 19e et 20e, ont vu leur population augmenter entre 8 % et 14 %.

Cela a créé des inégalités d’autant plus importantes au sein du conseil de Paris. De nombreux habitants de ces arrondissements y sont aujourd’hui sous-représentés. C’est le cas des 10e, 15e, 18e, 19e et 20e arrondissements, tandis que d’autres arrondissements sont surreprésentés : les 1er, 2e, 3e, 4e, 7e et 17e.

Il est donc légitime d’opérer une modification de la répartition des conseillères et conseillers, qui reposera désormais sur des données démographiques actualisées. Cette réforme relève du simple bon sens et il était plus que temps de la réaliser. Elle avait d’ailleurs été reportée à de nombreuses reprises – on se demande bien pourquoi. Cette proposition de loi est équilibrée et répond pleinement aux exigences fixées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui avait réaffirmé le principe d’égalité face au suffrage. Rappelons qu’il avait été saisi par l’opposition.

Cette proposition est aussi respectueuse de la jurisprudence, puisqu’elle évite de modifier en profondeur un mode de scrutin à moins d’un an de l’échéance électorale. Cet élément est d’importance.

J’ai bien entendu et lu dans la presse que certains, à la droite de cet hémicycle, ont regretté que nous ne soyons pas allés plus loin à l’occasion de cette proposition de loi. On pourrait s’étonner qu’ils le fassent si tard alors que ce mode de scrutin avait été instauré lorsqu’ils étaient aux responsabilités, et qu’ils ont conquis la capitale grâce à lui et l’ont gardée pour trois mandats successifs. Ils ont même connu certains grands chelems qui devaient parfois à l’arithmétique électorale, voire à d’autres procédés sur lesquels les juges ont eu l’occasion de s’exprimer depuis.

Compte tenu du calendrier électoral, il n’était pas à notre sens sérieux d’engager de telles modifications globales aujourd’hui. Pour reprendre l’expression que certains ont utilisée ces derniers jours, c’est en se lançant dans ce type de procédures que l’on en serait venu à une espèce de « tripatouillage électoral ».

Pour autant, je fais partie, les écologistes font partie de ceux qui pensent depuis longtemps qu’il est nécessaire de revoir la loi PLM, de réfléchir à une refonte du découpage des arrondissements ou encore de revoir les rôles et les pouvoirs des maires d’arrondissement. C’est un débat que nous comptons bien porter à l’occasion de la discussion du projet de loi sur la métropole parisienne. Nous défendrons à cette occasion la désignation des élus de la métropole au suffrage universel direct, je me permets de le dire à ceux qui se prétendent favorables à ce mode de scrutin.

M. Bernard Debré. Commençons par Paris !

M. Denis Baupin. Nous verrons alors si ceux qui sont aujourd’hui si favorables à la démocratie représentative directe et au suffrage universel direct voteront nos amendements afin que l’élection dans les métropoles françaises se fasse au suffrage direct. Ce sera l’heure de vérité, et nous verrons alors quel sera leur vote.

Pour l’heure, il est plus que légitime de s’en tenir à une réforme à la fois simple et urgente, se basant uniquement sur le respect de la démographie pour rétablir l’égalité entre les électeurs parisiens. Le groupe EELV votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Le 19 avril dernier, les députés UMP, dont M. Claude Goasguen, ont saisi le Conseil constitutionnel à la suite de l’adoption, par notre Parlement, de la loi relative à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et à la modification du calendrier électoral.

Ils ont notamment contesté l’article 30 de ladite loi. Les députés UMP estimaient que les modifications apportées au tableau de répartition des sièges des membres du conseil de Paris n’étaient pas justifiées par les évolutions de la population des arrondissements en cause, et que le principe d’égalité devant le suffrage aurait dû conduire à une révision plus importante de la répartition des conseillers de Paris.

Pour annuler cette disposition, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mai 2013, a estimé que dans les 1er, 2e et 4arrondissements, le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de l’arrondissement s’écartait de la moyenne constatée à Paris dans une mesure manifestement disproportionnée.

Cette proposition de loi tend à procéder aux corrections nécessaires, suggérées par le Conseil. Il n’est pas concevable de ne pas tenir compte de l’évolution démographique, quand le 4arrondissement perd 6 000 habitants en quelques années alors que le 19arrondissement en gagne 24 000. À l’expression « tripatouillage électoral » utilisée par l’UMP – en toute connaissance de cause, allais-je dire, car on se souvient des lames aiguisées, acérées, des ciseaux de MM. Pasqua et Pandraud – nous préférons les termes « égalité devant le suffrage ». Aussi, après avoir abandonné la règle du minimum de trois sièges par arrondissement, la présente proposition de loi dispose que la répartition des sièges est calculée à la proportionnelle à la plus forte moyenne pour les 163 sièges d’élus parisiens, avec une correction marginale. De ce fait, le tableau proposé s’approche véritablement de l’égalité démographique : c’est la raison pour laquelle le groupe RRDP valide la méthode et la répartition arrêtées par l’article 1er.

De même, nous soutenons l’article 2 de cette proposition de loi, qui autorise dorénavant tout membre du conseil d’arrondissement à devenir maire d’arrondissement sans avoir l’obligation d’être membre du conseil municipal. C’est une avancée surtout pour les petits arrondissements. Si j’ai bien lu la proposition de loi, cette avancée concernera non seulement Paris, mais également Lyon et Marseille.

Vous voyez, monsieur le ministre, les radicaux de gauche ne rechignent pas toujours à voter les textes que vous présentez ou défendez ! (Sourires.) Ce qui me permet de réagir aux propos que vous avez tenus hier à l’égard de notre collègue Alain Tourret. Un partenaire, monsieur le ministre, n’est pas là uniquement pour apposer sa signature au bas de la feuille : il est là pour être écouté, et parfois entendu. C’est pourquoi je me permets humblement de vous inviter à méditer cette maxime issue de la fable de La Fontaine, Le lion et le rat : On a souvent besoin d’un plus petit que soi !

M. Bernard Debré. Qui est le rat ? (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui vise à fixer le nombre et la répartition des sièges de conseillers de Paris dans les vingt arrondissements que compte la ville capitale. Pour que les choses soient bien claires, comme l’a rappelé notre rapporteur à la fin de la séance de cet après-midi, si nous légiférons aujourd’hui, ce n’est pas à cause d’un choix soudain de la majorité de modifier cette répartition selon son bon plaisir, mais pour combler le plus tôt possible avant les prochaines élections municipales le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel du 16 mai dernier. En effet, suite à une saisine bien imprudente de l’opposition, il n’y avait plus de tableau de répartition des 163 conseillers de Paris entre les vingt arrondissements.

Il nous est proposé d’établir une nouvelle répartition, conforme au principe d’égalité devant le suffrage défini par le Conseil constitutionnel, et cela sans changer le nombre total de membres du Conseil de Paris – ce n’est pas dans l’air du temps – et sans modifier la composition ni le fonctionnement des conseils d’arrondissement. On le voit, le système électoral parisien tel qu’il fonctionne depuis trois décennies est donc maintenu dans ses grands équilibres.

Aussi, comment ne pas être plongé dans la plus grande des perplexités quand l’opposition, saisissant l’opportunité législative ainsi offerte, se découvre une soudaine vocation à refonder totalement ce système électoral auquel elle s’était bien gardée de toucher durant dix années ininterrompues d’exercice du pouvoir ? Cette fuite en avant dissimule mal la difficulté qu’elle a à justifier sa critique de la répartition qui nous est proposée, laquelle représente incontestablement un progrès démocratique dont la principale vertu est de concilier la prise en compte de l’évolution de la démographie parisienne intervenue depuis 1982 avec le respect du principe d’égalité devant le suffrage.

En effet, le choix de conserver le mode de calcul en vigueur depuis trente ans et visant à répartir les sièges à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne est à la fois le plus juste et le plus judicieux. Il fait l’objet d’un correctif pour les trois premiers arrondissements de Paris, afin de se conformer au mieux à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le respect des écarts manifestes à la moyenne, entraînant de fait l’attribution d’un siège supplémentaire aux 2e et 3arrondissements. Dès lors, la contestation par l’opposition d’un tel choix, qui vise à respecter le mieux possible la décision du juge constitutionnel, ne peut que laisser pantois et finirait par nous faire croire qu’elle a un vrai problème avec les arbitrages rendus par les sages de la rue de Montpensier. La diversion qu’elle a tenté de créer à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi me semble relever avant tout de l’agitation électoraliste, ou pré-électoraliste, quand on connaît réellement le fonctionnement du conseil de Paris et des mairies d’arrondissement et qu’on a ainsi pu prendre, tout au long de l’exercice d’un mandat municipal parisien, l’exacte mesure du double attachement des Parisiens à l’unité de Paris certes, mais également à l’échelon de proximité qu’est l’arrondissement, si propice à la prise en compte en temps réel de leurs préoccupations quotidiennes.

M. Daniel Vaillant. Très bien !

M. Patrick Bloche. Si l’on passe à côté de cette réalité politique profondément ancrée, ce qui est visiblement le cas de certaines et de certains, on prend un risque : celui de faire l’impasse sur l’essentiel.

Avant de conclure, je tiens à évoquer en quelques mots l’article 2, qui offre une plus grande latitude dans la constitution des exécutifs locaux et rend moins contrainte l’élection des adjoints au maire d’arrondissement. Cette disposition découle de la situation particulière du 1er arrondissement, mais sera logiquement applicable à tous les arrondissements et permettra une souplesse bien utile au moment de la composition des équipes municipales. Je tenais à le souligner, car cette heureuse initiative s’inscrit dans la démarche volontaire de décentralisation qu’a engagée Bertrand Delanoë tout au long de son second mandat de maire de Paris.

Pour toutes ces raisons, je me félicite de l’excellent travail diligenté par le président de la commission des lois et le rapporteur, visant tout simplement à assurer à Paris l’égalité devant le suffrage par la prise en compte du poids démographique réel de chacun des vingt arrondissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Monsieur le ministre, si les Français constatent les échecs répétés du Gouvernement,…

M. Manuel Valls, ministre. Allons !

M. Philippe Goujon. …la vérité oblige à dire, comme l’a d’ailleurs rappelé notre excellente collègue Sonia Lagarde, qu’il est très performant dans un domaine : celui du tripatouillage électoral, puisqu’il a modifié à peu près tous les modes de scrutin. Et je crois pouvoir dire que ces modifications favorisent plutôt la gauche – qui, il est vrai, en a bien besoin : c’est même, finalement, son dernier recours pour se maintenir au pouvoir !

Votre co-rapporteur avait justement dénoncé la tentative de manipulation, aux fondements démographiques douteux, de la répartition des conseillers de Paris qu’opérait l’article 30 de la loi relative à l’élection des conseillers municipaux en transférant trois sièges d’arrondissements administrés par l’opposition à des arrondissements administrés par l’actuelle majorité. En censurant cet article, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de souligner que cette modification était « manifestement disproportionnée ».

Signe d’espoir pour nous, une telle entreprise du Gouvernement à moins d’un an des municipales révélait l’inquiétude, voire le désarroi de la majorité quant aux résultats du prochain scrutin à Paris. La nouvelle répartition proposée aujourd’hui n’échappe pas complètement à cette tentation, puisqu’elle risque de produire mécaniquement un solde positif de trois à cinq sièges supplémentaires pour la gauche. Quand on sait combien la partie sera serrée à Paris,…

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est ce que vous croyez !

M. Philippe Goujon. …on en conclut que cette réforme a pour unique objet d’empêcher Nathalie Kosciusko-Morizet de devenir maire de Paris et d’interdire, finalement, toute alternance. C’est bien votre objectif.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Et de lui permettre de demeurer députée de l’Essonne, de rester parmi nous !

M. Philippe Goujon. C’est une enfant du 15arrondissement, monsieur le rapporteur !

Si l’argument démographique primait réellement, la répartition des conseillers aurait dû être modifiée à la fois à Paris, Lyon et Marseille, les trois villes étant régies par le même statut fixé par la loi de 1982. Je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été fait. Les secteurs de Marseille ont, il est vrai, été modifiés en 1987 – il y a vingt-six ans ! Ce qui les rend, me semble-t-il, tout aussi obsolètes qu’à Lyon, où le découpage n’a pas évolué depuis trente ans, et à Paris.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mais le rapport démographique est bon !

M. Philippe Goujon. Il n’y a donc pas eu d’évolution démographique à Lyon et à Marseille, monsieur le rapporteur ? C’est intéressant !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ces secteurs respectent les critères définis par le Conseil constitutionnel !

M. Philippe Goujon. Le refus d’harmoniser simultanément les règles régissant la représentation des trois plus grandes villes françaises porte ainsi une atteinte caractérisée au principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage, contrairement à ce que vous dites, cher rapporteur.

La répartition proposée aurait également dû tenir compte de l’impact de projets d’urbanisme majeurs tels que la ZAC des Batignolles, dans le 17arrondissement – dont la population est stable depuis trente ans, en baisse de 0,6 %, mais qui accueillera alors 12 000 nouveaux habitants –…

M. Daniel Vaillant. En a-t-on tenu compte dans le redécoupage des circonscriptions législatives ? Alain Marleix devait pourtant le savoir !

M. Philippe Goujon. …ou le site Laennec dans le 7arrondissement par exemple.

Il est également regrettable que la commission indépendante prévue par l’article 25 de la Constitution, experte en matière électorale, dont l’avis aurait pu être utilement recueilli comme il l’a été lors de l’élaboration de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, n’ait été consultée ni par l’auteur, ni par le rapporteur de cette proposition de loi.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ce n’est pas son rôle constitutionnel !

M. Philippe Goujon. Vous auriez pu l’élargir, si vous aviez été démocrates ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Surtout, cette proposition de loi est une occasion manquée de réformer le mode de scrutin de la capitale.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous ne l’avez pas fait non plus à l’occasion de la création des conseillers territoriaux !

M. Philippe Goujon. Nous observons un paradoxe incroyable : les maires d’arrondissement, dépourvus de tout pouvoir – je suis bien placé pour le savoir ; d’ailleurs, cela ne les empêche pas d’être concernés par les dispositions sur le non-cumul, il faudra m’expliquer cette incongruité ! – sont élus par tous les électeurs du territoire qu’ils administreront, à l’échelle infra-municipale de l’arrondissement, alors que le maire de Paris, qui détient tous les pouvoirs décisionnels, n’est pas élu à l’échelle municipale par l’ensemble des électeurs parisiens. Il en est de même pour Lyon et Marseille.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Et l’élection du président des États-Unis ?

M. Philippe Goujon. L’article L. 261 du code électoral, qui consacre la commune comme circonscription unique de l’élection municipale, déroge à cette règle pour Paris, Lyon et Marseille, où la circonscription électorale devient l’échelle infra-municipale du secteur, constitué d’un arrondissement à Paris et de deux à Marseille.

La timidité de la présente proposition de loi s’explique aussi par la méfiance que le pouvoir central a de tout temps entretenue vis-à-vis du peuple de Paris. Votre co-rapporteur sur l’application de la loi considère que ce texte devrait, à l’évidence, être l’occasion de permettre aux Parisiens d’élire directement leur maire, avec sa liste, sur la base d’une circonscription unique, comme dans toutes les villes de France. La proposition de loi présentée en commission sous forme d’amendement par Bernard Debré, et que nous examinerons également en séance, prévoit ce saut qualitatif démocratique. Les Parisiens pourraient ainsi élire, lors de la même consultation électorale, d’une part leurs élus d’arrondissement et d’autre part la tête de liste, qu’ils souhaitent voir élue maire de Paris, ainsi que l’exécutif municipal.

À moins que les amendements déposés par Bernard Debré et cosignés par tous les députés parisiens du groupe UMP ne soient adoptés, vous comprendrez, au vu de ces raisons, que votre co-rapporteur de l’application soit défavorable à la présente proposition de loi. Dommage que la démocratie vous effraie à tel point que vous fassiez des Parisiens des citoyens de second ordre !

M. Manuel Valls, ministre et M. Pascal Popelin, rapporteur. Oh !

M. Philippe Goujon. Prenez garde à leur réaction : l’histoire nous apprend qu’elle se retourne souvent contre ceux qui jouent avec le mode de scrutin.

M. Denis Baupin. Vous en savez quelque chose !

M. Manuel Valls, ministre. Ce fut le problème d’Étienne Marcel !

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. La proposition de loi qui nous est présentée ce soir, loin des polémiques stériles et des accusations de manœuvres électorales dont elle fait l’objet de la part de l’opposition, est en réalité extrêmement simple : elle vise à adapter le tableau de répartition du nombre de conseillers de Paris par arrondissement à la réalité des évolutions démographiques connues dans la capitale depuis le dernier recensement de 1982, dans un objectif bien précis : celui de l’égalité des citoyens devant le suffrage. Pour ce faire, elle intègre la décision du Conseil constitutionnel mentionnée à de nombreuses reprises à cette tribune.

Il y a, je crois, quelques erreurs dans l’analyse de cette décision du Conseil – mais comme le disait Patrick Bloche, c’est peut-être la période.

M. Philippe Goujon. Le Conseil constitutionnel peut-il se tromper ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. C’est une bonne question !

Contrairement à ce qui a pu être dit, le Conseil constitutionnel n’a pas condamné le principe de l’adaptation du nombre de conseillers de Paris aux évolutions démographiques : au contraire, il a considéré que le législateur n’était pas allé assez loin. Je cite le considérant 49 de sa décision : « Le principe d’égalité devant le suffrage aurait dû conduire à une révision plus importante de la répartition des conseillers de Paris. »

M. Philippe Goujon. Eh oui ! Une révision plus juste s’avère nécessaire !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Dès lors est présentée aujourd’hui par notre rapporteur une proposition de loi qui intègre cette décision du Conseil constitutionnel du 16 mai et propose un nouveau tableau qui permettra de respecter l’égalité démocratique au nom de l’égalité devant le suffrage. Mais nous pouvons peut-être vous pardonner, messieurs de l’opposition, de ne pas l’entendre à ce stade. En effet, vous nous avez récemment confessé que, dans votre parti, vous appreniez la démocratie. C’est assez nouveau pour vous. Nous allons donc vous laisser le temps de l’apprentissage !

M. Bernard Debré. Ça, c’est inutile !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Cela a été dit à plusieurs reprises ce soir, et je donnerai à mon tour quelques chiffres : la démographie de la capitale a changé depuis le dernier recensement de 1982. En effet, alors que, par exemple, le 16e arrondissement a perdu plus de 10 000 habitants, d’autres ont vu leur population considérablement augmenter. Par exemple, le 19e a gagné 22 000 habitants, le 20e, 25 000 habitants. En conséquence, aujourd’hui, un conseiller de Paris représente 5 871 habitants dans le 1er arrondissement contre plus de 15 000 habitants dans les 5e, 9e, 10e, 19e et 20e arrondissements.

Comment justifier que la voix d’un habitant d’un arrondissement puisse peser trois fois plus que celle d’un habitant d’un autre arrondissement ? C’est pour corriger cette anomalie démocratique que l’évolution proposée par le texte que nous examinons cet après-midi était indispensable.

Revenons à présent sur quelques-uns des arguments que vous avez développés, sur les bancs de l’opposition, pour vous opposer à ce texte.

Vous feignez aujourd’hui de vous insurger contre une prétendue manœuvre électorale mais, outre le fait que voir la droite parisienne nous donner des leçons de probité électorale peut prêter à sourire, je tiens à rappeler ici que le choix a été fait de conserver la méthode de calcul employée en 1982, c’est-à-dire la répartition des sièges entre arrondissements à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, avec un correctif lorsque cela est nécessaire pour être en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le respect des écarts manifestes à la moyenne. Il n’y a donc pas lieu de polémiquer : nous ne touchons pas aux limites administratives, ni aux principes existants. Nous ne faisons qu’adapter la répartition des conseillers de manière rationnelle et conformément aux exigences de la jurisprudence.

La manœuvre, en revanche, c’est bien vous qui la tentez, en proposant comme alternative à notre texte un chamboulement des règles électorales, à moins d’un an des élections. C’est un peu curieux, dans la mesure où vous avez eu dix ans pour mettre cette idée à exécution. Vous aviez même déposé une proposition de loi en ce sens, que vous n’avez pas fait voter. L’approche du scrutin semble soudainement vous réveiller. En outre, permettez-moi de vous dire que l’argument que vous avez à plusieurs reprises développé en commission selon lequel, dans le système actuel, les Parisiens ne sauraient pas pour qui ils votent me semble pour le moins condescendant vis-à-vis de nos concitoyens.

Enfin, pour justifier votre opposition au texte présenté ce soir, vous sous-entendez que nous aurions choisi les arrondissements qui gagnent des conseillers de Paris, en retenant majoritairement des arrondissements aujourd’hui dirigés par la gauche. Précisons simplement que nous n’avons pas inventé les évolutions démographiques intervenues ces quinze dernières années et que si celles-ci ont été les plus importantes dans des arrondissements comme le 19e ou le 20e, ce n’est peut-être pas le fruit du hasard. C’est aussi, peut-être, le fruit de certaines politiques publiques. Je pense en particulier au refus délibéré de certains élus de l’ouest parisien d’accueillir des logements sociaux. Je pense aussi plus globalement à la politique qu’a dû mener ces dix dernières années la municipalité parisienne pour tenter d’opérer un rééquilibrage entre l’est et l’ouest parisiens, pour rattraper le retard que la majorité précédente avait sciemment organisé en termes d’équipements publics, de crèches et autres.

M. Gérard Sebaoun. Très bien !

Mme Fanélie Carrey-Conte. En conclusion, une fois écartées un certain nombre de contrevérités, nous pouvons, je crois, nous féliciter de voter ce soir une proposition de loi, qui, actant les évolutions connues par Paris ces dernières années, va permettre aux citoyens et aux citoyennes d’être représentés de manière plus juste et plus démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Sans humour aucun, je veux rendre hommage au Conseil constitutionnel sans qui nous ne serions pas là aujourd’hui. (Sourires.) C’est en effet grâce à lui, ou plutôt, que dis-je, grâce à votre tentative grossière de modifier en cachette, en catimini…

M. Pascal Popelin, rapporteur. Ah, ça commençait bien, pourtant !

M. Bernard Debré. … la répartition des conseillers de Paris, tentative censurée par les Sages, que nous sommes là. Notons au passage qu’ils ont censuré la répartition actuelle qui datait de 1982, nous demandant d’aller plus loin, beaucoup plus loin.

Voilà pourquoi nous avons la chance de nous pencher sur le mode d’élection du maire de Paris. En effet, vous êtes dans l’obligation de faire adopter une nouvelle répartition par la représentation nationale. Mais obligation ne signifie pas précipitation et cela aurait pu se faire de manière plus sereine, et surtout plus visionnaire.

Monsieur le ministre, vous avez pu constater comme nous que le mode d’élection des conseillers de Paris et, par là même, du maire de Paris est l’aboutissement d’un système complexe et souvent incompréhensible pour la plupart des Parisiens,…

Mme Fanélie Carrey-Conte. Mais non !

M. Bernard Debré. … je dirais même totalement archaïque.

En effet, le maire de Paris et le conseil municipal ne sont pas élus par tous les Parisiens mais par secteur, on l’a répété tout à l’heure. Oui, les Parisiens et les Français doivent savoir qu’avec ce système, l’actuel maire de Paris Bertrand Delanoë n’a été élu directement que par à peine 3 % des électeurs parisiens. Si nous voulons être précis, il s’agit de 35 861 électeurs du 18arrondissement qui ont porté leur suffrage sur une liste dont M. Delanoë n’était même pas la tête : il était troisième, derrière M. Vaillant. Or, vous le savez, Paris compte 1,2 million d’électeurs !

Quitte à modifier le système électoral à Paris, on aurait pu le changer complètement. Permettez aux Parisiennes et aux Parisiens d’élire directement leur conseil municipal, puis leur maire, comme c’est le cas dans la quasi-totalité des villes de France !

Vous le savez, et il en a beaucoup été question tout à l’heure, j’ai déposé avec mes collègues une proposition de loi en ce sens, ainsi que des amendements que je défendrai tout à l’heure. J’ai noté que M. Baupin n’y était pas complètement opposé, puisqu’il réclame pour les métropoles une élection directe. On pourrait se poser cette question, monsieur Baupin : si vous la voulez pour les métropoles, pourquoi la refusez-vous pour Paris ?

M. Denis Baupin. Alors vous voterez nos amendements, pour les métropoles ?

M. Bernard Debré. Il faudra voir les amendements en question ! Mais déjà, le texte sur les métropoles est bien ambigu.

Cette proposition de loi avait donc été déposée en 2007, mais il n’y avait alors pas de créneau naturel justifiant une telle modification.

M. Manuel Valls, ministre. Bien sûr ! (Sourires.)

M. Bernard Debré. Ce créneau naturel, le Conseil constitutionnel l’a créé par sa décision du 16 mai dernier.

Face à ma proposition, qui exige tout simplement la démocratie pour les Parisiens, que n’ai-je entendu de la part du PS ! J’omets bien entendu les commentaires des élus qui connaissent peu le système électoral parisien, ayant évidemment été élus en dehors de Paris. Je leur pardonne.

Mme Annick Lepetit. Pas nous !

M. Bernard Debré. J’ai même été heureusement surpris qu’une élue de Nouvelle-Calédonie vienne souscrire à nos propositions.

M. Thierry Braillard. C’est une élue de la République !

M. Bernard Debré. C’est dire qu’elles sont importantes et qu’elles ont eu un écho loin dans la France, dans la République.

M. Jean-Philippe Mallé. Paris intéresse la France entière !

M. Bernard Debré. Je n’ai donc retenu que le meilleur. Ainsi, j’ai entendu qu’on ne pouvait pas changer maintenant. C’était une allusion à ce qu’avait dit le Président de la République. C’est faux ! C’est vous qui avez voulu arranger à votre main la répartition des conseillers, et vous vous êtes fait prendre, comme l’a dit le Conseil constitutionnel. Vous avez eu l’obligation de changer ce que vous vouliez changer. Or, si l’on peut changer le tableau annexe du code électoral maintenant, l’on peut tout à fait changer d’autres articles. Vous avez d’ailleurs dit, monsieur le ministre, que vous aviez hésité, à un moment donné, à regrouper les 1er, 2e, 3e et 4arrondissements en un seul. Eussiez-vous poussé votre raisonnement plus loin que l’on n’aurait fait qu’un seul arrondissement pour Paris. Vous voyez donc que c’était possible maintenant !

J’ai entendu que c’était rétrograde et centralisateur. C’est faux ! La démocratie, est-ce rétrograde, monsieur le ministre ? Je ne le crois pas.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Debré, s’il vous plaît.

M. Bernard Debré. Dans votre nouvelle répartition, vous avez effectivement favorisé les arrondissements de gauche par rapport à ceux de droite, sauf le 15e – mais il m’est apparu que Mme Hidalgo s’y présentait. Et vous avez décidé de supprimer un poste de conseiller de Paris dans le 17e et, par conséquent, deux conseillers d’arrondissement. Il se trouve, monsieur le ministre, que le 17e arrondissement va gagner dans les prochains mois plus de 12 000 habitants dans la ZAC des Batignolles. Où est la baisse de la population, monsieur le ministre ? Cet argument de la démographie ne tient donc pas.

Je défendrai tout à l’heure quelques amendements pour faire en sorte, monsieur le ministre, que vous n’ayez plus peur de la démocratie ni des Parisiens. Nous voterons contre votre projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Vaillant.

M. Daniel Vaillant. Force est de constater que le débat que nous avons aujourd’hui est pour le moins cocasse. Par une décision du 16 mai dernier, le Conseil constitutionnel a effectivement annulé les dispositions du projet de loi qui prévoyait notamment un rééquilibrage entre les arrondissements pour la répartition des sièges de conseiller de Paris. Cette décision, vous, chers collègues membres de l’opposition, l’interprétez avec un soupçon de mauvaise foi comme la sanction par le Conseil constitutionnel d’un de ces tripatouillages électoraux dont c’est vous pourtant qui avez le secret.

En réalité, et vous excuserez cette expression triviale, c’est un peu l’arroseur arrosé, puisque ce sont les parlementaires UMP qui ont saisi le Conseil constitutionnel ! Car non contents de retoquer le rééquilibrage de trois sièges de conseillers de Paris, les Sages ont, en fait, appliqué à la législation en vigueur le principe d’égalité devant le suffrage qu’ils ont développé depuis 1985.

Compte tenu du vide juridique créé par cette décision, il était impératif de réagir rapidement en s’en tenant le plus strictement possible à ce principe. Je tiens donc à saluer le travail du président Jean-Jacques Urvoas et du rapporteur Pascal Popelin qui présentent cette proposition de loi équilibrée et aboutie. Oui, mes chers collègues, il s’agit bien d’une proposition de loi équilibrée et aboutie, et vous le savez bien !

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui, remplit le double objectif de s’aligner sur la jurisprudence constitutionnelle et de répondre aux évolutions démographiques que la Ville de Paris a connues durant ces vingt dernières années. Je comprends aisément votre malaise à l’évocation de ce fait puisque, comme l’indiquent les statistiques, c’est précisément l’alternance, en 2001, qui a marqué une rupture positive dans la démographie parisienne. Permettez-moi d’y voir la preuve d’une politique municipale réussie, à l’image des 20 000 nouveaux habitants que compte le 18e arrondissement depuis mon élection comme maire d’arrondissement en 1995. Et le Conseil constitutionnel n’a rien fait d’autre que de rappeler au législateur la nécessité pour chacun de ces 20 000 habitants, comme pour tous les autres, de bénéficier d’une représentation équitable au conseil de Paris.

Mes chers collègues de l’opposition, une représentation digne de ce nom ne signifie pas une élection du maire de Paris au suffrage universel direct. Ceux d’entre vous qui sont élus dans la capitale savent pertinemment à quel point les Parisiens sont attachés à la mairie d’arrondissement, qui est un véritable échelon de proximité avec des maires certes non exécutifs…

M. Bernard Debré. Sans pouvoir !

M. Daniel Vaillant. Je l’ai dit, monsieur Debré : non exécutifs, mais qui représentent l’équivalent d’une grande ville de province, avec la légitimité conférée par le suffrage universel.

M. Daniel Vaillant. Votre proposition participe d’une philosophie politique dont l’un des éléments fondamentaux serait l’existence d’un chef.

M. Bernard Debré. D’un maire !

M. Daniel Vaillant. C’est ça, la droite : un chef, et tout le monde le doigt sur la couture du pantalon ! Ce concept éculé nous conduirait à une surpersonnalisation du pouvoir qui nuirait à la démocratie parisienne et qui serait incontestablement dangereuse dans une ville comme Paris. Faut-il d’ailleurs rappeler – vous ne l’avez pas fait – que le maire de Paris est aussi président d’un conseil général ? Il serait donc le seul en France à être élu au suffrage universel direct, alors que tous les autres le sont au suffrage au second degré ! Votre proposition tardive m’apparaît donc totalement inopportune et conduirait, et c’est cela que vous recherchez, à l’effacement des maires d’arrondissement qui sont, je le disais, le bon échelon de proximité.

Le véritable enjeu auquel répond ce texte est bel et bien le rééquilibrage de la répartition des sièges au conseil de Paris, dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle.

Cette proposition de loi a ainsi pour objet d’abolir la règle initiale d’un minimum de trois sièges par arrondissement, ce qui permet d’appliquer la proportionnelle à la plus forte moyenne non plus sur 103 sièges mais sur la totalité d’entre eux, soit 163.

En apportant à ce système un nécessaire correctif démographique, ce ne sont plus trois mais six sièges qui sont redistribués. Le résultat est conforme à l’esprit de la jurisprudence constitutionnelle. Bien heureux celui qui pourra dire, aujourd’hui, à qui profite cette modification de la répartition des sièges, qui n’a d’autre vocation que de satisfaire les exigences de la démocratie, dans le respect des équilibres démographiques de la ville de Paris.

Par ailleurs, je vous signale – c’est une chose que personne ne savait – que la loi de 1982 est obsolète au regard des choix du Conseil constitutionnel.

M. Bernard Debré. Pas d’amalgame !

M. Daniel Vaillant. La moindre QPC aurait conduit le Conseil constitutionnel à annuler le tableau des conseillers de Paris. Ce tableau est pourtant nécessaire pour organiser les élections municipales selon des règles valables pour tout le monde.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il a raison !

M. Daniel Vaillant. Voilà pourquoi je vous invite à voter en faveur de cette proposition de loi, qui ne perturbera pas le mode de scrutin actuel pour l’élection des conseillers de Paris, auquel les Parisiens sont habitués. Le système sera plus équitable. Mais manifestement, vous avez un problème avec l’équité.

M. Pascal Popelin, rapporteur. C’est vrai !

M. Bernard Debré. Non !

M. Daniel Vaillant. J’espère que la majorité votera pour cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. On nous présente aujourd’hui le énième texte d’une série de ces tripatouillages électoraux dont vous avez le secret et qui ont été singulièrement nombreux ces dernières semaines. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

En mai, vous êtes revenus, par calcul politicien et par dogmatisme, sur le conseiller territorial, afin de conserver les hordes d’élus régionaux et généraux dont les Français ne comprennent plus ni les responsabilités ni les moyens d’action.

M. Jean-Philippe Mallé. Un peu de courtoisie, s’il vous plaît !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ce matin, en commission des lois, vous nous avez présenté un projet de loi sur l’élection des sénateurs au moyen duquel vous tentez, en jouant sur les seuils, de vous accrocher à votre majorité au Sénat – qui rejette pourtant aujourd’hui vos textes ! Ces derniers jours, nous avons également découvert des redécoupages de cantons sans la moindre réalité territoriale.

M. Manuel Valls, ministre. À Paris ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Et aujourd’hui, en attendant la discussion la semaine prochaine d’un projet de loi préparé entre amis qui tend à instaurer un millefeuille métropolitain, vous nous proposez une nouvelle et subtile répartition des conseillers de Paris. Quel programme !

Vous proposez cette nouvelle répartition parce que votre précédente proposition « sur mesure » a été retoquée par le Conseil constitutionnel, pour rien de moins qu’atteinte au principe d’égalité devant le suffrage.

M. Pascal Popelin, rapporteur. On ne dit pas retoquée, mais censurée.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Ainsi, alors que le 17e arrondissement perdait 0,62% de sa population, mais en attendant une forte augmentation, il perdait un siège au Conseil de Paris ; et alors que le 4e arrondissement perdait 17,6% de sa population, il conservait ses trois sièges !

Nous n’étions pas dupes de cette manœuvre, les Sages non plus : les écarts par rapport à la moyenne dans les 1er, 2e et 4e arrondissements ont été sanctionnés. Le Conseil constitutionnel les a estimés manifestement disproportionnés, vous obligeant à revoir votre copie.

Après ce désaveu, mes chers collègues, la sagesse aurait dû vous conduire à abandonner vos méthodes d’apprentis sorciers. Réfléchissez : ces combines de coin de table ne font que renforcer la défiance des Français envers la politique.

M. Patrick Bloche. Oh, ça va !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elles dévoilent une gauche aux abois, qui a perdu toutes les élections législatives partielles depuis 2012, qui est perdue dans des politiques inefficaces et qui tente d’éviter le désaveu des Français par des arrangements institutionnels.

Réfléchissez : vos précédents tripatouillages n’ont pas suffi ? En 1986, en introduisant de la proportionnelle dans le mode d’élection des députés, vous n’avez réussi qu’à faire entrer une trentaine de députés FN à l’Assemblée nationale, et vous vous êtes retrouvés minoritaires.

M. Thierry Braillard. Mais Pasqua est passé par là !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. En 2000, le Conseil constitutionnel a retoqué votre tentative de gonfler déraisonnablement le nombre de délégués dans les grandes villes.

Votre nouvelle proposition de répartition des conseillers de Paris ne règle rien. Vous tentez de corriger le texte à la marge, pour qu’il soit validé par le Conseil constitutionnel. Ce faisant, vous passez à côté de la question fondamentale : celle de la démocratie. Pendant longtemps, le pouvoir central a refusé à la capitale le droit de disposer d’un maire. Pis, en dépit de l’insurrection et de l’attitude remarquable du peuple de Paris, cette institution n’a pas été rétablie à la Libération. Dans les années 1970, on a enfin permis à l’ensemble des Parisiens d’élire un maire, mais le pouvoir central a vite confisqué, avec la loi PLM, cette légitimité naturelle dont jouissent tous les autres maires de France. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin, rapporteur. Mais elle ne connaît pas l’histoire de Paris !

Mme la présidente. Du calme, mes chers collègues !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Mes chers collègues, abandonnons ce tableau et profitons de cette discussion pour adopter un mode de scrutin indiscutable, qui fasse enfin confiance au peuple de Paris. Bref, revenons au suffrage direct ! Mes collègues Bernard Debré, François Fillon, Claude Goasguen, Philippe Goujon, Jean-François Lamour, Pierre Lellouche et moi, nous vous proposons de donner à tous les Parisiens le droit d’élire directement l’ensemble du conseil de Paris, et donc leur maire.

Cette proposition est moderne.

M. Patrick Bloche. Vous n’avez rien compris aux Parisiens ! La modernité, c’est la mairie d’arrondissement !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Elle est moderne, transparente, non-partisane – je dis cela pour répondre aux propos tenus tout à l’heure par Daniel Vaillant. C’est le seul choix lisible pour les Parisiens, le seul qui donne la même importance à la voix de chaque Parisien, quel que soit son arrondissement de résidence.

M. Patrick Bloche. Mais non, c’est centralisateur !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Vraiment, réfléchissez. Ayons le courage de donner ensemble un nouveau souffle démocratique à Paris, car si vous rejetez cette proposition, les Parisiens finiront par se poser la question suivante : la gauche a-t-elle peur du peuple de Paris ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Bloche. Quelle prétention ! Tout ça pour son blog !

M. Daniel Vaillant. Elle a vraiment beaucoup à apprendre !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui est tout simplement une avancée démocratique. C’est effectivement comme cela que l’on qualifie, généralement, une loi qui permet aux citoyens d’être mieux représentés par les institutions de la République.

Beaucoup de choses fausses ont été dites à propos de ce texte. Je voudrais donc rappeler quelques vérités. Tout d’abord, c’est bien parce que l’opposition a raté un coup politique que nous devons légiférer à nouveau sur cette question. D’autres l’ont dit avant moi, mais rappelons-le encore : en transmettant au Conseil constitutionnel la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, au moyen de laquelle nous réformions la répartition des conseillers de Paris, l’opposition pensait pouvoir empêcher toute évolution de cette répartition. Or c’est l’inverse qui s’est produit. La censure du Conseil constitutionnel s’étend à la règle du minimum de trois sièges par arrondissement : c’est ce qui s’appelle marcher sur le râteau.

M. Bernard Debré. C’est vous qui marchez sur le râteau !

Mme Annick Lepetit. La nouvelle répartition doit donc être d’une plus grande envergure. Alors que trois sièges étaient concernés dans la première mouture, il s’agit désormais de six sièges, et de dix arrondissements. Il est important de clarifier les choses sur ce point. Il n’y a pas de tripatouillage électoral,…

M. Bernard Debré. Même dans le 17? Vous êtes pourtant élue du 17!

Mme Annick Lepetit. … mais simplement l’application stricte et transparente du principe de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Ce n’est pas la couleur politique qui fait que le 1er ou le 17e arrondissement perdent des sièges au conseil de Paris, monsieur Debré, ou que le 15e arrondissement en gagne un, monsieur Goujon !

M. Philippe Goujon. Ce n’est que justice.

Mme Annick Lepetit. L’unique critère est l’évolution de leur population.

Il faut tout de même avoir conscience de ces dynamiques. Depuis 1982, le 18e arrondissement a gagné l’équivalent de la population totale du 1er arrondissement – ce n’est pas M. le maire du 18e arrondissement qui me contredira sur ce point.

M. Daniel Vaillant. Jamais ! (Sourires.)

Mme Annick Lepetit. Il est donc normal que les arrondissements dont la population s’est le plus accrue voient leur représentation progresser en conséquence, sauf à considérer que certaines voix valent moins que d’autres. Je sais que nous sommes vraiment en désaccord sur ce point, mes chers collègues de l’opposition. Vous l’avez déjà prouvé, d’ailleurs, avec le redécoupage des circonscriptions législatives. Vous nous avez donné là, pour le coup, un magnifique exemple de tripatouillage électoral.

Mme Marie-Christine Dalloz. Allons ! Nous n’avons pas osé faire le dixième de ce que vous êtes en train de faire !

Mme Annick Lepetit. C’était tellement visible, d’ailleurs, que vous avez reçu deux avis négatifs de la commission Guéna, et un avis négatif du Conseil d’État. Avec ce redécoupage, les circonscriptions de droite sont moins peuplées que les circonscriptions de gauche.

M. Thierry Braillard. Comme par hasard !

Mme Annick Lepetit. Vous avez sciemment organisé les choses de telle manière qu’une voix de droite, à Paris, a plus de poids qu’une voix de gauche.

M. Philippe Goujon. Vous n’avez rien compris ! Avec ce redécoupage la droite a perdu deux circonscriptions, alors que la gauche n’en perdait qu’une.

Mme Annick Lepetit. Alors, mes chers collègues, ne venez pas nous faire la leçon !

M. Philippe Goujon. Pour l’instant, c’est plutôt vous qui la faites !

Mme Annick Lepetit. Nous n’avons pas la mémoire aussi courte que vous lorsqu’il s’agit du respect de la démocratie et de nos concitoyens.

Aujourd’hui, sans doute pour créer un peu d’agitation médiatique, vous avez sorti de votre chapeau une proposition complète de réforme du scrutin parisien. Ou plutôt, vous l’avez ressortie : une proposition de loi en ce sens avait en effet déjà été déposée par M. Debré en 2007, juste avant les municipales de 2008. Comme quoi modifier les règles du jeu juste avant les élections est pour vous une vieille habitude : vous voulez gagner par la loi ce que vous n’arrivez pas à gagner par les urnes !

Mais cette proposition, que M. Debré nous a exposée très longuement la semaine dernière en commission des lois, soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponse.

M. Bernard Debré. Ah bon !

Mme Annick Lepetit. Tout d’abord, si le mode de scrutin actuel est si inacceptable, pourquoi ne pas l’avoir changé entre 2007 et 2012, alors que vous aviez tous les pouvoirs nécessaires pour le faire ? Et pourquoi limiter votre réforme à Paris, alors que les villes de Lyon et de Marseille ont le même mode de scrutin ? Quant à l’idée que le maire de Paris serait, en quelque sorte, élu par effraction, c’est ce que vous avez dit en commission, je la trouve insultante pour les Parisiens. Ils savaient très bien, en 2001 et en 2008, qu’en votant pour un maire d’arrondissement socialiste ils votaient également pour Bertrand Delanoë. Il faut donc vraiment mal connaître les Parisiens pour avancer un tel argument : cela m’étonne de la part de députés de Paris, qui plus est maires d’arrondissements, comme le sont MM. Goujon et Goasguen, qui n’est pas là ce soir. Cela m’étonne moins de la part de Mme Kosciusko-Morizet, élue d’une circonscription dont la plus grande ville est Longjumeau.

Notre projet de loi est l’exact inverse de vos tripatouillages passés : elle est transparente, juste, démocratique, et basée sur des données objectives.

M. Bernard Debré. Parce que l’élection du maire au scrutin direct n’est pas démocratique, peut-être ?

Mme Annick Lepetit. Elle aurait pu être adoptée simplement, à l’unanimité, tant elle est de bon sens, comme l’a souligné tout à l’heure notre rapporteur Pascal Popelin. Au lieu de cela, vous avez choisi de vous livrer à une petite polémique politicienne. Ce n’est pas ainsi que vous ferez croire aux Parisiens que vous avez enfin appris ce qu’est la démocratie, pour reprendre les mots du président de l’UMP.

Ce n’est surtout pas comme cela, chers collègues, que vous leur ferez oublier vos petites tricheries dans la désignation de Nathalie Kosciusko-Morizet comme candidate de l’UMP à Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Debré et M. Philippe Goujon. C’est minable, et diffamatoire !

Mme la présidente. La parole est à M. Carlos Da Silva.

M. Carlos Da Silva. Pourquoi sommes-nous réunis ce soir ? Parce que la droite, au cours des quatre lectures successives à l’Assemblée nationale du projet de loi relatif aux conseillers départementaux, a cru bon de batailler pendant des heures contre la juste représentation des citoyens aux élections, contre la parité – au fond, tout simplement, contre la démocratie. Elle a porté cette bataille jusque devant le Conseil constitutionnel. Elle l’a saisi de douze articles de la loi, qui constituaient au fond son armature et qui portaient sur les conseillers départementaux, les intercommunalités et les conseillers de Paris.

Qu’a fait le Conseil constitutionnel ? Il nous a donné raison, ainsi qu’au ministre de l’intérieur, sur onze de ces douze articles. Que nous a-t-il dit sur le douzième ? Je pose cette question bien que, pour notre part, nous ne commentions aucune de ses décisions.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est pourtant ce que vous êtes en train de faire !

M. Carlos Da Silva. Il nous a dit de continuer, d’aller plus loin, pour que l’égalité devant le suffrage soit renforcée dans la commune de Paris. Il nous a dit, au fond, que nos intentions étaient trop timorées.

Quel est donc l’objectif de cette proposition de loi déposée M. le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Urvoas ? D’aller au bout de cette démarche.

Au fond, que se passe-t-il ? Au moment du débat sur le projet de loi relatif aux conseillers départementaux, je me souviens que vous vous plaigniez du fait que trois arrondissements aujourd’hui dirigés par la droite perdaient des sièges au conseil de Paris, et que trois arrondissements dirigés par la gauche en gagnaient. Refaites vos soustractions et vos additions : la proposition de loi que nous allons adopter ce soir fait exactement les mêmes opérations.

Nous faisons en effet le même calcul que vous, chers collègues de l’opposition, pour une raison simple : en réalité, les maires d’arrondissements qui appartiennent aujourd’hui à la majorité, c’est-à-dire les maire socialistes ou écologistes, ont, au cours de leur mandat, construit des logements et des crèches, ont développé les services publics, ce qui leur a permis d’augmenter la population de leur arrondissement. Vous avez, pour l’essentiel, fait le contraire dans les arrondissements que vous dirigez et ils ont perdu des habitants. Il faut bien que la loi électorale prenne tout cela en compte !

M. Bernard Debré. Mais vous n’y connaissez rien ! Vous ne pouvez pas dire ça !

M. Carlos Da Silva. Nous, nous sommes cohérents. Nous sommes cohérents à chaque réunion de la commission des lois, pour chaque texte dont nous discutons en séance. Nous ne faisons pas comme M. Goujon, qui, à l’occasion du débat sur le non-cumul des mandats, disait qu’il fallait absolument renforcer le pouvoir des maires d’arrondissement et qui maintenant, à propos des conseillers de Paris, s’exclame qu’il faut arrêter de prêter attention aux maires d’arrondissement et qu’il faut élire directement le maire de Paris au suffrage universel ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Lepetit. Très bien !

M. Carlos Da Silva. Je vous le dis, madame la députée de l’Essonne : sur le plan de la cohérence, nous n’avons aucune leçon à recevoir. Aucune leçon à recevoir non plus quant au mépris ou au respect du peuple du peuple envers nous, surtout de la part de celle qui a fui les Essoniennes et les Essoniens.

Au fond, je vous le dis, nous sommes fiers d’avancer encore plus loin, pour nos concitoyens, dans le respect du suffrage et dans le respect des élections. Nous faisons ce soir, comme c’est à chaque fois le cas pour les lois concernant les collectivités et les lois électorales, œuvre utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Mes réponses seront très brèves, car nous retrouverons ces éléments dans le débat. Madame Lagarde, vous dites qu’il ne faut pas légiférer un an avant l’élection. Alors que faire après la décision du Conseil constitutionnel, décision avant tout basée sur le principe d’égalité ? C’était, d’ailleurs, au cœur même des choix que nous avons faits pour les élections départementales. Vous n’imaginez pas que l’on puisse aborder la prochaine élection sans tableau par arrondissement, comme l’évoquait, voici un instant, Daniel Vaillant ?

Alors, oui, nous sommes contraints de légiférer. nous le faisons tranquillement, dans la transparence, la simplicité et sans intérêt partisan.

Monsieur Baupin, vous avez raison, cette proposition de loi était nécessaire. Revoir le statut de Paris est un objectif qui dépasse le champ de ce texte, de portée simple et qui vise à se mettre en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Moins d’un an avant une élection, et s’agissant d’un sujet compliqué, le mode d’élection des élus de la capitale, il fallait, du point de vue du Gouvernement, s’en tenir là encore à la simplicité.

Monsieur Braillard, j’ai bien entendu votre soutien sur ce texte depuis Lyon. Je vous en remercie. Et pour vous répondre en citant aussi La Fontaine, oui, on a souvent besoin, comme vous l’avez dit, d’un plus petit que soi, mais n’oubliez pas non plus la grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf !

M. Bernard Debré. Qui est la grenouille ? (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. J’en ajouterai une très jolie, juste pour vous, monsieur Tourret, puisque vous êtes là : les plus accommodants, ce sont les plus habiles, on hasarde de perdre en voulant trop gagner !

Je vous remercie, monsieur Bloche, d’avoir parlé de votre expérience de la vie politique parisienne. Vous avez rappelé, comme toujours avec clarté et concision, les éléments de cette proposition de loi et notamment son équilibre démographique.

Je ne doute, pour ma part, pas un seul instant, monsieur Goujon, que vous soyez très attaché à la mairie du 15e arrondissement…

M. Philippe Goujon. Je le confirme !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. … et à un mode de scrutin par arrondissement. Je constate, dans votre analyse des effets du scrutin, que vous n’êtes pas très optimiste sur les chances de succès de votre candidate !

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Vous dites que le maire de Paris n’est pas élu par tous les électeurs : c’est le cas pour tous les maires !

Vous pourriez proposer de transformer totalement le mode des élections de Lyon, Marseille et Paris et de supprimer les arrondissements.

M. Bernard Debré. Nous ne proposons pas de supprimer les arrondissements !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Peut-être, mais vous niez la réalité de ces arrondissements évoqués voici un instant par les maires d’arrondissement comme Patrick Bloche ou Daniel Vaillant.

M. Bernard Debré. Vous n’avez pas écouté !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Ce que vous êtes en train de proposer, c’est un autre mode d’élection. Or, vous avez gouverné cette ville, avec Jacques Chirac notamment, et vous avez gouverné le pays au cours de ces dernières années. Je sais que l’on peut changer d’avis, et je ne vous le reproche pas, mais vous n’avez jamais proposé d’autre mode d’élection ! C’est parce que celui-ci maintient un équilibre dans les arrondissements. Il y a eu des grands chelems, comme cela a été rappelé, mais cela a changé. Ce texte permet donc aussi un pluralisme. Ce que vous proposez est la fin de toute forme de pluralisme pour le territoire de ces grandes villes.

M. Bernard Debré. Il n’y a pas de pluralisme !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. N’allez pas nous faire croire à cette fable, vous, monsieur Debré, et les orateurs de l’opposition. Comme le soulignait Annick Lepetit, je crains que les auteurs de la saisine du Conseil constitutionnel ne se soient fait prendre dans cette affaire : vous avez saisi le Conseil non pas sur ce point, mais sur l’ensemble de la loi et il nous a rappelés au principe d’égalité.

J’ai beaucoup apprécié votre conception du « créneau naturel » pour légiférer entre 2007 et 2012. C’est une invention… particulière. J’ai d’ailleurs aussi apprécié l’avis que vous avez donné, avec humour ! sur le Conseil constitutionnel.

Daniel Vaillant, avec beaucoup de sagesse – parce qu’il est aussi l’héritier de Clemenceau à la mairie du 18! – Annick Lepetit et Carlos Da Silva ont parfaitement défini les fondements équilibrés de la proposition de loi. Daniel Vaillant, comme je viens de le souligner, a très bien expliqué aussi le mode de scrutin à Paris.

Quant à Nathalie Kosciusko-Morizet, elle a remis en cause la loi PLM, celle qui a modelé la réalité politique actuelle. Mais si vous vouliez donner davantage de pouvoirs aux mairies d’arrondissement, vous pouviez le faire ! Or vous ne l’avez jamais fait. C’est Bertrand Delanoë qui a donné des moyens supplémentaires aux mairies d’arrondissement.

Mme Annick Lepetit. Exact !

M. Philippe Goujon. Si peu !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Il a aussi ouvert la discussion avec la périphérie.

Madame Kosciusko-Morizet, vous parlez de tripatouillage. Le non-cumul des mandats est-il du tripatouillage ?

M. Bernard Debré. Oui !

M. Jean Leonetti. La façon dont vous le faites, oui !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. La parité pour les cantonales, est-ce du tripatouillage ? L’élection directe des élus à l’intercommunalité, est-ce du tripatouillage ?

M. Philippe Goujon. Parlez-nous du redécoupage !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Vous qui vous présentez devant les électeurs parisiens et leur parlez de modernité, allez leur expliquer que vous êtes contre le cumul des mandats, contre la parité et contre l’élection directe des conseillers intercommunaux, alors que vous proposez aujourd’hui d’élire directement le maire de Paris ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Honnêtement il y a là, pour des raisons uniquement politiciennes, une incohérence de votre part qui, je le crois, intéressera les Parisiens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Debré, inscrit sur l’article.

M. Bernard Debré. Monsieur le ministre, je suis surpris : je pense que vous n’avez pas lu ma proposition de loi. Ou peut-être ne l’avez-vous pas comprise ? Mais cela m’étonnerait beaucoup de la part d’une intelligence telle que la vôtre. Dans la proposition de loi, nous préservons les maires d’arrondissement.

M. Pascal Popelin, rapporteur. Dans votre proposition de loi !

M. Bernard Debré. Notre proposition, effectivement ! Dans notre proposition, nous demandons simplement un peu plus de démocratie pour les Parisiens. Avez-vous tellement peur de cette démocratie ? (Rires sur les bancs du groupe SRC.) On en a l’impression ! D’ailleurs, monsieur le ministre, si nous avons saisi le Conseil constitutionnel, c’est pour aller beaucoup plus loin. C’est ce que nous proposait le Conseil constitutionnel. Vous vous êtes arrêté au milieu du gué. Vous avez, je l’ai rappelé tout à l’heure, failli fusionner les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements. Allez plus loin ! Vous auriez pu faire un seul arrondissement.

Mme Annick Lepetit. Il est content, M. Goujon !

M. Pascal Popelin, rapporteur. On le fera avec la métropole, ne vous inquiétez pas !

M. Bernard Debré. Avec le système que vous avez failli appliquer, vous supprimiez les mairies du 2e, du 3e et du 4e arrondissement. C’est vous qui étiez sur le point de supprimer les mairies d’arrondissement, pas nous !

J’ai entendu les éminents orateurs du groupe socialiste nous parler de l’attachement des Français au maire d’arrondissement, qui n’a strictement aucun pouvoir.

M. Patrick Bloche. C’est faux !

M. Bernard Debré. J’ai même entendu tout à l’heure quelqu’un qui n’est pas de Paris dire que la gauche avait tout construit et que la droite n’avait rien fait. Mais les maires d’arrondissement n’ont pas la possibilité de construire, puisque c’est le maire de Paris qui a tous les pouvoirs ! Ne serait-il pas normal, monsieur le ministre, que le maire de Paris, qui a tous les pouvoirs, soit élu ? Entendons-nous bien, et ne jouons pas sur les mots : qu’il soit élu avec son équipe ! Nous ne demandons pas que le maire soit élu par tous, mais son équipe, comme dans toutes les municipalités.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Debré !

M. Bernard Debré. Vous vous êtes donc quelque peu empêtré dans votre définition de la mairie d’arrondissement, que vous vouliez supprimer pour les 2e, 3e et 4e arrondissements alors que nous voulons, pour notre part, les conserver, simplement pour que les Français goûtent, enfin, à la démocratie !

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n1 rectifié. La parole est à M. Bernard Debré pour le soutenir.

M. Bernard Debré. Il est tout de même très surprenant que, ayant manifesté votre volonté de supprimer ces mairies des 2e, 3e et 4e arrondissements, comme je le soulignais tout à l’heure, vous nous accusiez de faire après ce que vous vouliez réaliser avant !

Pour ne pas faire de surenchère dans les fables de La Fontaine, je dirai pour ma part timeo Danaos et dona ferentes : craignez toujours les Grecs, même quand ils vous font des cadeaux. Nous craignons, pour notre part, les socialistes quand ils nous disent qu’ils vont rectifier la loi !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je crois aussi qu’il faut craindre le Conseil constitutionnel quand il demande de refaire la loi.

Ce n’est pas un amendement que vous proposez, c’est en fait un contre-projet. Il a reçu un avis défavorable de la part de la commission des lois, pour plusieurs raisons.

La première raison a été donnée pendant la discussion générale : c’est un principe républicain selon lequel on ne change pas les règles du jeu à moins d’un an d’un scrutin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Debré. Alors pourquoi les changez-vous ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Nous ne changeons ni le nombre de conseillers, ni le nombre et le format des arrondissements : nous ne changeons pas les règles du jeu, nous procédons à un ajustement. C’est ce que j’ai précisé en commençant l’examen de ce texte.

Nous nous sommes attachés à maintenir au plus près le scrutin existant en tenant simplement compte des principes d’égalité du suffrage tels qu’ils sont prescrits par le Conseil constitutionnel. Et c’est vous qui parlez de tripatouillage, alors qu’à quelques mois des élections vous voulez totalement modifier les règles !

M. Bernard Debré. La démocratie n’a jamais été un tripatouillage !

M. Pascal Popelin, rapporteur. La deuxième raison est une question de cohérence. Là aussi, l’argument vous a déjà été donné. Le mode de scrutin à Paris est issu de la loi Paris-Lyon-Marseille. Mais pour vous, ce qui n’est pas bon pour Paris reste valable pour Lyon et pour Marseille ! Ni votre proposition de loi, ni votre amendement n’ont suffisamment de souci de cohérence en effet pour proposer de modifier le mode de scrutin à Lyon et à Marseille.

M. Bernard Debré. Faites-le !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Je vous opposerai un autre argument relatif à la démocratie de proximité. Là aussi les choses ont été dites. Les arrondissements à Paris sont une réalité, un phénomène parfaitement intégré par les Parisiennes et les Parisiens. Est-il opportun d’affaiblir, par un mode de scrutin radicalement nouveau, cet échelon de proximité ? Nous ne le pensons pas. Je vous donne toutefois acte, monsieur Debré, d’avoir cessé, dans vos explications, de prétendre que les Parisiennes et les Parisiens pourraient directement élire leur maire. Car ce n’est pas le cas. Ce n’est le cas dans aucune commune de France ! On élit des conseillers municipaux. A Paris, on élit les conseillers de Paris, lesquels élisent le maire de Paris.

J’ajouterai, enfin, un argument de sincérité. Je vous donne acte que vous avez souhaité avec constance que l’on modifiât le mode de scrutin à Paris. Vous l’avez proposé en août 2007 dans une première proposition de loi – j’observe d’ailleurs que vous avez tendance à proposer cela à l’approche des élections. Mais pourquoi la majorité à laquelle vous avez appartenu pendant un quinquennat n’a-t-elle pas trouvé le temps d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ? Et, de la même manière, pourquoi votre groupe n’a-t-il pas profité depuis le début de la législature de ses niches parlementaires pour défendre cette proposition de loi ? Pourquoi, lorsque vous avez formé votre recours devant le Conseil constitutionnel, n’en avez-vous pas profité pour contester le mode de scrutin actuel et essayer d’en trouver un autre ?

C’est parce que le recours que vous avez déposé vous revient en pleine figure, car vous êtes d’une certaine manière dans la situation de l’arroseur arrosé, que vous cherchez à faire diversion avec, comme porte de sortie, un grand chamboule-tout institutionnel à Paris.

Ce n’est pas la tradition républicaine. Ce n’est pas, je pense, l’intérêt des électrices et des électeurs, qui ont besoin de clarté. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a donné un avis défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Vous souhaitez que Paris devienne une circonscription électorale unique pour l’élection des conseillers de Paris, et vous affirmez vouloir donner le droit à tous les Parisiens d’élire directement leur conseil de Paris et leur maire. Ce dernier point est inexact. Dans le dispositif que vous proposez, les Parisiens élisent les conseillers de Paris, qui procèdent ensuite à l’élection du maire – comme dans le dispositif actuel. L’amendement ne permet donc pas, contrairement à ce qui est dit dans l’exposé sommaire, l’élection directe du maire de Paris.

Dans votre contribution au rapport fait au nom de la commission des lois, monsieur Goujon, vous estimez souhaitable de dissocier l’élection des conseillers d’arrondissement de celle des conseillers de Paris. C’est ce que prévoit l’amendement. Le Gouvernement n’est pas favorable à une telle dissociation, qui remettrait en cause les fondements mêmes des élections municipales dans les grandes villes de Lyon, Marseille et Paris.

Il n’a jamais été question de modifier le mode de scrutin, mais simplement de l’adapter aux évolutions démographiques qui ont eu lieu depuis 1982. S’il y en a qui, à quelques mois des élections, alors qu’ils ne l’ont proposé ni pendant les dix ans où ils étaient au pouvoir, ni avant quand Jacques Chirac était maire de Paris, voudraient faire un tripatouillage, ce sont précisément, pardonnez-moi de le dire, les auteurs de l’amendement.

Le Gouvernement s’inscrit dans la continuité de la proposition de loi présentée par Jean-Jacques Urvoas parce qu’elle préserve la cohérence nécessaire entre les candidats au conseil d’arrondissement et les candidats au conseil de Paris.

Dans sa décision du 16 mai, le Conseil constitutionnel n’a d’ailleurs pas remis en cause ce principe de l’identité entre candidats au conseil d’arrondissement et candidats au conseil de Paris. Il a en revanche rappelé la nécessité de modifier la répartition des conseillers de Paris pour respecter l’exigence constitutionnelle de l’égalité devant le suffrage. Si nous ne l’avions pas fait, il n’y aurait pas eu de tableau pour les élections municipales de 2014 et, de toute façon, une QPC aurait soulevé le problème à un moment ou à un autre.

À cet égard, cette proposition de loi est cohérente et logique. Elle permet en outre, en supprimant le minimum de trois sièges par arrondissement et en prévoyant un nombre de conseillers par habitant équivalent dans chaque arrondissement, de répondre à l’injonction du Conseil constitutionnel.

Pour cette raison, le Gouvernement donne un avis défavorable à cet amendement.

Le Gouvernement et la majorité, mesdames et messieurs de l’opposition, respectent toutes les décisions du Conseil constitutionnel. Contrairement à vous, nous ne faisons pas le tri. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je serai très bref, parce que le rapporteur et le ministre ont donné d’excellents arguments, mais comment ne pas remarquer combien cet amendement est à contre-courant de l’histoire politique et démocratique de Paris depuis le statut de 1977 ? Derrière l’illusion d’un suffrage universel direct qui serait la quintessence de la démocratie, vous allez en effet à l’encontre de ce qu’est l’aspiration des Parisiens, l’aspiration à une démocratie exercée au plus près des lieux où ils habitent, au plus près de leurs préoccupations.

En l’occurrence, c’est le grand mouvement de décentralisation, qui était au cœur du second mandat municipal de Bertrand Delanoë, qui serait remis en cause alors même que, comme le préfet de police Gaudin nous en avait fait un jour la confidence, avec le recul qui était le sien, on ne mesure pas assez le poids politique qu’ont pris les maires d’arrondissement depuis 1983a fortiori ces dernières années. Vous voulez revenir en fin de compte à un maire de Paris bonapartiste, centralisateur, comme du temps où, après les scrutins de 1983 et de 1989, Jacques Chirac faisait des maires d’arrondissement des adjoints au maire de Paris.

Cet amendement, et l’avoir signé est un acte de masochisme, monsieur Goujon, est à contre-courant de l’aspiration des Parisiens. Il montre d’une certaine manière que vous n’avez rien compris à ce que sont les Parisiennes et les Parisiens du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. Ce que je viens d’entendre est très choquant. Vous sautez comme des cabris partout, en répétant « le maire d’arrondissement, le maire d’arrondissement, le maire d’arrondissement » ! Vous en faites l’alpha et l’oméga de la démocratie à Paris ! C’est extraordinaire. Nous sommes favorables, évidemment, au maire d’arrondissement. Notre amendement le maintient et lui conserve tous ses pouvoirs, c’est-à-dire très peu.

Mme Annick Lepetit. Il en aurait encore moins avec vous !

M. Bernard Debré. Dans la démocratie que vous voulez instaurer, on se sert comme étendard du maire d’arrondissement, qui n’a pas de pouvoirs. Vous demandez aux gens de voter pour lui en expliquant que c’est la démocratie, alors que c’est le maire de Paris qui a le pouvoir.

Mme Annick Lepetit. C’est incroyable !

M. Bernard Debré. Je vous rappelle simplement que le premier mandat de M. Delanoë a été tout à fait remarquable : il a été élu par une minorité de Parisiens.

M. Patrick Bloche. C’est faux ! C’est grotesque !

M. Bernard Debré. Peut-être de très peu… Mais il n’avait pas la majorité !

Vous faites donc du maire d’arrondissement la quintessence de la démocratie, alors qu’elle se situe au niveau du maire de Paris.

Comme le disait M. Baupin, nous aurions pu ensemble revoir le mode de scrutin à Paris. Cela aurait été beaucoup plus démocratique que ce que vous proposez parce que, derrière vos sauts de cabri frénétiques, vous vouliez tout de même supprimer en douce la mairie du 2e, celle du 3e et celle du 4! Le ministre l’a avoué tout à l’heure. Alors, franchement…

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Étant optimiste, je vois néanmoins un signe d’espoir et d’espérance dans cette proposition de loi : c’est le profond désarroi de la gauche parisienne (Rires sur les bancs du groupe SRC), obligée de modifier les règles du scrutin pour éviter une catastrophe électorale à sa candidate, Mme Hidalgo.

Cela dit, je voudrais surtout m’étonner que le scrutin que nous proposons, celui qui existe dans toutes les villes de France : maire et conseillers municipaux élus dans une circonscription unique sur une même liste, déplaise si fortement aux élus ici présents. Ce que nous voulons simplement, c’est que le maire de Paris soit élu par tous les Parisiens, ce qui n’empêche pas du tout, bien au contraire, les arrondissements d’exister. Des conseillers de Paris élus par tous les habitants auraient d’ailleurs encore plus de pouvoirs, et il serait bon pour la démocratie que les élus aient une base électorale plus forte que celle, restrictive, de l’arrondissement.

Quant à la façon dont M. Bloche transforme l’histoire, elle est assez extraordinaire. Les maires d’arrondissement sont totalement dépourvus du moindre pouvoir.

M. Pascal Cherki. C’est faux !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Vous ne servez donc à rien ?

M. Jérôme Guedj. M. Cherki n’est pas d’accord !

M. Philippe Goujon. Il s’en plaint assez souvent, M. Cherki !

Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 1982, a accepté la création des maires d’arrondissement, c’est uniquement parce qu’ils n’avaient pas d’existence juridique, pas de personnalité morale, pas d’autonomie budgétaire et aucun pouvoir décisionnel.

Plusieurs députés du groupe SRC. Cela a changé !

M. Philippe Goujon. Quelques bricoles ont été accordées, c’est vrai : maintenant, les maires d’arrondissement peuvent réparer les carreaux cassés dans les écoles et acheter des couches pour les crèches. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Annick Lepetit. Quel mépris ! C’est scandaleux !

M. Philippe Goujon. Voilà la grande révolution démocratique de M. Delanoë. Cela ne changera rien du tout aux pouvoirs des maires d’arrondissement.

(L’amendement n1 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, sur l’article 2.

M. Pascal Cherki. Monsieur Goujon, je vous invite à ne pas désespérer d’utiliser la plénitude de vos prérogatives de maire d’arrondissement, prérogatives qui sont d’abord politiques, ce sont les plus importantes, avant d’être juridiques.

Les Parisiens ont deux maires, et ils le savent : leur maire d’arrondissement et le maire de Paris. Quand ils vont voter, ils savent très bien qui sera le maire de Paris – en l’occurrence, la prochaine fois, la maire – puisqu’ils connaissent les chefs de file parisiens, et ils savent aussi qui sera leur maire d’arrondissement.

Dans les arrondissements, nous avons le pouvoir que nous confère la légitimité du suffrage universel. Quand les habitants viennent nous voir, ce n’est pas simplement pour se plaindre des carreaux cassés. L’entretien des écoles, c’est tout de même l’une des plus vieilles fonctions communales ! Nous sommes aussi présidents des caisses des écoles, nous avons la charge de nourrir les enfants ! S’occuper des crèches, qui sont des équipements transférés, c’est une belle et noble mission ! S’occuper des équipements sportifs de proximité, où la majorité de nos habitants pratiquent le sport, c’est tout de même une bonne chose ! Être partenaire du préfet de police sur le contrat local de sécurité avec le maire de Paris, ce n’est pas rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je pourrais vous faire la liste de ces fonctions, monsieur Goujon. Quand on les occupe vraiment, avec le souci de servir la population, on est très content d’être maire d’arrondissement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Philippe Goujon. Baratineur !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. L’exposé des motifs de cet article est très intéressant : « L’article 2 modifie l’article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales afin de supprimer les dispositions prévoyant d’élire le maire d’arrondissement et au moins un des adjoints au maire d’arrondissement parmi les membres du conseil municipal, ces dispositions ne pouvant être mises en œuvre dans le 1er arrondissement où ne sera élu qu’un conseiller de Paris, tandis qu’elles priveraient de toute liberté de choix les conseils d’arrondissement dans les arrondissements où ne sont élus que deux conseillers d’arrondissement ».

Est-ce vraiment compréhensible ? J’aurais aimé que les Parisiens vous entendent : il n’était question que de 25 % par ci, du maire d’arrondissement, du 1er arrondissement, qui n’est pas comme les autres, par là… C’était totalement incompréhensible.

Avouez qu’il serait tellement plus simple et démocratique que le maire de Paris, par le biais de son conseil municipal, soit élu par les Parisiens ! Cela aurait été plus simple, plus compréhensible. Un grand nombre d’orateurs, de Paris ou d’ailleurs, ont critiqué l’amendement qui vient d’être rejeté, mais il donnait tellement de clarté à l’élection du maire de Paris ! Vous préférez l’obscurité, tant pis pour vous.

Mme la présidente. Avez-vous défendu ainsi votre amendement n2, monsieur Debré ?

M. Bernard Debré. Oui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Pascal Popelin, rapporteur. Pour ce qui est de la clarté, qui peut prétendre que les Parisiennes et les Parisiens qui ont voté en 1983 et en 1989 pour Jacques Chirac – je vous concède qu’en 1995, cela pouvait être un peu plus compliqué – ou qui ont voté en 2001 pour Bertrand Delanoë ou qui choisiront des candidats en 2014…

M. Bernard Debré. Des candidates !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Il y aura aussi quelques candidats, monsieur Debré, ne réduisez pas l’élection à deux personnes !

M. Denis Baupin. Très bien !

M. Pascal Popelin, rapporteur. Qui peut prétendre donc qu’ils auront un doute sur le vote qu’ils émettront, sur la personne qui pourrait devenir le prochain maire de Paris ? Sincèrement, cet argument ne tient pas.

Quant à cet amendement, il s’agit d’une mesure de cohérence, valable pour le cas où votre amendement à l’article 1er aurait été adopté. Tel n’a pas été le cas. Avis donc naturellement défavorable.

M. Philippe Goujon. Ce n’est vraiment pas un argument !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Bernard Debré. M. Vaillant étant présent, je vais vous donner un exemple très intéressant. Je n’habite pas le 18e arrondissement (Rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste), et c’est dommage pour moi, mais je connais des gens, monsieur Vaillant, qui vous apprécient énormément. Or, ces gens aimeraient avoir Nathalie Kosciusko-Morizet pour maire de Paris.

Mme Annick Lepetit. Mais non !

M. Bernard Debré. Avec votre texte, ce ne sera pas possible, car c’est tout ou rien. Avec mon amendement, que vous avez refusé, ils auraient pu voter pour vous : vous auriez été maire du 18e arrondissement et Nathalie Kosciusko-Morizet maire de Paris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Vaillant. M. Goujon est bien maire du 15e arrondissement alors que M. Delanoë est maire de Paris !

M. Bernard Debré. Beaucoup dans le 15e n’ont pas le même avis que dans le 18!

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

(L’article 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je n’ai pas reçu d’explications de vote.

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Suite de la discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat tendant à modifier la loi n2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires (nos 473, 825).

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Hetzel. Avant d’entrer dans la discussion du texte, il me semble important de signaler que nous travaillons dans des conditions qui ne sont pas acceptables pour un parlement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Écoutez un peu l’opposition ! Un minimum de respect ne peut pas nuire au déroulement des débats, même si je sais que c’est difficile pour la majorité.

J’ai consulté la feuille verte : ce texte était prévu pour demain, mais la majorité, manifestement très fébrile – sans doute les députés ont-ils envie de retourner très vite dans leurs circonscriptions – nous bouscule.

M. Gérard Sebaoun. On sera là demain !

M. Patrick Hetzel. Nous avons donc appris hier qu’il viendrait en discussion dès ce soir. Cela témoigne très clairement d’une précipitation qui nous empêche de travailler dans de bonnes conditions.

M. Jérôme Guedj. N’importe quoi ! C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

M. Patrick Hetzel. Nous protestons de manière extrêmement vive quant à la manière dont ce travail a été engagé. Sur un tel texte, nous avons besoin de sérénité. Nous en viendrons au fond tout à l’heure, mais pour ce qui est de la forme, un tel procédé est inacceptable. Nous devons perpétuellement subir des coups de force de la part du Gouvernement. Ce n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je prends acte de votre remarque, monsieur Hetzel. C’est effectivement à la Conférence des présidents d’hier qu’il a été demandé que le texte soit examiné dès ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !

M. Philippe Gosselin. C’est de l’abattage !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, après le ridicule de la première séance consacrée à ce texte, où nous avons entendu la présidente de la commission nous relire trois fois la lettre du président du Comité consultatif national d’éthique…

M. Philippe Gosselin. Elle n’est pas là ce soir ? Elle pourrait nous la lire une quatrième fois !

M. Jean Leonetti. …et la ministre deux fois son discours, sans en modifier la moindre virgule, nous avions espéré que vous nous proposeriez un débat citoyen, ou un avis du Comité consultatif d’éthique,…

M. Olivier Véran. Il l’a déjà rendu !

M. Jean Leonetti. …afin d’apaiser ce débat complexe.

Eh bien non. Vous revenez avec un certain mépris, une certaine arrogance.

M. Patrick Hetzel. Comme d’habitude !

M. Jean Leonetti. Vous avez décidé, la nuit, en été, de modifier la loi de bioéthique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Posons-nous la question : qu’est-ce que l’éthique ? Si la religion révèle des vérités aux croyants et si la morale édicte des règles, l’éthique, elle, s’interroge. Peut-être serait-il bon que ce doute utile et fertile dont parle Axel Kahn imprègne un instant nos esprits, pour que nous ayons chacun la conviction de n’avoir pas forcément raison.

Si nous avons aujourd’hui une conviction, c’est que nous n’avons peut-être pas raison sur tout, mais que vous avez certainement tort de penser que vous avez raison sur tout. Vous avez tort de penser que vous avez moralement raison parce que vous êtes politiquement majoritaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)C’est une erreur politique, car cela inscrit le débat sur la bioéthique dans les fluctuations des majorités successives, chaque fois que la majorité change, ce qui n’est pas l’esprit du débat.

M. Christian Paul. Vous ne la changerez pas, cette loi, de toute façon !

M. Jean Leonetti. Par ailleurs, c’est une faute morale que de passer en force sur un sujet tel que l’éthique, tel que la recherche sur l’embryon. Cette erreur montre à quel point vous méprisez le débat, certains que vous avez raison, sur ce sujet comme sur d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Se pose aussi la question de l’urgence ; car si ce sujet est essentiel, il n’est pas urgent.

M. Christian Paul. C’est une rhétorique usée !

M. Jean Leonetti. Il est essentiel comme tout ce qui touche à l’humain, à l’intime et à la conviction de chacun, mais il n’est pas urgent. Lorsque l’on débat avec nos concitoyens, en leur expliquant que nous discutons d’une interdiction avec dérogation ou bien d’une autorisation encadrée, ils ont l’impression que, dans un pays où le chômage explose et où la croissance est en berne, nous sommes en train de discuter du sexe des anges dans Byzance assiégée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c’est grand !

M. Jean Leonetti. Mais puisque vous voulez débattre, débattons ! Un instant au moins, et ici au moins. Sur la forme, tout d’abord. Rappelons toutefois quelle procédure nous avions employée. Elle était simple. Il y a deux ans, nous avions créé une commission spéciale dont nous avions confié la présidence à l’opposition. Cela vous choque ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Jean Leonetti. Il y avait eu un débat sur internet ; des états généraux avec des débats en région ;…

M. Marc Le Fur. À Rennes, en particulier.

M. Jean Leonetti. … des jurés citoyens tirés au sort et constitués en panels pour rendre des avis ; dix-huit mois d’auditions et de débats – les personnes auditionnées étaient choisies par la majorité et par l’opposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. La vraie démocratie !

M. Jean Leonetti. Nous avions alors trouvé au moins un point d’accord, un amendement présenté et voté à l’unanimité : « Toute modification des lois bioéthiques nécessitera désormais une organisation des états généraux avec un débat citoyen confié au Comité national d’éthique. » Vous l’avez voté il y a deux ans et vous le reniez aujourd’hui, en considérant que ce qui était indispensable quand vous étiez dans l’opposition est devenu parfaitement inutile, parce que vous êtes dans la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez fait des auditions discrètes.

M. Patrick Hetzel. Très discrètes !

M. Philippe Gosselin. Même pendant les vacances parlementaires !

M. Jean Leonetti. L’opposition a été méprisée – tout au moins n’a-t-elle pas été associée à l’ensemble des auditions. Le débat public a été inexistant.

M. Julien Aubert. Un embryon de débat !

M. Jean Leonetti. Et c’est ici, par une nuit d’été, en session extraordinaire, que par le biais d’une petite proposition de loi, vous modifiez la loi de bioéthique. Je veux vous rappeler cette phrase de votre collègue Jean-Marie Le Guen, parce que je vous entends répéter qu’il s’agit d’une promesse du candidat Hollande – je n’aurai pas l’impertinence de vous rappeler le nombre de promesses déjà enterrées – : M. Le Guen disait que l’exercice d’un mandat politique ne se résume pas à la lecture religieuse et littérale d’un programme. Il est inutile, d’ailleurs, de reprendre le débat puisque, comme j’ai pu l’entendre, le CCNE s’est déjà prononcé et que le débat citoyen a déjà eu lieu.

M. Philippe Gosselin. Partez donc, si vous le voulez !

M. Jean Leonetti. Rappelons ce que disait ce débat citoyen : qu’il fallait distinguer ce qui était interdit et ce qui était autorisé. Il refusait effectivement une autorisation encadrée. C’est aux pages 16 et 36 du rapport des états généraux de Marseille que vous pouvez lire cela. Personne ne peut ignorer ce fait. Le débat public, pour vous, a eu lieu il y a deux ans, et il n’a désormais plus d’intérêt.

Le rapporteur du Comité national d’éthique était M. Ameisen – ce qui tombe bien, puisqu’il est choisi dans vos rangs et qu’il préside le Comité à la demande du Président de la République et avec l’accord de l’opposition, ce qui prouve que nous ne sommes pas sectaires. Il concluait en disant qu’il y avait déjà une transgression dans le fait de détruire les embryons surnuméraires. Cela montre que le rapport, qui avait choisi de ne pas choisir, était flou et sans orientation spéciale. Aujourd’hui, nous devrions demander au Comité de nous donner un avis éclairé sur ce sujet.

Enfin, votre texte est troublant. J’entends l’hypocrisie qui consiste à interdire puis à autoriser. L’article 16 du code civil – ce n’est pas le Pape qui l’a écrit (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), il fait partie de notre droit positif – dit que l’on respecte la personne humaine dès sa conception. Peut-être faut-il aussi changer l’article 16, puisqu’il vous gêne ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Peut-être faut-il changer le Comité d’éthique ? Mais, même en changeant le Comité, il continue à vous donner des rapports qui ne vont pas dans le même sens que vous. Aussi considérez-vous à ce moment cet avis comme nul et non advenu. Je vous rappelle également que vous n’assumez même pas la transgression, puisque votre texte dit que la recherche sur l’embryon est autorisée dans certaines conditions et non pas que la recherche est autorisée. Vous dites en réalité qu’aucune recherche ne peut être effectuée sans autorisation.

M. Gérard Sebaoun. Oui !

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Comme pour toute recherche !

M. Jean Leonetti. Cela signifie que la recherche n’est pas autorisée, sauf dans des cas particuliers. C’est du français et cela n’est pas édicté par un quelconque lobby. Vous vous trouvez dans une situation telle que vous avez refusé la diversité et la complexité et vous arrivez aujourd’hui avec une décision qui a en fait un argument fort : nous avons enfin la possibilité de sortir de l’ambiguïté. Réfléchissons donc à la façon dont nous pouvons sortir de l’ambiguïté sur le sujet. D’abord, il existe une possibilité que nous avions explorée : distinguer l’embryon dans sa totalité de la cellule-souche et dire que le tout n’est pas la partie. Mais malheureusement, au commencement, l’embryon, comme l’a dit tout à l’heure M. Touraine, s’il est un amas de cellules, il est également porteur d’avenir, comme le dit M. Ameisen, il est une personne humaine en devenir.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, exactement !

M. Jean Leonetti. Il en résulte une situation très particulière dans laquelle il y a des choses que l’on peut faire et d’autres non ; mais distinguer l’embryon de la cellule est très difficile, puisqu’au départ, il est une cellule. On pourrait aussi se dire qu’on aurait pu choisir de donner un statut à l’embryon : entre la chosification de l’amas de cellules et la personne humaine. Personne ne l’a fait, car c’est impossible. Le devenir d’êtres humains n’est pas définissable à la manière d’un droit positif : c’est quelque chose qui se mesure à l’aune de l’avenir. Nous sommes donc obligés de débattre sur un sujet qui n’est ni une personne humaine, ni un amas de cellules.

Si nous nous trouvons dans cette situation, il faut que nous l’acceptions, conformément à notre droit positif selon lequel la vie humaine est protégée dès sa conception et conformément à l’éthique qui rappelle que, même sans statut juridiquement défini, il s’agit d’un être en devenir qui mérite une protection juridique. De plus, ce que vous proposez n’apporte rien à la recherche scientifique française. Pour regarder et écouter ceux qui sont intervenus dans ce sujet, je citerai deux personnes favorables à l’autorisation.

Tout d’abord, demandons-nous si des recherches ont été interdites en France à cause du dispositif alors en vigueur – un processus temporaire d’autorisation avec un moratoire. Sur soixante-quatre projets de recherche, le seul projet de recherche qui a été écarté demandait que des cellules embryonnaires puissent être utilisées à des fins de tests cosmétiques. Je suppose que personne ici n’envisage que cela soit possible. Les projets n’ont donc pas été rejetés. Cette orientation antérieure – l’interdiction avec dérogation – a bien fonctionné.

À ce propos, la loi sur l’avortement est-elle compatible avec le code civil ? Vous l’avez peut-être oublié, mais la loi sur l’avortement est une dérogation à une interdiction : pourtant vous considérez que l’avortement jouit d’une autorisation, parce que vous avez décidé que cette loi ne devait pas être changée, et personne – en tout cas pas moi – ne le souhaite. En réalité, on protège l’être humain dès sa conception, même si l’on intervient pour un avortement. Vous devez vous mettre cela dans l’esprit pour comprendre que l’idée de l’interdiction avec dérogation est un principe de notre droit français qui lui permet une certaine stabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est magistral !

M. Jean Leonetti. Je ne rentrerai pas dans un débat pour savoir s’il faut ou non donner la priorité aux cellules-souches embryonnaires ou aux cellules-souches adultes. Toutefois, qu’un prix Nobel en 2012 ait été attribué à un Japonais, M. Yamanaka, qui a réalisé une prouesse assez géniale est révélateur : prendre une cellule adulte de peau et la faire régresser jusqu’à une cellule originelle multipotente. C’est une voie de recherche d’avenir. Je ne veux pas dire par là qu’il faut interdire toute recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires, mais qu’il est très dangereux, comme je l’entends parfois, de laisser espérer à des malades, qui ont une cécité, à cause d’une DMLA, ou des problèmes médullaires et qui ne peuvent de ce fait pas marcher, que si l’on autorise la recherche sur l’embryon, ils pourront dès demain marcher et voir de nouveau.

Rappelez-vous aussi ce que disait le directeur de l’INSERM à ce sujet : « Si vous avez trouvé mes propos optimistes, c’est que je me suis mal exprimé. » Il faut arrêter de faire croire que le simple passage d’une interdiction avec dérogation à une autorisation encadrée permettrait, dans les semaines, les mois ou les années à venir, des modifications fondamentales. Cette recherche est autorisée depuis longtemps aux États-Unis et l’on a vu qu’un certain nombre de recherches engagées, en particulier sur les sections médullaires, ont été arrêtées à cause de certains inconvénients. Elles reprennent désormais, avec un autre protocole. Sur ce sujet, sur le plan purement scientifique, il n’y a pas d’inconvénient majeur à se retrouver dans une situation d’interdiction avec dérogation.

Enfin, est-ce que vous pensez que ce serait bien que je vous dise à cette tribune que, dès que nous retrouverons la majorité – et cela viendra, peut-être plus tôt que la majorité le pense, parce que la démocratie est faite d’alternance –, nous devrons balayer toutes vos lois relatives à l’éthique ?Ne pensez-vous pas que sur le plan éthique, nous devons essayer de trouver des consensus qui stabilisent la recherche ? Vous voulez une recherche stable, mais est-ce intelligent de pousser le curseur à un point tel que nous serons obligés de le faire revenir à un autre point, dans un contexte de revanche ?

M. Christian Paul. Les Français ne veulent pas de votre revanche.

M. Jean Leonetti. Pensez-vous que le débat éthique mérite que l’on s’affronte ? Ou que l’on zigzague entre une position et une autre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous pouvons donc nous interroger : quelle est votre motivation pour présenter ce texte, presque en urgence et presque de manière cachée ?

M. Christian Paul. Mais voyons !

M. Sébastien Denaja. C’est la procédure parlementaire !

M. Jean Leonetti. Probablement le fait que François Hollande a dit un jour qu’il ferait procéder à cette modification s’il était élu… Mais peut-être aurions-nous pu passer par la case simple du Comité d’éthique.

M. Philippe Gosselin. C’était trop simple !

M. Jean Leonetti. Pour nous avoir lu à trois reprises la lettre du Comité d’éthique sur un autre sujet, dans laquelle le Comité rappelle qu’il veut être saisi sur tous les sujets de bioéthique, peut-être auriez-vous pu vous en inspirer pour mener des débats citoyens et interroger le Comité consultatif d’éthique, avant de vous plier à ces décisions. Mais vous avez peur et du peuple, et du Comité d’éthique, même après avoir mis à sa présidence quelqu’un issu de vos rangs. Cela prouve que vous n’avez pas grande confiance dans la présentation que vous faites aujourd’hui de votre loi.

Une deuxième possibilité pourrait consister à balayer l’embryon, en n’y voyant qu’un amas de cellules. Malheureusement, nous avons signé la convention d’Oviedo. Pour ceux qui comme moi aiment l’Europe, et qui pensent comme moi que l’Europe est un peu plus qu’un espace économique et qu’elle doit porter un certain nombre de valeurs, il existe une convention qui s’appelle la convention d’Oviedo : elle donne la primauté à l’être humain par rapport à la science et rappelle la protection adéquate que l’on doit donner à l’embryon.

Peut-être que si nous respections aussi les actes internationaux que nous avons signés,…

M. Philippe Gosselin. Respecter sa signature, ce n’est pas plus mal !

M. Jean Leonetti. … il serait utile, dans un contexte de stabilité européenne, que nous le fassions dans la continuité.

Je sais bien sûr que certains d’entre vous pensent que tout cela n’est qu’idéologie et qu’étant monté à la tribune, je parle forcément au nom de la religion ou de la morale – ou de la morale établie. Mais vous vous trompez sur le sens d’un débat éthique : il n’oppose pas la morale à la science, même s’il y a eu beaucoup de cas où la science a montré qu’elle était immorale. Ce n’est pas non plus le combat du bien contre le mal, ni du permis contre l’interdit. Le débat éthique, c’est un combat du bien contre le bien, la conciliation de deux formes du bien susceptibles de s’affronter dans un conflit de valeurs. Nous avons deux formes du bien à défendre : celui de la recherche scientifique, qui ne doit pas être entravée, mais celui aussi du respect de la personne humaine parce que si nous ne respectons pas cet équilibre entre les deux,…

M. Jérôme Guedj. C’est ce que fait la gauche !

M. Jean Leonetti. … nous n’aboutirons pas à un texte équilibré, mais à un texte qui oscillera à mesure qu’une majorité en remplacera une autre.

J’ai une autre inquiétude au fond de moi. Bien sûr, j’ai écouté M. Philippe Menasché lors de son audition : il a dit que l’important pour lui n’était pas qu’il aurait été empêché de faire quelque chose par le dispositif actuel, mais qu’il était convaincu que l’industrie pharmaceutique était à l’affût d’opportunités d’investissements dans ce domaine : dès lors que la recherche aura prouvé que les cellules souches peuvent être multipliés à l’infini et devenir un outil pour la recherche, mais aussi pour les tests et l’exploitation des médicaments, ce sera un signal pour les investisseurs du monde entier (« Mais bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il ajoutait que grâce à ces perspectives, Pfizer est à Cambridge, Sanofi à San Diego, Roche à Bâle, Glaxo à Shanghaï. Si vous voulez qu’on débatte du sujet sur le plan économique, c’est en effet un argument, mais c’est le seul que les chercheurs apportent. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Or nous sommes dans un débat bioéthique qui porte sur les besoins de la médecine et de la recherche scientifique pure par rapport aux besoins liés à la protection de la personne humaine.

L’objectif est donc économique et financier. Il n’en est pas moins louable, mais il n’entre pas dans le champ des débats bioéthiques. Il faudrait au moins le reconnaître clairement pour que nos compatriotes comprennent bien les enjeux. En effet, entre nous, représentants du peuple, et les experts que nous avons entendus, je pense qu’il y a un chaînon manquant : c’est justement le peuple. Vous pensez certainement comme moi, mes chers collègues, qu’en ce qui concerne l’intime, le personnel, la conviction, il a droit à un débat, et à ne pas se contenter d’apprendre qu’on a décidé une nuit de juillet, simplement parce que la majorité avait changé, de modifier des lois sur lesquelles il avait débattu.

M. Jérôme Guedj. Ça s’appelle la démocratie !

M. Jean Leonetti. La démocratie, mon cher collègue, consiste à parler au peuple et non pas à se mettre dans une situation où le dogmatisme prime sur la recherche de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très juste !

M. Patrick Hetzel. Comme toujours avec eux, c’est le dogmatisme !

M. Jean Leonetti. Pour tenter d’apaiser le débat si tant est qu’il puisse l’être, je voudrais évoquer deux figures de la Grèce antique, qui représentent un humanisme fort.

La première, c’est celle de Prométhée. Il va conquérir le feu des dieux, c’est-à-dire la puissance, le ramener aux hommes, et les dieux – en fait plutôt les Grecs –, qui considèrent que l’arrogance doit être punie, l’attachent à un rocher, et son foie est dévoré par un vautour, parce qu’il s’est pris pour un dieu et que la grandeur des hommes, c’est sans doute de se prendre pour des hommes.

La seconde, c’est Ulysse. Cette référence paraît encore plus intéressante parce qu’il y un épisode que chacun connaît : celui des sirènes.

À la première lecture du texte, j’avais été surpris qu’Ulysse, sachant que le chant des sirènes risquait d’entraîner son bateau à se fracasser sur les rochers, ait choisi d’ordonner à ses marins de mettre de la cire dans leurs oreilles et de l’attacher au mât par des liens, comme par des liens humains, avant d’écouter les sirènes. « Si je vous demande de me détacher, resserrez-les plus fort encore », disait-il. Cela veut dire que l’homme, qu’il s’agisse de science ou de bioéthique, doit avoir une réflexion qui ne s’empêche pas de savoir, mais qui s’empêche de faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) « Un homme, ça s’empêche », disait le père de Camus, et celui-ci explique, à propos du texte d’Homère, qu’il serait intéressant « d’avoir la fierté de nos limites » et non pas de rechercher en nous la divinité. En opposant ainsi sa forme humaine, sa fragilité, sa vulnérabilité qui est son humanité, Ulysse et Camus nous rappellent qu’ «un homme, ça s’empêche », surtout quand il décide de lois bioéthiques. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

M. Patrick Hetzel. Ça va être dur !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Monsieur Leonetti, je souhaite tout d’abord vous dire que je suis ouverte à la discussion, soucieuse du respect de la démocratie. C’est pourquoi il est essentiel que nous débattions de ce texte important dans la sérénité, comme nous l’avons déjà fait lors des nombreuses auditions. J’aurais d’ailleurs beaucoup apprécié y voir certains de vos collègues qui ont déposé des dizaines et des dizaines d’amendements, alors qu’ils n’ont pas souhaité assister aux échanges fondamentaux qui y ont eu lieu. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja. Elle a raison !

M. Philippe Gosselin. Elle nous provoque !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seule Mme la rapporteure a la parole.

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous nous reprochez de ne pas avoir mené de débat démocratique. Mais en 2009, date du forum organisé à Marseille sur la recherche sur l’embryon, je vous rappelle que les citoyens s’étaient clairement prononcés en faveur du régime d’autorisation de la recherche en ce domaine.

Mme Valérie Boyer. On n’a pas dû assister à la même réunion !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Les données du problème n’ont pas fondamentalement changé depuis et cette proposition de loi respecte la volonté exprimée par les Français lors des états généraux de la bioéthique.

M. Philippe Gosselin. C’était l’inverse ! Lisez ses conclusions !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. J’ajoute que le Sénat s’est prononcé dans le même sens en 2011, de même que de nombreux membres de la majorité de l’époque.

Vous affirmez ensuite que cette proposition de loi est immorale car elle ne respecte pas l’embryon en tant qu’être en devenir et qu’elle est contraire à l’article 16 du code civil. Mais la recherche n’est pas la cause de la destruction des embryons puisqu’elle ne concerne que ceux qui sont produits in vitro et qui, en l’absence de projet parental, seront de toute façon détruits.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Et alors ? Où est l’argument ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Je reprends ce que nous a dit Axel Kahn lors de son audition : en quoi est-ce reconnaître la singularité de l’embryon que de laisser des années dans l’azote liquide ou de le détruire plutôt que de l’impliquer dans un projet profondément humaniste ?

M. Philippe Gosselin. Vous instrumentalisez l’embryon !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le législateur a toujours fait le choix, dès les premières lois de bioéthique, de ne pas poser la question du statut de l’embryon. Le Conseil constitutionnel a jugé, en 1994, que le principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie n’était pas applicable aux embryons in vitro.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas la meilleure décision qu’il ait prise !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le raisonnement du Conseil est cohérent avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé que le point de départ du droit à la vie relève de la marge d’appréciation des Etats. Il n’est pas non plus contradictoire avec la convention d’Oviedo, contrairement à ce que vous avez dit, qui convient qu’il faut laisser au droit interne le soin d’apporter les précisions pertinentes quant à la portée de l’expression « être humain ».

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je ne convoquerai pas, malgré tout mon respect, le pape à ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. François Rochebloine. C’est inacceptable d’entendre de tels propos !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … ni les phantasmes de réinterprétation d’Ulysse ; nous sommes dans un débat qui se tient dans une république laïque, et nous allons nous en tenir aux faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Quel sectarisme !

Mme la présidente. Mes chers collègues, un peu de calme. Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Quelques mots pour rappeler pourquoi cette proposition de loi, que je remercie le parti des radicaux de gauche d’avoir suscité, est absolument souhaitable.

M. François Rochebloine. Ça ne vous grandit pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Elle est souhaitable, disais-je, pour la clarté juridique, pour l’efficacité scientifique et aussi pour les progrès thérapeutiques très attendus par de nombreux patients et leurs familles. Vous invoquiez le peuple, monsieur Leonetti : le peuple attend cette loi.

La proposition de loi est fondamentale pour cinq objectifs.

Le premier objectif, c’est d’améliorer la qualité juridique de notre législation, qui est ambiguë sur le sujet. Je reprends l’un de vos arguments : c’est justement parce que nous ne voulons pas susciter de faux espoirs chez les patients, ce qui serait criminel, que le Gouvernement a demandé, au Sénat, de remplacer la formule « progrès médicaux majeurs », par les mots : « finalité médicale », une formulation beaucoup plus honnête et beaucoup plus conforme à l’éthique qui guide la plupart des chercheurs. Personne ne peut en effet anticiper des progrès médicaux majeurs au moment où il démarre une recherche, tout chercheur honnête vous le confirmera.

M. Julien Aubert. La formulation est vachement plus large aussi !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Deuxième objectif : que la France affiche une position claire quant à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

Le troisième objectif est de replacer la recherche française dans le réseau international des chercheurs. Les restrictions de la loi en 2004 et en 2011 ont freiné les échanges et la coopération alors qu’on sait bien que, dans tous les domaines émergents et très exploratoires, on avance grâce à des partenariats internationaux. Or nous sommes passés de la cinquième à la dix-septième place mondiale en termes de publications scientifiques. Quel chercheur pourrait s’en satisfaire ? Nous avons beaucoup perdu pied dans ce domaine de recherche. Sept années sans formation de chercheurs, sans financement de travaux, alors que le Royaume-Uni en est à son quatrième plan de développement ! Pire encore, la Commission européenne, depuis le sixième programme-cadre, c’est-à-dire depuis plus de douze ans, soutient des projets de recherche sur les cellules souches adultes, embryonnaires, fœtale ou IPS, programmes auxquels nous ne pouvons que très peu participer parce que les équipes internationales, voyant que nous affichons une défiance vis-à-vis de ces recherches, ne nous font pas confiance.

La qualité de notre recherche s’en trouve détruite, et c’est bien dommage pour la science, pour les patients mais aussi pour l’économie, et ce n’est pas un gros mot, vous l’avez dit vous-même, au moment où le chômage culmine – un chômage issu de votre gestion, je le rappelle au passage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)Quatrième objectif : placer les chercheurs dans une position juridique moins inconfortable qui les protège d’un statut de transgresseurs de la loi. Quel chercheur se dirigerait vers une recherche stigmatisée par la loi ? Aucun chercheur de talent. C’est bien pourquoi la France connaît une fuite des cerveaux tout à fait dommageable pour notre pays, ce que tout patriote devrait déplorer.

Cinquième objectif : soutenir le développement des recherches en matière de thérapie cellulaire, ce qui permettrait notamment de comparer les mérites respectifs des cellules embryonnaires et des cellules adultes reprogrammées auxquelles vous avez fait allusion et de poursuivre toutes les voies de recherche susceptibles d’apporter des progrès dans ce domaine dans lequel la France doit rester compétitive. Le professeur Yamanaka, que j’ai eu le bonheur de rencontrer deux fois, poursuit dans son laboratoire des recherches en parallèle et comparatives sur les cellules souches embryonnaires et les embryons et sur les cellules pluripotentes.

Dernier point : nous voulons renforcer les décisions de l’Agence. Dans une période où nous nous posons des questions parfois fondées sur la qualité de l’expertise, il paraît tout à fait essentiel de préserver des alternances démocratiques les recherches qui méritent une vision à long terme et de la constance.

M. Patrick Hetzel et M. Jean-Frédéric Poisson. C’est mal parti !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est pourquoi nous avons supprimé la possibilité pour les ministères de la recherche et de la santé de suspendre ou d’interdire un protocole autorisé par l’Agence de la biomédecine, parce que nous voulons lui donner une véritable indépendance. Les ministères peuvent saisir une fois l’Agence de la biomédecine, dans un laps de temps défini par la loi, pour lui demander de réviser son évaluation d’une recherche proposée. C’est ensuite l’Agence de la biomédecine qui a le dernier mot. Elle est composée d’experts absolument irréfutables, vous l’avez dit vous-mêmes.

Deuxième point : vous nous reprochez d’avoir évité le débat. Vous le savez, pour y avoir participé, même si vous avez évité quelques auditions par manque de temps ou en raison de vacances (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce débat a déjà eu lieu et le principe de l’autorisation encadrée avait d’ailleurs été voté en 2002 par 50% des députés de l’UMP, dont MM. Sarkozy, Fillon, Jacob, Borloo, Accoyer, Mmes Alliot-Marie, Bachelot-Narquin, pour n’en citer que quelques-uns. Vous voyez que ce sont des gens de sensibilités différentes à l’intérieur de votre mouvement, qui en est assez riche (Sourires sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En 2002, tous ont décidé de voter pour ce projet de loi qui avait déjà été adopté par le Sénat.

L’alternance n’a malheureusement pas permis de confirmer ce vote, mais le débat s’est poursuivi à plusieurs reprises en 2004 puis en 2011.

Ce projet a fait l’objet de plusieurs rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – qui est bipartisan, je le rappelle – des deux chambres, du Conseil d’État, de l’Académie nationale de médecine ou encore du Comité national consultatif d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

M. Jean Leonetti. Relisez-le!

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Tous étaient favorables à une recherche autorisée, encadrée sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Les états généraux avaient même été anticipés puisqu’ils ont eu lieu en 2009, avant que l’article L. 1412-11 du code de la santé publique, qui impose un débat public préalable à tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevées par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, ne soit introduit par la loi de bioéthique du 7 juillet 2011. Le débat avait été anticipé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti. La loi, ce n’est pas rétrospectif mais prospectif!

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je rappellerai d’ailleurs que les états généraux de la bioéthique de 2009 ont conduit à adopter, en première lecture du projet de loi de bioéthique de 2011, un texte équivalent à celui de la présente proposition de loi. La conclusion des débats prônait une clarification du droit. Ce sera chose faite avec l’adoption de cette proposition.

Par souci d’honnêteté intellectuelle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), je veux rétablir, en les citant, les propos de Jean-Claude Ameisen que vous avez largement déformés : « Comment considérer que c’est une transgression de faire de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et que ce n’est pas une transgression que de détruire les embryons, ce qui est le sort des cellules souches surnuméraires de la FIV ? »

M. Jean Leonetti. Cela mérite que l’on y réfléchisse!

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Mais j’ai compris que vous étiez également opposés à la FIV…

M. Jean Leonetti. Essayez de ne pas caricaturer mes propos!

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … puisque toute tentative de FIV suppose des cellules souches surnuméraires, mais il faut le dire. Je rétablis aussi un autre fait : comme tous les chercheurs le savent, toute recherche obéit à des conditions expérimentales, éthiques et scientifiques. Aucune recherche n’est libre. Il s’agit de la recherche publique et de fonds publics. Toute recherche doit répondre à des objectifs. Aucune recherche n’est possible sans autorisation préalable. Nous sommes dans un État de responsabilité, messieurs les députés.

M. Jean-Frédéric Poisson. On ne le dirait pas !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La proposition de loi a pour objet de modifier une disposition de la loi de bioéthique de 2011 et vise à autoriser, sous certaines conditions, la recherche sur les embryons et sur les cellules souches embryonnaires, c’est-à-dire sur des cellules qui ont moins de sept jours de vie. Cette disposition concerne uniquement la recherche et ne remet pas en cause la philosophie générale de la loi de bioéthique.

Cependant, le changement proposé par ce texte est tout à fait significatif et va au-delà du symbole quant à ses implications pour la recherche et ses retombées potentielles. Il faut bien s’entendre sur le fond : cette proposition de loi ne répond pas à de nouveaux enjeux scientifiques qui conduiraient à de nouveaux questionnements éthiques.

M. Nicolas Dhuicq. Quel intérêt alors?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La réforme proposée consiste à clarifier les dispositions en vigueur en renversant, comme cela avait été amorcé en 2002, la logique de défiance de la loi de 2011 qui permettait par dérogation des recherches que nous voulons autoriser aujourd’hui, sous conditions bien entendu. C’est extrêmement important : cela nous évitera de régresser de la cinquième à la septième puis à la dix-septième et bientôt à la trentième place mondiale dans le domaine.

M. Arnaud Robinet. Avec vous, c’est probable!

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Vous avez parlé d’une décharge sur l’Agence de biomédecine. Il n’en est pas question puisque nous voulons au contraire donner toute son indépendance à cette agence composée d’experts irréfutables et de sensibilités diverses.

Je crois avoir répondu à l’ensemble de vos questions…

Mme Valérie Boyer. Non !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … du moins à l’ensemble de vos questions laïques et rationnelles. Nous proposons maintenant d’aborder les amendements. C’est un débat qui dure depuis plus de dix ans. Il n’a que trop pénalisé notre pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), notre renommée scientifique..

M. Patrick Hetzel. Vous ne défendez pas la recherche française!

Mme Geneviève Fioraso, ministre. … notre économie. Plus que tout, il n’a que trop pénalisé les nombreux patients et leurs familles qui attendent des thérapies prometteuses. Il est donc temps de redonner confiance à la fois aux patients et aux chercheurs, dans des conditions encadrées sur le plan scientifique, éthique et sanitaire. Nous ne voulons pas que, comme au cours de la dernière décennie, cette recherche d’avenir continue à régresser en raison de positions qui n’ont rien de rationnel ou de scientifique et qui, surtout, ne respectent pas l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous invite à voter contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Mme la présidente. Six orateurs ont demandé la parole dans les explications de vote qui, je vous le rappelle, sont de deux minutes. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg pour le groupe RRDP.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce débat doit être placé sous le signe de la sérénité. Il touche à des convictions intimes et notre volonté n’est pas de créer des antagonismes automatiques et artificiels entre les uns et les autres. Ce n’est vraiment pas le cas. Nous essayons de rechercher ensemble la meilleure solution possible.

M. Jean Leonetti. C’est mal parti!

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Notre souci premier est de rendre possible à terme ce que l’on appelle la médecine régénérative. Beaucoup de patients souffrent d’une insuffisance ou d’une déficience de cellules et les thérapies cellulaires peuvent leur apporter un jour la guérison alors que la plupart de ces affections graves sont actuellement incurables. C’est le cas des maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson, le diabète insulinodépendant, les lésions de la moelle épinière, certaines hépatites, les cardiopathies que traite le professeur Ménasché. Le sort de nombreux patients est en jeu. Je ne prendrai qu’un exemple, celui de la recherche sur la dégénérescence maculaire liée à l’âge. La DMLA, qui touche 1,3 million de personnes en France, donne lieu à un premier essai clinique aux Etats-Unis qui pourrait apporter la solution à ce problème très considérable.

Quand nous avions commencé à aborder ces sujets dans la deuxième loi de bioéthique, en janvier 2002, nous avions recherché un consensus aussi large que possible, sans distinguer entre les uns et les autres. Mme Geneviève Fioraso le rappelait tout à l’heure, le texte, que nous avions mis en avant et qui reposait sur l’autorisation de principe de ces recherches avec un dispositif d’encadrement, avait été adopté non seulement par la majorité de l’époque mais aussi par une partie de l’opposition, notamment ses dirigeants les plus éminents : MM. Sarkozy, Fillon, Jacob, Accoyer, Mme Alliot-Marie, Mme Bachelot-Narquin qui a été ministre de la santé par la suite, et beaucoup d’autres encore qui ont jugé que le texte était satisfaisant.

Je ne voudrais pas déborder trop du temps de parole qui m’est imparti mais je crois vraiment que nous devons avoir deux considérations à l’esprit. Les chercheurs français qui représentent des équipes d’excellente qualité se trouvent gênés – et nous le disent – par la législation française qui est devenue un peu obsolète. Ce régime d’interdiction-dérogation est mal compris, notamment de leurs partenaires étrangers avec lesquels ils ont du mal à coopérer. C’est une sorte de sabot de Denver qui est posé sur la recherche dans ce secteur, qui se trouve défavorisé par rapport à la recherche conduite aux Etats-Unis, au Japon et dans beaucoup d’autres pays de l’Union européenne.

Ce qui doit nous guider par dessus tout, même si la solution n’est pas facile – j’ai bien écouté M. Leonetti – c’est l’intérêt des patients en attente de thérapies nouvelles qui peuvent être dégagées à terme par ces recherches. Le législateur doit être guidé en toute matière par le souci de la vie de ceux qui sont autour de lui, de ses proches ou de son prochain, comme on voudra. Tel est le critère qui doit le guider. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour le groupe GDR.

Mme Jacqueline Fraysse. M. Leonetti a tenu à souligner ici que certaines promesses du Président de la République n’ont pas été tenues.

M. Philippe Gosselin. C’est vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est vrai. Mais précisément vous devriez vous réjouir, monsieur Leonetti, que ce texte vienne en débat car il prouve au moins que certaines promesses sont tenues, ou ne sont pas enterrées, comme vous dites.

M. Jean Leonetti. Moins il en tient, mieux cela vaut !

Mme Jacqueline Fraysse. En ce qui me concerne, je me réjouis que nous puissions remarquer que certaines promesses sont tenues car cela me donne l’espoir que toutes le seront. Le Président a formulé des promesses sur lesquelles il a été élu et il aura à coeur, je l’espère, de les tenir.

Vous avez également rappelé, monsieur Leonetti, tous les travaux qui ont eu lieu sur ce sujet et notamment ceux de la commission spéciale. Ce faisant, je voudrais vous faire remarquer que vous avez souligné, peut-être à l’insu de votre plein gré, à quel point il est temps de prendre enfin une décision claire et conforme aux avis qui, contrairement à ce que vous tentez de nous faire croire, ont été rendus.

M. Jean Leonetti. Elle a déjà été prise, la décision !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous évoquez les états généraux de la bioéthique. Ils ont été réunis, vous le savez, pour conclure majoritairement que rien ne s’opposait à la recherche sur les cellules embryonnaires dans des conditions strictement encadrées. Cette position est d’ailleurs superposable à celle du Comité consultatif national d’éthique…

M. Jean Leonetti. Pas du tout! Vous tronquez le résultat!

Mme Jacqueline Fraysse. … qui dans son avis de 2011 déclarait notamment : « La question éthique première est celle de la destruction de l’embryon humain et non la décision de réaliser des recherches sur ses cellules après sa destruction. »

M. Xavier Breton. Très juste ! C’est bien le problème !

Mme Jacqueline Fraysse. Enfin, du point de vue juridique, le Conseil d’État indique : « Sous réserve que les atteintes portées à l’embryon soient justifiées par des motifs majeurs tenant à la protection de la santé, des recherches sur les cellules embryonnaires ne peuvent donner lieu à autorisation sans que le principe constitutionnel de protection de la dignité humaine puisse leur être opposé. »

Comme vous le voyez, mes chers collègues…

M. Jean Leonetti. On ne voit rien du tout !

Mme Jacqueline Fraysse. … toutes les précautions ont été prises, tous les avis convergent pour autoriser enfin cette recherche au bénéfice de la connaissance…

M. Julien Aubert. De l’homme nouveau!

Mme Jacqueline Fraysse. … au service de l’ensemble de nos concitoyens, de la société tout entière. En réalité, disons-le, votre motion de rejet préalable n’a pas d’autre objet que de poursuivre l’obstruction que vous avez d’ailleurs déjà manifestée lors du débat de mars dernier, ce qui n’est vraiment pas très glorieux, permettez-moi de vous le dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour toutes ces raisons, bien évidemment, nous voterons contre cette motion de rejet préalable.

M. Jean Leonetti. Quel dommage !

Mme Jacqueline Fraysse. Comme l’a très bien dit l’orateur précédent, il s’agit tout de même de légiférer dans l’intérêt de la santé de nos concitoyens. Vous vous grandiriez à prendre une telle position, mesdames, messieurs de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Touraine. Madame la présidente, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis, cette fois pour une avancée décisive, pour discuter et analyser le projet de loi relatif à la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

Je rappelle qu’après plus de dix ans de débats, ce projet a été étudié lors d’états généraux et qu’il a reçu des avis favorables du Conseil d’État, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, de l’Académie de médecine et, d’une certaine façon, du Comité national d’éthique et des états généraux eux-mêmes.

M. Philippe Gosselin. « D’une certaine façon » : tout est dit !

M. Jean-Louis Touraine. En outre, il a été adopté au Sénat avec 203 voix pour et 74 voix contre. En 2002, ce projet avait été voté en première lecture ici même par 325 députés contre 21. Nombre de députés de droite s’étaient alors prononcés favorablement. Quelques-uns ont été cités. Je ne reviendrai pas sur ce sujet.

Qu’est-ce qui a changé entre 2002 et 2013 qui puisse justifier une telle inversion de vote ?

Le sens du texte ? Aucunement.

L’intérêt de cette recherche ? Bien au contraire : nous sommes à l’aube des essais thérapeutiques et donc des applications potentielles pour les malades des années ou décennies à venir.

Le choix des autres pays ? Il est de plus en plus positif. Le président Obama, immédiatement après sa première élection, a ouvert aux chercheurs, aux médecins et potentiellement aux malades le champ de ce grand progrès.

M. Nicolas Dhuicq. Qui a financé sa campagne ?

M. Jean-Louis Touraine. En Europe, tous les pays ont également approuvé ce type de législation, à l’exception de l’Italie et l’Allemagne, qui, curieusement, interdisent la production de lignées de cellules souches mais autorisent l’importation de celles-ci.

Alors, pourquoi cette inversion de vote chez nos collègues conservateurs ? Peut-être parce que précédemment, ils étaient majoritaires et se sentaient quelque peu responsables alors que maintenant, étant dans l’opposition, ils pensent qu’il faut s’opposer au progrès, même au prix de reniements, même au prix de mensonges. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !

M. Jean-Louis Touraine. Parmi les très nombreux mensonges proférés, je n’en citerai que trois. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Un peu de calme, chers collègues.

M. Jean-Louis Touraine. Premier mensonge : ils voudraient nier qu’une telle attitude de refus est un obstacle majeur au progrès de la recherche et au travail des chercheurs en France. Ceux-ci sont stigmatisés dans notre pays et ne peuvent plus travailler décemment. Corollaire de cette attitude : prétendre qu’il y aurait derrière ces recherches d’importants intérêts commerciaux.

Deuxième mensonge : affirmer que l’on détruit des embryons pour prélever des cellules souches, alors que c’est l’inverse. Chaque année, 30 000 à 40 000 embryons sont détruits et c’est seulement une fois qu’ils sont détruits que les cellules peuvent ou non être utilisées, comme c’est le cas dans le cadre de la fin de vie de chacun de nous. Prétendre que ce n’est pas respecter l’embryon est mensonger, puisqu’au contraire nous appliquons à l’embryon les mêmes règles qu’au nouveau-né, à l’enfant ou au fœtus humain, c’est-à-dire celles qui encadrent les prélèvements contribuant à la vie.

Troisième mensonge : affirmer que les cellules souches embryonnaires peuvent être l’objet de substitution avec des cellules reprogrammées, IPS, ou par transfert nucléaire. Les deux méthodes présentent un intérêt mais l’une ne remplace pas l’autre. Les cellules IPS posent beaucoup plus de problèmes éthiques que les cellules souches embryonnaires : elles suscitent des difficultés en matière génétique ; elles ouvrent la voie au clonage reproductif ; elles sont sur le point de permettre au Japon la fabrication d’embryons hybrides homme-animal. Je vous laisse imaginer tout ce que cela peut signifier.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Touraine, vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Jean-Louis Touraine. Je veux exprimer mon respect à ceux qui ont été maintenus hors du progrès par leurs convictions. Quant aux autres, néo-opposants, je leur suggère humblement de retrouver le raisonnement qui était le leur et de rejoindre la logique qui sous-tend cette proposition de loi. Vous l’aurez compris, notre groupe se prononcera contre la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

M. Julien Aubert. Bonjour le respect de la liberté individuelle !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Madame la présidente, mes chers collègues, je reviendrai tout d’abord sur quelques arguments de nature juridique.

Rappelons d’abord que la protection de l’embryon humain est garantie par l’article 16 du code civil, par la Constitution et par le droit européen. Passer, comme le prévoit cette proposition de loi, d’un régime d’interdiction de principe à un régime d’autorisation de principe constitue, on peut le dire, un changement de paradigme totalement inédit, aux termes duquel le principe fondateur de la protection de l’être humain deviendra une exception à la règle nouvelle de sa non-protection.

Par ailleurs, avant d’envisager d’autoriser la recherche sur l’embryon, enjeu majeur qui concerne autant les citoyens que les experts, les responsables politiques doivent organiser des états généraux qui ont été rendus obligatoires depuis la révision de la loi bioéthique de 2011. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Vous ne respectez pas cette loi que l’opposition d’alors, devenue aujourd’hui majorité, avait pourtant votée. Voici un premier problème, d’ordre juridique.

M. Julien Aubert. Ils souffrent d’amnésie !

M. Patrick Hetzel. Par ailleurs, j’aimerais vous faire part de certaines positions politiques extrêmement intéressantes. Prenons le cas des écologistes, quand on sort de la sphère politique française. Je voudrais citer à la fois Daniel Cohn-Bendit et Alain Lipietz. En 2003, lors du vote du budget de la recherche au Parlement européen, ils déclaraient – vous pourrez retrouver cela dans La Croix : « Nous avons toujours choisi de remplacer les recherches sur les cellules souches embryonnaires par des recherches sur les cellules souches adultes, tant le risque de manipulation sur la reproduction humaine artificielle est grand, raison pour laquelle nous devons combattre cela ». C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, outre-Rhin, il existe une alliance entre la CDU et les Verts, parce que ces derniers considèrent qu’il s’agit là d’un sujet éthique.

M. Xavier Breton. C’est l’écologie humaine, la vraie !

M. Patrick Hetzel. Vous devriez réfléchir à cela encore une fois. Dans cet hémicycle, on nous dit que les ringards, ce serait nous et les modernes, ce serait vous. En ce cas, les Verts seraient aussi des ringards. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme Valérie Boyer. Mais comment est-il possible d’être ringard quand on est Vert ?

M. Patrick Hetzel. En effet, cela ne parait pas possible !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Hetzel !

M. Patrick Hetzel. Vous aurez noté que M. Touraine a eu cinq minutes de temps de parole.

M. Sébastien Denaja. On ne remet pas en cause la présidence, monsieur Hetzel !

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Hetzel, je n’ai pas besoin de votre aide pour les temps de parole.

M. Patrick Hetzel. Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette qu’à la suite de la défense de la motion de M. Leonetti, certains répondent par des propos quelque peu provocateurs. Comme l’a dit notre collègue du groupe RRDP, ce débat mérite un climat plus serein. Essayons d’éviter les propos déplacés quand on évoque telle ou telle personne.

Le progrès n’est pas d’un côté ou de l’autre. Il n’y a progrès que lorsque la science rencontre une certaine exigence éthique. Détaché de tout principe de cet ordre, c’est un progrès facile, un progrès simplement technologique qui n’a pas de sens. Évoquer dans ce débat des principes éthiques ne va pas à l’encontre du progrès, bien au contraire : ceux-ci viennent donner une résonance bien particulière à la science, en l’assortissant d’exigences.

Je regrette que la sérénité qu’évoquait notre collègue tout à l’heure ne soit pas soutenue par des états généraux de la bioéthique, démarche appréciée par tous il y a quelques années. Dans les conclusions du groupe de travail du Comité d’éthique, il y a une expression qui m’interpelle : il y est question de l’« énigme de la personne humaine potentielle », qui montre combien ce débat est difficile à aborder. Au nom de quoi peut-on prétendre résoudre la question en quelques heures, en pleine nuit, au mois de juillet ? Ce débat aurait mérité d’être précédé par des états généraux, comme cela a été le cas lors de débats précédents.

Par ailleurs, ce texte appelle indéniablement des corrections, que nous évoquerons à l’occasion des amendements. On veut ouvrir davantage, mais en introduisant un flou sur la finalité. Je suis d’accord pour une ouverture mais il faut alors rester précis sur les objectifs ; ou alors restons fermes sur l’autorisation et ouvrons davantage les critères. Il y a là un paradoxe que le texte ne traite pas et qui mériterait d’être approfondi.

Pour toutes ces raisons, nous voterons pour la motion de rejet présenté par notre collègue Jean Leonetti. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Mes chers collègues de l’opposition, je dois au moins vous reconnaître une qualité : votre ténacité. Quand vous avez une idée, aussi infondée soit-elle, vous la suivez coûte que coûte quitte à donner de vous-mêmes une image caricaturale. Car vous brandissez des arguments tous plus fallacieux les uns que les autres.

Monsieur Leonetti, quel bel hommage vous nous faites en défendant cette motion de rejet préalable. Mais nous les connaissons tous, vos arguments : une prétendue volonté du Gouvernement de faire passer ce texte en catimini…

M. Julien Aubert. Il est minuit dix !

Mme Véronique Massonneau. Pourtant, au vu des nombreuses retombées médiatiques – auxquelles votre collègue Gosselin n’est pas étranger – et de la quantité de courriers reçus, je n’ai pas eu vraiment l’impression que le texte passait secrètement.

Autre argument : une prétendue non-application de la loi puisque, selon vous, les états généraux de la bioéthique n’ont pas été organisés. Comme cela est savoureux venant de la part d’un groupe politique ayant inscrit lors d’une précédente niche un texte visant à modifier la législation relative à la fin de vie. J’attends toujours vos fameux états généraux, monsieur Leonetti !

Vous prétendez encore que la dignité de l’embryon humain ne serait pas respectée. Je vous rappelle qu’il s’agit de cellules souches embryonnaires et d’embryons et non de fœtus, tels qu’on peut les voir représentés sur les cartes-pétitions que nous avons reçues. Et je me sens obligée d’ajouter que les cellules et embryons concernés sont surnuméraires et destinés à être détruits, puisqu’ils ne sont pas utilisés pour une PMA. Encore une fois, il y a quelque ironie à vous entendre défendre le fruit d’une pratique que vous semblez pourtant condamner particulièrement.

Évidemment, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les écologistes voteront contre cette motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de rejet préalable

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants141
Nombre de suffrages exprimés141
Majorité absolue71
Pour l’adoption31
contre110

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.) (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le vice-président de la commission – à défaut de Mme la présidente de la commission, qui aurait sans doute su animer cette soirée avec le brio et le talent dont elle avait déjà fait preuve le 28 mars –, chers collègues, je voudrais dans cette motion vous présenter un texte qui n’a rien d’anodin, comme certains voudraient nous le faire croire à cette heure tardive de la nuit – plus de minuit !

La recherche sur l’embryon en France n’est pas un simple toilettage d’une loi qui a pourtant été promulguée il y a environ deux ans, pratiquement jour pour jour, et dont l’encre est à peine sèche.

Ce débat ne peut se faire en catimini, comme cela fut le cas au Sénat, et comme nous nous apprêtons à le faire ici, à l’issue d’une niche parlementaire qui a tourné court, dans des conditions rocambolesques, le 28 mars dernier ; j’y reviendrai dans quelques minutes.

Autoriser la recherche sur l’embryon constitue un changement de paradigme singulier, inédit, qui modifie profondément la philosophie de la loi bioéthique de 2011, et qui plus largement bouleverse notre droit français.

M. Jean-Luc Laurent. Le changement est nécessaire !

M. Philippe Gosselin. Il s’agit en outre d’un sujet qui concerne autant les citoyens que les experts. La société elle-même doit avoir un droit de regard et de participation lorsqu’il s’agit de décider du devenir ou de l’utilisation de membres de l’espèce humaine.

Cet enjeu grave de l’utilisation de membres de l’espèce humaine ne peut être réglé en quelques heures dans cet hémicycle, après seulement onze auditions de scientifiques, du reste quasiment tous promoteurs de la recherche sur l’embryon, menées par notre rapporteure Dominique Orliac. Se prononcer sur un sujet aussi sensible que complexe, cela se prépare. J’ai ici, je dois l’avouer, un sentiment non feint, ni caché, d’inachevé – c’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-Luc Laurent. Cela fait des années que nous en débattons !

M. Philippe Gosselin. Pour un examen complet, j’aurais souhaité entendre des juristes, des philosophes, en plus des quelques scientifiques auditionnés.

M. François de Rugy. Cela fait dix ans que nous débattons sur ce sujet !

M. Philippe Gosselin. Or la recherche sur l’embryon ne se limite pas à une question scientifique : il s’agit d’un sujet juridique, éthique et philosophique. On ne peut considérer que la commission des affaires sociales, privée d’un tel apport, ait accompli le travail nécessaire avec tout l’éclairage requis pour valider le texte soumis à notre vote aujourd’hui, sauf à instruire à charge le procès contre la loi de bioéthique de 2011, ce qui me paraît évidemment intellectuellement malhonnête.

À la lecture du rapport de Mme Orliac, l’on s’aperçoit que la plus grande préoccupation qui justifie l’autorisation de la recherche sur l’embryon est le positionnement des chercheurs et, elle nous l’avait répété au mois de mars, leur ressenti face à l’interdit, leur insécurité juridique. Or la loi n’est pas faite pour une seule catégorie de personnes, si honorables soient-elles. La loi fixe un cadre normatif qui s’adresse à tous. L’interdiction de la recherche sur l’embryon n’est pas un principe qui s’adresse aux seuls chercheurs : c’est un principe général, qui s’inscrit dans la logique de notre ordre juridique, qui s’adresse à tous les citoyens, et qui exprime la règle de la protection de l’être humain.

La loi doit donc prendre en compte l’entièreté des enjeux : les enjeux scientifiques, certes, mais aussi juridiques, et bien sûr éthiques. La commission des affaires sociales a, peut-être par mégarde ou, pire, délibérément, oublié ces enjeux. Que dire de cette forme précipitée, qui nous amène à un débat de ce type dans la nuit du mercredi au jeudi, l’heure de minuit étant passée ?

Au-delà de la forme et du fond, je voudrais revenir quelques instants sur les épisodes précédents, pour mieux comprendre pourquoi nous dénonçons le travail qui a été mené en catimini, et surtout le manque de courage du Gouvernement qui, d’une certaine façon, avance masqué sur le sujet. Encore un texte « Canada Dry », d’abord une proposition de loi, aujourd’hui inscrite en session extraordinaire ! Le Gouvernement pourrait au moins porter totalement ce texte et l’assumer dans sa globalité ; mais il ne le fait pas.

C’est en décembre 2012, au Sénat, grâce à une niche radicale, que le texte de la proposition de loi a été voté : ce fut plié en deux heures ! Puis le texte est revenu au Sénat une deuxième fois pendant deux heures, peu avant Noël ; enfin le 28 mars, il se retrouve dans la corbeille radicale, la niche annuelle de ce groupe politique à l’Assemblée nationale. Nous voici donc contraints d’examiner cette proposition dans des conditions d’impréparation incroyables !

Une impréparation incroyable, dis-je : oui, car des auditions ont eu lieu pendant la semaine de suspension des travaux de l’Assemblée nationale – naturellement ! Le professeur Privat en a fait l’expérience, puisque personne n’a pu venir l’écouter. Je rappelle qu’il s’agissait d’une semaine de suspension des travaux de l’Assemblée, et que l’audition avait été organisée à ce moment-là : c’est malhonnête !

La commission des affaires sociales n’a convoqué ses membres que le jeudi 28 mars à 9 h 30, au moment même où se réunissait ici la séance publique afin d’examiner les nombreux amendements déposés en séance et que ladite commission des affaires sociales n’avait pas su anticiper.

Voilà où nous en sommes ! Une méconnaissance totale par les radicaux du règlement de l’Assemblée qui organise les travaux des séances d’initiative parlementaire, et le fameux gong à une heure du matin, sans oublier les relectures d’un certain nombre de lettres à cette tribune : du grotesque, du ridicule, en tout cas de l’impréparation !

M. Olivier Véran. Quelle agressivité !

M. Philippe Gosselin. Trois textes à examiner le même jour, et au final un psychodrame dans la majorité entre les radicaux et le parti socialiste. Ce psychodrame a conduit le Gouvernement au Conseil des ministres du 7 mai à prendre l’engagement de reprendre ce texte : nous y voilà ! Le Gouvernement a inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de cette session extraordinaire, mais en s’affranchissant de porter stricto sensu le texte lui-même. C’est d’une hypocrisie sans nom, que je tiens à dénoncer.

M. Marc Le Fur. C’est un retour à la IVe République !

M. Philippe Gosselin. Hypocrisie sans nom, mais pas sans conséquence : pas d’avis du Comité consultatif national d’éthique, pas d’états généraux, pas de débat public contrairement aux dispositions de la loi de juillet 2011, pas d’étude d’impact, pas d’avis du Conseil d’État – rien !

Le Gouvernement peut avancer masqué en toute impunité : on se moque, je le dis sincèrement, on se moque du Parlement !

M. Patrick Hetzel. C’est scandaleux !

M. Philippe Gosselin. L’embryon au final sert de liant dans la majorité ; il est devenu le gage de l’intérêt que le parti socialiste porte aux radicaux. C’est une forme de câlinothérapie au sein de la majorité.

Pour achever le tout, le délai de dépôt des nouveaux amendements ne sera pas rouvert. Nous reprenons ce mercredi à 23 heures, comme si quelques heures ou quelques jours seulement nous séparaient du 28 mars. Une pure fiction, quand on voit le changement de portage gouvernemental, sans oublier non plus le fait qu’hier, la Conférence des présidents a décidé d’avancer les travaux prévus demain à cet après-midi, ce qui nous amène à nous retrouver cette nuit. Ces conditions de forme sont tout à fait inacceptables ! On balade les parlementaires et la représentation nationale comme une feuille au vent ! C’est ainsi que le Gouvernement traite la représentation nationale : par le mépris !

Au-delà de cette forme tout à fait méprisable, il existe évidemment des conditions de fond qui nous amènent à rejeter le texte et à demander son renvoi en commission, en raison de son impréparation notoire et notable. Ces conditions sont juridiques, éthiques et scientifiques, et nous les aborderons successivement.

Les enjeux juridiques ont été totalement négligés. Oui, la commission des affaires sociales n’a pas étudié les enjeux juridiques du passage à un régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon.

Tout d’abord, on ne peut soutenir raisonnablement qu’il n’y a pas de distinction entre le régime d’interdiction avec dérogations, et le régime d’autorisation avec encadrement. C’est ce qu’affirmait hier matin le président du groupe radical, le professeur Schwartzenberg. S’il n’y a pas de différence, cher collègue, alors restons-en là ! Il n’est pas nécessaire de toucher à la loi de 2011 !

Sous un régime d’interdiction, tout protocole de recherche est présumé irrecevable, et demande une analyse sérieuse, quand le régime d’autorisation rend tout protocole de recherche présumé recevable : c’est en quelque sorte une inversion de la charge de la preuve !

Ériger l’autorisation de recherche sur l’embryon comme règle méconnaît notre principe fondateur de l’ordre public : le « respect de l’être humain dès le commencement de sa vie », tel qu’il découle de l’article 16 de notre code civil.

C’est méconnaître surtout la position du Conseil constitutionnel, qui dispose pourtant d’une jurisprudence qu’on pourrait qualifier sur ce point de prudente, et qui a jugé, dans sa décision du 27 juillet 1994, que les embryons surnuméraires devaient quand même bénéficier d’une certaine protection ; ce n’est pas un hasard !

C’est méconnaître encore le droit conventionnel, et notamment l’article premier de la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe de 1997, dite Convention d’Oviedo – belle ville d’Espagne – que la France a ratifiée il y a un peu plus d’un an, en décembre 2011.

Cette Convention établit une intéressante distinction entre « être humain » et « personne ». Ainsi l’être humain est protégé dans sa dignité et dans son identité, alors que la personne voit le respect de son intégrité et de ses droits et libertés fondamentaux garanti sans discrimination. Le principe de dignité protège l’être humain, et par conséquent l’embryon. En effet, si l’embryon n’est pas juridiquement appréhendé comme une personne, il n’en demeure pas moins qu’il est, au sens littéral du terme, un être humain : nul ne peut le contester.

Par ailleurs, l’article 18 de ce même texte admet que certaines législations nationales autorisent des recherches sur l’embryon in vitro, à condition qu’elles assurent une protection adéquate de l’embryon. Il précise aussi que la constitution d’embryons humains à des fins de recherche est interdite. Tout est dit !

La Convention d’Oviedo va même plus loin dans son article 2, qui affirme la primauté de l’être humain sur le seul intérêt de la société ou de la science. Priorité est donnée au premier qui, en principe, doit l’emporter sur l’autre lorsqu’ils se trouvent en compétition. En libéralisant la recherche sur l’embryon, vous niez cette protection adéquate de l’embryon qui incombe au législateur.

Enfin, sur ce point juridique, comment ne pas rappeler que la recherche sur l’embryon est de fait limitée par le droit économique ? Si elle offre un jour une perspective concrète, les chercheurs ne pourront en tirer profit. En effet la Grande chambre des recours de l’Office européen des brevets a écarté, pour des raisons tenant à l’ordre public – je le souligne – la possibilité d’obtenir un brevet portant sur des cellules-souches humaines, dès lors que leur obtention entraîne la destruction d’un embryon humain, dans sa décision WARF/Thomson, du 25 novembre 2008. Cette solution a été confirmée – j’en suis désolé pour le Gouvernement et pour la majorité qui s’acharne – par la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne dans sa décision du 18 octobre 2011, en considération du fait que l’embryon humain est protégé au nom du principe de la dignité humaine.

Tout notre ordre juridique nous impose donc de protéger l’embryon, du fait même de son appartenance à l’espèce humaine, et les chercheurs ne peuvent que s’y soumettre.

D’ailleurs, puisque vous avancez que l’autorisation encadrée et l’interdiction avec dérogations n’offrent pas de réelles distinctions, par un souci de cohérence avec notre droit français et européen, nous ne pouvons que préserver ce principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon, et garder ainsi cette force, symbolique peut-être, mais importante, de l’interdit.

Soulignons-le encore une fois : c’est une cohérence de notre droit – ce qui nous différencie assez fondamentalement, d’ailleurs, des Anglo-Saxons. Mesdames et messieurs les membres de la majorité, vous qui pourfendez l’idéologie libérale, vous qui pourfendez l’individualisme, vous ne voudriez tout de même pas être les porteurs de valises de cette idéologie qui vous révulse par ailleurs ? À moins que vos convictions ne soient à géométrie variable – ce que je ne peux pas croire !

Puisque vous placez les besoins des chercheurs au centre de la justification du principe d’autorisation, niant notre ordre juridique, permettez-moi de vous rappeler que les chercheurs ne sont pas gênés par le principe d’interdiction.

Depuis 2004, l’Agence de la biomédecine a délivré 173 autorisations relatives à la recherche sur l’embryon sur 192 demandées : vous voyez bien ! De plus, il n’y a eu que 11 recours sur l’ensemble de ces autorisations : ils sont donc ultra-minoritaires !

Par ailleurs, interrogé le 14 janvier 2009 dans le cadre de la mission d’information sur la révision des lois de bioéthique, dont j’ai eu l’honneur d’être le secrétaire, le professeur Peschanski lui-même, directeur de recherches à l’INSERM, avait ainsi déclaré : « Vous m’avez demandé si les dispositions de la loi de 2004 nous avaient gênés. Peut-être vous surprendrai-je en vous disant que non ».

Lors de la table ronde sur les cellules souches organisée par la commission des affaires sociales du Sénat le mercredi 23 mars 2011, le professeur Peschanski a encore confirmé : « Il est vrai que nous avons pu travailler : l’INSERM a obtenu nombre d’autorisations. »

C’est la démonstration que les chercheurs ne sont pas gênés. Philippe Menasché, qui a été cité par Jean Leonetti tout à l’heure, professeur de médecine, lui aussi directeur de recherche à l’INSERM sur les thérapies cellulaires en pathologie cardio-vasculaire, a confirmé lors de son audition devant la commission spéciale en date du 1er décembre 2010 : « La loi de bioéthique de 2004 ne nous a pas empêchés de travailler. Elle ne nous a pas pénalisés. »

Quant à l’insécurité juridique que vous évoquez dans votre rapport, madame le rapporteur, qui guetterait les chercheurs à cause de recours contre les protocoles de recherche, elle me laisse assez dubitatif. Je l’évoquais tout à l’heure : onze recours seulement contre certains décisions d’autorisation. Ce n’est pas l’argument de l’argent que pourraient coûter ces recours qui va me convaincre. Mme Prada-Bordenave a évoqué un coût de vingt-cinq mille euros : je crois que l’embryon vaut bien vingt-cinq mille euros, en tout cas il me semble.

Au contraire, tout cela me semble inciter à respecter une loi d’équilibre qui n’entrave en rien la recherche tout en préservant la dignité de l’embryon.

La loi ne saurait être modifiée par convenance, au gré de la volonté des chercheurs. Il ne s’agit pas ici de modifier le calendrier des parlementaires au gré du vent, comme vous l’avez fait en conférence des présidents hier matin, non. La loi ne saurait varier au gré de la volonté des chercheurs ou des laboratoires pharmaceutiques, non. Ou bien pour éviter d’être attaqué en justice. Le droit doit demeurer au service de la justice, il ne peut être instrumentalisé en fonction d’intérêts particuliers ou d’une idéologie – et c’est ce dont j’ai le sentiment ce soir. Le législateur ne peut se laisser instrumentaliser pour des intérêts particuliers, d’autant plus lorsqu’ils sont contraires à notre droit.

À côté de ces enjeux juridiques particulièrement forts, il y a bien sûr des enjeux éthiques qui ne vous ont pas échappé. Il me semble que la commission des affaires sociales n’a pas suffisamment étudié les enjeux éthiques du passage à un régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon.

Autoriser la recherche sur l’embryon avec un tel encadrement libéral porte gravement atteinte à l’éthique. L’encadrement strict dont vous parlez relègue en réalité l’embryon humain au même rang, voire à un rang inférieur à celui de l’embryon animal ! Vous vous félicitez que la condition de finalité médicale permette tout type de recherche, fondamentale, diagnostique ou préventive, et préserve l’embryon humain du seul usage cosmétologique. C’est encore heureux ! Les animaux aussi, depuis le 11 mars 2013, sont préservés des expérimentations à visée cosmétologiques. C’est une dépêche de l’AFP qui nous l’avait appris quelques jours avant notre fameuse soirée du 28 mars.

Les embryons animaux et humains seront, si ce texte passe, traités de la même façon à ceci près : c’est que les embryons d’animaux coûteront toujours plus cher que les embryons humains dits « surnuméraires » qui sont donnés par les parents. Ce n’est pas de la provocation, c’est la réalité.

En fin de compte, si l’autorisation de la recherche sur l’embryon est autant souhaitée, c’est bien parce que l’embryon humain est gratuit et qu’on en trouve en nombre dans les centres médicaux d’assistance à la procréation. Est-ce une raison pour les transformer en outils de laboratoire et de les substituer à d’autres « matériaux » ?

Madame le rapporteur, vous citez dans votre rapport Jean-Claude Ameisen : nous avons eu la chance, le plaisir, l’honneur, l’avantage, dans la nuit du 28 mars, de l’entendre citer à plusieurs reprises, à travers plusieurs lectures de la même lettre. Il n’empêche que Jean-Claude Ameisen souligne « qu’on ne protège pas l’embryon humain de la destruction en interdisant la recherche ». La question éthique première est donc celle de la destruction de l’embryon humain. Mais la question éthique de la destruction de l’embryon humain est différente de celle de l’utilisation qui serait faite de l’embryon humain, si la recherche était autorisée. C’est bien de l’utilisation de l’embryon que je souhaite parler.

L’embryon humain va devenir ce réactif de laboratoire, en quelque sorte, sur lequel on va tester des centaines, pourquoi pas des milliers de molécules, modéliser des pathologies… Des tests à grande échelle, des centaines, des milliers de tests sur l’embryon humain seront pratiqués. Voilà la réalité de la recherche pharmaceutique que ce texte rend possible.

L’embryon, parce qu’il fait partie de l’espèce humaine, mérite mieux. selon la convention d’Oviedo, l’embryon mérite le respect dans sa dignité d’être humain, ce qui est ici totalement bafoué.

M. Jean Leonetti. Très bien !

M. Philippe Gosselin. Le professeur Bertrand Mathieu souligne à juste titre que « la destruction de l’embryon porte atteinte à la protection de sa vie, elle ne porte pas nécessairement et directement atteinte à sa dignité. » Aussi le problème de l’autorisation de la recherche sur l’embryon humain n’est pas tant sa destruction que l’utilisation délibérée comme outil de laboratoire d’un membre de l’espèce humaine, qui aboutira inévitablement à sa destruction. Il s’agit donc bien là de l’instrumentalisation de l’espèce humaine.

Nous ne pouvons de manière responsable libéraliser ainsi la recherche, d’autant que les travaux alternatifs du professeur Yamanaka – nous l’avons cité abondamment dans les débats de 2009 et de 2010, et, excusez du peu, il est devenu entre-temps prix Nobel de médecine en 2012 – nous montrent qu’il est possible de faire autrement, notamment avec les cellules IPS. Non, il n’y a pas nécessité de s’acharner contre l’embryon. On enregistre des progrès cliniques dus à d’autres cellules souches d’origine non embryonnaire : je pense aux cellules souches adultes, au sang de cordon et sans doute dans un avenir proche, plus largement, aux IPS.

Ensuite, pour conclure sur ce point de l’éthique, je voudrais aborder des questions qui n’ont pas été suffisamment étudiées par la commission des affaires sociales, une fois encore. Il n’est pas éthique de cacher aux parents la nature de la recherche qui sera effectuée sur l’embryon. Cela sous prétexte que ce type d’information pourrait « influencer fortement leur consentement ». C’est bien la démonstration qu’il y a un problème quelque part !

Alors que la médecine ne cesse de progresser dans la qualité de l’information donnée au patient et que dans tous les domaines on s’assure que le consentement est bien libre et éclairé, afin de respecter la liberté de chacun dans ce qu’elle a de plus précieux, voilà qu’elle lui est discrètement et volontairement retirée ici.

Il s’agit d’une grave atteinte aux droits des membres du couple, seuls décisionnaires du sort de leur embryon.

Il s’agit d’une atteinte aux droits et à l’éthique, à partir du moment où on sait qu’il s’agit d’une non information volontaire, pour être sûr en quelque sorte que l’embryon sera donné à la recherche.

Connaître la nature de la recherche qui sera faite sur leur embryon est fondamental pour que les parents sachent ce qu’il adviendra de celui-ci et quelle utilité cette recherche pourrait avoir.

Donner un embryon pour une recherche qui s’inscrit dans une perspective de soins est une décision radicalement différente de donner un embryon pour la recherche pharmaceutique, par exemple.

La volonté de cacher cette information capitale est totalement contraire au principe de liberté, d’autant que nous sommes dans un domaine grave et personnel.

La décision de laisser ses embryons à la recherche, à un autre couple, ou de les détruire, est difficile à prendre pour un couple qui témoigne d’un attachement à ses embryons. Il convient donc d’accompagner les parents en toute transparence et sans manipulation. Il s’agit là du minimum d’éthique auquel les parents ont droit. De quel droit les priverait-on d’une information à laquelle ils peuvent légitimement prétendre ?

Enfin, pour terminer, à côtés de ces enjeux juridiques, éthiques, il y a des enjeux scientifiques. La commission n’a pas non plus suffisamment abordé les enjeux scientifiques de la recherche sur l’embryon comme il se devait, c’est-à-dire de manière impartiale.

Lorsqu’on regarde les auditions menées, on s’aperçoit qu’en réalité la quasi-totalité des personnes auditionnées promeuvent officiellement la recherche embryonnaire.

M. Patrick Hetzel. Oui !

M. Philippe Gosselin. Le Pr Marc Peschanski, qui a été très honnête d’ailleurs en disant que la loi ne l’avait pas gêné, Pierre Jouannet, Axel Kahn… On ne peut y voir qu’un parti-pris, nous privant de toute véritable réflexion sur le sujet. Dans ces conditions, il me paraît difficile de voter pour un tel texte. Tout a été fait pour éviter le débat, ou pire, pour le discréditer ou discréditer ceux qui ont un point de vue différent. Il est si tentant de mettre d’un côté le camp du progrès et de l’autre celui des obscurantistes – cette fameuse querelle entre les anciens et les modernes !

Dois-je rappeler qu’aujourd’hui les cellules souches adultes et le sang de cordon sont les seules à être utilisées en thérapie celllulaire ? Pour certains types de pathologie, les greffes de cellules souches non embryonnaires soignent déjà des patients.

Dois-je rappeler que ce sont les cellules souches reprogrammées, les fameuses IPS du Pr Yamanaka, qui ouvrent les perspectives les plus prometteuses, plutôt que les cellules souches embryonnaires ?

M. Jean Leonetti. C’est moins rentable !

M. Philippe Gosselin. C’est vrai. La rapidité du lancement du premier essai clinique contre la DMLA – dégénérescence maculaire liée à l’âge – et les investissements massifs qui à l’étranger se portent sur les IPS montrent le potentiel de cette recherche. S’agissant de la modélisation des pathologies et du criblage de molécules, les IPS sont déjà utilisées comme alternative à l’embryon humain.

Et puis j’ai plaisir à citer ici les travaux de la société Colliectis, qui, dans un communiqué de presse de lundi dernier, nous fait part d’une nouvelle très intéressante et qui tombe à pic.

C’est une PME française de 230 salariés, un des leaders mondiaux en ingénierie des génomes, qui annonce une offre « grand public » pour le stockage des cellules souches pluripotentes induites, les fameuses IPS. C’est une société qui travaille en France, à Paris et à Evry, ainsi qu’à l’étranger. Elle a mis ses pas dans ceux du CIRA, le laboratoire du Pr Yamanaka, avec lequel elle collabore.

Si cette offre soulève des questions, qu’il s’agisse de l’accès du plus grand nombre ou de la conservation privée, alors que la position française repose sur la gratuité et l’anonymat – je vous renvoie au débat sur la conservation du sang de cordon par des banques privées –, il n’en reste pas moins que ce communiqué de presse est la plus belle démonstration que notre cadre français, si mauvais nous dit-on, n’empêche nullement nos laboratoires de travailler et même d’annoncer une première mondiale dans ce secteur si prometteur de la médecine régénératrice. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)Cessons donc de nous faire le chantage à la recherche et à la concurrence internationale. Dois-je aussi rappeler à notre collègue Jean-Louis Touraine que si, au moment de leur découverte en 2006, les cellules IPS pouvaient présenter des altérations épigénétiques, liées peut-être à une reprogrammation plus défectueuse, il est démontré que le maintien de la stabilité génomique durant la reprogrammation avait permis la production d’IPS de qualité bien supérieure.

Du fait du changement des techniques de reprogrammation, ces cellules peuvent aujourd’hui être produites sans anomalies. Elles peuvent donc être utilisées, surtout pour la modélisation et le criblage : il est donc inutile de continuer à utiliser l’embryon quand on peut faire autrement.

Enfin la commission, mais sans doute ignorait-elle que des entreprises françaises travaillaient sur le sujet avec ardeur, n’a pas réfléchi au retard que nous allons infliger à la France, paradoxalement, en ouvrant la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Elles n’ont offert aucune perspective concrète depuis plus de vingt ans. En mobilisant des équipes de chercheurs sur les cellules souches embryonnaires humaines, c’est autant de temps, autant d’énergie perdus pour la recherche sur les IPS.

M. Marc Le Fur. On se trompe !

M. Philippe Gosselin. En effet, on se trompe. Nos voisins américains et japonais, eux, ont bien compris que ces cellules reprogrammées étaient l’avenir de la recherche et ils délaissent les cellules souches embryonnaires humaines. Pourquoi donc la France mènerait-elle des combats dépassés ? Votre projet est donc, en plus, à contre-temps.

Pour conclure… (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) Nous sommes dans les temps, mes chers collègues. Pour conclure, je souhaiterais rappeler que le respect de tout être humain, particulièrement des plus fragiles, est constitutif du pacte républicain et du fondement de notre civilisation. L’honneur de la France est de refuser, une fois de plus, l’alignement sur le moins-disant éthique, ce dumping éthique qui est insoutenable, et d’oser réaffirmer avec force des valeurs comme la dignité de l’être humain.

M. Paul Giacobbi. Rien que ça !

M. Philippe Gosselin. C’est en effet la dignité due à tout être humain qui doit demeurer le guide des décisions normatives. Comme le rapporteur le rappelait lors des débats de 2004, « la dignité humaine ne se négocie pas, ne se fragmente pas, sous aucune pression scientifique, économique ou sociale. »

Il s’agit en effet, aujourd’hui comme hier, de légiférer sur une loi de bioéthique et non sur des principes de compétitivité internationale, étant rappelé tout de même que le chercheur le plus en pointe dans le monde dans ce secteur est un scientifique « nobélisé » qui a renoncé à l’embryon !

Comme vous le voyez, il est patent, indéniable, que la commission des affaires sociales n’a pas abordé le sujet dans son entière complexité. Les enjeux juridiques, éthiques et même scientifiques méritent d’être examinés, étudiés, à la lueur des expertises de tous bords et de toutes spécialités, mais aussi à la lueur d’un débat citoyen dont on nous prive.

Pour terminer en quelques mots,…

Mme Barbara Pompili. Ouf !

M. Philippe Gosselin. …– « Ouf ! », si vous voulez –, si je remets cependant en perspective ce texte, in fine, il me paraît cohérent. Cohérent avec cette vaste offensive (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP), la plus large de ces dernières décennies,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai!

M. Philippe Gosselin. … qui se met en place par touches successives sous ce Gouvernement. Une offensive ultra-libérale, voire libertaire, une œuvre utilitariste de destruction des cadres actuels et des repères de la société. C’est, ce jour, la recherche sur l’embryon ; « hier », c’était le mariage pour tous ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Mais oui, mes chers collègues !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Gosselin!

M. Philippe Gosselin. Et la révolution du droit de la filiation et de la famille !

M. Olivier Véran. Et l’avortement ?

M. Philippe Gosselin. Demain, parce que vous n’en avez pas fini,...

M. Olivier Véran. Et le préservatif ?

M. Philippe Gosselin. … demain, qui est déjà un aujourd’hui, nous aurons droit au gender puis, peut-être, à l’euthanasie, à l’assistance au suicide…

M. Jérôme Guedj. Nous allons manger les petits enfants !

M. Philippe Gosselin. Bref, tout ce qui faisait le « vivre-ensemble » autour du pacte républicain se trouve attaqué. (Exclamations continues.)

En tant que législateurs, nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de voter un texte aussi grave sans avoir pris le temps et la peine de débattre de toutes les conséquences qu’il porte. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales. Je voudrais vous répondre avec un tout petit peu d’ironie.

M. Jean Leonetti. Vous en croyez-vous capable ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le jour de la réunion de la commission, vous étiez quelques-uns et nous avions, à l’ordre du jour, deux amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Seule la rapporteure a la parole !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous ne ne vous intéressiez alors pas à ce sujet. Vous étiez totalement absents comme vous l’étiez au moment des auditions.

M. Jean Leonetti. Voulez-vous que je vous rappelle combien de fois je vous ai vue au moment de la discussion du projet de loi bioéthique ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Ces auditions ont été menées pendant plusieurs semaines et aussi pendant la semaine de suspension des travaux de l’Assemblée. Mais, que je sache, les députés continuent à travailler, même le soir, et c’est tout à fait normal.

Vous regrettez que ce texte soit issu d’une initiative parlementaire et je trouve que c’est très dommage.

M. Philippe Gosselin. Et moi je demande au Gouvernement de ne pas avancer masqué !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Vous avez longuement expliqué que, pour vous, l’initiative parlementaire n’avait aucun intérêt.

M. Jean Leonetti. Nous n’avons pas dit cela !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Bien sûr que si, monsieur Leonetti. Pourtant la proposition de loi sur la fin de vie que vous avez présentée a été examinée dans les mêmes circonstances. Je ne vois donc vraiment pas ce que vous avez à redire à notre initiative.

Ce qui m’a choquée, c’est que vous souteniez que le Gouvernement avançait caché, en catimini.

M. Philippe Gosselin. En effet, il n’y a pas d’autre mot !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Mais rappelez-vous qu’il s’agissait d’une proposition de François Hollande à Evry, au généthon.

M. Philippe Gosselin. Pourquoi, dès lors, n’est-ce pas le Gouvernement qui a présenté un texte ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Tous les arguments que vous avez développés au cours de la présentation de cette motion de renvoi en commission, nous y reviendrons bien sûr à l’occasion de l’examen des amendements.

M. Jean Leonetti. Nous ne sommes pas là pour nous faire insulter !

Mme Valérie Boyer. Nous ne sommes pas à l’école !

M. Jean Leonetti. Nous avons tout de même le droit de parler !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Je dirai toutefois dès à présent que ce que nous souhaitons, c’est une autorisation de la recherche encadrée sur les cellules souches embryonnaires par l’Agence de biomédecine. C’est dans le rapport, comme vous l’avez souligné. Il s’agit de ne plus stigmatiser les chercheurs, d’arrêter de les faire travailler dans ce climat de condamnation morale permanent et de suspicion à leur égard. Cela dans l’intérêt d’une finalité médicale, parce que les patients attendent.

M. Philippe Gosselin. C’est votre chantage habituel !

M. Jean Leonetti. Tout cela n’a pas de sens !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Roger-Gérard Schwartzenberg l’a largement évoqué.

Parmi les personnalités que nous avons auditionnées, se trouvaient des professeurs opposés à ce texte, qu’il s’agisse du professeur Alain Privat, professeur en neurobiologie à l’université de Bilbao, que vous avez cité, ou du président de l’institut Curie, Claude Huriet.

M. Philippe Gosselin. Soit seulement deux sur onze !

M. Jean-Frédéric Poisson. Quel sens de l’équité !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Nous n’avons donc pas auditionné que des personnes favorables au texte.

Il est important de souligner que nous en sommes au stade de recherches pré-cliniques du professeur Menasché sur les atteintes cardiologiques, du professeur Peschanski, dont vous avez longuement parlé, sur la maladie de Huntington et sur les ulcères cutanés, recherches qui vont avoir des retombées importantes pour les diabétiques, pour les grands brûlés. Vous ne pouvez donc pas avancer que la recherche sur les cellules souches embryonnaires ne présente pas d’intérêt.

M. Patrick Hetzel. Nous soutenons qu’il existe d’autres voies pour aboutir aux mêmes résultats !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. La dégénérescence maculaire liée à l’âge touche 1,3 millions de personnes en France et les patients attendent avec impatience qu’il y ait des progrès scientifiques qui soient réalisés dans leur intérêt.

Vous avez affirmé que les cellules souches embryonnaires n’avaient plus d’intérêt par rapport aux cellules iPS découvertes par le professeur Yamanaka qui a reçu le prix Nobel ; eh bien, sachez que ce même professeur travaille en parallèle avec les cellules souches embryonnaires et les cellules iPS.

M. Philippe Gosselin. Il y a renoncé !

M. Jean Leonetti. Il a arrêté !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Cela se pratique dans pratiquement tous les pays européens, aux Etats-Unis et dans de nombreux autres pays. La recherche française aurait tout intérêt à bénéficier d’une reconnaissance internationale en la matière. Tout le monde l’attend.

Aussi, je demanderai que cette motion de renvoi en commission ne soit pas votée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Même avis, pour les mêmes raisons. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Philippe Gosselin. Aucune réponse du Gouvernement, quel mépris !

M. Jean-Frédéric Poisson. Zéro !

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)Seul M. Braillard a la parole !

M. Thierry Braillard. Le président de notre groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, a tout à l’heure débattu du fond. Je souhaite pour ma part évoquer la forme. M. Gosselin a parlé d’éthique et j’aimerais qu’il m’écoute parce que je vais lui parler de foi – de bonne ou de mauvaise foi. (Sourires.) À l’écouter, nous aurions dû attendre une heure moins dix, une nuit d’été, pour discuter d’un texte important. Je lui rappellerai que, le 28 mars, nous étions tous prêts à examiner ce texte. M. Gosselin prétend que les radicaux ne connaissent pas le règlement de l’Assemblée mais les radicaux connaissent les règles républicaines et quand on dépose une motion, on la vote. Or vous avez déposé une motion que vous n’avez même pas votée.

M. Philippe Gosselin. Ce n’était pas sur ce texte !

M. Thierry Braillard. Votre seul objectif s’appelle l’obstruction parlementaire (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC) car vous ne vouliez pas qu’à un moment ou à un autre nous en venions au fond. Alors, monsieur Gosselin, nous allons en venir au fond et, rassurez-vous, il existe au sein de l’Assemblée une large majorité comme il en existait déjà une en 2002.

M. Bruno Le Roux. C’est le fils de Tourret, je l’ai reconnu !

M. Thierry Braillard. De nombreux responsables de votre parti, à l’époque, étaient favorables à la proposition que nous vous présentons. Mais il est vrai que les temps ont changé.

Ensuite, vous avez rappelé comment les demandes de dérogation étaient acceptées. Or la plupart sont rejetées…

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas vrai !

M. Thierry Braillard. …et, lorsqu’elles sont acceptées, elles font l’objet de recours systématiques ; c’est pourquoi notre recherche se trouve mal en point dans le domaine qui nous occupe.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous vous livrez à une réinterprétation permanente !

M. Thierry Braillard. Enfin, nous avons entendu que la recherche sur les embryons, ces êtres humains qui sont jetés à la poubelles une fois qu’ils ne sont plus utilisés, ce qui ne vous dérange pas, serait ainsi menée, selon vous, à l’envi, sans que les parents potentiels soient informés.

M. Jérôme Guedj. Il faut leur consentement !

M. Thierry Braillard. Je vous rappelle que le texte prévoit très clairement que la recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus.

M. Jérôme Guedj. Et il est révocable jusqu’au bout !

M. Thierry Braillard. Dès lors, les choses sont claires. Sauf extraordinaire, l’UMP votera sa motion, qui sait… Pour notre part, nous voterons bien sûr contre. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Je vois que nos collègues de l’opposition proposent de renvoyer ce texte…

M. Bruno Le Roux. Aux calendes grecques !

Mme Jacqueline Fraysse. … en commission mais je ferai observer, et la rapporteure l’a très justement rappelé à l’instant, que vous n’y avez déposé que deux amendements. C’est dire tout l’intérêt que vous portez aux travaux de la commission ; et, curieusement, vous en déposez 280 en séance !

M. Jean-Frédéric Poisson. Et il en manque !

M. Bruno Le Roux. Ils ont été déposés à la dernière minute !

Mme la présidente. Seule madame Fraysse a la parole !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est, me semble-t-il, la démonstration que, d’une part, vous n’avez absolument pas envie de travailler de manière constructive et sérieuse au sein d’une commission,…

M. Jérôme Guedj. Eh oui, et voilà un an que ça dure !

M. Bruno Le Roux. Ces amendements sont tombés du ciel !

Mme Jacqueline Fraysse. … et, d’autre part, que cette attitude permanente d’obstruction, c’est votre façon, finalement, de mener le débat sur un sujet pourtant d’une très grande importance.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est vrai que vous ne nous aviez pas habitués à l’obstruction !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un comportement qui ne vous grandit pas et nous voterons contre cette motion de renvoi en commission…

M. Jean Leonetti. Et voilà, les communistes se mettent au garde-à-vous !

Mme Jacqueline Fraysse. … qui est un faux-semblant. Cette motion, je le répète, dénote une attitude lamentable d’obstruction sur un texte majeur. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, RRDP, écologiste et SRC. – « Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. L’opposition vous dérange !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Olivier Véran. Après vingt-neuf longues, très longues minutes oscillant tantôt du côté de la pseudo-science, tantôt du côté du franc obscurantisme, je note que M. Gosselin a finalement craqué à la dernière minute et fait l’amalgame qui veut tout dire puisqu’il a établi un lien entre ce texte sur la recherche sur les cellules souches et la loi instaurant le mariage pour tous.

M. Jérôme Guedj. Eh oui !

Mme Valérie Boyer. Vous voulez nous faire changer de monde !

M. Olivier Véran. Si je comprends bien, mes chers collègues, le combat, puisqu’il s’agit bien d’un combat, que vous êtes en train de livrer au nom d’une certaine morale,… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Du calme, mes chers collègues !

M. Olivier Véran. …serait plus noble que l’impératif d’apporter des solutions aux souffrances des hommes, plus important que l’enjeu de sauver des vies, guérir des maladies génétiques, régénérer des cellules du cœur après un infarctus du myocarde.

Vous avez, monsieur Gosselin, utilisé une bonne vingtaine de fois le mot « éthique ». Le fait qu’aujourd’hui ce soit vous, militant contre la recherche,…

M. Philippe Gosselin. Contre une certaine recherche !

M. Olivier Véran. …qui vous référiez à l’éthique, constitue un paradoxe. L’éthique n’est pas la morale, monsieur Gosselin, elle est un raisonnement critique, objectif, qui permet la réalisation du bien par delà les dogmes moraux. L’éthique n’est pas la pensée dogmatique,…

M. Nicolas Dhuicq. Alors le socialisme n’est pas éthique !

M. Olivier Véran. …elle n’obéit pas à des devoirs mais répond à des besoins jugés nécessaires au bonheur de tous. Cette référence que vous faites à l’éthique est aussi outrancière que paradoxale. Cessez donc de cacher vos dogmes derrière l’étendard de l’éthique, cessez d’ailleurs d’invoquer l’éthique que vous faites la gardienne par excellence de votre croisade morale.

M. Christian Paul. Excellent !

M. Olivier Véran. Quant à l’éthique, que nous dit-elle ? Vous l’avez rappelé vous-même lorsque vous avez parlé de barrière symbolique. Le Comité consultatif national d’éthique l’a indiqué en 2001 : nous pouvons aller vers un régime d’autorisation encadré de la recherche permise sur les seuls embryons surnuméraires, c’est-à-dire précisément un avis conforme au présent texte. Saisi une nouvelle fois en 2010,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Doit-on vous rappeler que ledit Comité n’est pas le Parlement ?

M. Olivier Véran. …vous l’avez rappelé également, le conseil précise qu’on ne protège pas l’embryon de la destruction en interdisant la recherche. Assumez donc vos postulats moraux, mes chers collègues, en tant que ce qu’ils sont réellement, à savoir non des considérations éthiques mais des dogmes.

M. Philippe Gosselin. Ça vous va bien de tenir ce genre de propos !

M. Olivier Véran. Je citerai un chercheur de l’AFM-Téléthon : « Si ces enfants ont la force de combattre leur maladie, je me dois d’avoir la force de chercher un moyen de les aider. » La France, mes chers collègues, a déjà pris un retard considérable en matière de recherche cellulaire. Ne grevons pas davantage les chances de progrès médical ; revenons-en à des considérations rationnelles, laïques, scientifiques et éthiques.

Le groupe SRC appelle à rejeter la motion et à voter pour de bon cette très belle proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Boyer. Si l’on avait un doute sur la nécessité de renvoyer ce texte en commission, vous nous l’avez ôté.

M. Jean Leonetti. C’est vrai !

Mme Valérie Boyer. Vous considérez donc nos positions comme particulièrement outrancières, paradoxales ! C’est votre vision de l’éthique. Nous considérons pour notre part que l’embryon est porteur d’avenir, qu’il est une personne humaine en devenir, comme le dit d’ailleurs le comité national d’éthique ; ce n’est pas un amas de cellules,…

M. Gérard Sebaoun. Si, c’est un amas de cellules !

Mme Valérie Boyer. … ce n’est pas ce que vous voulez en faire.

Nous sommes ici en tant que législateurs pour respecter les plus fragiles. Il faut que nous soyons dignes, dignes de notre rôle de législateurs et nous ne devons pas céder aux sirènes de l’industrie et de la finance comme vous le faites. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous avancez masqués, avec un faux-nez. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Veuillez écouter l’oratrice, je vous prie !

Mme Valérie Boyer. Ce n’est pas moi qui l’affirme et vous le savez parfaitement ! Vous voulez rendre notre pays plus attractif pour l’industrie et la recherche sur l’embryon. Vous voulez qu’on change de monde. C’est ce que vous êtes en train de faire et c’est particulièrement scandaleux. Je suis choquée.

Vous considérez que ce texte est important. Or, non seulement Mme la ministre tient des propos provocateurs mais, au moment de défendre le texte, elle se contente de dire que son avis est le même que celui du rapporteur. Je ne comprends pas.

Quant à vous, monsieur Véran, quand vous nous dites que notre vision est outrancière et paradoxale, d’abord cela ne veut rien dire…

M. Jean-Luc Laurent. Mais si ! C’est juste !

Mme Valérie Boyer. … et surtout, permettez-moi de vous renvoyer à vos classiques : vous n’avez lu ni Spinoza, ni Heidegger, ni Hannah Arendt ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Vous prenez des risques, là !

Mme Valérie Boyer. Et que dire de la façon dont vous vous exprimez ! Au lieu de rassembler, au lieu d’essayer de nous convaincre, vous faites uniquement de la provocation ! Ce n’est pas ce que nous attendons sur ce genre de texte ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues ! Il faut s’écouter, c’est un minimum !

Mme Valérie Boyer. Vous légiférez, vous organisez et vous promettez aux Français le « meilleur des mondes », mais en réalité vous prévoyez le pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Parfaitement ! Vous prévoyez le pire pour notre pays, qui était jusqu’à présent considéré comme une référence, justement parce qu’il dispose d’un Conseil national d’éthique et que nous avions prévu d’organiser des états généraux de la bioéthique. Vous passez outre tout cela ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Luc Belot. Votre temps est écoulé !

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure.

Mme Valérie Boyer. Vous passez outre la parole du peuple ! (Mêmes mouvements.) Cela vous fait rire, mais cela ne fait pas rire les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme Laurence Dumont. Cela ne nous fait pas rire, cela nous afflige.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Notre débat n’est pas scientifique : nous ne sommes pas ici pour avoir un débat de fond sur la science…

M. Christian Paul. C’est sûr !

M. Jean-Christophe Fromantin. … mais pour avoir un débat politique. Il appartient donc à chacun d’entre nous de prendre ses responsabilités, en conscience et en accord avec ses convictions.

M. Christian Paul. D’où la présence de votre groupe au complet !

M. Bruno Le Roux. C’est un moment de solitude pour vous !

M. Jean-Christophe Fromantin. Acceptez donc, chers collègues, que chacun s’exprime en confiance, fort de ses convictions, sur un sujet comme celui-ci, et cessez de rire à chaque fois que l’un d’entre nous parle d’éthique, comme notre collègue Philippe Gosselin l’a fait à l’instant, en défendant sa motion de renvoi en commission

Pour moi, la politique, c’est la responsabilité, et ce texte nous renvoie justement à nos responsabilités. Or le Gouvernement n’assume pas les siennes, lorsqu’il nous fait certaines propositions. C’est le cas, premièrement, lorsqu’il propose de substituer à la décision et à l’autorisation des ministres celles de l’Agence de biomédecine. Sur un sujet comme celui-ci, il y a une responsabilité politique. Pourquoi la nier ? Pourquoi l’abdiquer ? Pourquoi démissionner, en enlevant aux membres du Gouvernement cette responsabilité dérogatoire, que la loi leur reconnaissait jusqu’à présent ?

Il y a, deuxièmement, une responsabilité vis-à-vis des familles. Celles-ci, on l’a dit, ne sont plus informées, non pas qu’il va être fait usage des embryons, mais de la nature des recherches qui seront faites sur eux.

M. Gérard Sebaoun. N’importe quoi !

M. Jean-Christophe Fromantin. Ce manque d’information, inscrit dans la loi, est une négation de la responsabilité de chacun.

Troisième manquement à nos responsabilités : les formes éthiques de recherche régénératrice ne seront plus privilégiées. En ce domaine aussi, cela a été dit, il est de notre responsabilité d’essayer de privilégier des formes éthiques, au détriment de la facilité, à laquelle ce texte nous encourage.

Enfin, élément essentiel de ce texte, les décisions de l’Agence de biomédecine ne seront plus motivées. Motiver le pourquoi, motiver les raisons, motiver les décisions : voilà une exigence qui devrait interpeller notre responsabilité politique.

Pour toutes ces raisons, je voterai pour cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Je vous ai écouté, monsieur Gosselin, après M. Leonetti, et je dois dire que j’ai trouvé vos arguments bien faibles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas nous !

Mme Valérie Boyer. Vous l’avez mal écouté !

M. François de Rugy. Vous nous avez dit que la raison pour laquelle il ne fallait pas changer la loi de bioéthique de 2011, c’est que son encre était à peine sèche – c’est l’expression que vous avez employée ! Vous étiez déjà député, comme moi, en 2011, et vous vous souvenez donc des débats qui ont eu lieu à l’époque. Vous vous rappelez que nous autres, qui étions alors députés de l’opposition, nous nous étions engagés à revenir sur les blocages que vous avez alors institués, notamment sur cette question, mais aussi sur la fin de vie, ou encore sur d’autres questions très concrètes, comme le don d’organes.

M. Jean Leonetti. Que fallait-il faire, sur le don d’organes, que nous n’avons pas fait ?

M. François de Rugy. Je me souviens d’un débat très intéressant, au cours duquel le ministre de l’époque, Xavier Bertrand, qui était d’accord avec nous, avait dû affronter le conservatisme de votre majorité d’alors.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est terrible !

M. François de Rugy. Eh bien, nous tenons parole : nous avions dit que nous y reviendrions, et nous y revenons. Nous avons été élus pour cela.

Monsieur Gosselin, vous avez dit que nous n’avions pas suffisamment débattu et vous avez essayé de nous opposer des arguments d’une haute tenue : vous avez parlé de l’heure du débat, du délai de dépôt des amendements, de la session extraordinaire, de l’heure qui avait changé. Mais vous avez oublié de dire, pour celles et ceux qui nous suivraient de près, que c’est vous qui avez tout fait pour que l’on débatte de ce sujet à une heure du matin. Vous avez tout fait pour retarder nos débats de cet après-midi, sur un texte qui ne vous intéressait absolument pas.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas nous qui avons lu trois fois le texte du Comité national d’éthique et deux fois le discours de la ministre !

M. François de Rugy. Plus sérieusement, monsieur Gosselin, vous avez employé des arguments qui méritent qu’on s’y attarde et qu’on les souligne. Vous avez parlé de « personne humaine » au sujet d’un embryon de moins de huit semaines. En vérité, – tout le monde le sait très bien – vous n’avez pas voulu le dire, mais vous voulez rouvrir des vieux débats, comme celui sur l’interruption volontaire de grossesse.

M. Jérôme Guedj. Il en a parlé, d’ailleurs !

M. François de Rugy. Tout le monde le comprend bien, quand vous employez des expressions pareilles ! Et Mme Boyer vient de faire la même chose après vous, en parlant d’une « personne en devenir » au sujet d’un embryon de moins de huit semaines. Elle a même parlé d’une personne fragile qu’il faut protéger ! C’est clair, c’est net : vous voulez rouvrir le débat sur l’interruption volontaire de grossesse.

M. Philippe Gosselin. Il n’en a été question à aucun moment.

M. François de Rugy. Vous voulez rouvrir ces vieux débats et faire reculer notre législation.

Monsieur Gosselin, vous nous avez taxé d’idéologie et de dogmatisme, mais vous n’avez pas explicité vos propos. Moi, j’ai le sentiment que l’idéologie et le dogmatisme sont de votre côté. M. Leonetti a fait une allusion au pape : quel besoin avait-il de faire cela ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Que venait faire le pape dans ce débat, pouvez-vous me le dire ?

Je vais conclure ici, madame la présidente. Nous avons eu, la semaine dernière, le débat sur le cumul des mandats, et la semaine précédente celui sur la transparence, au cours desquels vous nous avez fait de longues litanies sur les députés hors-sol. Eh bien, en vous entendant, monsieur Gosselin, monsieur Leonetti, j’ai vraiment eu l’impression d’être face à des députés hors-sol. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce que Mme Orliac et nos collègues du groupe RRDP ont voulu poser, ce sont des questions concrètes : le soin des maladies neurodégénératives, la situation des Françaises et des Français qui sont atteints de la maladie d’Alzheimer et qui attendent des recherches et des résultats (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP - Exclamations sur les bancs du groupe UMP), c’est la vie des personnes qui sont atteintes à la moelle épinière, de celles qui ont des cellules atteintes et qui attendent des résultats.

M. Philippe Gosselin. C’est un odieux chantage ! C’est malhonnête !

M. François de Rugy. C’est pourquoi nous voulons continuer le débat, et nous rejetterons votre motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti, pour un rappel au règlement.

M. Jean Leonetti. Les propos qui viennent d’être tenus, le fait que la ministre n’ait pas daigné répondre à une motion présentée par l’opposition…

M. Patrick Hetzel. C’est très grave ! Mais elle n’a peut-être rien à dire !

Mme Jacqueline Fraysse. Elle a beaucoup de patience, la ministre !

M. Jean Leonetti. … le fait que le clivage et la caricature soient la règle, à l’exception de quelques orateurs – et je remercie M. Schwartzenberg de ses propos équilibrés et modérés –, tout cela montre que vous avez décidé de passer en force

Nous allons vous dire les choses très simplement : vous ne respectez pas la loi dont nous nous sommes dotés ensemble. Nous avions dit que nous demanderions son avis au Comité national d’éthique, et vous ne voulez pas le faire, pour la simple et bonne raison que vous avez peur de son avis.

M. Denys Robiliard. On l’a déjà fait !

M. Jean Leonetti. Nous avons dit que nous voulions un débat citoyen, comme la loi l’implique, et vous avez dit que vous n’en vouliez pas, parce que vous avez peur du peuple.

Madame la ministre, dans votre mutisme et dans vos arguments lus à l’ensemble de la représentation nationale, il y a un mépris profond. Vous avez choisi une optique et vous nous dite que, puisque les scientifiques la veulent, vous allez nous l’imposer.

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Vous oubliez les patients et les familles.

M. Jean Leonetti. Votre manière d’aborder ce débat éthique, sans essayer de l’approfondir, sans écouter la diversité des points de vue, sans entrer dans la complexité du sujet et sans être habitée par le moindre doute, avec l’idée que vous êtes de toute façon du côté du bien et nous du côté du mal, que vous êtes du côté de la science et nous du côté de la morale, c’est une vision caricaturale, qui me paraît inacceptable dans un débat de ce type.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. Jean Leonetti. J’espère que demain, vous nous ferez l’honneur de bien vouloir répondre de manière argumentée à nos propositions, parce qu’il s’agit d’un débat éthique, et pas du passage en force d’un Gouvernement qui, n’ayant pas su présenter lui-même un projet de loi, profite de la proposition de loi d’un groupe minoritaire de la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la proposition de loi tendant à modifier la loi relative à la bioéthique en autorisant, sous certaines conditions, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 11 juillet 2013, à une heure dix minutes.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron